L'extraterritorialité du droit américain et la violation des droits de l'homme par les sociétés transnationales( Télécharger le fichier original )par Clémentine BACRI Paris-1 Panthéon Sorbonne - M2 Droit anglais et nord-américain des affaires 2009 |
C. Le Droit Publici. FEDERAL TORT CLAIMS ACT Lorsqu'une STN qui viole les Droits de l'Homme agit en tant qu'instrument du Gouvernement américain, il est possible d'attraire le Gouvernement lui-même en vertu du Federal Tort Claims Act, ou FTCA135 de 1946. Selon cette loi, l'Administration Fédérale américaine renonce à son immunité générale dans le domaine de la responsabilité civile délictuelle - premier et seul exemple dans le Monde136 . 131 RF DRINIAN and TF KUO `Putting the World's Oppressors on Trial: The Torture Victim Protection Act' (1993) 15 Human Rights Quarterly 605, 612. 132 TVPA (n 40) s 2(b). 133 Senate Report No 102-249 (26 November 1991) 1991 WL 258662, 9-10. 134 TVPA (n 40) s 2(c). 135 28 USC §§ 1346(b), 1402(b), 2401(b), 2671-2680. 136 Selon George A. BERMANN « La responsabilité civile des fonctionnaires au niveau fédéral aux États-Unis : vers la solution d'une crise », Revue internationale de droit comparé, 1983, vol. 35, n° 2, pp. 319-351.accessible sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc 0035-3337 1983 num 35 2 4339 Consulté le 26 juillet 2009 Ce principe d'immunité signifie que le Gouvernement fédéral ne peut pas être attrait en justice, sauf avec le consentement du Congrès137 . Par conséquent, il n'y a pas de renonciation générale à cette immunité, mais seulement une renonciation partielle et expresse. Le FCPA a d'ailleurs précisé qu'il excluait l'immunité du Gouvernement pour 13 « exceptions spécifiques ». Parmi celles-ci, citons « la perte, l'égarement ou la transmission non diligente de lettres ou de paquets postaux 138 », ou « les dommages causés par les opérations fiscales du Trésor ou par la réglementation du système monétaire139 », ou les réclamations « s'élevant à l'occasion des activités de guerre des forces militaires ou navales, ou des gardes-côtes, en temps de guerre140 ». Parmi les obstacles les plus insurmontables et les plus contestables de cette liste, citons l'exception pour les actes discrétionnaires de l'Administration, « que l'élément de discrétion en cause ait été abusif ou non » et que la loi ou le règlement sur laquelle se fonde cette action « soit valide ou non »141, ou l'exonération pour acte dommageable intentionnel142. Outre ces exceptions, le Gouvernement fédéral américain sera jugé responsable des actes d'une STN si cette dernière « agit comme un instrument ou une agence des États-Unis 143», ce qui sera le cas si144 . : - le Gouvernement fédéral contrôle l'activité quotidienne de la STN - est impliqué dans les finances de la STN - la STN poursuit une mission de politique publique fédérale, etc. Une autre limite essentielle à l'application du FTCA, consiste en l'exclusion des actes de l'Administration commis dans un État autre que les États-Unis145 . A priori, nous sortons ici des limites de notre étude, puisque l'action judiciaire administrative intentée contre une STN et le Gouvernement fédéral, pour des actes de violation des Droits de l'Homme commis hors du territoire américain, est exclue. 137 Ce principe est exprimé entre autres dans Ickes v Fox 300 US 82 (US SC 1937) 96 : «...no rule is better settled than that the United States cannot be sued except when Congress has so provided» 138 28 U.S.C. § 2680(b) (1981). 139 Ibid. § 2680 (i). 140 Ibid. § 2680 (j). 141 Ibid. § 2680(a). 142 Cela vise l'exclusion de l'indemnisation en cas de demandes fondées sur les délits suivants : tentative de voie de fait, voie de fait, détention arbitraire, arrestation abusive, poursuites abusives, abus de procédure, diffamation écrite et verbale, fausse déclaration, dol, immixtion d'autrui dans les droits contractuels. Toutefois cette dernière exception a été restreinte en 1974, à la suite des abus de la police au cours des perquisitions et des arrestations qu'elle a effectuée dans les années 60 et 70. 143 Ibid. § 2671. 144 Ibid. 1240 ff, et suivants. 145 FTCA (n 162) §2680(k). Précisions toutefois cette exception, au regard de la jurisprudence Sosa146 : le requérant mexicain avait été arrêté et amené de force aux États-Unis par des policiers mexicains. Il a intenté une action civile contre l'un des mexicains ayant participé à son « arrestation », en alléguant l'arrestation arbitraire et la détention dont il a été victime. La Cour d'Appel avait jugé que même si les faits incriminés s'étaient déroulés à Mexico, ils furent planifiés en Californie par la States Drug Enforcement Agency. Par conséquent, la doctrine du « quartier général147 » était applicable, selon laquelle les actes qui se sont déroulés dans un État étranger, mais qui ont été planifiés aux États-Unis148, sont invocables sur le fondement du FTCA. En effet, l'on considère alors que les actes se sont déroulés aux États-Unis, mais ont produit leurs effets hors des frontières américaines149 . Cette position de la Cour d'Appel fut rejetée par la Cour Suprême, sur trois moyens : - En 1er lieu, même si l'enlèvement a été planifié aux États-Unis, l'acte lui-même a eu lieu à Mexico 150 . - En 2nd lieu, les Cours américaines doivent dans un tel cas appliquer la lex loci delicti, pour déterminer les responsabilités encourues pour des actes commis à l'étranger - En 3e lieu, le Congrès a expressément exclu une telle possibilité sous le FTCA151 . La Cour a conclu que « l'exception de l'État étranger prévu par le FTCA exclu tout procès fondé sur un dommage causé dans un État étranger, indépendamment du lieu où l'acte / l'omission délictuelle a eu lieu152 ». Par conséquent, le FTCA n'est pas applicable pour les violations des Droits de l'Homme perpétrées par des STNs hors des États-Unis, et nous arrêterons donc ici son étude. Pour conclure sur ce recensement du droit applicable aux STNs ayant violé les Droits de l'Homme hors des États-Unis, citons -sans la développer - la proposition faite par Ludovic HENNEBEL 153 : selon lui, il serait envisageable de fonder une action judiciaire sur le paragraphe 1331 du Titre 28 du U.S.C. , afin d'agir contre les STNs pour violation du Droit International coutumier. Cette base légale serait supplétive à l'ATCA, en ce qu'elle pourrait être utilisée « si le droit d'action fondé sur l'ATCA était remis en question par les autorités américaines ». 146 Cet arrêt précité était fondé à la fois sur l'ATCA, tel que nous l'avons vu, mais aussi sur le FTCA. Et lors de sa décision, la Cour a précisé la condition de « l'État étranger » 147 « headquarters doctrine » 148 Cf. Ibid 758 : «...proximately caused by acts in the United States» 149 Cf. Ibid 701-02. 150 Ibid 704. 151 Ibid 705-7 10. 152 Ibid 712. 153 Cf. supra, « l'affaire Total Unocal en Birmanie » Ce paragraphe 1331 dispose : « The district courts shall have original jurisdiction of all civil actions arising under the Constitution, laws, or treaties of the United States ». Selon l'auteur, cette disposition inclut également le Droit International coutumier comme droit spécial de la Common Law. Il s'agit d'une proposition intéressante, qui va peut être se développer, mais pour l'instant uniquement spéculative, nous ne l'étudierons donc pas. *** |
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