B. MÉTHODE ET TECHNIQUES DE RECHERCHE
1. MÉTHODOLOGIE
« Le propre de la méthode, dit A. Kaplan (1964),
est d'aider à comprendre au sens le plus large, non les résultats
de la recherche scientifique, mais le processus de recherche lui- même.
» Considérée au sens philosophique comme une somme
d'activités spirituelles permettant à un domaine particulier de
la connaissance d'atteindre, de vérifier et de démontrer les
vérités qu'elle recherche, la méthode surtout «
dicte(...) des façons concrètes d'envisager ou d'organiser la
recherche » ( Madeleine Grawitz, 2001, 351). Fort de cela, la
vérification des hypothèses apportées au questionnement de
notre travail nous conduira vers deux approches : l'analyse stratégique
et la méthode historique. Parce que liée, selon Grawitz, à
une tentative d'explication, le choix de l'approche historique se justifie
également par le fait qu'elle est empirique et implique de ce fait des
observations concrètes. A côté de celle-ci, sera
associée l'analyse du système d'action et de relation
chère au fonctionnalisme stratégique de Crozier. Cette
dernière nous permettra, tout en restant dans la perspective historique,
d'examiner la place de l'acteur/agent dans le système des relations
établis entre les deux parties.
Dans la perspective stratégique en effet, les relations
Cameroun-UNESCO sont productrices d'un ensemble de pratiques mobilisées
par des acteurs aux rationalités différentes. Celles-ci sont
productrices de méthodes et d'institutions irréductibles à
la somme de ces actions, ainsi qu'aux aspirations des individualités.
Exprimé autrement, la coopération Cameroun-UNESCO est
fédératrice d'un « système », qui lui-même
rentre en rapport avec les acteurs dont l'existence ne peut se concevoir en
dehors de ce système qui en retour, définit la liberté et
la rationalité mobilisées par ceux-ci dans leur action. Mais
également, le système de relations établies entre les deux
parties n'existe que grâce à ces acteurs qui seuls peuvent le
façonner en même temps qu'ils lui procurent un sens. C'est fort de
cela que Crozier et Friedberg notent que « c'est de la juxtaposition de
ces deux logiques que naissent ces contraintes de l'action organisée
». (Crozier et Friedberg, 1977 : 9) Il s'agit en effet d'une construction
sociale de la réalité au sein de laquelle les acteurs
relativement autonomes sont engagés dans une « configuration »
en vue de résoudre le plus fondamental des problèmes posés
dans leur mode d'action collective : celui « de leur coopération en
vue de
l'accomplissement d'objectifs communs, malgré leurs
orientations différentes » (Crozier et Friedberg, 1977 :13) Dans
notre cas d'espèce, il est question de la coopération en vue de
la promotion des idéaux de paix par le biais d'un certain nombre de
programmes de développement.
C'est dire aussi que l'examen des relations Cameroun-UNESCO en
tant que lien permet ainsi d'observer le « pouvoir » comme fondement
de l'action organisée. Car du point de vue de l'acteur, le pouvoir, en
tant qu'action de groupes ou d'individus sur d'autres groupes ou individus,
s'entend en termes de relation, qui peut être instrumentale (quand les
acteurs sont motivés par un but), non transitive (car une
hiérarchie reste indispensable pour obtenir des actions), et enfin
réciproque (mais déséquilibrée afin d'obtenir des
forces de pouvoir). Cette approche par le système d'action et des
relations permet également d'appréhender le « jeu »
comme instrument de l'action organisée ». (ibidem, 79)
L'analyse stratégique adoptée par nos auteurs
conçoit l'organisation comme un ensemble de « jeux
structurés » les uns aux autres, c'est-à-dire, ensemble de
stratégies possibles. Ici, le jeu (ou stratégies) est ce «
mécanisme concret grâce auquel les hommes structurent leurs
relations de pouvoir et les régularisent tout en leur laissant en se
laissant- leur liberté », de façon à profiter des
écarts pour créer de nouvelles opportunités et
réaliser des transformations de l'ensemble du jeu. C'est pourquoi nos
auteurs considèrent le jeu comme un instrument de l'action
organisée. Cette approche qui restitue la place de l'acteur au sein de
toute organisation ne minore pas pour autant le rôle du groupe dans la
mesure où cette entreprise organisée s'inscrit prioritairement
dans l' « action collective ». En cela, elle se complète avec
l'approche historique qui elle, est réellement holistique.
La méthode historique ici sera
appréhendée dans la perspective synchronique et diachronique.
Diachronique dans la mesure où elle nous permet d'appréhender la
coopération Cameroun-UNESCO depuis ses origines (1961), afin d'en
remonter les faits marquants qui aujourd'hui, permettent
l'intelligibilité. Aussi peut-on difficilement concevoir une explication
qui ne soit à la fois génétique et historique. (Grawitz,
op. cit, 422)
Bien entendu, il nous sied de mettre à la marge de
notre démarche, « l'idole chronologique » qui conçoit
l'histoire comme un rouleau ininterrompu. Aussi cette dernière qui
généralement amène à considérer toutes les
époques comme également importantes, et de ce fait
considère tous les faits et tous les moments comme indifféremment
dignes d'études, comme susceptible d'une même étude, ne
s'aperçoit pas que certaines périodes sont plus
caractéristiques et importantes que d'autres. C'est pourquoi nous
convenons avec Lacombe que la constitution de « l'histoire science »
est un ouvrage qui s'impose à notre temps. Ainsi,
plutôt que de dérouler mécaniquement et
indéfiniment le tissu de la chronologie pure et simple des relations
Cameroun-UNESCO, il nous faudrait plutôt rechercher des périodes
et groupements explicatifs, d'une cohérence objective, afin de
déterminer les vrais rapports.
Ce qui est possible avec la perspective synchronique, qui
à travers la sélection et l'observation de l'ensemble de
pratiques résultants de certains faits probants tels que les OMD, l'EPT,
le programme de financement des radios communautaires et autres projets,
constitue une option essentielle de notre travail. Et parce que le
matérialisme historique applique les principes du matérialisme
dialectique aux phénomènes de la vie sociale, à
l'étude la société, et à l'étude de
l'histoire de la société, cette méthode veut que les
phénomènes soient considérés non seulement du point
de vue de leur relation et de leur conditionnement réciproque, mais
aussi du point de vue de leur mouvement, changement, développement,
apparition et disparition. (Marx et Engel) En cela, nous comprendrions
peut-être mieux pourquoi certains projets réussissent tandis que
d'autres n'ont qu'une courte durée d'existence. Il s'agit en effet d'une
méthode considérablement ancrée sur les faits et la
réalité, fut-elle en mouvement, le fait social étant
à la fois unique et historique. (ibidem : 393)
En effet, parce que notre étude porte sur l'impact de
ladite coopération au sein de la société camerounaise pour
l'essentiel, il importe de garder à l'esprit que « l'existence de
l'homme en tant qu'être individuelle est indissociable de son existence
en tant qu'être social » (Elias, 1987 :241). Mais si la
méthode constitue « une conception intellectuelle coordonnant un
ensemble d'opérations », très souvent est-elle
associée à des procédés opératoires assez
rigoureux et biens définis, et qui de surcroît, permettent
d'appréhender les problèmes lorsque ceux-ci sont
clarifiés. Il s'agit en un mot des techniques.
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