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Etude du projet de reboisement de palétuviers rhizophora en basse-casamance (sénégal) par l'ONG océanium.

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par Nicolas FAUGERE
ISTOM - Ingénieur en Agro-Développement International 2009
  

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III.6.2. Comment doit se faire la sensibilisation

Une sensibilisation particulière doit être adressée aux pêcheurs migrants pour le respect des règles coutumières d'exploitation de la mangrove (définies précédemment, cf. partie page 52). L'objectif est de réduire la probabilité du risque de coupe, c'est-à-dire de prévenir le risque de coupe.

La sensibilisation à la gestion durable des ressources halieutiques doit aborder son rôle essentiel dans la nutrition des casamançais. La plus grande partie des débarquements en

68 On peut distinguer les circuits courts et circuits longs de commercialisation du poisson frais. Les circuits courts s'inscrivent essentiellement dans l'espace économique régional casamançais, voir sous-régional : approvisionnement des hôtels et des petits marchés (Oussouye, Bignona). Les circuits longs sont le fait d'agents plus spécialisés qui disposent de moyens techniques plus élaborés (véhicules, pirogues glacières). Ils approvisionnent les marchés de Ziguinchor et de Moyenne et Haute Casamance (Kolda, Vélingara) ainsi que les marchés d'autres régions (Kaolack, Dakar) où ils écoulent des produits de haute valeur commerciale (brochets, capitaines) (La gestion de l'espace aquatique en Casamance, 1986). Les acteurs de la commercialisation en frais sont les mareyeurs, les « bana-bana » et les détaillants (présents sur les marchés). Les mareyeurs sont des commerçants spécialisés qui disposent le plus souvent de leur propre véhicule et opèrent sur les circuits longs. Les « bana-bana » sont des semi-grossistes qui travaillent pour les mareyeurs sur les points de débarquements. Ils collectent le poisson auprès des piroguiers.

Casamance est destinée à la satisfaction des besoins alimentaires locaux (CHABOUD, 1987). Le plat principal des Diola est le niankatang et se compose de riz blanc agrémenté d'une sauce à l'huile de palme et de petits poissons. Une enquête réalisée par l'ORANA69 en 1979 indique une consommation moyenne quotidienne par tête de 66 g de poisson dont 62 g de poisson frais. Les produits d'origine halieutique représentent 15% du total des protéines consommées et 67% des protéines d'origine animale. On observe, cependant, une importante variabilité de la consommation selon la situation géographique. La consommation s'élève à 132 g en zone maritime pour chuter à 31 g dans les zones éloignées des points de débarquement (CHABOUD, 1987). Les utilisateurs des techniques de pêche qui ciblent les alevins doivent être sensibilisés au problème de renouvellement de la ressource.

Il est cependant important de différencier la sensibilisation suivant les techniques de pêche et les espèces pêchées. L'outil de pêche le plus utilisé en Casamance est le filet maillant : le filet maillant dérivant70 est utilisé par 54% des organisations de pêcheurs, le filet maillant dormant par 16 % et le filet mailant encerclant par 6% (IDEE Casamance, 2008). Les espèces pêchées dépendent de la technique utilisée. Les espèces principalement ciblées par le filet maillant sont les ethmaloses et les mulets. Le filet maillant est la technique de pêche la plus destructrice car c'est celle qui rapporte le plus avec le moins de moyens71 (IDEE Casamance, 2008). La pêche continentale ne doit pas être exclue. Deux types d'aménagement sont utilisés en Basse-Casamance: les barrages-palissades et les bassins piscicoles72 (CORMIER-SALEM, 1986).

La sensibilisation doit aborder l'ensemble des intérêts qu'ont les villageois à reboiser. Pour cela, nous dressons la participation de la mangrove à Rhizophora aux valeurs économiques.

La mangrove est une valeur commerciale

Du point de vue commercial pour la Basse-Casamance, Rhizophora sert surtout à la culture des huîtres. On estime la quantité variable d'huîtres prélevées dans la mangrove entre 1.000 tonnes et 15.000 tonnes/an ou encore entre 2 et 30 millions de douzaines d'huîtres en coques (CORMIER-SALEM, 1989b). Rhizophora mangle est aussi une plante mellifère (FAO, 2005).

La quantité de crevettes pêchées dans les mangroves a beaucoup diminué en Basse- Casamance, au point que l'usine de transformation de Ziguinchor a fermé. Cependant l'amélioration des conditions environnementales, notamment des mangroves, permet le retour des crevettes (LE RESTE, 1987).

L'ensemble de la chaine d'utilisation des productions de l'écosystème de mangrove en Casamance est repris dans l'annexe 5, page 90. Le projet peut envisager de valoriser ses utilisations, ou d'inciter les villageois au reboisement en présentant les productions de la mangrove comme une source de sécurisation des revenus.

La mangrove est une protection

69 Organisme de Recherche sur l'Alimentation et la Nutrition Africaine, créé en 1953

70 Deux types de filets maillants dérivants sont utilisés en Casamance : celui de surface et celui de fond.

71 La pêche au filet dormant ne nécessite pas beaucoup de carburant, car les lieux de pêche sont situés près de la côte.

72 Les bassins piscicoles sont des aménagements hydrauliques situés en aval des rizières et sont utilisés pour une pêche extensive.

La mangrove offre de protection pour les villages à sa proximité (SAENGER, 1983). Elle protège les habitations contre les embruns et les vents. Le schéma ci-après illustre qu'ils sont très présents en Basse-Casamance.

Schéma 16 : Anémographes de fréquence et de directions des vents au sol entre 1971 et 1982 à Ziguinchor (DIOP, 1990).

Légende : Les chiffres au centre du cercle indiquent les vitesses maximum et minimum enregistrées en m/s. La longueur des segments calculée à partir du cercle est proportionnelle à la fréquence.

Les mangroves servent surtout à protéger les maisons contre l'action dévastatrice des tempêtes. Les mangroves permettent aussi de protéger les terres contre la déflation éolienne et la formation des dunes argileuses (BARBIREO et al., 1998). Les mangroves participent aussi à la diminution de l'intensité du flot et du jusant (BRUNET-MORET, 1970). Elles protègent aussi contre le risque d'inondation lors des grandes marées. La mangrove joue aussi un rôle dans la protection contre les tsunamis. « Après le passage d'un tsunami, on remarque qu'il y a plus d'habitations sur pied à l'arrière de la végétation de mangrove que dans la zone non abritée » (LATIEF et al., 2006).

La mortalité des mangroves serait l'une des causes de l'érosion côtière, peut-être même une des cause principales. « Dans de nombreux pays intertropicaux, on utilise les palétuviers pour fixer durablement les sédiments et gagner ainsi de nouvelles terres sur la mer. Le Bangladesh fait figure de pionnier, avec un gain de plus de 100.000 hectares au cours des années 1980. [...] Ces remarques nous conduisent à formuler l'hypothèse suivante : l'érosion se déclenche et s'intensifie sur les littoraux lorsque la mangrove meurt » (BLASCO, 1991). Après la coupe de mangrove, le couvert végétal n'est plus là pour fixer les sédiments qui s'en vont vers l'embouchure. Ce phénomène est accentué avec les pluies violentes et de plus en plus concentrées (beaucoup de millimètres d'eau tombent en peu de temps, les sols saturent vite et l'eau ruisselle). Les graphiques de la page suivante illustrent la répartition quotidienne des pluies et le bilan de l'eau au cours d'une année à Ziguinchor.

Graphique 3 : Répartition quotidienne des pluies et le bilan de l'eau au cours de l'année 1961 à Ziguinchor (DIOP, 1990).

On note que les pluies tombent violemment (la moitié des pluies tombées en 1961 fait plus de 50 mm) quelques jours de l'année (43 jours). Il en résulte une grande part d'eau disponible pour l'écoulement.

L'accentuation de ce phénomène, par la déforestation accrue de ces dernières décennies, favorise l'accumulation des sédiments à l'embouchure. Ceci pourrait avoir pour effet à long terme de boucher l'écoulement et d'empêcher le balancement des marées. Ce processus de sédimentation peut transformer la ria13 de l'estuaire de Casamance en un funnel73 (BLESGRAAF, 2006). Il pourrait alors y avoir une disparition de la mangrove à certains endroits de la Basse-Casamance (VIEILLEFON, 1977). Malheureusement, l'évolution de la sédimentologie du littoral de Casamance est la formation côtière la moins bien suivie du Sénégal, compte tenu de la situation d'insécurité qui y règne depuis plusieurs années (PELISSIER, 1989). Une étude mériterait d'être menée notamment pour raisonner l'aménagement des plages des hôtels de Karabane (une île de l'embouchure du fleuve) de manière à éviter l'accumulation des sédiments (CSE, 2005).

La mangrove est un écosystème riche

Les productions secondaires de la mangrove en Casamance sont le zooplancton, la microfaune benthique et les macrobenthos. La diversité spécifique en zooplancton diminue de l'aval vers l'amont. La composition spécifique permet de distinguer une zone « maritime », une zone d'estuaire, et une portion « anti-estuarienne » (PAGES, 1986a) correspondant grossièrement au découpage précédemment présenté. Il semble qu'on puisse distinguer les variations suivantes en zooplancton (PAGES, 1 986b) : une diminution générale nette des effectifs en décembre, une chute d'abondance plus prononcée en aval en début d'hivernage, un maximum peu prononcé pendant l'hivernage. Concernant la microfaune benthique, les thanatocoenoses semblent la règle (PAGES, 1 986b). La diversité spécifique est maximale (35 espèces) dans l'extrême aval, caractérisée par une abondance d'ostracodes et de nombreux foraminifères à test calcaire (PAGES, 1986b). On signale en zone « estuarienne » une prolifération d'espèces macrobenthiques classiquement estuariennes (dont Modiolus elegans et scoloples chevalieri). L'abondance des mollusques augmente en début d'hivernage dans cette zone et les densités et les diversités diminuent en fin d'hivernage (entre aout et décembre) (PAGES, 1 986a). La partie aérienne des arbres : branches, feuilles, fleurs et fruits est colonisée par des animaux terrestres (insectes, oiseaux et autres vertébrés). En ce qui concerne les insectes on sait que certains sont entièrement terrestres, ce sont les « visiteurs » comme les abeilles, les fourmis, les insectes du tanne herbacé et les xylophages des palétuviers, assez peu étudiés (DOYEN, 1985). D'autres ont des formes larvaires qui dépendent du sol de la mangrove (moucherons de genre Ceratopogonidae appelés localement « mout-mout », et de nombreux moustiques). L'espèce de termite présente semble être Microcerotermes fuscotibialis Sjöstedt (DOYEN, 1985).

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand