GROUPE SUP DE CO MONTPELLIER
Graduate School of Management Member of International
Association to Advance Collegiate Schools of Business (AACSB
International) Member of European Foundation for Management Development
(EFMD) Member of European Association for International Education
(EAIE) Miembro del Consejo Latino Americano de Escuelas de
Administraciôn (CLADEA) Member of International Trade & Finance
Association (IT&FA) Membre du Pôle Universitaire de Montpellier et
du Languedoc-Roussillon Membre de l'Association Alexander Von Humboldt
Paradoxe d'apprentissage dans les partenariats d'innovation :
le rôle du contrat, de la relation et de la
modularité, cas de l'industrie
des Télécommunications
Thèse professionnelle MB
Programme MBA
présentée par Mohamed RAOUAK
Sous la direction du Professeur Régis
MEISSONIER Septembre 2008
|
« Le Groupe Sup de Co Montpellier n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leur auteur. »
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier le Professeur Régis
MEISSONIER, Professeur à Sup de Co Montpellier dans le domaine des
systèmes d'information et d'aide à la décision, pour ses
conseils précieux et le retour d'expérience dont il m'a fait
part.
Ma gratitude s'adresse également à :
Madame Laurence LEHMANN ORTEGA, Professeur en Stratégie
et Management des Organisations, qui m'a sensibilisé sur bien des
aspects stratégiques décisifs pour ce travail.
Monsieur Paul MARTIN, Enseignant à Sup de Co Montpellier
dans le domaine du Commerce International, pour son professionnalisme et sa
disponibilité.
Madame Aurélia LEFAIX-DURAND, Professeur à
l'université Torcuato di Tella (Argentine) pour son aide dans ma
recherche.
Madame Carliss BALDWIN, Professeur à Harvard Business
School pour ses informations précieuses.
Je souhaite adresser ma reconnaissance à la Directrice
Madame Marlier et aux professeurs du programme MBA pour leur
disponibilité, à mes collègues de la promotion MBA 2007 /
2008 pour leur amitié et à mes collègues et amis pour
leurs encouragements.
Enfin, je remercie tout particulièrement mes proches pour
le sacrifice et la patience dont ils ont fait preuve pendant le cycle de
formation et la préparation de ce mémoire.
SOMMAIRE
1. Introduction 4
1 ÈRE PARTIE : ANALYSE THEORIQUE 7
2. Définitions 7
3. Collaboration technologique 8
4. Dynamique du transfert de compétences 9
5. Facteurs critiques des partenaires 10
6. Nature des compétences 11
6.1. Compétences tacites et explicites 11
6.2. Autres catégories 11
6.3. Modularité technique : encapsulation des
connaissances 11
7. Gouvernance et transfert des compétences 12
7.1. Modes de gouvernance 12
7.2. Gouvernance formelle 14
7.3. Gouvernance relationnelle 15
7.4. Gouvernance modulaire 15
2 ÈME PARTIE : ANALYSE EMPIRIQUE 17
8. Méthodologie 17
8.1. Dispositif d'investigation 17
8.2. Chaîne de valeur de l'industrie des
téléphones mobiles 19
8.3. Choix des interlocuteurs 20
9. Analyse des résultats 21
9.1. Dispositif de collecte des données 21
9.2. Présentation des cas 21
9.3. Analyse des cas 25
10. Discussion et Conclusion 33
Abréviations 36
Bibliographie 37
Annexe 1 : Chaînes de valeur 41
Annexe 2 : ENSEIGNANTS PERMANENTS DU GROUPE SUP DE CO MONTPELLIER
42
"Always be paranoid. Only the paranoid survive."-- Andy Grove
(Intel)
1.Introduction
Dans le domaine de l'innovation technologique, les relations
interentreprises se sont intensifiées du fait de l'évolution
rapide des technologies, de la désorganisation des marchés et de
l'hypercompétition (D'Aveni 1994; Mohr & Spekman 1994). Le
raccourcissement des délais de développement des nouveaux
produits, l'accélération du rythme de leur renouvellement
introduisent des incertitudes et des risques aux entreprises ne disposant pas
ou ne pouvant pas acquérir les ressources nécessaires en interne
(Gerwin 2004). Celles-ci recourent, de ce fait, à des mécanismes
comme les stratégies d'alliance pour affronter la concurrence. La
prolifération des produits s'accompagne ainsi de la prolifération
des alliances (Staudenmayer et al. 2005).
Le motif le plus cité pour les alliances
stratégiques est l'acquisition de compétences et de
capacités de la part du partenaire (Hamel 1991; Mowery, Oxley &
Silverman 1996). Cela est justifié par
l'hétérogénéité des bases de
compétences des organisations qui est le résultat d'un cumul
d'expériences d'apprentissage (Sammarra & Biggiero 2008).
Toutefois, l'alliance d'innovation pose ses propres
contradictions concernant les modalités de collaboration. Les
entreprises sont censées tirer profit des ressources du partenaire pour
faire face aux incertitudes technologiques et économiques. Or, ce qui se
passe sur le terrain n'est pas aussi systématiquement positif. Les
relations sont souvent imprégnées de méfiance, d'esprit
défensif, de rétention d'information voire d'agression (Dickson,
H. L. Smith & S. L. Smith 1991). L'approche gagnant-gagnant admise dans les
alliances est mise à mal par le concept de la course à
l'apprentissage (learning race) où le partenaire domine la
relation dès lors qu'il apprend plus vite que son vis-à-vis
(Hamel 1991).
Cette compétition sur l'apprentissage entre les
partenaires remet en cause l'objet même de leur coopération. Afin
de réconcilier l'apprentissage mutuel et la protection des
compétences respectives des acteurs, en plus d'un contrôle formel
(Williamson 1991), un capital relationnel entre les deux partenaires (Kale
& Singh 2000) ainsi qu'une modularisation technologique et
interorganisationnelle (Jordan 2004; Grant & Baden-Fuller 2004; Brusoni
& Prencipe 2001) sont nécessaires.
Notre recherche a pour objectif d'examiner les facteurs de
transfert de compétences au travers de résultats issus d'une
démarche qualitative appliquée à l'industrie des
télécommunications. Il s'agira en particulier de s'informer sur
les effets de l'articulation des facteurs de la transaction, de la relation et
de la modularité sur le dilemme partage/protection désigné
dans la littérature par le «paradoxe d'apprentissage ». Le
transfert étant entendu dans cette étude positif (partage,
échanges désirés) et (surtout) négatif (non
désiré). Nous répondrons à deux questions
principales :
1) quels sont les rôles des trois dimensions (contrat,
relation, modularité) sur le paradoxe d'apprentissage ?
2) quel est le rôle de la combinaison de ces trois
dimensions sur le paradoxe d'apprentissage ?
Transfert Compétence
Fig1.
Modèle théorique
Pour ce faire, nous nous centrons sur deux cas empiriques en
matière d'alliance stratégique. Le secteur des
télécommunications est connu pour ses pratiques de modularisation
des produits et des processus (Staudenmayer, Tripsas & Tucci 2005). Les
deux cas représentent deux types d'innovation peu
développés dans la littérature pour l'industrie de
produits grand public : innovation de composant (ou modulaire) (Henderson &
Clark 1990) et innovation produit (De Propris 2002). L'analyse de ces cas est
faite selon les trois dimensions : contrat, relation et modularité. Les
retombées sont ensuite examinées pour les distinguer du point de
vue du transfert (partage et protection) des compétences. Nous
montrerons que le transfert n'est pas acquis et qu'une articulation des trois
dimensions est de nature à permettre aux organisations de mieux
gérer l'inter-apprentissage.
L'originalité de l'étude réside dans la
prise en compte de la dynamique transaction-relationmodularité dans la
gestion du paradoxe d'apprentissage. A notre connaissance, cette dynamique n'a
pas été abordée par la littérature et encore moins
pour le paradoxe d'apprentissage. De plus la protection des connaissances est
peu développée comparée à son partage. Pour nous,
le problème de transfert couvre à la fois celui du partage et
celui de la protection. En sachant ce qu'on transmet, l'on est censé
être conscient de ce qu'on ne transmet pas.
Notre terrain concerne des entreprises jouant un rôle
important dans la chaîne de valeur du secteur des
télécommunications. On y trouve des fabricants de circuits
intégrés, des intégrateurs de plateformes, des ODM
(Original Design Manufacturer), des OEM (Original Equipement Manufacturer) et
des ISV (Independent Software Vendor). Le premier cas implique un
intégrateur de plateformes qui commercialise ses solutions à un
client majeur sur le marché de la téléphonie mobile, et
qui fait appel à un ISV pour acquérir un composant logiciel
critique. Le deuxième cas concerne un OEM de taille moyenne
spécialisé dans la commercialisation de produits de luxe. Cet OEM
s'adresse à un ODM pour l'externalisation de toute l'activité
R&D sauf la partie design mécanique et interface homme-machine
(IHM). Pour ces deux activités, il se charge de l'innovation
esthétique du produit qu'il fait réaliser, sous conditions, par
le même ODM. Dans les deux cas, ce sont les clients finaux qui sont
à l'origine des innovations déployées. L'un est un acteur
majeur sur le marché, l'autre est positionné sur le segment des
produits de luxe.
Notre méthodologie suit la forme des études de
cas avec des entretiens semi-directifs opérés avec des experts et
des chefs de projets. Les données collectées ont
été traitées et synthétisées avant
d'être revalidées par les mêmes questionnés.
En effet, dès que le thème a été
formulé, nous avons entamé immédiatement notre
procédure d'investigation du terrain. Nous avons validé notre
guide d'entretien et sélectionné une liste de six entreprises qui
étaient disposées à nous accueillir. Notre enquête
avait pour objectif de détecter les événements majeurs
vécus et les problèmes cruciaux rencontrés par les
questionnés. Les résultats de nos entrevues ont servi à
préciser la problématique (jugée pertinente pour notre
projet professionnel) et à sélectionner deux cas typiques parmi
les
quatre réellement investigués. La
problématique étant définie, nous avons fait des allers-
retours entre la littérature et les données collectées
pour faire apparaître des implications, des apports et des limites.
Après cette introduction, la partie d'analyse
théorique inclura la définition de certains concepts
concernés par la problématique. L'analyse des modes de
gouvernance sera suivie par la présentation d'un modèle de
transfert de compétences. Ce modèle explicatif est composé
de facteurs liés aux acteurs, aux attributs de la compétence et
à la gouvernance. Le but de cette première partie est de
présenter le contexte théorique de l'étude.
Dans la deuxième partie, les résultats sont
présentés ainsi que la façon dont ils ont
été collectés et exploités. Chaque cas empirique
est analysé et des implications sont formulées. Nous conclurons
cette étude en alertant sur ses limites et en proposant certaines pistes
de recherche.
1 ÈRE PARTIE : ANALYSE
THEORIQUE
2. Définitions
Innovation
Il est délicat de donner une définition certaine
de l'innovation. On peut adopter la définition préconisée
par De Propris (2002, p. 338). «The innovation concerns the search
for, and the discovery, experimentation, development, imitation, and adoption
of new products, new production processes and new organizational
set-ups.».
Les types d'innovation sont définis selon la
perspective adoptée (Kotabe & Swan 1995). Si l'on s'intéresse
à ses effets, elle est continue ou discontinue. Si c'est de l'attribut
du produit qu'il s'agit, elle est nouvelle pour le marché, nouvelle pour
la firme ou les deux. Si c'est la façon dont le produit a changé,
elle est révolutionnaire (radicale) ou adaptative
(incrémentale).
D'autres auteurs ajoutent, à ces types, l'innovation
produit (le quoi) par opposition à l'innovation procédé
(le comment) et l'innovation modulaire (de composant) par rapport à
l'innovation architecturale (système) (Schilling & Thérin
2006; Henderson & Clark 1990; De Propris 2002).
Les activités R&D, la collaboration technologique,
le fournisseur, le client, l'utilisateur sont autant de sources de l'innovation
technologique. La collaboration technologique est au centre de la formulation
de la stratégie d'innovation des entreprises. (Schilling &
Thérin 2006; Angel 2002).
D'autres catégories d'innovation ont été
introduites dans la littérature : individuelles- collectives,
approropriables-exclusives ; divisibles-indivisibles ;
technologiquesmanagériales-marketing (Sammarra & Biggiero 2008).
Le processus d'innovation se caractérise par la
création de nouvelles compétences au travers d'efforts R&D
endogènes et de capacités à adopter les flux de
compétences exogènes (Hagedoorn & Duysters 2002, p. 168).
Modularité
Baldwin et Clark (1997, p 86) définissent la
modularité de la manière suivante : «Modularity is a
strategy for organizing complex products and processes efficiently. A modular
system is composed of units (or modules) that are designed independently but
still function as an integrated whole. Designers achieve modularity by
partitioning information into visible design rules and hidden design
parameters. Modularity is beneficial only if the partition is precise,
unambiguous, and complete».
La modularité fait référence au
degré auquel les composants d'un système peuvent être
séparés ou recombinés (Schilling & Thérin 2006,
p 341). Un produit d'architecture modulaire permet à l'entreprise de le
décliner en plusieurs versions et d'en sous-traiter facilement le
développement, l'évolution et la maintenance. La
modularité des produits est de nature à permettre une
organisation modulaire tant au niveau interne qu'au niveau interorganisationnel
(Sanchez & Mahoney 1996).
Partenariat d'innovation
« Les termes « collaboration », « partenariat
», « alliance » et « coopération » seront
considérés dans cette étude comme des
synonymes se référant à un accord entre
deux organisations indépendantes qui mettent en commun des ressources
tangibles et/ou
intangibles pour coopérer dans des activités de
R&D (Ingham & Mothe 1998:250). L'accent est mis sur celles dites
technologiques (d'innovation et de R&D).
Nous y intégrons celles qui se traduisent, in-fine, par
le développement de produits novateurs. Nous incluons en particulier
l'outsourcing (des activités) R&D et les alliances R&D.
L'outsourcing R&D est une collaboration dont l'intégration des
ressources est inexistante ou très limitée (Chiesa & Manzini
1998). Les alliances R&D quant à elles peuvent mettre en jeu une
telle intégration à des échelles variables. Les alliances
interentreprises, et en particulier celles dites R&D, ont pour principal
objectif d'acquérir des compétences de l'extérieur
(Cavusgil, Calantone & Zhao 2003).
R&D
R&D (Recherche et Développement) est un processus
générant de l'innovation (W. M. Cohen & Levinthal 1989).
Selon certains auteurs l'intensité d'investissement R&D ne se
traduit pas forcément par de l'innovation (De Propris 2002). Ils posent
comme contre exemple les start-up. Cependant, ces petites structures
n'opèrent pas isolément. Elles tirent souvent leur force de la
présence en leur sein d'experts provenant de grandes ou moyennes
entreprises et ayant absorbé des connaissances critiques.
Technologie
Il s'agit de l'ensemble des compétences
théoriques et pratiques, les savoir-faire, les objets pouvant être
utilisés pour développer des produits ou des services ainsi que
les systèmes de leur production et livraison (Lin 2003).
3.Collaboration technologique
Pour être compétitif dans un environnement de
haute technologie, les entreprises doivent créer de nouveaux produits,
processus et services. Pour ce faire, l'innovation, qui est un
élément majeur de différenciation, doit être leur
façon de vivre (way of life) (Tushman & Nadler 1986). Cependant
l'innovation reste complexe, risquée et coûteuse à cause
des préférences des clients, de la pression de la concurrence et
de l'évolution de la technologie (Cavusgil, Calantone & Zhao 2003;
Dodgson 1992). Innover efficacement et durablement dans de tel environnement
peut amener à conclure des collaborations avec d'autres acteurs. Ces
collaborations sont un facteur déterminant pour la réussite des
projets d'innovation (e.g. Hurley & Hult 1998). La coopération
interentreprises crée des opportunités d'apprentissage pour les
partenaires (Inkpen 1998)
Les collaborations technologiques sont justifiées par
des facteurs liés soit au marché soit à la technologie
(Hagedoorn & Sadowski 1999). En termes de marché, les organisations
peuvent rechercher à investir de nouveaux marchés, à
opérer une expansion internationale mais aussi à capter la
dynamique du marché et à détecter de nouvelles
opportunités.
L'autre groupe de motivations des collaborations
technologiques est lié à la technologie. Le transfert de
technologie et de compétences représente un élément
critique de ce genre d'accords. Les deux autres principales raisons en faveur
d'une telle alliance technologique sont le partage des risques et la
mutualisation des coûts de R&D. Le cycle des produits s'étant
rétréci, les sociétés ont besoin de collaborer afin
d'être réactives vis-à-vis des demandes du marché.
De même, la convergence et l'évolution des technologies imposent
aux sociétés de s'allier à d'autres acteurs. On a besoin
d'écouter également l'environnement pour d'éventuelles
synergies et complémentarités technologiques. (Schilling &
Thérin 2006).
La littérature aborde amplement les facteurs de
réussite et les bénéfices des alliances
stratégiques. Cependant, le tableau brossé ne correspond pas
toujours à ce qui est vécu sur le terrain par les praticiens
(Larsson et al. 1998; Meissonier 2006). La destruction de valeur issue de ces
collaborations mérite d'être analysée. En plus des
problèmes de coûts de transaction, du manque de contrôle sur
les processus d'innovation, de la sous-performance et des conflits entre
partenaires, il y a un risque qui est vital pour la survie de l'entreprise :
la
fuite des compétences et l'expropriation des
retombées de l'innovation (Chiesa, Manzini & Pizzurno 2004; Larsson
et al. 1998; Takeishi 2002) .
Selon Howells et al. (2008), confier des projets R&D à
des partenaires externes revient à faire face aux défis suivants
:
o Le haut niveau de risques et d'incertitude,
o Le manque d'information sur la qualité des
compétences avant leur livraison,
o L'incapacité du fournisseur à maîtriser
les compétences attendues par le client. Cela se traduit
forcément par l'incomplétude des contrats,
o Le fait que le client et le fournisseur soient tous les deux
plus ou moins impliqués engendre le problème des droits de
propriété des innovations produites,
o Les aléas des comportements. Le client ou le
fournisseur peut tout à fait exploiter les compétences acquises
à d'autres fins explicitement ou implicitement exclues par le contrat.
On peut être tenté de mettre à disposition les
compétences produites à des tiers,
o La recherche et développement (R&D), faisant partie
des activités stratégiques de la firme, peut être mise en
danger de vulnérabilité si ce qui provient de l'extérieur
comporte des dysfonctionnements,
o La nature irréversible de la décision
d'externaliser des activités R&D du moins à court et moyen
terme,
o Le maximum des savoir-faire échangés est de
nature hautement implicite et donc hors contrôle.
En résumé, la collaboration technologique
comporte des risques qui sont à la hauteur des bénéfices
attendus : des risques d'expropriation au regard des bénéfices de
capacité d'innovation. Regardons maintenant le transfert de
compétences dans de tel lien stratégique.
4.Dynamique du transfert de compétences
Fig.2 - Dynamique de transfert. Adapté de Easterby-Smith
et al. (2008, p. 679)
Donneur Gouvernance Receveur
Si les activités R&D génèrent des
innovations, elles permettent également à l'entreprise de
développer ses compétences d'identification, d'assimilation et
d'exploitation des compétences provenant de l'extérieur (W. M.
Cohen & Levinthal 1989).
Le transfert de compétences est un processus au
travers duquel des acteurs échangent, reçoivent et sont
exposés à l'influence des expériences et des
compétences des autres. Ce processus se traduit évidemment par un
changement dans la base des compétences du receveur (Mowery et al. 1996;
van Wijk, Jansen & Lyles 2008).1
Easterby-Smith et al. (2008, p. 679) proposent un
modèle synthétique récent sur les facteurs de transfert
de compétences. Ceux-ci sont classés en quatre catégories:
« donneur »,
1 Notons que la littérature utilise
également d'autres appellations comme le « knowledge sharing
», le « knowledge flows » ou le « knowledge acquisition
». Nous traduisons « knowledge transfer » par
« transfert de compétences ».
« receveur », gouvernance et attributs des
compétences (cf. adaptation2 Fig. 2). Nous l'adoptons pour
illustrer les mécanismes de transfert tel que nous l'entendons (partage
et protection).
Notre choix est motivé par le fait que ce
modèle concorde avec les trois perspectives théoriques :
perspective transactionnelle (TCT), perspective relationnelle et perspective
resource-based (Jordan & Lowe 2004). La gouvernance est soit
transactionnelle soit relationnelle. La nature des compétences est
liée quant à elle à la perspective RBV (Resource-Based
View).
La modularité est vue comme un élément
RBV (Jordan & Lowe 2004) bien qu'une théorie sur la
modularité existe (proposée par Schilling (2000) mais avec peu
d'écho à notre connaissance). La modularité technique sera
inscrite dans l'analyse de la nature de la compétence et la
modularité organisationnelle complètera le chapitre sur la
gouvernance.
5.Facteurs critiques des partenaires
Pour qu'une entreprise puisse tirer profit des
compétences externes, il lui faut disposer d'une capacité
d'absorption, d'une capacité de transfert interne et d'une motivation
d'apprendre. Si elle est à l'origine des compétences, elle doit
être motivée pour les transmettre (EasterbySmith et al. 2008).
Disposer d'une capacité d'absorption revient à
dire que l'entreprise est capable d'utiliser les connaissances externes selon
trois étapes 1) reconnaître et comprendre des connaissances
externes potentiellement utiles, au travers d'un apprentissage exploratoire 2)
assimiler les connaissances obtenues au travers d'un apprentissage de
transformation 3) utiliser les connaissances importées afin d'en
créer de nouvelles et de produire des innovations commerciales, par un
apprentissage d'exploitation. (Lane et al. 2006).
Les antécédents de ce processus d'absorption
sont la nature des connaissances, les conditions environnementales et les
caractéristiques de la relation d'apprentissage. Les déclencheurs
internes du processus sont liés à la créativité des
individus et, au processus et structure de l'entreprise. Ses retombées
sont l'enrichissement de la base de connaissances et la commercialisation de
nouveaux produits ou services, lesquels mesurent la performance de
l'entreprise. La stratégie de l'entreprise, autre déclencheur de
ce processus d'absorption, oriente les opérations vers ce qui est
essentiel, ce qui doit être assimilé et ce qui doit être
exploité.(Lane et al. 2006).
En termes de protection, plus une entreprise dispose de
connaissances (résultats de sa capacité d'absorption), plus elle
pourra conclure des accords de complémentarité et déployer
ses compétences plus vite que les éventuels imitateurs
(Hurmelinna-Laukkanen & Puumalainen 2007).
Avoir la stratégie et la volonté d'apprendre
(learning intent selon Hamel (1991)) est un autre facteur pour une
capacité d'absorption effective (Easterby-Smith et al. 2000). Par
exemple, apprendre sur la capacité d'absorption du partenaire permet de
se protéger contre les tentatives d'expropriation et gagner en confiance
(Jordan & Lowe 2004). Parallèlement, avoir la volonté de se
protéger conduit l'entreprise à mobiliser des mécanismes
qui, poussés à l'extrême, nuisent à l'apprentissage
mutuel (Baughn et al. 1997). Intention d'apprendre et intention de se
protéger sont deux facteurs intrinsèques à l'entreprise
qui ont besoin d'être arbitrés. Trop d'ouverture favorise
l'apprentissage mais induit aussi des pertes (Oxley & Sampson 2004).
Inversement, trop de protection réduit les chances d'apprentissage
des
2 Les auteurs ont utilisé le terme de
dynamique interorganisationnelle composée des mécanismes de
gouvernance, de la relation de pouvoir, de la confiance et du lien social. Nous
regroupons tous ces termes sous le concept de « gouvernance ».
deux partenaires. Ce paradoxe est connu mais traité
différemment dans la littérature (voir par exemple Jordan &
Lowe 2004).
Le processus de capacité d'absorption, la
volonté d'apprendre et de se protéger ont pour objet les
compétences qui se distinguent par leur nature et requièrent des
stratégies de gouvernance différenciées.
6.Nature des compétences
La base technologique d'une entreprise est composée
d'actifs tangibles (produits, usines, équipements) et d'actifs
intangibles. Ces derniers se subdivisent en actifs formels (licences, brevets,
formation ...) et actifs informels ou tacites (Howells 1996).
Les compétences d'une organisation sont, en
général, incluses dans les produits, les processus et les
procédures administratives employées. Les compétences
technologiques, en particulier, peuvent être de nature théorique,
conceptuelle et technique (Dutta & Weiss 1997, p. 344). Elles sont tacites
ou explicites.
La nature des compétences ainsi que la protection
légale de la propriété intellectuelle sont deux des moyens
utilisés pour empêcher certains transferts au partenaire
(HurmelinnaLaukkanen & Puumalainen 2007). La modularité technique
encapsule les connaissances et permet, entre autres, de les maîtriser en
interne et d'en contrôler la diffusion vers l'extérieur.
6.1. Compétences tacites et explicites
Les compétences tacites se trouvent dans les routines
organisationnelles et sont intériorisées par les membres de
l'organisation. Elles sont très importantes mais difficilement
interprétables et encore moins transférables d'une entreprises
à l'autre (Nonaka 1994).
Ce sont les compétences tacites qui sont le moteur de
l'innovation de l'entreprise (Howells 1996; Cavusgil, Calantone & Zhao
2003). Cependant, certains auteurs soulignent la complémentarité
des compétences tacites et explicites (Lawson & Lorenz 1999).
Les compétences explicites sont codifiables et
facilement communicables. On les trouve dans les documents, les rapports, les
comptes rendus, les contrats. Elles peuvent être protégées
par des droits de propriété intellectuelle (IPR) : brevet,
secrets commerciaux, NDA (Non Disclosure Agreement) ...etc (Schilling &
Thérin 2006; Baughn et al. 1997).
6.2. Autres catégories
Les connaissances sont théoriquement
protégées dès lors qu'elles sont spécifiques aux
acteurs impliqués et donc peu utiles à d'autres. Lorsque les
compétences sont complexes c'est-à-dire lorsqu'elles sont le
résultat d'interactions répétées, il sera
délicat pour des rivaux de se les approprier.
Les connaissances d'une entreprise sont individuelles ou
collectives. Ces dernières sont soit explicites (cercles de
qualité, diagramme d'organisation, documents partagés avec les
fournisseurs), soit tacites (culture organisationnelle, modes de coordination
...) (Nonaka 1994). Bien entendu les connaissances collectives sont difficiles
d'accès et d'interprétation donc d'expropriation.
Le niveau d'ambigüité des compétences
(Simonin 1999) est le résultat conjugué de l'aspect tacite, de la
complexité et de la spécificité de ces dernières
(Reed & DeFillippi 1990). Les opérations de transfert en
dépendent tout particulièrement.
6.3. Modularité technique : encapsulation des
connaissances
La modularisation de la conception des produits complexes
contribue à rendre difficilement accessibles les compétences
critiques (Pil & S. K. Cohen 2006). Cette approche donne
la possibilité de fragmenter les compétences de
l'organisation. Ainsi, au niveau organisationnel,
les compétences complexes tendent à être
plus tacites car chaque concepteur révèlera le moins possible sur
le fonctionnement de son module. De plus, le système
d'intégration interne implique une spécialisation des
intervenants et une interaction sociale difficile à appréhender
par l'extérieur. L'imitation des rivaux et l'expropriation par le
partenaire sont rendus de cette manière délicates et
coûteuses.
La division du travail en conception, inspirée par la
modularité (Ernst 2005), offre des possibilités de gestion des
compétences et d'apprentissage des organisations (Sanchez & Mahoney
1996). Elle permet de produire des composants isolément du fait de leur
interfaçage faible et de les modifier sans remise en cause de l'ensemble
du système (Mikkola 2003). Les règles de codage ainsi que les
interfaces partagées réduisent le flux d'information et
atténue donc le transfert de connaissances (Ernst 2005). Le degré
d'apprentissage du partenaire varie inversement au degré de la
modularité des composants (Mikkola 2003).
Un composant, qui englobe en son sein des connaissances, peut
être catégorisé selon la stratégie
d'interdépendance entre le client et le fournisseur dans le cycle de
développement (spécification, conception, analyse,
réalisation, test, validation). Il est acheté sur
étagère dans un cas purement contractuel ou
co-développé dans un cas plus relationnel. Entre ces deux
possibilités, les tâches peuvent être réparties au
niveau des spécifications (black box) ou au niveau de l'analyse
détaillée L'interdépendance est opérationnalisable
par le niveau d'investissement spécifique dans la relation par rapport
au coût de la transaction. (Mikkola 2003).
Bref, la nature des compétences est un
déterminant de leur transfert. La modularisation de la conception permet
d'encapsuler les connaissances pour les gérer efficacement et pouvoir
les protéger. Abordons maintenant l'autre élément de la
dynamique de transfert qu'est la gouvernance.
7.Gouvernance et transfert des
compétences
La dynamique interorganisationnelle est
caractérisée par un certain nombre de facteurs. Il y a le facteur
d'asymétrie de pouvoir des deux partenaires induite par leur
contribution dans le flux des compétences. Il y a également le
contexte dans lequel le transfert s'effectue et le mode de gouvernance convenu
à cet effet. D'autre part, le lien social entre les intervenants est de
nature à fluidifier le transfert des compétences. Enfin, le
donneur peut prévoir le risque de perdre des compétences
critiques alors que le receveur peut imaginer recevoir des données
inutilisables ou de mauvaise qualité. La confiance réciproque
joue un rôle important en minimisant ces deux perceptions de risque.
(Easterby-Smith et al. 2008)
7.1. Modes de gouvernance
La littérature reflète la tension à
laquelle les entreprises sont confrontées: « make-or-buy »
(e.g. Fine & Whitney 2003). Faire ou faire-faire sont deux
stratégies justifiables même si la tendance est orientée
vers la combinaison des deux.
Approche « make »
L'approche make consiste à développer
les technologies en interne pour disposer de plus de ressources en favorisant
l'apprentissage par l'expérience (learning by doing) et pour être
à l'abri des tentatives d'expropriation (Perrons & Platts 2005).
En termes de stratégie, cette approche est
généralement justifiée par les disponibilités de
capacités, la volonté de contrôler le développement
et l'utilisation de la technologie, et par l'objectif de renouveler ses
capacités. La volonté de protéger ses technologies
propriétaires est une autre raison décisive en matière
d'innovation technologique. (Schilling & Thérin 2006).
Selon la théorie du coût transactionnel (TCT)
(Williamson 1991), il y a deux options extrêmes qui s'offrent à
l'entreprise : le marché ou la hiérarchie. Le mode
marché correspond à une situation d'échange
où les deux parties régulent leur relation grâce aux prix
et aux quantités. L'historique de la relation n'est pas significatif.
Les offres sont standards. Les acteurs sont mus par un opportunisme
prononcé dans les transactions. On est dans une logique purement
contractuelle (Grant & Baden-Fuller 2004). Dans le mode
hiérarchie, les sociétés se font concurrence et
recherchent à marquer leurs différences de performance. On est
dans la logique dominant-dépendant. Les formes peuvent être
matérialisées par des acquisitions ou des prises de participation
dominantes (Ritter 2007).
Approche « buy »
Entre ces deux extrêmes (marché et
hiérarchie), il existe une multitude de formes de collaborations
interentreprises (formes hybrides de (Williamson 1991)). L'identification de
ces formes se fait selon plusieurs perspectives. Chiesa et Manzini (1998)
proposent le niveau d'intégration des ressources et des activités
comme critère pour distinguer les formes organisationnelles mises en
place. Cela correspond à l'ampleur d'internalisation des ressources et
des activités du partenaire. Les deux modèles polaires sont
l'acquisition (ou fusion) où la totalité des ressources sont
intégrées et l'outsourcing où celles-ci sont exclues de
toute mutualisation.
En revanche, si l'on prend le degré de formalisation
comme critère, les alliances stratégiques peuvent s'opérer
en allant de la relation informelle dans un réseau à la
co-entreprise. Poppo & Zenger (2002) ont défendu la
complémentarité entre les mécanismes de gouvernance
contractuelle et relationnelle. Les praticiens ont tendance à maintenir
un cadre formel mais empreint par des considérations relationnelles. Les
aléas des échanges impliquent des contrats complexes induisant
des coûts importants de transaction avec peu de garantie. De ce fait, ces
échanges complexes orientent vers davantage de gouvernance
relationnelle. Celle-ci permet de compléter le contrat formel par des
éléments extracontractuels et des moyens relationnels (Mahnke
& Özcan 2006).
Dutta et Weiss (1997) introduisent une autre dimension tout
aussi intéressante pour catégoriser les formes de partenariat :
le niveau de transfert des compétences technologiques tacites. A cet
égard, la co-entreprise est la forme partenariale la plus aboutie
où des capacités distinctes sont mises en commun sous
l'égide d'une gouvernance partagée (Dutta & Weiss 1997). Le
transfert de compétences tacites y est fortement facilité (Kogut
1988). En revanche, les alliances dites R&D sont une configuration
où le transfert de compétences tacites est dosé avec un
risque d'expropriation. La troisième forme est le partenariat de licence
correspondant à la cession de droits d'usage au partenaire et
n'impliquant pas beaucoup d'échange de compétences tacites. Dans
les partenariats marketing, le partenaire prend en charge la
commercialisation ou la distribution des produits/technologies de son
vis-à-vis. Dans un tel cas, le produit ou la technologie est
déjà réalisés. De ce fait, il est seulement
question d'échanger des informations technologiques moins critiques mais
pouvant être diffusées à destination des concurrents.
Hagedoorn et Duysters (2002) ont vérifié que les
sociétés opérant dans les secteurs hightech s'orientent
plus vers le choix de la forme des alliances technologiques.
Chacun de ces modes de gouvernance présente un risque
d'expropriation lié à son potentiel de transfert. A part le mode
de développement solitaire, les autres modes (en particulier les
alliances stratégiques et le outsourcing) impliquent tous un potentiel
d'expropriation.(cf. Tableau 1).
|
Potentiel d'expropriation
|
Développement interne seul
|
Non
|
Alliances stratégiques
|
Parfois
|
Coentreprises
|
Oui
|
Achat de licence
|
Parfois
|
Vente de licence
|
Parfois
|
Outsourcing
|
Oui
|
Organisations de recherche collective
|
Oui
|
|
Tableau 1. Modes et Potentiel
d'expropriation. Adapté de Schilling et
Thérin (2006, p 262)
Plus précisément, Jordan (2004, p 74)
suggère que les risques d'expropriation s'amplifient lorsque
l'entreprise :
o Dispose de choix très limité de partenaires en
particulier lorsque cela est dû à des impératifs
étatiques,
o Conclut une alliance dont l'objet est de partager des
compétences clés avec des partenaires,
o S'allie avec un partenaire avide d'apprendre et disposant
d'une capacité d'absorption,
o S'allie avec un partenaire qui est un concurrent sur le
même marché ou un marché lié au sien,
o Coopère avec un partenaire qui a les ressources
nécessaires pour tirer rapidement profit des compétences
acquises et donc représenter une menace concurrentielle.
Nous venons de présenter les structures de gouvernance
possibles et leur lien avec le transfert de compétences. Toujours par
rapport à l'élément de gouvernance de notre modèle
nous aborderons, les trois types de gouvernance (contractuelle, relationnelle
et modulaire) qui peuvent être mis en oeuvre.
7.2. Gouvernance formelle
On a vu comment les différentes structures pouvaient
être définies selon les critères de formalisation,
d'intégration et de transfert de connaissances tacites. Les
critères de formalisation et de transfert de connaissances peuvent
être combinés pour donner lieu à des alliances
technologiques contractuelles.
En effet, pour faire face à l'opportunisme des
partenaires dans une telle collaboration orientée connaissances, les
théoriciens des coûts de transaction proposent le choix entre la
prise de participation (equity) et les mécanismes contractuels.
L'idée principale est que plus le risque d'expropriation est
élevé, plus le contrôle doit être
hiérarchique. Car il est parfois moins coûteux de mettre en place
des règles (telles qu'un système de contrôle administratif,
une coordination plus formelle et des liens d'autorité) que de
rechercher à établir un contrat exhaustif. Le processus de
surveillance des règles offre la possibilité de contrôler
le flux des compétences entre l'entreprise contractante et son
partenaire (Schilling & Thérin 2006).
Le contrat joue le rôle de cadre général
en incluant les attentes et les obligations réciproques notamment la
propriété intellectuelle, ainsi que les recours légaux et
l'aspect distributif des retombées de la collaboration. Ces contrats
stipulent généralement des mécanismes d'échange
d'information mutuel pour mesurer et suivre le respect des engagements :
reporting, réunion, prototypage, processus d'escalade ... (Schilling
& Thérin 2006; Gulati & Singh 1998).
L'approche relationnelle a montré les limites de
l'approche contractuelle sans pour autant l'exclure. Il est admis que cette
dernière si elle est nécessaire reste insuffisante dans les
alliances où le transfert de compétences représente un
enjeu.
7.3. Gouvernance relationnelle
La valeur de la transaction (transaction value) sera d'autant
plus importante que la confiance sera au coeur de la relation. Pour cela, les
deux partenaires montrent par l'exemple leur engagement pour maintenir la
relation, augmentent le niveau d'information échangée et
opèrent un autocontrôle pour la bonne gouvernance de la relation
(Dyer cité par Mikkola 2003).
Selon la perspective relationnelle, la sélection du
partenaire ainsi que le développement d'une confiance mutuelle sont de
première importance (Dyer & Singh 1998; Jordan & Lowe 2004).
Afin de se protéger d'un éventuel opportunisme,
l'entreprise doit bien vérifier que son partenaire présente les
qualités suivantes (cf. Jordan & Lowe 2004) :
o Il possède bien la source d'avantage compétitif
recherché,
o Il est capable d'assurer une complémentarité et
une contribution équilibrée,
o Il a des visées stratégiques compatibles,
o Il présente un risque peu probable de se transformer en
rival,
o Il a un pouvoir de préemption vis-à-vis des
rivaux,
o Il dispose d'une organisation compatible.
De la même façon, le potentiel de confiance doit
être pris en compte lors de la démarche de planification de
l'alliance. Le capital confiance construit pendant le déroulement de
l'alliance est un facteur de protection contre l'expropriation des
compétences (Kale & Singh 2000).
En plus de la sélection du bon partenaire et du climat
de confiance, une relation long terme et un système d'incitation
motivant contribuent à atténuer l'opportunisme d'expropriation
(Bozdogan et al. 1998).
Les relations interindividuelles jouent un rôle
important dans l'échange des compétences (Jordan & Lowe
2004). Le personnel doit être sensibilisé à la politique de
protection et de confidentialité des ressources critiques de
l'entreprise. Les responsables doivent surveiller ce que le partenaire demande
et reçoit (Schilling & Thérin 2006).
Toutefois, le niveau d'engagement limité des deux
partenaires ainsi que l'excès de relation affectant la vigilance
exposent l'entreprise à des risques d'expropriation de
compétences stratégiques (Schilling & Thérin 2006, p
253). Le contrôle et la confiance doivent être mis à
contribution pour un apprentissage mutuel (Hoecht & Trott 1999).
Malgré tout, ces deux éléments, même s'ils sont bien
articulés, rencontrent des limites lorsque le niveau
d'intégration entre partenaires est fort. D'où le besoin d'un
complément qui est la gouvernance modulaire.
7.4. Gouvernance modulaire
On a vu ci-dessus le critère de formalisation et le
critère de transfert de connaissances dans le choix des
mécanismes de gouvernance. Ici, la modularisation renvoie au
critère d'intégration des ressources.
En effet, lorsque la structure est de nature à
faciliter la diffusion des compétences tacites entre les acteurs, il est
nécessaire, afin de se protéger, de limiter le
périmètre de l'alliance ou de se limiter à des
technologies moins critiques (Jordan 2004; Oxley & Sampson 2004). Le
périmètre peut être limité par une organisation de
projets en modules faiblement couplés (Brusoni & Prencipe 2001).
D'autre part, dans le cas où les critères de
sélection du partenaire (voir gouvernance relationnelle) ne sont pas
suffisamment satisfaits, la fuite des compétences clés peut
être minimisée par une définition claire du
périmètre de l'alliance qui se traduit par une
répartition
des tâches convenue à l'avance. Cette
répartition exige de bien isoler les composants et de bien formuler
leurs interfaces3. Cette démarche est efficace
particulièrement dans le cas d'un projet d'innovation
incrémentale (Jordan 2004).
Howells et al. (2008, p 221) ont mis en avant les facteurs qui
sont derrière la décision de s'allier pour des activités
R&D. Ils notent, en particulier, la préservation des technologies
stratégiques, le degré de modularité des tâches, le
degré de l'implicite, la fuite des compétences
propriétaires et la protection de la propriété
intellectuelle.
Grant et Baden-Fuller (2004) font la distinction entre
l'acquisition et l'accès à la compétence. Ils rappellent
les deux dimensions de la gestion des compétences: les activités
qui amplifient le stock de compétences (exploration) et celles qui
utilisent les compétences existantes pour créer de la valeur
(exploitation). Dans ce deuxième cas, les entreprises recherchent
à avoir accès aux compétences de leurs partenaires
uniquement pour une complémentarité, sans l'intention de les
internaliser. Les deux partenaires collaborent ensemble tout en
préservant chacun ses compétences spécialisées et
distinctives grâce à un couplage faible technique et
organisationnel. Dans un tel système de spécialisation
interorganisationnelle issue de la modularisation des projets (Langlois 1999),
les acteurs importent et exportent certaines de leurs compétences
encapsulées dans des modules indépendants et communiquant entre
eux de façon optimale. Il y a moins d'informations
échangées entre les modules et moins d'interactions et de
coordination entre les organisations. C'est ce que nous appelons la gouvernance
modulaire. Le cas est illustré dans bon nombre d'industries et en
particulier l'industrie des télécommunications.(Grant et
Baden-Fuller 2004).
Il faut toutefois rappeler que cette organisation modulaire
(spécialisation verticale4) n'est pas la panacée et
que les entreprises font tout leur effort pour rester quelque peu
intégrées afin de garder la maîtrise de compétences
liées à certains composants confiés à d'autres
(Ernst 2005). Poussée à l'extrême, la modularité
nuit aux échanges d'informations et réduit les efforts de
coordination à des pratiques routinières peu résistantes
aux crises.
Le modèle présenté dans cette
première partie, a permis de clarifier les éléments
clés de ce processus de transfert de compétences qui est au coeur
des enjeux des alliances technologiques. Nous avons développé
trois critères empruntés à la littérature pour
caractériser les modes et les mécanismes de gouvernance :
formalisation, intégration et transfert de connaissances. Nous avons vu
ensuite que le contrat formel, la relation et la modularité contribuent
chacun à gérer le transfert de compétences dans les
partenariats d'innovation.
En deuxième partie, nous vérifierons
empiriquement la dynamique de ces trois dimensions (contrat, relation,
modularité) quant au partage et à la protection des
compétences.
3 Ici on fait allusion à la conception
modulaire qui permet de décomposer un système complexe en
sous-systèmes et en composants pour en maîtriser la
complexité. Cela induit une spécialisation au niveau
organisationnel et interorganisationnel (désintégration
verticale). (Gershenson, Prasad & Zhang 2003)
4 d'après Ernst (2005)
2 ÈME PARTIE : ANALYSE EMPIRIQUE
8.Méthodologie
Nous avons opté pour une démarche qualitative
afin d'apporter des réponses à la problématique
posée. En effet, une étude quantitative, pour être valide,
exige d'élaborer des variables pertinentes et mesurables sur un
échantillon suffisant d'acteurs. Cela nous était délicat
à cause du manque de ressources et d'expériences en
matière de définition de variables et d'établissement de
corrélations. De plus, nous n'avons pas pu disposer de sources
secondaires sur le secteur. A ce propos, un questionnaire composé de
questions fermées5 a été élaboré
et a servi uniquement à valider notre choix d'abandonner l'approche
statistique.
La revue de la littérature nous a
éclairés sur le bien fondé de l'étude des
cas6. Nous avons essayé de sélectionner des cas
limités en nombre mais dont les entreprises ont des positions centrales
dans le réseau. Elles collaborent avec plusieurs partenaires dans une
logique de spécilaisation verticale.
Cette étude s'intéresse aux expériences
et opinions des acteurs impliqués. Notre démarche est d'analyser
le type de relation vécu ainsi que ses retombées en termes
d'apprentissage. Le terrain d'étude concerne deux cas d'entreprise du
secteur des télécommunications inscrits chacun dans un
réseau de collaboration7. Leurs offres sont destinées
à des clients de renom très exigeants et dynamiques en
matière d'innovation.
Nous avons procédé selon 3 étapes :
1. Formalisation du dispositif d'investigation,
2. Détermination des interlocuteurs,
3. Recueil des données, traitements et analyses.
8.1. Dispositif d'investigation
Nous avons invité nos interlocuteurs à prendre
chacun un cas de relation liée à un (des) projet(s) à fort
caractère novateur. Dans ce cadre, ils ont été
amenés à donner leurs opinions et à les illustrer par des
exemples sur la nature de la relation entretenue et ses retombées sur
leurs organisations respectives.
Le premier cas correspond à une collaboration
technologique centrée sur l'intégration de composant logiciel et
le deuxième cas concerne une collaboration centrée sur la
création de nouveaux produits. Les deux collaborations s'inscrivent dans
le processus de commercialisation de téléphones cellulaires. La
comparaison des deux cas en termes d'apprentissage est pertinente en ce sens
que l'un concerne l'innovation de composants (modulaire) et l'autre concerne
l'innovation produit. Les deux évoluent dans le même contexte
technologique et économique avec différents niveaux de risque et
d'incertitude. L'innovation de composants est moins visible par le client
utilisateur contrairement à l'innovation produit. Les enjeux
économiques ne sont pas les mêmes. Le cas d'innovation de
composant offre une certaine flexibilité de livraison de la fonction
logicielle contrairement au cas d'innovation produit.
5 Pas présenté dans cette
étude
6 Les cas des articles examinés nous ont
sensibilisés à la méthode d'étude de cas. Nous
n'avons pas étudié les aspects théoriques de la
méthode.
7 Seule la relation dyadique concerne notre
étude.
Les rapports client-fournisseur sont inversés. Dans le
cas d'innovation modulaire, le composant provient intégralement du
fournisseur. En innovation produit, c'est le client qui est source de la partie
innovatrice. Mais dans les deux cas, les idées d'innovation sont
initiées par le client du client. De plus, le client du premier cas est
de taille importante vis-à-vis de son fournisseur alors que dans le
deuxième cas, les deux partenaires ont des tailles comparables.
Nous avons procédé de telle manière que
le questionnaire réponde à notre projet et soit
compréhensible par les questionnés. Pour cela, après une
revue croisée et un test préalable, nous avons constitué
l'échantillon (six sociétés8) en contactant les
personnes directement. Puis nous avons envoyé des mails incluant le
questionnaire et une proposition d'entrevue par téléphone ou en
face à face.
Seuls les retours directs des questionnés serviront
à construire la matière de notre grille d'analyse. Nous n'avions
pas eu la possibilité d'avoir des sources secondaires pour cause de
confidentialité. En effet, il aurait été utile d'exploiter
les données formelles des projets pour en extraire les problèmes
rencontrés et les démarches adoptées.
Le questionnaire est structuré selon quatre axes :
contexte, nature, gouvernance et retombées de la relation (Lefaix-Durand
et al. 2006).
La nature de la relation est caractérisée par la
situation dans laquelle l'échange s'opère et par les
comportements des acteurs pendant cet échange. La gouvernance est
liée aux facteurs de régulation et de coordination. Les
retombées peuvent être d'ordre tangible (biens, argent...) ou non
(apprentissage par exemple). L'importance de l'environnement d'affaires, quant
à lui, est corrélée au degré d'incertitude
perçu par les gestionnaires.
Notre enquête exclut les processus mis en oeuvre dans
l'organisation, les raisons des décisions stratégiques, les
niveaux de performances et les innovations organisationnelles. Guide
d'entretien
Choisissez un cas de relation avec un partenaire pour des projets
novateur
1. Comment évaluez-vous le secteur d'activité de
votre entreprise ? 1 à 10 : de complètement prévisible
à chaotique.
2. Décrivez la situation d'échange de votre
relation ?
Proximité des acteurs ? Fréquence de
l'échange ? Le degré d'interdépendance ? Orientation
temporelle (court ou long terme) ?
3. Comment caractérisez-vous le comportement dans les
échanges ?
Engagement des acteurs : volonté de maintenir la
relation ? Coopération des acteurs : actions conjointes ? Communication
des acteurs : partage d'information ? Degré de confiance entre les
partenaires ?
4. Décrivez le mode de régulation mis en oeuvre
?
Utilisation du pouvoir d'influence : niveau de coercition ?
Centralisation de prise de décision ? Niveau de formalisation des
ententes commerciales ?
5. Qu'en est-il du mode de coordination mis en place ?
(planification des ressources au cours du processus d'échange)
Intégré ou fragmenté ? Flexible ou
rigide ? Réactif ou lent ? Utilisation SI : poussée ou
limitée
6. Quelles sont les retombées positives de cette relation
sur l'innovation et la capacité d'innovation de votre entreprise ?
7. Qu'en est-il des retombées négatives sur
l'innovation et la capacité d'innovation de votre entreprise ?
8. Listez par ordre d'importance les éléments que
vous considérez comme déterminants sur la capacité
d'innovation ou sur la réussite des innovations.
8 Echantillon de 6 dont 4 investigués. Seuls
deux cas, parmi les quatre, ont été retenus pour l'analyse.
9. Beaucoup d'entreprise craignent de la collaboration externe
que le partenaire puisse récupérer des compétences
stratégiques. Qu'en est-il dans votre entreprise ?
10. Que pensez personnellement de tout ceci ? Qu'est-ce que le
partenariat vous a apporté à vous individuellement (sur votre
métier, votre fonction, votre carrière, etc.) ? Quels sont vos
regrets ?
8.2. Chaîne de valeur de l'industrie des
téléphones mobiles
L'objet de ce chapitre est de reprendre le concept
d'architecture industrielle (industry architecture) décrit par Pisano
& Teece (2007) et qui correspond à la modularisation industrielle
abordée dans le chapitre précédent. Il s'agit d'imaginer
l'industrie des télécommunications comme un système dont
l'architecture reflète la nature, le degré de
spécialisation des acteurs et la structure des interactions entre
elles.
Pisano & Teece (2007) ont illustré le concept par
l'exemple de l'industrie des ordinateurs personnels (PC). Nous l'illustrons
dans cette étude par l'industrie des télécommunications
cellulaires qui est notre champ d'investigation. Cela aidera à
contextualiser les partenariats investigués.
Des secteurs comme ceux des semi-conducteurs et des
télécommunications ont connu une évolution importante de
leur chaîne de valeur où l'acheteur de R&D est devenu un
intégrateur de sa propre technologie avec des composants externes
(Pennings & Harianto 1992).
On est passé d'une chaîne où
prédomine une forte intégration verticale (Fig. I, annexe 1)
à un schéma éclaté (Fig. II, annexe 1) où
des entreprises spécialisées occupent une partie de la
chaîne de valeur du produit (Anderson & Jonsson 2006). Elles sont
« associées approximativement » du fait de la modularisation
(Schilling & Thérin 2006).
Fig 3. Chaine de valeur : industrie
mobile
Chip Maker Plateform
Povider
3rd Party
3rd Party
ODM OEM
3rd Party
EMS
Concrètement, les « Chip Makers » (fabricants
de composants électroniques) conçoivent des circuits
intégrés numériques (par exemple de traitement de signal)
et des circuits analogiques (par exemple de filtrage radio). Ces circuits
peuvent être livrées seuls ou assemblés dans des
micromodules. Le « Platform Provider » (fournisseur de
plateformes) intègre des
fonctions logicielles et électroniques pour en faire
des « reference design » c'est-à- dire des solutions
technologiques formant le coeur du produit final. Ces
modules-références sont mis à la disposition des ODM
(fabricants concepteurs) ou directement à des OEM (fabricants
d'équipement originaux). Les ODM réalisent des personnalisations
destinées à des OEM ou EMS (fabricants industriels). Les parties
tierces fournissent des applications logicielles à des fournisseurs de
plateformes, à des ODM et à des OEM.
L'industrie de télécommunications n'est pas
encore au stade de celle des ordinateurs personnels (PC). En effet la
standardisation des interfaces n'y est pas très développée
et les fabricants du premier niveau (Chip Maker, Plateform Provider, ODM, OEM)
continuent d'articuler les stratégies de spécialisation et
d'intégration.
8.3. Choix des interlocuteurs9
Les sociétés qui font l'objet de notre
enquête représentent chacune un maillon dans la chaîne de
valeur de la réalisation de produits high-tech en l'occurrence des
téléphones mobiles10. Dans cette chaîne de
valeur, on distingue :
o Le fournisseur de plateformes génériques
(NextSol),
o Le ISV (Independent Software Vendor) spécialisé
dans la conception et la commercialisation de solutions logicielles pointues
(MediaPlug),
o L'ODM (Original Design Manufacturer) qui est le client des ces
premiers acteurs. Sa vocation est d'offrir un portefeuille de solutions
destinées aux OEM (AvantCell),
o L'OEM (Original Equipment Manufacturer) (Client OEM e.g.
Motorola),
o Opérateurs ou clients finals (non adressés par
cette étude) (e.g. Vodafone).
Fig 3a. Chaine de valeur : industrie
mobile
Chip Maker NextSol
3rd Party MediaPlug
AvantCell Client OEM
3rd Party
EMS
Les relations entre ces
partenaires sont très fortes et l'intensité
d'innovation caractérise leur environnement.
Des acteurs dans des projets achevés ou en cours de
finalisation ont été sélectionnés via le
réseau personnel (Linkedin et Viadeo). Ils sont des chefs de
projets ou des experts dont l'influence sur les projets d'innovation est (ou a
été) déterminante. Notre but est de mesurer leurs
perceptions et leurs opinions sur les relations et les bénéfices
acquis.
Les chefs de projets ont la mission de garantir les livraisons
et disposent d'une certaine autonomie de décision dans la gestion de la
collaboration. Ils suivent l'engagement du partenaire et ont la charge de
créer les conditions de réussite des projets, aussi bien
techniques que relationnelles. Ils coordonnent les actions entre les
commerciaux et les experts de leur société et les pairs
assignés par le partenaire.
Les experts ont le rôle de spécifier et de
s'accorder sur le périmètre d'intervention technique du
partenaire. Sous l'égide du chef de projet, ils contrôlent la
production et la qualité des modules. Ils interviennent dans le
processus de gestion de configuration (modifications, corrections, «
versionnage »...). Les experts sont censés maîtriser leurs
architectures respectives en plus du système d'interface entre les
modules. Ils se conforment aux éléments contractuels
(formulés ou pas) définissant le contour technique des
échanges.
Ces deux rôles représentent des sources
d'information fort exploitables pour notre projet. C'est à travers les
réponses des chefs de projet et des experts que nous sommes à
même d'analyser le processus de transfert de compétences. Ils sont
mieux placés pour nous renseigner sur le contexte, la nature, la
gouvernance et les retombées de la relation de partenariat.
9 Les sociétés ont été
renommées pour des impératifs de confidentialité
10 Voir figures en annexe 1
Par ailleurs, notre choix de ces interlocuteurs est
justifié par la restriction de notre enquête sur les aspects
opérationnels de la relation d'apprentissage. L'aspect
décisionnel de la stratégie d'apprentissage ne fait pas partie de
notre investigation.
9.Analyse des résultats
9.1. Dispositif de collecte des données
Nous avons rencontré les acteurs en dehors de leur
contexte de travail. Cela a été justifié par des
contraintes de disponibilité et par la volonté de prendre du
recul sur des pratiques en cours. On peut affirmer que l'éventuel biais
lié à cette décision est minime car ces managers ont
accordé des créneaux qui leur convenaient et parce que la
configuration de leur responsabilité n'est pas géographiquement
contraignante.
L'entretien a commencé par des informations sur le
contexte de l'entreprise et le référentiel de la relation.
Ensuite des questions concernant la nature et la gouvernance de la relation ont
été posées pour enfin aborder les retombées de
celle-ci. Nous avons mené notre série d'enquêtes fin juin
2008. Chaque entrevue a duré environ trois quarts d'heure.
Les réponses ont été transcrites avec
l'approbation des questionnés. Les questions ont été
adaptées au fur et à mesure selon les réponses
reçues et selon les problèmes vécus dans les projets
sélectionnés. Les interlocuteurs ont exprimé leur vif
intérêt pour le sujet.
Les réponses recueillies ont été
compilées et reclassées ensuite pour caractériser les
spécificités de la collaboration considérée. Le
système de codage utilisé pour chaque cas est structuré
selon les catégories suivantes :
Contexte de la relation
Motifs de la relation
Objet de la relation
Nature de la relation
Gouvernance de la relation
Retombées de la relation
Dans ce qui suit, nous proposons une synthèse des
affirmations recueillies, qui a été soumise aux
questionnés pour approbation. Mais avant cela, nous précisons
qu'on a retenu deux cas parmi les quatre qui ont été
réellement investigués. Les deux cas retenus l'ont
été selon des critères de complémentarité et
d'intensité technologique. Les deux cas qui ont été
exclus, se caractérisaient par des approches marchandes (externalisation
SI, achat de composant sur étagère (off-the-shelf)).
9.2. Présentation des cas
9.2.1. Identification des acteurs
Le tableau ci-dessous décrit les différents acteurs
de l'environnement choisi. Les deux sociétés approchées
sont NextSol et LabsNord.
|
NextSol
|
MediaPlug
|
Client OEM
|
LabsNord
|
AvantCell
|
Client Luxe
|
Description générale
|
MNC : solutions pour
OEM, ODM
|
Start-uo .
. '
modules
applicatifs multimédia
|
MNC : Fabricant
'. dquipement
cellulaires (OEM)
|
OEM :
d'équipement de niche
|
ODM : fournisseurs de
plateformes "turnkey"
|
Marque de Luxe :
produits - . - dérivés
|
|
NextSol
|
MediaPlug
|
Client OEM
|
LabsNord
|
AvantCell
|
Client Luxe
|
Secteur
|
Telecom
|
Multimédia
|
I E ectronique s
|
Telecom, accessoires
|
Telecom
|
Marque de luxe (prêt à porter)
|
Taille
|
>30.000
|
50 environ
|
>30.000
|
100 environ
|
200 environ
|
nc
|
Localisation
|
France
|
France
|
Asie
|
France
|
France/Asie
|
France
|
Produits/Services
|
Solutions Telecom
|
Modules logiciels
|
Produit grand public
|
Produit cellulaire
|
Plateformes pour OEM
|
nc
|
|
OEM, ODM
|
OEM,
ODM
PublicClient(s)
|
Opérateurs
|
Grand
,
Clients spécialisés
|
OEM
|
Grand public ciblé
|
Fournisseur(s)
|
ISV,
Semi- conducte urs
|
Laboratoire s de
recherche
|
ODM, ISV
|
ODM
|
Fournisseur de
solutions,
ISV
|
OEM
|
9.2.2. Cas 1 : Innovation de composant
Ce cas d'innovation se traduit in-fine par un produit sur le
marché mais la relation concerne deux acteurs qui se trouvent en amont
de la chaîne de valeur. NextSol fait de l'innovation architecturale et
confie les modules à des sociétés tierces (MediaPlug dans
notre cas) (Voir Fig. 4).
Fig 4. Collaboration d'innovation de
composant
Chip Maker NextSol
3rd Party MediaPlug
ODM Client OEM
3rd Party
EMS
NextSol est amenée à mettre à la
disposition de ses clients un portefeuille de plateformes
diversifiées
et personnalisables
rapidement. Ces
plateformes sont
composées de modules électroniques et logiciels
natifs formant le coeur du système. Grâce à une gestion
rigoureuse de l'architecture, des modules supplémentaires
conçus en interne sont prévus pour
des évolutions ou
personnalisations futures. Lorsque les demandes clients ne
peuvent pas être réalisées en interne par manque de
ressources ou à cause de l'urgence de la demande, NextSol s'adresse
à des ISV pour acquérir et intégrer des modules logiciels
dans les plateformes. Elle gère entièrement l'innovation
architecturale en interne et intègre les modules externes provenant de
partenaires spécialisés.
La relation entre NextSol et MediaPlug est clairement
définie dès le départ11 et leurs interactions
sont concentrées sur l'interface entre le module externe et les autres
modules de la plateforme. NextSol a une grande expertise dans les protocoles de
télécommunications et elle recherche à acquérir le
même niveau en multimédia à
11 Notons que NextSol est en cours de certification
du niveau 3 de CMMi. «The CMMI model identifies the best practices for
specific processes and evaluates the maturity of an organization in terms of
how many of those practices it has implemented» (Hammer 2007, p
118)
cause des sollicitations de ses clients. Ceux-ci peuvent
être des ODM ou des OEM. Dans notre cas le client final est un OEM qui se
fait livrer des solutions qu'il complète lui-même en y ajoutant
des fonctionnalités spécifiques. De par sa taille et sa puissance
sur le marché, il est très exigeant en termes d'innovation. Il
impose à NextSol d'enrichir la plateforme de façon
continue afin d'anticiper les besoins du marché et contrer la
concurrence. Suite à une requête de ce client, NextSol
s'est adressée à MediaPlug pour acquérir un
module intégrant une nouvelle technologie multimédia.
MediaPlug est une start-up spécialisée dans le
domaine du multimédia embarqué. Elle développe des
algorithmes de traitement de signal et offre une gamme complète de
solutions avec la possibilité de faire évoluer celles-ci selon
les exigences du client. L'originalité de sa solution est qu'elle est
entièrement logicielle imposant toutefois un certain niveau de puissance
aux architectures cibles. Ses technologies sont protégées et
inaccessibles aux clients (« black box »). MediaPlug a peu
de concurrents. Elle participe aux projets de ses clients pour rendre ses
modules compatibles avec les contraintes d'architecture. Son équipe est
très spécialisée et capable de traiter techniquement toute
personnalisation, dans la limite des ressources planifiées.
MediaPlug accorde des droits d'usage du module à
NextSol laquelle lui verse des
« royalties ». De ce fait, peu de détails
sont donnés sur le fonctionnement interne du composant.
MediaPlug n'a, a priori, aucune compétence technique sur la
plateforme qui va inclure son module.
Motifs de la relation
En plus de l'aspect novateur du module, NextSol
réduira, grâce à la solution de MediaPlug, les
coûts de ses plateformes en remplaçant une fonctionnalité
électronique par une fonctionnalité purement logicielle et
améliorera le niveau de miniaturisation de ses offres. Le rôle de
ce module est loin d'être négligeable dans la constitution de la
plateforme. NextSol considère que l'accès à cette nouvelle
technologie va lui permettre d'approfondir ses compétences en
multimédia. Elle n'exclut pas non plus de pouvoir la développer
en interne afin de se protéger de toute dépendance excessive de
l'extérieur. NextSol continue de développer d'autres modules en
interne malgré leur disponibilité sur le marché pour des
raisons de coût et d'expertise.
MediaPlug considère NextSol comme un partenaire
stratégique qui lui permettra d'imposer sa technologie sur le
marché. Cependant, elle mesure le risque de perdre ses
compétences stratégiques contenues dans le module. Elle veille
donc à ne communiquer que ce qui est conforme au contrat.
Objet de la collaboration
MediaPlug s'engage à livrer son module selon les
spécifications, coûts et échéances formulés
dans le contrat. Elle doit également assurer une assistance
d'intégration dans les plateformes de NextSol. Enfin, un service
après vente est requis dès le lancement commercial.
Nature de la relation
La situation d'échange se caractérise par une
proximité géographique, culturelle et technique. Les contacts
sont fréquents, au début entre les commerciaux, et ensuite entre
les experts. Le contrat prévoit une collaboration de long-terme car le
module demandé est prévu pour être un module standard de
toutes les plateformes de NextSol.
NextSol n'est pas très dépendant de
MediaPlug et inversement mais les deux sociétés sont
conscientes des bénéfices qu'elles attendent de cette
collaboration. La première est sollicitée par son client pour
proposer des améliorations innovantes et rapides en multimédia et
la deuxième voudrait bien disposer des avantages d'un client de prestige
et un client du client puissant.
En termes de comportement dans l'échange, il y a une
bonne communication entre les vis-à-vis (commerciaux, chefs de projet,
experts). Le contrat signé, selon un protocole de NextSol, sert de base
à la gestion des changements et des extensions de
périmètre. La perception générale est qu'il existe
un climat de confiance grâce à la reconnaissance des
compétences respectives et à la transparence de la relation.
9.2.3. Cas 2 : Innovation produit
Ce cas d'innovation a pour but de réaliser de nouveaux
produits de luxe. Les deux parties se trouvent en aval de la chaîne de
valeur (cf. Fig. 5). LabsNord fait de l'innovation de composant (dite aussi
modulaire) dont elle confie l'intégration à AvantCell. Celle-ci
fournit tout le produit dont elle assure le développement. LabsNord
externalise ainsi le développement à AvantCell et assure à
son client final (marque de luxe) un produit clé en main. Elle
protège l'innovation requise jusqu'à la phase de
commercialisation. L'innovation initiée par le client final,
étudiée par LabsNord et réalisée par AvantCell sera
visible et représentera un critère de choix important pour
l'utilisateur.
Fig 5. Collaboration d'innovation
produit
Chip Maker Plateform
Provider
3rd Party
AvantCell LabsNord
3rd Party
3rd Party
EMS
LabsNord est une entreprise OEM, de taille moyenne
spécialisée dans la conception partielle et la commercialisation
de produits grand public notamment des téléphones portables.
Elle
externalise tout le développement du produit à
des ODM européens ou asiatiques. Son intervention dans la
définition du produit
se limite aux personnalisations demandées par son
segment-niche. Elle
dispose de compétences dans les domaines du design
mécanique, de l'interface homme-machine (IHM), de la gestion de projets
et du marketing. Ses clients sont très inventifs et ont tendance
à manquer de constance dans leurs exigences.
AvantCell gère des plateformes complètes,
prêtes à être industrialisées et destinées
à des OEM. Il offre la possibilité à ses clients
d'apporter certaines transformations de ces plateformes standards selon leurs
perspectives commerciales. Elle fait face à la concurrence asiatique qui
est devenue récemment plus étendue et commercialement agressive.
La collaboration avec LabsNord lui donne la possibilité de contourner
cette concurrence plutôt centrée sur l'entrée et moyenne
gamme.
Enjeux de la relation
Pour LabsNord la réalisation de produits de
luxe impose d'avoir des ressources considérables. La solution est de
collaborer avec un partenaire proche, compétent et disposant de la
plupart des ressources manquantes.
Pour le fournisseur, avoir des références dans le
luxe est vital pour sa survie en face de la concurrence asiatique.
Au-delà de ces considérations, LabsNord tient
à ce que les détails des innovations ne soient connus que de
façon relative car ces innovations ne sont pas protégeables une
fois divulguée (secret commercial temporaire). D'autre part le
fournisseur (AvantCell) ne cache pas son intérêt d'en savoir le
plus possible sous prétexte d'anticiper le besoin du client et de
pouvoir assurer le niveau de qualité requis. Il y a un risque dont
LabsNord est bien consciente à savoir la transformation de
ce fournisseur en concurrent.
Objet de la collaboration
LabsNord externalise à AvantCell tout le
développement du produit à l'exception de :
o La conception de la partie mécanique. Il s'agit de la
coque de l'appareil et son aspect extérieur (design). Cela inclut la
nature des matériaux, les couleurs, l'ergonomie, la robustesse et
l'esthétique.
o La conception et la réalisation de l'interface
homme-machine (IHM). Il s'agit des menus des commandes et leurs
enchaînements avec des exigences d'intuitivité et de
fluidité d'affichage (look & feel).
Pour ces deux modules, le fournisseur s'engage à les
intégrer dans le produit et à être une force de proposition
pour la faisabilité technique, la testabilité et la
conformité aux normes en vigueur.
Nature de la relation
Il y a une grande proximité géographique et
culturelle. Certains décideurs et experts de LabsNord sont des
transfuges de AvantCell. Les contacts sont très fréquents pour la
conception et le suivi des réalisations. La relation est orientée
vers le long terme mais tous les nouveaux projets ne sont pas forcément
confiés à AvantCell.
L'interface entre les deux organisations est assurée
par des experts qui se connaissaient auparavant. On communique beaucoup et
chacun a le souci du maintien de la relation. Il est envisageable pour chacun
qu'il intervienne dans un cadre qui sort du contour de ses
responsabilités. LabsNord (le client) a tout à fait confiance
envers AvantCell (le fournisseur) pour ses capacités et sa
fiabilité, et imagine que c'est réciproque.
9.3. Analyse des cas
Nous comparons les deux cas en décrivant ce qui les
différencie et ce qui les unit (voir tableau ci- dessous). Les
mécanismes de gouvernance relationnelle et transactionnelle ainsi que la
modularité des deux cas seront abordés selon la perspective de la
gestion de compétences (partage et protection).
9.3.1. Spécificités et convergence des
deux cas
Chaque cas à des implications différentes du fait
de ses spécificités. Les points de convergence permettent de
nuancer ces implications.
Tableau 2 : Spécificités et convergence des
deux cas
|
Cas 1 : Innovation de composant
|
Cas 2 : Innovation produit
|
Différences :
|
|
|
Contrat projet signé ex-ante
|
contrat projet signé à la fin du projet mais
signature de GPA
|
Cadré (application de processus du client)
|
moins de contrainte
|
Orga. non similaire (vertical)
|
Orga. similaire : horizontal
|
Plusieurs partenaires
|
1 ou 2 partenaires
|
R&D interne développé
|
R&D interne limité
|
Paradoxe d'apprentissage dans les partenariats d'innovation : le
rôle du contrat, de la relation et de la modularité 26
Similitudes :
Source innovation : client final
Même marché
Proximité technologique et culturelle
Système de royalties (par produit vendu)
Compétences complexes
Orientation client et modifications clients récurrentes
Transfert de compétences explicites limité
Création de compétences en internes
Cas 1 : Innovation de composant
Appropriabilité : secret commercial, licence
Cas 2 : Innovation produit
Appropriabilité: délai (lead time)
Capacité financière du client
Client avec peu de ressources
Innovation de composant
Partenariat R&D
innovation produit
R&D conjoint et externalisation
Alliance contractuelle et plus si affinité
Alliance peu formalisée
Evolution techno. : rapide
Innovation incrémentale
Evolution techno. : lente
Innovation NPD : radicale
R&D non intégré
Alliance verticale
R&D relativement intégré
Alliance horizontale (le fournisseur peut devenir
concurrent
Confiance a priori (expertise, réputation)
Confiance établie
Client OEM
MNC vs Startup
Client : marque de luxe
Taille équivalente (PME)
Autonomie du fournisseur
Niveau d'incertitude limité
Fournisseur peu autonome
Niveau d'incertitude élevé
Le client gère entièrement sa solution avec des
modules internes et
externes
Redondance des compétences pour le composant
Frontières clairement définies
Le client n'a de contrôle que sur l'esthétique et
l'IHM du produit
Complémentarité des compétences
Frontières instables
|
Cas 1 : Innovation de composant
|
Cas 2 : Innovation produit
|
|
Catégorie d'innovation architecturale/modulaire
|
9.3.2. Cas 1 : Innovation de composant
NextSol s'est adressée à
MediaPlug pour déployer la technologie voulue par son client et
non disponible en interne. Le but premier était d'avoir accès
à une technologie d'un spécialiste de bonne réputation. La
modularité de son architecture lui en a facilité
l'intégration sans risque pour ses propres technologies
stratégiques.
Le niveau de maturité de NextSol12 a permis
la définition et l'approbation du contrat avant le début de la
réalisation. La gestion des modifications du contrat et du
périmètre fonctionnel est convenue formellement. NextSol
perçoit le contrat comme un cadre nécessaire sans y recourir
systématiquement. MediaPlug lui accorde beaucoup d'importance à
cause de la sensibilité stratégique du module.
La régulation s'effectue entre les commerciaux pour les
aspects transactionnels, entre les chefs de projets pour les aspects
opérationnels et entre les experts pour les aspects techniques. Lorsque
NextSol a besoin d'influencer la décision de son partenaire, il recourt
au contrat ou à la négociation. Les pressions du client de
NextSol sont retransmises à MediaPlug pour plus de
réactivité.
Rappelons que NextSol privilégie la relation avec le
fournisseur (MediaPlug) pour faciliter la gestion des modifications aussi
importantes qu'imprévisibles. D'un autre côté MediaPlug a
besoin, en plus de l'aspect modulaire de la livraison, du contrat pour
protéger ses compétences stratégiques.
L'asymétrie entre NextSol (MNC) et MediaPlug (Strat-up)
en termes de taille induit un rapport de négociation
déséquilibré. MediaPlug n'a pas de marge pour refuser les
mises à jour ni les refontes éventuelles de son module.
Malgré tout, le niveau d'incertitude est limité pour les deux
parties grâce à la distinction des frontières de leurs
périmètres respectifs. Ces modifications (imposées
directement ou indirectement) fournissent des informations précieuses
sur le fonctionnement du module. Le processus de résolution de
problèmes géré conjointement facilite l'échange des
techniques implicites.
En termes de coordination, les équipes travaillent
ensemble pour avoir le même niveau d'information et ainsi résoudre
mutuellement les problèmes. Dans le cas d'une nouvelle demande qui sort
du cadre du calendrier, une action conjointe est opérée pour
définir une nouvelle référence incluant de nouveaux
engagements budgétaires et temporels. MediaPlug fait tout chiffrer dans
ce cas pour allouer de nouvelles ressources. Ce dernier point est le plus
sensible. La propension de NextSol à accepter presque toutes les
modifications de son client contraste avec l'attitude de MediaPlug qui s'appuie
sur la modularité de son module pour continuer d'en maîtriser
l'évolution.
Les livraisons ont été effectuées selon
les plans. NextSol a engagé une négociation pour acquérir
MediaPlug. Les raisons de cette décision stratégique restent
obscures. Le questionné pense qu'une raison peut être de
s'approprier des standards de fait en multimédia ou tout simplement de
contrer les concurrents ou les nouveaux entrants. Cela donnerait plus de marge
à l'entreprise en limitant l'accès des concurrents à la
technologie.
12 Certifiée niveau 2 et en préparation
du niveau 3 CMMi
La modularité dont a bénéficie
NextSol, bien qu'elle ait permis de déployer rapidement de
nouvelles technologies, représente un risque d'imitation des
concurrents. En effet, qu'est-ce qui empêche ces derniers de faire appel
aux services de MediaPlug pour être au même niveau
d'innovation que NextSol ?
En termes de transfert de compétences, NextSol n'a
acquis que des compétences limitées sur le module
intégré. Officiellement, seules les entrées et sorties de
celui-ci ont été échangées. L'équipe de
NextSol a acquis des compétences d'intégration d'un module
particulier qui n'était pas conçu à l'origine pour la
plateforme. MediaPlug a saisi les particularités de l'architecture de
NextSol sans pour autant en connaître le fonctionnement interne. Cela lui
permet d'optimiser et de standardiser l'interface de son module pour d'autres
clients. Officieusement, NextSol a acquis des connaissances implicites au
travers des évolutions récurrentes initiées par son
client.
En conclusion, on retient de ce cas que lorsque le
niveau de modularité est poussée, on a besoin de peu de
coordination et donc peu de contrôle. Le contrat reflète cette
modularité qui définit en quelque sorte la division du travail de
conception. Il a donc été signé avant le démarrage
du projet. Des mécanismes de contrôle minimes ont
été mis en place rapidement. Du point de vue du transfert de
compétences, cela reste très limité et centré sur
les informations explicites faisant l'objet d'accord ex-ante.
En revanche, pendant le déroulement du projet,
le client de NextSol a maintenu la pression pour faire implémenter des
modifications. On est toujours dans la configuration modulaire mais plus
d'interactions ont été nécessaires pour résoudre
conjointement les problèmes. Cela a remis en cause le schéma
initial. MediaPlug a été contraint de céder, au travers de
ses experts, plus d'informations sur le module. NextSol a pu décrypter
partiellement certaines fonctionnalités de celui-ci.
Parallèlement, MediaPlug a pu en savoir plus sur l'architecture de
NextSol. Le rempart de la modularité a été quelque peu
affaibli. Chacune des parties a eu plus d'informations sur la technologie de
l'autre. MediaPlug pourrait transmettre cette expérience à
d'autres clients et NextSol pourrait tout à fait redévelopper le
module en interne grâce à sa capacité d'innovation (R&D
interne).
Pendant la première phase, la modularité
a joué pleinement son rôle grâce à un
équilibre entre le contrôle et la confiance (voir Tableau 3).
L'apprentissage est limité et la protection est optimale. Pendant la
deuxième phase, on gagne en relationnel à cause des
sollicitations du client final. La modularité reste utile pour
opérer efficacement les modifications techniques mais perd en influence
sur la coordination. D'où un apprentissage plus élargi et une
protection mitigée.
Tableau 3 : Cas 1 : Influence des facteurs
|
Contrat
|
Relation
|
Modularité
|
Effet
|
Sans les demandes de modifications du client
|
++
|
++
+++
|
|
* Apprentissage limité * Protection optimale
|
Avec les demandes de modifications
|
++
|
+++
|
++
|
* Apprentissage élargi * Protection mitigée
|
9.3.3. Cas 2 : Innovation produit
La relation entre AvantCell et LabsNord est
particulière. Le contrat-projet n'est pas signé avant le
démarrage. En revanche, un accord global a été
signé définissant les termes de la collaboration. Cela est
dû au fait que les spécifications étaient volatiles et donc
sujettes à renégociation. Cette flexibilité contractuelle
est imposée également par la nature du marché cible. De
plus, d'un produit à l'autre, le périmètre d'intervention
du fournisseur (en l'occurrence AvantCell) n'est pas le même. Les
possibilités de capitalisation sont réduites.
LabsNord se centre sur son coeur de métier qui
est le design mécanique et l'IHM (interface homme-machine). AvantCell
gère l'évolution de son propre architecture
selon les changements technologiques en général
et par rapport aux exigences de ses clients en particulier. Cela exige une
souplesse au niveau des compétences et des ressources. AvantCell a du
mal à bien gérer cette souplesse d'après notre
interlocuteur. On voit là le paradoxe de la modularité
abordé par Ernst (2005) selon lequel la modularité tient sa
promesse tant qu'on n'apporte pas de modifications radicales à
l'architecture.
La prise de décision est décentralisée
entre les experts et les top managers. Les exigences du client final
(marque de luxe) font que LabsNord est disposé à étudier
les changements de dernière minute quitte à négocier de
nouveaux investissements avec son fournisseur AvanCell. Le niveau de
formalisation est moindre sauf pour les spécifications initiales du
produit.
AvantCell n'a accès ni au client final ni aux autres
fournisseurs de LabsNord. Autrement dit, LabsNord est son seul point de
contact. Les experts des deux sociétés travaillent ensemble au
sein d'une équipe dédiée. Les problèmes et les
événements sont traités en temps réel et suivis
conjointement. Les frontières des deux organisations sont floues et
souvent sujettes à négociation. LabsNord fait un usage intensif
de certaines ressources matérielles de son partenaire.
Techniquement, bien que la conception soit modulaire, les
interfaces entre la partie mécanique et les autres modules du produit
sont instables. Il y a plus d'interaction, donc plus de transfert
d'information. La faible stratégie de LabsNord de protection
directe (GPA) et indirecte (seules les connaissances nécessaires sont
communiquées) est justifiée par la confiance entretenue de part
et d'autre.
D'après l'expert interrogé, AvantCell apprend
beaucoup de la façon d'intégrer des nouveautés dans ses
plateformes sans pour autant maîtriser complètement les concepts
du client. LabsNord ne tire pas de grands bénéfices de sa
relation en termes d'enrichissement de sa base de compétences. Par
contre, il renforce son habileté de mesurer rapidement la
faisabilité technique des idées de son client final.
LabsNord a des connaissances critiques provenant de son client
(marque de luxe) qu'elle veut donc déployer sur des produits
externalisés. Le module dont il garde le contrôle est censé
intégrer ces connaissances. L'ambigüité introduite par la
demande d'intégration de ce module dans un ensemble
maîtrisé par le fournisseur, explique en partie
l'instabilité des responsabilités. C'est un des défis
exprimés par Staudenmayer, Tripsas & Tucci (2005) où le
partenaire est à la merci des contraintes de l'architecture qui est
généralement sensible aux changements. AvantCell dispose ainsi de
plus de marge de manoeuvre que son client.
En conclusion, ce cas nous suggère que moins de
modularité ou moins de stabilité des interfaces pousse vers une
gouvernance plus relationnelle. Cela est illustré par l'existence d'un
GPA (General Purpose Agreement) et par les retards de signatures des
contrats-projets. Le facteur confiance est primordial. D'autant plus que les
activités R&D bénéficient d'un certain niveau
d'intégration entre les deux organisations.
Du point de vue du transfert de connaissances,
LabsNord est consciente que dans de telle configuration un excès de
protection n'a pas de sens. Elle a essayé de répondre aux
exigences de son client en protégeant les nouveautés
temporairement jusqu'à leur commercialisation via des contraintes
formelles générales et une relation de confiance.
Théoriquement, rien n'empêche AvantCell
de copier le modèle économique de LabsNord. Des mécanismes
d'interface avec le client et les fournisseurs ont été mis en
place par LabsNord pour minimiser ce risque. Le contrôle est très
ciblé dans cette relation et ses modalités ne sont pas
forcément formalisées.
La modularité est instable à cause des
interfaces. Cela implique plus d'interactions donc plus d'échange
d'informations. L'aspect contractuel est très réduit. Les
conflits qui en résultent relativisent la qualité des
connaissances échangées. La protection, limitée dans le
temps, ne concerne que des informations spécifiques. (Voir Tableau
4)
Tableau 4 : Cas 2 : Influence des facteurs
Contrat
|
Relation
|
Modularité
|
Effet
|
+
|
+++
|
++
|
* Apprentissage élargi * Protection ciblée
|
9.3.4. Implications
La modularité limite le besoin de contrôle
(Tiwana 2008). C'était le cas de NextSol où le contrat a
pu être signé avant le démarrage du projet. Le contrat n'a
pas besoin de décrire toutes les subtilités des engagements. Les
interfaces du module de MediaPlug avec l'architecture de
NextSol sont clairement définies et définies ex-ante. La
négociation est moins élaborée. Pour le cas de
LabsNord, c'est différent. Bien qu'on soit dans une
configuration modulaire, les interfaces entre le nouveau module et les modules
existants sont volatiles. Le contrat n'aurait pas couvert les incertitudes tant
pour le client (LabsNord) que pour le fournisseur
(AvantCell). Plus la modularité est faible plus
l'ambigüité et la volatilité sont fortes.
Le degré de modularité est plus
élevé dans le cas de NextSol. Le retour qu'on a eu
concernant le transfert limité de compétences confirme le
postulat que plus la modularité des composants est forte, moins le
transfert de compétences est étendu (Mikkola 2003). A l'inverse
le cas de LabsNord est caractérisé par une
modularité moyenne donc plus d'interactions et d'échanges. Cela
induit, par conséquent, plus de transfert de compétences.
Dans les deux cas, les connaissances sont complexes mais elles
n'impliquent pas les mêmes dispositifs de protection. Dans un cas, il
s'agit d'une boîte noire clairement délimitée et dans
l'autre il s'agit de modules avec des interfaces instables. Le client
(LabsNord) essaie de ne divulguer que ce qui est nécessaire
à l'intégration des nouveautés. Il y arrive tant bien que
mal et des conflits sur le périmètre de responsabilité
ressurgissent de temps en temps. Plus les compétences sont complexes,
plus leur transfert est délicat et plus de modularité est
nécessaire pour une gestion efficace.
Le mode organisationnel est influencé par la
modularité du produit (Frigant & Talbot 2005). Dans nos deux cas,
les interfaces entre les équipes sont clairement définies. Chaque
partenaire n'a accès qu'aux spécialistes concernés de
l'autre.
NextSol a envisagé l'acquisition de
MediaPlug. Les raisons de Vanhaverbeke, Duysters & Noorderhaven
(2002) nous semblent moins pertinentes dans nos deux cas. L'historique des
relations n'expliquent pas de telle décision d'acquisition. Les
réponses qu'on a eues s'orientent plutôt vers des raisons de
s'approprier la technologie et donc de la rendre inaccessible aux concurrents.
Quant à LabsNord, les liens directs et historiques n'ont pas
ouvert de possibilités de fusion/acquisition.
NextSol, contrairement à LabsNord, a
géré plusieurs alliances de même type sur d'autres modules
acquis de l'extérieur. La disparité des partenaires aide
l'entreprise à sauvegarder son patrimoine des tentatives
d'expropriation. Elle dispose également d'une structure R&D interne
renforçant sa capacité d'innovation (W. M. Cohen & Levinthal
1990). De plus, NextSol dispose de compétences redondantes avec celles
de MediaPlug. Cela facilite l'accès à la technologie et renforce
le dynamisme d'acquisition de nouvelles compétences (Mowery, Oxley &
Silverman 1996).
L'implication du client final dans la définition du
produit attendu est un point clé quant au dynamisme d'innovation et
d'acquisition d'information sur le marché (Prajogo, Power & Sohal
2004; Knudsen 2007). Dans nos deux cas, la pression d'innovation provient du
client final. « Cette urgence compétitive » (D'Aveni 1994) a
été relayée sur le fournisseur.
La relation est cyclique en ce sens qu'on négocie les
modifications et les nouvelles demandes en les traduisant par la formulation
des engagements dont l'exécution est suivie (ou interrompue) par de
nouvelles négociations (Modèle NCE de Marshall (2004)). Cette
relation cyclique concerne les deux cas notamment le cas d'innovation produit
(LabsNord) à cause de l'absence de contrat formel dès le
début du projet.
Les deux innovations diffèrent par la
possibilité de « reverse engineering ». Celle de composant est
difficile à imiter puisqu'elle est livrée sous forme de
boîte noire (Mikkola 2003). L'innovation produit est facilement copiable.
Ce qui explique que la confidentialité dans ce dernier cas était
limitée dans le temps (Hurmelinna-Laukkanen & Puumalainen 2007), sa
fin prenant effet dès la commercialisation du produit.
Dans le cas d'innovation de composant il y a eu une synergie
entre NextSol et MediaPlug grâce à la
formalisation d'un cadre de travail, à l'autonomie R&D, à la
communication personnelle et électronique, et à l'interaction des
intervenants (Persaud 2005). Cette synergie a permis à chacun de garder
un contrôle relatif sur ses compétences stratégiques. Dans
le cas de LabsNord, cette synergie a été amoindrie à cause
du manque d'autonomie R&D du fournisseur et à la faible
formalisation des engagements.
Dans les deux cas, on n'implique pas le fournisseur dans la
définition du produit. On fait appel au partenaire pour tirer profit de
sa spécialisation (NextSol) ou de sa capacité
d'intégration de nouvelles fonctions sur une plateforme
pré-définie (LabsNord). On est loin de l'optimisme d'une
certaine littérature où l'implication du fournisseur est un
facteur clé de réussite (par exemple Bozdogan et al. (1998)).
Le degré d'apprentissage entre les entités,
même s'il diffère dans les deux cas, reste relatif pour des
raisons structurelles et comportementales (Ingham & Mothe 1998).
Structurellement à cause de la modularité et d'une
activité R&D propre. Comportementalement à cause de la
volonté affichée de restreindre l'échange de certaines
informations critiques. Les experts assument les rôles et les obligations
qu'on leur a attribués. Cela a été quelque peu
ébranlé à cause des sollicitations du client final. Dans
les projets modulaires, la modularité est effective tant que les
modifications des modules ne sont pas radicales (Ernst 2005).
Ce qui caractérise la relation du premier cas est la
recherche d'accès à la compétence et la relation du
deuxième cas la recherche de capacité (Takeishi 2002). Dans le
premier cas, il s'agit de disposer de compétences de l'extérieur
qu'on peut tout à fait générer en interne. Dans le
deuxième cas, il s'agit d'éléments qu'on est incapable de
produire soi-même. Le niveau de dépendance ainsi que les risques
sont différents. Les deux types d'alliances contractuelles
reflètent cela : intégration de composant multimédia au
travers de « licensing » et intégration de composants (design,
IHM) au travers de développement conjoint. Elle est plus contractuelle
dans le premier et moins dans le second et inversement pour l'aspect
relationnel. Le niveau de protection est également différent. Le
design mécanique est banalisé dès son apparition sur le
marché contrairement aux applications logicielles
protégées institutionnellement (brevet) ou gardées
secrètes (secret commercial).
Dans cette deuxième partie, nous avons
exposé et analysé nos deux cas empiriques. Il en ressort que les
trois dimensions (contrat, relation et modularité) interagissent entre
elles dans les alliances technologiques pour donner des effets
différents sur le paradoxe d'apprentissage.
Dans le premier cas, le transfert de
compétences était limité à cause de la
modularité interorganisationnelle du client et la stabilité des
interfaces techniques. Le relationnel est mis en place du fait de la pression
du client final qui exigeait des modifications du module. Ces modifications
était arbitrées dans le cadre du contrat mais ont induit plus
d'interactions donc plus de transfert d'informations tacites de part et
d'autre. Une situation qui a
probablement donné lieu à des
négociations d'acquisition de MediaPlug par NextSol.
Dans le deuxième cas, la modularité
s'appuyait sur des interfaces instables. Les deux partenaires étaient
conscients de ce fait et privilégiaient une gouvernance relationnelle
avec un cadre contractuel a minima. Les connaissances tacites ont
été échangées du fait de l'intégration
relative des activités R&D. Malgré une gestion contractuelle
faible, le transfert des connaissances explicites était
contrôlé au jour le jour via des mécanismes propres au
client (sensibilisation du personnel, contrôle des canaux de
communication avec le fournisseur ...). La protection était
limitée dans le temps ce qui rend la relation plus souple car le client
était sûr de ce qu'il devait protéger et ne pas
protéger et pour combien de temps.
10.Discussion et Conclusion
Cette étude a traité le thème de la
gestion des compétences stratégiques au travers de trois
dimensions : contrat, relation, modularité. La littérature est
moins prolixe, à notre connaissance, sur le rôle de la dynamique
de ces trois dimensions par rapport au paradoxe d'apprentissage. La
modularité technologique et organisationnelle voire
interorganisationnelle est de nature à faciliter la résolution de
la tension entre partager et protéger ses compétences. En plus de
mécanismes de gouvernance adéquats, la modularité
structure les relations et clarifie les responsabilités. Par le moyen de
deux cas empiriques riches d'enseignements (grandes et moyennes entreprises
dans un secteur de haute technologie), on a indiqué le rôle
central de la configuration modulaire combinée avec la gouvernance
transactionnelle et relationnelle sur le transfert (positif et négatif)
des compétences.
Le premier cas concerne un intégrateur de
systèmes (NextSol) qui gère des plateformes propriétaires
auxquelles il adjoint des modules importés de l'extérieur ou
développés en interne. Au travers des interfaces imposées
à son partenaire, il offre à ses clients fabricants
d'équipement originaux (OEM) plus de souplesse et de
réactivité. MediaPlug protège sa technologie et NextSol
n'exclut pas de la développer en interne. L'expérience de
celle-ci en gestion d'alliances lui permet de contrôler sa relation avec
ses partenaires. En termes de transfert de compétences, officiellement
le transfert est limité mais les demandes du client final ont
provoqué des modifications dans le module initial et des connaissances
tacites ont été échangées de part et d'autre. La
modularité résiste mal aux changements importants. Autrement dit,
la modularité encapsule les connaissances et simplifie le processus de
coordination tant que les modifications sont incrémentales. Cela a eu
des répercussions sur la gouvernance qui a glissé, au fur et
à mesure, vers plus de relationnel.
Le deuxième cas est celui d'une société
OEM (LabsNord) qui fait appel à un ODM pour la réalisation de
produits de niche. Elle externalise toutes ses activités R&D sauf la
conception du design mécanique et de l'IHM. Ces parties du produit sont
conçues en modules et font l'objet d'un accord de développement
conjoint. Les interactions entre les deux organisations sont plus importantes
car même si les modules sont conceptuellement bien définis, les
interfaces sont instables à cause de la nature des modules
mécaniques. D'autant plus que les personnalisations d'un produit
à l'autre sont confidentielles et exacerbe la tension entre le partage
et la protection des informations critiques. Tout cela montre que moins de
modularité provoque plus d'interactions et donc plus d'échange
d'informations. Des mécanismes de contrôles complémentaires
sont nécessaires pour protéger des connaissances critiques.
S'appuyant sur les données collectées, on peut
affirmer que la modularité est nécessaire pour protéger
les compétences stratégiques de l'entreprise. Toutefois, il faut
qu'elle soit accompagnée d'autres dispositifs comme les
mécanismes de gouvernance au niveau formel et relationnel.
Discussion
Nous avons proposé une évolution de l'industrie
des télécommunications qui a commencé dès la fin
des années 90. Auparavant, les sociétés intégraient
toutes les activités en leur sein depuis la définition du produit
jusqu'au service client. La désintégration verticale s'est
opérée par paliers en commençant par la production. Or ce
qui est rarement mis en avant est que les activités R&D sont
dorénavant partitionnées en modules et confiés à
des sociétés spécialisées. Si on prend l'exemple
des activités R&D logiciel, une société intègre
des modules provenant de l'extérieur tout en essayant de
développer des compétences sur les technologies importées.
En tant que « system integrator » cette société dispose
de plus de souplesse pour gérer ses lignes de produits et
répondre rapidement aux aléas du marché. Cela a
été rendu gérable grâce à la
modularité. Les entreprises associées à la
réalisation des produits ne contrôlent que leur module propre et
son interface avec l'extérieur.
L'industrie des télécommunications s'inspire
partiellement de celle des ordinateurs personnels (PC). Pour des raisons de
concurrence et de complexité des technologies la modularité ainsi
pratiquée n'est pas totalement ouverte et les interfaces ne sont pas
toutes standardisées. Nokia n'a pas réussi à imposer sa
plateforme Symbian. La plateforme Windows Mobile veut s'imposer en face de
Linux qui gagne du terrain. Ces trois cas illustrent le dynamisme de ce secteur
qui, malgré tout, n'évoluera pas rapidement vers la
standardisation tout azimut.
Limites
Nos deux cas concernent des sociétés ayant un
lien avec des partenaires mondiaux mais opérant sur le plan national.
Nous avons fait nos analyses des phénomènes comme s'il s'agissait
d'alliances internationales. Certaines affirmations gagneraient à
être revues en les plaçant dans leur contexte exclusivement
national. D'autant que la littérature a beaucoup insisté sur les
grappes (clusters) technologiques (voir par exemple De Propris 2002;
Schilling & Thérin 2006; Lawson & Lorenz 1999).
Notre analyse s'est concentrée sur l'aspect dyadique
des relations. Or les entreprises approchées font partie de
réseaux et quelques unes d'entre elles y occupent une position
importante. Les influences liées aux réseaux ont
été volontairement occultées.
D'autre part, notre méthodologie s'est
concentrée sur les sociétés clientes uniquement. Pour
compléter l'étude, cela aurait été utile de
questionner leurs vis-à-vis afin d'avoir les deux versions.
L'étude aurait eu encore plus de pertinence.
En termes de retombées des relations, nous nous sommes
contentés d'avoir les avis des questionnés. Par manque de
ressources, nous n'avons fait aucune mesure quantitative des retombées
principales. Par exemple, la capacité d'innovation aurait pu être
mesurée par le nombre de brevets produits au cours de ces alliances, le
nombre d'innovations commercialisées et leurs contributions
financières respectives. Mais comment mesurer le niveau d'expropriation
? De protection ? D'apprentissage ?
Cette étude aurait pu s'orienter vers une configuration
représentative de la chaîne de valeur complète et adresser
les principaux acteurs de chaque entité. L'adoption longitudinale de la
recherche contribuerait à extraire des données pertinentes sur la
dynamique entre la transaction, la relation et la modularité. Cela
aurait permis des généralisations intéressantes pour
l'avancée des débats théoriques et managériaux.
C'est un projet possible à condition d'y mettre des moyens
suffisants.
Apport
Les deux cas concernent respectivement un gestionnaire
d'architecture/modules et un gestionnaire de modules uniquement. Cela donne
deux angles de vue sur le phénomène. D'un côté on a
l'architecte (NextSol) et de l'autre on a le concepteur de modules (LabsNord),
chacun dans sa configuration propre. Un cas est l'inverse de l'autre. D'autant
plus que ce sont là deux cas qui ne sont pas placés au même
endroit sur le continuum transaction- relation. L'un est plus contractuel que
relationnel à l'inverse de l'autre. Le degré de la formalisation
du premier est justifié par le niveau de modularité et le
degré de l'informel du deuxième est dû à
l'incertitude du module à concevoir ensemble.
A notre connaissance, le secteur des
télécommunications a bénéficié de moins
d'attention des chercheurs comparé au secteur de la biotechnologie et le
secteur des semi-conducteurs. Est-ce que parce que ce secteur est plus
développé en Europe qu'aux Etats-Unis ? Ce secteur ne peut
être identifié ni à celui des ordinateurs personnels ni
à celui des semiconducteurs malgré certains points de
convergence. Notre étude a ceci d'intéressant qu'elle appelle
à plus d'initiatives dans l'analyse des pratiques de ce secteur.
Cette étude a des implications managériales en ce
sens qu'elle éclaire l'autre bénéfice de
la modularité au niveau des relations interentreprises à
savoir la protection des actifs intangibles. Au niveau pratique, la
protection contre les risques d'expropriation ne sont
souvent envisagés qu'en termes légal et formel.
La modularité peut être intégrée ex-ante comme un
critère de décision de collaboration ou de définition des
périmètres de cette collaboration.
Notre recherche contribue à mettre la modularité
au centre de la protection des compétences stratégiques. Mon
contact avec le professeur Carliss Baldwin13, spécialiste
dans ce domaine, me l'a confirmé d'autant plus qu'elle m'a
informé (par mail) qu'elle travaille sur une problématique liant
la modularité et la propriété intellectuelle. Elle m'a
fait part d'une présentation faite en Europe sur le sujet.
Suggestions
Nous avons traité le paradoxe d'apprentissage en nous
plaçant dans un contexte social et économique stable. Or le
secteur des télécommunications comme bien d'autres est
confronté aux aléas des fusions/acquisitions et à la
rotation du personnel intra et inter- industries. D'autres perspectives de la
tension entre le partage et la protection des compétences
stratégiques méritent d'être considérées. De
plus, il est intéressant de traiter des cas similaires en
intégrant d'autres paradoxes : ceux de la modularité.
NextSol a décidé d'acquérir son
partenaire MediaPlug après une première expérience. Cet
aspect n'a été qu'effleuré dans cette étude
malgré le grand intérêt de l'opération tant au
niveau managérial que théorique. Peu d'études, à
notre connaissance, ont été consacrées à la
transformation des alliances contractuelles en acquisitions ou prise de
participation. La contribution de Hagedoorn & SadowskiI (1999) est,
cependant, à signaler et peut servir de point de départ à
plus de contributions.
13
http://www.people.hbs.edu/cbaldwin/
Abréviations
CMMi : Capability Maturity Model® Integration EMS :
Electronics Manufacturer Service
GPA : General Purpose Agreement IHM : Interface Homme Machine
IPR : Intellectual Property Rights
ISV : Independent Software Vendor KBV : Knowledge-Based View
MMI : Man Machine Interface
MNC : Multinational Company
NPD : New product development
ODM : Original Design Manufacturer OEM : Original Equipment
Manufacturer R&D : Recherche et Développement RBV : Resource-Based
View
TCT : Théorie des Coûts de Transaction
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Annexe 1 : Chaînes de valeur
Ces schémas sont annexés dans cette étude
avec l'autorisation formelle de Monsieur Anderson.
Fig1. Chaîne de valeur typique des fabricants de
téléphone mobile dans les
années 1990's. Intégration verticale forte.
(Anderson & Jonsson 2006)
Annexe 2 : ENSEIGNANTS PERMANENTS DU GROUPE SUP DE CO
MONTPELLIER
NOM PRENOM DEPARTEMENT D'ENSEIGNEMENT ET DE
GUGLIARO I inda MARKFTING
BAGNERIS Jean-Charles FINANCF FT FCONOMIF
BARLETTE Yves SYSTFMF n,INFORMATION FT
n,AInF A I A
BECOUE Philinne SCIFNCFS J11RInI011FS
BELBALY Nassim SYSTFMF n,INFORMATION FT
n,AInF A I A
BENBYA Hind SYSTFMF n,INFORMATION FT n,AInF
A I A
BESSIEUX OLLIER Corinne CONTRôI F FT COMPTARII ITF
B OURDIL Maryline SYSTFMF n,INFORMATION FT
n,AInF A I A
DEJEAN Guy MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
DRILLON nomininue MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
D UMAZER Christonhe MARKFTING
FONS Cendrine
GIVRY Philinne FINANCF FT FCONOMIF
GUNDOLF Kathrin MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
GURAU Calin MARKFTING
JAOUEN Annabelle MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
JOLY-GALZIN Cédrine MARKFTING
KONTOR Kathrin MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
LASCH Frank SYSTFMF n,INFORMATION FT n,AInF
A I A
LE BELLAC Agnés MARKFTING
LEHMANN ORTEGA I aurence MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
LOUBET Guylaine CONTRôI F FT COMPTARII ITF
MAHE Patrick MARKFTING
MARLIER Catherine MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
MEISSONIER RAgis SYSTFMF n,INFORMATION FT
n,AInF A I A
MERDJI M,Hamed MARKFTING
MISSONIER Audrey MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
PAROT Isabelle MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
PIJOAN Natacha MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
PIOT Charles CONTRôI F FT COMPTARII ITF
REMOND Chantal MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
RIVIERE I ionel SCIFNCFS J11RInI011FS
ROUX-GUILLEMAIN Moninue CONTRôI F FT COMPTARII ITF
SCHOETTL Jean-Marc MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
SCHULIAR Christian MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
TESSIER Nathalie MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
TOPSACALIAN Patrick FINANCF FT FCONOMIF
TORTOSA StAnhanie SYSTFMF n,INFORMATION FT
n,AInF A I A
TOURNE Sylvain MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
TROSSELER Jean-Renoit MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
VALANTIN Denis MANAGFMFNT STRATFGIF FT ORGANISATION
VILLEMUS Philinne MARKFTING
WYATT Richard MARKFTING
Groupe Sup de Co Montpellier Thèse Professionnelle
Programme MBA MBA
uteur
Nom : RAOUAK Date : Septembre 2008
Prénom : Mohamed
|
Paradoxe d'apprentissage dans les partenariats d'innovation :
le rôle du contrat, de la relation et de la
modularité, cas de l'industrie des
Télécommunications
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Résumé
Cette étude traite le dilemme auquel les entreprises
doivent faire face lorsqu'elles font
appel à des sources externes pour innover. La
réussite des partenariats d'innovation exige un certain niveau de
coopération et d'interaction. Ces deux aspects comportent le risque
d'exposer les compétences stratégiques à d'éventuel
opportunisme du partenaire. D'un côté les entreprises partenaires
doivent faire preuve de flexibilité dans l'échange de
compétences, et de l'autre, elles doivent veiller à
protéger leurs compétences
stratégiques de toute tentative d'expropriation. Ce
dilemme est particulièrement aigu dans les secteurs dits «
knowledge intensive » comme le secteur des
télécommunications.
Nous nous appuyons sur l'étude de deux cas empiriques
d'alliance technologique de type contractuel, afin d'examiner le(s) facteur(s)
favorisant le transfert et la protection des compétences distinctives
sans mettre en péril l'objectif de la coopération.
Nous trouvons, au travers d'une approche qualitative, que le
contrat, la relation et la modularité sont des facteurs qui peuvent
être articulés pour résoudre partiellement le dilemme
d'acquisition/expropriation des compétences stratégiques dans les
partenariats d'innovation.
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Mots-clefs
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Partenariat, Innovation, Gouvernance, Contrat, Relation,
Modularité, Transfert de compétences,
Télécommunications.
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