La protection des parties dans le contrat de vente civil( Télécharger le fichier original )par Adjo Flavie Stéphanie SENIADJA Université catholique d'Afrique de l'ouest - Maitrise 2006 |
PARAGRAPHE II : LA DELIVRANCE DE LA MARCHANDISE ET LE RETIREMENT DE LA MARCHANDISEIl existe une obligation de délivrance de la marchandise qui est mise à la charge du vendeur, et à l'inverse, une obligation de retirement de la marchandise qui est à la charge de l'acheteur. A/ LA DELIVRANCE DE LA MARCHANDISE Nous étudierons successivement le contenu de l'obligation de délivrance et les sanctions de cette obligation. 1/ LE CONTENU DE L'OBLIGATION DE DELIVRANCE La délivrance est avant tout un acte matériel. A cette occasion, le vendeur va se dessaisir de la chose ; ce qui permet à l'acheteur d'entrer en jouissance des lieux s'agissant d'un immeuble, et d'appréhender le bien lorsqu'il s'agit d'un meuble. Plus précisément, la délivrance consiste à mettre la chose à la disposition de l'acheteur pour qu'il puisse en prendre livraison. Ainsi donc, si l'acheteur se trouve protégé par l'obligation qui pèse sur le vendeur de délivrer la chose vendue, il a en retour l'obligation de prendre livraison. Mais avant, que faut-il entendre par l'obligation de délivrance ?
Aux termes de l'article 1604 du code civil, « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Cette définition est en général critiquée. Influencée par le droit romain qui exigeait la tradition matérielle de la chose, elle rend compte de l'état du droit positif ; ``le transfert en la puissance'' de l'acheteur. Il est de même du ``transport en possession'' ; le vendeur ayant perdu de l'animus domini1(*)n'est plus le détenteur de la chose. Elle ne s'identifie pas cependant à la livraison matérielle de la chose. Tout comme le rédacteur du contrat, l'interprète de la loi doit se poser une série de questions pour préciser le contenu concret de la prestation, objet de l'obligation de délivrance :
Qui doit délivrer ? Le vendeur. Mais la délivrance n'étant pas une obligation intuitue personae, le vendeur peut se faire représenter dans l'exécution de son obligation, spécialement dans les ventes à distance.
A qui faut-il délivrer ? A l'acheteur. Normalement c'est l'acheteur, cocontractant immédiat du vendeur qui est créancier de cette obligation de délivrance. Il peut s'agir de son représentant. Le développement contemporain de la théorie des chaînes du contrat a conduit la jurisprudence à poser la règle selon laquelle « le sous-acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur. Il dispose donc, à cet effet, contre le fabricant, d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée ».
Que faut-il délivrer ? Une chose conforme aux spécifications convenues. Le vendeur doit livrer une chose conforme au contenu du contrat. La conformité s'entend de l'identité de la chose convenue, spécialement de la chose de genre. La conformité s'entend aussi de la qualité de la chose qui peut être contractuellement définie par référence à une norme technique et professionnelle, un échantillon.
En revanche, l'acceptation de la chose par l'acquéreur qui, en connaissance de cause apprécie contenance, identité, qualité de celle-ci « épuise » l'obligation de délivrance ; laquelle acceptation sans réserve constitue une « libération » pour le vendeur car l'usage ultérieur de la chose n'intéresse pas cette obligation. Il faut également délivrer les accessoires. Suivant l'article 1615 du code civil, « l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ». La notion d'accessoires suggère les éléments distincts d'une chose principale, mais affectés à son service ou produits par elle. Les accessoires sont de prime abord des choses matérielles. Mais la notion d'accessoires est étendue aux documents indispensables à l'usage de la chose.
Il s'infère de l'ensemble de ce qui précède que l'obligation de délivrance qui est à la charge du vendeur représente une véritable protection pour l'acheteur, mais cette obligation s'applique de nos jours avec moins de rigidité pour protéger aussi le vendeur, notamment, le vendeur professionnel.
Il se pose alors la question de la violation de cette obligation.
2/ LES SANCTIONS DE L'OBLIGATION DE DELIVRANCE
A moins que la délivrance n'ait été rendue impossible par la force majeure, le vendeur s'expose à des sanctions en cas d'inexécution de son obligation de délivrance. Aussi, après avoir détaillé les sanctions existantes, nous nous interrogeront sur la validité des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité du vendeur pour le protéger.
En ce qui concerne la diversité des sanctions, la mauvaise exécution, voire l'inexécution de l'obligation de délivrance expose le vendeur à la résolution du contrat. Cette sanction est envisagée par les articles 1610 et 1611 du code civil qui traitent du retard du vendeur à délivrer la chose au moment convenu. L'article 1610 ouvre une action en résolution pour inexécution ou en exécution forcée comme analysée dans nos développements précédents. L'article 1611 précise que si l'acquéreur a subi un préjudice du fait du défaut de délivrance, il doit être indemnisé.
Cet ensemble de mesures constitue une sûreté, une protection pour l'acquéreur qui ne doit pas être victime impunément de la mauvaise volonté du vendeur. Toutefois, les articles 1612 et 1613 viennent tempérer la rigueur de l'obligation de délivrance. En effet, dans certaines circonstances, le vendeur n'est pas tenu de délivrer si l'acheteur ne paie pas le prix ; ce qui est une application de l'exception d'inexécution déjà Analysée.
Quant à l'article 1613, véritable bouclier pour le vendeur, il dispose que ce dernier est fondé à ne pas délivrer quand bien même il aurait accordé un délai de paiement si l'acheteur fait l'objet d'une procédure collective, de sorte qu'il risque de ne pas obtenir le paiement. En plus de ces textes propres à la vente, il y a les règles générales des contrats qui protègent l'acquéreur. L'acquéreur d'un bien dont le vendeur refuse de délivrer dispose de moyens de droit commun au nombre de quatre : le rejet de la chose en cas de non-conformité, l'exécution forcée, la résolution et l'indemnisation. Mais comme ces trois derniers moyens ont déjà été analysés, nous n'allons voir ici que le rejet de la chose.
Le rejet de la chose est le refus de l'acheteur d'en prendre livraison. Il peut être opposé lorsque le vendeur s'exécute en retard et que cette exécution tardive cause un préjudice grave à l'acheteur, ou encore et surtout lorsque la délivrance n'est pas conforme à ce qui a été prévu. L'acquéreur est alors en droit d'exiger une chose qui correspond exactement à ce qui a été convenu. Il s'en suit qu'il lui est loisible de ne pas prendre livraison en cas de non-conformité, et donc de ne pas recevoir ce qui est mis à sa disposition par le vendeur si cette exigence n'est pas remplie. Dans les rapports entre commerçants, on utilise l'expression de « laissé pour compte ». En pratique, ce moyen est très utile car il a un effet radical. L'exécution est momentanément bloquée et c'est au vendeur de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier. Si l'on veut protéger au mieux l'acquéreur, on admettra que le rejet peut être opposé pour toute défaillance du vendeur, pour toute sorte de défaut de conformité. S'agissant de la qualité de la chose ou son bon fonctionnement, on pourra le voir utilisé cependant que pour des défauts pouvant se manifester immédiatement à ses yeux. Et en l'absence de rejet lors de la délivrance, ou dans les jours qui suivent, on considère que l'acquéreur a marqué son acceptation de la délivrance, et donc de la chose. Cela consacre la reconnaissance de l'exécution de son obligation par le vendeur.
Enfin, en cas de retard dans la délivrance, si l'acheteur n'a pas refusé la livraison, il est sensé avoir toléré ce manquement. Il ne saurait s'en plaindre par la suite, à moins d'avoir fait des réserves sur ce point. Dans cette hypothèse, le vendeur se trouve de facto déchargé de cette obligation. Le juge pourra ainsi venir des fois à la rescousse du débiteur de l'obligation, c'est-à-dire le vendeur. En effet, le vendeur peut solliciter et obtenir du juge un délai de grâce. Ce qui va suspendre l'exécution de son obligation dans l'immédiat.
En ce qui concerne les conventions sur la responsabilité, il faut se demander si le jeu de ces sanctions peut être écarté par des stipulations du contrat dégageant le vendeur de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution ou d'inexécution de son obligation de délivrance. A première vue, cela ne devrait pas pouvoir être admis ; l'obligation de délivrance jouant un rôle si primordial dans la vente. Elle permet à l'acheteur de rentrer en possession de la chose qu'on hésite à croire que son débiteur puisse de quelques manières que se soit échapper à ses conséquences. Un point est sûr. En tout cas, les conventions exonérant le vendeur professionnel en droit français ne sont pas valables dans les rapports avec les consommateurs.
S'agissant de retard, il est clair que le vendeur ne saurait dégager totalement sa responsabilité : obligé de livrer, il ne peut être en position de reporter indéfiniment l'exécution, sous couvert du fait qu'un retard n'engage pas sa responsabilité. La clause rendrait l'obligation purement potestative ; ce qui constitue une excellente protection pour l'acquéreur. Toutefois, cela ne signifie pas que le vendeur ne puisse aménager sur ce point son obligation. En effet, les délais indicatifs sont valables en principe. Une limitation forfaitaire du montant des dommages et intérêts l'est également. Mais le principe même de la délivrance ne doit pas être remis en cause.
En ce qui concerne la conformité de la chose, en revanche, aucune exonération du vendeur ne devrait pouvoir être admise sous peine de porter atteinte à l'essence même du contrat. Le vendeur doit la chose même qu'il a promis et ne saurait se prétendre irresponsable s'il ne la fournit pas1(*).
Il devrait en être ainsi lorsque le vendeur est un professionnel. On comprendrait mal d'ailleurs que ce dernier soit admis à se protéger par des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité, alors que de telles clauses sont déclarées sans valeur en matière des vices cachés.
* 1. Emprise sur la chose * 1. Com, 5 janvier 1951, bull civ III, n°11 |
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