Université Robert Schuman
Strasbourg
Faculté de droit, de sciences politiques et
de gestion
Les rapports juridiques entre les droits interne et
communautaire dans le contentieux des contrats de la commande
publique
Mémoire de recherche présenté sous la
direction de Monsieur le Professeur François
LLORENS
En vue de l'obtention du Master II «Droit
public fondamental»
Steeve BATOT
Année universitaire 2007/2008
Mes remerciements s'adressent à
Monsieur le Professeur François LLORENS pour ses
précieux conseils et sa grande disponibilité
et à Monsieur le Professeur Patrick WACHSMANN pour
sa bienveillance.
Liste des principales
abréviations
AJDA
|
Actualité Juridique du Droit Administratif
|
ALD
|
Actualité Législative Dalloz
|
BJCP
|
Bulletin Juridique des Contrats Publics
|
CAA
|
Cour Administrative d'Appel
|
CE
|
Conseil d'Etat
|
CJA
|
Code de Justice Administrative
|
CJCE
|
Cour de Justice des Communautés Européennes
|
CJEG
|
Cahier Juridique de l'Electricité et du Gaz
|
Concl
|
Conclusion
|
Contrats et Marchés Publ.
|
Contrats et Marchés Publics
|
CP-ACCP
|
Contrats publics. L'Actualité de la Commande et des
Contrats Publics
|
DA
|
Droit Administratif
|
EDCE
|
Etudes et Documents du Conseil d'Etat
|
Gaz.Pal.
|
La Gazette du Palais
|
JCP A
|
Juris-Classeur Périodique - Administrations et
collectivités territoriales
|
JOCE
|
Journal Officiel des Communautés Européennes
|
JOUE
|
Journal Officiel de l'Union Européenne
|
LPA
|
Les Petites Affiches
|
PPLR
|
Public Procurement Law Review
|
RDC
|
Revue Des Contrats
|
RDI
|
Revue de Droit Immobilier
|
Rec
|
Recueil du Conseil d'Etat
|
Rec CJCE
|
Recueil de la Cour de Justice des Communautés
Européennes
|
RFDA
|
Revue Française de Droit Administratif
|
RIDC
|
Revue Internationale de Droit Comparé
|
RJEP
|
Revue Juridique de l'Entreprise Publique
|
RRJ
|
Revue de la Recherche Juridique, droit prospectif
|
RTDE
|
Revue Trimestrielle de Droit Européen
|
TA
|
Tribunal Administratif
|
Sommaire
LISTE DES PRINCIPALES
ABRÉVIATIONS
- 1 -
SOMMAIRE
- 2 -
INTRODUCTION
- 3 -
CHAPITRE I. UNE PLEINE RÉCEPTION
DES EXIGENCES COMMUNAUTAIRES PAR LE DROIT INTERNE
- 8 -
Section I. La soumission des actes
à un contrôle juridictionnel : un facteur de contrainte
modéré
- 9 -
§ 1. Les actes du pouvoir adjudicateur
- 9 -
§ 2. L'acte contractuel
- 17 -
Section II. L'instauration d'un recours
juridictionnel efficace : un puissant facteur de contrainte
- 23 -
§ 1. Une mise en oeuvre simplifiée des
recours
- 23 -
§ 2. Les pouvoirs du juge des
référés précontractuels
- 28 -
CHAPITRE II. UNE LARGE SURESTIMATION DES
EXIGENCES COMMUNAUTAIRES PAR LE DROIT INTERNE
- 32 -
Section I. Le dépassement des
exigences communautaires dans la recherche de l'irrégularité
- 33 -
§ 1. Une exagération à
l'initiative du législateur
- 33 -
§ 2. Une exagération à
l'initiative du juge
- 42 -
Section II. Le dépassement des
exigences communautaires dans le traitement de l'irrégularité
- 51 -
§ 1. La rigueur constante du juge des
référés précontractuels
- 51 -
§ 2. Le pragmatisme magistralement
affirmé par le juge du contrat
- 56 -
CONCLUSION
- 64 -
BIBLIOGRAPHIE
- 65 -
TABLE DES MATIÈRES
- 72 -
Introduction
S'il y avait une manière élégante et
courtoise de qualifier jadis le droit processuel des contrats publics,
viennent immédiatement à l'esprit les termes d'infirmité
et d'inefficacité. Infirme, le contentieux contractuel l'était
assurément en ce qu'il était dépourvu, au même titre
que l'ensemble du contentieux administratif, de véritable moyen
destiné à garantir une application effective du droit
régissant les contrats publics. Ainsi, convient-il de rappeler combien
le sursis à exécution, parent défunt de l'actuel
référé-suspension, fut critiqué par les praticiens
et les universitaires pour sa mise en oeuvre des plus exceptionnelles.
Inefficace, le contentieux contractuel l'était largement car il restait
incapable d'empêcher ou de sanctionner une procédure de passation
pourtant effectuée dans des conditions irrégulières. Les
candidats malheureux à l'attribution d'un marché plaçaient
alors leurs espoirs dans le contentieux de l'excès de pouvoir, le
Conseil d'Etat ayant ouvert il y a plus d'un siècle un recours à
l'encontre des actes détachables du contrat1(*). Pourtant, les délais
dans lesquels le juge se prononçait pour statuer sur la
légalité d'un tel acte ne lui permettaient pas de paralyser la
recherche d'un accord de volontés puisque, le plus souvent, la signature
du contrat intervenait antérieurement à sa décision. Quand
bien même l'illégalité entachant l'acte préalable
entraînait son annulation, la saisine du juge du plein contentieux afin
qu'il en tire les conséquences sur le contrat constituait une suite
contentieuse logique. Mais l'insouciance longtemps demeurée de la haute
juridiction administrative envers les conséquences de ses
décisions juridictionnelles ne participait en rien à une
quelconque recherche d'efficacité des recours. L'annulation d'un acte
détachable par le juge de l'excès de pouvoir restait au contraire
maladivement « platonique », comme l'eût dit
le Commissaire du Gouvernement ROMIEU dans ses célèbres
conclusions sur l'arrêt Martin, c'est-à-dire sans aucun
effet sur le contrat. Le lien entre le juge de l'excès de pouvoir et le
juge du contrat restait profondément distendu en raison du refus du juge
administratif, limitant par là son office, de prononcer une injonction
à l'encontre des personnes publiques. Restait seulement à
disposition des entreprises lésées un recours indemnitaire qui
n'avait aucunement pour objet de mettre une nouvelle fois le marché en
concurrence. Un acte contractuel reposant sur des fondements illégaux
bénéficiait donc d'une véritable immunité qui le
plaçait généralement à l'abri de toute sanction
juridictionnelle. Ainsi peut être sommairement représenté
le schéma contentieux tel qu'il était conçu il y a encore
deux décennies. S'il reste à certains égards
inchangé, il s'est depuis imprégné d'un souci constant
d'efficacité « venu d'ailleurs »2(*), autrement dit, du droit
communautaire.
Consciente du poids économique grandissant des
marchés publics dans l'espace communautaire, la Commission
Européenne eut pour action prioritaire au milieu des années
quatre-vingt une recherche accrue de transparence et de mise en concurrence
pour leur attribution. C'est la raison pour laquelle elle a proposé une
rénovation des directives régissant les marchés publics,
notamment dans le cadre de la réalisation du marché unique. Mais
l'ambition dont elle a fait preuve serait sans doute restée lettre morte
dans les droits des Etats membres si aucune contrainte efficace n'était
venue en assurer une réelle application. Ainsi, deux directives du
Conseil que l'usage dénomme par commodité directives
« recours » ont pu être successivement
adoptées : l'une le 21 décembre 1989 relative aux secteurs
« classiques », « de base » ou encore
« réseaux »3(*) ; l'autre le 25 février 1992 applicable
dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et enfin des
services postaux4(*). Leur
objectif est de permettre à une entreprise qui s'estime
irrégulièrement écartée de l'attribution d'un
marché public, de soumettre le litige à une autorité
administrative indépendante ou à un juge, dans des conditions
satisfaisantes d'efficacité et de rapidité. Destinées
à garantir une application effective des dispositions
matérielles5(*) par
les autorités administratives et juridictionnelles nationales, leurs
poids respectifs dans la construction du contentieux contractuel est pourtant
de valeur inégale. Ce manque d'équilibre en défaveur de la
seconde s'explique aisément par son objet uniquement
réservé aux secteurs dits « spéciaux »
ou « exclus », mais aussi, et contrairement à son
aînée, en raison du faible nombre d'arrêts rendus par la
Cour de Justice des Communautés Européennes sur son fondement.
L'apparente inégalité qui les distingue ne doit pas pour autant
masquer le profond renouvellement des pratiques contentieuses des Etats membres
auquel elles ont conjointement participé.
En droit français, la transposition des directives
« recours » a donné naissance aux
célèbres référés précontractuels
administratifs6(*), mais
aussi judiciaires. Au terme de l'article L 551-1 CJA, l'objet de cette nouvelle
voie de droit est de permettre au Président d'un Tribunal Administratif
ou au magistrat qu'il délègue, de statuer en la forme des
référés et de prendre, en premier et dernier ressort, des
mesures destinées à supprimer ou corriger les manquements aux
obligations de publicité et de mise en concurrence affectant la
passation des contrats qui lui sont soumis. Son introduction dans le paysage
juridique interne fut pleinement remarquée7(*) en ce qu'elle conférait au juge des
référés des pouvoirs dont le juge du principal
lui-même ne disposait pas. Une partie de la doctrine avisée a
d'ailleurs vu en lui « l'émergence d'un recours
contentieux du troisième type »8(*). L'étonnement qu'il
suscita dans un premier temps par son caractère novateur s'est ensuite
estompé, laissant place à un véritable engouement au
service de la norme communautaire9(*). Mais du côté européen, la simple
édiction de directives ne pouvait suffire. Convenait-il encore de leur
apporter par voie jurisprudentielle une interprétation conforme aux
objectifs poursuivis par le législateur communautaire. Depuis quelques
années déjà10(*), la Cour de Justice a joué en ce sens un
rôle déterminant en élaborant une jurisprudence à la
fois ferme et dynamique, nuancée et pragmatique. C'est ainsi que les
exigences des directives « recours » n'ont cessé
d'être précisées, si bien que l'émergence d'un
« régime contentieux des marchés publics saisi par
le droit communautaire » 11(*) n'a pu échapper aux regards de certains
auteurs.
Parce qu'elles sont souvent remarquables par leur concomitance
flagrante et leur singulière « parenté d'esprit et
d'orientation »12(*), les solutions dégagées par les juges
interne et communautaire invitent à une réflexion d'ensemble sur
les rapports juridiques partagés entre ces deux ordres. Rendre compte
des rapports entre les ordres interne et communautaire implique de
déterminer la contribution de leurs droits respectifs dans la
construction du contentieux contractuel. Il est indéniable que le droit
communautaire représente un important facteur de contrainte sur le droit
français car ce dernier est soumis aux obligations découlant du
principe de primauté inhérent au système juridique
communautaire. Ces obligations impliquent de façon traditionnelle une
conformité du droit interne aux règles communautaires qui
prévalent sur les lois et règlements qui ne sont pas compatibles
avec elles13(*). Mais si
le droit communautaire contraint le droit français, il semble que la
paternité d'un droit processuel interne considéré comme
efficace ne peut lui être exclusivement attribuée. Autrement dit,
il est des cas dans lesquels le droit interne peut contribuer lui-même
à l'élaboration de ses propres règles contentieuses. De
récentes solutions dégagées à Luxembourg comme au
Palais Royal incitent davantage à une telle interrogation. Le droit
français s'est en effet enrichi, le 16 juillet 2007, d'un arrêt
d'Assemblée Sté Tropic Travaux Signalisation14(*), lequel avait notamment pour
ambition l'ouverture, au profit de certains tiers, d'un recours direct à
l'encontre du contrat ou des clauses qui en sont divisibles. Deux jours
seulement après la lecture de cette décision, la Cour de Justice
condamne l'Allemagne pour ne pas avoir résilié des conventions
conclues en violation des règles de publicité et de mise en
concurrence15(*). Les
ressemblances frappantes qui animent la construction du contentieux contractuel
aux niveaux interne et communautaire se trouvent encore renforcées par
l'adoption d'une directive16(*), elle-même destinée à modifier
les directives « recours », dans la mesure où elle a
pour principal objet de priver d'effets les contrats conclus en
méconnaissance du droit communautaire.
On le voit, la question des rapports juridiques entre les
droits interne et communautaire prend place dans un débat complexe et
beaucoup plus large. Bien plus qu'un simple dialogue aujourd'hui apaisé
et constructif, les rapports juridiques prennent ici une véritable
allure d'« influences »17(*) réciproques dans
lesquelles le droit interne peut inspirer ou influer sur la
détermination des exigences communautaires. Il sera donc permis de
s'émanciper du seul cadre hiérarchique et contraignant dans
lequel deux ordres apparemment antinomiques s'opposent car cette vision serait
profondément réductrice de la réalité juridique et
aurait pour inconvénient de ne rendre compte des apports de chaque droit
dans le contentieux considéré.
Au lendemain de l'arrêt Nicolo, il parut
naturel au législateur national de ne pas entraver les ambitions
communautaires par une transposition abusivement restrictive des directives
« recours ». L'interprétation des textes par le juge
interne n'a, en principe, cessé de confirmer cette volonté
initiale. C'est donc dans ce climat de relations pacifiques entre les deux
systèmes juridiques que l'étude des rapports entre les droits
interne et communautaire dans le contentieux contractuel doit être
envisagée. Il en résulte que prédominent deux tendances
dont il convient dès à présent de donner la mesure. Si le
droit interne s'est aujourd'hui conformé au droit communautaire, c'est
au prix d'une pleine réception des exigences qui en découlent
(Chapitre I). Mais il apparaît également que le
droit français excède ce qu'elles impliquent et les surestime
largement (Chapitre II).
Chapitre I. Une pleine réception des exigences
communautaires par le droit interne
C'est à juste titre que le droit communautaire est
unanimement perçu comme un facteur de contrainte sur les
réglementations nationales. Ce sentiment résulte en effet des
conséquences du principe de primauté ainsi que des
procédures contentieuses éventuellement déclenchées
à l'encontre d'un Etat velléitaire. Le contentieux contractuel
atteste avec évidence de cette contrainte redoutable. Soucieux de servir
au mieux le principe de légalité, le droit communautaire est
animé par la dynamique d'un droit au recours effectif qu'il érige
au rang de principe général du droit. Cette exigence revêt
une intensité particulièrement vive lorsqu'il est question
d'interpréter les directives « recours ». Le terme
de « recours efficace » qu'elles
préfèrent employer irrigue en effet l'ensemble des
impératifs communautaires. Toutefois, cette contrainte est variablement
ressentie par chaque Etat membre. Elle s'exprime différemment au sein
des ordres juridiques, en fonction de l'état de développement de
leur droit interne. La contrainte peut donc déployer tous ses effets,
avoir un caractère novateur et contribuer à de profondes
modifications des règles processuelles internes, mais elle peut
également s'inscrire dans la continuité des solutions
communément admises sans foncièrement les bouleverser. Par
conséquent, si le droit communautaire est un facteur de contrainte
modéré s'agissant de la soumission des actes à un
contrôle juridictionnel (Section I), il est un puissant
facteur de contrainte dans l'introduction en droit interne d'un recours
juridictionnel efficace (Section II).
Section
I. La soumission des actes à un contrôle juridictionnel : un
facteur de contrainte modéré
La soumission des actes à un contrôle
juridictionnel est imposée par le droit communautaire. La
réception de cette exigence s'est effectuée avec aisance et
commodité, sans perturber ni contredire le droit interne. Une
procédure de passation se caractérise en effet par une succession
de décisions émanant d'une personne publique. Celles-ci
participent à une recherche de volontés et concourent à la
formation d'un contrat. Afin de se conformer au souhait du législateur
communautaire en instaurant une voie de droit efficace et de répondre
aux exigences suscitées par l'effet utile des directives
« recours », l'ensemble de ces actes est naturellement
soumis à un contrôle juridictionnel ; qu'il s'agisse des
actes du pouvoir adjudicateur (§ 1) mais aussi de l'acte
contractuel (§ 2).
§
1. Les actes du pouvoir adjudicateur
Aux termes des directives « recours », le
recours précontractuel que les Etats sont tenus de mettre en place doit
être efficace. Cet objectif serait compromis s'il était possible
de soustraire au contrôle juridictionnel des actes ayant participé
à la formation d'un contrat. C'est la raison pour laquelle le droit
communautaire eut pour principale action la recherche d'une pleine soumission
des actes du pouvoir adjudicateur au principe de légalité
(A). Pleinement atteint, cet objectif constitue
nécessairement un facteur de contrainte sur les droits des Etats
membres. Mais à la réflexion, cette contrainte n'est que d'un
poids relatif sur le droit français (B).
A. La recherche par le droit communautaire
d'une pleine soumission des actes du pouvoir adjudicateur au principe de
légalité
Après avoir amplement proclamé sa volonté
de contrôler l'ensemble des actes du pouvoir adjudicateur
(1), la Cour de Justice n'a cessé de mettre en
oeuvre les ambitions initialement affirmées au service de
l'efficacité (2).
1. Une volonté amplement
proclamée
L'article 1er § 1er de la directive
« recours » énonce que « les
décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l'objet de
recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible dans les
conditions énoncées aux articles suivants [...] ».
Ainsi rédigée, cette disposition a permis aux administrations
nationales de faire valoir leurs craintes et d'exprimer leurs réticences
à l'égard de la norme communautaire. En effet, le terme de
« décisions prises par les pouvoirs
adjudicateurs » ne fait l'objet d'aucune définition,
encore moins d'une liste précise. Son application effective aurait alors
pu être compromise dans la mesure où ses silences et ses lacunes
rédactionnelles étaient généralement
interprétés comme autant de restrictions à sa mise en
oeuvre. La Cour de Justice a pourtant pallié ces inconvénients
potentiels par une jurisprudence audacieuse.
L'affaire Alcatel Austria18(*) va être l'occasion pour
elle d'exprimer pour la première fois sa volonté de soumettre
l'ensemble des actes du pouvoir adjudicateur au contrôle d'une instance
nationale chargée des recours. En l'espèce, la question
posée par une juridiction autrichienne a conduit la Cour à exiger
que la décision d'attribution d'un marché fasse l'objet d'un
recours au sens de la directive. La principale difficulté venait de ce
que la législation nationale en cause distinguait insuffisamment la
décision d'attribution du marché et la signature de celui-ci. Or,
les mesures de publicité n'étant prescrites qu'à
l'égard de la conclusion du contrat, les tiers n'avaient, en pratique,
d'autre choix que d'exercer un recours en dommages et intérêts. La
compensation s'avérait donc peu satisfaisante, compte tenu notamment des
difficultés que pouvait éprouver une entreprise
évincée dans la démonstration de l'étendue exacte
de son préjudice et du lien de causalité avec la violation du
droit communautaire. Si la Cour en déduit logiquement que l'attribution
du marché doit être en mesure de faire l'objet d'un recours
efficace et rapide, c'est parce que cette décision est
« la plus importante de la
procédure »19(*). Mais la Cour ne s'est pas contentée d'une
réponse platonique. Elle a fait preuve d'audace en considérant
que l'article 1er § 1er de la directive
« recours » ne prévoit « aucune
restriction en ce qui concerne la nature et le
contenu »20(*) des décisions attaquables. Plusieurs fois
reprise21(*), cette
formulation résulte pleinement de l'interprétation
téléologique employée par la Cour.
L'interprétation fonctionnelle a en effet pour
principal avantage le rejet de toute définition complète ou
exhaustive, faisant au besoin référence à des
critères qui suivent une logique habituelle. Le recours à ce mode
de jugement au nom de l'effet utile des directives conduit la Cour à
déterminer la signification de la règle en fonction des objectifs
qu'elle poursuit. Ainsi, elle ne justifie la solution retenue que par le seul
but escompté par le législateur. Or, l'objectif à
atteindre est des plus larges puisqu'il consiste en une meilleure application
du droit communautaire matériel par l'ouverture des recours. C'est ainsi
que les décisions susceptibles de recours doivent s'entendre
« dans le sens d'une interprétation favorable à la
protection juridique »22(*).
Par sa décision Alcatel Austria, la Cour de
Justice a posé les jalons d'une construction jurisprudentielle
audacieuse dont le dynamisme a été favorisé par la
méthode d'interprétation employée. Mais fallait-il encore
en parachever l'édification par une mise en oeuvre concrète au
service de l'efficacité.
2. Une mise en oeuvre au service de
l'efficacité
L'ensemble des affaires parvenues au prétoire de la
Cour du Luxembourg met en évidence les arguments dont ont fait usage les
administrations nationales afin d'entraver l'application effective de l'article
1er § 1er de la directive
« recours ». Les argumentations développées
étaient d'abord fondées sur l'absence de réglementation de
l'acte du pouvoir adjudicateur par les directives matérielles, puis sur
sa localisation dans la procédure de passation.
Les considérants des directives
« recours » justifient leur existence. Ces textes ont pour
fonction de garantir une application effective des directives
matérielles qui sont par elles-mêmes dépourvues de tout
moyen de contrainte à cet égard. Offrir un droit à un
justiciable sans lui en garantir le respect atteste en effet de l'insuffisance
d'une réglementation. Mais ces précisions étant
données, la sanction juridique des seules directives matérielles
porterait incontestablement atteinte à l'effet utile du Traité
communautaire qu'elles concrétisent ainsi qu'à l'effet utile
attaché à la directive « recours ». C'est la
raison pour laquelle la Cour de Justice a admis, à plusieurs reprises,
que les actes non réglementés par les directives
matérielles sont susceptibles de recours. Dans l'affaire Hospital
Ingenieure23(*), la question lui a été
posée de savoir si la décision de retrait d'un appel d'offres
devait faire l'objet d'un recours efficace et rapide au sens de la directive.
La difficulté juridique venait de ce que la directive matérielle
applicable au cas d'espèce ne précisait en rien les conditions de
retrait d'un appel d'offres, si ce n'est de manière sommaire et
laconique. La Cour a logiquement considéré, eu égard
à l'objectif de renforcement des voies de recours, que
« dès lors que la décision du pouvoir adjudicateur
de retirer un appel d'offres pour un marché public de services est
soumise aux règles matérielles pertinentes du droit
communautaire, il y a lieu de conclure qu'elle relève également
des règles prévues par la directive 89/665 afin de garantir le
respect des prescriptions du droit communautaire en matière de
marchés publics »24(*). Cette solution a été confirmée,
notamment dans une affaire Makedoniko Metro25(*), au sujet des groupements
d'entreprises. La question posée par la juridiction de renvoi
était de savoir si, compte tenu du fait que la modification de ces
groupements ne fait l'objet d'aucune précision par les directives
matérielles, les décisions du pouvoir adjudicateur qui s'y
rapportent demeurent susceptibles de recours. La Cour a logiquement
répondu par l'affirmative en considérant que même si la
modification d'un groupement n'est pas réglementée par les
directives matérielles, les principes des traités, notamment le
principe d'égalité de traitement, régissent
également les procédures de passation des marchés publics.
Il apparaît donc que l'absence de réglementation par les
directives matérielles d'un acte pris par le pouvoir adjudicateur est
indifférent à la possibilité dont disposent les entreprise
lésées d'exercer un recours à son encontre. Un
libéralisme identique inspire la jurisprudence communautaire lorsqu'il
est question de soumettre aux directives « recours » un
acte pris par le pouvoir adjudicateur en amont et en dehors d'une
procédure formelle de passation.
Du point de vue de l'effectivité des recours, le moment
de la prise d'un acte importe peu. La Cour de Justice a d'ailleurs jugé
lors d'un recours en manquement à l'encontre de l'Espagne26(*) qu'il n'était pas exclu
que des actes de procédure, telles que de simples mesures
préparatoires ou études préliminaires, soient attaquables.
Mais considérer comme susceptibles de recours des actes sans
véritable rapport avec une procédure de passation aurait pour
désavantage d'encourager les actions dilatoires et contreviendrait
assurément au principe de sécurité juridique implicitement
consacré par les directives « recours ». C'est
pourquoi la Cour a précisé que pour être justiciables, il
est nécessaire que les actes en question « tranchent,
directement ou indirectement, le fond de l'affaire ; qu'ils
entraînent l'impossibilité de poursuivre la
procédure ; ou qu'ils causent des préjudices
irréparables à des droits ou intérêts
légitimes »27(*). La solution dégagée a
été confirmée par l'arrêt Stadt
Halle28(*) dans
lequel la Cour a précisé que le refus du pouvoir adjudicateur
d'engager une procédure formelle de passation est une décision au
sens des directives. Par conséquent, peu importe que l'acte soit pris en
dehors et en amont d'une procédure formelle de passation.
Le refus d'enfermer la logique contentieuse dans le formalisme
aboutit à ce que les silences de l'article 1er §
1er deviennent en réalité la source de son
efficacité. Cette disposition doit alors être
interprétée en ce sens qu'il ne ressort « aucune
indication restrictive ni aucun autre indice permettant une quelconque
restriction du champ des décisions [susceptibles de recours] en fonction
de leur contenu »29(*). Conçue de manière aussi extensive et
illimitée, la notion de « décisions prises par les
pouvoirs adjudicateurs » contraint assurément les Etats
membres dans les conditions d'ouverture des recours tenant aux actes
attaquables. Ils ne peuvent en effet difficilement restreindre les actes
susceptibles de recours sans méconnaître le droit communautaire.
Le poids de cette contrainte s'avère néanmoins relatif sur le
droit français.
B. Le poids relatif de la contrainte
communautaire sur le droit interne
Sans méconnaître l'intensité de la
contrainte, l'intégration des exigences communautaires relatives aux
actes susceptibles de recours n'a pas révolutionné le droit
français. Si leur réception est largement restée
indifférente à la pratique contentieuse
(1), elle ne doit toutefois pas masquer la
présence de résistances internes ponctuelles
(2).
1. Une réception largement
indifférente des exigences communautaires
En vertu de l'article L 551-1 CJA, le juge des
référés précontractuels peut être saisi de
toute décision relative à une procédure de passation. La
formulation retenue par cette disposition étant des plus larges, il
appartient au juge d'en délimiter les contours et de définir les
actes qui lui sont soumis, tout en respectant l'interprétation des
directives donnée par la Cour de Justice.
Avant l'avènement des référés
précontractuels en droit interne, les décisions des personnes
publiques préalables à la conclusion du contrat étaient
seulement susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir en leur
qualité d'actes détachables. La détachabilité
était d'ailleurs largement reconnue30(*), car élaborée il y a plus d'un
siècle, elle participait à une politique classique de lutte
contre l'arbitraire ayant pour corollaire une justiciabilité accrue des
actes émanant de l'Administration. C'est aujourd'hui avec cette fiction
de l'acte détachable que cohabitent les référés
précontractuels. Il paraissait donc évident de considérer
comme attaquable au sens de l'article L 551-1 CJA un acte susceptible de
recours pour excès de pouvoir. Ainsi, pour n'en donner que quelques
exemples, la décision d'attribution du contrat ou celle autorisant sa
signature sont soumis aux référés précontractuels.
Il apparaît néanmoins que les actes justiciables
des référés précontractuels possèdent une
acception plus large encore que ceux attaquables au titre du recours pour
excès de pouvoir. Pour illustration, le Conseil d'Etat admet le recours
d'un opérateur à l'encontre d'une décision lui refusant
l'ouverture des négociations et n'ayant fait l'objet d'aucune
formalisation puisqu'elle découlait implicitement de l'engagement des
pourparlers avec les candidats retenus31(*). Il en va de même pour les avis d'appel public
à la concurrence qui, attaquables au titre de l'article L 551-1
CJA32(*), demeurent
insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. Ils sont en effet
assimilés à des mesures préparatoires prenant place dans
la réflexion interne de l'Administration. Les solutions ainsi
dégagées par le juge ont le mérite de se conformer avec
évidence aux exigences communautaires, notamment celles émanant
des arrêts Commission contre Royaume d'Espagne et Stadt
Halle. Toutefois, il semble que la contestabilité d'actes
simplement préparatoires n'ait en rien bouleversé la pratique
contentieuse française. En effet, dès lors qu'un acte est
insusceptible de recours pour excès de pouvoir, car dénué
de portée décisoire, l'irrégularité qui l'affecte
peut être invoquée à l'appui d'un recours exercé
à l'encontre d'un acte ultérieur et directement attaquable.
L'acte insusceptible de recours pour excès de pouvoir ne peut donc se
soustraire à la sanction du principe de légalité.
Par conséquent, les solutions retenues par le juge des
référés précontractuels n'ont aucunement
altéré la pratique contentieuse interne car elles s'inscrivent
directement dans la continuité de celles admises au titre du recours
pour excès de pouvoir. Elles consistent à faciliter
l'accès au prétoire en considérant comme susceptibles de
recours un nombre d'actes toujours plus important. Le poids de la contrainte
communautaire se réduit donc à ce que le juge ne se distancie
outre mesure des solutions dégagées au titre du contentieux de
l'acte détachable. Mais le référé
précontractuel est imposé par le droit communautaire. Cela
signifie que dans une politique de résistance, la jurisprudence aurait
parfaitement pu se départir des solutions dégagées par le
juge de l'excès de pouvoir pour contenir une conception plus restrictive
des décisions susceptibles de recours. Ces résistances existent
mais demeurent fort heureusement ponctuelles.
2. Des résistances ponctuelles
La volonté de circonscrire les avancées
communautaires dans le contentieux interne s'est traduite par une limitation de
l'office du juge des référés précontractuels. Ce
dernier s'est interdit, à deux reprises, d'exercer son contrôle
sur certains actes pourtant susceptibles de recours pour excès de
pouvoir.
La première limite est relative à la
décision de retrait d'un appel d'offres. Sur ce point, le droit
français contredit la lettre même de la jurisprudence
communautaire. Celle-ci indique de manière explicite que
« dans la mesure où, en vertu du droit national [...], il
n'est pas possible pour un soumissionnaire de contester une décision de
retrait d'un appel d'offres en ce qu'il est contraire au droit communautaire et
de demander pour cette raison son annulation, le droit national ne respecte pas
les exigences (...] de la directive 89/665 »33(*). Parce qu'elle
bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire, la personne
responsable du marché se voit reconnaître par le droit
français la faculté de ne pas donner suite à une
procédure de passation pour un motif d'intérêt
général. Dans cette hypothèse, une jurisprudence constante
interdit au juge des référés précontractuels
d'exercer ses pouvoirs. Cette prohibition s'exprime de deux manières.
D'une part, le retrait par l'administration des procédures d'appel
d'offres rend sans objet le pourvoi en cassation contre l'ordonnance ayant
rejeté les demandes dirigées contre ces
procédures34(*).
D'autre part, le juge rend une ordonnance de non lieu sur le pourvoi
dirigé contre l'ordonnance ayant statué sur une procédure
d'appel d'offres lorsque, après avoir décidé de ne pas lui
donner suite, la personne publique lance une nouvelle procédure et
attribue la marché35(*). Ces solutions peuvent sembler surprenantes. Elles
sont difficilement justifiables si l'on argue de la volonté du Conseil
d'Etat d'entraver à moindre mesure le pouvoir discrétionnaire
traditionnellement reconnu à l'Administration. Il est en effet admis que
le juge administratif encadre de tels pouvoirs par le contrôle qu'il
effectue sur les décisions des personnes publiques. Le contentieux de
l'expropriation dans lequel il exerce un contrôle de
proportionnalité sur les déclarations d'utilité publique
révèle par exemple cet effort constant. Par ailleurs consciente
du compromis qui prévaut entre la pérennité du pouvoir
discrétionnaire et la limitation des exclusions arbitraires des
candidats potentiels, la Cour de Justice admet que l'instance nationale
responsable des recours s'en tienne à un contrôle
restreint36(*). Il est
donc certain que le refus du juge des référés
précontractuels d'exercer son contrôle sur la procédure une
fois l'appel d'offres retiré s'explique par la résistance aux
contraintes communautaires. Pourtant, une telle limitation de son office peut
conduire à ce qu'une entreprise lésée lors de la
première procédure bénéficie de chances
obsolètes lorsque l'Administration relance la consultation, sans qu'elle
puisse utilement introduire un recours précontractuel à
l'encontre de la décision de retrait. Pire encore dans
l'hypothèse où l'administration ne relance aucune
procédure d'attribution.
La seconde limite concerne la décision de signer le
contrat. Cette décision est révélée par l'acte
contractuel puisqu'en principe, seul ce dernier fait l'objet de mesures de
publicité. La décision de signer lui est donc
matériellement inséparable. Très tôt, le juge des
référés précontractuels a estimé que ces
pouvoirs cessent une fois le contrat conclu37(*). Il rejette alors la requête et juge le
recours irrecevable s'il est intenté après la signature ou sans
objet si cette dernière intervient en cours d'instance38(*). En raison de sa constance, de
sa rigueur, de ses conséquences pratiques, cette limitation que le juge
a infligé à son office n'a pu échapper à la
critique. Mais contrairement au refus du juge des référés
de connaître de la décision de retrait d'un appel d'offres, la
contradiction avec le droit communautaire est moins flagrante puisque la Cour
n'a aucunement remis en cause le caractère strictement
précontractuel des référés. La solution
dégagée par le juge interne contrarie néanmoins
l'insaisissable effet utile constamment attaché à la directive
« recours ».
Ces deux limites peuvent être considérées
comme ponctuelles en ce que leur quantité ne révèle en
rien une discordance éclatante avec le droit communautaire. Elles
témoignent davantage de l'ultime intention du juge de contenir les
avancées d'un droit étranger dans le contentieux contractuel
interne. Enfin, les critiques dont elles ont fait l'objet ont perdu depuis peu
de leur ardeur puisqu'un recours juridictionnel est susceptible de s'ouvrir
à l'encontre de l'acte spécifique que représente le
contrat.
§ 2. L'acte contractuel
Les exigences communautaires sont souvent
présentées comme revêtant un caractère novateur.
Cette qualité doit pourtant leur être déniée
s'agissant de l'obligation d'instituer un recours à l'encontre du
contrat, le droit interne ayant contribué à un
« respect du droit européen
anticipé »39(*). C'est ainsi que par son antériorité,
le droit français est d'une incidence certaine dans la
détermination des exigences communautaires (A).
L'influence du droit communautaire dans la modification des règles
contentieuses internes en est corrélativement réduite
(B).
A. L'incidence de
l'antériorité du droit français dans la
détermination des exigences communautaires
Affirmer que le droit français est en mesure d'influer
sur la fixation des impératifs communautaires revient à dire que
le premier représente un modèle ou un exemple juridique pour le
second. Le droit interne, en tant que source d'inspiration, participe donc
à l'élaboration des exigences européennes. Pour jouer le
rôle de droit référent, deux conditions doivent être
réunies : l'une tenant à un retrait passé du droit
communautaire (1), l'autre, à une construction
initialement hors contrainte du contentieux interne
(2).
1. Le retrait
passé du droit communautaire
L'article 2 § 6 de la directive
« recours » relative aux secteurs
« classiques » énonce que « sauf si
une décision doit être annulée préalablement
à l'octroi de dommages-intérêts, un Etat membre peut
prévoir que, après la conclusion du contrat qui suit
l'attribution d'un marché, les pouvoirs de l'instance responsables des
procédures de recours se limitent à l'octroi des
dommages-intérêts à toute personne lésée par
une violation ». Il apparaît donc que le contrat,
même irrégulier peut être maintenu. L'office du juge interne
peut a priori s'en tenir à une simple constatation de
l'irrégularité donnant droit à l'allocation d'une
indemnité destinée à compenser le préjudice subi.
Cette analyse fondée sur une lecture littérale du texte a
très tôt et à plusieurs reprises été
confirmée par la Cour de Justice, celle-ci préférant
privilégier dans un souci constant de sécurité juridique
l'exercice de recours préalable à la conclusion du
contrat40(*).
Il appartenait donc traditionnellement aux ordres juridiques
nationaux de déterminer les conséquences impliquées par la
conclusion d'un contrat irrégulier. Certains ont d'ailleurs fait
remarquer que la volonté de stabiliser les situations contractuelles en
violation du droit communautaire constituait un
« irréductible buttoir »41(*) à une réelle
efficacité des directives « recours ». L'espace
juridique de liberté ainsi crée a permis aux Etats de
construire leurs règles contentieuses à l'abri de la
sphère contraignante issue du droit communautaire.
Ce schéma classique a récemment
été bouleversé. La Cour de Justice a en effet reconnu
l'obligation pour les Etats de résilier les conventions conclues en
méconnaissance du droit communautaire42(*). De même, la nouvelle directive
« recours » impose aux Etats que les instances nationales
de recours soient en mesure de priver d'effets les contrats conclus dans
certaines hypothèses de violation du droit communautaire43(*).
On le voit, le droit communautaire ne se
désintéresse plus du contrat. Or, ce dernier fait depuis
longtemps l'objet de préoccupations variées dans le contentieux
contractuel interne. L'emploi par les institutions communautaires d'une analyse
comparative faisant appel à la diversité des droits
internes44(*) laisse
penser que la construction française initialement hors contrainte
représente une référence dans la fixation des
impératifs communautaires.
2. Une construction contentieuse
initialement hors contrainte : une référence dans la
fixation des impératifs communautaires
La sanction juridictionnelle à l'initiative des tiers
à l'encontre d'un contrat n'est pas nouvelle en droit interne. C'est
ainsi que le recours pour excès de pouvoir est recevable à
l'encontre des dispositions réglementaires d'un contrat
administratif45(*). Il en
va de même pour certains d'entre eux tels que des contrats de recrutement
d'agents non titulaires46(*). Surtout, les tiers évincés d'un
contrat sont en droit de saisir le juge de l'excès de pouvoir à
l'encontre d'un acte détachable, qui, s'il est annulé, permet au
juge du contrat d'être saisi par la personne publique enjointe47(*) pour en tirer les
conséquences sur l'acte contractuel. Cette dernière voie de droit
reste accessible aux simples tiers puisque les tiers évincés
bénéficient aujourd'hui du recours de pleine juridiction
institué par l'arrêt d'Assemblée Sté Tropic
Travaux Signalisation.
Sans pour autant faire preuve de nationalisme,
l'arrêt Institut de Recherche pour le Développement a,
semble t-il, inspiré la doctrine étrangère dans une
tentative d'établissement d'un lien de parenté entre cette
solution et la consécration au niveau communautaire de la
justiciabilité du contrat48(*). Il est vrai que le droit français peut
être considéré comme efficace et performant à
l'inverse des différents droits étrangers pour lesquels un
recours à l'encontre du contrat est souvent inexistant et sa sanction
encore plus exceptionnelle49(*).
Quelque soit l'incidence du droit français dans la
fixation des impératifs communautaires, les effets en retour dans
l'ordre interne d'une tradition juridique exportée au niveau
européen peuvent parfois conduire à un une remise en cause de
solutions pourtant bien établies en droit interne. Mais ici, force est
de constater que l'influence du droit communautaire dans la modification des
règles contentieuses française est réduite.
B. L'influence
réduite du droit communautaire dans la modification des règles
contentieuses internes
Les tiers évincés d'une procédure
d'attribution disposent, depuis le 16 juillet 2007, d'un recours direct et de
plein contentieux objectif à l'encontre du contrat. Les autres tiers en
restent privés et bénéficient toujours de la
complexité et des désavantages des recours antérieurs. Il
est évident que le droit communautaire est à l'origine de cette
simplification contentieuse (1). La souhaitant
pourtant depuis longue date, le droit interne n'y est pas étranger
(2).
1. Une simplification
contentieuse imposée par le droit communautaire
Les tiers évincés bénéficiaient
autrefois d'un recours à l'encontre des actes détachables du
contrat. Si le juge de l'excès de pouvoir en reconnaissait la
nullité, l'entreprise écartée devait bien souvent se
tourner vers le juge de l'exécution de manière à ce que la
personne publique soit enjointe de saisir le juge du contrat. Il appartenait
ensuite à ce dernier de prononcer le cas échéant la
nullité du contrat sous réserve de conditions
déterminées.
Si ces méandres procéduraux semblaient
acceptables au regard d'un droit communautaire
désintéressé du contrat, ils sont devenus
problématiques suite à l'attention récemment
marquée des institutions communautaires dont il fait l'objet. Les
impératifs de célérité ou d'efficacité et
surtout l'effet utile ne pouvaient supporter de telles complications
contentieuses. C'est la raison pour laquelle le Commissaire du gouvernement
CASAS a, dans ses conclusions sur l'affaire Sté Tropic Travaux
Signalisation, proposé à l'Assemblée d'ouvrir
« au bénéfice de personnes qui ne sont pas les
parties au contrat, la possibilité d'atteindre directement
celui-ci »50(*). Son argumentation est notamment justifiée par
l'existence de la nouvelle directive « recours » encore
à l'état de simple projet ainsi que par les seules conclusions de
l'Avocat général TRSTENJAK51(*) relative à l'arrêt Commission contre
Allemagne.
Par conséquent, les exigences communautaires ne sont
pas étrangères à la mise en place d'un recours direct
à l'encontre du contrat. Même si aucune nécessité
juridique n'imposait à la haute juridiction administrative d'adopter une
telle solution, il est flagrant que la prise en compte du droit communautaire
par l'Assemblée traduit une prise de conscience sur l'orientation
générale et à venir de la jurisprudence du Conseil
d'Etat52(*). Est-il pour
autant certain que le droit communautaire ait été le seul facteur
de modification des règles contentieuses internes ? Une
réponse négative doit être apportée car la
simplification contentieuse opérée par l'arrêt
Sté Tropic Travaux Signalisation était de longue date
vivement souhaitée en droit français.
2. Une simplification
contentieuse souhaitée en droit interne
Depuis longtemps, la complexité du contentieux interne
suscite bon nombre de critiques, indépendamment de toute exigence
communautaire. Par exemple, un même juge peut intervenir successivement
à quatre titres : d'abord en tant que juge des
référés précontractuels, mais surtout en tant que
juge de l'excès de pouvoir, de l'exécution, puis du
contrat53(*). La lourdeur
du contentieux n'incitait aucunement le requérant qui s'estimait
lésé à l'introduction d'un recours, de sorte qu'à
l'unanimité, la doctrine en appelait le jurislateur à
« une clarification du contentieux de la
légalité »54(*) par « l'ouverture aux tiers
d'un recours direct contre les contrats »55(*).
L'ouverture d'un recours direct en faveur des tiers
évincés prend donc place dans un débat ancien et d'ordre
purement interne. Il n'est donc pas certain que sans la présence d'une
contrainte communautaire, le Conseil d'Etat se soit refusé à
franchir le pas d'une telle évolution jurisprudentielle. Par
conséquent, l'influence du droit communautaire en est fatalement
réduite car l'affaire Sté Tropic Travaux Signalisation
fut autant l'occasion pour le Conseil d'Etat de répondre aux nombreux
appels de la doctrine sollicitant une simplification du contentieux que de
s'adapter aux exigences communautaires à venir.
On le voit, l'intégration des exigences communautaires
afférentes aux actes susceptibles de recours au sens des directives
s'est opérée avec douceur et sans véritables remises en
cause des habitudes contentieuses internes. Pour cette raison, le droit
communautaire représente un facteur de contrainte modéré.
En revanche, d'autres hypothèses témoignent d'une contrainte
revêtant une intensité particulièrement vive. La
réception du droit communautaire par le droit interne se veut plus
douloureuse et s'effectue difficilement, parfois même au prix de
sacrifices. Il en va ainsi de l'instauration en droit français d'un
recours juridictionnel efficace pour lequel les exigences communautaires
représentent un puissant facteur de contrainte.
Section II. L'instauration d'un recours juridictionnel
efficace : un puissant facteur de contrainte
L'efficacité imprègne l'ensemble des exigences
communautaires, ce qui prête au terme un caractère obscur.
Activement recherchée par le droit communautaire, elle représente
un puissant facteur de contrainte. Le droit interne ne dispose que d'une marge
de manoeuvre des plus restreintes dans l'élaboration des règles
contentieuses puisque le droit communautaire se veut pour l'essentiel
précis, rigoureux et oppressif. Il est certain que sans cette
contrainte, le droit interne ne serait parvenu à un tel degré de
développement. De par son caractère révolutionnaire et
novateur, elle impose au droit français une mise en oeuvre
simplifiée des recours (A) ainsi qu'une attribution de
larges pouvoirs au juge des référés précontractuels
(B).
§
1. Une mise en oeuvre simplifiée des recours
L'interprétation de la directive conduit à ce
que le requérant dispose de réelles possibilités
d'intenter un recours. C'est pourquoi la Cour de Justice a d'abord
veillé à éliminer les entraves à leur exercice
(A) puis à renforcer les garantes procédurales
favorisant l'accès au juge (B).
A. L'élimination des entraves
à l'exercice d'un recours efficace
Pour être efficace au sens de la directive, le recours
mis à disposition des entreprises évincées ne saurait
être subordonné à un formalisme exacerbé. Il serait
en effet paradoxal d'ouvrir une nouvelle voie de droit réputée
efficace et rapide en lui donnant un caractère dissuasif afin d'en
limiter l'exercice. Plusieurs affaires tranchées par la Cour de Justice
attestent pourtant des obstacles procéduraux dont les Etats membres ont
fait usage afin de limiter l'accès au juge des
référés. Ces entraves consistent à exiger du
requérant l'exercice préalable d'un recours au fond
(1) ou d'un recours gracieux
(2).
1. La prohibition des
recours préalables au fond
Le droit communautaire reconnaît aux Etats membres un
principe d'autonomie procédurale. Ceux-ci restent donc, en principe,
libres de définir les modalités d'exercice d'un recours devant
les juridictions nationales, sous réserve de ne pas porter atteinte aux
objectifs poursuivis par les directives « recours ». Lors
de sa transposition en droit français, le législateur a choisi,
non sans douleur, de ne pas exiger des requérants l'exercice
préalable d'un recours au fond. L'on sait en effet combien cette
règle qui gouvernait autrefois la recevabilité du sursis à
exécution était traditionnelle dans le contentieux de l'urgence.
Aujourd'hui encore, sa méconnaissance entraîne en principe
l'irrecevabilité du recours en référé-suspension.
Mais ce choix a logiquement été approuvé par la
jurisprudence communautaire. Dans un arrêt en manquement56(*), la Cour a d'abord
condamné la République hellénique en ce que sa
réglementation nationale subordonnait la saisine du juge des
référés à un recours principal en annulation de la
décision administrative litigieuse. Confirmant cette solution, elle a
ensuite précisé à l'encontre de l'Espagne57(*) qu'une réglementation
nationale ne pouvait exiger, au titre d'un recours préalable au fond,
une simple lettre non motivée par laquelle le requérant fait
savoir qu'il entend attaquer la décision au principal. Peu importe le
degré requis de formalité : un juge efficace et rapide au
sens des directives « recours » est un juge autonome et sa
saisine ne peut être l'accessoire d'un recours exercé à
titre principal.
La rigueur des solutions dégagées par la Cour
dans l'interprétation des impératifs de rapidité et
d'efficacité appliqués aux recours préalables au fond
laissait présager une rigueur identique à l'égard des
recours préalables gracieux.
2. Le strict
encadrement des recours préalables gracieux
La lettre de la directive « recours » ne
prohibe aucunement le procédé du recours préalable
gracieux. Elle prévoit en effet que les Etats « peuvent
exiger que la personne qui souhaite [saisir une instance nationale] ait
préalablement informé le pouvoir adjudicateur de la violation
alléguée et de son intention d'introduire un
recours »58(*). Mais poursuivant sa construction jurisprudentielle
rigoriste, la Cour a estimé d'emblée que « le fait
de subordonner l'accès aux procédures de recours prévues
par la directive 89/665 à la saisine préalable d'une commission
de conclusion [...], serait contraire aux objectifs de rapidité et
d'efficacité de cette directive »59(*). Si la Cour de Justice
interprète de manière aussi sévère les
libertés laissées à disposition des Etats dans la
détermination des modalités d'accès au juge, c'est parce
qu'elles ont face à elles le dynamisme inhérent au droit à
un recours effectif. Imposée par le droit français à peine
d'irrecevabilité du recours précontractuel, l'obligation
d'exercer un recours préalable gracieux auprès de
l'administration a été supprimée lors de la réforme
des procédures d'urgence60(*). La disparition de cette règle processuel
à laquelle le contentieux administratif reste attaché ne suscite
pas de regret. Cette absence d'amertume s'explique sans doute par les
inconvénients pratiques qu'elle provoquait autrefois et que l'on
dénommait par habitude course à la signature. Cependant,
la prohibition exprimée par la Cour de Justice ne revêt pas un
caractère absolu. Il est désormais prévu que les Etats ont
la faculté d'exiger des requérants l'introduction d'un recours
gracieux devant le pouvoir adjudicateur, mais en ce cas, « ils
veillent à ce que l'introduction dudit recours entraîne la
suspension immédiate de la possibilité de conclure le
marché » 61(*). Cette obligation ne concerne que les contrats de
droit privé puisque seuls les référés
précontractuels administratifs ne sont plus subordonnés à
l'exercice préalable d'un recours gracieux.
L'élimination par la Cour des entraves à
l'exercice d'un recours efficace ne pouvait suffire. Fallait-il encore en
simplifier l'exercice par un renforcement des garanties procédurales
favorisant l'accès au juge.
B. Le renforcement des garanties
procédurales favorisant l'accès au juge
L'accès au juge n'implique pas seulement une voie de
droit structurée en faveur d'une meilleure protection juridique. Elle
suppose également une organisation particulière de la
procédure de passation des marchés publics. C'est pourquoi le
droit interne doit offrir au requérant ce que le droit communautaire
qualifie de « protection juridictionnelle
globale »62(*), c'est à dire des possibilités
réelles et concrètes d'intenter un recours. Il doit être en
mesure de garantir aux entreprises candidates un délai minimal entre son
éviction et la signature du marché et de leur communiquer les
motifs ayant conduit au rejet de leurs offres.
1. L'instauration d'un
délai minimal entre la décision d'attribution et la signature du
contrat
La reconnaissance par la Cour de Justice de l'obligation faite
aux Etats de garantir un recours à l'encontre de la décision
d'attribution du marché a pour conséquence immédiate
l'écoulement d'un délai la séparant de la signature du
contrat63(*). En effet,
une procédure de passation est souvent caractérisée par sa
brièveté de sorte que si la décision d'attribution est
juridiquement attaquable, l'absence de ce délai pourrait conduire
à une signature imminente. La saisine du juge serait en pratique rendue
impossible. Par conséquent, le requérant serait privé d'un
recours rapide et efficace au même titre que la directive serait
dénuée de son effet utile. Or, le déroulement de la
passation du marché doit favoriser l'exercice des recours de
façon à corriger au plus tôt les
irrégularités entachant cette procédure. C'est pourquoi la
Cour a conclu par la suite que le délai imposé entre la
décision d'attribution et la signature du marché doit être
raisonnable64(*). En
réponse aux arrêts Alcatel Austria et Commission
contre Autriche, le législateur français a d'abord soumis
les personnes publiques au principe d'un délai raisonnable, puis d'un
délai de 10 jours entre la décision d'attribution et la signature
du contrat. Ces dispositions insérées dans le code des
marchés publics demeurent confortées, dans leur principe, par les
exigences de la nouvelle directive « recours ». Celle-ci
prévoit en effet que l'entité adjudicatrice est tenue de
s'abstenir de signer le contrat pendant un délai qui ne peut être
inférieur à dix jours calendaires65(*). Demeurent néanmoins quelques points de
divergence entre les droits interne et communautaire, notamment quant aux
exceptions prévues pour échapper à l'application de ce
délai dit de stand still.
La volonté d'insérer un tel délai dans
les pratiques contentieuses internes témoigne de l'effort constant du
droit communautaire visant à paralyser la pratique des signatures
précipitées. Mais si elle est au coeur des préoccupations
des institutions communautaires, c'est parce que dans bon nombre d'Etats
membres, la signature du contrat réduit concrètement l'office du
juge à la seule allocation de dommages et intérêts. Il n'en
est pas ainsi en droit français puisqu'un recours juridictionnel peut
s'ouvrir à l'encontre du contrat conclu. De plus, il n'est pas dans
l'intérêt des personnes publiques de signer le contrat sans se
soucier des conséquences d'une éventuelle annulation en cours
d'exécution ou pire encore dans l'hypothèse où le contrat
est entièrement exécuté66(*). La sanction assurée d'une procédure de
passation est préférable à l'annulation probable du
contrat.
L'instauration d'un délai minimal entre la
décision d'attribution et la signature du marché est
néanmoins imposée en droit français. Elle permet aux
candidats évincés de disposer du temps nécessaire à
l'introduction d'un recours précontractuel. Mais pour que ce recours
soit considéré comme efficace, convient-il encore de leur
communiquer les motifs ayant conduit au rejet de leurs offres.
2. La communication
aux candidats évincés des motifs ayant conduit au rejet de leurs
offres
Dans son arrêt Commission contre Autriche, la
Cour de Justice consacre sur le fondement d'une protection juridictionnelle
globale l'obligation pour les Etats d'informer les soumissionnaires de la
décision d'adjudication. Elle précise qu'une
« législation relative à l'accès aux
documents administratifs qui se contenterait de prévoir l'information
des soumissionnaires sur les seules décisions qui les concernent
directement »67(*) ne peut suffire à satisfaire aux exigences de
la directive « recours ». Soucieux de se conformer à
ces impératifs, le code français des marchés publics
prévoit que le pouvoir adjudicateur avise par courrier les candidats du
rejet de leur offre ou de leur candidature. Elle mentionne également les
motifs de ce rejet sachant que l'entreprise écartée de la
procédure peut ultérieurement en demander le détail.
Reprenant à son compte la jurisprudence de la Cour, la nouvelle
directive « recours » impose que la décision
d'attribution soit communiquée à chaque soumissionnaire et
candidat concernés, accompagnée le cas échéant
« d'un exposé synthétique des motifs
pertinents »68(*)
L'interprétation des directives
« recours » conduit une nouvelle fois à formuler des
exigences procédurales qu'elles ignorent. Il est surtout remarquable que
le dynamisme dont elles sont douées ne se limite aucunement à
l'organisation particulière du recours en référé
précontractuel. Elles impliquent inéluctablement une adaptation
du droit matériel applicable à la procédure de passation
dès lors que ces règles sont susceptibles de déteindre sur
l'effectivité des règles processuelles. Par conséquent, la
réglementation matérielle ne saurait être de nature
à restreindre la garantie d'un droit au recours effectif.
Faciliter l'accès au juge par une mise en oeuvre
simplifiée des recours contribue à la recherche d'un recours
juridictionnel efficace. Mais cela ne peut suffire car le juge doit encore
disposer des pouvoirs lui permettant de finaliser cet objectif.
§ 2. Les pouvoirs du juge
des référés précontractuels
C'est incontestablement sur l'attribution des larges pouvoirs
aux juges des référés précontractuels que la
réception des exigences communautaires fut la plus délicate pour
le droit français. En effet, la reconnaissance de tels pouvoirs au juge
des référés dans les secteurs
« classiques » s'est effectuée par le biais d'une
intégration douloureuse (A). En revanche, la
transposition de la directive relative aux secteurs
« exclus » s'est avérée plus prudente et
laborieuse de la part du législateur national (B).
A. Les pouvoirs du
juge des référés secteurs « de
base » : une transposition douloureuse
La directive « recours » relative aux
secteurs « classiques » impose au droit interne
l'attribution de pouvoirs considérables aux instances nationales. Elle
prévoit en particulier que ces dernières soient en mesure
d'accorder aux entreprises lésées des dommages et
intérêts, mais surtout d'annuler les décisions
illégales, de prendre des mesures provisoires ayant pour but de corriger
la violation alléguée ainsi que de suspendre la procédure
d'attribution en cause ou toute décision prise par les pouvoirs
adjudicateurs69(*).
En réponse à ce texte, l'article L 551-1 CJA
offre au Président du Tribunal Administratif la faculté d'«
ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses
obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute
décision qui s'y rapporte », ainsi que, cela va de soi,
d'annuler les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans
le contrat méconnaissant les obligations de publicité ou de mise
en concurrence.
Cette disposition ne doit évidemment pas être lue
dans le contexte actuel, mais au moment de son édiction par le
législateur français. En 1992, le droit interne ne portait pour
l'essentiel guère d'intérêt à l'exécution des
décisions rendues par les juridictions administratives. Le
législateur de 1980 a pourtant incité le juge administratif
à l'emploi de mesures, telles que l'astreinte, destinées à
contraindre les personnes publiques à l'exécution des
décisions de justice. Le Conseil d'Etat, en revanche, n'y prêtait
pas d'attention et refusait de mettre en pratique ces mesures
d'exécution. Le droit communautaire a donc pleinement contribué
au développement des mesures d'exécution dans le droit processuel
des contrats, alors qu'il fallut attendre la seconde moitié des
années quatre-vingt-dix pour que le procédé de
l'injonction soit mis en oeuvre dans l'ensemble du contentieux administratif.
Ces techniques d'exécution destinées à
contraindre l'administration sont aujourd'hui largement connues du droit
processuel interne. De fait, le contraste des pouvoirs conférés
au juge des référés précontractuels dans les
secteurs « classiques » avec ceux attribués aux
juges des différents contentieux est moins intense. Il parût donc
plus évident au législateur, lors de la réforme des
procédures d'urgence, de reconnaître au juge la faculté,
dès qu'il est saisi, d'enjoindre à la personne publique de
différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure
et pour une durée maximale de vingt jours.
On le voit, même si le contentieux administratif a
comblé son retard par rapport aux spécificités du droit
processuel des contrats publics imposées par le droit communautaire, la
transposition de la directive « recours » fut
particulièrement douloureuse. Le juge des référés
s'est trouvé muni de pouvoirs méconnus du juge du principal.
Cette intégration fut d'autant plus délicate que trois
années plus tard, le législateur national devait intervenir une
nouvelle fois en vue de transposer la directive « recours »
relative aux secteurs « exclus ». Il ne tient aucunement du
hasard si cette transposition fut des plus laborieuses.
B. Les pouvoirs du
juge des référés secteurs
« exclus » : une transposition laborieuse
L'évidente difficulté pour le
législateur interne à conférer au juge des
référés secteurs de « base » de larges
pouvoirs se trouve confirmée par son attitude envers la transposition de
la directive « recours » relative aux secteurs
« exclus ». La réception des exigences issues de la
directive de 1992 s'est en effet traduite par une transposition prudente,
minimaliste et, peut-on dire, à la limite de ce qu'impose le droit
communautaire.
La directive « recours » relative aux
secteurs « exclus » offre aux Etats une alternative.
Ceux-ci sont en mesure de conférer au juge des
référés, soit le pouvoir de « prendre des
mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation
alléguée ou d'empêcher que d'autres préjudices, y
compris des mesures destinées à suspendre ou à faire
suspendre la procédure de passation de marché en cause ou
l'exécution de toute décision prise par l'entité
adjudicatrice »70(*) et « d'annuler ou de faire annuler les
décisions illégales »71(*), soit de prendre des mesures
« ayant pour but de corriger la violation constatée et
d'empêcher que des préjudices soient causés aux
intérêts concernés, notamment d'émettre un ordre de
paiement d'une sorte déterminé dans le cas où l'infraction
n'est pas corrigée ou évitée »72(*).
Par la loi du 29 décembre 1993, le législateur
français a opté pour le second choix. Le juge des
référés se voit donc privé de la possibilité
de prononcer l'annulation, la réformation ou la suspension de la
procédure de passation. Seul le pouvoir de prononcer une astreinte lui a
été reconnu. Estimant que cette transposition était
insuffisante au regard de l'exigence d'efficacité inhérente aux
directives « recours », la Commission a intenté des
poursuites à l'encontre de la France. La Cour a néanmoins
donné raison au droit interne dans la mesure où
« l'astreinte est par nature un moyen de coercition et un
instrument efficace »73(*) pour garantir le respect du droit matériel des
marchés publics.
Cette transposition minimaliste s'inscrit directement en
réaction à la réception douloureuse en droit interne des
exigences de la directive « recours » relative aux secteurs
« classiques ». Là où le législateur
dispose d'une marge de manoeuvre dans l'élaboration des règles
internes, le choix qu'il effectue se fait de manière restrictive. Bien
que cela contribue à une puissante recherche d'efficacité, il est
en effet malvenu qu'un juge imposé par un droit étranger soit
doté de pouvoirs qu'un juge purement interne ignore74(*).
Par conséquent, l'intégration des exigences
communautaires est diversement ressentie par le droit français.
L'instauration d'un recours juridictionnel efficace au sens du droit
communautaire s'est effectuée au prix de divers bouleversements en
ruptures avec les habitudes contentieuses du droit interne. En revanche,
admettre comme susceptible de recours un nombre d'actes toujours plus important
n'a pas affecté les règles processuelles les plus
traditionnelles. Cette transposition aisée et indolore s'explique
essentiellement par l'existence d'un droit français
développé par lui-même, antérieurement au droit
communautaire ou en concomitance avec lui. C'est donc en tant que facteur de
contrainte que le droit communautaire participe pleinement à la
construction d'un contentieux interne efficace. Le droit français a en
effet l'obligation de réceptionner les exigences qui en découlent
dans son ordre juridique. Mais il a également la faculté de
contribuer lui-même à une telle recherche d'efficacité dans
la mesure où il surestime largement les exigences communautaires.
Chapitre II. Une large
surestimation des exigences communautaires par le droit interne
Les directives « recours »
n'établissent que des conditions minimales auxquelles doivent
répondre les procédures instaurées dans les ordres
juridiques nationaux. Le droit interne peut donc transposer ce texte en
excédant ses exigences. Cela signifie que le droit interne contribue
lui-même, en dehors de la sphère contraignante issue du droit
communautaire, à l'élaboration de ses propres règles
contentieuses. Exagérer les implications du droit communautaire est
d'autant plus simple que la réglementation qui en découle
« n'est pas d'une compréhension
aisée » 75(*), notamment en raison de l'emploi de termes
standards dont les contours semblent parfois insaisissables. De
même, l'interprétation téléologique et la
spécificité des solutions dégagées par la Cour lors
d'une procédure en manquement ou suite à une question
préjudicielle n'ont pas vocation à en faciliter la lecture.
Toutefois, avec autant de discrétion que d'efficacité, les
directives consacrent implicitement un principe de sécurité
juridique qui s'oppose à ce que toute irrégularité entrave
avec démesure le déroulement de l'action publique dans les ordres
juridiques internes. Mais bien souvent, le droit français reste
indifférent aux potentialités que lui offre le droit
communautaire. C'est ainsi que la tendance d'une surestimation des exigences
communautaires s'exprime à deux égards : dans la recherche
de l'irrégularité d'abord (Section 1), dans son
traitement ensuite (Section 2).
Section I. Le dépassement
des exigences communautaires dans la recherche de
l'irrégularité
Comme il a déjà été dit, le droit
communautaire contraint les Etats à une recherche active des
irrégularités entachant les actes préalables à la
conclusion d'un contrat. Pourtant, soucieux de ne pas fragiliser à
l'excès les procédures de passation et de ne pas surcharger les
prétoires nationaux, il n'implique aucunement que toute
irrégularité tombe sous le coup d'un contrôle
juridictionnel. C'est pourquoi les directives « recours »
autorisent bien souvent les Etats, dans un espace juridique de
liberté, à effectuer des choix ayant pour objet de limiter
un rapprochement disproportionné de l'irrégularité vers le
juge. Mais pris d'un excès de zèle, le législateur
(§ 1) et le juge national (§ 2)
refusent d'exercer les droits d'option qui leur sont pourtant reconnus,
préférant alors l'exagération et la
systématicité au pragmatisme.
§ 1. Une exagération
à l'initiative du législateur
Il est possible de rendre compte de la démesure
opérée par le législateur au travers des contrats qu'il
entend soumettre aux référés précontractuels
(A) et d'un délai de forclusion (B)
qu'il se refuse à établir.
A. Les contrats soumis
aux référés précontractuels
Pour être justiciable d'un recours au sens de la
directive, la procédure de passation doit se rapporter à un
contrat qui revêt deux conditions cumulatives. Il doit d'abord être
qualifié de marché public au sens du droit communautaire
(1). Son montant doit ensuite être
supérieur aux seuils d'application des directives matérielles
(2).
1. Les marchés
publics au sens du droit communautaire
Il est admis que la directive « recours »
a pour ambition de rendre effective l'application du droit matériel
régissant les procédures de passation des marchés publics.
Transposant à la lettre cette directive en droit interne, la loi du 4
janvier 1992 rendait d'abord le référé
précontractuel applicable aux seuls marchés publics. Mais la
définition d'un marché public au sens du droit communautaire,
telle qu'interprétée par la Cour, n'est pas identique à
celle que retient le droit interne. Par souci de concision, mais aussi parce
que l'étude de cette définition actuellement donnée
à l'article 1er de la directive 2004/18 s'éloignerait
à l'excès du contentieux contractuel, l'on retiendra simplement
que la notion de marché public au sens du droit communautaire est plus
englobante que celle admise par le code des marchés publics. Pour
prévenir d'éventuelles méconnaissances du droit
communautaire liées à des divergences de qualification, le
législateur a continuellement élargi le champ d'application
matériel des référés précontractuels. Ainsi,
la loi Sapin du 29 janvier 199376(*) a notamment étendu cette voie de droit aux
délégations de service public. De sorte qu'aujourd'hui, l'article
L 551-1 CJA s'applique également aux contrats de partenariat issus de
l'ordonnance du 17 juin 200477(*), en principe aux baux emphytéotiques
administratifs, ainsi qu'aux concessions de travaux régies par la loi du
3 janvier 199178(*).
De plus, les directives matérielles ne s'appliquent pas
à certains marchés de services limitativement
énumérés en annexe et définis en fonction de leur
objet. Ils ne semblent pas devoir relever des directives «
recours ». Or, le droit français n'opère pas de
distinction puisque l'article L 551-1 CJA leur est une fois encore
applicable.
La volonté du législateur de soumettre des
contrats publics aux référés précontractuels alors
même qu'ils ne sont pas nécessairement qualifiés de
marchés publics au sens des directives matérielles
témoigne d'un premier dépassement de ce qu'implique le droit
communautaire. Cela ne signifie pas pour autant que le droit interne lui soit
entièrement conforme. A titre d'exemple, la Cour de Justice a
récemment estimé, eût égard au développement
de la concurrence dans le secteur considéré, que certaines
conventions d'aménagement appartiennent à la catégorie des
marchés publics au sens des directives matérielles79(*). Or, dans l'hypothèse
d'un contentieux, l'article L 551-1 CJA ne semble pas en tant que tel
applicable en vue de contester la procédure de passation de ces
contrats.
Les procédures de passation participant à la
conclusion d'un marché public relèvent d'un recours efficace et
rapide au sens du droit communautaire, à la condition toutefois que le
montant du marché en cause soit supérieur aux seuils
d'application des directives matérielles.
2. Les
marchés publics dont le montant est supérieur aux seuils
d'application des directives matérielles
Pour être justiciable de la voie de droit imposée
par les directives « recours », la procédure de
passation litigieuse doit se rapporter à un marché public dont le
montant est supérieur aux seuils d'application des directives
matérielles. Une lecture littérale et a contrario de
cette règle pourrait conduire à l'interpréter strictement.
C'est pourtant cette lecture assujettissante qui a dans un premier temps
été retenue par le législateur, la loi du 4 janvier 1992
ayant prévu que les marchés publics dont le montant est
inférieur aux seuils d'applications des directives matérielles ne
relèvent pas des référés précontractuels. Le
champ d'application rationae materiae de ces recours a ici encore
été élargi par la loi Sapin du 29 janvier 1993.
Par conséquent, peu importe la valeur du marché : toutes les
procédures de passation se rapportant à leur formation sont
soumises aux référés précontractuels.
Le droit communautaire, quant à lui, ne se
désintéresse pas des marchés dont le montant est
inférieur aux seuils d'application des directives matérielles. La
Cour a affirmé, dans un célèbre arrêt
Telaustria80(*),
que les principes des traités leurs sont applicables, en particulier les
principes d'égalité de traitement et de non discrimination en
raison de la nationalité. La solution qu'elle a consacré implique
alors que les Etats sont tenus d'organiser des voies de recours afin d'en
assurer la garantie. Mais une épineuse question reste encore sans
réponse. Elle consiste à savoir si ces voies de droit doivent
être identiques à celles prévues par les directives
« recours ». De ce point de vue, il est certain que le
choix du législateur national de soumettre l'ensemble des marchés
publics aux recours précontractuels a l'avantage de la
simplicité. Il permet notamment d'éviter les débats
relatifs aux incidences contentieuses d'une application des règles
fondamentales des traités communautaires au droit des marchés
publics. Les difficultés rencontrées par le droit interne pour en
tirer les conséquences sur le droit matériel sont
déjà fort bien connues81(*).
Mais à la réflexion, le droit communautaire ne
paraît pas exiger des Etats l'instauration de procédures aussi
rapides et efficaces que celles imposées par la directive
« recours ». Deux raisons justifient cette affirmation. La
Commission a d'abord fait part, dans un élan d'autorité82(*), de son ambition de soumettre
l'ensemble des marchés publics aux directives
« recours ». Cette intention n'a pourtant jamais
été reprise par le législateur communautaire puisque le
champ d'application de la nouvelle directive « recours »
reste inchangé. Il apparaît ensuite que la Cour de Justice pose
une limite aux exigences de la jurisprudence Telaustria, dont elle
seule sait pour l'instant garder le secret. Elle a considéré,
dans un arrêt Commission contre Irlande83(*), que l'application des
règles fondamentales et des principes généraux des
traités aux procédures de passation des marchés de faible
valeur « présuppose que les marchés en cause
présentent un intérêt transfrontalier
certain ». Le caractère
« certain » de l'intérêt
transfrontalier ne peut a priori que témoigner de la
difficulté pour les requérants à en apporter la preuve
concrète. Il indique surtout la volonté de la Cour de revenir sur
la rigueur que pouvait laisser présager l'arrêt
Telaustria. Plus généralement, les incertitudes qui
entourent cette notion ravivent davantage les critiques84(*) pesant sur le choix
opéré par la loi Sapin. Ce choix s'avère
évidemment problématique en ce qu'il soumet les nombreux
marchés de faible valeur passés par les collectivités
territoriales à la rigueur, et si l'on ose dire, aux ravages des
référés précontractuels. S'il s'avère que
ces marchés peuvent bénéficier d'un régime
contentieux différencié, les règles fondamentales du
traité imposent néanmoins aux Etats membres d'instituer des
sanctions suffisantes ou
« adaptées »85(*), ce que la nouvelle directive
« recours » qualifie de sanctions
« effectives, proportionnées et
dissuasives »86(*).
De la même manière, le législateur est
allé au-delà des exigences communautaires en rejetant le principe
d'un délai de forclusion.
B. La
forclusion
Traditionnellement employée en contentieux
administratif, la forclusion pose une condition supplémentaire à
la recevabilité des recours. Passé ce délai, la
requête devient irrecevable. Si le droit communautaire permet aux Etats
d'instaurer de tels procédés, le législateur n'a pas
employé la faculté qui lui était ainsi reconnue
(1). Cette position semble toutefois en contradiction
avec l'attachement aux contraintes de temps dans l'exercice des recours que le
juge du contrat a récemment affirmé dans un souci contemporain de
sécurité juridique (2).
1. Une
faculté inemployée
Ce n'est pas à la brièveté ni au
laconisme des directives « recours » que l'on doit la
reconnaissance explicite aux Etats de la faculté d'instituer des
délais de forclusion afin de restreindre l'accès au juge.
Celles-ci se contentent simplement de rappeler qu'ils disposent d'un principe
d'autonomie procédurale dans la fixation des règles
internes87(*). Face aux
silences de ce texte, le législateur a, sans doute par prudence,
refusé de soumettre la saisine du juge des référés
précontractuels à un délai de forclusion. Il a ensuite
été conforté dans sa position par la
jurisprudence88(*).
L'exigence de célérité des recours imposée par les
directives aurait pourtant pu l'en persuader. En effet, un recours rapide au
sens du droit communautaire a pour finalité de purifier une
procédure de passation des irrégularités qui l'affectent
avant que ces dernières ne soient difficilement corrigibles, l'acte en
cause ayant produit des effets juridiques ou le contrat ayant été
signé. L'établissement d'un délai de forclusion participe
donc à cet objectif de rapidité en ce qu'il incite les
requérants à la diligence et à saisir au plus tôt
une instance chargée des recours.
Cependant, il est indéniable que
l'irrecevabilité du recours précontractuel une fois le contrat
conclu a un effet similaire au dépassement d'un délai de
forclusion puisque dans les deux cas, le recours est irrecevable. Mais
là où ce dernier reste fixe et prévisible, la signature du
contrat est un fait qui dépend variablement de la volonté d'une
personne publique. Surtout, certaines procédures de passation sont
longues. Il en est ainsi, en pratique, des marchés passés selon
la procédure de dialogue compétitif ou des contrats de
partenariat. Or, ce dernier procédé contractuel sera sans doute
davantage employé. Pour ces raisons, il serait judicieux de mettre en
place un délai de forclusion de manière à ce que les
irrégularités entachant les actes liminaires d'une
procédure de passation ne puissent être soulevées peu avant
la signature. Le droit communautaire encourage par ailleurs à l'emploi
de telles règles contentieuses.
Ainsi, la Cour de Justice a précisé que la
directive « recours » ne s'oppose pas à une
réglementation nationale prévoyant que « tout
recours contre une décision du pouvoir adjudicateur doit être
formé dans un délai prévu à cet effet et que toute
irrégularité de la procédure d'adjudication
invoquée à l'appui de ce recours doit être soulevée
dans le même délai, sous peine de forclusion, de sorte que,
passé ce délai, il n'est plus possible de contester une telle
décision ou de soulever une telle irrégularité, pour
autant que le délai en question soit
raisonnable »89(*). Le standard du raisonnable employé
par la Cour n'a pas l'avantage de la précision. Il laissait d'ailleurs
mal augurer la compatibilité de brefs délais de forclusion avec
les exigences de la directive puisque la Cour préférait jusqu'ici
appuyer son raisonnement sur une conception extensive du droit au recours
effectif. Il n'en est rien : un délai de forclusion de deux
semaines est jugé raisonnable et n'est pas, en tant que tel, contraire
aux objectifs de la directive90(*). De plus, la nouvelle directive prévoit que
lorsqu'un « recours contre une décision d'un pouvoir
adjudicateur [...] doit être formé avant l'expiration d'un
délai déterminé, ce délai est égal à
dix jours calendaires au moins à compter du lendemain du jour
où la décision du pouvoir adjudicateur est envoyée au
soumissionnaire »91(*).
Les exigences communautaires étant
précisées et la nécessité de sécurité
juridique se faisant toujours plus grande, il est théoriquement
concevable d'instituer un délai de forclusion en droit français.
La pratique interne du contentieux contractuel pourrait néanmoins
perturber l'application d'un tel mécanisme. En effet, la
procédure de passation des contrats publics peut être
qualifiée de procédure complexe de sorte que le requérant
est recevable à contester tout acte s'y rapportant indépendamment
des conditions de délai92(*). L'invocabilité par voie d'exception emporte
un effet identique93(*).
Mais le mécanisme de la forclusion conserve son plein
intérêt dans la mesure où ces méthodes
d'invocabilité visant à lui échapper restent d'application
rarissime, sans doute en raison de leur obscurité théorique.
Si le droit français a manqué à
l'occasion de saisir les potentialités du droit communautaire, cette
lacune pourrait néanmoins évoluer en faveur d'une
sécurité juridique accrue. En effet, le juge du contrat a
récemment exprimé son attachement au principe de la forclusion.
2. Le juge du
contrat au secours de la sécurité juridique
Dans son arrêt d'Assemblée Sté Tropic
Travaux Signalisation94(*), le Conseil d'Etat a estimé que le nouveau
recours des tiers évincés à l'encontre du contrat
« doit être exercé [...] dans un délai de
deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité
appropriées ». Par cette formulation, la haute
juridiction administrative affiche clairement sa volonté d'enserrer le
recours dans un délai de forclusion. En effet, il appartient aux mesures
de publicité appropriées de déclencher le délai au
terme duquel le requérant est forclos. Or, l'accomplissement de ces
mesures n'obéit apparemment pas à un formalisme
démesuré puisqu'il est suggéré qu'un
« avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et
les modalités de sa consultation dans le respect des secrets
protégés par la loi » peut suffire.
Préconisant « un simple
affichage »95(*) pour les contrats les plus modestes, les conclusions
du Commissaire du Gouvernement CASAS attestent une nouvelle fois de cette
volonté de déclencher le délai de sorte que les tiers
évincés ne puissent attaquer indéfiniment le contrat. Pour
l'heure, les mesures de publicité appropriées n'ont pas fait
l'objet de précision de la part des juridictions administratives. Le
droit communautaire peut néanmoins fournir quelques
éléments de réflexion.
Le droit communautaire a expressément
réitéré son attachement au principe de la forclusion. En
effet, les Etats peuvent prévoir que l'introduction d'un recours
à l'encontre du contrat intervienne avant l'expiration d'un délai
minimal de trente jours à compter du lendemain du jour où
l'entité adjudicatrice a publié l'avis d'attribution ou a
informé le soumissionnaire de la conclusion du contrat96(*). Ils peuvent également
prévoir que le recours soit exercé au plus tard six mois à
partir du lendemain du jour où le contrat est conclu97(*). Mais comme à son
habitude, la Cour de Justice préfère la plasticité
à une définition claire et précise. Les solutions
dégagées au sujet des recours à l'encontre des
décisions du pouvoir adjudicateur en témoignent. Ces solutions
méritent d'être relatées car elles seront certainement
reprises s'agissant du recours à l'encontre du contrat. Ainsi, la Cour a
considéré que la compatibilité avec le droit communautaire
d'un délai de forclusion devait s'examiner en tenant compte notamment de
sa place « dans l'ensemble de la procédure, de son
déroulement et de ses particularités »98(*). Si un délai de
forclusion n'est pas en soi contraire au principe d'effectivité, son
application en fonction des circonstances particulières de
l'espèce peut le devenir. Par application de cette règle, il a
été jugé qu'un délai de forclusion
méconnaît le principe d'effectivité dès lors que
l'avis de marché ne comporte aucune information quant à la valeur
du marché à attribuer et que le pouvoir adjudicateur
répond de manière évasive et ambiguë à la
requérante au principal de façon à dissiper ses
interrogations99(*). Par
conséquent, la Cour est attentive au comportement du pouvoir
adjudicateur. Celui-ci occupe une place prépondérante dans son
raisonnement et détermine la compatibilité du délai avec
les exigences de la directive « recours ». De même,
le comportement du soumissionnaire n'est pas occulté. Un
opérateur doit être expérimenté, c'est à dire
« raisonnablement informé et normalement
diligent »100(*). S'il ne revêt pas cette qualité, la
forclusion lui sera opposée avec d'autant plus de facilité. Son
manque de diligence le prive alors d'un recours101(*).
Cette méthode logique, réaliste et pragmatique
pourrait inspirer le juge interne dans l'interprétation des mesures de
publicité appropriées dont il est question dans l'arrêt
Sté Tropic Travaux Signalisation. Il serait souhaitable que le
juge du contrat reconnaisse avec malléabilité et souplesse
l'accomplissement de telles mesures de sorte à déclencher le
délai sans pour autant retirer aux justiciables la garantie d'un recours
effectif. Cette démarche invite nécessairement les candidats
s'estimant lésés à la diligence et à la prudence,
puisqu'à défaut, leurs requêtes sont irrecevables au terme
du délai fixé. Elle n'est d'ailleurs pas méconnue du juge
de l'excès de pouvoir dans le contentieux de l'acte
détachable102(*)
et guidera certainement le juge du contrat dans l'opposabilité du
délai de forclusion, « l'obligation de due
diligence »103(*) ayant vocation à gouverner l'ensemble de la
décision Sté Tropic Travaux Signalisation.
Il est probable que le mécanisme de la forclusion
attaché au recours contractuel sera sûrement d'une mise en oeuvre
délicate et problématique. Il imprime néanmoins l'ensemble
de ce contentieux de l'impérieuse nécessité d'assurer la
sécurité juridique et rompt avec le choix initial d'un
législateur allant au delà de ce qu'implique le droit
communautaire. Pourvu d'un même état d'esprit, le juge interne
dépasse également les exigences communautaires en
procédant à une recherche active des irrégularités.
§ 2. Une exagération
à l'initiative du juge
Le législateur a préféré
transposer les directives « recours » dans des termes
souvent généraux, laissant alors au juge le soin de
préciser leur exacte signification. L'oeuvre prétorienne qui en
résulte permet toutefois aux entreprises d'opérer un
rapprochement démesuré de l'irrégularité vers le
juge. Cet excès se vérifie dans la qualité pour agir du
requérant (A) et dans les moyens qu'il peut utilement
invoquer (B).
A. La
qualité pour agir
La qualité pour agir est une condition d'accès
au prétoire tenant au requérant. Si sa reconnaissance fait
l'objet d'un libéralisme excessif de la part du juge interne
(1), le droit communautaire en permet
incontestablement la limitation (2).
1. Un
libéralisme excessif
L'article L 551-1 CJA énumère les personnes
ayant qualité pour agir. Il s'agit d'abord du représentant du
département dans le cas où le contrat est conclu ou doit
être conclu par une collectivité territoriale ou un
établissement public local. Il s'agit ensuite de celles qui ont un
intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles
d'être lésées par un manquement aux obligations de
publicité et de mise en concurrence. Cette dernière
catégorie de requérants a naturellement été
précisée par le juge.
Les référés précontractuels sont
présentés comme des recours de plein contentieux. Il est donc
naturel de reconnaître l'intérêt donnant qualité pour
agir de manière plus restrictive qu'en excès de pouvoir. C'est
pourquoi, le recours en référé reste fermé aux
élus locaux tel un conseiller municipal104(*), aux ordres
professionnels105(*) et
a fortiori aux contribuables locaux.
Pourtant, un courant jurisprudentiel constructif s'est
davantage orienté dans le sens d'un libéralisme accru. C'est
ainsi que les candidats évincés sont logiquement recevables
à saisir le juge des référés précontractuels
quelque soit le moment de leur éviction dans la procédure, et
indépendamment de tout préjudice subi. Le Conseil d'Etat a en
effet précisé qu'« une entreprise candidate à
l'obtention d'un marché [est] susceptible d'être
lésée par tout manquement aux obligations de publicité et
de mise en concurrence »106(*). Cette solution s'explique ainsi :
« [...] le plein contentieux précontractuel n'est pas
subjectif. Le juge pèse bien sûr l'impact concret que peut avoir,
sur la publicité ou la mise en concurrence, telle ou telle
irrégularité de procédure. Mais il l'apprécie dans
l'absolu, et jamais en considération de la personne
requérante »107(*). Le référé
précontractuel est donc un recours purement objectif dont l'unique
ambition est de parfaire une procédure de passation en l'apurant d'un
maximum d'irrégularités.
Sous prétexte d'objectiver le recours
précontractuel, l'indulgence du juge est parfois poussée à
son paroxysme. La qualité pour agir est en effet reconnue aux
entreprises désignées comme attributaires du
marché108(*) ou
aux sous-traitants109(*), ceux-ci ayant intérêt à
conclure le contrat. Peu importe, par exemple, que l'entreprise ait
exercé des pressions sur la collectivité publique pour conserver
le marché dont elle était auparavant titulaire110(*) ou encore que sa candidature
soit irrecevable111(*).
La qualité pour agir est donc reconnue avec
excès. Ces solutions conduisent néanmoins à
l'étonnement au regard d'une jurisprudence communautaire pragmatique et
imprégnée du principe de sécurité juridique. Ce
courant jurisprudentiel pourrait en effet ouvrir le débat et nourrir la
réflexion au niveau interne en vue de limiter la reconnaissance toujours
plus mécanique, spontanée et discutable de la qualité pour
agir.
2. Une possible
limitation de la qualité pour agir
La directive énonce que les procédures de
recours sont accessibles « au moins à toute personne ayant
ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public de
fournitures ou de travaux déterminé et ayant été ou
risquant d'être lésée par une violation
alléguée »112(*).
Pour accéder au prétoire au sens du droit
communautaire, il convient d'abord que l'entreprise ait été ou
risque d'être lésée. La formulation retenue n'a pas
l'avantage de la clarté, si bien qu'une juridiction autrichienne n'a pas
hésité à surseoir à statuer pour en demander la
signification à la Cour de Justice113(*). Cette dernière a manifestement fait preuve
de frilosité puisque dans sa réponse, le débat est
habilement transposé de l'accès au juge vers le bien-fondé
du recours. Les conséquences de son raisonnement peuvent
néanmoins être résumées par les récentes
conclusions de l'Avocat général KOKOTT : « Il
ne saurait [...] être question d'exiger de la personne concernée
qu'elle apporte déjà au stade du dépôt de sa demande
la preuve concrète de ce qu'elle a effectivement été
lésée ou risque effectivement d'être lésée.
Au contraire, il doit suffire pour avoir accès à une
procédure de recours que, outre une violation du droit par le pouvoir
adjudicateur, la personne fasse valoir de manière concluante qu'elle a
intérêt à obtenir la marché public en cause et
l'éventualité de la survenance d'un
dommage »114(*). La Cour ne s'est, semble t-il, jamais explicitement
prononcée sur cette difficulté, mais il n'est pas exclu qu'une
analyse subjective au stade de la recevabilité du recours ne puisse
être introduite en droit interne sans contrarier le principe d'un droit
au recours effectif. La prudence de la Cour à l'égard de cette
question s'explique par sa préférence à limiter
l'accès au prétoire en se fondant sur l'analyse du comportement
des acteurs de la procédure de passation.
Il importe en second lieu que l'entreprise démontre
qu'elle a ou qu'elle a eu un intérêt à obtenir un
marché public pour que son recours soit recevable. Par une approche
réaliste et pragmatique, la Cour permet aux Etats de refuser
l'accès au juge en fonction des comportements du pouvoir adjudicateur et
du soumissionnaire. La relation entre l'intérêt à agir du
requérant et son comportement a d'abord été mise en
évidence par l'Avocat général MISCHO. Celui-ci estime que
le soumissionnaire peut perdre son intérêt à agir
dès lors qu'il n'a pas pris « toutes les mesures qui sont
raisonnablement à sa disposition pour éviter que le marché
ne soit attribué à un autre
soumissionnaire »115(*). La Cour a repris à son compte ce
raisonnement dans l'arrêt Grossmann Air Service116(*) de sorte que pour
accéder aux procédures de recours, le requérant doit
manifester avec évidence son ambition d'être l'attributaire du
marché en cause. Or, une telle volonté ne peut se
matérialiser que par la soumission d'une offre ou la présentation
d'une candidature manifestant une participation active à une
procédure de passation. C'est d'ailleurs en se fondant sur ce principe
que la Cour autorise les Etats à refuser l'accès au
prétoire aux membres d'un groupement d'entreprises117(*). Un membre a certes
intérêt à ce que le marché soit attribué au
groupement, mais non à se le voir attribuer lui-même. Si ce membre
n'a aucunement participé à la procédure d'attribution,
c'est parce qu'en tant que tel, il n'aurait pu obtenir le marché. Seul
le groupement en est capable et a manifesté son intérêt,
lui seul est donc recevable à agir.
La participation à la procédure est un indice
permettant la reconnaissance d'une qualité pour agir. Elle n'est
toutefois pas suffisante, la Cour ayant affirmé que « la
qualité formelle de soumissionnaire ou de candidat n'est [...] pas
requise »118(*). Cela signifie a contrario qu'il existe au
moins une hypothèse dans laquelle l'intérêt à agir
est reconnu alors même que l'entreprise n'a pas matériellement
pris part à une procédure d'attribution. Cette hypothèse
est relative au comportement du pouvoir adjudicateur et sous-tend l'ensemble de
la jurisprudence communautaire. Il ne peut évidemment être
exigé une participation active de l'entreprise à la
procédure d'attribution du marché lorsque le pouvoir adjudicateur
n'a pas mis en oeuvre de procédure formelle de passation. Il a
également été jugé que les voies de recours restent
ouvertes pour l'entreprise qui n'a pas pris part à la procédure
au motif que les conditions des appels d'offres faisaient apparaître ses
chances de succès comme nulles en cas de participation119(*). Autrement dit, l'entreprise
conserve son intérêt à obtenir le marché dès
lors que sa volonté de participer à la procédure
d'attribution a été empêchée par le comportement du
pouvoir adjudicateur.
Par conséquent, il est permis au droit interne de
dénier l'intérêt à agir à une entreprise qui,
seule ou dans un groupement120(*), n'a pas candidaté, sauf à ce qu'elle
démontre qu'elle en a été dissuadée du fait de
l'administration. L'établissement d'un lien de parenté entre
cette règle jurisprudentielle et les solutions dégagées
par le juge de l'excès de pouvoir pourrait séduire au regard des
ressemblances qui les animent121(*). Si le juge des référés est
éloigné de cette méthode de raisonnement, il n'est pas
exclu qu'il s'en approche à l'avenir, notamment dans la mouvance de
l'arrêt Sté Tropic Travaux Signalisation122(*). Ainsi, le Tribunal
Administratif de Cergy-Pontoise a estimé que le recours d'une
société candidate à l'attribution de deux lots sur quatre
à l'encontre de l'ensemble du marché était
irrecevable123(*). Dans
le même sens, un juge du fond a récemment rejeté le recours
d'une entreprise n'ayant pas candidaté, au motif que
« seules les personnes qui ont manifesté, en
présentant leur candidature, l'intérêt qu'elles portent
à la conclusion du contrat, qu'elles aient ou non présenté
une offre par la suite, ont qualité pour contester les décisions
prises »124(*) en vue de la passation d'un contrat de
délégation de service public. Cette tendance jurisprudentielle
naissante peut être confirmée par un jugement du Tribunal
Administratif de Lyon dans lequel la qualité pour agir est
déniée à une entreprise dès lors qu'elle a soumis
tardivement son offre et que « le comportement du pouvoir
adjudicateur n'a exercé aucune influence dans le déroulement de
la phase préparatoire de son dossier »125(*).
Ces solutions encore isolées font naître l'espoir
d'une jurisprudence nouvelle et libérée de la clémence
d'un juge interne, admettant à son prétoire des entreprises peu
diligentes, voire de mauvaise foi, capables de renverser une procédure
de passation. Une fois recevable, le requérant doit encore faire face
à un nouvel obstacle procédural relatif à
l'invocabilité des moyens.
B. Les moyens
invocables
En vertu des articles L 551-1 CJA et L 551-2 CJA
éclairés par la jurisprudence administrative, les moyens
invocables sont relatifs aux obligations de publicité ou de mise en
concurrence. La formulation retenue par le législateur aurait pu
encourager le juge à contenir une conception stricte et purement
formelle de ces obligations, touchant ainsi « à l'une des
limites potentielle les plus évidentes »126(*) du recours
précontractuel. En la matière, la jurisprudence a
évolué de sorte qu'aujourd'hui, certains moyens opérants
s'avèrent profondément inadaptés aux
réalités économiques (1). En
restreindre l'invocabilité paraît cependant improbable
(2).
1. Des moyens
opérants inadaptés aux réalités
économiques
Demeurent inopérants les moyens tirés d'une
violation du droit de la concurrence ou encore de l'irrégularité
commise par un candidat ou une personne publique dès lors que, pour
cette dernière, l'irrégularité est étrangère
aux obligations de publicité ou de mise en concurrence. Inversement, le
requérant peut utilement invoquer des moyens fondés sur la
méconnaissance des règles générales ou
spécifiques applicables à la passation des contrats telles que
l'absence ou l'insuffisance de publicité. Il peut encore invoquer des
irrégularités affectant les documents de la consultation, parfois
même l'incompétence ou la régularité des motifs pour
lesquels la personne publique admet ou rejette une candidature.
Ainsi, ces moyens sont susceptibles d'être utilement
invoqués en cours d'instance, alors même que l'entreprise n'a
aucunement souffert de l'irrégularité qu'elle allègue. Le
moyen est opérant indépendamment de tout préjudice subi
par le requérant. Cette solution constante a très tôt
été affirmée par le juge. Dans un arrêt District
de l'agglomération nancéenne127(*), le Conseil d'Etat a en
effet considéré que l'impossibilité pour l'entreprise
requérante d'établir un préjudice à son encontre
« ne saurait la priver du droit qu'elle tient [...] de contester
l'appel d'offres litigieux en invoquant un manquement aux obligations de mise
en concurrence ». L'objectivation du référé
précontractuel dont il a été question au sujet de
l'accès aux voies de recours prolonge ses effets jusqu'à la
recevabilité des moyens.
Le refus du juge d'intégrer une analyse subjective au
contentieux de la passation s'avère ennuyeux et inadapté aux
réalités économiques. Ajoutée au libéralisme
gouvernant l'accès au prétoire, l'invocabilité de moyens
en dehors d'une quelconque approche personnelle aboutit inéluctablement
à fragiliser les procédures d'attribution sur lesquelles
pèse un risque toujours plus important d'annulation. Or, ces
procédures participent au développement de l'action publique,
notamment à la réalisation de projets ayant vocation à
répondre à un besoin d'intérêt
général. Le droit interne des marchés publics est parfois
remarqué pour sa souplesse et sa capacité à s'adapter
à un tel besoin économique. Son contentieux, en revanche, permet
à une entreprise peu diligente mais imaginative et armée de bons
conseils d'être en mesure d'exercer des pressions sur ses concurrents par
le biais du recours précontractuel, sans même envisager les
conséquences qui en découlent sur le déroulement de
l'action publique.
Le droit communautaire invite pourtant à la
plasticité dans l'invocabilité des moyens. Selon lui, il est
possible de restreindre les moyens opérants en se fondant sur l'analyse
du préjudice subi par le requérant. L'introduction d'une telle
méthode en droit français paraît toutefois improbable.
2. Une improbable
restriction des moyens opérants
On l'a dit, le droit communautaire ne semble pas autoriser les
Etats à personnaliser l'intérêt à agir du
requérant pour lui refuser l'accès au juge en exigeant la preuve
d'un dommage. Cela ne signifie pas pour autant que toute analyse subjective
soit écartée. Celle-ci ne s'opère pas au stade de la
recevabilité de la requête, mais à celui de son
bien-fondé.
A titre liminaire, la Cour a jugé qu'une personne ayant
été ou risquant d'être lésée par
l'illégalité alléguée ne saurait être
privée « non seulement de son droit de recours [...] mais
également du droit de contester le bien-fondé du motif
d'exclusion »128(*). La formulation employée conduit donc
à dissocier l'accès au juge proprement dit de la
possibilité de contester ce motif. Or, c'est au moment où le
soumissionnaire est « admis à contester le
bien-fondé du motif d'exclusion » que
« l'instance responsable des procédures de recours
envisage de conclure qu'il n'a pas été ou ne risque pas
d'être lésé par la décision dont il allègue
l'illégalité »129(*). Il apparaît donc qu'un raisonnement subjectif
peut intervenir à un stade ultérieur à la
recevabilité de la requête. La méthode est d'ailleurs
reprise par l'Avocat général KOKOTT affirmant que si la
démonstration d'un préjudice ne conditionne pas, en principe, la
recevabilité, elle « relève toutefois de la
question du bien-fondé du recours »130(*).
Si la Cour de Justice entendait faire du recours
précontractuel un contentieux purement objectif, elle imposerait sans
doute aux Etats que les instances nationales soient dotées du pouvoir de
relever d'office les irrégularités au nom de la dynamique
attachée au droit à un recours effectif. Pourtant, il s'agit
là d'une simple faculté131(*) que le juge interne ne semble pas exercer132(*). Le juge des
référés précontractuels peut donc voler au secours
du requérant peu diligent en relevant une irrégularité
d'office. Or, la logique et la cohérence pourraient néanmoins
laisser penser que si ce requérant n'invoque pas
l'irrégularité par lui même, c'est parce qu'elle ne lui est
pas vraiment préjudiciable...
La nouvelle directive « recours »
participe également à l'intégration d'un raisonnement
subjectif dans le contentieux contractuel. Ce texte prévoit que le
contrat est privé d'effets lorsque le pouvoir adjudicateur
méconnaît l'obligation d'abstention ou la suspension de la
procédure de passation liée à l'exercice d'un recours.
Encore faut-il que cette violation ait « privé le
soumissionnaire intentant un recours de la possibilité d'engager un
recours précontractuel lorsqu'une telle violation est accompagnée
d'une violation des directives 2004/17/CE, si cette violation a compromis les
chances du soumissionnaire intentant le recours d'obtenir le
marché » 133(*).
Il s'avère cependant que transposée en droit
interne, cette condition sera particulièrement difficile à
remplir. Elle impliquera en effet de déterminer laquelle des offres
était la meilleure entre celle de l'entreprise requérante et
celle du soumissionnaire finalement retenu. Cette recherche est identique
à celle effectuée dans le contentieux indemnitaire, lorsqu'il est
question de réparer le préjudice subi par une entreprise
irrégulièrement évincée. Cette dernière doit
apporter la preuve qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le
marché. Mais force est de constater que la condition est très
rarement remplie, « le juge ne consacrant cette indemnisation que
dans des circonstances d'une particulière évidence,
généralement peu fréquente »134(*). A titre d'exemple, le
Conseil d'Etat accorde une indemnité dès lors que l'entreprise
établit qu'elle avait « une chance très
sérieuse d'obtenir le marché »135(*). La
sévérité du juge s'explique par l'appréciation
complexe qu'il porte sur l'approche qualitative et l'examen approfondi du
raisonnement suivit par l'administration pour désigner l'attributaire du
marché. Si la jurisprudence fait ici preuve de rigueur, elle le fera
davantage dans le contentieux précontractuel car l'office du juge des
référés est difficilement compatible avec une telle
appréciation. Comme l'écrit Madame BERGEAL, « la
procédure de l'article L 551-1 est une procédure d'urgence, le
juge ne peut que s'en tenir à l'apparence » 136(*). Par conséquent, si
le droit communautaire autorise le juge interne à faire usage d'un
raisonnement subjectif dans la recevabilité des moyens, l'office du juge
des référés précontractuels représente un
obstacle à l'introduction d'une telle méthode de raisonnement.
Les règles gouvernant la recevabilité des moyens
devant le juge des référés précontractuels se
situent au-delà de ce qu'implique le droit communautaire. Cet
excès pourrait néanmoins être contrebalancé par la
restriction de la qualité pour agir ambitionnée par les
juridictions du fond. Encore faudra t-il que le Conseil d'Etat
généralise ces solutions isolées. Pour l'heure, il en
résulte que le droit interne surestime les exigences issues des
directives « recours » dans la recherche de
l'irrégularité. Cet excès se manifeste encore avec
évidence dans son traitement par le juge, c'est à dire dans la
détermination de ses conséquences juridiques.
Section II. Le dépassement
des exigences communautaires dans le traitement de
l'irrégularité
Une fois parvenue à la connaissance du juge,
l'irrégularité doit être traitée. Il est certain que
le droit communautaire impose un traitement différencié de
l'irrégularité selon que le requérant exerce un recours
avant ou après la signature du contrat. Il en va d'un besoin de
stabilité des relations contractuelles car un contrat déployant
ses effets juridiques ne saurait être annulé avec plus de
facilité qu'un simple acte préparatoire. Mais cette
différence de traitement demeure raisonnable et adaptée au besoin
inaltérable de sécurité juridique. C'est pourtant ici que
le contentieux contractuel interne revêt un paradoxe, tout au moins une
dissonance flagrante source d'étonnement. Le référé
précontractuel cohabite en effet avec un recours à l'encontre du
contrat, mais là où le premier affiche une rigueur devenue
constante (§ 1), le second témoigne d'une
volonté opposée et contemporaine de pragmatisme (§
2).
§ 1. La rigueur constante
du juge des référés précontractuels
La recherche d'efficacité imposée par le droit
communautaire déteint sur les sanctions prononcées par le juge
des référés à l'encontre des procédures de
passation. Ces dernières sont classiquement censurées, une fois
encore au détriment d'une action publique pérenne, alors
même que l'irrégularité qui les affecte est vénielle
et sans incidence sur les objectifs de la commande publique. C'est la raison
pour laquelle l'application de la théorie des
irrégularités non substantielles est d'autant plus
nécessaire (A). Sa mise en oeuvre est néanmoins
délicate (B).
A. Une
nécessaire application de la théorie des
irrégularités non substantielles
Appliquer la théorie des irrégularités
non substantielles consiste à éviter la censure de
procédures de passation entachées d'erreurs ou de vices mineurs.
Pour l'heure, le juge des référés n'en fait pas usage, lui
préférant une rigueur démesurée
(1). Le droit communautaire offre pourtant un cadre
juridique favorable à son application (2).
1. Une rigueur
démesurée
La censure systématique de procédures
d'attribution quelque soit la gravité du vice fait l'objet de vives
critiques et dévoile « le revers de la
médaille »137(*) du référé
précontractuel. La rigueur du juge ne peut en effet que surprendre au
regard de ses conséquences pratiques. Elle rend pourtant compte de
l'état du droit en vigueur.
L'obligation d'assurer une publicité et une mise en
concurrence pour certains contrats implique la publication d'un avis d'appel
public à la concurrence. Ce dernier représente un terrain propice
au développement d'irrégularités, liées notamment
aux mentions des délais et voies de recours. C'est ainsi qu'une simple
erreur matérielle bénigne et non imputable à la personne
publique est jugée substantielle138(*), justifiant que la procédure d'attribution
soit relancée. Peu importe donc que l'administration ne soit directement
à l'origine d'une erreur superficielle, peu importe également que
l'irrégularité n'ait aucunement préjudicié à
l'entreprise qui l'invoque139(*), celle-ci n'ayant pas été
empêchée d'exercer un recours. Par conséquent, le juge
apprécie objectivement l'irrégularité et ignore la
distinction entre substantielle et non substantielle à l'exception de
quelques décisions isolées140(*).
Le référé précontractuel est
pourtant un recours de plein contentieux. Il eut donc été
possible d'inciter le juge à l'indulgence. Il n'en est rien puisque la
finalité du recours précontractuel consiste à
éradiquer toute irrégularité de la procédure
d'attribution, sans aucune distinction. Il est certain que cette
sévérité est engendrée par le droit communautaire.
Sans la contrainte qu'il exerce, le juge des référés
aurait fait preuve d'une compréhension plus grande, notamment à
l'image du juge de l'expropriation lorsqu'il est question de l'accomplissement
des mesures de publicité dans le contentieux des déclarations
d'utilité publique. S'il a indirectement porté à la
démesure la rigueur du contentieux contractuel interne, le droit
communautaire pourrait néanmoins conduire à l'interrogation,
à l'instar de celle posée par les sénateurs lors de
l'examen de la proposition de la nouvelle directive
« recours » : « Peut-on concevoir une
annulation automatique du fait d'une erreur mineure constatée au cours
de la procédure ? »141(*). La question est d'autant
plus pertinente que le droit communautaire offre un cadre juridique favorable
à l'application en droit interne de la théorie des
irrégularités non substantielles.
2. Un cadre
juridique favorable
Il convient immédiatement de préciser que le
droit communautaire offre peu d'éléments concrets permettant
d'affirmer avec certitude que l'application de la théorie des
irrégularités non substantielles ne contredit pas les exigences
des directives « recours ». Une réponse favorable au
principe de sécurité juridique peut toutefois être
avancée au regard de deux pistes de réflexion.
D'autre part, une juridiction autrichienne a saisi la Cour de
Justice de la question de savoir si l'annulation d'une décision
illégale peut valablement être soumise à la condition que
cette décision a eu une influence essentielle sur l'issue de la
procédure d'adjudication142(*). Il lui est donc demandé de préciser
les conditions d'annulation des décisions du pouvoir adjudicateur. Si
elle ne s'est pas prononcée en l'espèce, les conclusions de
l'Avocat général MISCHO méritent d'être
relatées. Ce dernier relève d'abord que le droit communautaire ne
fixe pas de condition pour procéder à l'annulation de ces
décisions. Il s'ensuit que « le droit communautaire ne
s'oppose, en principe, pas à ce que le droit national règle des
aspects de la procédure de recours qui ne sont pas définis par la
directive pour autant que les règles nationales applicables ne soient
pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature
interne (principe de l'équivalence) et qu'elles ne rendent pas en
pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits
conférés par l'ordre juridique communautaire (principe
d'effectivité) »143(*). Il ressort donc de ces conclusions que la
subordination d'une annulation contentieuse à la preuve que
l'irrégularité a porté atteinte au jeu effectif de la
concurrence n'est pas en elle-même contraire au droit communautaire. La
Cour n'a, semble t-il, malheureusement pas eu l'occasion de se prononcer
à nouveau sur cette délicate question. L'obligation faite aux
Etats d'instaurer une voie de droit à l'encontre du contrat constituera
une nouvelle source de contentieux au niveau communautaire. La Cour aura donc
l'occasion d'éclairer les instances nationales sur les
conséquences à tirer de l'irrégularité sur le
contrat. Une solution limitant l'application de la théorie des
irrégularités non substantielles au recours contractuel sera
applicable a fortiori lors d'un recours précontractuel puisque
par définition, le second se veut plus rigoureux que le premier.
D'autre part, les directives « recours »
sont largement gouvernées par une recherche d'efficacité. Ainsi,
elles ne reconnaissent pas explicitement aux Etats la faculté d'accorder
un traitement plus favorable à une irrégularité sous
prétexte que sa gravité moindre le justifie. Elles
prévoient cependant « que lorsque l'instance responsable
examine s'il y a lieu de prendre des mesures provisoires, celle-ci peut tenir
compte des conséquences probables de ces mesures pour tous les
intérêts susceptibles d'être lésés, ainsi que
l'intérêt public, et décider de ne pas accorder ces mesures
lorsque des conséquences négatives pourraient dépasser
leurs avantages »144(*). Il est donc possible au juge national de refuser la
censure radicale et automatique d'une procédure d'attribution, au motif
que les conséquences de sa décision perturberaient les divers
intérêts en présence. L'on pourrait sans doute penser que
la constatation d'un dépassement de délai insignifiant ou
l'omission d'une indication dans l'une des cases d'un avis d'appel public
à la concurrence n'est que d'un poids réduit face à
l'envergure de certains projets publics dont le retard dans la
réalisation serait lourd de conséquences pour la diversité
des intérêts en cause. Ces derniers impliquent une analyse
concrète, réaliste, et ont pour ambition d'inviter le juge
à la clémence.
La potentialité du droit communautaire n'a pas
été ignorée du législateur national. Elle n'a pas
pour autant été pleinement employée, puisque seul
l'article L 551-2 CJA reprenant à la lettre les directives, accorde au
juge la faculté de ne pas prononcer d'astreinte après
s'être interrogé sur l'opportunité de sa
décision.
Si le droit communautaire constitue un cadre juridique
favorable à l'application de la théorie des
irrégularités non substantielles, force est de constater que sa
mise en oeuvre est des plus délicates.
B. Une mise en
oeuvre délicate
Deux obstacles empêchent la mise en oeuvre par le juge
des référés précontractuels d'une distinction entre
les irrégularités ayant un caractère substantiel et celles
qui ne le revêtent pas.
D'abord, le juge des référés se refuse
généralement à l'exercice de la distinction dans la
recherche de l'irrégularité. Il n'est donc pas étonnant
qu'il en fasse de même lors de son traitement. Mettre en oeuvre la
théorie des irrégularités non substantielles implique de
fixer a priori le seuil de gravité en deçà duquel
le vice ne mérite pas de sanction. Ce travail de qualification qui
s'impose au juge s'avère problématique à deux
égards. Il implique un aléa juridique supplémentaire pour
les acheteurs publics dans la détermination des conséquences
d'une irrégularité éventuellement commise. Surtout, il
suppose que le juge se lance dans une politique de tolérance et refuse
de sanctionner un acte non conforme à la réglementation qui lui
est applicable. L'indulgence est sûrement acceptable, mais encore faut-il
que l'exception de son maintien malgré l'irrégularité ne
se substitue au principe de sa nullité.
C'est ensuite l'écriture du droit de la commande
publique lui-même qui représente un inconvénient de taille
pour la mise en oeuvre de la théorie des irrégularités non
substantielles. L'accumulation des prescriptions confère à ce
droit « une allure labyrinthique »145(*) et un caractère
technique de par son formalisme contraignant. Il est d'autant plus simple pour
l'administration de commettre une erreur, par imprudence, ignorance ou
incertitude, que les prescriptions sont nombreuses et
désordonnées et il est d'autant plus évident pour le juge
de sanctionner cette erreur en se fondant sur l'extensivité des grands
principes de la commande publique. Sans doute serait-il judicieux, comme
certains ont habilement pu le proposer, « d'entreprendre un
travail de dépollution de notre droit administratif pour séparer
le bon formalisme du mauvais, de manière à lui donner sa juste
place »146(*).
Si le pragmatisme dans le traitement de
l'irrégularité ne parvient pas à intégrer le
contentieux de la passation par le biais d'une application de la théorie
des irrégularités non substantielles, l'existence d'un recours
à l'encontre du contrat peut néanmoins en apporter les bienfaits.
Mais la structure du contentieux ne contraint aucunement le juge des
référés à calquer ses solutions sur celles
dégagées par le juge du contrat. Leur intervention respective est
hermétiquement séparée par une simple constatation de la
signature, sans qu'un lien ne permette à l'un de déteindre sur
l'autre. Il est sans doute possible, pour des raisons d'équité,
que les solutions dégagées par le juge du plein contentieux
influencent le juge de l'excès de pouvoir, ou inversement. Le recours
précontractuel reste quant à lui strictement cantonné,
voire marginalisé, à la seule procédure d'attribution.
Osons toutefois espérer que l'influence du pragmatisme magistralement
affirmé par le juge du contrat s'effectue par la voie d'une politique
jurisprudentielle, témoin d'une volonté nouvelle en rupture avec
ce qu'il y a d'excessif dans le contentieux de la passation.
§ 2. Le pragmatisme
magistralement affirmé par le juge du contrat
Un contrat entaché d'irrégularité n'est
pas automatiquement déclaré nul par le juge du plein contentieux.
La nullité est d'ailleurs une fin exceptionnelle des rapports
contractuels (A), sans que cette souplesse contredise le droit
communautaire. Ce dernier encourage en effet à une telle méthode
de jugement (B).
A. La
nullité : fin exceptionnelle des rapports contractuels
Le juge du contrat a d'abord affirmé sa volonté
de ne sanctionner un contrat irrégulier par la nullité que de
manière exceptionnelle (1). Une portée
des plus larges a ensuite été conférée à son
ambition initiale puisque le principal obstacle à un traitement
pragmatique des irrégularités semble surmontable
(2).
1. Une
volonté affirmée
Dans son arrêt du 16 juillet 2007, Sté
Tropic Travaux Signalisation147(*), le Conseil d'Etat a solennellement consacré
la possibilité pour le juge du contrat, « après
avoir pris en considération la nature de l'illégalité
éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du
contrat ou de modifier certaines de ces clauses, soit de décider de la
poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de
mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit
d'accorder des indemnisations en réparation des droits
lésés, soit enfin, après avoir vérifié si
l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à
l'intérêt général ou aux droits des cocontractants,
d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un
effet différé, le contrat ». La nullité est
présentée en dernier lieu dans ce considérant de principe.
Elle apparaît donc comme le remède ultime au rétablissement
de la légalité.
La formulation retenue est également
intéressante en ce qu'elle se départit des solutions
antérieures. Alors que dans l'arrêt Institut de Recherche pour
le Développement148(*), seule « une atteinte excessive
à l'intérêt général » peut
empêcher le prononcé de la nullité, l'arrêt
Sté Tropic Travaux Signalisation, quant à lui, autorise
le défendeur à invoquer « une atteinte excessive
à l'intérêt général ou aux droits des
cocontractants ». Le Conseil d'Etat offre au juge du contrat une
alternative nouvelle permettant le maintien du contrat malgré
l'irrégularité au nom d'une atteinte excessive aux droits des
cocontractants. Là où il intégrait auparavant les droits
des cocontractants dans le standard de l'intérêt
général, il les dissocie aujourd'hui. Or, ce que recouvre
l'expression de « droits des cocontractants » au
sens du juge du contrat reste largement indéterminé.
De la même manière, la formulation
employée par l'Assemblée du Conseil d'Etat indique que le juge du
plein contentieux est en mesure de résilier le contrat. Il peut encore
le maintenir avec un effet différé, c'est-à-dire pour le
passé, mais uniquement sous réserve qu'il ne porte excessivement
atteinte à l'intérêt général ou aux droits
des cocontractants. Le juge du contrat est donc en mesure de prononcer, soit la
résiliation indépendamment de toute condition explicite, soit une
annulation avec un effet différé dès lors qu'elle ne porte
pas une atteinte excessive à la diversité des
intérêts en présence. Or, peu importe que le juge prononce
la résiliation ou l'annulation avec un effet différé car
les effets sont identiques : dans les deux cas, le contrat est
privé d'effets pour l'avenir149(*).
Ainsi, le juge du contrat s'octroie de nouvelles
potentialités et dispose d'une véritable palette de pouvoirs
à l'encontre d'un contrat irrégulièrement conclu. Il a
surtout l'opportunité de renouveler le contenu du standard
juridique de l'intérêt général au moment
où le droit communautaire se l'approprie. Les larges pouvoirs dont il
dispose témoignent d'une ambiance générale de pragmatisme.
Cette volonté initiale semble concrétisée par la
suppression du principal obstacle au traitement des irrégularités
effectué par le juge du contrat.
2. Un obstacle
surmontable
L'ouverture d'un recours de plein contentieux objectif
à l'encontre du contrat implique, aux termes de l'article L 521-1 CJA,
que les tiers recevables puissent agir par la voie du
référé-suspension150(*). Une partie de la doctrine s'est alors
interrogée sur les effets potentiels de cette procédure
accessoire sur le recours au principal. Les regards critiques se sont
essentiellement portés sur la condition d'urgence pour laquelle il
eût été « vraisemblable que le
requérant bénéficie [...] d'une
présomption »151(*). Or, si une mesure de suspension est automatiquement
accordée, il est évident que l'objectif de la solution
Sté Tropic Travaux Signalisation serait altéré.
L'intervention du juge du contrat se trouverait court-circuitée par une
décision juridictionnelle rendue antérieurement et ordonnant
systématiquement la suspension de l'exécution du contrat.
Désireuse de disposer de l'objet du marché en temps utile et de
ne pas être paralysée dans son action, l'administration relancera
sans doute une nouvelle procédure de passation.
Il n'est pourtant pas question d'assortir le recours direct
des tiers évincés d'une procédure accessoire comparable,
dans ses effets, aux référés précontractuels. Cette
hypothèse a d'ailleurs immédiatement été exclue par
le Commissaire du gouvernement CASAS. C'est la raison pour laquelle, en
l'état actuel du droit, la condition d'urgence est difficilement admise
par les juridictions du fond. Si la méthode de qualification de
l'urgence est fluctuante, les solutions dégagées par les
Tribunaux Administratifs convergent envers une rigueur en défaveur des
requérants152(*).
Par conséquent, le
référé-suspension n'est pas un obstacle à un
traitement pragmatique des irrégularités. Ces dernières
parviendront au contrôle du juge de pleine juridiction sans que le
recours accessoire en paralyse l'exercice. La méthode de jugement
proposée par l'arrêt Sté Tropic Travaux
Signalisation n'est donc pas empêchée par
l'enchevêtrement des contentieux. Elle ne l'est pas davantage en raison
de l'enchevêtrement normatif puisque le droit communautaire encourage
à un tel raisonnement.
B. Une
méthode de jugement encouragée par le droit communautaire
Le droit communautaire est éminemment
économique. A ce titre, le principe de sécurité juridique
occupe une place déterminante dans la jurisprudence de la Cour de
Justice. Ce principe général du droit communautaire trouve
à s'appliquer dans l'ensemble du contentieux contractuel et a pour
vocation d'éviter la censure de contrats irréguliers.
L'on pourrait tout d'abord penser qu'un acte peut continuer
à produire des effets juridiques pour protéger la confiance que
les cocontractants ont légitimement placé dans leurs relations
avec le pouvoir adjudicateur. Le principe de protection de la confiance
légitime est en effet d'application générale et ne suppose
aucunement l'existence d'un texte en prévoyant l'invocabilité. De
même, certains auteurs en voient parfois la mise en oeuvre dans la
jurisprudence communautaire afférente au contentieux de la
passation153(*). Mais le
principe de protection de la confiance légitime ne trouve aucunement
à s'appliquer en droit interne sans que cela contrarie le droit
communautaire, la Cour ayant récemment affirmé son impertinence
en la matière154(*).
Au regard de ces éléments, le principe de
protection de la confiance légitime ne sera d'aucun secours pour
justifier la survie d'un contrat conclu dans des conditions
irrégulières. Il sera d'un intérêt davantage
théorique. Cela ne signifie pas pour autant que tout contrat
irrégulier soit automatiquement privé d'effets puisque la
préservation de l'intérêt général a, dans
certains cas, également vocation à en assurer le maintien.
L'anéantissement d'un contrat public irrégulier
est certes destiné à répondre aux exigences du principe de
légalité, mais il perturbe assurément
l'intérêt général. C'est pourquoi une
réflexion commune sur les effets des annulations contentieuses
imprègne toujours plus l'ensemble de la doctrine155(*). La Cour est d'ailleurs
consciente de ces difficultés en ce qu'elle permet aux Etats de ne pas
systématiquement priver d'effets des conventions
irrégulièrement attribuées.
Comme l'on sait, la Cour a reconnu dans son arrêt
Commission contre Allemagne l'obligation pour les Etats de remettre en
cause des contrats conclus dans des conditions contraires au droit
communautaire. Toutefois, la solution ne saurait être
généralisée à l'ensemble de ces conventions. La
question du maintien du contrat conclu en violation du droit communautaire
était en effet particulièrement controversée au sein de la
formation de jugement. Ces divergences se sont matérialisées par
une décision remarquée pour son « argumentation
assez laconique »156(*) et sa rédaction empreinte de
précaution. La Cour s'est manifestement prononcée
« dans une situation telle que celle de
l'espèce » et « aux vues de l'ensemble de
ces circonstances »157(*). Les termes employés indiquent clairement
qu'elle n'entend imposer aux Etats la résiliation des conventions
uniquement en fonction d'éléments factuels. Dans cette affaire,
les contrats litigieux étaient conclus pour une durée de trente
ans. La solution aurait sans doute été différente si la
relation contractuelle avait été plus brève. La Cour
raisonne donc par rapport à un principe de proportionnalité et
semble comparer, au cas par cas, les avantages et inconvénients pour les
divers intérêts publics ou privés. Une relation
contractuelle trentenaire irrégulièrement établie est trop
préjudiciable envers le principe de légalité pour que le
maintien des conventions soit envisageable, quand bien même
l'intérêt général serait en cause.
Un recours en manquement initié par la Commission
à l'encontre de l'Espagne a été l'occasion pour la Cour de
réitérer ce raisonnement158(*). Dans cette affaire, il était notamment
reproché à l'Etat en question de permettre qu'un marché
annulé continue de produire des effets juridiques. Plus
précisément, la loi espagnole prévoyait que
« si [...] la déclaration administrative de nullité
d'un contrat perturbe gravement le service public, le maintien des effets du
contrat peut être prévu »159(*) sous certaines conditions.
La Cour refuse cependant de condamner cette législation et
considère que « la finalité de ladite disposition
est non de faire obstacle à l'exécution de la déclaration
de nullité d'un contrat déterminé, mais d'éviter,
lorsque l'intérêt général est en jeu, les
conséquences excessives et éventuellement préjudiciables
d'une exécution immédiate de ladite déclaration
[...] »160(*).
Il apparaît donc, au regard de ces deux arrêts,
que le maintien des effets juridiques d'un contrat est envisageable en raison
d'une atteinte excessive à l'intérêt général,
laquelle peut être établie soit en fonction de la durée
d'exécution du contrat, soit en raison de probables perturbations sur le
service public.
Enfin, la nouvelle directive « recours »
parachève l'énoncé de cette méthode en
prévoyant que toute irrégularité n'entraîne pas
ipso facto la privation d'effets d'un contrat irrégulier. Elle
reconnaît aux Etats membres la faculté de
« conférer à l'instance de recours un large pouvoir
d'appréciation lui permettant de tenir compte de tous les facteurs
pertinents, y compris la gravité de la violation [ou] le comportement du
pouvoir adjudicateur »161(*). De même, il est possible de reconnaître
aux juridictions nationales « la faculté de ne pas
considérer un marché comme étant dépourvu d'effets,
même s'il a été passé illégalement [...] si
elles constatent, après avoir examiné tous les aspects pertinents
que des raisons impérieuses d'intérêt général
imposent que les effets du marché soient
maintenus »162(*). La directive précise encore que de telles
raisons ne sont jamais constituées par un intérêt
économique directement lié au marché concerné.
Par conséquent, le droit communautaire ne remet
nullement en cause la méthode pragmatique de traitement de
l'irrégularité employée par le juge du contrat. La
césure avec la rigueur du juge des référés
précontractuels n'en est que plus frappante. Ce contraste saisissant met
en évidence les excès du droit français dans la
réception des exigences communautaires relatives au traitement de
l'irrégularité dans le seul contentieux de la passation. Il
encourage par ailleurs à une évolution jurisprudentielle ou
législative favorable à la sécurité juridique.
Ajoutée à une recherche active de l'irrégularité
que le juge des référés précontractuels continue
à mettre en oeuvre, il apparaît que le droit français
surestime largement les exigences communautaires.
Conclusion
Au cours de ces vingt dernières années, le
contentieux contractuel a fait l'objet d'évolutions
considérables. Le droit communautaire a en effet contribué
à de profondes métamorphoses des règles processuelles
internes dans une constante recherche d'efficacité. Il est certain que
sans la contrainte qu'il exerce sur le droit français,
l'infirmité du contentieux dont il était question jadis aurait
perduré. Elle n'aurait du moins été pansée avec une
telle rapidité. Cette impulsion donnée par le droit communautaire
a ensuite été relayée par le droit interne. Celui-ci a en
effet participé, seul et par le biais d'une surestimation des exigences
communautaires, à l'édification d'un droit processuel des
contrats publics toujours plus efficace. Il en résulte une attention et
une écoute particulière du droit interne envers le droit
communautaire, prenant place dans les rapports pacifiques entretenus par ces
deux ordres juridiques.
Une réflexion plus large supposant à elle seule
bon nombre de développements mérite toutefois d'être
soulevée. Traiter des rapports juridiques partagés entre deux
ordres distincts a en effet la bien modeste ambition de mettre en
évidence l'influence que l'un peut exercer sur l'autre,
généralement dans un souci traditionnel de conformité.
Mais le droit interne se trouve au coeur d'un véritable processus de
globalisation et de perméabilité entre les systèmes
juridiques. Cela implique qu'il soit soumis à des contraintes d'origines
diverses dont certaines d'entres elles attirent davantage l'attention. Il en va
ainsi des obligations découlant de la Convention européenne des
droits de l'Homme puisque ses articles 6 et 13 ont naturellement vocation
à s'appliquer au contentieux contractuel. Cette question a d'autant plus
d'importance que depuis près d'un an, le Conseil d'Etat et les
juridictions du fond marquent, timidement il est vrai, une volonté
nouvelle de concevoir le droit communautaire comme un exemple juridique. Or, ce
que le droit communautaire autorise dans un espace juridique de
liberté peut parfaitement être prohibé par la
Convention européenne des droits de l'Homme. C'est la raison pour
laquelle il serait judicieux d'ouvrir le débat sur les implications des
dispositions précitées dans le droit processuel des contrats
publics.
Si cet enchevêtrement normatif ajoute au contentieux des
contrats publics une dose supplémentaire de complexité, il lui
permettra enfin de parvenir à l'équilibre et la maturité
dont il est désormais en quête.
Bibliographie
I. Ouvrages et manuels
- C. BERGEL et F. LENICA : Le contentieux des
marchés publics, imprimerie nationale, coll. Techniques, 2004
- P. CASSIA : Pratique des
référés précontractuels, Litec, 2008
- R. CHAPUS : Droit du contentieux
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- C GUETTIER : Droit des contrats
administratifs, PUF, coll. Droit, 2ème éd.,
2008
- B. LE BAUT : La réglementation communautaire
des marchés publics : la directive «recours» du 21
décembre 1989, Lyon, 1991
- B. PACTEAU : Contentieux administratif, PUF,
coll. Droit, 7ème éd., 2005
- L. RICHER : Droit des contrats administratifs,
LGDJ, 6ème éd., 2008
II. Articles de doctrine
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d'autonomie procédurale et droit national des contrats », in
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contentieux des marchés publics. Dynamisme, dynamiques et limites du
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français et droit de l'Union Européenne », in
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contrat : questions périphériques de procédure
contentieuse », in AJDA, 2007, p. 1965
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référé-suspension accessoire au nouveau recours contre le
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des TA-CCA », in Gaz. Pal., 25-27 décembre 1994,
doctrine, p. 2
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européen », in AJDA, 2008, p. 283
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administratif à l'heure de l'Europe », in La puissance
publique à l'heure européenne, Dalloz, 2006, p. 37
- P. DELVOLVE : « Un nouveau juge pour le
contrat administratif », in RJEP, 2007, p. 327
- P. DELVOLVE : « Un nouveau juge pour le
contrat administratif... au moins certains d'entre eux (à propos de la
décision du Conseil d'Etat «Société Tropic Travaux
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sérieuse de remporter un marché », in AJDA,
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précontractuels » : in AJDA, 2007, p. 782
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juridiques : la jurisprudence du Conseil d'Etat vue dans le prisme de
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- 28 octobre 1999 : Alcatel Austria, aff.
C-81/98, Rec. CJCE, p. I-7671
- 7 décembre 2000 : Telaustria Verlags
GmbH, aff. C-324/98, Rec. CJCE, p. I-10745
- 18 juillet 2002 : Hospitale Ingénieure
Krankenhaustechnik, aff. C-92/00, Rec. CJCE, p. I-5553
- 12 décembre 2002 : Universal Bau AG,
aff. C-470/99, Rec. CJCE, p. I-11617
- 23 janvier 2003 : Makedoniko Metro et autres,
aff. C-57/01, Rec. CJCE, p. I-1091
- 27 février 2003 : Santex SpA , aff.
C-327/00, Rec. CJCE, p. I-1877
- 12 avril 2003 : EVN AG et Wienstrom GmbH, aff.
C-448/01, Rec. CJCE, p. I-14527
- 15 mai 2003 : Commission /c. Royaume
d'Espagne, aff. 214/00, Rec. CJCE, p. I-4667
- 19 juin 2003 : Werner Hackermüller, aff.
C-249/01, Rec. CJCE, p. I-6319
- 19 juin 2003 : GAT GmbH, aff. C-315/01, Rec. CJCE,
p. I-6315
- 19 juin 2003 : Fritsch, Chiari & Partner,
aff. C-410/01, Rec. CJCE, p. I-6413
- 12 février 2004 : Grossmann Air Service,
aff. C-230/02, Rec. CJCE, p. I-1829
- 3 mars 2004 : Fabricom SA, aff. Jtes C-21/03
et C-34/03, Rec. CJCE, p. I-1559
- 24 juin 2004, Commission /c. Autriche, aff.
C-212/02,
- 11 janvier 2005 : Stadt Halle, aff. C-26/03,
Rec. CJCE, p. I-1
- 2 juin 2005 : Koppensteiner GmbH, aff.,
C-15/04, Rec. CJCE, p. I-4855
- 7 juillet 2005 : Vereinging voor energie, aff.
C-17/03, Rec. CJCE, p. I-14527.
- 8 septembre 2005 : Espace Trinon SA, aff.
C-129/04, Rec. CJCE, p. I-7805
- 18 janvier 2007 : Auroux /c. Commune de
Roanne, aff. C-220/05, Rec. CJCE, p. I-385
- 18 juillet 2007 : Commission c/. RFA, aff.
C-503/04, Rec. CJCE, p. I-8153
- 4 octobre 2007 : Consorzio Elisoccorso San
Raffaele, aff. C-492/06, Rec. CJCE, p. I-8189
- 11 octobre 2007 : Lämmerzahl GmbH, aff.
C-241/06, Rec. CJCE, p. I-8415
- 13 novembre 2007 : Commission/c. Irlande, aff.
C-507/03
- 3 avril 2008 : Commission /c. Royaume
d'Espagne, aff. C-444/06
- 15 mai 2008, SECAP SpA /c. Commune de Torino, aff.
jtes C-147/06 et C-148/06
- 19 juin 2008 : Pressetext Nachrichtenagentur
GmbH, aff. C-454/06
2) Arrêts rendus par le CE
- 4 août 1905 : Martin, Rec., p. 749,
concl. ROMIEU
- Ass. 20 octobre 1989 : Nicolo, Rec., p. 190,
concl. P. FRIDMAN
- sect. 3 novembre 1995 : District de
l'agglomération nancéenne, Rec., p. 391
- sect. 3 novembre 1995 : Chambre de commerce et
d'industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrénées, Rec., p.
394
- sect. 6 décembre 1995 : Département
de l'Aveyron et Sté Jean-Claude Decaux, Rec., p. 428
- 19 février 1996, Sté Aubettes, Rec.,
p. 45
- Ass. 10 juillet 1996 : Cayzeele, Rec., p.
274
- 2 octobre 1996 : SARL Entreprise
générale électricité Noël
Béranger, Rec., p. 371
- 16 décembre 1996 : Conseil Régional
de l'Ordre des Architectes de la Martinique, Rec., p. 493
- sect. 30 octobre 1998 : Ville de Lisieux,
Rec., p. 375
- 26 mai 1999 : Sté anonyme Steelcase
Strafor, Rec., p. 890
- 28 juillet 1999 : SA Bouygues e. a., Rec., p.
266
- 30 juin 1999 : SMITOM Centre Ouest Seine et
Marnais, n° 198147
- 16 octobre 2000 : Sté Stéreau,
Rec., p. 1103
- 19 octobre 2001 : Sté Alstom Transport
SA, Rec., p. 868
- 7 novembre 2001 : Sté Anonyme Quillery,
n° 218221
- 10 décembre 2003 : Institut de Recherche
pour le Développement, Rec., p. 584
- 3 mars 2004 : Sté Mak System, Rec., p.
121
- 28 avril 2004 : SA Entreprise Roger Martin,
Rec., p. 771
- 30 juin 2004 : Sté Nationale des Chemines de
Fer, n° 263402,
- 8 avril 2005 : Sté Radiometer, Rec., p.
698
- 29 juin 2005 : Chambre de commerce et d'industrie
du Pas-de-Calais, n° 266631
- 30 novembre 2005 : Sté Transports Cerdans et
a., Juris-Data n° 2005-069361
- 6 janvier 2006 : Syndicat Mixte de collecte, de
traitement et de valorisation des déchets du Vendemois, Juris-Data
n° 2006-069635
- 20 octobre 2006, Commune d'Andeville, Rec., p.
434
- 15 décembre 2006 : Sté Corsica
Ferries, Rec., p. 566
- 13 juillet 2007 : Syndicat intercommunal
périphérie Paris pour électricité et réseau
communication Paris, Juris-Data n° 2007-072190,
- Ass. 16 juillet 2007 : Société Tropic
Travaux Signalisation, n° 291545
- 19 septembre 2007 : Communauté
d'agglomération Saint-Etienne Métropole, Juris-Data n°
2007-072417
- 19 décembre 2007 : Syndicat intercommunal
d'alimentation en eau potable du Confolentais, n° 291487,
- 8 février 2008 : Département de
L'Essonne, Juris-Data n° 2008-073132
- 23 mai 2008 : Musée Rodin, Juris-Data
n° 2008-073609
3) Arrêts rendus par les
CAA
- Bordeaux, 23 octobre 2003 : Département de
la Réunion, n° 01XB02357
4) Jugements rendus par les TA
- Montpellier, 10 juin 1993, Sté Stan/c. Commune de
Canet-en-Roussillon, Rec., p. 514
- Rennes, 31 mars 1994 : Becam, Rec., p. 1043
- Clermont-Ferrand, 13 février 1995 :
Préfet du Puy-de-Dôme /c. OPAC du Puy-de6Döme et du
Massif central, Rec., p. 926
- Versailles, 23 octobre 1997, Sté Plastic Omnium
c/ SICTOM Région Isle Adam, n° 973776
- Strasbourg, 14 novembre 2000 : Daniel Delrez /c.
Ville de Metz, n° 99-3999
- Lyon, 28 juin 2001 : Sté Sondalp Lyon,
n° 00LY01979
- Orléans, 28 mars 2003 : Atelier
d'architecture Arène et Edeikins, n° 03-593
- Lyon, 23 mars 2006 : Sté Erba,
Juris-Data n° 2006-298288
- Paris, 8 novembre 2006 : Sté Forsup
Conseil, n° 0615289
- Versailles, 15 octobre 2007 : Sté Bruno Kern
Avocats, n° 0709671
- Lyon, 19 octobre 2007 : Sté Sepur,
n° 07-06192
- Nice, 9 novembre 2007 : Sté du parking de la
promenade du Paillon /c. Ville de Nice, n° 0400460
- Rouen : 8 Février 2008 : Sté
Lancasterres IDF, n° 08001600
- Besançon, 12 février 2008 : Sté
CBS, n° 800115
- Orléans, 28 mai 2008 : Compost Sud Essone,
n° 00801520
Table des matières
LISTE DES PRINCIPALES
ABRÉVIATIONS
- 1 -
SOMMAIRE
- 2 -
INTRODUCTION
- 3 -
CHAPITRE I. UNE PLEINE RÉCEPTION
DES EXIGENCES COMMUNAUTAIRES PAR LE DROIT INTERNE
- 8 -
Section I. La soumission des actes
à un contrôle juridictionnel : un facteur de contrainte
modéré
- 9 -
§ 1. Les actes du pouvoir adjudicateur
- 9 -
A. La recherche par le droit communautaire
d'une pleine soumission des actes du pouvoir adjudicateur au principe de
légalité
- 9 -
1. Une volonté amplement
proclamée
- 10 -
2. Une mise en oeuvre au service de
l'efficacité
- 11 -
B. Le poids relatif de la contrainte
communautaire sur le droit interne
- 13 -
1. Une réception largement
indifférente des exigences communautaires
- 14 -
2. Des résistances ponctuelles
- 15 -
§ 2. L'acte contractuel
- 17 -
A. L'incidence de
l'antériorité du droit français dans la
détermination des exigences communautaires
- 17 -
1. Le retrait passé du droit
communautaire
- 18 -
2. Une construction contentieuse
initialement hors contrainte : une référence dans la
fixation des impératifs communautaires
- 19 -
B. L'influence réduite du droit
communautaire dans la modification des règles contentieuses internes
- 20 -
1. Une simplification contentieuse
imposée par le droit communautaire
- 20 -
2. Une simplification contentieuse
souhaitée en droit interne
- 22 -
Section II. L'instauration d'un recours
juridictionnel efficace : un puissant facteur de contrainte
- 23 -
§ 1. Une mise en oeuvre simplifiée des
recours
- 23 -
A. L'élimination des entraves
à l'exercice d'un recours efficace
- 23 -
1. La prohibition des recours
préalables au fond
- 24 -
2. Le strict encadrement des recours
préalables gracieux
- 24 -
B. Le renforcement des garanties
procédurales favorisant l'accès au juge
- 25 -
1. L'instauration d'un délai minimal
entre la décision d'attribution et la signature du contrat
- 26 -
2. La communication aux candidats
évincés des motifs ayant conduit au rejet de leurs offres
- 27 -
§ 2. Les pouvoirs du juge des
référés précontractuels
- 28 -
A. Les pouvoirs du juge des
référés secteurs « de base » :
une transposition douloureuse
- 28 -
B. Les pouvoirs du juge des
référés secteurs « exclus » : une
transposition laborieuse
- 30 -
CHAPITRE II. UNE LARGE SURESTIMATION DES
EXIGENCES COMMUNAUTAIRES PAR LE DROIT INTERNE
- 32 -
Section I. Le dépassement des
exigences communautaires dans la recherche de l'irrégularité
- 33 -
§ 1. Une exagération à
l'initiative du législateur
- 33 -
A. Les contrats soumis aux
référés précontractuels
- 33 -
1. Les marchés publics au sens du
droit communautaire
- 34 -
2. Les marchés publics dont le
montant est supérieur aux seuils d'application des directives
matérielles
- 35 -
B. La forclusion
- 37 -
1. Une faculté inemployée
- 37 -
2. Le juge du contrat au secours de la
sécurité juridique
- 39 -
§ 2. Une exagération à
l'initiative du juge
- 41 -
A. La qualité pour agir
- 42 -
1. Un libéralisme excessif
- 42 -
2. Une possible limitation de la
qualité pour agir
- 43 -
B. Les moyens invocables
- 46 -
1. Des moyens opérants
inadaptés aux réalités économiques
- 47 -
2. Une improbable restriction des moyens
opérants
- 48 -
Section II. Le dépassement des
exigences communautaires dans le traitement de l'irrégularité
- 51 -
§ 1. La rigueur constante du juge des
référés précontractuels
- 51 -
A. Une nécessaire application de la
théorie des irrégularités non substantielles
- 51 -
1. Une rigueur démesurée
- 52 -
2. Un cadre juridique favorable
- 53 -
B. Une mise en oeuvre délicate
- 55 -
§ 2. Le pragmatisme magistralement
affirmé par le juge du contrat
- 56 -
A. La nullité : fin
exceptionnelle des rapports contractuels
- 56 -
1. Une volonté affirmée
- 56 -
2. Un obstacle surmontable
- 58 -
B. Une méthode de jugement
encouragée par le droit communautaire
- 59 -
CONCLUSION
- 63 -
BIBLIOGRAPHIE
- 64 -
TABLE DES MATIÈRES
- 71 -
* 1 CE, 4 août
1905 : Martin, Rec., p. 749, concl. ROMIEU.
* 2 R. CHAPUS :
Droit du contentieux administratif, Montchrestien,
12ème éd., 2006, p. 1439.
* 3 Directive 89/665/CEE du
Conseil du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions
législatives, réglementaires et administratives relatives
à l'application des procédures de recours en matière de
passation des marchés publics, de fournitures et de travaux (JOCE du 30
décembre 1989, L 395, p. 33).
* 4 Directive 92/13 CEE du
Conseil du 25 février 1992 portant coordination des dispositions
législatives, réglementaires et administratives relatives
à l'application des règles communautaires sur les
procédures de passation des marchés des entités
opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports
et des télécommunications (JOCE du 23 mars 1992, L 76, p. 14).
* 5 Il s'agit actuellement
des directives 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 mars
2004 portant coordination des procédures de passation des marchés
dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services
postaux (JOUE du 10 avril 2004, L 134, p. 1) et 2004/18/CE du Parlement
européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination
des procédures de passation des marchés publics de travaux, de
fournitures et de services (JOUE du 10 avril 2004, L 134, p. 114).
* 6 La directive 89/665 du
21 décembre 1989 est transposée par la loi n° 92-10 du 4
janvier 1992 et le décret n° 92-964 du 7 septembre 1992 (art. L
551-1 CJA). La directive 92/13 du 25 février 1992 est transposée
par la loi n° 93-1416 du 29 décembre 1993 (art. L 551-2 CJA).
* 7 Voir notamment : M.
RONCIERE : « L'article L 22 : innovations et
interrogations », in LPA, 12 août 1994, p. 7 ;
D. CHABANOL : « Les articles L 22 et L 23 du code des
TA-CCA », in Gaz. Pal., 25-27 décembre 1994,
doctrine, p. 2 ; R. VANDERMEEREN : « Le
référé administratif précontractuel », in
AJDA, 1994, p. 91.
* 8 Ph. TERNEYRE :
« L'émergence d'un recours contentieux du troisième
type », in ALD, 1992, p. 82.
* 9 Pour illustrer la
volonté particulièrement marquée des membres de la
juridiction administrative au respect des exigences de la directive
« recours », voir J-H. STAHL et D. CHAUVAUX :
« Régime du référé
précontractuel », in AJDA, 1995, p. 888.
* 10 Sans
méconnaître l'importance des décisions antérieures,
les arrêts rendus sur le fondement des directives
« recours » n'ont acquis une véritable richesse de
contenu que depuis l'affaire Alcatel Austria : CJCE, 28 octobre
1999 : Alcatel Austria AG e.a., aff. C-81/98, Rec. CJCE,
p. I-7671.
* 11 F. LLORENS et P.
SOLER-COUTEAUX : « Le régime contentieux des
marchés publics saisi par le droit communautaire », in
Contrats et Marchés Publ., juin 2003, n° 6, Repère
6.
* 12 F. LLORENS et P.
SOLER-COUTEAUX : « La nouvelle directive «recours» et
la conclusion du contrat », in Contrats et Marchés Publ.,
février 2008, n° 2, Repère 2.
* 13 CE, Ass. 20 octobre
1989 : Nicolo, Rec., p. 190, concl. P. FRIDMAN.
* 14 CE, Ass. 16 juillet
2007 : Société Tropic Travaux Signalisation,
n° 291545.
* 15 CJCE, 18 juillet
2007 : Commission c/. RFA, aff. C-503/04, Rec. CJCE, p. I-8153.
* 16 Directive 2007/66/CE
du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant
les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne
l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours
en matière de passation des marchés publics (JOUE du 20
décembre 2007, L 335, p. 31). La date limite de transposition de cette
directive est fixée au plus tard pour le 20 décembre 2009.
* 17 Il est ici fait
référence au rapport public du Conseil d'Etat publié
en 2007 dont l'intitulé est révélateur des rapports
pacifiés entretenus par les deux ordres juridiques :
« L'administration française et l'Union Européenne,
Quelles influences ? Quelles stratégies ? »,
EDCE, 2007, n° 58.
* 18 CJCE, 28 octobre
1999 : Alcatel Austria, aff. C-81/98, Rec. CJCE, p. I-7671, in
RDI, 2001, p. 165, note F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX.
* 19 Concl. J. MISCHO,
point 31, sur CJCE, 28 octobre 1999 : Alcatel Austria, aff.
C-81/98, préc.
* 20 CJCE, 28 octobre
1999 : Alcatel Austria, aff. C-81/98, préc., point 35.
* 21 CJCE, 19 juin
2003 : GAT GmbH, aff. C-315/01, Rec. CJCE, p. I-6315, point
52 ; CJCE, 11 janvier 2005 : Stadt Halle, aff. C-26/03,
Rec., CJCE, p. I-1, point 32.
* 22 Concl. Ch. STIX-HACKL,
point 61, sur CJCE, 2 juin 2005 : Koppensteiner GmbH, aff.,
C-15/04, Rec. CJCE, p. I-4855.
* 23 CJCE, 18 juillet
2002 : Hospitale Ingénieure Krankenhaustechnik - Planungs
Gesellschaft GmbH, aff. C-92/00, Rec. CJCE, p. I-5553, in Contrats et
Marchés Publ., septembre 2002, n° 8, comm. 196, note F.
LLORENS.
* 24 CJCE, 18 juillet
2002 : Hospitale Ingénieure, aff. C-92/00, préc.,
point 43.
* 25 CJCE, 23 janvier
2003 : Makedoniko Metro et autres, aff. C-57/01, Rec. CJCE, p.
I-1091, in contrats et marchés publ., mars 2003, n° 3,
comm. 50, note F. LLORENS.
* 26 CJCE, 15 mai
2003 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. 214/00, Rec. CJCE,
p. I-4667.
* 27 CJCE, 15 mai
2003 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. 214/00,
préc., point 79.
* 28 CJCE, 11 janvier
2005 : Stadt Halle, aff. C-26/03, Rec., CJCE, p. I-1, in
Europe, mars 2005, n° 3, comm. 89, note E. MEISSE ;
confirmé par CJCE, 3 mars 2004 : Fabricom SA, aff. Jtes
C-21/03 et C-34/03, rec. CJCE, p. I-1559, in Contrats et Marchés
Publ., avril 2005, n° 4, comm. 127, note W. ZIMMER : en
l'espèce, il est établi que le fait pour un pouvoir adjudicateur
de ne pas prendre une décision relative à la possibilité
ou non de candidater à un marché constitue une décision
attaquable au sens de la directive « recours ».
* 29 Concl. A. TIZZANO,
point 24, sur CJCE, 18 juillet 2002 : Hospitale
Ingénieure, aff. C-92/00, préc.
* 30 R. CHAPUS :
Droit du contentieux administratif, Montchrestien,
12ème éd., 2006, p.708 : la détermination
des décisions détachables « est simple, puisqu'on
peut dire qu'elles sont toutes détachables, depuis celles qui acheminent
vers la conclusion [...] du contrat [...] jusque, le cas échéant,
à celles qui en approuvent la conclusion ».
* 31 CE, 15 décembre
2006 : Sté Corsica Ferries, Rec., p. 566, in
AJDA, 2007, p. 185, note J-D DREYFUS, au sujet de la passation d'un
contrat de délégation de service public.
* 32 TA, Clermont-Ferrand,
13 février 1995 : Préfet du Puy-de-Dôme /c. OPAC
du Puy-de-Döme et du Massif central, Rec., p. 926.
* 33 CJCE, 2 juin
2005 : Koppensteiner GmbH, aff. C-15/04, préc., point
31 ; annoncée par CJCE, 18 juillet 2002 : Hospitale
Ingénieure, aff.C-92/00, préc.
* 34 CE, 26 mai 1999 :
Sté anonyme Steelcase Strafor, Rec., p. 890, in BJCP,
1999, p. 523, Concl. H. SAVOIE.
* 35 CE, 28 avril
2004 : SA Entreprise Roger Martin, Rec., p. 771 ; CE, 30 novembre
2005 : Sté Transports Cerdans et a., Juris-Data n°
2005-069361, in Contrats et Marchés Publ., février 2006,
n° 2, comm.55, note F. LLORENS.
* 36 Concl. A. TIZZANO,
point 37, sur CJCE, 18 juillet 2002 : Hospitale
Ingénieure, aff. C-92/00, préc : Selon
l'Avocat général repris par la Cour, Il est possible que
l'instance nationale responsable des recours s'en tienne à « la
vérification des règles de procédure et de motivation,
ainsi que de l'exactitude matérielle des faits et de l'absence d'erreur
manifeste d'appréciation et de détournement de
pouvoir ».
* 37 TA, Montpellier, 10
juin 1993, Sté Stan /c. Commune de Canet-en-Roussillon, Rec.,
p. 514 : « Les pouvoirs du Président du Tribunal
Administratif [...] ne peuvent être exercés qu'avant la signature
du contrat, et le recours présenté [...] ne peut tendre à
l'annulation de celui-ci ou à la suspension de ses
effets » ; CE, sect. 3 novembre 1995 : Chambre de
commerce et d'industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrénées,
Rec., p. 394, AJDA, 1995, p. 945, chron. J-H. STAHL et D. CHAUVAUX.
* 38 Voir notamment CE, 29
mars 2004, Communauté de communes du centre littorale, n°
258114, in Contrats et Marchés Publ., juin 2004, n° 6,
comm. 123, note. F. LLORENS.
* 39 F. CHALTIEL :
« Droit au recours contre un contrat administratif :
sécurité juridique renforcée, respect du droit
européen anticipé », in LPA, 2007, 21
août 2007, n° 167, p. 3.
* 40 CJCE, 22 avril
1994 : Commission /c. Belgique, aff. C-87/94 R, Rec. CJCE, p.
I-1395, point 34 : « [...] le législateur
communautaire, sensible à la diversité des droits nationaux et
soucieux de ménager autant que possible le principe de
sécurité juridique, a d'abord privilégié les
recours antérieurs à la conclusion d'un marché. En
décidant que les effets d'un recours à l'encontre d'un contrat
déjà conclu sont déterminés par le droit national
et en permettant qu'un Etat membre limite ces effets à l'allocation de
dommages-intérêts à la personne lésée, il a
admis qu'un Etat exclu, au plan national, l'annulation d'un contrat en
cours » ; CJCE, 28 octobre 1999 : Alcatel Austria
AG, aff. C-81-98, préc., point 37 : « [...] il
ressort déjà du libellé même de l'article 2,
paragraphe 6 de la directive 89/665 que la limitation des procédures de
recours ne concerne que la situation qui existe après la conclusion du
contrat qui suit la décision de l'attribution d'un marché. Ainsi,
la directive 89/665 opère une distinction entre le stade
antérieur à la conclusion du contrat, auquel l'article 2,
paragraphe 1 est applicable, et le stade postérieur à la
conclusion de celui-ci à l'égard duquel un Etat membre peut
prévoir, selon l'article 2, paragraphe 6, second alinéa que les
pouvoirs de l'instance responsable des procédures de recours se limitent
à l'octroi de dommages-intérêts à toute personne
lésée par une violation ».
* 41 J-F. BRISSON :
« Le droit au juge dans le contentieux des marchés publics.
Dynamisme, dynamiques et limites du droit communautaire processuel »,
in Contrats publics, Mélanges en l'honneur du Professeur Michel
GUIBAL, textes réunis et présentés par G.
CLAMOUR et M. UBAUD-BERGERON, Université Montpellier I, coll.
Mélanges, vol 2, p. 359.
* 42 CJCE, 18 juillet
2007 : Commission c/. RFA, aff. C-503/04, préc.
* 43 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 quiquies § 1 : « Les
Etats membres veillent à ce qu'un marché soit
déclaré dépourvu d'effets par une instance de recours
indépendante de l'entité adjudicatrice ou à ce que
l'absence d'effets dudit marché résulte d'une décision
d'une telle instance dans chacun des cas suivants [...]». Ces
hypothèses renvoient pour l'essentiel aux violations les plus graves du
droit communautaire.
* 44 Voir par exemple P.
PESCATORE : « Le recours, dans la jurisprudence de la Cour de
justice des Communautés européennes, à des normes
déduites de la comparaison des droits des Etats membres », in
RIDC, 1980, p. 337 : « le «droit
comparé» occupe une place importante dans la pratique de la Cour
[...] » ; Y. GALMOT : « Réflexion sur
le recours au droit comparé par la Cour de justice des
Communautés européennes », in RFDA, 1990, p.
255 : « [...] on a vu que la Cour a tendance à
aligner le droit communautaire sur celui des Etats membres les plus
performants ».
* 45 CE, Ass. 10 juillet
1996 : Cayzeele, Rec., p. 274.
* 46 CE, Sect. 30 octobre
1998 : Ville de Lisieux, Rec., p. 375, concl. J-H. STAHL.
* 47 CE, 10 décembre
2003 : Institut de Recherche pour le Développement, Rec.,
p. 584.
* 48 S. TREUMER :
« Towards an obligation to terminate contracts concluded in breach of
the EC public procurement rules : the end of the status of concluded
public contracts as sacred cows »; in PPLR, 2007, p. 381.
* 49 S. TREUMER
préc. : « The traditional perception in legal theory has been
commonly followed in European public procurement practice, and in most Member
states a breach of the EC public procurement rules has never led to a
termination of the contract. Practice in France appears to have deviated from
this based a national law. In this member state it has been established
practice for more than 100 years based on Supreme Court practice that a public
contract can be declared null and void after annulment of decisions of the
contracting authorities ».
* 50 Concl. D. CASAS sur
CE, Ass. 16 juillet 2007 : Sté Tropic Travaux
Signalisation, in RFDA, 2007, p. 701.
* 51 Concl. V. TRSTENJAK
sur CJCE, 18 juillet 2007 : Commission /c. RFA, aff. C-503/04,
in RFDA, 2007, dossier p. 598.
* 52 Il est
intéressant de remarquer que le projet de nouvelle directive
« recours » a étayé à plusieurs
reprises les argumentations des Commissaires du gouvernement. Il paraît
donc nécessaire aux membres de la juridiction administrative de calquer
les solutions nationales sur les exigences communautaires. Pour un exemple
significatif, voir concl. N. BOULOUIS sur CE, 19 décembre 2007 :
Syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable du Confolentais,
n° 291487, in BJCP, 2008, p. 123 : Ces conclusions conformes
indiquent que « à la différence du vice
d'incompétence qui n'est pas régularisable, et même si l'on
peut parler ici d'incompétence ratione temporis, la signature
précoce d'un contrat ne peut pas, ne doit pas être une cause de sa
nullité. Il nous semble que c'est bien ce que prévoit le projet
de modification des directives 89/665/CEE et 92/13/CEE, si l'on en croit le
texte de compromis entre le Conseil et le Parlement qui n'envisage la
nullité de principe d'un marché signé avant l'expiration
de la période de stand still que si, par ailleurs sont constatées
«des violations des directives 2004/18/CE ou 2004/17/CE telles qu'elles
ont compromis les chances du soumissionnaire intentant un recours d'obtenir le
marché» ».
* 53 Voir pour une
illustration, TA, Versailles, 23 octobre 1997, Sté Plastic Omnium c/
SICTOM Région Isle Adam, in DA, avril 1998, n° 4, p.
4, note D. POUYAUD : « On ne voit pas ce qui s'oppose
à ce qu'un seul juge soit doté des pouvoirs nécessaires
pour donner par une seule décision satisfaction au
requérant ».
* 54 J. GOURDOU et Ph.
TERNEYRE : « Pour une clarification du contentieux de la
légalité en matière contractuelle », in
CJEG, 1999, p. 249.
* 55 F. LLORENS :
« Les conséquences de la nullité des marchés
publics et des délégations de service public », in
CJEG, 2002, p. 590.
* 56 CJCE, 19 septembre
1996 : Commission /c. Grèce, aff. C-236/95, Rec. CJCE, p.
I-4459, point 11 : « Les Etats membres sont tenus, plus
généralement, de doter leurs instances de recours du pouvoir de
prendre, indépendamment de toute action préalable, toutes mesures
provisoires, «y compris des mesures destinées à suspendre ou
à faire suspendre la procédure de marché public en
cause» ».
* 57 CJCE, 15 mai
2003 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. C-214/00,
préc.
* 58 Directive 89/665, art.
1 § 3 in fine.
* 59 CJCE, 19 juin
2003 : Fritsch, Chiari & Partner, aff. C-410/01, Rec. CJCE,
p. I-6413, point 31, confirmé par CJCE, 12 février 2004:
Grossmann Air Service, aff. C-230/02, Rec. CJCE, p. I-1829, point
27 : la directive doit être intégrité en ce sens
qu'elle s'oppose « à ce qu'une personne qui a
participé à une procédure de passation d'un marché
public soit considéré comme ayant perdu son intérêt
à obtenir ce marché, au motif que, avant d'introduire une
procédure de recours prévue par ladite directive, elle a omis de
saisir une commission de conciliation [...] ».
* 60 Décret n°
2000-1115 du 22 novembre 2000.
* 61 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 1 § 5.
* 62 Concl. J. MISCHO,
point 37, sur CJCE, 28 octobre 1999 : Alcatel Austria, aff.
C-81/98, préc.
* 63 CJCE, 28 octobre
1999 : Alcatel Austria, aff. C-81/98, préc.
* 64 CJCE, 24 juin 2004,
Commission /c. Autriche, aff. C-212/02, in Contrats et
Marchés Publ., août 2004, n° 8, comm. 176, note W.
ZIMMER.
* 65 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 bis § 2.
* 66 F. LLORENS :
« Le référé précontractuel, entre
continuité et changement » in Le nouveau juge
administratif des référés. Réflexion sur la
réforme opérée par la loi du 30 juin 2000, Annales de
la Faculté de Droit de Strasbourg - nouvelle série, n° 5,
(dir. P. WACHSMANN), 2002, p. 28.
* 67 CJCE, 24 juin 2004,
Commission /c. Autriche, aff. C-212/02, préc., point 21.
* 68 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 bis § 2 in fine.
* 69 Directive 89/665, art.
2 § 1.
* 70 Directive 92/13, art.
2 § 1 a).
* 71 Directive 92/13, art.
2 § 1 b).
* 72 Directive 92/13, art.
2 § 1 c).
* 73 CJCE, 19 mai
1999 : Commission /c. République française, aff.
C-225/97, Rec. CJCE, p. I-3011, point 25, in RDI, 1999, p. 393,
note F. LLORENS. En revanche, la Cour a jugé que le droit
français était contraire au droit communautaire puisque un
système d'attestation n'avait aucunement été prévu
et que des procédures de conciliation n'avaient pas été
mises en place.
* 74 Le contentieux
contractuel fait aujourd'hui encore l'objet d'innovations quant aux pouvoirs du
juge. C'est ainsi que la nouvelle directive « recours »
prévoit que l'instance nationale chargée des recours à
l'encontre du contrat puisse infliger des « sanctions de
substitutions », notamment des
« pénalités financières »
(Directives 89/665 et 92/13 modifiées, art. 2 sexies § 2). Pour
l'heure, le juge administratif ignore cette faculté.
* 75 F. LLORENS et P.
SOLER-COUTEAUX : « La nouvelle directive «recours» et
la conclusion du contrat », in Contrats et Marchés
Publ., février 2008, n° 2, Repère. 2.
L'interprétation des directives « recours » est
unanimement perçue comme une source de complexité. Pour des
exemples de difficultés rencontrées en droits étrangers,
voir H. LLOYD, « L'expérience britannique en
matière de marchés publics de travaux », in
RDI, 1998, p. 555 ; W. WEDEKIND,
« L'expérience néerlandaise en matière de
marchés publics de travaux », in RDI, 1998, p. 569,
« L'interprétation de la directive pose beaucoup de
problèmes. C'est ainsi qu'on se heurte à la structure et à
la langue juridique de la directive, et qu'on est confronté à des
notions inconnues ». L'avènement de la nouvelle directive
« recours » ne rompt pas avec les difficultés
passées liées au mode de rédaction : voir notamment
G. KALFLECHE : « la modification des directives
«recours» en matière de marchés
publics », in Europe, avril 2008, n°4, étude
4 : la directive contient « tous les éléments
d'une législation absconse [dont] le style et les renvois
incessants en rendent la lecture particulièrement
fastidieuse ».
* 76 Loi n° 93-122 du
29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et
à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques
* 77 Ordonnance n°
2004-559 du 19 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
* 78 Loi n°91-3 du 3
janvier 1991 relative à la transparence et à la
régularité des procédures de marchés et soumettant
la passation de certains contrats à des règles de
publicité et de mise en concurrence.
* 79 CJCE, 18 janvier
2007 : Auroux /c. Commune de Roanne, aff. C-220/05, Rec. CJCE, p.
I-385, in Contrats et Marchés Publ., 2007, comm. 38,
note W. ZIMMER.
* 80 CJCE, 7
décembre 2000 : Telaustria Verlags GmbH, aff. C-324/98,
Rec. CJCE, p. I-10745.
* 81 Pour illustration,
l'obligation de transparence implique notamment un degré de
publicité adéquat pour les marchés de faible valeur. Or,
la question de savoir ce que constitue un tel degré de publicité
reste encore sans réponse de la part de la Cour de Justice : concl.
E. SHARPSTON, sur CJCE, 26 avril 2007 : Commission /c. Finlande,
aff. C-195/04, in BJCP, 2007, p. 348.
* 82 Communication
interprétative du 23 juin 2006 de la Commission relative au droit
communautaire applicable aux passations de marchés non soumises ou
partiellement soumises aux directives «marchés publics» (JOCE,
1er août 2006, C-179/2).
* 83 CJCE, 13 novembre
2007 : Commission /c. Irlande, aff. C-507/03. Voir pour une
récente confirmation CJCE, 15 mai 2008, SECAP SpA /c. Commune de
Torino, aff. jtes C-147/06 et C-148/06, in JCPA, 2008, n°
2125, comm. F. LINDITCH.
* 84 F. LINDITCH :
« La suppression du Code des marchés publics
envisagée ? », in Contrats et Marchés Publ.,
décembre 2007, n° 12, alerte 37 : « Si le
code pose quelques problèmes, celle de sa sanction en pose bien
davantage. Lors d'un colloque organisé par la Société des
législations comparées, et l'Université de Freiburg, nous
nous sommes laissés dire que les allemands, eux, n'ont pas ouvert la
possibilité du référé en dessous des seuils
communautaires. Si cette piste était suivie, ce serait le Code de la
justice administrative, et non celui des marchés, qui
nécessiterait d'être réformé... ».
* 85 J-F. LAFAIX :
« La nouvelle directive «recours» ou l'esquisse d'une
exigence de «sanction adaptée» - commentaire de la directive
2007/66/CE du 11 décembre 20007 », in Contrats et
Marchés Publ., avril 2008, n° 4 étude 4.
* 86 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 sexies § 2.
* 87 Directive 89/665, art.
1 § 3 : « Les États membres assurent que les
procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que
les États membres peuvent déterminer
[...] ».
* 88 Il a été
jugé que le rejet par l'administration d'une demande préalable ne
fait pas courir le délai de droit commun de deux mois au terme duquel le
recours précontractuel serait irrecevable. Voir en ce sens CE : 30
juin 1999 : SMITOM Centre Ouest Seine et Marnais, n° 198147,
in LPA, 28 juin 2000, n° 41, p. 10, note C. BOITEAU.
* 89 CJCE, 12
décembre 2002 : Universal Bau AG, aff. C-470/99, Rec.
CJCE, p. I-11617, point 79, in RDI, 2003, p. 81, note J-D. DREYFUS.
* 90 CJCE, 12
décembre 2002 : Universal Bau AG, aff. C-470/99,
préc.
* 91 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 quater.
* 92 Voir notamment TA,
Strasbourg, 14 novembre 2000 : Daniel Delrez /c. Ville de Metz,
n° 99-3999, in AJDA, 2001, p. 385, Concl. P. DEVILLERS.
« Considérant que la délibération du 30
avril 1999, par laquelle le Conseil municipal de la ville de Metz à
autoriser le maire à engager une procédure d'appel d'offres en
vue de la passation d'un marché de conception-réalisation
constitue, avec la délibération du 29 octobre 1999
décidant du choix des titulaires de ce marché, les
éléments d'une même opération complexe : que
dans ces conditions M. Delrez est recevable, pour obtenir l'annulation de la
délibération contestée, à exciper de
l'illégalité éventuelle de la première
délibération [...] ».
* 93 Le juge de
l'excès de pouvoir en limite parfois les effets par application de la
théorie des droits acquis. Pour illustration, voir CAA, Bordeaux, 23
octobre 2003 : Département de la Réunion, n°
01XB02357, in Contrats et Marchés Publ., janvier 2004, n°
1, comm. 13, note Ph. DELELIS. « Considérant que [...] la
décision de signer le contrat crée en effet au profit du
co-contractant de l'administration un droit acquis, sur lequel il ne peut
être revenu, passé le délai de recours
contentieux ».
* 94 CE, Ass. 16 juillet
2007 : Société Tropic Travaux Signalisation,
préc.
* 95 Conclusion D. CASAS
sur CE, Ass. 16 juillet 2007 : Sté Tropic Travaux
Signalisation, in RFDA, 2007, p. 696.
* 96 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 septies, 1. a).
* 97 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 septies, 1. b).
* 98 CJCE, 27
février 2003 : Santex SpA, aff. C-327/00, Rec. CJCE, p.
I-1877, point 57, in Contrats et Marchés Publ., juin 2003,
n° 6, p. 25 ; note F. LLORENS.
* 99 CJCE, 11 octobre
2007 : Lämmerzahl GmbH, aff. C-241/06, Rec. CJCE, p. I-8415,
in Europe, décembre 2007, n° 12, comm. 340, E. MEISSE.
* 100 Concl. E. SHARPSTON,
point 68, sur CJCE, 11 octobre 2007 : Lämmerzahl GmbH, aff.
C-241/06, préc.
* 101 Pour un raisonnement
analogue, voir CJCE, 12 février 2004: Grossmann Air Service,
aff. C-230/02, préc. Dans cette affaire, la Cour se fonde sur le
critère du degré de connaissance de l'irrégularité
pour refuser l'accès au juge à la requérante qui a
préféré attendre la décision d'attribution pour
alléguer une irrégularité affectant l'appel d'offres et
dont elle a immédiatement eu connaissance.
* 102 TA. Lyon, 23 mars
2006 : Sté Erba, Juris-Data n° 2006-298288, in
Contrats et Marchés Publ., août 2006, n° 8, comm.
236, note F. OLIVIER. « Considérant que la publication
d'un avis d'attribution au Bulletin officiel des annonces de marchés
publiques fait courir, en raison de l'ampleur et des modalités de sa
diffusion, le délai contentieux à l'égard des tiers
[...] ». L'emploi des termes « en raison de
l'ampleur et des modalités de sa diffusion » n'est pas
anodin et implique une diligence accrue des soumissionnaires.
* 103 A-M. LEROY :
« L'arrêt Tropic Travaux Signalisation et l'obligation
de «due diligence» des candidats à un marché
public », in BJCP, 2008, p. 79.
* 104 TA. Rennes, 31 mars
1994 : Becam, Rec., p. 1043.
* 105 CE, 16
décembre 1996 : Conseil Régional de l'Ordre des
Architectes de la Martinique, Rec., p. 493.
* 106 CE, 16 octobre
2000 : Sté Stéreau, Rec., p. 1103, in Contrats
et Marchés Publ., décembre 2000, n° 12, comm. 48, note
F. LLORENS.
* 107 Concl. D. PIVETEAU,
sur CE, 19 octobre 2001 : Sté Alstom Transport SA, Rec.,
p. 868, in BJCP, 2002, p. 39.
* 108 CE, 19 septembre
2007 : Communauté d'agglomération Saint-Etienne
Métropole, Juris-Data n° 2007-072417, in Contrats et
Marchés Publ., novembre 2007, n° 11, comm 312, note J-P.
PIETRI.
* 109 TA, Paris, 8
novembre 2006 : Sté Forsup Conseil, n° 0615289, in
Contrats et Marchés Publ., avril 2007, n° 4, comm. 118,
note F. OLIVIER.
* 110 CE, 6 janvier
2006 : Syndicat Mixte de collecte, de traitement et de valorisation
des déchets du Vendemois, Juris-Data n° 2006-069635, in
Contrats et Marchés Publ., mars 2006, n° 3, comm. 92, note
F. LLORENS.
* 111 CE, 3 mars
2004 : Sté Mak System, Rec., p. 121, CJEG, 2004,
p. 440, Concl. D. PIVETEAU ; CE, 8 avril 2005 : Sté
Radiometer, Rec., p. 698, in DA, août-septembre 2005,
n° 8, comm. 128, note A. MENEMENIS.
* 112 Directive 89/665,
art. 1er § 3.
* 113 CJCE, 19 juin
2003 : Werner Hackermüller, aff. C-249/01, Rec. CJCE, p.
I-6319.
* 114 Concl. J. KOKOTT,
point 147, sur CJCE, 19 juin 2008 : Pressetext Nachrichtenagentur
GmbH, aff. C-454/06. L'Avocat général semble toutefois
mettre à part l'hypothèse dans laquelle l'irrecevabilité
du recours est « tellement manifeste » que le juge
peut le rejeter à « à titre
exceptionnel » sans qu'il soit nécessaire de l'examiner
plus avant.
* 115 Concl. J. MISCHO,
point 46, sur CJCE, 19 juin 2003 : Fritsch, Chiari & Partner,
aff. C-410/01, préc.
* 116 CJCE, 12
février 2004 : Grossmann Air Service, aff. C-230/02,
préc., point 27 : « [...] La participation à
une procédure de passation d'un marché peut, en principe,
valablement constituer [...] une condition dont la satisfaction est requise
pour établir que la personne concernée justifie d'un
intérêt à obtenir le marché en cause [...]. A
défaut d'avoir présenté une offre, une telle personne peut
difficilement démontrer qu'elle dispose d'un intérêt
à s'opposer à cette décision ou qu'elle est
lésée ou risque de l'être du fait de cette
attribution ».
* 117 CJCE, 8 septembre
2005 : Espace Trinon SA, aff. C-129/04, Rec. CJCE, p. I-7805, in
Contrats et Marchés Publ., décembre 2005, n° 12,
comm. 312, note W. ZIMMER ; confirmée par CJCE, 4 octobre
2007 : Consorzio Elisoccorso San Raffaele, aff. C-492/06, in
Europe, décembre 2007, n° 12, comm. 346, note D. SIMON.
* 118 CJCE, 11 janvier
2005 : Stadt Halle, aff. C-26/03, préc., point 40.
* 119 CJCE, 12
février 2004 : Grossmann Air Service, aff. C-230/02,
préc.
* 120 Une jurisprudence
interne constante admet que chaque membre d'un groupement dépourvu de la
personnalité juridique est recevable à exercer un recours
précontractuel : voir notamment : CE, 28 juillet 1999 :
SA Bouygues e. a., Rec., p. 266, in CJEG,
1999, p. 357, concl. C. BERGEAL ; CE, 29 juin 2005 : Chambre de
commerce et d'industrie du Pas-de-Calais, n° 266631. La
recevabilité du recours peut s'expliquer par une solution traditionnelle
estimant que les entreprises ayant formé un groupement momentané
solidaire sont, en principe, considérées comme s'étant
données mandat mutuel pour se représenter. Ce libéralisme
est néanmoins atténué par la rigueur du caractère
strictement précontractuel du référé puisque, dans
le cadre de la passation de plusieurs marchés dans un groupement de
commandes, le recours d'un membre est irrecevable dès lors qu'il est
intenté après la signature du premier d'entre eux : voir CE,
13 juillet 2007 : Syndicat intercommunal périphérie
Paris pour électricité et réseau communication Paris,
Juris-Data n° 2007-072190, in Contrats et Marchés Publ.,
octobre 2007, n° 10, comm. 281, note J-P. PIETRI.
* 121 CE, sect. 6
décembre 1995 : Département de l'Aveyron et Sté
Jean-Claude Decaux, Rec., p. 428 ; CE, 19 février 1996,
Sté Aubettes, Rec., p. 45, in AJDA, 1996, p. 320,
chron. Ph. TERNEYRE. Parfois même, les juridictions du fond ont fait
preuve de sévérité à l'égard des
requérants en exigeant de leur part un acte de candidature
sérieux avec au moins une chance de succès : voir notamment
TA, Lyon, 28 juin 2001 : Sté Sondalp Lyon, n°
00LY01979.
* 122 CE, Ass. 16 juillet
2007 : Société Tropic Travaux Signalisation,
préc. Seule les « tiers
évincés » sont recevables à saisir le juge
du plein contentieux objectif. Or, l'éviction d'une procédure
d'attribution implique sûrement, et en principe, que l'entreprise
requérante en ait préalablement pris part.
* 123 TA, Cergy-Pontoise,
19 février 2007 : Sté Revsols +, n° 0700959.
Le juge prend également soin de relever qu'il « ne ressort
pas de l'instruction [...] que la société Revsols + aurait
été empêchée de se porter candidate »
par la personne publique.
* 124 TA, Nice, 9 novembre
2007 : Sté du parking de la promenade du Paillon /c. Ville de
Nice, n° 0400460.
* 125 TA, Lyon, 19 octobre
2007 : Sté Sepur, n° 07-06192, in Contrats et
Marchés Publ., décembre 2007, n° 12, comm. 335,
note F. LLORENS et P. SOLER-COUTEAUX.
* 126 F. LLORENS :
« Le référé précontractuel, entre
continuité et changement » in Le nouveau juge
administratif des référés. Réflexion sur la
réforme opérée par la loi du 30 juin 2000, Annales de
la Faculté de Droit de Strasbourg - nouvelle série, n° 5,
(dir. P. WACHSMANN), 2002, p. 28.
* 127 CE, sect. 3 novembre
1995 : District de l'agglomération nancéenne, Rec.,
p. 391, in AJDA, 1995, p. 946, confirmé par CE, 8 avril
2005 : Sté Radiometer préc.
* 128 CJCE, 19 juin
2003 : Werner Hackermüller, aff. C-249/01, préc.,
point 26.
* 129 CJCE, 19 juin
2003 : Werner Hackermüller, aff. C-249/01, préc.,
point 29.
* 130 . J. KOKOTT, point
150, sur CJCE, 19 juin 2008 : Pressetext Nachrichtenagentur GmbH,
aff. C-454/06, préc.
* 131 CJCE, 19 juin 2003 :
GAT GmbH, aff. C-315/01, préc., point 50 : Au nom du
principe d'autonomie procédurale, la Cour a jugé que
« [...] la directive 89/665 ne s'oppose pas à ce que, dans
le cadre d'une demande introduite par un soumissionnaire, en vue de faire
constater [...] l'illégalité de la décision d'attribution
d'un marché public, l'instance responsable de la procédure de
recours soulève d'office l'illégalité d'une
décision du pouvoir adjudicateur autre que celle attaquée par le
soumissionnaire ».
* 132 Le pouvoir de
relever d'office des irrégularités existe, mais les exemples ne
sont pas légion. Voir CE, 2 octobre 1996 : SARL
Entreprise générale électricité Noël
Béranger, Rec., p. 371. Dans le même sens CE, 20 octobre
2006, Commune d'Andeville, Rec., p. 434, in DA,
février 2007, n° 2, comm. 21, note A. MENEMENIS. Dans un
récent arrêt, le juge cultive cependant le doute par le
silence : CE, 23 mai 2008 : Musée Rodin, Juris-Data
n° 2008-073609, in JCPA, n° 2184, note F. LINDITCH.
* 133 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 quinquies 1. b).
* 134 F. DIEU :
« L'indemnisation d'une chance sérieuse de remporter un
marché », in AJDA, 2006, p. 877.
* 135 Concl. I. DASILVA,
sur CE, 7 novembre 2001 : Sté Anonyme Quillery, n°
218221, in BJCP, 2002, p. 189 : en l'espèce, la
requérante avait démontré que « dans le
contexte particulier de l'affaire », elle avait
présenté « la meilleure offre tous critères
confondus ».
* 136 Concl C. BERGEAL sur
CE, 8 février 1999 : Sté Campenon Bernard SGE,
Rec., p. 890, in BJCP, 1999, p. 361.
* 137 F. LLORENS et P.
SOLER-COUTEAUX : « Référé
précontractuel : le revers de la médaille », in
Contrats et Marchés Publ., janvier 2007, n° 1,
repère 1.
* 138 CE, 30 juin
2004 : Sté Nationale des Chemines de Fer, n° 263402,
in Contrats et Marchés Publ., octobre 2004, n° 10,
comm. 194, note W. ZIMMER.
* 139 Voir CE, 8
février 2008 : Département de L'Essonne, Juris-Data
n° 2008-073132, in JCPA, n° 2080, note C. CABANES et B.
NEVEU. En l'espèce, le Conseil d'Etat sanctionne également
l'insuffisance d'informations figurant dans une rubrique d'un avis d'appel
public à la concurrence que l'administration n'était pas tenue de
remplir.
* 140 Voir par exemple TA,
Orléans, 28 mars 2003 : Atelier d'architecture Arène et
Edeikins, n° 03-593, in Contrats et Marchés Publ.,
juin 2003, n° 6, comm. 96, note Ph. DELELIS. Le président du
Tribunal Administratif d'Orléans refuse de censurer une procédure
de passation alors que l'avis d'appel public à la concurrence ne
contenait pas de nombreux éléments prévus par les textes.
* 141 Sénat,
Actualité de la délégation pour l'Union
Européenne, 12 février - 5 mars 2007, p. 71.
* 142 CJCE, 12 avril 2003
: EVN AG et Wienstrom GmbH, aff. C-448/01, Rec. CJCE, p. I-14527.
* 143 Concl. J. MISCHO,
point 86, sur CJCE, 12 avril 2003 : EVN AG et Wienstrom GmbH,
aff. C-448/01, Rec. CJCE, p. I-14527.
* 144 Directive 89/665,
art. 2 § 4.
* 145 F. LLORENS :
« Typologie des contrats de la commande publique », in
Contrats et Marchés Publ., mai 2005, n° 5, étude 7.
* 146 P.
SOLER-COUTEAUX : « Réflexion sur le thème de
l'insécurité du droit administratif ou la dualité moderne
du droit administratif », in Gouverner, administrer, juger. Liber
Amicorum Jean Waline, Dalloz, 2002, p. 377.
* 147 CE, Ass. 16 juillet
2007 : Sté Tropic Travaux Signalisation, préc.
* 148 CE, 10
décembre 2003 : Institut de Recherche pour le
Développement, préc.
* 149 P. DELVOLVE :
Un nouveau juge pour le contrat administratif », in RJEP,
2007, p. 327 : « Dès lors que la résiliation
est une mesure qui met fin au contrat pour l'avenir, on ne voit pas très
bien ce qui la différencie de l'annulation avec un effet
différé ».
* 150 Art. L 521-1
CJA : « Quand une décision administrative, même
de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d'une
demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette
décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et
qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en
l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la
légalité de la décision [...]».
* 151 P. CASSIA :
« Le nouveau recours contre le contrat : questions
périphériques de procédure contentieuse », in
AJDA, 2007, p. 1965.
* 152 Pour des ordonnances
de rejet, voir : TA, Versailles, 15 octobre 2007 : Sté Bruno
Kern Avocats, n° 0709671, in Contrats et Marchés
Publ., mai 2008, n° 5, comm. 111, note J-P. PIETRI ; TA,
Rouen : 8 Février 2008 : Sté Lancasterres IDF,
n° 08001600, in Contrats et Marchés Publ., mai 2008,
n° 5, comm. 112, note X. MOURIESSE ; TA, Besançon, 12
février 2008 : Sté CBS, n° 800115, in
JCPA, 2008, n° 2075, note F. LINDITCH ; TA, Orléans,
28 mai 2008 : Compost Sud Essone, n° 00801520, in
Contrats et Marchés Publ., juillet 2008, n° 7, comm. 169,
note J-P. PIETRI.
* 153 J-F. BRISSON :
« Le droit au juge dans le contentieux des marchés publics.
Dynamisme, dynamique et limites du droit communautaire processuel »,
in Contrats publics, Mélanges en l'honneur du Professeur Michel
GUIBAL, textes réunis et présentés par G.
CLAMOUR et M. UBAUD-BERGERON, Université Montpellier I, coll.
Mélanges, vol 2, p. 339 : « A l'appui de [la solution
consacrée par l'arrêt Santex,] l'avocat général
Alber devait faire valoir qu'en l'espèce, l'entreprise requérante
pouvait légitimement penser que ses préoccupations avaient
été entendues, et qu'une suite favorable leur serait même
éventuellement donnée. Ce qui revient dans l'esprit du juge
à combiner protection de la confiance légitime et protection
juridictionnelle effective ».
* 154 CJCE, 7 juillet
2005 : Vereinging voor energie, aff. C-17/03, Rec. CJCE, p.
I-4983, in CJEG, 2005, p. 423, note F. MALVASSIO confirmé par
CJCE, 18 juillet 2007 : Commission c/. RFA, aff. C-503/04,
préc, point 36 : « S'agissant [...] des principes de
sécurité juridiques et de protection de la confiance
légitime, du principe pacta sunt servanda ainsi que du droit de
propriété, à supposer même que le pouvoir
adjudicateur puisse se voire opposer ces principes et ce droit par son
cocontractant en cas de résiliation du contrat, un Etat ne saurait s'en
prévaloir pour justifier la non-exécution d'un arrêt en
manquement ».
* 155 Pour illustrer la
réelle prise de conscience relative aux effets néfastes et
dévastateurs des annulations contentieuses en matière
contractuelle, voir F. LLORENS : « Les conséquences de la
nullité des marchés publics et des délégations de
service public », in CJEG, 2002, p. 571 ; R.
WINTGEN : « La rétroactivité de
l'anéantissement en droit comparé », in RDC,
2008, p. 73 mais aussi C. GUETTIER : « L'anéantissement
du contrat administratif », in RDC, 2008, p. 81.
* 156 S. TREUMER :
« Towards an obligation to terminate contracts concluded in breach of
the EC public procurement rules : the end of the status of concluded
public contracts as sacred cows »; in PPLR, 2007, p. 371:
« It is noteworthy that the judgment is unusually short and the
argumentation for the result rather laconic. [...] the laconic judgmentcould be
the result of internal disagreement between the judges on the issue at
hand ».
* 157 CJCE : 18
juillet 2007 : Commission c/ RFA, aff. C-503/04, préc.,
point 30.
* 158 CJCE, 3 avril
2008 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. C-444/06, in
Contrats et Marchés Publ., mai 2008, n° 5, comm. 110, note
W. ZIMMER.
* 159 CJCE, 3 avril
2008 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. C-444/06,
préc., point 10.
* 160 CJCE, 3 avril
2008 : Commission /c. Royaume d'Espagne, aff. C-444/06,
préc., point 55. Toutefois, la Cour prend soin de relever qu'un tel
maintien n'a vocation à s'appliquer qu'à titre exceptionnel, sous
le contrôle des juridictions et ce dans l'attente de l'adoption de
mesures urgentes (point 54).
* 161 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 sexies § 2.
* 162 Directives 89/665 et
92/13 modifiées, art. 2 quinquies § 3.
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