Il convient de souligner que « les influences entre
politique européenne et politique française de l'environnement
sont croisées74 ». (Larrue 1999: 185) Aux débuts
des années 70, la CEE prend exemple sur les expériences de
certains pays européens pour élaborer ses politiques naissantes
en matière d'environnement. Ainsi, selon un ancien fonctionnaire -
certes très franco-français -, « Le premier
programme d'action des Communautés pour l'environnement fut la
transposition du nôtre. » (Saglio 2007: 41) Le droit communautaire
s'étoffant, l'intégration s'opère davantage au niveau des
Etats membres. Mais le croisement d'influence demeure.
72 Ainsi, en France, «pour ce qui concerne le
programme de réduction du SO2, jusqu'à la mise en oeuvre de la
directive 80/779 CEE, il n'y avait pas vraiment d'objectif de qualité en
termes de milligrammes de SO2 par mètre cube d'air ». (Chabason et
Larrue 1998 : 73)
73 Notons qu'en d'octobre 2008, le gouvernement
annonce un budget de 400 millions d'euros pour favoriser la R&D des «
véhicules propres », soit dix fois plus qu'en 2003. Cette large
augmentation est à lier à la place grandissante de l'enjeu
climatique sur la scène politique.
74 Il existe également une « osmose
entre les différents ordres juridiques dans le domaine de
l'environnement ». Si l'influence extérieure sur la France est
évidente, l'inverse l'est moins. Ainsi, la législation
française sur les installations classées, dont l'origine remonte
à 1810, a pénétré dans le droit international, puis
dans le droit européen. (Kiss 1999: 58-59)
Ainsi, dans le cadre des négociations post-Kyoto, le
gouvernement français soumet l'idée d'instaurer une taxe carbone,
aussi bien au niveau national par l'intermédiaire du Grenelle, qu'au
niveau supranational par l'intermédiaire de la présidence de l'UE
par la France de juillet à décembre 2008 (voir supra). Notons que
la taxe carbone avait été avancée au début des
années 90 et, n'ayant pas suscité de consensus européen,
avait fini par être délaissée au profit du Système
d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. On
peut cependant déceler un aspect novateur dans l'initiative
française, comme le souligne un diplomate75 de la
Représentation Permanente de la France auprès de l'UE.
En effet, affirmant son souci de lutter contre les
«fuites de carbone »76 liées à une telle
taxe, la France propose la mise en place d'un « mécanisme
d'ajustement aux frontières » à l'égard des
importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à
l'effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet
de serre. Les Etats-Unis sont évidemment les premiers visés, de
même que la Chine ou l'Inde. Si la Commission européenne refuse
que le mécanisme soit actuellement intégré au «paquet
énergie-climat », elle laisse la porte ouverte pour la
période post-2012. Ainsi, le «mécanisme d'ajustement aux
frontières» représente à la fois un instrument
financier, un instrument de pression sur les partenaires de l'Europe pour
qu'ils adhèrent pleinement à un accord mondial de lutte contre le
réchauffement climatique, un instrument de crédibilité
à l'égard des entreprises européennes, et un instrument
d'accession à une position de leadership économique dans
les domaines de la technologie et des instruments de réduction des
émissions de gaz à effet de serre.
En vue de l'hostilité face à la proposition
française, provenant de pays extérieurs mais aussi de l'OMC et de
certains Etats membres, l'enjeu est de former un front européen commun
avant la conférence de Copenhague (décembre 2009).
De manière plus globale, tandis que Sarkozy souhaite
placer la France «à la tête de la politique environnementale
européenne»77, force est de constater que la loi
d'orientation Grenelle 1 représente pour une large part une
mise à niveau aux textes européens.
Au-delà des influences, la France n'en conserve pas
moins une politique environnementale qui lui est propre, avec ses
qualités et ses défauts. Le point suivant nous permettra d'en
ébaucher les contours, et de voir à quels niveaux elle
répond aux défis environnementaux de demain.