«Est virtuel quelqu'un ou quelque chose qui n'a pas
d'existence tangible, concrète, mais qui existe uniquement dans
l'imagination».
Vivrons-nous un jour dans un monde virtuel
contrôlé par notre imagination, où seul l'irréel
aura force de loi ? Où notre corps physique sera alimenté et
contrôlé par la matrice qui enverra à notre cerveau l'image
de ce monde intangible ?1
1Voir la Trilogie du Film Matrix, un film de
science-fiction réalisé par les frères Andy et Larry
Wachowski
INTRODUCTION
Avec la démocratisation de l'Internet et
l'amélioration des flux, les jeux en réseaux se sont
répandus et développés.
En effet, le marché des jeux en ligne totalise un
chiffre d'affaire de 2,5 milliards de dollars et représente 18 millions
de joueurs à travers le monde2. Ces jeux en ligne prennent
diverses formes (les jeux en ligne massivement multi-joueurs et les
univers virtuels3) et peuvent avoir différentes
thématiques (jeux de rôle, jeux d'action, simulation de vie
sociale).
Les performances graphiques de ces jeux en ligne sont de plus
en plus poussées. Par ailleurs, ces environnements numériques
représentent au plus prés la réalité, au point de
les différencier des jeux classiques.
Le monde virtuel est ainsi défini comme un ordinateur
simulant un environnement en 2D ou 3D lequel imite la réalité et
permet une interaction sociale entre les utilisateurs4. Dans ce
monde, le joueur est représenté par un avatar qui est sa
représentation graphique.
Ce dernier accomplit des quêtes, combat des monstres, gagne
ou achète des points d'expérience, augmente ses
pouvoirs5.
Ce personnage graphique est tout d'abord l'incarnation d'une
divinité Hindoue dans une forme humaine ou animale, spécialement
l'une des incarnations de Vishnu telle que Rama et Krishna. Il est l'image
d'une personne dans une réalité virtuelle : une image
tridimensionnelle qui peut être utilisée pour représenter
une personne dans l'environnement numérique6. L'avatar permet
ainsi d'identifier le joueur auprès des autres joueurs.
Ces jeux en ligne proposent un univers virtuel persistant,
évoluant de manière perpétuelle et autonome,
indépendamment des actions effectuées par le
joueur7.
C'est l'une des grandes spécificités des jeux en
ligne. Le joueur peut être déconnecté néanmoins le
monde virtuel ne s'arrête pas. Le célèbre jeu World of
Warcraft8 (WoW) est un exemple d'univers persistant. La
déconnection du joueur n'influe en rien sur le déroulement du jeu
puisque le monde continue à évoluer.
2 Arnaud Dimeglio, Martin-Daniel Gleize, «
Les produits dérivés des MMOG », CEJEM, 23 avril
2008 <
http://www.cejem.com/article.php3?id_article=271>
3 V. <
fr.jurispedia.org/index.php/jeu-en-ligne-%>
4 « A virtual world is a computer simulated 2D or 3D
environment, ranging from the simple to the complex, which mimics reality and
allows social interaction between users »
Wikipedia, Virtual World, <
http://en.wikipedia.org/wiki/Virtual_world>
5 V. Synopsis de l'intervention de Maître Pascal
Kamina au colloque du XXIème anniversaire du Magistère en droit
des techniques de l'information et de la communication, « Les jeux en
ligne : quels enjeux juridiques ? » <
www.cecoji.cnrs.fr/IMG/pdf/P._Kamina_Synopsis_.pdf>
6 V. Edward Castronova, « Virtual Worlds : a
firts-hand account of market and society on the cyberian frontier »,
CESifo Working Paper No. 618, décembre 2001
<
http://papers.ssrn.com/abstract=294828>
7 V. <
www.legalbiznext.com/droit/vol-virtuel-condamnation-relle?var_recherche=jeux+vidéo>
8 V. le site officiel de World of Warcraft
<
www.worldofwarcraft.com>
WoW enregistrait en novembre 2006, plus 7,5 millions
d'abonnées dans le monde avec un abonnement généralement
compris entre 10 et 12 dollars par mois. Ce jeu en ligne est une grande source
de profit pour l'éditeur9.
Ce dernier engrange des revenus grâce à la
publicité (présente dans le jeu) et au paiement de l'abonnement
mensuel par les joueurs. Il est logique que l'éditeur d'un jeu
vidéo soit la seule personne à faire profit. Pourtant, les
joueurs parviennent à s'enrichir par la vente d'objets virtuels issus
des jeux en ligne. « Je ne vous crois pas ! », me diriez-vous. Or,
bien que ces objets soient virtuels, un commerce bien « réel »
s'est développé.
En effet, les biens ont acquis une valeur non
négligeable. Les joueurs en ont pris conscience. Tout aussi
étonnant que cela puisse être, des objets virtuels
s'achètent sur des sites d'enchères. En 2006, le site Ebay a
enregistré 53,5 millions de dollars de ventes d'objets
virtuels10.
Le Forum des droits sur l'Internet a dressé une liste
des différentes pratiques marchandes. Ce sont la vente d'objet virtuel
contre des espèces sonnantes et trébuchantes, la vente de monnaie
virtuelle contre de l'argent réel, et la vente d'un compte de
jeu11.
Généralement, la vente d'objet virtuel à
l'aide de monnaie réelle est illicite. Le contrat de licence l'interdit
catégoriquement. Certains éditeurs de jeu en ligne essaient de
contrôler ces pratiques à travers des plateformes
d'échange. L'éditeur est par conséquent
l'intermédiaire entre l'acheteur et le vendeur. Il y tire son
épingle du jeu puisqu'il prend une commission à chaque
transaction12. Pour exemple, Sony s'assure le contrôle de
commerce d'objet virtuel grâce à son site Sony online
Entertainment (SOE)13 : site de vente aux enchères d'items
virtuels issus du jeu Everquest II.
Nous constatons que l'argent a pris une grande place dans un
monde virtuel où le mot « divertissement » devrait être
normalement le moteur. Ainsi, Julian Dibbell écrit que « la
79ème nation n'existe pas. La population est de 225 000
habitants, et le salaire horaire de 3,42$. Bienvenue au paradis virtuel
!»14
Il convient de préciser que toute vente suppose un
transfert de propriété du vendeur à l'acquéreur.
Pour cela, le vendeur de la chose doit être, bien évidemment,
propriétaire du bien car la vente de la chose d'autrui est
nulle15. Il est donc primordial de savoir si les biens virtuels sont
des biens juridiques au sens du droit des biens : c'est-à-dire s'ils
sont susceptibles d'appropriation ?
9 Supra note 5
10 V. <
http://www.breitbart.com/article.php?id=0701301
95935.f98650wg&show_article=1>
11 Le Forum des droits sur l'Internet, «
Puis-je vendre mon compte, de la monnaie, des objets d'un jeu vidéo
en ligne ? », 18 mars 2008
<
http://www.foruminternet.org/particuliers/fiches-pratiques/internautes/jeux-video-en-ligne/puis-je-vendre-moncompte-de-la-monnaie-des-objets-d-un-jeu-video-en-ligne-2591
.html>
12 Arnaud Dimeglio, Martin-Daniel Gleize, «
Les produits dérivés des MMOG », CEJEM, 23 avril
2008 <
http://www.cejem.com/article.php3?id_article=271>
13 V. la station d'échange <
http://www.station.sony.com/sonyonline>
14 V. Julian Dibbell « The Unreal Estate
Boom », Wired, janvier 2003 : « The Richest Nation on earth
doesn't exist. The population is 225,000, the hourly wage $3.42. welcome to
virtual paradise, where a carpenter can live in the castle of his dreams...
».
15 Art. 1599 du Code Civil
En effet, les auteurs parlent aujourd'hui du concept de «
propriété virtuelle ». Les joueurs revendiquent un droit de
propriété sur les objets virtuels qu'ils ont acquis à
l'intérieur et/ou à l'extérieur du jeu. Ils souhaitent
acquérir une véritable protection de leur«
propriété virtuelle ».
Tout n'est pas rose dans les mondes virtuels. De nombreuses
recherches ont révélé que la plupart des crimes commis
dans les jeux en ligne est directement liée au détournement de la
propriété virtuelle16 . Cette propriété
a une réelle valeur pécuniaire au sein de ces univers.
Le joueur tient une place prépondérante dans les
mondes virtuels. Une pleine liberté de création est offerte au
joueur. Il peut créer des contenus (meuble virtuel, immeuble virtuel...)
grâce à des outils de modélisations offerts par
l'éditeur du jeu.
Dans le célèbre univers virtuel Second
Life17 (SL), les joueurs se considèrent comme
des résidents. Ils étaient plus de 2,7 millions
d'inscrits18 courant janvier 2007. SL un espace virtuel en 3D
où le joueur peut vivre une « Seconde Vie ». Crée par
le studio Linden Lab, SL est sorti en 2003 et a connu un énorme
succès. C'est « une simulation de vie, dans un monde virtuel
». Le résident explore un monde virtuel vierge et débute sa
« Seconde Vie »19. SL diffère de World of
Warcraf. D'une part, il n'y a pas de quête à accomplir.
D'autre part, le joueur peut ajouter au monde virtuel ses créations.
Par ailleurs, l'éditeur de SL reconnaît au joueur
un droit de propriété intellectuelle sur leur création,
à l'inverse de l'éditeur de WoW qui se réserve tous les
droits de propriétés. Paul Van Den Bulck estime que le jeu
vidéo serait protégé doublement par le droit20
: entre les éditeurs ayant un droit d'auteur sur le logiciel (moteur du
jeu en ligne) et les joueurs dont l'activité créatrice ne peut
être remise en cause.
Selon certains éditeurs, aucune protection par le droit
d'auteur ne peut être reconnue aux joueurs sur leurs avatars. Ce
personnage graphique serait la propriété de l'éditeur.
Celui- ci fournit le monde virtuel. Or, comme le souligne Paul Van Den Bulck
« le titulaire de droits portant sur un logiciel n'est pas
automatiquement titulaire des éventuels droits portant sur les
créations pouvant interagir avec celui-ci »21.
Les joueurs souhaitent une meilleure protection de leurs
créations contre toute suppression arbitraire. Ces «
joueurs-créateurs » sont confrontés à de
nombreux problèmes. Ils sont souvent opposés à la
politique de l'éditeur « tout puissant ». Comme dans le monde
réel, les joueurs considèrent légitiment qu'il doit
exister une réparation aux « atteintes portées aux droits
d'auteurs qu'ils revendiquent sur leurs avatars »22.
16 NRC-CNRC, Protection of Virtual Property in
Online Gaming, Song, R., Korba, L., Yee, G., and Chen, Y.C., septembre
2005
17 V. le site officiel de Second Life <
http://secondlife.com>
18 Aurélien Pfeffer, « Second Life,
Monde virtuel et communauté sociale », Portail JeuxOnLine,
publié le 21 janvier 2007, p 2
<
http://www.jeuxonline.info/article/31
54/monde-virtuel-communaute-sociale>
19 V. la fiche de Second Life sur Wikipédia
<
http://fr.wikipedia.org/wiki/Second_Life>
20 Paul Van Den Bulck, Le régime juridique
des avatars crées dans le cadre des jeux vidéos »,
Propriété Intellectuelle, Juillet 2007/ N°24 p 281
21 ibid.
22 ibid.
Du fait de la perméabilité entre le monde
virtuel et le monde réel, le « joueur- créateur
» peut revendiquer un droit d'auteur sur l'objet immatériel
qu'il a créé dans le réel et introduit dans le monde
virtuel23.
Face au phénomène des jeux en ligne, de
nombreuses questions juridiques se posent, notamment la revendication des
joueurs sur la propriété des objets virtuels. Cette revendication
est-elle légitime ?
Qu'est ce que la propriété dans ces univers
dématérialisés où le tangible n'est
représenté que par le serveur contenant ces mondes virtuels. Il
s'agit de s'avoir si l'article 544 du code civil aura vocation à
s'appliquer. En plus de la reconnaissance d'un droit de
propriété, un droit de propriété intellectuelle sur
les objets virtuels pourrait être reconnu aux joueurs.
Il s'agit de savoir si le joueur peut revendiquer un droit
d'auteur sur les objets numériques. L'article L1 11-1 du code de la
propriété intellectuelle (CPI) le permettrait, puisqu'il
confère une protection à toute oeuvre littéraire ou
artistique présentant un caractère orignal et marquant
l'empreinte de la personnalité de son auteur.
À travers cette introduction, nous constatons que la
reconnaissance d'une « propriété » sur les objets
numériques qu'elle soit intellectuelle ou « matérielle
» sera le point primordial du mémoire.
Les revendications de plus en plus pressantes des joueurs sur
la propriété des objets numériques conduisent à
nous pencher sur la nature de la propriété dans les univers
virtuels. En effet, le droit de propriété virtuelle est
aujourd'hui une réalité (Titre 1). Par ailleurs,
un droit de propriété intellectuelle semble coexister avec un
droit de propriété virtuelle, puisque les joueurs peuvent
prétendre à un droit d'auteur sur leurs créations.
Néanmoins, dans certains jeux en ligne, l'éditeur s'oppose
catégoriquement à cette protection en se réservant les
droits sur les objets virtuels (Titre 2).
23 « Dans Seconde Life,.. le monde virtuel se
prolonge dans le monde réel dans la mesure où certains
immatériels appartiennent à la fois aux deux mondes : ce sont des
idées des formes, des oeuvres numérisées, des logiciels,
qui peuvent se produire et s'échanger virtuellement, mais qui peuvent
aussi être mis en valeur directement dans le monde réel. »
Michel Gensollen « l'économie réelle des
univers persistants : vers une propriété virtuelle ? »,
janvier 2007, p. 9 <http ://
www.gensollen.net/2007_gensollen_virtuel_court.pdf>
TITRE I
LA NATURE DE LA PROPRIETE DANS L'UNIVERS VIRTUEL
Les biens incorporels étaient traditionnellement
écartés de la protection du droit des biens. En effet, seuls les
biens matériels étaient susceptibles d'appréhensions
physiques. Aujourd'hui, ayant acquis de la valeur, ces biens immatériels
sont progressivement pris en compte par le droit de propriété
(Chapitre 1). Le droit de la propriété
intellectuelle en est l'exemple puisque cette richesse incorporelle semble
accéder, au même titre que le droit de propriété,
« au panthéon de la hiérarchie des normes »
(Chapitre 2).
CHAPITRE 1
L'IMMATÉRIALITÉ DES OBJETS VIRTUELS : UNE
POSSIBLE PRISE EN COMPTE PAR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ
Dans le monde « réel », nous connaissons le
droit de propriété tandis que dans les univers virtuels, nous
utilisons le concept de propriété virtuelle pour parler des
objets intangibles appropriés par les joueurs. Il s'agira tout d'abord
d'analyser le contenu de ces propriétés (Section
1) et d'ensuite de détecter les éléments qui les
rapprochent (Section 2).
Section 1 : Du réel au virtuel : le contenu de la
propriété
Avant de pouvoir rapprocher le droit de propriété
(§1) au droit propriété virtuelle
(§2), il faut bien évidemment effectuer une
analyse séparée de ces propriétés.
§1 : La propriété dans le monde
«réel» : le droit de propriété
Le droit de propriété du monde réel
trouve son assise à l'article 544 qui est resté inchangé
depuis la codification du code civil (A). Par l'utilisation du
terme «chose», le droit des biens distingue
généralement les biens corporels et les biens incorporels
(B).
A. Le texte fondamental : l'Article 544 code
civil
Le texte fondamental est l'article 544 du code civil. Il
énonce que « la propriété est le droit de jouir
et de disposer des choses de la manière la plus absolue ».
C'est l'un des articles le plus ancien du code civil et sa
rédaction n'a pas changé depuis près de deux
siècles. Il est situé au titre deuxième (de la
propriété) du livre deuxième (des biens et des
différentes modifications de la propriété). Toutes les
choses peuvent faire l'objet d'une appropriation privée, à
l'exception de celles qui appartiennent au domaine public.
Le droit de propriété comporte trois
prérogatives. Il confère au propriétaire des attributs du
droit de propriété que sont l'usus, le fructus
et l'abusus. Ainsi, le propriétaire est directement en contact
avec son bien. Il a une maîtrise totale sur la chose.
Il dispose du droit d'usage (l'usus). Il a la
liberté de choisir la destination et l'affectation de la chose. Par
ailleurs, il peut négativement ne pas user de son bien et ne sera pas
pour autant dépossédé de son bien car la
propriété ne s'éteint pas par le non-usage.
Le titulaire du bien peut en disposer (l'abusus) : le
vendre, le détruire ou l'abandonner. Enfin, il peut également
percevoir les fruits de son bien et en disposer librement. C'est le droit de
jouissance (le fructus).
S'agissant de ses caractères, le droit de
propriété est tout d'abord absolu. Le propriétaire peut
accomplir tous les actes matériel et juridique qui ne lui sont pas
interdits. Il existe tout de même des limites ; la loi peut porter
atteinte au droit de propriété (l'exemple de l'expropriation). Le
droit de propriété est ensuite perpétuel. Cela signifie
qu'il ne s'éteint pas par la disparition de son titulaire. Il est
transmissible aux héritiers. De plus, il ne se perd pas par le non-usage
: en principe, la prescription extinctive ne l'atteint pas.
Pour finir, le droit de propriété est un droit
exclusif. Seul le propriétaire peut user de la chose et peut donc en
interdire l'utilisation à tout autre personne24. Il peut
interdire un tiers de violer sa propriété. Même si
l'empiètement n'est que minime, puisque « la défense du
droit de propriété contre un empiètement ne saurait
dégénérer abus mais qu'en vertu de l'article 545 du code
civil nul ne peut être contraint de céder sa
propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique
», arrêt de la cour de cassation du 7 juin 1990, époux
Gabrielli.
24 Mousseron, Raynard, Revêt, "De la
propriété comme modèle", Mélanges Colomer,
Litec 1993, p. 281.
Il faut préciser que « la
propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en
priver, si ce n'est lorsque la nécessité publique,
légalement constatée, l'exige évidemment et sous la
condition d'une juste et préalable indemnité... ». Ce
principe a été proclamé par l'article 17 de la
Déclaration de 1789. Cet article fondamental s'appliquerait au monde
réel comme au monde virtuel. D'autant plus que la décision du 16
janvier 1982 du Conseil Constitutionnel a réaffirmé le
caractère fondamental du droit de propriété.
B. Distinction implicite entre biens corporels et biens
incorporels
L'article 544 utilise le terme « chose ».
Généralement on parle indifféremment de « choses
» ou de « biens ». Lorsque nous faisons référence
au terme « bien », cela renvoie aux choses matérielles car une
chose ne possède une valeur économique pour une personne que si
la personne peut exercer un droit sur cette chose et peut se l'approprier.
Par ailleurs, une distinction est faite entre les biens
corporels et les biens incorporels. Les biens corporels sont appropriables, et
ont une matérialité : « un corps »25.. Ces
biens sont tangibles car ils peuvent être saisis par l'homme (par la vue
et le toucher). Ils sont susceptibles d'appréhension physique. La
particularité est que ces biens incluent les choses de la nature alors
que les biens incorporels sont nécessairement des créations
humaines.
Les biens incorporels ont une existence abstraite. Ils sont
des biens immatériels qui ne peuvent pas être
matériellement appréhendés par la main ou le
regard26. Ainsi, les fruits de l'activité professionnelle
(clientèle commerciale, banques de données, tous les droits
d'associés et parts sociales) et les oeuvres de l'esprit (brevet
d'invention, dessins et modèles) sont des biens incorporels, des biens
détachés de tout support matériel.
Cette distinction entre biens corporels et biens corporels se
déduit implicitement du code civil. Traditionnellement, la doctrine
considère que seules les choses corporelles, « res quae tangi
possunt », peuvent être l'objet d'une véritable
propriété. Cette conception traditionnelle est de plus en plus
contestée. Il semble que le droit de propriété prend
progressivement en compte l'incorporel.
§2 : La propriété dans le monde virtuel :
le concept de « la propriété virtuelle »
Après avoir tracé un bref tableau de ce qu'est
le droit de propriété dans le monde réel, il s'agit
ensuite de définir ce concept important : la propriété
virtuelle.
La propriété virtuelle dans le monde de
l'Internet inclut « les noms de domaines, URL (Uniform Resource
Locators), sites Internet, comptes d'email »27. Le
propriétaire de cette ligne de code a la faculté d'exclure un
tiers de l'utilisation de sa propriété virtuelle. Pour exemple,
le propriétaire d'un nom de domaine peut exclure tout tiers à
l'utilisation de son nom de domaine. De même, pour l'adresse email, une
seule personne sera titulaire du compte ; et lui seul recevra les messages dans
sa boîte email.
25 Juris-Classeur : Les biens, fascicule A, code civil
Art 488 à 514, à App. Art 544 à 577
26 Ibid.
27 Susan H. Abramovitch et David L. Cummings,
« Virtual property, real law : the regulation of property in video
games »
<
http://www.gowlings.com/resources/publicationPDFs/abramovitch_VirtualProperty.pdf>
Dans les jeux en ligne, la propriété virtuelle
est constituée d'objets (armes, armures...), de caractères
(l'avatar), de monnaies (pièces d'or,...), d'immobiliers virtuels
(maisons, magasins, bâtiments...) et de comptes de jeux28.
La spécificité des jeux en ligne est que le
joueur détient une propriété virtuelle à travers
son avatar qui peut par exemple détenir une épée. Comme
dans le monde réel, aucun autre joueur ne peut virtuellement
détenir cette même épée. Ce bien virtuel ne peut
être répliqué, dans le sens où, un joueur tiers ne
peut pas utiliser le clic droit pour copier l'objet virtuel29.
Le joueur peut acquérir une propriété
virtuelle de différentes manières. L'avatar peut amasser des
richesses lors d'une quête en tuant un monstre par exemple. Celui-ci en
mourrant laisse tomber des pièces virtuelles. L'avatar n'a plus
qu'à cliquer sur le cadavre et récupérer les
pièces. Ainsi, les richesses accumulées lors des quêtes lui
appartiennent. Ce cas de figure se retrouve dans le jeu en ligne WoW qui est le
jeu massivement multi-joueur par excellence. Internationalement
reconnu, WoW enregistre plus de 10 millions de participants30.
Dernièrement, une publicité mettant en scène Jean-Claude
Van Damme en faisait la promotion.
L'autre moyen d'amasser des biens virtuels est
l'échange d'objet entre deux avatars. L'avatar peut échanger des
objets contre des pièces d'or (virtuelles). Cet échange ne
s'opère qu'au sein du jeu.
Dans SL, il existe une monnaie qui est le Linden dollar (du
nom du créateur de SL) qui peut être échangé en
monnaie réelle31. Il est ainsi possible d'acquérir une
propriété virtuelle par l'achat d'objets virtuels à
l'extérieur du jeu avec de la monnaie bien « réelle »
cette fois ci. Cette pratique marchande prospère bien que
l'éditeur l'interdit. Nous y reviendrons plus tard32.
Il faut distinguer deux types d'utilisateurs de monde virtuel.
Il existe tout d'abord des joueurs « acharnés » (les
« hardcord players »). Leur seul but est de faire du profit
grâce au monde virtuel. Ils y passent des heures et des journées
entières. Leurs avatars acquièrent même une certaine
reconnaissance au sein de la communauté.
Complètement différent des joueurs
précités, le joueur « occasionnel » (guidée par
l'amour du jeu) se connecte de temps en temps33. Nous constatons que
le joueur qui se connecte régulièrement augmentera plus
rapidement sa propriété virtuelle.
28 Dr. Richard A. Bartle, « Pitfalls of
virtual property », The Temis Group, avril 2004, p. 4 <
http://www.themis-group.com/uploads/Pitfalls%20of%20Virtual%20Property.pdf>
29 V. Michel Meehan, « Virtual Property :
Protecting bits in context », p. 7 <
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=908924>
30 V. <
www.astrosurg.org/luxorion/second-life.htm
31 V. <
www.filmweb.fr/?p=51
32 Infra, Section : Tentative des
éditeurs de restreindre la propriété virtuelle par le
Contrat de Licence d'Utilisateur Final (CLUF), p. 33
33 Aurélien Pfeffer, « La
commercialisation d'objets virtuels », Portail JeuxOnLine, publié
en décembre 2004 (mise à jour décembre 2005), p. 4
<
http://www.jeuxonline.info/article/mmog_vov1
01>
Section 2 : Analogie entre propriété virtuelle
et droit de propriété
Du réel au virtuel, la barrière est
perméable. Il est donc tout à fait envisageable d'appliquer le
régime des droits des biens aux choses intangibles (§1).
Par ailleurs, les caractéristiques de la
propriété virtuelle se rapprochent du droit de
propriété, plus qu'elle s'en écarte
(§2).
§1 : Une possible application du droit des biens :
déplacement du tangible vers l'intangible
Comme nous avons pu l'étudier, les objets virtuels sont
des biens intangibles existant sans corpus. Cette immatérialité
ne semble pourtant pas être un obstacle à sa protection par le
droit de propriété.
La propriété intangible que nous connaissant le
plus est notre compte en banque. Aucune monnaie n'est présente dans
notre compte. Ce n'est juste que des chiffres indiquant si notre compte est
débiteur ou non. Pourtant, notre compte n'est pas
représenté par un quelconque élément physique (une
pile de monnaies)34.
Les biens incorporels prennent une part importante du droit
des biens. En effet, la propriété s'applique à la
production de l'esprit, la propriété industrielle,
littéraire et artistique, les fonds de commerce, les valeurs
mobilières dématérialisées35
La doctrine pense qu'une redéfinition du droit de
propriété est nécessaire puisque la notion même de
propriété a subi de profondes mutations. Ainsi, F. Zénati
propose une rénovation de la théorie de la
propriété36. Il estime que les régimes des
choses corporelles et des biens immatériels sont compatibles.
Le droit de propriété dans sa forme actuelle
n'est plus adapté à un monde de plus en plus
dématérialisé. L'Internet a accéléré
le processus puisque l'immatérialité est l'essence même de
cet univers virtuel. Par conséquent, il serait « inconcevable
que le droit de propriété puisse ignorer ces valeurs immenses
qui, de nos jours, trouvent leur siège dans des biens incorporels
»37.
Aujourd'hui, le droit de propriété ne peut
être associé qu'aux biens tangibles puisque l'absence de
référence explicite à la matérialité
à l'article 544 du code civil ne permet pas d'exclure
l'immatérialité. Le terme « chose » ne fait aucune
distinction entre la matérialité d'un bien ou son
immatérialité ; il est seulement important que la chose ait
« une valeur économique, nécessaire à
l'intervention juridique »38.
34 « In law a bank account is a credit balance. It's not a
pile of money that can be stolen even though it is not representing anyhting
physical ».
Mark Ward, « Does virtual crime need real justice ?
», News BBC <
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/3138456.stm>
35 Supra note 25, La
propriété, fascicule 10
36 F. Zénati, « Pour une rénovation
de la théorie de la propriété », RTD civ 1993, 305 s,
spec., p. 312
37 Supra note 25, La
propriété, fascicule 10
38 Mousseron, Raynard, Revêt, "De la
propriété comme modèle", Mélanges Colomer,
Litec 1993, p. 281.
De plus, par abus de langage, les auteurs emploient
indistinctement les termes biens incorporels, propriétés
incorporelles, meubles incorporels, droit de propriété
intellectuelle, droit de monopole d'exploitation39.
Ce déplacement du tangible vers l'intangible permettrait
au droit de propriété d'appréhender ces biens
numériques que ce sont les objets virtuels issus des jeux en ligne.
§2 : Similitude entre la propriété
virtuelle et le droit de propriété (du monde réel)
Dans cette partie, nous cherchons à comparer la
propriété virtuelle au droit de propriété afin de
trouver des similitudes permettant de constater s'il est possible ou non de les
rapprocher. Tout d'abord, la propriété virtuelle partage trois
principales caractéristiques avec le droit de propriété
(A). Tout comme dans le monde réel, les univers
persistants disposent d'une part d'espaces publics où aucun droit de
propriété ne peut être revendiqué, d'autre part
d'espaces privés où un avatar peut interdire tout
empiètement de sa propriété (B). La
ressemblance entre les deux propriétés est encore plus frappante,
lorsqu'on imagine qu'une véritable économie calquée sur le
modèle capitaliste émerge des univers virtuels
(C).
A. Propriété virtuelle et droit de
propriété : 3 principales caractéristiques analogues
Selon Joshua Fairfield, professeur de droit à
l'Université d'Indiana, la propriété virtuelle partage
trois principales caractéristiques avec le droit de
propriété « exclusion des tiers, persistance, interconnexion
»40.
Tout d'abord la première spécificité des
MMOG41 est leur persistance. Le monde virtuel continue à
exister indépendamment de l'intervention du joueur. C'est-à-dire
même à la déconnection du joueur, le monde virtuel
évolue et change. Le monde se développe de manière
permanente (24 heures sur 24, 7 jours sur 7) et autonome42. C'est ce
qui différencie les jeux en ligne multi-joueur d'un jeu
vidéo classique. En effet, dans un jeu vidéo classique, lorsque
le joueur cesse sa partie et éteint sa console, il reprendra sa partie
à l'endroit de la sauvegarde. Le jeu n'évolue pas sans son
intervention et une partie en cours.
39 Dr. Richard A. Bartle, « Pitfalls of
virtual property », The Temis Group, avril 2004, p. 4 <
http://www.themis-group.com/uploads/Pitfalls%20of%20Virtual%20Property.pdf>
40 « Virtual property shares three legally relevant
characteristic with real world property : rivalrousness, persistence and
interconnectivity » , p. 1053
Joshua Fairfield, « Virtual property », Boston
Universtiy Law Review, vol 85, p. 1047 <
http://ssrn.com/abstract=807966>
41 Acronyme tiré de l'anglais «
Massively multi-player online game »: jeux en ligne massivement
multi-joueur
42 V. <
http://www.foruminternet.org/particuliers/fiches-pratiques/internautes/jeux-video-en-ligne/qu-est-ce-quun-mmog-2566.html>
Comme il a été vu, l'avatar est susceptible de
posséder des objets virtuels (arme, monnaie, potion..) et des immeubles
numériques43. Ces biens virtuels sont la possession d'une
seule personne (ou bien d'un groupe réduit de personnes). De plus la
possession est maintenue quand bien même le joueur ne serait plus
connecté. Ce dernier retrouve sa propriété quand il se
connecte de nouveau44. Ses biens virtuels ne disparaissent pas et
sont toujours présents dans son compte de jeu. Dans le monde
réel, il se produit la même chose puisqu'une personne ne perd pas
la propriété de son bien lorsqu'elle ne l'utilise pas pendant un
certain temps (le non usage ne l'atteint pas sous réserve de la
prescription acquisitive).
L'autre caractéristique est l'interconnexion. À
l'instar du monde « réel », le bien numérique peut
être transmis à une autre personne. Cette interconnexion permet
l'échange d'objet virtuel. L'avatar peut ainsi interagir avec un autre
avatar, et transférer des objets numériques d'un compte de jeu
à un autre. Nous retrouvons encore une fois les mimiques du monde «
réel ».
Enfin, l'avatar dispose d'un droit d'exclusivité sur
son bien. Il est habilité à user de la chose en excluant les
tiers. Il sera ainsi le seul à utiliser « son épée
magique » qu'il aura vaillamment gagnée lors d'un combat. Les
autres avatars n'auront pas accès à cet objet.
Il semble que l'avatar dispose des attributs et
caractères d'un véritable « propriétaire »
(droit d'user, droit d'exclure, de transférer l'objet virtuel au sein du
monde virtuel).
B. Distinction entre espace public et espace privé
« virtuel »
Comme dans le monde réel, le monde virtuel est
constitué d'espace privé et d'espace public : ces derniers sont
des sortes de « domaines publics virtuels »45.
Dans le monde virtuel MUD LambdaMOO, un joueur
revendiquait un droit de propriété individuel sur un objet
virtuel qui relevait du « domaine public virtuel ». Il a fallu tout
d'abord déterminer les biens virtuels qui relèveraient de cet
espace public et ensuite l'entité qui serait à la charge de ce
domaine public. Il fut ainsi créé une autorité de
régulation « Architecture Review Board »
contrôlant cet espace public « virtuel »46. Cet
espace est insusceptible d'appropriation par un joueur.
À l'inverse, l'espace privé virtuel est la
propriété du joueur. Il peut en interdire l'accès. Dans
SL, il est possible d'acheter un espace vierge et d'y faire bâtir ses
immeubles. Le joueur est maître des lieux et sa propriété
ne peut être violée. Il acquiert une sorte de « titre de
propriété virtuelle » opposable à tous les autres
résidants.
Les mondes virtuels devraient être
considérés comme l'extension du monde réel et par
conséquent, les utilisateurs doivent être traités par la
loi de la même manière que dans le monde réel.
43 Supra §2 : La propriété
dans le monde virtuel : le concept de « la propriété
virtuelle » p. 10
44 <
http://en.wikipedia.org/wiki/Virtual_economy>
45 Aurélien Pfeffer, « La
commercialisation d'objets virtuels », Portail JeuxOnLine, publié
en décembre 2004 (mise à jour décembre 2005), p. 5
<
http://www.jeuxonline.info/article/mmog_vov1
01>
46 Ibid. p. 6
C. Valeur réelle des objets virtuels : rapprochement
au modèle économique du monde « réel »
Une véritable économie émerge des mondes
virtuels. La vente d'objet virtuel est monnaie courante. D'autant plus qu'une
véritable monnaie virtuelle est utilisée lors de la vente d'objet
virtuel. Cette monnaie virtuelle est convertible en monnaie réelle. On
parle de RMT «Real Money Transfer» ou de RCE «Real
Cash Economy ». Et dans le sens inverse, la monnaie réelle est
convertible en monnaie virtuelle47. La monnaie de SL est le
Linden Dollar. Pour exemple 1000 Linden Dollar vaut environ 3
euros48. Dans le monde virtuel Entropia
Universe49, le joueur possède une carte de crédit
qui lui permet de changer sa monnaie virtuelle en monnaie réelle et
ensuite retirer l'argent gagné50.
C'est une vraie économie de marché, où la
monnaie fluctue en fonction de l'offre et de la demande. Certains objets
numériques sont présents en quantité limitée dans
le jeu. Cette rareté augmente la valeur de l'objet. Nous retrouvons une
fois de plus les signes d'une économie calquée sur le monde
« réel »51.
En effet, le système du droit de
propriété virtuelle est le miroir du droit de
propriété du monde réel en ce qu'il reproduit le
modèle capitaliste52. Face à cet énorme
commerce d'objet virtuel en argent réel, Allen Chen, auteur de
« A pratical look at the virtual property » ( Un regard
pratique sur la propriété virtuelle) se demande si le monde
virtuel est toujours un j eu53.
Les artistes, designers, propriétaires et
spéculateurs transforment ces environnements virtuels en un centre de
profit du monde « réel »54. Environ 900 000 US$
sont échangés chaque 24h par les résidents55 de
Second Life. La propriété virtuelle peut être
créée, échangée, vendue et achetée. Pour
exemple, une île virtuelle du MMOG Project Entropia s'est vendue
pour plus de 19500 euros (13700 livres sterling) 56.
47 Dossier du Forum des droits de l'Internet : les
jeux en réseau massivement multi-joueurs : « Du virtuel au
réel », p. 4
<
www.foruminternet.org/telechargement/
documents/dossier-jeux-20060626.pdf>
48 <
www.astrosurg.org/luxorion/second-life.htm>
49 V. le site officiel
<http://www.entropiauniverse.com/>
50 V. <
www.afjv.com/juridique/0702/09_droits_loi_vente_objets_virtuels.htm>
51 Supra note 43, « The
existence of these conditions create en economic system with properties similar
to those seen in contemporary economies »
52 « Perhaps the most striking feature of the property
systems of the virtual worlds is how closely they mirror the real world, or at
least the subset of the real world known as Western capitalist economies
»
F. Gregory Lastowka et Dan Hunter, « The laws of the
virtual worlds », 92 Calif. L. Rev, 14-28, Université de droit
de Pennsylvanie, mai 2003 p. 41
<
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=402860>
53 Isnt'it just a game ? »
Allen Chen, « A pratical look at virtual property
», ST. John's Law Review, Vol. 80 :1059, 28 oct. 2006, p. 1066 54
« Artists and designers, landowners and currency speculators are turning
the virtual environnment of Second Life into a real world profit center ».
<
www.wired.com/gaming/virtualworlds/news/2006/05/70909>
55 Aurélien Pfeffer, « Second Life, Monde
virtuel et communauté sociale», Portail JeuxOnLine, publié
le 21 janvier 2007, p 2 <
http://www.jeuxonline.info/article/31
54/monde-virtuel-communaute-sociale>
56 Allen Chen, op. cit., p 1067
Il est possible de faire fortune sur SL. Anche Chung, une
Allemande d'origine chinoise, est devenu millionnaire grâce à ses
créations qu'elle vendait sur SL. Elle s'est spécialisée
dans la création de maison dotée d'un très fort
esthétisme n'ayant pas laissé les résidants
insensibles57. Le succès de la vente de ses créations
et les revenus qu'elle en a tiré, lui ont permis de créer sa
société « réelle ». Son entreprise a ainsi
enregistré en 2005, un chiffre d'affaires de plus d'un million
d'euros58. Elle fait travailler une vingtaine de personnes qui
réalisent des bâtiments virtuels.
Certains joueurs sont contre l'intrusion de l'argent dans le
jeu. En effet, le sens premier des jeux en ligne, le divertissement est mis
à mal par l'activité marchande. Il existe des joueurs qui ne
cherchent qu'à s'enrichir à l'aide de ces univers. Or, le monde
virtuel doit rester un jeu, et l'investissement n'a pas lieu
d'être59.
Des sites spécialisés dans la vente d'objet
virtuel se sont développés. Le Forum de l'Internet a
dressé une liste des produits ou services proposés par ces
plateformes spécialisées. Il existe un service d'accompagnement
ou de remplacement du joueur (« powerleveling ») par un
accompagnateur qui se charge de faire progresser le joueur. Ces plateformes
permettent également le change de l'argent réel en monnaie
virtuelle, l'achat d'objets virtuels, le transfert de personnages et de comptes
de jeu60.
Le site : Internet Gaming Entertainment61
s'est spécialisé dans la vente et l'achat d'objet provenant des
mondes virtuels. Le site est accessible 24 heures sur 24 et garantie une
sécurité de transaction. Il est ainsi possible d'acheter pour 925
dollars US (environ 711 euros) 40 000 pièces d'or issues du jeu WoW
pourtant l'éditeur l'interdit à travers le contrat de licence.
Les joueurs, contrevenant aux règles
édictées par le contrat de licence, sont dans la majorité
des cas bannis du jeu. Leurs comptes sont supprimés. Ils perdent tous
leurs biens numériques.
57 Supra note 55 p. 4
58 V. <
www.scaraye.com/article.php?rub=1&sr=2&a=441>
59 V. Matt, « Virtual World Ownership
», 12 octobre 2006 : « Do it because it's fun. Do it as a
past-time, as a hobby. But don't do it as an investment ».
<
http://forge.ironrealms.com/2006/1
0/12/virtual-world-ownership>
60 Dossier du Forum des droits de l'Internet : les
jeux en réseau massivement multi-joueurs : « Du virtuel au
réel », p. 15
<
www.foruminternet.org/telechargement/
documents/dossier-jeux-20060626.pdf>
61 IGE est une plateforme d'achat et de vente en ligne
d'objet et de monnaie provenant de MMOG <
www.ige.com>
Cette sévérité peut s'expliquer.
L'éditeur du monde virtuel assimile cette activité marchande
à de la tricherie. Michel Gensollen, considère également
que le commerce d'objet virtuel s'apparente à de la tricherie contestant
les limites du jeu62. En effet,le joueur cherche à faire
évoluer son personnage virtuel le plus rapidement possible. Il est
tenté d'acheter directement des objets virtuels (exemple une
épée) qui augmenteraient les capacités de son personnage
et lui permettraient de passer au niveau supérieur. L'achat d'objet
virtuel effectué hors des cadres du jeu facilite cette
progression63.
Le site d'enchère Ebay est désormais contre ces
transactions qui ne respecteraient pas les droits de propriétés
intellectuelles des véritables créateurs des biens
numériques64. Il s'oppose à la vente d'objets virtuels
(or, armure et tout autre équipement) issus principalement de WoW et
d'autres jeux en ligne. Cette restriction ne s'applique pas à SL qui
n'est pas considéré comme un jeu65. Il est clair que
le site d'enchère ne souhaite pas prendre de risque et de se retrouver
poursuivi pour contrefaçon.
Malgré les nombreuses ressemblances, il est possible de
répertorier des différences entre ces deux systèmes de
propriété.
En effet, la propriété virtuelle n'est pas
limitée par les mêmes contraintes spatiales que le droit de
propriété. Le droit de propriété a son champ
d'action dans un seul monde (le réel) tandis que la
propriété virtuelle est présente dans un nombre
illimité d'univers virtuel, tous différents les uns que les
autres.
De plus, les biens virtuels ne sont que du code binaire (0 et
1) traduit à travers l'image de notre écran. Certains experts
mettent en garde les joueurs qui assimileraient les biens virtuels à une
propriété puisque « les objets numériques d'un
joueur ne signifient rien car ceux sont par nature une base de donnée
créée par l'éditeur du jeu »66.
L'épée virtuelle n'a d'utilité, une fonction (tuer des
monstres) qu'au sein du jeu. À l'extérieur du jeu,
l'épée virtuelle est inutile67.
Certes, il existe des différences, mais elles n'auront
aucune incidence, à mon sens, sur la reconnaissance possible d'un droit
de propriété sur les objets virtuels.
Nous avons vu que les objets numériques
s'échangent avec de la monnaie réelle, et que des sites se sont
spécialisés dans la vente d'objet virtuel. Ces
éléments permettent de conclure qu'il y a beaucoup
d'éléments qui rapprochent ces deux systèmes de
propriétés « réelles » et « virtuelles
».
62 V. Michel Gensollen « l'économie
réelle des univers persistants : vers une propriété
virtuelle ? », janvier 2007, Il écrit « acheter un avatar ou
un objet utile à la progression de son personnage, revient à
sauter certaines phases du jeu qui s'avèrent ennuyeuses », p. 6
<http ://
www.gensollen.net/2007_gensollen_virtuel_court.pdf>
63 Ibid. M. Gensollen, ,
écrit que « les joueurs achètent des
éléments qu'ils auraient dû gagner dans le cadre du jeu
afin d'obtenir le statut attaché à cette possession »
64 « Le vendeur doit posséder les droits de
propriétés intellectuelles ou avoir une autorisation de
distribution de la part de leur détenteur ».
<
www.ecrans.fr/ebay-coup-d-arret-a-l-economie-html>
65 V. <
http://www.breitbart.com/article.php?id=0701
30195935.f98650wg&show_article=1
66 « The `assets' of one player could mean nothing to others
as they are by nature just data created by game providers »
<
http://news.cnet.co.uk/gamesgear/0,39029682,391
89904,00.htm>
67 V. <
www.mmorpg.eu/eula_fr.html>
CHAPITRE II
LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : EXTENSION DE SON
CHAMP D'APPLICATION AU DROIT DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Section 1 Le droit d'auteur : les caractéristiques
d'une « pleine » propriété
Comme, nous l'avons vu précédemment, les
richesses ne se réduisent plus aux biens corporels. Le droit des biens
devient « immatériel et virtuel » et peut s'approprier les
biens incorporels. Le droit de propriété n'a plus le même
sens que lors de sa rédaction, et a connu « depuis 1789 une
évolution caractérisée par une extension de son champ
d'application à des domaines nouveaux ; (...) parmi ces derniers,
figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le
droit d'auteur et les droits voisins »68.
En effet, dans un monde dématérialisé, le
droit de propriété est progressivement conduit à prendre
en compte les biens incorporels « que sont les créances, les
valeurs mobilières, les informations, les données, les
dénominations sociales, et, surtout, ces choses, objets d'un droit de
propriété intellectuelle organisé, que sont les oeuvres,
inventions ou marque »69. Ces richesses incorporelles
d'une grande valeur comptent parmi elles : le droit de propriété
intellectuelle.
Le droit de propriété repose sur la possession
du support « physique ». S'agissant des possessions incorporelles, il
n'est pas possible d'établir une possession physique sur les oeuvres
immatérielles. Pour autant, une propriété existe. Par une
fiction légale, un droit de propriété «
intellectuelle » a été crée. L'auteur (le
créateur) devient ainsi « propriétaire » de son
oeuvre70.
De vifs débats doctrinaux se sont penchés sur la
question de savoir si le droit de propriété intellectuelle est un
droit de propriété. Christophe Caron se demande si « un
droit commun des biens en droit de la propriété intellectuelle
» peut exister71.
Une chose est sûre, nous retrouvons dans le Code de la
Propriété Intellectuelle, le terme de «
propriété » à de nombreuses reprises : le droit de
propriété incorporelle (article L. 111-1), la
propriété commune (article L.1 13-2), titre de
propriété industrielle (article L. 611-1), le droit de
propriété sur cette marque (article L. 713-1) 72.
68 Christophe Caron, « Droit d'auteur et droits
voisins », Litec, octobre 2006 p. 11
69 Christophe Caron, « Du droit des biens en tant
que droit commun de la propriété intellectuelle », JCPG 2004
I. 162, p. 1623
70 P. L. Torremans, "Le droit d'auteur en tant que
droit de l'Homme", Propriétés intellectuelles, avril
2007, N° 23, p. 174
71 Christophe Caron, op. cit., p. 1624
72 Ibid.
Par ailleurs, l'auteur ou un breveté semble disposer
sur son oeuvre des mêmes prérogatives qu'un véritable
propriétaire. L'exclusivité sur l'oeuvre ou l'invention, les
permet d'interdire de manière absolue autrui de l'utiliser. Au
contraire, ils ont la faculté d'autoriser. L'inventeur peut exploiter
son brevet (usus), en jouir en concédant à un tiers une licence
d'exploitation moyennant le versement d'une redevance (fructus) ou bien le
céder (l'abus)73. Le créateur concède au public
la « jouissance intellectuelle » mais dans le même temps il se
réserve le droit de jouir et de percevoir les fruits de sa
création. Il détient ainsi un pouvoir exclusif, absolu et
opposable à tous74. Ces éléments
caractérisent la propriété des créateurs sur leurs
oeuvres.
D'où, il serait justifié et souhaitable que la
propriété intellectuelle soit rattachée au droit des biens
car « la propriété du Code de la propriété
intellectuelle correspond dans ses grandes lignes, à la
propriété du Code civil75 ». Le droit
d'auteur serait donc une propriété, car il est une branche
spéciale du droit des biens.
Le Chapelier affirmait déjà que «
l'ouvrage, fruit de la pensée d'un écrivain » est
« la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable
et (...) la plus personnelle de toutes les
propriétés76 ». V. Hugo, quant à lui,
déclarait qu'il existe une propriété de l'auteur sur
l'oeuvre littéraire.
Quant aux instances européennes, elles affirment
expressément que « la propriété intellectuelle a
été reconnue comme faisant partie intégrante de la
propriété » (V. la directive du 22 mai 2001 « sur
l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins
dans la société de l'information »).
Section 2 Inclusion du droit d'auteur dans la
catégorie des droits de l'homme
Il est aujourd'hui fréquent que les auteurs
déclarent que le droit d'auteur doit être un droit de l'homme
ayant sa place très haut dans la hiérarchie des
normes77. La prépondérance de la
propriété intellectuelle dans l'économie mondiale
justifierait cette place de droit fondamental.
73 Philippe Malaurie, Laurent Aynès, « Les
biens », 2e éd. Defrénois
74 Mousseron, Raynard, Revêt, "De la
propriété comme modèle", Mélanges Colomer,
Litec 1993, p. 281.
75 Christophe Caron, op. cit., p. 1624
76 « Le droit d'auteur, un droit de l'homme ? », Revue
International du Droit d'Auteur, 174, octobre 1997
77 M. Vivant, Le droit d'auteur, un droit de l'homme ?
: RIDA oct. 1997, n°174, P61
L'article 27 de la Déclaration universelle des droits
de l'Homme du 10 décembre 1948 proclame que « chacun a le droit
à la protection des intérêts moraux et matériels
découlant de toute protection scientifique, littéraire ou
artistique dont il est l'auteur ». Le premier paragraphe de l'article
pose le principe selon lequel « toute personne a le droit de prendre
part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des
arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en
résultent ». Les gouvernements doivent agir en
conséquence pour trouver les mesures nécessaires afin de faire
respecter cette norme universelle78. Le paragraphe 2 de cet article
fait directement référence aux droits patrimoniaux et moraux de
l'auteur ; le droit d'auteur serait sur « la liste des droits
fondamentaux79 ».
De même, l'article 15 du pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966,
oblige les états membres à protéger les
intérêts moraux et matériels des auteurs et
créateurs. Le pacte est un traité imposant des obligations
juridiques aux États, partis au présent pacte qui «
reconnaît à chacun le droit de participer à la vie
culturelle, de bénéficier du progrès scientifique à
chacun le droit de participer à la vie culturelle, de
bénéficier du progrès scientifique et de ses applications,
de bénéficier de la protection des intérêts moraux
et matériels découlant de toute production scientifique,
littéraire ou artistique dont il est l'auteur ». Afin
d'assurer ces objectifs, les États doivent prendre « les mesures
nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la
diffusion de la science et de la culture80 ». Ce pacte peut
être invoqué en justice.
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne
du 18 décembre 2000 visant la propriété intellectuelle
dispose que « toute personne a le droit de jouir de la
propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les
utiliser, d'en disposer et de les léguer... » et affirme que «
la propriété intellectuelle est protégée
».
Tous ces textes permettent au droit d'auteur de
bénéficier d'une « base théorique solide » lui
donnant une « position élevé et incontestable dans la
hiérarchie des normes81 ». Le droit d'auteur serait
ainsi un droit de l'homme, protégé constitutionnellement. Il est
par conséquent un droit fondamental placé au même rang que
les libertés fondamentales que sont par exemple la liberté
d'expression.
Ce droit fondamental que serait le droit d'auteur ne doit pas
être incompatible avec les autres droits fondamentaux qui sont tous
placés au même niveau dans la liste des droits de
l'homme82.
78 P. L. Torremans, op. cit., p. 176
79 Ibid. p. 177
80 Audrey R. Chapman, « La
propriété intellectuelle en tant que droit de l'homme
», Bulletin du droit d'auteur, Vol. XXXV n°3, juillet-septembre
2001, Éditions UNESCO
81 Christopher Geiger, « Droit d'auteur et
droit du public à l'information », préface de Michel
Vivant, collection droit des affaires, Litec, 2004, p. 48
82 P. L. Torremans, op. cit., p. 182
Une place au « panthéon des droits fondamentaux
européens » doit être réservée à la
propriété intellectuelle, comme le souligne C. Caron puisque
l'article 1 du protocole n°1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme s'applique à la propriété
intellectuelle83. Cet article dispose que « chacun a droit
au respect de ses biens », et s'applique indifféremment aux
biens corporels et incorporels. Les titulaires d'un droit de
propriété intellectuelle bénéficie par
conséquent de cette protection. L'arrêt de la Cour
Européenne des Droits de l'Homme, dans sa décision du 11 janvier
2007, Anheurser-Busch. c/ Portugal, est venu conforté cette
position84.
En France, un arrêt du 13 novembre, de la cour de
cassation opposant France 2 à Fabris, tendait déjà en ce
sens. Il a été jugé que « le droit du public
à l'information et à la culture ne portait pas atteinte au
monopole légal de l'auteur sur son oeuvre qui est garanti au titre du
droit de toute personne physique ou morale au respect de ses
biens85 ». Il y'avait dans ce cas d'espèce deux
droits fondamentaux en balance : le droit à l'information du public et
le droit au respect de ses biens reconnu par le protocole n°1 de la
convention européenne.
Ces deux droits sont « d'égale valeur dans la
hiérarchie des normes ». Ce constat place le droit de
propriété intellectuelle au sommet de la hiérarchie des
normes.
Il est donc « nécessaire, pour la
communauté des droits de l'homme, de revendiquer le statut de droits de
l'homme pour les droits des auteurs, des créateurs et des inventeurs,
qu'il s'agisse d'individus, de groupes ou de communautés86
».
83 C. Caron, « La propriété
intellectuelle au panthéon des droits fondamentaux européens
», Communication Commerce Électronique, n°5, mai
2007, p. 31
84 Ibid.
85 C. Caron, « Droits de l'homme et droit
d'auteur : inquiétudes (provisoirement) dissipées »,
Communication Commerce Électronique, n°1, comm. 2, janvier
2004, p. 25
V. note V. Varet, « Droit d'auteur et droit du public
à l'information », Légipresse 2004, III, p. 23
86 Supra note 80 p.7
TITRE II
LA TITULARITÉ DES DROITS DANS LES MONDES
VIRTUELS : LES JEUX EN LIGNE
Deux intérêts contradictoires sont en balance :
ceux des joueurs et ceux de l'éditeur du jeu. Ces intérêts
portent à la fois sur le droit d'auteur et le droit de
propriété sur les biens virtuels (chapitre I).
De nombreux éléments tendent vers la reconnaissance d'une
propriété virtuelle. Néanmoins cette reconnaissance ne se
fera pas sans difficulté (chapitre II)
CHAPITRE I
ANTINOMIE ENTRE DROIT DE PROPRIÉTÉ ET
DROIT DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Deux propriétés coexistent dans les univers
persistants : l'une virtuelle et l'autre intellectuelle. Un illustre exemple
est donné par le professeur Fairfield sur la propriété
d'un livre ou d'un CD. Le propriétaire du livre ne détient aucun
droit de propriété sur le contenu du livre puisque l'auteur du
livre conserve ses droits d'auteur sur ce qu'il a rédigé ;
l'acheteur détient uniquement le support physique (le livre)
87.
La reconnaissance d'un droit de propriété
virtuelle sur les objets numériques ne remet pas en cause la
reconnaissance d'un droit d'auteur sur ces mêmes objets. Le joueur
à travers son avatar pourrait être propriétaire «
virtuellement » de l'objet virtuel (Section 1), pour
autant cela ne signifie pas qu'il est créateur. L'objet numérique
pourra changer de propriétaire, le créateur reste le même
(Section 2).
Section 1 Le droit de propriété dans les
univers persistants : la détermination du « propriétaire
»
Nous constatons des intérêts divergents entre le
joueur qui s'estime propriétaire de l'objet virtuel (§1)
et l'éditeur qui proclame être légitiment
propriétaire des biens numériques présents dans son
univers virtuel (§2).
87 Joshua Fairfield, « Virtual property
», Boston Universtiy Law Review, vol 85, p. 1096 <
http://ssrn.com/abstract=807966>
§1 Les Revendications du joueur
Les arguments généralement mis en avant par les
joueurs pour protéger leurs possessions numériques sont le temps
de jeu et l'argent qu'ils ont consacré pour acquérir la
propriété virtuelle (A). L'achat d'objet est le
moyen le plus rapide pour acquérir une propriété virtuelle
puisque la difficulté des niveaux incite à l'activité
marchande (B).
A. Les possessions numériques : le fruit de
leur travail
Les joueurs invoquent souvent le temps de jeux comme
argument. En effet, ils passent leur temps et leur argent à créer
leur avatar, à lui donner une certaine âme, une popularité
au sein du jeu. Il semble normal qu'ils puissent jouir d'un droit de
propriété sur le fruit de leur travail.
Les joueurs revendiquent ainsi les mêmes droits que
ceux octroyés dans le monde réel. Les plus « hardcord
» d'entre eux passent la plupart de leurs journées devant leur
ordinateur. « Ce n'est plus un jeux ! » mais un véritable
travail. Certaines entreprises chinoises emploient des joueurs. Leur mission
est d'engranger le maximum d'objets virtuels afin que la société
les revende par la suite aux joueurs occidents sur Internet. On parle alors de
« gold farming » (littéralement la récolte
d'or). Les jeunes joueurs sont payés une centaine d'euro par mois pour
« travailler » sur le jeu vidéo88. Cette
activité n'est plus ludique mais c'est une véritable profession.
Les joueurs s'approprient les biens numériques par le travail qu'ils
produisent.
Selon la théorie de Locke, développée
dans le Second Traité sur le Gouvernement : « une personne qui
consacre son travail à rendre la chose (à l'état naturel)
en une forme de grande valeur mérite de récolter le fruit de son
travail ». Chaque personne a un droit sur le travail de son corps,et
que, par conséquent, la chose à laquelle il a incorporé
son travail doit lui revenir89.
Chaque personne possède un droit sur sa
propriété qui est le prolongement de sa personne, puisque «
par le travail, elle étend sa sphère personnelle sur la chose
travaillée qui devient sa propriété90
».
Néanmoins, cette pensée philosophique n'est qu'une
théorie. Il me semble que les jeux en ligne doivent rester une
activité ludique et non professionnelle.
B. Les difficultés des niveaux des mondes
virtuels : incitation à l'achat d'objet virtuel
Les objets numériques représentent de
véritables biens pour les joueurs. Le vide juridique sur la
qualification des objets virtuels laisse les joueurs démunis contre un
quelconque recours en revendication de propriété.
88 V. le Reportage de Carine Jaggi, « Or
virtuel : des chinois à la mine », publiée le
1e mars 2007 <
http://www.youtube.com/watch?v=_bqCrycipAA>
89 J. Locke, The Second Treatise of
Government, in P. Laslett (éd.), Two Treatises of Government,
2e éd., Cambridge, Cambridge University Press, 1988.
V. notamm. la fiche de John Locke sur
Wikipédia
<
http://fr.wikipédia.org/wikipédia/John_Locke>
90 Christopher Geiger, « Droit d'auteur et
droit du public à l'information », préface de Michel
Vivant, collection droit des affaires, Litec, 2004, p. 23
La perméabilité entre le monde virtuel et le
monde réel est conséquente. L'engouement pour les MMOG est tel
que, dans certains pays, les joueurs sont prêts à tout pour
conserver leurs possessions. Citons l'histoire d'un joueur chinois, Zhu, qui a
été poignardé mortellement par son ami. Ce dernier, Quiu
Chengwei avait prêté à Zhu le « sabre du dragon »
utilisé dans le populaire jeu en ligne « Legend of Mir 3
», qui l'a ensuite revendu pour 7,200 yuans (670 euros). Le meurtrier
a été condamné à mort91.
Pour certains juristes chinois, comme Wong Zongya, professeur
de droit à l'université de Beijing92, ces biens
numériques devraient être appréhendés par le droit
de propriété car « les joueurs ont dépensé
de l'argent et du temps pour ces objets ».
Les difficultés des niveaux des mondes virtuels
incitent l'achat d'objet virtuel. En effet, les joueurs lassés
d'être bloqué par un monstre à un niveau, achètent
une arme capable de terrasser ce monstre. Ils peuvent ainsi progresser
rapidement et accéder au niveau supérieur grâce à
leur carte bleue, bien évidemment.
Ayant dépensé leur argent, les joueurs
considèrent qu'ils sont propriétaires des objets achetés
et revendiquent par conséquent un droit de propriété.
§2 Revendications de l'éditeur du jeu
Tout d'abord, l'éditeur du jeu met à disposition
des joueurs son monde virtuel et il en garde pleinement la
propriété (A). Nous envisagerons ensuite un
démembrement du droit de propriété de l'éditeur
(B).
A. Il est le propriétaire du monde virtuel (du
logiciel), gère ce monde, ainsi que toutes activités se
déroulant au sein de jeu
Dans son étude nommée «Pitfalls of
Virtual Property» (les pièges de la propriété
virtuelle), Dr. Bartle a comparé le monde virtuel au jeu de
société monopoly93. L'éditeur est
propriétaire du monopoly, et invite des joueurs à participer
à une partie. Un joueur achète « rue La Fayette » ; il
devient propriétaire de cette rue certes mais uniquement dans le cadre
du jeu. Dr. Bartle envisage ensuite le cas d'un joueur qui souhaiterait
acquérir une autre rue, mais faute de moyens, il décide de mettre
en jeu de vrais billets. Par conséquent, dans le cadre du jeu monopoly,
le joueur est propriétaire de la rue qu'il a acheté avec de la
monnaie « réelle ».
Par contre, à la fin de la partie, il ne pourra
revendiquer aucun droit de propriété sur la rue, qui n'est qu'une
place dans le jeu. En payant avec de la vraie monnaie, le joueur achète
un service, mais pas la propriété d'un des éléments
du monopoly. Le jeu de société reste la propriété
de l'hôte de maison.
91 « The `assets' of one player could mean nothing to others
as they are by nature just data created by game providers »
<
http://news.cnet.co.uk/gamesgear/0,39029682,391
89904,00.htm>
92 « The armour and swords in games should be deemed as
private property, as players have to spend money and time for them »
ibid.
93 Dr. Richard A. Bartle, « Pitfalls of
virtual property », The Temis Group, avril 2004, <
http://www.themis-group.com/uploads/Pitfalls%20of%20Virtual%20Property.pdf>
En appliquant cet exemple aux univers virtuels, cela prend
tout son sens. En effet, les éditeurs revendiquent la
propriété de la totalité des éléments du
jeu. Le joueur ne dispose que le droit d'utiliser le monde mis à sa
disposition. Il ne détient aucun élément du jeu.
L'introduction de la monnaie ne changerait en rien la propriété
de l'objet.
L'éditeur conforte sa revendication par l'existence de
la CLUF (contrat d'utilisateur final) qui met en garde les joueurs. En
agréant aux termes du jeu, les joueurs renoncent à leur droit et
à une quelconque revendication de droit de propriété ou
d'auteur.
Les objets virtuels sont ainsi des lignes de codes se trouvant
dans le serveur appartenant à l'éditeur. D'où,
l'éditeur est le seul propriétaire. De plus, L'éditeur a
effectué de nombreux investissements pour mettre en place le monde
virtuel (création du jeu, maintenance du serveur, promotion du jeu...).
Son retour sur investissement ne doit pas être remis en cause par les
joueurs qui souhaiteraient s'approprier les objets virtuels.
B. Le joueur ne détiendrait qu'un droit
d'usufruit... ?
Il existe certains droits qui procurent à leurs
titulaires la jouissance d'une chose sans leur en conférer la totale
propriété. En ce sens, il est possible d'avoir sur les biens
« un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers
à prétendre». L'article 543 du code civil donne la
possibilité de démembrer le droit de propriété. La
jouissance peut avoir pour cause soit un droit personnel soit un droit
réel94.
Ainsi le droit d'usufruit est un droit réel de la
jouissance sur la chose d'autrui « conférant à leur
titulaire des prérogatives étendues sur un bien et privant le
propriétaire d'une grande partie de son utilité ». Aux
termes de l'article 578 du code civil, « l'usufruit est le droit de jouir
des choses dont un autre à la propriété, comme le
propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la
substance ». L'usufruit est un droit viager. Le propriétaire
privé de son bien est appelé le nu-propriétaire.
Le droit réel confère à son titulaire une
maîtrise directe sur la chose sans l'intervention d'un tiers.
L'usufruitier a les mêmes droits que le propriétaire mais il ne
peut pas disposer de la chose. Ainsi, l'usufruitier ne disposerait que de
l'usus et du fructus et le nu-propriétaire de l'abusus. Il convient de
préciser que l'usufruit peut porter sur des biens
incorporels95.
Le joueur ne détient qu'un droit d'usufruit qui est un
démembrement du droit de propriété. Le joueur n'a pas une
pleine propriété sur les objets virtuels. En effet, s'il cesse de
payer son abonnement, il ne peut plus avoir accès au monde virtuel et
par conséquent à ses objets virtuels. Le joueur ne
possèderait pas tous les attributs d'un véritable
propriétaire. Il ne peut qu'utiliser l'objet virtuel, et revendre ses
droits d'accès96.
Le joueur aurait ainsi l'obligation de jouir du bien en bon
père de famille, d'en conserver la substance et de ne pas en changer la
destination. Il pourrait vendre le bien ou bien le transmettre. Il ne peut le
détruire sinon il devra rendre des comptes au nu-propriétaire.
94 Traité de droit civil, Les Biens, Jean-louis
Bergel, Marc Brushi, Sylvie Cimamonti, LGDJ, 2000
95 Usufruit de valeurs mobilières et de parts
sociales, V. : Com. 31 mars 2004 : Bull. civ. IV, n°70 ; D.2004. AJ. 1167,
obs. A. Lienhard
96 V. <
www.legalbiznext.com/droit/vol-virtuel-condamnation-relle?var_recherche=jeux+vidéo>
Cependant le droit d'usufruit est d'origine légale,
peut être crée par titre ou par prescription acquisitive. Il
semble difficile d'appliquer le droit d'usufruit dans le cadre des jeux en
ligne.
Section 2 : La titularité des droits de
propriété intellectuelle dans les univers persistants : la
détermination de l'auteur
Après avoir étudier, la titularité des
droits de propriété sur les objets virtuels, il convient de
déterminer les titulaires de droit de propriété
intellectuelle. En effet, certains mondes virtuels sont vierges de contenus ;
et les joueurs ont une totale liberté créatrice leurr permettant
de « peupler » ces espaces vierges de leurs oeuvres
(§1). Cependant, à la recherche de la
titularité de droit d'auteur sur les contenus, le joueur et
l'éditeur sont inexorablement en concurrence
(§2).
§1 Possible protection par le droit d'auteur des
créations numériques au sein du jeu : l'exemple de Second
Life
Les objets numériques issus des jeux en ligne
multi-joueurs peuvent prétendre à une protection par le
droit d'auteur (A). En effet, la liberté
créatrice offerte par des environnements numériques comme
Second Life, et la reconnaissance des droits propriétés
intellectuelles offerts aux joueurs, permettent cette protection
(B).
A. Les conditions de protection d'une oeuvre par le
droit d'auteur
La propriété littéraire et artistique
protège « les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de
l'esprit, quelqu 'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite
ou la destination, à la seule condition que ces oeuvres
présentent un caractère original ». L'auteur n'a aucune
procédure à entreprendre puisque l'acte de création fonde
son droit. Du seul fait de la création, l'auteur et son oeuvre peuvent
être protégés par le droit d'auteur. Cette oeuvre de
l'esprit (V. l'article L.1 12-1 CPI) doit être d'une création de
forme originale.
Le critère de l'originalité est un
critère jurisprudentiel. Le code de la propriété
intellectuelle n'en donne pas de définition. Il revient au juge de
déclarer si une oeuvre est d'une forme originale ou non. Le juge
recherche si l'oeuvre porte « l'empreinte de la personnalité de
son auteur ». En effet, l'auteur a « une personnalité
qui lui est propre et qui est irréductible à celle de tout autre
personne97 ». Les juges apprécieront
souverainement, par des critères subjectifs, l'originalité des
objets numériques.
Dans les jeux en ligne, les créations
immatérielles ne sont présentes sur aucun support
matériel. Elles sont transposées dans un monde virtuel et ne sont
perceptibles que par la vue. En droit français, en principe, la
matière dans laquelle l'oeuvre est concrétisée est
indifférente. Par ailleurs, une oeuvre est protégée quels
que soient le genre ou la forme d'expression. La liste de l'article L.1 12-2 du
Code la Propriété Intellectuelle est non exhaustive car elle
débute par l'adverbe « notamment »98.
97 Frédéric Pollaud-Dulian, « Le
droit d'auteur », Série droit privé dirigée
par Nicolas Molfessis, 2005, p. 100
98 Ibid. p 115
Néanmoins, les flagrances de parfums sont
régulièrement exclues du champ du droit d'auteur. La raison
invoquée est leur volatilité. Les parfums sont perceptibles
seulement par l'odorat. Il en est de même pour les recettes de cuisines
dont la protection par le droit d'auteur du fait de sa seule perception par le
goût.
B. Respect du droit de propriété
intellectuelle dans Second Life
Il est possible de protéger le créateur d'un
objet virtuel dans l'univers virtuel qui est SL puisqu'une totale
liberté de création est offerte. Les résidents sont les
maîtres de ce monde, et leur imagination est le moteur de la
création de cet univers.
Les créateurs de contenus sur SL peuvent voir leurs
créations protégées par le droit d'auteur. Cette
protection n'est pas remise en cause par Linden Lab (éditeur). Ainsi les
termes de la clause du contrat de Licence de Second Life sont
rédigés comme ceci :
« You retain copyright and other intellectual
property rights with respect to content you create in Second Life, to the
extent that you have such rights under applicable law99
».
« Vous conservez le copyright et autres droits de
propriétés intellectuelles avec le respect du contenu que vous
créez dans Second Life, dans la mesure que vous ayez de tels droits sous
une loi en vigueur ».
Il n'y a bien sur aucune différence entre les objets
numériques crées au sein même du jeu, et ceux qui sont
créés dans le monde « réel » et
téléchargés dans le monde virtuel. En effet, chaque
utilisateur peut créer ses propres images, objets, sons et animations et
ensuite les télécharger. C'est l'exemple d'un fichier musical qui
est créé dans le monde réel et qui est ensuite
intégré au monde virtuel pour animer une soirée dans
second life100. Notre étude se concentre uniquement sur les
oeuvres créées au sein du jeu.
Par conséquent, l'auteur d'un bien numérique
peut autoriser ou interdire toute reproduction, modification, utilisation de
son oeuvre, et il a un monopole exclusif sur son oeuvre. Il peut donner
librement ses créations, ou bien peut les vendre, et peut revendiquer un
droit moral (droit de suite, droit de retrait et de repentir et droit à
la paternité de l'oeuvre) et patrimonial (droit de reproduction ou de
représentation) sur ses oeuvres.
§2 Pluralité d'auteur sur les objets
virtuels
M. Gelsollen envisage les droits de propriété
dans les mondes virtuels selon une double logique : les joueurs dont la
participation active n'est pas négligeable101 et les
copyrights de l'éditeur du jeu. C'est ce dernier qui a conçu le
monde virtuel, et comme dans WoW, il fixe les règles du jeu et impose
donc un scénario.
99 V. le Contrat de Licence d'Utilisateur Final de
Second Life
<
http://secondlife.com/corporate/tos.php>
100 BBC News, « Virtual theft leads to arrest
», 14 novembre 2007 <
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/7094764.stm>
101 Michel Gensollen « l'économie réelle des
univers persistants : vers une propriété virtuelle ? »,
Janvier 2007, p.12
<http ://
www.gensollen.net/2007_gensollen_virtuel_court.pdf>
M. Gelsollen a ainsi imaginé 4
régimes102. Le premier donne au propriétaire-
concepteur de la plateforme tous les droits de propriétés
(A). Le jeu n'est qu'un loisir et pas autre chose. Les objets
numériques n'ont aucune valeur.
Le 2e régime est le modèle de SL qui
donne aux résidants un copyright sur tout ce qu'ils créent
(B).
Le 3e est un régime de partage de la
propriété intellectuelle entre ceux qui fournissent les
plateformes d'interaction et ceux qui travaillent dans ce cadre et produisent
des biens immatériels innovants (C). Le dernier
régime est l'absence de droit de propriété intellectuelle.
Les immatériels forment des biens communs qui peuvent être
protégés par des licences libres telles que les «
Creative Commons ».
Nous attarderons uniquement sur les trois premiers
régimes.
A. Éditeur : propriétaire du
logiciel
Les programmes d'ordinateur, qu'ils soient exprimés en
code source ou objet, seront protégés en tant qu'oeuvres
littéraires en vertu de la Convention de Berne 1971. Le code source
à la base de la programmation du monde virtuel est une oeuvre
littéraire protégeable par le droit d'auteur103.
Le jeu est qualifié tantôt d'oeuvre
audiovisuelle, d'oeuvre logicielle, de bases de données. La
jurisprudence et la doctrine tendent vers la qualification d'oeuvre logicielle
au jeu vidéo104. En effet, un arrêt de la cour de
cassation du 21 juin 2000 Midway a qualifié unitairement un jeu
vidéo (Mortal Kombat) de logiciel : « la programmation
informatique d'un jeu vidéo est indissociable de la combinaison des sons
et des images formant les différentes phases du jeu105
».
Quant à qualification d'oeuvre audiovisuelle
étant une « séquence animée d'images
sonorisées ou non », le producteur de jeu vidéo
bénéficie d'une présomption de cession des
droits106. S'agissant de la qualification de base de donnée,
elle n'a pas montré un vif intérêt auprès de la
doctrine.
L'intérêt de la qualification est le
régime. Si le jeu est qualifié d'oeuvre logiciel, il y'a une
dévolution des droits sur l'employeur. Ainsi, l'article L. 113-9 du code
de la propriété intellectuelle dispose que « les droits
patrimoniaux sur les logiciels et leurs documentations créés par
un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou
d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à
l'employeur qui est seul habilité à les exercer ».
102 M. Gensollen, op. cit., p. 12
103 Cass. ASS. Plén. 7 mars 1986, Sté Atari :
GAPI, 1e éd., n° 9 ; D. 1986. 405, note Edelman ; RTD
com. 1986. 399, obs. Françon ; JCP 1986. II. 20631, note Mousseron,
Teyssié et Vivant ; RIDA, juillet 1986, p. 136, note Lucas.
104 Antoine Chéron, « L'application du droit dans
l'univers virtuel persistant d'un jeu vidéo en ligne », CEJEM, 5
juillet 2006
<
http://www.cejem.com/article.php3?id_article=225>
105 Crim. 21 juin 2000 : D. 2001. Somm. 2552, obs. crit.
Sirinelli ; Expertises 2000, p. 352, obs. Drack ; JCP E 2001. 312,comm.
Sardain
106 Antoine Chéron, op. cit.
Nous constatons également que la création du
monde virtuel est « une synthèse de talent ». Dans
cette création intervient un développeur, un graphiste, un
testeur de logiciel, la personne qui rédige le scripte, des techniciens
du son et des musiciens... Cette équipe (de développeur et
designer) a une contribution majeur dans le graphisme du jeu
contrairement à la contribution minime des joueurs.
Afin de créer un jeu, il existe plusieurs étapes
notamment l'élaboration d'un « storyboard » (qui
détermine les épisodes clés), le territoire du jeu et le
décor, l'univers dans lequel le personnage va évoluer (ennemis,
pièges, accident, etc.), une phase de programmation, et une étape
de création de musique originale et de sons particuliers qui
accompagnent les mises en scènes et l'environnement du
jeu.
Par ailleurs, même après l'élaboration du
jeu, l'éditeur a une volonté constante dans le
développement du monde virtuel, en offrant aux joueurs de nouveaux
contenus et de nouveaux scripts107. Pour s'en persuader, il suffit
de jouer à WoW. L'éditeur rend ce monde attrayant en introduisant
régulièrement de nouveaux personnages, de nouvelles quêtes
à accomplir, de nouveaux objets à découvrir. La seule
contrepartie financière demandée par l'éditeur afin
d'assurer la maintenance du monde virtuel est le paiement mensuel d'un
abonnement.
Par conséquent, l'éditeur du jeu détient
un droit d'auteur sur le code objet et le code source. Le logiciel qui est le
jeu est protégé par le droit d'auteur. Ce logiciel est le moteur
du jeu en ligne.
L'éditeur considère qu'il détient un
droit de propriété intellectuelle sur les créations issues
du monde virtuel. La vente d'objet virtuel serait constitutive d'une violation
de son droit de propriété intellectuelle. Et l'éditeur
s'oppose à ces ventes par le contrat de licence de WoW , qui est
très explicite à ce sujet108. Il est possible de
condamner une personne sur le fondement de la contrefaçon car il y'a une
reproduction sur Internet de biens incorporels (qui sont protégés
par le droit d'auteur)109.
L'éditeur, s'estimant propriétaire des objets
numériques, interdit toutes les ventes de sa propriété
virtuelle à l'extérieure du jeu. C'est un « moyen de
stopper la monétisation de la propriété virtuelle par les
joueurs110 ».
107 « The creators of such virtual environments are more
actively engaged in the development of the virtual world, constantly offering
the players new content and adventure stories, which give the environments a
more narrative perspective »
Nikolaos Volanis, « Legal and policy issues of virtual
property », Int. J. Web Based Communities, Vol. 3, No. 3, 2007, p.
335
<
http://www.law.kuleuven.be/icri/publications/91206%20Volanispdf?where>
108 Infra Titre 1, Chapitre 2, Section 1 : Tentative des
éditeurs de restreindre la propriété virtuelle par le
Contrat de Licence d'Utilisateur Final (CLUF) p. 33
109 TGI Paris, Jérôme P./SA Tempsort - Saarl Corbis
Sygma, jugement du 9 janvier 2002
110 « EULAs thus provide a tool by which developers can try
to stop monetization of virtual property by players in the real world
»,
Susan H. Abramovitch et David L. Cummings, « Virtual
property, real law: the regulation of property in video games », p.
14
<
http://www.gowlings.com/resources/publicationPDFs/abramovitch
_VirtualProperty.pdf>
Monsieur Volanis, juriste et chercheur à
l'université de droit de Leuwen en Belgique, pense qu'aussi longtemps
que le développeur du jeu ne s'engage pas lui-même dans la vente
d'objet virtuel, sa politique est légitime. Dans le cas contraire, sa
politique serait contradictoire, car l'éditeur vendrait les objets
virtuels et dans le même temps se réserverait la
propriété des biens numériques111.
Par ailleurs, les objets virtuels sont stockés dans une
base que constitue le serveur. Pourrions-nous qualifier cette structure de
bases de données ?
Les bases de données sont protégeables qu'elles
soient sous une forme électronique ou une autre, disposées de
manière systématique ou méthodique (V. Article L.112-3
CPI). D'après la définition de la CJCE : la base de
données doit être constituée «
d'éléments séparables et qui sont disposés selon
une méthode ou un système, de quelque nature que ce soit,
permettant de retrouver chacun de ses éléments
constitutifs112 ».
Dans le cadre des jeux en ligne, il s'agirait d'essayer de
donner la qualification de bases de données à la structure
contenant les objets virtuels. Ces objets doivent être classés de
manière méthodique et organisés dans la base de
donné. Ce classement permettrait un accès direct à
l'élément recherché (ici l'objet numérique) qui
pourra être consulté individuellement113.
La directive de 1996 conserve le principe d'une protection par
le droit d'auteur, et elle a introduit un droit sui generis du
producteur de bases de donnée. Ce dernier se voit acquérir un
quasi-monopole sur la forme et contenu produit de la base de
données114.
Le droit sui generis concerne « un objet qui
n'est que la compilation d'éléments du domaine public et
protége l'investissement que peut représenter leur compilation
contre le pillage de ces données par les concurrents115
».
Si l'éditeur remplit les exigences de la protection du
producteur de bases de données
(V. Article L341-1 et suivant du CPI), il pourrait
bénéficier de la protection du droit sui generis. Il doit
établir la réalité d'un investissement substantiel.
L'investissement dans la base de donnée doit être distinct de
l'investissement mis en oeuvre pour l'activité principale de
l'entreprise.
En effet, d'après la définition de la CJCE, la
notion d'investissement doit s'entendre comme désignant les moyens
consacrés à la recherche d'éléments existants et
à leur rassemblement dans la base de données. Elle ne comprend
pas les moyens mis en oeuvre pour la création des éléments
constitutifs du contenu d'une base de données116.
Ainsi, l'éditeur (s'il est producteur de bases de
données) pourrait interdire l'extraction et la réutilisation du
contenu de sa base117.
111 Supra note 107 p. 336
112 CJCE 9 nov. 2004 : D.2005. Pan. 19495, obs. Sirinelli ;
RTD com. 2005. p 90, obs. Pollaud-Dulian
113 Frédéric Pollaud-Dulian, « Le droit
d'auteur », Série droit privé dirigée par
Nicolas Molfessis, 2005, p. 164
114 Christophe Caron, « Droit d'auteur et droits voisins
», Litec, octobre 2006 p. 462
115 Frédéric Pollaud-Dulian, op. cit., p. 981
116 Supra note 112
117 « En présence d'un investissement substantiel, un
producteur de base de données peut disposer du droit de s'opposer
à une extraction substantielle des contenus de sa base ».
Paris, 18 juin 2003 : D.2003. Somm.2 756, obs. Sirinelli ;
Ann. Propr. Ind. 2003. 367 ; CCE 2003, comm. N° 106, note Caron.
Les notions d'extractions et de réutilisation doivent
être interprétées comme se référant à
tout acte non autorisé d'appropriation et de diffusion au public de tout
ou partie du contenu d'une base de données. Ces notions ne supposent pas
un accès direct à la base de données118. Les
sanctions de la violation du droit sui generis sont pénales.
B. La contribution du « Joueur-créateur
»
Comme il a été étudié, la
création d'objet virtuel est le moteur de certains mondes virtuels. La
devise de Second Life est « Your world. Your imagination »
(Votre monde votre imagination).
Il existe différentes méthodes de
créations d'objets virtuels. La méthode optée par
l'utilisateur permet d'attribuer la titularité des droits d'auteurs sur
les objets numériques. Ainsi, A. Chéron distingue deux
procédés : le crafting traditionnel et le crafting
moderne119.
Le Crafting traditionnel est la «
récupération et fusion d'objets préexistants » dans
l'univers en cause. Ainsi, le joueur comme un artisan (traduction anglaise de
« craft ») modélise un objet virtuel qui existe
déjà dans la base de donnée proposée par
l'éditeur du jeu120. Aucune reconnaissance de droit de
propriété intellectuelle n'est envisageable.
S'agissant du crafting moderne, le joueur a recours
à un « véritable outil de modélisation et de
création ». Pour exemple dans SL, le joueur peut
modéliser de la manière dont il le souhaite les objets à
partir de formes géographiques appelées primitives ou prims
(sphères, cylindre cube, prims, tore, pyramide, cône). Dans ce cas
de figure, les créations du joueur sont susceptibles de protection par
le droit d'auteur121.
De plus, il existe un rôle important du joueur dans la
modélisation du monde virtuel. Il arrive que le développeur
utilise des joueurs « bugs testeurs » pour tester la
fiabilité du jeu. Par ailleurs, les joueurs forment de véritable
communauté et créent des sites de fan du monde virtuel. Cela rend
le jeu plus attractif pour les autres joueurs et des potentiels souscripteurs.
Sans la contribution des joueurs, le jeu ne se vendrait pas.
Enfin, le nombre de joueurs inscrit sur un monde virtuel est un
moyen de publicité largement utilisé par les éditeurs de j
eu122.
118 Supra note 112
119Antoine Chéron, « L'application du
droit dans l'univers virtuel persistant d'un jeu vidéo en ligne »,
CEJEM, 5 juillet 2006
<
http://www.cejem.com/article.php3?id_article=225>
120Ibid.
121Ibid.
122 Nikolaos Volanis, « Legal and policy issues of
virtual property », Int. J. Web Based Communities, Vol. 3, No. 3,
2007, p. 339
<
http://www.law.kuleuven.be/icri/publications/91206%20Volanispdf?where>
Le premier acte de création dans un univers virtuel est
la modélisation de son avatar. Avant de débuter sa partie, le
joueur doit choisir son personnage graphique. Cet avatar permet
d'individualiser et d'identifier un joueur au sein d'une communauté. Il
est « la projection numérique d'un individu dans un monde
parallèle artificiel123 ». Chaque avatar a sa
propre apparence. Celle-ci est sélectionnée par le joueur. La
sélection peut porter sur la coiffure, la couleur des cheveux, de la
peau, des yeux, ou des principaux traits du visage (possibilité de
vieillir ou rajeunir son personnage), le sexe124. Ce choix est plus
ou moins dicté par l'éditeur du monde virtuel. Ainsi, selon le
degré de liberté du joueur dans la modélisation de son
avatar, il sera possible de lui reconnaître un droit de
propriété intellectuelle.
Par ailleurs, au même titre qu'un personnage
littéraire et qu'un personnage fictif, l'avatar pourrait être
protégé par le droit d'auteur125.
Le Forum du Droit sur l'Internet s'est penché sur le
statut juridique des avatars ; à savoir si le joueur avait des droits
sur le personnage qu'il incarnait dans un jeu vidéo en ligne. Il
établit trois situations. Tout d'abord, l'éditeur du jeu conserve
ses droits sur l'avatar parce que c'est lui qui propose une base de
données contenant les différents avatars dont le joueur peut
sélectionner126. Il n'y a aucun apport créatif du
joueur qui se contente uniquement de faire un choix limité aux avatars
contenus dans la base de données. Le joueur ne détient aucun
droit de propriété intellectuelle.
Par contre, si le joueur crée lui-même l'avatar
et qu'il respecte le critère d'originalité du code de la
propriété intellectuelle, il peut revendiquer un droit d'auteur
sur sa création.
La dernière situation se produit lorsque l'avatar est
réalisé dans un contexte plus encadré par
l'éditeur. Nous serons en présence d'une oeuvre
dérivée127.
Dans WoW, l'avatar est proposé par l'éditeur.
Mais il est possible d'envisager que l'avatar ait acquis une renommé au
sein de la communauté, que son histoire rende cet avatar original et
donc protégeable. En effet, un joueur peut être connu à
l'extérieur du jeu uniquement sous le nom de son avatar. La
réputation est un élément important des jeux en ligne,
« ainsi, lorsque les attitudes sociales et l'histoire d'un avatar
rendent un personnage individualisable, sa protection au titre du droit
d'auteur devient acceptable128 ».
123 Aurélien Pfeffer, « La notion d'avatar dans les
MMORPG», Portail JeuxOnLine, publié en août 2005), p. 1
<
http://www.jeuxonline.info/article/mmog_avatar1
01>
124 Ibid. p. 2
125 « Les personnages dessinés ou tirés
d'une oeuvre audiovisuelle peuvent en eux-mêmes être
protégés par le droit d'auteur indépendamment de l'oeuvre
dans laquelle ils apparaissent ; ainsi il n'est pas contestable que le
personnage de Maya l'abeille, qui consiste dans une abeille de dessin
animé, est un personnage type ayant des éléments fixes
permettant de bien l'identifier : forme du corps, antennes, cheveux, ailes
(...) correspondant à une création originale
caractérisée par des particularités essentielles ».
Paris, 9 janv. 1986 : Juris-Data n° 020012
126 Le Forum des droits sur l'Internet, « Ai-je des droits
sur le personnage que l'incarne dans un jeu vidéo en ligne ? », 18
mars 2008
<
http://www.foruminternet.org/particuliers/fiches-pratiques/internautes/jeux-video-en-ligne/ai-je-des-droits-surle-personnage-que-j-incarne-dans-un-jeu-video-en-ligne-2589.html>
127 Ibid.
128 Recommandation « Jeux vidéo en ligne :
quelle gouvernance ? », 9 novembre 2007
Le joueur pourrait ainsi s'opposer à toute
représentation de son avatar sans son accord. Ce fut le cas dans une
récente affaire. Durant un interview donné par Anshe Chung (la
première millionnaire du monde virtuel), qui se tenait dans SL devant
une poignée d'autres avatars, un groupe a tenté de saboter
l'interview avec un pénis animé, et des photos d'Anshe Chung,
numériquement altérées. Ces photos montraient Madame Chung
tenant un pénis géant129. La vidéo a ensuite
fait le tour de Youtube. La société d'Anshe Chung a
enjoint le site d'hébergement de retirer la vidéo compromettante,
violant ses droits d'auteurs puisque l'image de son avatar a été
utilisée sans sa permission. L'hébergeur retira
immédiatement la vidéo indécente.
La démarche d'Anshe Chung était légitime.
Elle pouvait s'opposer à la diffusion de l'image de son avatar
puisqu'elle lui appartenait ; c'est sa propre création.
Néanmoins, selon les propos d'un avocat, Me Schultz, rapportés
par le site News
CNET.com : « la
plaignante n'avait absolument aucun droit d'empêcher des personnes de
prendre des captures d'images de son avatar en raison du `fair
use130 ` ».
Le « fair use », aux Etats-Unis est un
ensemble de règles de droit apportant des limitations et des exceptions
aux droits exclusifs de l'auteur sur son oeuvre. C'est l'équivalent du
droit de citation, en droit français131.
Les différents arguments du joueur et de l'éditeur
pour revendiquer un droit d'auteur sur les objets sont souvent contradictoires.
Leurs revendications et leurs intérêts divergent.
.
C. Une oeuvre composite (dérivée)
?
Dans cette dernière situation, le joueur et
l'éditeur pourraient se retrouver sous le régime de l'oeuvre
composite.
En effet, l'article L.1 13-2, alinéa 2 du CPI
définit l'oeuvre composite comme « l'oeuvre nouvelle à
laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la
collaboration de cette dernière ». Il y a donc oeuvre composite
dès qu'il y a utilisation d'éléments formels
empruntés à une oeuvre protégée par le droit
d'auteur132.
Il faut l'existence de deux oeuvres : une oeuvre
préexistante et une oeuvre nouvelle qui doit être
originale133.
L'oeuvre dérivée n'a pour créateur que
l'auteur de l'oeuvre nouvelle, elle est « la propriété
de l'auteur qui l'a réalisée ». L'auteur doit cependant
respecter les droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante (article L.
113-4 CPI).
129 Traduction libre de : « The legal rights to your second
life avatar » par Daniel Terdiman, CNET
News.com, 5 janvier 2007
<
http://news.cnet.com/2100-1
047_3-6147700.html?hhTest=1>
130 Ibid.
131 V. la fiche sur Wikipédia <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fair_use>
132 TGI Paris 23 septembre 1992 : RIDA, oct. 1993,
p.257
133 Christophe Caron, « Droit d'auteur et droits voisins
», Litec, octobre 2006 p. 181
Il existe une absence de collaboration entre l'auteur de
l'oeuvre préexistante : (ici, l'éditeur), et l'auteur de l'oeuvre
dérivée (le joueur). L'auteur de l'oeuvre première n'aura
pas collaboré à la réalisation de l'oeuvre seconde. Par
contre l'auteur de l'oeuvre seconde doit obtenir l'autorisation de l'oeuvre
première pour toute exploitation, laquelle peut être assortie
d'une rémunération proportionnelle134.
Il est possible d'imaginer qu'à travers le contrat de
licence, l'éditeur du jeu donne la possibilité au joueur de
modifier certains éléments du jeu. Ainsi, l'éditeur aura
donné contractuellement son accord à l'utilisation de l'oeuvre
originelle. Le joueur peut ainsi laisser place à son imagination et
créer une oeuvre dérivée qui doit être originale.
Par contre l'imagination créatrice du joueur est limitée par
l'encadrement donné par l'éditeur sur l'utilisation de son oeuvre
(préexistante).
En effet, l'éditeur peut apporter toutes sortes de
restrictions précisant la marge de manoeuvre laissée au
joueur.
Il convient de préciser que le droit moral de l'auteur
de l'oeuvre préexistante ne disparaît pas. Le joueur devra
respecter cette oeuvre, et rester « fidèle à son esprit et
à sa susbtance135».
134 Le Forum des droits sur l'Internet, « Ai-je des
droits sur les objets numériques d'un jeu vidéo en ligne ?
», 18 mars 2008 : « Lorsque les créations du joueur sont en
revanche réalisées dans un contexte plus encadré, le
régime de l'oeuvre dérivée pourra trouver à
s'appliquer et nécessiter dès lors que toute exploitation soit
soumise à l'auteur de l'oeuvre première ».
<
http://www.foruminternet.org/particuliers/fiches-pratiques/internautes/jeux-video-en-ligne/ai-je-des-droits-surles-objets-numeriques-d-un-jeu-video-en-ligne-2588.html>
135 Frédéric Pollaud-Dulian, « Le droit
d'auteur », Série droit privé dirigée par
Nicolas Molfessis, 2005, p. 267
CHAPITRE 2
LES ÉLÉMENTS CARACTÉRISANT UNE
RECONNAISSANCE EN COURS DE LA PROPRIÉTÉ VIRTUELLE : LES QUESTIONS
JURIDIQUES SOULEVÉES
Nous démontrerons l'importance de la
propriété virtuelle, et que des éléments tendent
vers sa reconnaissance à l'extérieure même du jeu. En
dépit des tentatives des éditeurs de la limiter contractuellement
(section 1), la propriété virtuelle
soulève de nombreuses interrogations de la part des institutions qui
envisagent de « taxer » le patrimoine virtuel des joueurs
(section 3). Cette reconnaissance en cours de la
propriété virtuelle soulève et soulèvera de
nombreuses questions juridiques notamment en cas de la perte par
l'éditeur des objets virtuels (section 2).
Section 1 : Tentative des éditeurs de restreindre la
propriété virtuelle par le Contrat de Licence d'Utilisateur Final
(CLUF)
Le contrat de licence gouverne la relation entre les
participants du monde virtuel et l'éditeur spécifiant les
conditions selon lesquelles le jeu doit être utilisé
(§1). Cette position de « maître du jeu » permet
à l'éditeur d'imposer au joueur toutes formes de clause notamment
la réservation des droits de propriété. Les clauses
sont-elles valables ? (§2)
§ 1 : Le Contrat de Licence d'Utilisateur Final :
l'instrument de régulation du monde virtuel
À l'aide du contrat de licence (A),
l'éditeur assoit sa toute puissance sur le monde virtuel.
L'éditeur du jeu semble omnipotent, et peut à tout moment
supprimer les comptes des joueurs sans que, généralement, ces
derniers ne s'en rendent compte et puisse même contester
(B).
A. La Fonction du Contrat de Licence d'Utilisateur
Final (CLUF)
La toute puissance de l'éditeur repose sur le Contrat
de Licence d'Utilisateur Final. Les anglophones utilisent le terme de
EULA136 qui est « un contrat liant une personne installant
un logiciel affecté par ce type de licence sur son ordinateur et
l'éditeur du logiciel137».
136Acronyme tiré de l'Anglais End User
License Agreement : traduction de Contrat de Licence Utilisateur Final. Le
Contrat de Licence d'Utilisateur Final est le document (regroupant l'ensemble
des conditions d'utilisation du MMOG, destinées à organiser les
éventuels litiges entre l'éditeur et le joueur) que le joueur
accepte d'appliquer lorsqu'il s'abonne à un MMOG.
V. <
http://www.jeuxonline.info/lexique/mot/CLUF>
137 V. <
www.mmorpg.eu/eula_fr.html>
Ce contrat place l'éditeur en position de force devant
la partie faible qui est le joueur. L'éditeur est ainsi comparé
à « un dieu » contrôlant tous les aspects du
jeu138. Ce contrat peut être assimilé au contrat social
de Rousseau : « un contrat social virtuel régulant les droits
et obligations du joueur et du développeur139 ».
Par le contrat de licence, l'éditeur (titulaire des
droits sur le logiciel) autorise un tiers à poser des gestes qui
autrement les enfreindraient140. Par un simple click, le joueur
donne son consentement.
Le jeu vidéo est ainsi protégé par le
copyright. Les joueurs concessionnaires de licence ne possèdent pas les
éléments créatifs constituant le jeu.
Dans le contrat de licence, l'éditeur indique les
conditions et les modalités par lesquelles l'utilisateur final est
autorisé à utiliser le logiciel. Généralement, le
contrat de licence est en anglais et le joueur non anglophone accepte des
conditions d'utilisations dont il ne comprend pas le fond. Dans la plupart des
cas, ce contrat est identique d'un univers virtuel à un autre. Le joueur
n'a vraiment pas le choix. Ce dernier accepte les conditions du contrat
d'adhésion et il n'est pas possible pour lui de négocier.
Afin de pénétrer dans le monde virtuel, le
joueur doit tout d'abord souscrire à un abonnement compris entre 10 et
15 euros qu'il paiera chaque mois afin de lui donner la possibilité de
jouer141. Le paiement d'un abonnement permet la maintenance des
infrastructures. Dans la pratique, tous les jeux massivement
multi-joueurs nécessitent le paiement d'abonnement pour
jouer.
L'obligation de l'éditeur est ainsi de permettre au
joueur d'accéder au monde virtuel. Quant au joueur, il a l'obligation de
payer l'abonnement. À défaut, l'accès au jeu en ligne lui
sera interdit142. Dans d'autres mondes virtuels comme Second
Life, il est possible d'entrer dans l'univers sans payer d'abonnement.
Néanmoins, nous nous apercevons rapidement que sans argent, le monde
perd de son intérêt. La tentation est forte de payer un abonnement
de 10 dollars par mois pour recevoir en échange un terrain virtuel de
512 mètres carré143.
138 Allen Chen, « A pratical look at virtual property
», ST. John's Law Review, Vol. 80 :1059, 28 oct. 2006, p. 1066
139 N. Volanis, « Legal and policy issues of virtual
property », Int. J. Web Based Communities, Vol. 3, No. 3, 2007, p.
333
<
http://www.law.kuleuven.be/icri/publications/91206%20Volanispdf?where>
140 <
www.mmorpg.eu/eula_fr.html>
141 Dossier du Forum des droits de l'Internet : les jeux en
réseau massivement multi-joueurs : « Du virtuel au réel
», p. 12
<
www.foruminternet.org/telechargement/
documents/dossier-jeux-20060626.pdf>
142 V. <
www.afjv.com/juridique/0702/09_droits_loi_vente_objets_virtuels.htm>
143 V. <
www.astrosurg.org/luxorion/second-life.htm>
B. L'omnipotence de l'éditeur du
jeu
L'éditeur édicte les règles du jeu. Il
est le seul maître. La seule loi en vigueur dans le monde virtuel est
« le sacro-saint » CLUF144. Les éditeurs de jeu
sont également surnommés « The games gods »
(Les dieux du jeu).
Comme pour tout contrat, il y a des droits et obligation
à respecter ; à défaut, l'éditeur du jeu met fin au
contrat. L'article 1134 alinéa 1 du code civil énonce que
« les conventions légalement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites ». Ainsi, le contrat de licence
fait force de loi entre les parties cocontractantes.
En cas de non-respect des obligations contractuelles,
l'éditeur peut envisager la fermeture du compte. Le joueur ne pourra
plus réutiliser son avatar supprimé du serveur. C'est la
situation la plus radicale, elle équivaut à « la mort »
technique de l'avatar145.
Il est très fréquent de voir des joueurs bannis
du jeu. Dans une interview donnée pour le site
mondespersitants.com, Robin
Harper, vice-présidente du Marketing Linden Lab, met en garde les
joueurs sur les conséquences d'un comportement déviant au sein de
SL : « si vous faites des choses illégales, nous nous
réservons le droit de fermer votre compte et de vous signaler aux
autorités. Nous vendrons vos terrains aux enchères et nous vous
donnerons l'argent que nous en aurons tiré et tout ce que vous aviez sur
votre compte, le tout en dollars US146».
En 2006, World of Warcraft a supprimé
près de 30 000 comptes de jeux pour diverses violations du contrat de
licence147.
Ce bannissement du jeu est préjudiciable pour le joueur
qui aura investi son temps et son argent pendant des mois dans un personnage et
dans une communauté. Par le pouvoir discrétionnaire de
l'éditeur, tout cela disparaît en un instant.
Or un joueur s'attend légitimement à que son
compte et sa propriété virtuelle ne soient pas supprimés
au gré de l'appréciation de l'éditeur. Le joueur banni du
jeu doit généralement contacter le service clientèle et
défendre sa cause148.
Dans une célèbre affaire opposant un avocat
nommé Mark Bragg au développeur de Second Life, le
joueur a trouvé une faille dans le système. Il profita de son
exploit pour acheter une parcelle de terre de 3000 dollars à un prix
plus bas que la normale. Immédiatement, le développeur bloqua le
compte du joueur, supprima l'avatar et retira son nom de toutes les
propriétés qu'il avait acquises.
L'éditeur a sanctionné la fraude de l'avocat sur
le motif d'une violation d'une obligation contractuelle. Mécontent, Mark
Bragg poursuivit Second Life devant les tribunaux de la Pennsylvanie.
Il mis en avant la politique de SL qui promotionne la création et
attribue les droits de propriétés intellectuelles aux
joueurs149.
144 « MMO : Tricher n'est pas joué ? », Tom's
Games, p 4
<
http://www.jeuxvideopc.com/articles/1
070-mmo-tricher-n-est-pas-jouer/p-4-arbitrage-dans-mondes-pas-sivirtuels-que-ca.php>
145 Mark Ward, « Does virtual crime need real justice ?
», News BBC <
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/3138456.stm>
146 V. <
www.mondespersistants.com/interview/276/article/3/recontre-avec-linden-las.html>
147 Kevin Deenihan, « Leave those orcs alone : property
rights in virtual worlds », p. 23 <
http://virtuallyblind.com/files/deenihan_LeavetheOrcsAloneFinal.pdf>
148 Ibid. p. 8
149 Ibid. Traduction libre p. 14
Il réclama 8000 dollars de dommages et
intérêts. Les deux parties ont finalement cessé la
procédure d'un commun accord. L'éditeur s'est engagé
à restituer les propriétés virtuelles. L'affaire ayant
coûté beaucoup d'argent au plaignant, celui-ci a lancé une
demande de soutien financier sur son site Internet150.
§ 2 : Sur la question de la validité de la
clause attribuant la propriété des objets virtuels à
l'éditeur du jeu
Le contrat de licence de WoW ne permet pas au joueur de
revendiquer un quelconque droit de propriété sur le contenu du
jeu (contrairement à SL). Par ailleurs, l'éditeur se
décharge de toute responsabilité en cas de la perte des
données. Il s'agira de nous attarder sur la validité de ces
clauses (A). Après nous être penchés
brièvement sur le terrain du droit de la consommation, nous essayerions
de qualifier le contrat de licence en un contrat de cession de droit d'auteur.
Il faudra vérifier que les conditions de cessions sont respectées
(B).
A. La validité des clauses
« Dans les structures économiques actuelles
fondées sur la commercialisation de masse, le consommateur, lorsqu'il
signe un contrat (achat, prêt, assurance, etc.) est souvent conduit
à adhérer à des conditions préétablies par
son cocontractant sans être en mesure de les modifier ni même de
les discuter ».
Par la CLUF, l'éditeur se réserve les droits de
propriétés sur tous les éléments du monde virtuel.
Voici, la clause de la société Blizzard Entertainment,
éditeur du jeu WoW :
« All title, ownership rights and intellectual
property rights in and to the Game and all copies thereof (including without
limitation any titles, computer code, themes, objects, characters, character
names, stories, dialog, catch phrases, locations, concepts, artwork, character
inventories, structural or landscape designs, animations, sounds, musical
compositions and recordings, audio-visual effects, storylines, character
likenesses, methods of operation, moral rights, and any related documentation)
are owned or licensed by Blizzard151 ».
« Tous les titres de droit de propriétés et de
propriété intellectuelle du jeu et les copies qui en
découlent (...) sont détenus par Blizzard ».
150 « Should you wish to contribute to help deflect the
costs of this litigation and help to properly litigate the matter, donations
can be sent anonymously and/or confidentially to my attorneys. Any donated
money will be utilized to help pay for my attorneys and costs in this case.
Thank you »
V. le site de Marc Bragg <
http://www.chescolawyers.com>
151 V. le Contrat de Licence d'Utilisateur Final de World of
Warcraft <
http://www.worldofwarcraft.com/legal/eula.html>
En plus de s'attribuer « tous » les titres
de droit de propriété sur les contenus du jeu, l'éditeur
peut unilatéralement « changer, modifier, suspendre les
quelconques aspects du jeu à n'importe quel moment ».
L'éditeur peut également imposer « des limites ou
restreindre l'accès du joueur à une partie ou à tout le
jeu sans notification et sans engager sa responsabilité ».
« ... may change, modify, suspend, or discontinue any
aspect of the Game at any time. It may also impose limits on certain features
or restrict your access to parts or all of the Game without notice or
liability152 ».
Le développeur de WoW n'est « pas responsable
de toute interruption du service (..) ou de tout autre événement
qui peut entraîner la perte des données ou l'interruption du
serveur ».
En application de l'article L132-1 du code de la consommation,
le juge recherche si, dans les contrats conclus entre professionnels et non
professionnels ou consommateurs, les clauses ont pour objet ou pour effet de
créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat.
Le consommateur qui s'estime victime d'un
déséquilibre contractuel significatif peut saisir la justice.
C'est en effet le juge qui appréciera au cas par cas le caractère
abusif d'une clause selon les modalités prévues par l'article
L132-1 alinéa 5 du code de la consommation153.
Un décret a déterminé deux types de
clauses qui doivent être regardées comme abusives (art R132-1 et
R132-2 du code de la consommation), et l'article L132-1 alinéa 3 renvoi
à une énumération indicative et non obligatoire de clauses
considérées comme abusives, par exemple, celles qui ont pour
objet ou pour effet d'exclure dans certains cas la responsabilité du
professionnel.
Toutefois, cette liste n'est pas exhaustive et une clause
pourra être jugée abusive même si elle n'est pas
évoquée par la loi.
Si une clause est jugée abusive, elle est
réputée non écrite. En principe le reste du contrat
demeure valable. Quoi qu'il en soit, la solution ne concerne que le
consommateur qui agit en justice154.
Lorsque nous analysons de plus près certaines clauses
du contrat de licence de WoW, le développeur se décharge de toute
responsabilité en cas de pertes des données, et se réserve
le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du jeu,
et peut également exclure les joueurs sans aucun motif. Ces clauses
pourraient être déclarées abusives par un juge.
Dans un contrat d'abonnement à un club sportif, avait
été déclarée abusive la clause excluant la
responsabilité du club en cas de perte ou de vol d'objets ou de
vêtement déposés au vestiaire ; de même la clause
permettant au club d'exclure, sans aucun dédommagement, toute personne
dont l'attitude ou le comportement risquerait de gêner la
communauté.
Il est possible de faire une analogie avec les univers
virtuels.
152 Ibid.
153 Séminaire animé par Vincent Vigneau, «
Commerce électronique et protection du consommateur », Master 2
Droit des nouvelles technologies de l'information et de la communication,
année universitaire 2007/2008, p. 157
154 Ibid.
Dans un arrêt du TGI, Paris, 4 février 2003, site
père noël, la modification unilatérale par le vendeur de ses
conditions générales, sans aucune raison « valable et
spécifiée » était abusive. Le site en ligne se
réservait le droit de modifier les termes du contrat « à
tout moment ».
Les juges du fond seront souverains dans l'appréciation
du caractère abusif des clauses de WoW. Ces clauses ne sont pas abusives
tant qu'elles ne sont pas déclarées comme telles par un juge
compétent.
B. Est-ce une cession de droit d'auteur :
hypothèse du joueur- créateur ?
Le contrat de licence de WoW s'attribue automatiquement les
droits de propriétés intellectuelles sur les oeuvres des joueurs.
Cette réservation « automatique » s'apparente à une
cession de droit d'auteur. Or cette cession est très encadrée par
le droit de propriété intellectuelle. Le contrat doit respecter
un certain nombre de mentions.
Imaginons qu'un joueur créé un objet
numérique « empreint de sa personnalité » permettant de
lui octroyer un droit d'auteur sur sa création, la clause devra
respecter les conditions de la cession du droit d'auteur.
En premier lieu, l'article L131-1 prohibe la cession globale
des oeuvres futures qui est atteinte de nullité. Néanmoins, la
jurisprudence permet cette cession lorsque « les oeuvres futures sont
d'ores et déjà identifiées et définies, dans leurs
objets, leurs formes et leurs caractéristiques
essentielles155 ». Ensuite, la cession doit préciser
l'étendue et la destination des droits cédés ainsi que le
lieu et la durée de l'exploitation des droits (V. L131-3 CPI).
Nous constatons que l'éditeur s'octroie « tous les
titres de propriétés intellectuelles » or toute clause large
de cession doit être réputée sans effet. Dans un
arrêt de la cour de cassation du 9 octobre 1991, la clause « tous
droits compris » n'a pas pu être admise car la cession a
été déclarée générale à cause
d'une clause trop imprécise156. Cette clause est
inopérante puisque le contrat de cession n'est pas précisé
quant à son étendue.
De même, le contrat de cession est
d'interprétation stricte. Ce qui n'est pas expressément
cédé est retenu par l'auteur : « il découle que
l'auteur est supposé s'être réservé tout droit ou
mode d'exploitation non expressément inclus dans un contrat de
cession157 ». En effet, l'article L. 1 3 1-3
précise que « chacun des droits cédés doit faire
l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession ». Le cessionnaire
ne peut déduire des circonstances de l'espèce une cession de
droit non expressément prévue au contrat puisque les dispositions
légales imposent des mentions obligatoires au contrat de cession.
Cette interprétation stricte du contrat implique que
« la cession du droit de reproduction n'emporte pas cession du droit de
représentation ».
155 Frédéric Pollaud-Dulian, « Le droit
d'auteur », Série droit privé dirigée par
Nicolas Molfessis, 2005, p. 592
156 Civ. 1e, 9 oct. 1991 : D. 1993. Somm, 91, obs.
Colombet ; RIDA, janv. 1992, p. 293
157 Versailles, 13 février 1992 : D. 1993. 402, note
Edelman
Le cessionnaire doit également préciser la
destination de l'exploitation afin de respecter le droit moral de
l'auteur158. Il a ainsi été jugé que
l'autorisation donnée en vue d'une d'adaptation d'une pièce de
théâtre n'emportait pas cession des droits d'adaptation
cinématographique 159.
Il est également important que le lieu d'exploitation
de la cession et sa durée soient précisés dans le contrat
de cession. Une délimitation au monde virtuel est-il un territoire
couvert par l'article L. 131-3 ? La question reste ouverte avec le
développement d'Internet, où les frontières n'existent
plus. Il est possible d'envisager une cession délimitée à
cet environnement numérique. La jurisprudence exige que lieu soit
précisé.
La conséquence de la violation de l'article L. 131-3
CPI est la nullité qui sanctionne la violation des règles d'ordre
public. Seul l'auteur peut s'en prévaloir. Cette nullité peut
être partielle et ne viser que la clause incriminée ou bien totale
et annuler tout le contrat lorsque « la stipulation est substantielle
et essentielle160 ».
Section 2 : La défaillance ou la fermeture du
serveur: les interrogations sur la responsabilité de l'éditeur en
cas de la perte d'une propriété virtuelle du joueur
Nous verrons dans un premier temps que la reconnaissance
possible d'une propriété virtuelle soulève des questions
juridiques nouvelles en cas de la perte des données
(§1). Par ailleurs, l'omnipotence de l'éditeur serait mise
à mal car tel « un gardien », il serait obligé de
conserver l'intégrité des objets numériques
(§2).
§ 1 Difficultés en cas de bogue ou fin du
jeu
Allen Chen donne un bel exemple sur la raison pour laquelle
les éditeurs souhaitent reconnaître aucun droit aux
joueurs161. Le premier jour, le monde virtuel baigne dans le
bonheur. Le deuxième jour, les joueurs sont toujours aussi heureux qu'au
premier jour. Malheureusement, le troisième jour vient troubler la
quiétude des journées précédentes. Un incident
oblige à fermer le serveur pendant un certain temps afin de
réparer les éventuels problèmes ayant
entraîné la perte des données (objet virtuel, avatar,
compte de jeu...)162.
La question juridique soulevée est la
responsabilité de l'éditeur. Doit-il indemniser toutes les
personnes qui ont perdu leurs propriétés virtuelles ? Comme le
souligne, Allen Chen, « que se passe-t-il pour toutes les transactions
de propriétés virtuelles qui ont eu lieu durant le
deuxième jour de notre exemple ? ».
158 Christophe Caron, « Droit d'auteur et droits voisins
», Litec, octobre 2006 p. 320
159 Civ. 22 juin 1959 : D. 1960. 129, note Desbois
160 Christophe Caron, op. cit., p. 322
161 Allen Chen, « A pratical look at virtual property
», ST. John's Law Review, Vol. 80 :1059, 28 oct. 2006, p. 1076
162 Ibid.
L'endommagement du serveur (A) n'est pas la
seule manière dont la propriété virtuelle peut être
perdue. Nous examinerons deux autres cas : une faille du système
(B) et la fin du jeu décidée par
l'éditeur (C). Nous essaierons de trouver des solutions
juridiques permettant de dédommager le joueur lésé.
A. Serveur endommagé
L'endommagement du serveur peut entraîner de nombreuses
conséquences : pertes, détérioration, altération
des objets numériques.
L'éditeur du jeu pourrait invoquer un cas de force
majeur, si le serveur était endommagé du fait d'un cyclone par
exemple pour se décharger de sa responsabilité dans le cas de la
perte des données.
Si le joueur-créateur détient un droit de
propriété intellectuelle sur ses objets numériques, le
serveur endommagé entraîne inévitablement
l'altération de ces biens numériques. Au nom du droit moral,
l'auteur a droit au respect de l'intégrité de son oeuvre qui lui
permet de s'opposer aux modifications de la forme de l'oeuvre. Constituent par
exemple une atteinte au droit moral : la publication d'un livre avec la
suppression de certains passages163.
Nous pourrions également envisager la situation d'un
objet virtuel défectueux. Le joueur détenait une armure le
protégeant contre toute attaque d'un certain type de monstre. Or, il
s'avère que l'armure est aujourd'hui perméable car le code de
l'objet virtuel situé dans le serveur a été
endommagé.
B. Négligence du prestataire de service
concernant la sécurité de ses réseaux
informatiques
Nous savons que l'outil informatique n'est pas à l'abri
d'un quelconque virus ou d'un bogue qui fasse perdre les possessions
numériques du joueur. Cette perte est d'autant plus préjudiciable
pour le joueur puisque ces objets numériques font partie de son
patrimoine « virtuel » propre.
La première difficulté est qu'il arrive que des
ralentissements diminuent la « jouabilité » lorsque
plusieurs joueurs se retrouvent au même endroit en même temps.
C'est le cas pour SL qui se bloque164. Du fait d'un défaut du
serveur et d'un grand nombre d'internautes connectés, les mondes
virtuels ne pourraient assurer une accessibilité permanente des joueurs
à leurs objet virtuels. L'éditeur met généralement
à disposition des « patch » corrigeant les
éventuels bogue informatique.
Une autre difficulté se pose. Des joueurs rusés
cherchent à exploiter les failles du système. Il existe des
logiciels qui permettent de dupliquer les objets virtuels. Le logiciel tiers :
le « copybot » copie n'importe quel objet présent
dans le jeu165.
163 Paris, 7 juin 1982 : D. 1983. IR. 97, note
Colombet
164 V. <
http://www.lecourrier.ch/index.php?name=NewsPaper&file=article&sid=437354
165 « Un robot (ou bot) petit logiciel
chargé de jouer à la place du joueur pour lui éviter
d'être présent derrière son écran. »
Dossier du Forum des droits de l'Internet : les jeux en
réseau massivement multi-joueurs : « Du virtuel au réel
», p. 20
<
www.foruminternet.org/telechargement/
documents/dossier-jeux-20060626.pdf>
Lassé d'accomplir des tâches
répétitives pour accéder à un niveau
supérieur, « le tricheur » choisit la facilité. Le
« bot » fait le travail à sa place de manière
rapide et efficace. L'avatar sous le contrôle du « bot
» accomplit les dites tâches répétitives ; nul
besoin de la présence physique du joueur devant son
ordinateur166.
Les joueurs lésés se retournent vers
l'éditeur du jeu qui est contre ce genre de pratique. Ce dernier bannit
du jeu « les tricheurs ». Ces pratiques sont de la contrefaçon
puisqu'elles contreviendraient aux droits de propriétés
intellectuelles détenus sur les objets copiés.
Pour un éclaircissement plus approfondi, Sergueï
Golovanov (spécialiste chez Kaspersky Lab, éditeur reconnu de
solutions de sécurité informatique contre les «
cybermenaces »), dresse un tableau des programmes malveillants et
les moyens utilisés par certains joueurs pour voler des mots de passe ou
des biens virtuels167. Il existe différentes méthodes
pour voler les données confidentielles d'accès au jeu. Par
L'ingénierie sociale, le joueur propose son aide à un autre
joueur afin de lui permettre de progresser dans sa quête en
l'échange de son mot de passe. Profitant de l'incrédulité
de ces joueurs, le « cyberdélin quant » accède
aisément au compte de l'utilisateur pour lui dérober sa
propriété virtuelle.
L'exploitation des vulnérabilités du serveur de
jeu est un autre moyen puisque le code du serveur peut contenir des erreurs de
programmations et des bogues. Ces vulnérabilités sont
exploitées « pour accéder aux bases de données du
serveur et dérober les mots de passes ». Il est également
possible d'avoir recours à des logiciels malveillants tel les «
copybot ». Comme il a été vu, ce logiciel est une
autre manoeuvre pour s'attaquer à la propriété virtuelle
des utilisateurs des jeux en ligne168.
Cette propriété virtuelle a de la valeur. Comme
tout objet de précieux, elle est au centre de toutes les attentions et
convoitises. Il arrive qu'un joueur subtilise l'objet virtuel d'un autre
joueur. La doctrine s'est demandée s'il était possible de
qualifier ce fait de « vol » virtuel.
L'article 311-1 du Code Pénal énonce que le vol
est « la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui ». Au fil du
mémoire, nous avons pu constater qu'il était possible d'assimiler
la propriété virtuelle à une véritable
propriété. Il serait envisageable de caractériser un vol
car la qualité de chose peut être reconnue aux biens virtuels.
Néanmoins, il faut garder à l'esprit que les textes pénaux
sont d'application stricte.
Le site de la BBC a rapporté une histoire
invraisemblable. Un adolescent de 17 a volé des meubles virtuels dans
les appartements du jeu Habbo Hotel169 pour une valeur de
4000 euros. Ce jeune Hollandais a été arrêté par la
« vraie » police et a dû répondre de son larcin.
166 « MMO : Tricher n'est pas jouer ? », Tom's
Games, p 2 : « Le principe est fort simple : trouvez un bot,
configurez-le, lancez-le et laissez-le tuer des monstres et ramasser de l'or
pendant des heures, voir des jours entiers.
<
http://www.jeuxvideopc.com/articles/1070-mmo-tricher-n-est-pas-jouer/p-2-bots-bugs-exploit.php>
167 Sergueï Golovanov, « La fraude dans les jeux en
ligne ou comment prendre les joueurs à l'hameçon ? », 10
septembre 2007
<
http://www.viruslist.com/fr/analysis?pubid=2006761
08%20>
168 Ibid.
169 Habbo Hotel est une communauté virtuelle
qui combine le concept d'un tchat et d'un jeu en ligne, possédé
et dirigé par Sulake Corporation. Six millions de personnes dans plus de
30 pays y joue chaque mois. Pour plus d'information voir le site officiel en
France <http://www.habbo.fr/>, et la fiche technique <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Habbo_Hotel>
D'autres jeunes de 15 ans qui recelaient des meubles virtuels
ont également été suspectés d'avoir
déplacé ces meubles volés dans leurs propres appartements
virtuels170. Les « cyberdélinquants » ont
obtenu par ruse les informations personnelles de leurs victimes en
créent de faux sites sur l'univers habbo. Ils pouvaient ainsi
pénétrer, et se servir en toute impunité dans les chambres
virtuelles garnies de mobiliers.
Selon le porte-parole d'Habbo Hotel, il faut
« considérer cela comme du vol puisque les meubles sont
payés avec de la monnaie réelle. Et la seule manière
d'être un voleur sur Habbo est d'obtenir le nom d'utilisateur et le mot
de passe des joueurs, ensuite de se connecter et prendre le
mobilier171 ».
Quant à Gérald Sadde, avocat au cabinet Roche
& Associés, il propose d'aller sur le terrain de l'escroquerie (V.
article L313-1 du Code Pénal172) pour des cas
d'espèces similaires à l'affaire Habbo, « car la
technique relève de la mise en place de manoeuvres visant à
tromper la victime et fausser son jugement173
».
Certaines législations étrangères sont en
voie de reconnaissance, ou ont reconnu la propriété virtuelle. Le
gouvernement de Taiwan a établi une loi qui protége la
propriété virtuelle. Sous le code pénal taïwanais,
l'objet virtuel est considéré comme une « vraie »
propriété « lorsqu'il possède les
caractéristiques similaires à la
propriété174 ».
Des joueurs se sont vus éjecter de leurs
propriétés par des groupes de joueurs très bien
organisés qui dérobent les biens numériques. La
Corée du Sud est confrontée à cette nouvelle forme de
« criminalité ». En effet, l'engouement des sud-coréens
pour les MMOG est équivalent à celle des Anglais pour leurs
équipes de football.
Il est fréquent que la police sud-coréenne est
à régler des litiges entre joueur sur le « vol » de
biens numériques. Selon le site de la BBC, « sur 40000 cas de
cybercriminalités recensés en Corée du Sud dans les 6
premiers mois de l'année 2003, plus de la moitié (22 000) sont
liés aux jeux en ligne175 ».
En chine, nous pouvons répertorier quelques
décisions de tribunaux qui ont eu à se prononcer sur la
propriété virtuelle. Dans une affaire rapportée par le
site
legalbiznext.com, un jeune chinois
au nom de Li Hongchen a perdu tous ses objets virtuels (des armes
bactériologiques virtuelles stockées dans l'inventaire de son
avatar) à cause du piratage du serveur du jeu en ligne « Red
Moon » (Lune Rouge).
170 BBC News, « Virtual theft leads to arrest
», 14 novembre 2007 <
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/7094764.stm>
171 Ibid.« It's a theft because the furniture is
paid for with real money. But the only way to be a thief in Habbo is to get
people's usernames and passwords and then log in and take the furniture
»
172 Article 313-1 du Code Pénal : « L'escroquerie
est le fait, soit par l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité, soit
par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres
frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la
déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice
d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque,
à fournir un service ou à consentir à un acte,
opérant obligation ou décharge ».
173 Dossier : « le vol virtuel, paroles de juriste »,
Mondes persistants, 14 janvier 2008 <
http://www.mondespersistants.com/dossier/305/dossier/le-vol-virtuel-paroles-de-juriste.html>
174 Susan H. Abramovitch et David L. Cummings, « Virtual
property, real law : the regulation of property in video games », p.
17
<
http://www.gowlings.com/resources/publicationPDFs/abramovitch
_VirtualProperty.pdf>
175 Mark Ward, « Does virtual crime need real justice ?
», News BBC <
http://news.bbc.co.uk/2/hi/technology/3138456.stm>
Devant les tribunaux chinois, Li Hongchen a mis en avant cet
argument (souvent repris par les joueurs lésés) : il avait
consacré des heures conséquentes sur le jeu en ligne pour se
bâtir une propriété virtuelle et « cet
équipement virtuel était le fruit de son travail, de son temps,
de son savoir et de son argent... »176.
L'éditeur du jeu Beijing Artic Ice Technology
Developement a été déclaré responsable d'un
« vol » virtuel dans une décision du 18 décembre 2003
en raison de sa négligence concernant la sécurité de ses
réseaux informatiques. L'éditeur devait assurer une
sécurité afin de prévenir toute intrusion sur ses
serveurs. La réparation du dommage s'est effectuée en nature ; la
société éditrice a dû rendre les objets
numériques. La réparation du préjudice ne s'est pas
résolue en allocation de dommages et intérêts pris en
compte au regard de la valeur réelle des objets177.
Dans ces cas de « vol » virtuel , le
préjudice semble très difficile à évaluer.
Pourtant, le joueur aura consacré une grande partie de ses
journées à l'acquisition de l'objet numérique
subtilisé. Gérald Sadde estime qu'il sera difficile pour un juge
d'assimiler un temps de jeu à un investissement178.
Michael Meehan, docteur en science de l'informatique,
considère que le remède à la perte d'une
propriété virtuelle, est le replacement de l'objet virtuel.
C'est-à-dire replacer l'objet virtuel au moment où il se trouvait
avant qu'il soit perdu. Par contre, si cette restauration de la
propriété virtuelle est impossible, la compensation sera
pécuniaire179.
Il existe un cas isolé rapporté par le site
Wired, où un utilisateur chinois du jeu en ligne
Shanda, s'est vu dépossédé de ses biens virtuels
par l'éditeur du jeu qui enquêtait sur la vente d'objets
numériques volés. Constatant le manque de 6 objets virtuels de
son inventaire, le joueur réclama pour 20 000 dollars auprès des
tribunaux chinois en réparation de son préjudice pour le temps
qu'il avait passé dans le jeu. Il reçut finalement pour moins de
700 dollars180.
Il faudra du temps pour convaincre un juge d'admettre un
« vol » virtuel. Le monde des jeux en ligne est pour la plupart de
gens loin de nos préoccupations quotidiennes.
De plus, les juges français écartent souvent la
qualification de vol de données « puisqu'ils considèrent
qu'il ne peut y avoir vol d'une chose qui pourrait être
recréée à l'identique181 ».
176 V. <
www.legalbiznext.com/droit/vol-virtuel-condamnation-relle?var_recherche=jeux+vidéo>
177 Aurélien Pfeffer, « La commercialisation d'objets
virtuels », Portail JeuxOnLine, publié en décembre 2004
(mise à jour décembre 2005), p. 11
<
http://www.jeuxonline.info/article/mmog_vov1
01>
178 Dossier : « le vol virtuel, paroles de juriste »,
Mondes persistants, 14 janvier 2008 <
http://www.mondespersistants.com/dossier/305/dossier/le-vol-virtuel-paroles-de-juriste.html>
179 « Replacement of virtual property would be ideal
»
Michel Meehan, « Virtual Property : Protecting bits in
context » p. 42 <
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=908924>
180 Earnest Cavalli, « Chinese Gamer Wins Suit Over
In-Game Item Loss », Wired, 31 décembre 2007 <
http://blog.wired.com/games/2007/12/chinese-gamer-s.html>
181 Supra note 173
C. Fin du jeu : le monde virtuel n'est pas
perpétuel, n'est plus viable pour l'éditeur
Qu'on le veuille ou non, le monde virtuel n'est pas
perpétuel. Et les utilisateurs peuvent espérer jouer à un
jeu aussi long temps que le monde virtuel est disponible mais pas après
que l'éditeur décide de mettre fin au jeu182. Il se
peut que l'éditeur n'ait plus les moyens d'assurer la maintenance du
serveur et soit obligé de fermer le monde virtuel.
Que se passerait-il pour les personnes qui ont investi leur
argent pour se bâtir une propriété virtuelle ?. Il est
difficile de répondre à cette question. Cela serait une situation
compliquée pour l'éditeur obligé de maintenir le monde
virtuel. Or dans le même temps, il perdrait de l'argent183.
Le juge pourrait déclarer l'éditeur responsable
de la perte des objets virtuels. Encore faut-il pouvoir évaluer la
propriété virtuelle pour ensuite établir le montant du
préjudice. Le problème est toujours le même. Le seul indice
sur la valeur d'un objet virtuel est son prix sur les sites
d'enchères.
Pour Michel Meehan, il faudra analyser chaque cas
d'espèce pour savoir comment réparer le préjudice subi par
les joueurs184. Ce dédommagement sera différent selon
chaque affaire et chaque situation (fin du jeu, « vol » virtuel,
serveur endommagé..)
§ 2 L'éditeur : gardien de la chose ?
Nous pourrions qualifier le contrat liant le joueur à
l'éditeur à un contrat de dépôt. Si le joueur est
propriétaire de ses objets virtuels, il les déposerait dans
l'univers virtuel. L'éditeur aurait ainsi les obligations d'un
dépositaire.
Le contrat de dépôt est défini à
l'article 1915 du code civil comme « acte par lequel on reçoit
la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature
». Le contrat de dépôt ne peut être formé
que s'il y a la remise d'une chose. C'est un contrat réel ayant pour
objet un service de garde185. Nous considérerons deux
hypothèses le dépôt de droit commun (dépôt
volontaire) et le dépôt hôtelier.
Dans le premier cas de figure (dépôt volontaire),
le joueur (le déposant) demanderait au propriétaire de l'univers
virtuel (le dépositaire) de conserver la chose afin qu'elle puisse lui
être restituée ultérieurement contre ou sans
rémunération. La contrepartie financière n'est pas un
élément essentiel du contrat de
dépôt186.
La charge de restituer en nature la chose remise est un
élément essentiel du contrat de dépôt. Le
dépositaire a une obligation de moyen de garder la chose
déposée, de lui apporter les mêmes soins qu'il apporte dans
la garde des choses qui lui appartiennent187. La finalité du
contrat de dépôt est la restitution.
182 Supra note 179
183 Ibid. p. 38
184 Ibid. p. 44
185 V. la fiche du contrat de dépôt sur
Wikipédia <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Contrat_de_dépôt>
186 Pascal Puig, « Contrats Spéciaux »,
HyperCours, 2e éd., Dalloz, 2007, p.533
187 Huet, Traité de droit civil, les principaux contrats
spéciaux, 2ème édition 2001 sous la direction de
J.Ghestin
Dans le cadre d'un univers virtuel, l'éditeur devrait
remettre la chose ici l'objet virtuel dès que le joueur lui demande.
L'éditeur du jeu devrait aussi s'assurer que l'objet numérique
n'est pas altéré par un bogue informatique par exemple affectant
le code au niveau du serveur.
Ce régime serait très désavantageux pour
l'éditeur, en effet des milliers d'objets virtuels sont
créés et présents dans l'univers virtuel. Une
défaillance de son serveur l'obligerait d'indemniser chaque joueur pour
les dommages subis sur les biens virtuels.
Le dépositaire voit sa responsabilité
engagée de plein droit sauf à s'exonérer en prouvant
« qu'il est étranger à la détérioration de
la chose qu'il a reçue en dépôt, soit en établissant
qu'il a donné à cette chose les mêmes soins qu 'à la
garde des choses lui appartenant, soit en démontrant la survenance d'un
accident de force majeure188 ».
Pourrions-nous partir sur le terrain du régime
spécial du dépôt hôtelier ?
Dans le monde virtuel Habbo Hotel, les joueurs
disposent de chambres virtuels où ils peuvent y déposer tous
leurs biens numériques. Comme nous l'avons vu, ces biens ont une valeur
certaine car ils sont achetés en monnaie « réelle ».
Tout comme un hôtel du monde réel, Habbo Hotel offre un
service d'hébergement payant aux avatars et biens numériques.
En cas de perte des objets numériques, les
éditeurs seraient poursuivis en tant qu'hôtelier. Comme pour le
dépôt volontaire, la responsabilité de l'hôtelier
peut être écartée si ce dernier démontre la
survenance d'un cas de force majeur ou la faute du client189.
Nous pourrions imaginer la faute du joueur, situé dans
un cybercafé, oublie de se déconnecter à l'un des postes.
Un joueur tiers s'introduirait dans son compte de jeu et subtiliserait les
objets numériques (en les envoyant dans son propre compte). La faute du
client permet un partage de responsabilité pour
moitié190.
Les dommages et intérêts dus au client qui
dépose les objets dans sa chambre, sont limités à 100 fois
le prix de location de la chambre. Dans le cas d'un monde virtuel, ils seraient
sans doute de 100 fois le prix de l'abonnement mensuel.
Il semble toute fois que ces qualification « osées
» du contrat de dépôt à proprement dit ou
hôtelier seraient difficilement retenues par les juges.
En effet, malgré une possible reconnaissance de la
propriété virtuelle, l'immatérialité des objets
pose toujours problème puisque la jurisprudence exclut du contrat de
dépôt les biens incorporels. Cependant un courant doctrinal tend
à considérer que « la dématérialisation n
'a aucune influence sur le régime juridique du contrat de
dépôt191 ».
Pourrions-nous par conséquent reconnaître la
qualité de bailleur : à l'éditeur du monde virtuel ? Dans
ce cas-là, le régime du contrat de louage serait plus favorable
à l'éditeur du jeu puisqu'il faut présumer sa faute pour
engager sa responsabilité.
188 Civ. 1e, 11 juillet 1984 : Bull. civ. I,
n°230
189Supra note 186 p. 551
190 Paris 5 janvier 1996, JCP G 1996. II. 22679, note T.
Hassler
191 Marie-Hélène Guillemin et Nicolas Gras, «
L'avenir controversé du contrat de dépôt »,
réseau de Droit et actualité Internet, 27 décembre 2006
<
http://www.monjuriste.com/droit-des-contrats/contrat-de-depot/avenir-contrat-de-depot>
Le bail est également un contrat nommé du code
civil avec un régime qui lui est propre. Il permet de conférer la
jouissance en contrepartie d'un prix.
Le contrat de louage des choses est ainsi défini
à l'article 1709 du code civil comme « un contrat par lequel
l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un
certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer
». Les éléments essentiels de la formation du bail sont
la « jouissance d'une chose, à une certaine durée et
à un certain prix192 ».
Il faut bien évidemment différencier le
dépôt et le contrat de louage de chose. Le bailleur met à
la disposition du preneur une chose « afin qu'il s'en serve ». Quant
au dépositaire, il conserve et restitue la chose remise par le
déposant. Dans le cadre des jeux en ligne, si l'éditeur est un
bailleur, il devra uniquement assurer au joueur la jouissance paisible de
l'espace virtuel loué. Il n'engage sa responsabilité que si sa
faute est prouvée. Cette qualification est plus avantageuse pour
l'éditeur. Il n'est tenu à aucune obligation de surveillance de
la chose.
Néanmoins, une difficulté se pose à
l'application du contrat de bail aux univers virtuels. L'article 1723 du code
civil interdit au bailleur pendant la durée du bail de changer la forme
de la chose louée sans l'accord du cocontractant. Or, les contrats de
licence comme celle de WoW se réserve la faculté de modifier le
monde virtuel sans le notifier au joueur.
Section 3 Le commerce d'objet numérique : une
taxation envisagée
Cette confusion entre le réel et le virtuel
soulève des questions d'ordre fiscales. Les banques centrales ont le
privilège de la création monétaire. Or, les mondes
virtuels créent de la monnaie virtuelle qui est convertible ensuite en
monnaie « réelle ». L'économie des mondes persistants
génère une quantité énorme de revenus.
L'administration fiscale américaine s'est penchée sur une
possible taxation.
Avec l'imbrication de ces deux mondes virtuels et
réels, la taxation réelle des revenus (issus du virtuel) n'est
qu'une question de temps selon de nombreux spécialistes.
Dan Miller, un économiste travaillant pour le
congrès américain, également un fan de mondes virtuels
pense « qu'étant donné une économie croissante
des univers virtuels de 10 à 15 pourcents par mois, la question est
quand, mais pas si, le congrès et l 'IRS193 commenceront
à porter une attention à ce problème ».
Contrairement à de nombreux pays occidentaux, la
Corée du Sud taxe les revenus tirés des jeux en ligne depuis le
1e juillet 2007194. En effet, « entre 4800 et 9600
euros de gains, la taxe sera appliquée par les opérateurs.
Au-delà les joueurs devront faire une déclaration
séparée, en tant que professionnels et s'acquitter
eux-mêmes de la taxe195 ».
192 Pascal Puig, « Contrats Spéciaux »,
HyperCours, 2e éd., Dalloz, 2007, p. 339
193 Acronyme de l'Internal Revenue Service. C'est
l'agence du gouvernement des Etats-Unis qui collecte les impôts et fait
respecter les lois fiscales. Il fait partie du Département du
Trésor. Voir le site officiel <
http://www.irs.gov> et la
fiche sur Wikipédia <
http://fr.wikipedia.org/wiki/Internal_Revenue_Service
194 « Taxe sur les biens virtuels en Corée du Sud
», Blogspot, 2 juillet 2007 <
http://droit-jeuxvideo.blogspot.com/search/label/fiscal>
195 Miguel Lopez, « South Korea begins taxing virtual
assets », Wired, 2 juillet 2007 :
« Sellers who do between 6 and 12-million won/half year
in business will have VAT auto applied by transaction's middleman. Sellers who
do more than 12 million won/half year business will need a business license and
will pay the tax by themselves »
<
http://blog.wired.com/games/2007/07/south-korea-beg.html>
Dans les pays occidentaux, la question est récente. Les
politiciens réfléchissent à la possibilité
d'implanter un système d'impôts dans les jeux massivement
multi-joueurs.
Afin de lutter contre la pauvreté dans le monde,
Philippe Douste-Blazy a proposé de taxer les jeux en ligne : «
Aujourd'hui, il manque 50 milliards de dollars par an pour atteindre les
objectifs du Millénaire, adoptés par les dirigeants du monde en
2000, alors que nous échangeons 1500 milliards de dollars par jour sur
les places financières. Nous allons inventer de nouveaux moyens,
l'idée étant qu'il faut créer une démarche
citoyenne mondiale qui vise une mondialisation plus équitable et
solidaire. Nous pensons notamment à une taxation des jeux sur Internet
et du commerce196 ».
L'attention est portée sur ces transactions car de la
vraie monnaie est utilisée. Les jeux en ligne ont apporté cette
situation eux-mêmes en reproduisant l'économie du monde
réel197. Une taxation par l'administration fiscale semble
inévitable.
Fin 2006, le congrès américain a entamé
des investigations afin de savoir comment imposer les capitaux virtuels et les
revenus issus des mondes persistants198. Les échanges se font
généralement en dollar US. Les serveurs des jeux en ligne sont
pour la plupart situés aux Etats-Unis.
Les personnes qui sortent la monnaie virtuelle en dehors du
jeu en la convertissant en monnaie réelle doivent déclarer leurs
revenus à l'IRS. Ainsi, pour un célèbre exemple repris par
de nombreux articles en ligne, Julian Dibbell (journaliste américain,
chroniqueur au magazine Wired) s'est essayé, le 15 avril 2004,
à déclarer à l'administration fiscale que « sa
principale source de revenus était issue de la vente de biens
imaginaires d'un jeu nommé Ultima Online ; et que cela lui
rapportait davantage, sur une base mensuelle, que ce qu'il a toujours
gagné en tant qu'auteur professionnel ». Il s'acquitta
ensuite de la taxe et conclu que les biens virtuels sont imposables à
partir du moment où ils sortent du contexte du jeu199.
En France, l'impôt est déclaratif. Il «
est dû chaque année à raison des
bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont
il dispose au cours de la même année ». Il comprend
l'ensemble des revenus, bénéfices et gains de toutes sortes,
perçus par le contribuable, ainsi que par les membres de son foyer
fiscal quelle qu'en soit la source, française ou
étrangère200.
196 « Une taxe sur les jeux en ligne ? »,
Blogspot, 28 février 2008 <
http://droit-jeuxvideo.blogspot.com/search/label/fiscal>
197 « By taking any aspect of the game and connecting it to
the real world, the games have only brought this possibility on themselves
»
<
http://www.techdirt.com/articles/20061017/163943.shtml>
198 Adam Reuters, « US Congress launches probe into
virtual economies », Reuters/Second Life, 15 octobre 2006,
<
http://secondlife.reuters.com/stories/2006/10/1
5/us-congress-launchs-probe-into-virtual-economies>
199 « On April 15, 2004, I will truthfully report to the
IRS that my primary source of income is the sale of imaginary goods, and that I
earn more from it, on a monthly basis, than I have ever earned as a
professional writer »,
Julian Dibbell, « Dragon Slayers or Tax Evaders
», Legal Affairs, janvier/février 2006 <
http://www.legalaffairs.org/issues/January-February-2006/feature_dibbelljanfeb06.msp>
200 Pour une définition générale du revenu
imposable, V. les articles 12 et 13 du code général des
impôts. Disponible en ligne sur Légifrance :
<
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=4A632E6E229BCE5E4AA1A01
7FCED9B90.tpdjo1 3 v_3?idSectionTA=LEGISCTA0000061 79571
&cidTexte=LEGITEXT000006069577&dateTexte=2003 0702>
Si nous nous tenons à cette large définition «
les revenus, bénéfices et gains de toutes sortes »,
une imposition des revenus issus des MMOG aura vocation à
s'appliquer.
La recommandation des Forum des droits sur l'Internet propose
que l'administration fiscale française aide les joueurs de sorte qu'ils
puissent « mieux comprendre leurs obligations fiscales sur les revenus
éventuels tirés de leurs activités des jeux en ligne
».
Dans le monde réel, lorsqu'une personne gagne de
l'argent ou est propriétaire d'un patrimoine qui augment en valeur, elle
est généralement assujettie au paiement d'une taxe. Cette
situation reste à définir dans le monde virtuel.
Il faut tout de même faire une différence entre
d'une part l'échange d'objet virtuel et le patrimoine virtuel
circonscrit au jeu, et d'autre part, les revenus tirés de la vente
d'objet virtuel allant vers le monde réel. Tous les revenus qui sortent
du jeu devraient être déclarés à l'administration
fiscale201.
Les chercheurs de l'université de l'état de
l'Iowa (ISU : Iowa State University) rejoignent ce point de vue et
proposent « que les revenus ne devraient pas être taxés
jusqu'à qu'ils sont pris en dehors du jeu ; plus
précisément jusqu'à ce que les dollars virtuels soient
convertis en dollars réels202 ».
Les MMOG restent un jeu, et tant que les échanges se
font dans le cadre du jeu, l'administration fiscale n'a pas à
intervenir. Nous pouvons donner l'exemple des jetons de casino. Comme les
pièces d'or des MMOG, les jetons ont de la valeur au sein du jeu
néanmoins ils ne sont pas perçus comme équivalant à
de la monnaie susceptible d'être imposée puisque leur but est de
permettre de jouer et rien d'autre203.
Les revenus circonscris au sein du jeu seront-ils un jour
imposable ? Il semble que non. En effet, comment évaluer un revenu
imposable en se basant sur des pièces d'or virtuel ?
De plus, la propriété virtuelle ne serait
taxable que si un réel droit de propriété était
reconnu au joueur sur ses possessions virtuelles. Si ni l'avatar ni les biens
numériques n'appartient au joueur, comment est-il possible de l'imposer
sur des richesses (avatar, objet numérique, compte de jeu...) qui ne
sont pas sa propriété. C'est l'argument soulevé par Scott
Wisniewski dans ses travaux intitulés «Taxation of virtual
assets» (Taxation des revenus virtuels) 204.
201 Le Forum des droits sur l'Internet, « Dois-je
déclarer mes revenus tirés d'un jeu vidéo en ligne ?
», 18 mars 2008-07-08
<
http://www.foruminternet.org/particuliers/fiches-pratiques/internautes/jeux-video-en-ligne/dois-je-declarermes-revenus-tires-d-un-jeu-video-en-ligne-2582.html>
V. Le portail de l'administration fiscale française
<
http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/home?pageId=home&sfid=00>
202 « We're proposing that the income should not be taxable
until it's taken out of the game, or more precisely, until virtual dollars are
converted into real dollars »
Propos rapportés par le site
physorg.com, dans l'article :
« Should real profits in virtual world be taxed ?, ISU professors say
there 's a way to do it », 3 avril 2008
<
http://www.physorg.com/news126457985.html>
203 Scott Wisniewski, « Taxation of virtual assets »,
Duke Law and Technology Review, mars 2008, p. 15 <
www.law.duke.edu/journals/dltr/articles/pdf/2008DLTR0005.pdf>
204 Ibid. p. 13
CONCLUSION
Comme nous l'avons étudié tout au long du
mémoire, la recherche du titulaire des objets numériques est
difficile. Que cette titularité soit un droit de propriété
( au sens de l'article 544 du code civil) ou un droit de
propriété intellectuelle, deux entités sont en concurrence
: l'éditeur et le joueur.
L'éditeur souhaite conserver les droits sur les objets
numériques du monde virtuel. Il interdit ainsi la vente d'objet virtuel
à l'extérieur du jeu. Et le contrat de licence édicte les
règles du jeu.
S'agissant du joueur, il revendique une protection de ses
créations contre le pouvoir de bannissement du jeu de
l'éditeur.
Cette protection par le droit d'auteur est plus aisée
à reconnaître dans des mondes virtuels comme Second Life où
le joueur-créateur détient une grande liberté
créatrice
Quant au droit de propriété au sens strict sur
un bien numérique, cette reconnaissance est plus difficile. Il faudrait
que le droit des biens prenne largement en compte les biens intangibles.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 2
TITRE I. LA NATURE DU DROIT DE PROPRIETE DANS
LES
UNIVERS VIRTUELS 6
CHAPITRE I : L'IMMATÉRIALITÉ DES
OBJETS VIRTUELS :
UNE POSSIBLE PRISE EN COMPTE PAR LE DROIT
DE PROPRIÉTÉ 6
Section 1 : Du réel au virtuel : le contenu de la
propriété ...................................7
§ 1 : La propriété dans le monde
«réel» : le droit de propriété .7
A. Le texte fondamental : l'Article 544 code civil 7
B. Distinction implicite entre biens corporels et biens
incorporels 8
§ 2 : La propriété dans le monde
virtuel : le concept de « la propriété virtuelle »
9
Section 2 : Analogie entre propriété virtuelle
et droit de propriété ..10
§ 1 : Une possible application du droit des biens :
déplacement du
tangible vers l'intangible 10
§ 2 : Similitude entre propriété
virtuelle et droit de propriété
(du monde réel) 11
A. Propriété virtuelle et droit de
propriété : 3 principales caractéristiques
analogues 11
B. Distinction entre espace public et espace privée
virtuel 12
C. Valeur réelle des objets virtuels : rapprochement au
modèle économique du monde « réel » .13
CHAPITRE II : LE DROIT DE PROPRIÉTÉ :
EXTENSION DE SON
CHAMP D'APPLICATION AU DROIT DE
PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE 16
Section 1 : Le droit d'auteur : les caractéristiques
d'une « pleine » propriété 16
Section 2 : L'inclusion du droit d'auteur dans la
catégorie des droits de l'homme.....17
TITRE
II. LA TITULARITE
DES DROITS DANS LES UNIVERS VIRTUELS :
LES JEUX EN LIGNE . 20
CHAPITRE I : ANTINOMIE ENTRE DROIT DE
PROPRIÉTÉ ET DROIT
DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE 20
Section 1 Le droit de propriété dans les
univers persistants :
la détermination du « propriétaire »
20
§ 1 : Les revendications du joueur 21
A. Les possessions numériques : le fruit de leur travail
.21
B. Les difficultés des niveaux des mondes virtuels :
Incitation à l'achat d'objet virtuel 21
§ 2 : Les revendications de l'éditeur du jeu
22
A. Le propriétaire légitime du monde virtuel
.22
B. Le joueur ne détiendrait qu'un droit d'usufruit 23
Section 2 : La titularité des droits de
propriété intellectuelle dans
les univers persistants : la détermination de l'auteur
24
§1 Possible protection par le droit d'auteur des
créations numériques 24
au sein du jeu : l'exemple de Second Life
A. Les conditions de protection d'une oeuvre par le droit
d'auteur 24
B. Respect du droit de propriété intellectuelle
dans Second Life 25
§2 Pluralité d'auteur sur les objets virtuels
. 25
A. Éditeur : propriétaire du logiciel 26
B. La contribution du « Joueur-créateur »
.29
C. Oeuvre composite (dérivée) ? 31
CHAPITRE II. LES ÉLÉMENTS
CARACTÉRISANT
UNE RECONNAISSANCE EN COURS DE LA
PROPRIÉTÉ
VIRTUELLE : LES QUESTIONS JURIDIQUES SOULEVÉES
.33
Section 1 Tentative des éditeurs de restreindre la
propriété virtuelle
par le Contrat de Licence d'Utilisateur Final (CLUF) .
33
§ 1 Le Contrat de Licence d'Utilisateur Final :
l'instrument de régulation
du monde virtuel 33
A. La Fonction du Contrat de Licence d'Utilisateur Final (CLUF)
33
B. L'omnipotence de l'éditeur du jeu 35
§ 2 Sur la question de la validité de la
clause attribuant la propriété
des objets virtuels à l'éditeur du jeu
36
A. La validité des clauses 36
B. Est-ce une cession de droit d'auteur : hypothèse du
joueur- créateur ? . 38
Section 2 La défaillance ou la fermeture du serveur:
les interrogations sur
la responsabilité de l'éditeur en cas de la
perte d'une propriété virtuelle du joueur 39
§ 1 Difficultés en cas de bogue ou fin du jeu
39
A. Serveur endommagé 40
B. Négligence du prestataire de service concernant la
sécurité de
ses réseaux informatiques 40
C. Fin du jeu : le monde virtuel n'est pas perpétuel,
n'est plus viable pour l'éditeur 44
§ 2 L'éditeur : gardien de la chose ?
. 44
Section 3 Le commerce d'objet numérique : une taxation
envisagée 46
CONCLUSION . 49
BIBLIOGRAPHIE 50
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