Le modèle américain d'accord de protection et d'encouragement des investissements 2004( Télécharger le fichier original )par Mohamed ABIDA Faculté de droit et des sciences politiques de tunis - Mastère en droit 2005 |
Paragraphe deuxième : Les insuffisances de la proposition de constituer un organe d'appel :La création d'un organe international pour contrôler les sentences arbitrales est une « proposition ancienne »,337(*) certains auteurs estimant qu'il faudrait créer une Cour internationale d'appel des sentences arbitrales. Il a été admis par conséquent que seul un organe international d'appel assure « la neutralité et l'application uniforme des dispositions conventionnelles ».338(*) Toutefois, la disposition de l'annexe « D » relative à l'instauration d'un organe d'appel ou de toute procédure similaire ne met pas en place un organe permanent et international d'appel tel que celui de l'OMC. Ainsi, l'expérience de l'organe d'appel de l'OMC est à cet égard très significative. Déjà, « on a attendu 30 ans de jurisprudence du GATT avant de penser à l'institution d'un tel organe ».339(*) En effet, l'organe d'appel de l'OMC est composé de personnes dont l'autorité est reconnue, qui ont fait la preuve de leur expérience du droit, du commerce international et des questions relevant des Accords de l'OMC en général. La composition de celui-ci doit être, dans l'ensemble, représentative de celle de l'OMC. L'organe d'appel est chargé de connaître des appels concernant les décisions des groupes spéciaux (article 17 du Mémorandum d'accord). Seules les parties aux différends, et non les tierces parties, pourront faire appel du rapport d'un groupe spécial (sauf exception). Ainsi, les appels sont limités aux questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux interprétations du droit données par celui-ci (article 17:6 du Mémorandum d'accord). Cet organe pourra confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les conclusions juridiques du groupe spécial (article 17:13 du Mémorandum d'accord). Concernant les délais, en règle générale, l'organe d'appel achèvera son processus d'examen dans un délai de 60 jours. En aucun cas, le processus ne dépassera 90 jours (article 17:5 du Mémorandum d'accord). Conformément à l'article 3 :2 du Mémorandum d'accord, l'Organe d'appel se fonde sur les règles coutumières d'interprétation du droit international public pour clarifier les dispositions des Accords de l'OMC. Toutefois, il est à craindre que l'Organe d'appel de l'OMC ne puisse pas fournir un bon exemple à suivre dans l'arbitrage des investissements étant donné que le commerce diffère de l'investissement.340(*) En effet, ce dont il s'agit selon l'annexe « D » du nouveau prototype conventionnel américain, c'est plutôt la constitution d'un organe ad hoc et bilatéral qui serait appelé à remplir une mission bien déterminée dans un moment déterminé et à disparaître lors de son achèvement. D'ailleurs, le recours en appel devant un mécanisme bilatéral d'appel n'est pas systématique. Seules les parties au TBI étudieront le bien-fondé d'instituer une instance bilatérale d'appel ou d'un mécanisme similaire afin de réviser la sentence arbitrale. Il est à craindre toutefois, que cet aspect consensuel ne déroge guère à la règle générale en matière du recours en appel tant sur le plan interne que sur le plan international. Il paraît logique que seules les parties contestantes ont un intérêt certain et substantiel à recourir à la procédure d'appel en vue de réviser ou de modifier la sentence arbitrale. Mais ce qui paraît étonnant c'est plutôt l'absence d'un régime procédural d'un tel organe. Cela dit, l'annexe « D » du nouveau modèle américain est totalement muette sur les motifs du recours en appel à savoir l'excès du pouvoir ou l'inobservation grâve d'une règle fondamentale de procédure. En fait, est-ce qu'il s'agit d'un motif de forme ou de fond ? Est-ce que la liberté des Parties d'étudier le bien-fondé d'établir une instance bilatérale d'appel s'étend à la désignation des arbitres en appel ? Et en premier lieu, est-ce que le différend en appel va être soumis au tribunal arbitral original qui a déjà statué dans l'affaire ou à un nouveau tribunal ? De même, la question qui mérite d'être posée est celle de savoir quelle est la valeur juridique de cet organe bilatéral ainsi que de ses décisions ? Est-ce qu'on peut recourir en appel devant une instance bilatérale contre une sentence rendue sous l'égide d'un arbitrage institutionnalisé et en particulier le CIRDI ? Est-ce que le recours en appel peut mener à une révision au fond, de la sentence ? Toutes ces questions demeurent sans réponse. Toutefois, nous estimons qu'il faudrait chercher la justification de ce silence au sein du modèle américain dans le climat conventionnel actuel. Actuellement, le CIRDI est en train d'adopter un nouveau projet pour la constitution d'un organe international d'appel. Tout en tenant compte de la multiplication des traités bilatéraux d'investissements récents -dont le nombre dépasse à l'heure actuelle 20 TBI- qui prévoient l'instauration d'un mécanisme d'appel, le projet de l'article 4 du CIRDI insiste sur la nécessité de créer un organe d'appel international et ce avec l'accord de la majorité des membres du CIRDI.341(*) Une annexe accompagne cet article et prévoit que cet organe sera constitué de 15 membres élus par le conseil d'administration du CIRDI. Le projet de l'article ajoute que les motifs du recours en appel seront ceux qui fondent la demande en annulation de la sentence tels qu'ils sont prévus par l'article 52 de la convention CIRDI. Ce dernier prévoit cinq motifs à savoir un vice dans la constitution du tribunal arbitral, l'excès du pouvoir, la corruption d'un membre du tribunal, l'inobservation grave d'une règle fondamentale de procédure et le défaut de motif. Ainsi, l'organe d'appel du CIRDI pourrait confirmer, modifier ou réviser une sentence arbitrale. Il pourrait même annuler entièrement ou partiellement la sentence. Finalement, cet organe achèvera son processus d'examen dans un délai ne dépassent pas 120 jours.342(*) Peut être que les négociateurs américains ont préféré attendre ce projet de réforme du CIRDI surtout que la nouvelle disposition prévoit un délai de 3 ans. Les rédacteurs du nouveau modèle américain ont voulu, semble-t-il, officialiser la procédure d'appel dans l'arbitrage des investissements sans pour autant chercher à préciser les procédures régissant un tel organe en attendant l'achèvement des travaux du CIRDI. Mais la nouvelle disposition du nouveau modèle est toutefois claire. L'organe d'appel dont il est question est un organe bilatéral d'appel. Or, le projet du CIRDI insiste sur l'instauration d'un mécanisme d'appel international des sentences arbitrales rendues sous l'égide du Centre. Ainsi, il y a un accord général des membres sur la nécessité d'instaurer un seul organe d'appel CIRDI utilisant des procédures d'appel internationales et régissant les arbitrages sur la base des traités d'investissement, plutôt que de créer différents mécanismes d'appel établis aux termes de chaque traité concerné. Cependant, au moment où le modèle américain prévoit la clause CIRDI, la question qui mérite d'être posée est celle de savoir quel accueil sera ménagé à cet organe d'appel bilatéral et ad hoc si ce projet entre dans l'ordre positif ? En effet, si la quasi-totalité des Etats dans le monde et notamment les Etats-Unis sont membres du CIRDI, il serait étonnant de voir un Etat écarter une procédure institutionnalisée et efficace d'appel et se plonger dans les aléas d'un organe bilatéral dépourvu d'un régime procédural adéquat. Face à l'existence de l'organe d'appel international du CIRDI et la reconnaissance internationale dont il jouit, il semble difficile d'envisager l'application des dispositions de l'annexe « D » du nouveau modèle américain prévoyant la possibilité d'instaurer un organe bilatéral d'appel. Quel sera donc l'intérêt de l'appel au sein de cette nouvelle convention modèle ? Seule la pratique pourra répondre à cette question. Finalement, nous partageons la position de M. Ben Hamida qui considère clairement que l'instauration d'un organe d'appel doit s'accompagner d'un contrôle minimum exercé sur les sentences arbitrales « à l'image du contrôle opéré par les comités ad hoc du CIRDI », et qu'il ne doit en aucun cas « mener à une révision au fond de la sentence ».343(*) Mais, il est à craindre que la pratique du CIRDI montre que ces comités ad hoc révisent quand même les questions concernant le fond du litige. Quoi qu'il en soit, soumettre la sentence arbitrale à un mécanisme d'appel pourrait amoindrir l'issue des sentences et ouvrir des occasions pour retarder leur application, ce qui contredit l'esprit même de l'arbitrage comme étant une justice privée et rapide. * 337 Ben Hamida.W, « L'arbitrage Etat-investisseur étranger : regards sur les traités et projets récents », précit. p. 433. * 338 Ibid. p. 434. * 339 Ibidem. * 340 «Les aspects récents du droit de l'investissement », table ronde avec les étudiants de Mastère contrats et investissements, Faculté de droit et des sciences politiques, Tunis, Groupe de Recherche Droit de l'Investissement, 22 Avril 2005. (Auquelle j'ai assisté) Accessible en ligne au site du Laboratoire Droit des Relations Internationales, des Marchés Financiers et des Négociations, http://www.urdri.fdst.rnu.tn * 341 Suggested Changes to the ICSID Rules and Regulations, Working Paper of the ICSID Secretariat, May 12, 2005, Website: http://www.worldbank.org/icsid * 342 Ibid. pp. 14-16. Annexe pp. 1-8. * 343 Ben Hamida.W, « L'arbitrage Etat-investisseur étranger : regards sur les traités et projets récents », précit. p. 434. |
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