Le modèle américain d'accord de protection et d'encouragement des investissements 2004( Télécharger le fichier original )par Mohamed ABIDA Faculté de droit et des sciences politiques de tunis - Mastère en droit 2005 |
Paragraphe deuxième : les exceptions à la transparenceL'obligation de transparence n'est pas une obligation absolue : elle est limitée par la non divulgation des informations confidentielles ou les renseignements assujettis à protection. Le but ultime est d'ailleurs de protéger l'intérêt public et la sécurité essentielle. C'est ce qu'on peut dégager des articles 18 et 19 du nouveau modèle américain. D'abord, l'article 18 intitulé « Essential Security » considère dans son alinéa premier que les articles relatifs à la transparence au sein de ce nouveau modèle américain ne doivent pas être interprétés comme exigeant un accès systématique à n'importe quelle information et notamment les informations assujetties à protection dont la divulgation pourrait entraver la sécurité nationale essentielle. Celui-ci considère à cet égard que : « Nothing in this Treaty shall be construed : 1. to require a Party to furnish or allow access to any information the disclosure of which it determines to be contrary to its essential security interests ».249(*) La nécessité de protéger les informations confidentielles est une évidence. Toute la règle de transparence repose sur la conciliation entre deux droits fondamentaux, d'une part, la liberté de l'information, d'autre part, la protection des données personnelles comme corollaire de la protection de la vie privée. Ainsi, les informations doivent être collectées de façon loyale et licite. Cela dit, l'évolution des règles sur la transparence ne fait qu'accroître le risque d'utilisation illicite de ces informations. La limitation de la transparence s'impose forcément. Dans le même sens, le préambule de l'AMI prévoit une disposition semblable à celle contenue dans le nouveau modèle américain. Le deuxième paragraphe du préambule donne un exemple des informations confidentielles et dispose qu' : « aucune disposition du présent accord n'oblige une partie contractante à fournir ou permettre l'accès à : (...) b) toute information confidentielle ou exclusive, notamment des informations concernant des investisseurs ou des investissements particuliers, dont la divulgation ferait obstacle à l'application des lois ou serait contraire à ses lois ».250(*) Or, l'article 18 ne concerne que la protection des informations qui peuvent entraver la sécurité essentielle et ce contrairement au projet de l'AMI où la règle semble de portée beaucoup plus large. Le terme « notamment » permet de déduire le caractère général du projet de l'AMI. Ensuite, les rédacteurs du modèle 2004 insistent sur la protection de l'information confidentielle. L'article 19 apporte une limite à la transparence et prévoit que les dispositions de ce nouveau modèle ne peuvent en aucun cas être interprétées pour imposer à une Partie de communiquer et de divulguer les informations confidentielles afin de protéger l'intérêt public ou des intérêts commerciaux des entreprises. L'article dispose que: « Nothing in this Treaty shall be construed to require a Party to furnish or allow access to confidential information the disclosure of which would impede law enforcement or otherwise be contrary to the public interest, or which would prejudice the legitimate commercial interests of particular enterprises, public or private ».251(*) Enfin, la communication de l'information est assujettie à des formalités et des conditions spéciales. Ainsi, l'information relevée ne doit pas dépasser la Partie contractante, celle-ci doit également protéger les informations relatives aux domaines des affaires contre la capacité concurrentielle des autres investisseurs étrangers. A ce propos, l'article 15 intitulé « Special Formalities and Information Requirements » confirme cette idée et ajoute que la divulgation de l'information doit être en liaison avec le principe de l'équité et de bonne foi. Celui-ci dispose que: « Nothing in this paragraph shall be construed to prevent a Party from otherwise obtaining or disclosing information in connection with the equitable and good faith application of its law ».252(*) Ce modèle, en vérité, ne détermine pas clairement la notion d'information confidentielle. On peut même estimer que toutes les informations commerciales et techniques peuvent entrer dans cette catégorie d'exceptions. Le but de la protection des informations confidentielles constitue un remède à cette ambiguïté. Toutefois, la référence à la notion d'intérêt général ou la sécurité nationale n'est pas toujours significative. Déjà, l'article 19 ne définit pas ce qu'on entend par la notion d'intérêt général. Est-ce qu'on peut définir cette notion en dehors du principe général bien établi dans l'ordre interne et international à savoir celui de l'ordre public ? Pourtant, la jurisprudence ALENA a beaucoup insisté sur ce critère de l'intérêt public pour justifier la transparence de la procédure arbitrale et l'admission des mémoires d'amicus curiae notamment dans les affaires Methanex et UPS objet d'une analyse approfondie au sein de la deuxième section. Cela dit, les dispositions sur la transparence de la politique d'investissement se caractérisent par leur ambiguïté. Cela parait logique du fait que ce concept a suscité beaucoup de débat et de controverse au sujet de la définition et de la qualification de cette notion, est-ce un principe de droit international, une règle conventionnelle ou un standard de droit ? De nos jours, on assiste à une extension du concept de la transparence entre les Parties contractantes qui se manifeste même au niveau de la jurisprudence arbitrale. Ainsi, dans quelques affaires récentes, les tribunaux arbitraux ont défini « le traitement juste et équitable » par exemple en se fondant sur le concept relativement nouveau de la transparence.253(*) Dans l'affaire Metalclad Corporation c. le Mexique le tribunal arbitral a défini le concept de « transparence » contenu dans l'article 1802 de l'ALENA comme l'exigence selon laquelle toutes les règles juridiques pertinentes pour les besoins de l'investissement devraient être communiquées rapidement aux investisseurs étrangers. De la même manière, le tribunal arbitral a estimé dans l'affaire Maffezini c. l'Espagne que le transfert non autorisé des fonds par un fonctionnaire espagnol est assimilable à la violation par l'Espagne de ses obligations contenues dans le traité bilatéral d'investissement conclu avec l'Argentine et que cette opération de transaction est caractérisée par un manque de transparence par l'Espagne qui devrait veiller à ce que l'investisseur reçoive un traitement juste et équitable. Or, le tribunal n'a pas précisé la définition « du manque de transparence ».254(*) * 249 Italiques ajoutés. * 250 Touscoz.J, « Réflexions sur la Transparence en Droit International Economique », précit. p. 229. * 251 Italiques ajoutés. * 252 Italiques ajoutés. * 253 Rapport de l'OCDE, « Le traitement de la nation la plus favorisée dans le droit international de l'investissement », précit. p. 40. * 254 Ibidem. . |
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