L'action internationale du parlement camerounais de 1960 à nos jour: approche historique( Télécharger le fichier original )par Joël narcisse Meyolo Université de Ngaoundéré ( Cameroun) - DEA 2007 |
II. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUELEnvisager une étude sur l'implication du Parlement dans les relations extérieures renvoie à une réflexion plus profonde sur la conception des relations internationales et notamment les acteurs de celles-ci. Pour une meilleure compréhension, il convient avant tout de trancher le débat autour des théories des relations internationales. La naissance de la diplomatie moderne qu'on situe à la Renaissance, repose sur l'extension des relations interpersonnelles des Princes aux rapports entre les pays. On parle alors de théorie classique des relations internationales. La particularité de cette théorie est qu'elle met l'Etat au centre des préoccupations. Deux écoles découlent de cette vision des relations internationales: l'école pessimiste et l'école optimiste. Pour l'école optimiste, la science des relations internationales réside dans la combinaison des différents intérêts des Etats en transposant la logique du débat démocratique au niveau international. D'un débat des intérêts rationnels de chaque nation peut naître, à la longue un certain ordre international. Le rôle du diplomate consiste à révéler l'harmonie entre les nations. C'est de ce modèle qu'est née la Société Des Nations. L'école pessimiste, reconnaît également les intérêts sous-jacents des diverses nations, mais et c'est là toute la différence, elle le fait sous la grille de la force. En effet, pour cette école, le diplomate est appelé à identifier l'équation de l'égalité et de jeu de l'équilibre des forces dans le cadre de la realpolitik. La création de l'Organisation des Nations Unies en est le point d'achèvement. En fait, on assiste à une ambivalence. ``Les nations sont égales à l'Assemblée Générale, mais il y a des nations plus égales que d'autres qui sont les membres permanents du Conseil de sécurité''6(*). Cependant, compte tenu de l'évolution qui caractérise le champ des relations internationales, on assiste à un remodelage de la scène internationale du fait notamment de la démocratie et de l'avènement de nouveaux acteurs. La guerre de 1914-1918 s'explique par la faillite du modèle du concert des nations qui avait cours en Europe à l'époque de Bismarck. Ceci est dû au fait que la maîtrise du jeu international qui était jusque là de l'apanage des princes à travers des rencontres secrètes et les calculs diplomatiques ne confère plus la stabilité: de nouvelles orientations sont introduites, elles se rassemblent autour des passions collectives. Désormais, les princes tiennent compte de nouveaux acteurs, parmi lesquels les opinions publiques. Sous un tout autre angle, la mondialisation fait émerger, en plus du principe de la démocratie, une forme d'économie libérale qui impose quelques fois son dictat aux Etats. D'où la montée en puissance des firmes commerciales, l'accentuation du poids des organisations financières et commerciales comme la Banque Mondiale ou l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). A l'intérieur même des Etats, on assiste également à l'introduction de nouveaux intervenants dans la conduite des relations extérieures. Le ministère en charge des relations extérieures se trouve quelque peu bousculé dans la conduite des relations internationales. Il apparaît une espèce d'éclatement de la diplomatie en fonction des secteurs d'activités concernées. La diplomatie semble alors être une nébuleuse à divers visages. Mais comme toute action, elle a son histoire et des rudiments bien appropriés. La diplomatie a une histoire aussi longue que l'existence humaine. Ceci est dû au fait qu'une fois les hommes mis ensemble, le souci d'établir des rapports avec leurs voisins s'est avéré essentiel pour leur survie7(*). Les exemples de l'Egypte antique8(*), de la Mésopotamie et de l'Europe médiévale donnent des informations sur l'évolution du concept. Si en Occident, la diplomatie émerge fondamentalement structurée à la Renaissance et amplifiée avec les traités de Westphalie, en Afrique par contre, elle est connue depuis l'Egypte pharaonique où le premier traité de paix de l'humanité est signé en l'an 1278 av JC. Dans la même période, le pays des pharaons perçoit la nécessité de l'établissement des rapports avec ses voisins. Il en est ainsi de ceux établis avec la Mésopotamie et la Nubie9(*). Toutes ces actions sont l'oeuvre du pouvoir exécutif incarné par la personne de Pharaon. Ces relations sont nombreuses et les canaux variés. Leur typologie se constitue des rapports commerciaux, culturels, politiques et matrimoniaux, orientés et définis selon les intérêts des entités étatiques. Comment pourrait-on dans ce contexte parler de l'action internationale du législatif ? La réponse se trouve dans cette invitation de Michelle Vouzelle: Si la diplomatie est restée liée à la nécessité de la rapidité et du secret privilège du pouvoir exécutif, elle devient par le même temps tributaire du renforcement des structures de concertation, de dialogue, de réflexion, d'exploitation, de la création de laboratoires d'idées, du renforcement d'un tissu de relations humaines. Les parlementaires sont les mieux placés pour répondre à ce besoin. Il y'a donc place aujourd'hui à la diplomatie parlementaire.10(*)
Le Parlement peut être défini comme étant la matérialisation du pouvoir législatif. Il se constitue généralement d'une Chambre Haute et d'une Chambre Basse. Dans le système démocratique où il évolue, il consacre la démocratie représentative, que définissent Gaborit et Gaxie comme ``le système politique dans lequel le souverain (c'est-à-dire la Nation et plus rarement, le peuple) exerce sa souveraineté par l'intermédiaire de ses représentants''11(*). L'action internationale du Parlement peut par conséquent s'entendre comme l'implication des peuples sur la scène internationale à travers plusieurs mécanismes. Gil Molgat en donne carte blanche en précisant que ``les parlements sont constitués d'hommes et de femmes élus par le peuple pour le représenter et exprimer ses aspirations; le Parlement est l'institution de l'Etat qui permet à la société dans toute sa diversité de participer au processus politique. Incarnant la souveraineté du peuple, c'est en toute légitimité que le Parlement peut concourir à l'expression de la volonté des Etats au plan international''12(*). Cette façon de faire n'est pas une nouveauté historique. Elle tire ses racines dans un passé lointain avec des caractéristiques conjoncturelles. Dans le royaume de Venise, c'est devant sa Sérénissime et le Sénat que les ambassadeurs Vénitiens prononçaient solennellement leur engagement. De la qualité d'informations, de la finesse d'observation et de la qualité littéraire du récit dépendait leur avenir. Ici, était déjà mise en relief l'approbation des actions internationales de l'exécutif par le pouvoir législatif. Plus tard, en France, le 22 mai 1790, le député Français Le Couteulx proposa la création d'un comité chargé de prendre connaissance des traités et des relations extérieures de la France pour en rendre compte à l'Assemblée. Bien que la Constituante s'y opposa en arguant que cela constituait une arme pour ``les ennemis'', cet acte prouve, si besoin était, la nécessité qui s'est posée à cette époque de voir les représentants des peuples informés des actions du pouvoir exécutif. La coïncidence avec l'année 1790 n'est pas un hasard historique. Elle est le fruit de la conjoncture qui prévalait. Historiquement, on a coutume de peindre la révolution française comme étant le début de la montée en puissance des droits de l'homme et de leur corollaire la démocratie13(*). Plus encore, elle a permis aux peuples de prendre conscience de leur place dans la vie des Etats et partant, de celle du monde. Après la révolution française, toutes les actions nationales, internationales ou presque ont comme précepte, une réponse plus adéquate aux problèmes des populations. La révolution française introduit de ce fait, une nouvelle forme de gestion des Etats. L`incarnation du pouvoir cesse d'être un individu pour appartenir désormais au peuple. La souveraineté qui en découle est par conséquent revendiquée par le peuple. Il s'approprie ainsi le pouvoir de s'assumer. On assiste dès lors, à un remodelage de l'appareil du pouvoir. Désormais, ``les gouvernements tiennent leur pouvoir d'une délégation de pouvoir national ou populaire. Ils gouvernent au nom du peuple et pour celui-ci''14(*). Ainsi, assiste t-on à l'éclosion de la souveraineté populaire, où le souverain c'est le peuple, c'est-à-dire ``l'ensemble des citoyens qui déterminent chacun une parcelle de la souveraineté''15(*). Les schémas de gestion des Etats apparaissent désormais sous l'angle d'un construit interrelationnel et interdépendant. Chaque citoyen est appelé à élire ses représentants par la théorie de l'élection directe qui porte dans les sphères de gestion de l'Etat des individus tributaires du choix du peuple et chargés de les représenter. La révolution française place pour ainsi dire, les peuples et de manière restrictive, ses représentants au devant de la scène. Ils ont dorénavant pour mission de s'assurer de la bonne conduite et de l'exécution des ambitions des populations. Cette fonction ne se limite pas seulement à l'intérieur du pays, elle épouse aussi des contours internationaux. Il en découle alors que le Parlement qui est la matérialisation de la volonté des peuples, se fait le chantre de ces derniers sur la scène internationale. La naissance de l'Union interparlementaire (UIP) en 1889 participe de cette logique, car elle introduit les parlementaires dans la gestion des affaires internationales16(*). Après la seconde guerre mondiale, l'Europe se trouve divisée par la Guerre Froide. Les conséquences sont désastreuses pour le vieux continent. Il en résulte dans les discours politiques européens, une volonté d'unité. Dans cette nouvelle orientation de la politique européenne, les parlementaires sont fortement impliqués. Une nouvelle forme de coopération parlementaire internationale se constitue. Puisant ses racines de l'UIP et du souci d'unifier l'Europe, elle est présente dans toutes les organisations sous-régionales qui voient le jour. Ainsi, a t-on entre autres, des organisations parlementaires au sein de l'Union de l'Europe Occidentale (UEO), du Conseil de l'Europe, de la Communauté Economique Européenne (CEE), de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Les résultats obtenus par l'action parlementaire dans ce cadre ont suscité la création de nombreuses organisations parlementaires au-delà du continent européen. Au nombre de celles qui sont nées de cet élan, on peut citer entre autres, l'Union Parlementaire Africaine, l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, la Conférence des Parlements Américains. Toutefois, leur rôle dans les relations internationales reste à élucider. D'où le présent projet. L'action internationale du Parlement se situe à deux niveaux. Il s'agit d'abord en amont du contrôle et de la législation des choix de l'exécutif en matière de politique étrangère. En aval, il s'agit ensuite de la conduite matérielle des relations internationales. Concernant l'action indirecte de l'Assemblée Nationale, Efoua Mbozo'o Samuel établit que le contrôle et la législation sont les fonctions ``les plus traditionnelles du Parlement : elles sont l'une comme l'autre, l'essence même du parlementarisme''17(*). Par la législation, il est reconnu au Parlement la surveillance des actions du gouvernement et pour ce qui est de ce projet, des initiatives internationales. Dans cette logique, tout traité, tout accord ne saurait prendre effet sans l'aval de la nation par l'intermédiaire de ses représentants. Car comme le souligne Burdeau, ``l'initiative politique appartient au gouvernement mais ne peut être appliquée qu'après l'accord de la représentation nationale, elle-même subordonnée à la volonté du corps électoral''18(*). Si la législation peut paraître dans le cadre de l'action indirecte comme une reconnaissance des choix diplomatiques, en se fondant sur la définition que donne Efoua Mbozo'o, on peut dire que le contrôle qu'exercent les parlementaires sur l'action du gouvernement semble être essentiel. Le contrôle dans le cadre du parlementarisme peut s'entendre comme étant les activités politiques que mènent les parlementaires en opposition à leurs activités législatives. Les techniques de contrôle sont nombreuses et varient selon les systèmes politiques. Ce principe met à la disposition des parlementaires un mécanisme allant de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement, à sa mise en accusation devant les instances juridiques en passant par des activités purement informatives. Il existe trois formes de contrôle reconnues aux parlementaires : le contrôle-sanction, le contrôle-vigilance et le contrôle-influence19(*). Le contrôle-sanction est constitué des techniques de vote de confiance ou de censure et la procédure de l'empeachment chère aux Nord-Américains. Plus souple est le contrôle-vigilance qui renvoie aux questions, aux amendements, aux commissions d'enquêtes et aux missions d'information. Le contrôle-influence, quant à lui, a pour objectif de placer le Parlement au centre du processus de prise de décision. L'un des axes majeurs est le contrôle de la politique étrangère par le biais des commissions des affaires étrangères, des missions d'information à l'étranger auxquelles s'ajoute la promotion de l'implication directe du Parlement sur la scène internationale. En aval, il est question de la conduite d'une action internationale par le Parlement dans un contexte international complexe. Cette initiative couvre un ensemble de domaines qui vont de la coopération interparlementaire à l'action individuelle des parlementaires en passant par la coopération parlementaire. Pour plus de clarté, dans la compréhension de ce qui suit, il convient de donner une définition adéquate du terme coopération. On entend par coopération ici, ``un mode de relations internationales qui implique la mise en oeuvre d'une politique donc d'une stratégie et d'une tactique poursuivie pendant une certaine durée de temps destinées à rendre plus intime grâce à des mécanismes permanents, les relations internationales dans un ou plusieurs domaines déterminés, sans mettre en cause l'indépendance des unités concernées''20(*). La coopération parlementaire ou action multilatérale du Parlement, s'entend comme la conduite des relations internationales par les Parlements dans le cadre des organisations interparlementaires ou dans l'usage du Parlement comme acteur international. A ce niveau, il s'agit pour les Parlements de se prononcer sur les questions d'ordre général. Il s'agit du point de vue des parlementaires sur la sécurité, la paix, le commerce, l'environnement, en un mot, sur ce qui est la préoccupation majeure de l'heure. Dans cette perspective, elle rejoint quelque peu l'action du pouvoir exécutif. Il est très fréquent de se rendre compte de l'usage du Parlement comme véritable acteur diplomatique. Ceci est rendu possible par la nature de son action qui va au-delà des clivages des rapports entre Etats très souvent entachés d'animosité. Le regard que porte Maurice Mélégué Tracé sur l'implication des parlementaires sur la scène internationale est assez clair. Selon lui, elle``est faite de contacts directs, d'ouverture, de décontraction, de refus de tabous de débats contradictoires''21(*). Par ce style, elle permet de porter plus aisément la voix des peuples dans un monde qui s'unifie de plus en plus. Les questions sur la paix en Afrique ou sur la lutte contre la colonisation entreprises au sein de l'Union Parlementaire Africaine de 1976 à 1990, ou encore l'accueil par le Parlement français du Dalaï Lama22(*) le 28 septembre 2000, de Alenjandro Tolédo23(*) le 16 novembre 2000, ou encore celui du Commandant Massoud24(*) le 4 avril 2001, auxquels il convient d'ajouter l'observation des élections à travers le monde, sont des illustrations assez éloquentes du rôle de la coopération parlementaire. C'est dans la même lancée que se situent les actions individuelles des députés. Avec une nuance toute de même: elles peuvent ou non relever des objectifs des Etats. L'action individuelle des députés sur la scène internationale s'avère indispensable. Les parlementaires sont des hommes et des femmes politiques ayant des opinions propres, qui ne coïncident pas forcément avec la position officielle de leur pays. Cela leur donne une marge de manoeuvre refusée aux diplomates. Ils tentent d'introduire dans la politique internationale, une dimension morale qui transcende les définitions étroites de l'intérêt national. Le paragraphe suivant, tiré de la revue parlementaire canadienne présente avec perspicacité la question: `` le travail du député (...) est affecté par la tendance à l'internationalisation dans le champ de l'économie, de la santé, de la culture, du travail, de l'environnement et de la politique. Dans l'exercice de ses fonctions (...) le député (...) doit de plus en plus tenir compte des facteurs internationaux''25(*), il se doit dans cette perspective de prendre des initiatives individuelles. Car, dans la crise de confiance qui s'est emparée du monde, les hommes accordent de moins en moins de crédit aux gouvernements. L'exemple du député français Alain Julia en Irak en septembre 2003, dans sa tentative de libérer les journalistes français détenus dans ce pays, ou encore la très importante action des présidents des Chambres, à l'instar du Cameroun26(*), montrent la liberté qu'ont les élus du peuple à se mouvoir sur la scène internationale dans la poursuite des objectifs définis ou non par l'exécutif. Louise Harel définit la coopération interparlementaire comme l'action des Parlements qui se constitue des séminaires, des ateliers de formation et de perfectionnement destinés aux parlementaires et au personnel administratif,27(*) sans oublier l'assistance technique et les groupes d'amitié. L'assistance technique se définit comme l'ensemble des moyens financiers et matériels et de l'expertise que les démocraties bien implantées et les pays développés du Nord mettent à la disposition des Parlements des démocraties naissantes et des pays en développement du Sud. Elle tire ses origines du constat selon lequel, les nouvelles démocraties ont du mal à mettre sur pied des structures parlementaires efficaces. Il manque très souvent aux Parlements de ces pays des ressources humaines et matérielles dont ils ont besoin pour remplir efficacement leurs fonctions. Cette action inclut un ensemble de données allant du développement institutionnel au développement des infrastructures, en passant par la sensibilisation à travers les échanges d'expériences et d'informations entre parlementaires de différents pays, le renforcement des capacités et le perfectionnement professionnel. Plus explicitement, l'assistance technique touche aux domaines suivants: règlement intérieur des Parlements et autres règles de procédure, système des commissions, législation, fonction de représentation du Parlement, fonction de supervision, administration, bibliothèque, services de documentation, de recherche et les archives. Le soutien au développement des infrastructures couvre notamment les systèmes de sonorisation, les enregistrements audiovisuels et la radiodiffusion des séances du Parlement, ainsi que les services d'imprimerie, les transports, la rénovation des locaux et la connexion au réseau internet. La formation intellectuelle des parlementaires et du personnel administratif des Parlements procède du même principe. Elle s'exprime mieux à travers les colloques, les séminaires et les voyages d'étude qu'offrent les Parlements. On peut citer, entre autres, les colloques organisés en France et au Canada respectivement en 2001, 2002 et 2003 portant sur la diplomatie parlementaire, ou encore le nombre très important des stages professionnels accordés aux Parlements de certains pays28(*). Cependant, l'usage et la conception de l'introduction des parlementaires sur la scène internationale ne sont pas admis non sans difficulté. A. Zanga, L.R. Ngimbog, L.P. Ngongo et J. Owona estiment que ``les représentants des Parlements sont essentiellement des représentants de leurs Etats respectifs (...) De même, les points défendus par les uns et les autres sont généralement ceux des gouvernements en place. Cela pourrait évidemment conduire à se poser la question de l'opportunité de telles initiatives qui semblent double emploi avec celle des représentants officiels des gouvernements''29(*). D'où toute la question au sujet du statut et de l'utilité de la diplomatie parlementaire. Luc Sidjoun établit l'utilité des Parlements des Etats postcoloniaux. Pour lui, conclure à leur inutilité relève de la précipitation30(*). Concernant spécifiquement le Parlement camerounais, certains auteurs se sont prononcés. Efoua Mbozo'o pense que son action sur le plan international est importante dans la mesure où elle permet l'insertion de l'Assemblée Nationale dans le réseau mondial31(*). Elle lui permet pour ainsi dire, d'acquérir, à travers la coopération interparlementaire, de l'expérience dans divers domaines. Sa force, marque de sa spécificité, est qu'elle se situe aux confins de l'officiel et de l'officieux. Autant qu'une négociation internationale ne saurait se faire sans l'aval du Parlement, il convient également de dire que le Parlement, il faut l'admettre, comme membre d'une organisation, cherche à promouvoir ses propres intérêts. La place du Parlement en matière de pratique internationale est admise malgré des observations pertinentes sur la compétence des acteurs parlementaires. Guy Carcassonne32(*), lors du colloque sur la diplomatie parlementaire organisé par le Sénat français en mai 2002, a posé en des termes très clairs ce qui, selon lui, constitue une entrave à l'action internationale des députés. A l'analyse de ses propos, on retient que la diplomatie parlementaire est une utopie, une illusion, une perte de temps, à cause de ``l'incompétence aléatoire'' des députés en matière de relations internationales. Cet argument a le mérite de mettre sur la table le débat au sujet des capacités intellectuelles et professionnelles des élus du peuple dans la conduite technique des rapports avec l'extérieur. Et même temps, son observation pose la question du choix des membres des délégations parlementaires. Christian Poncele2(*)8écarte d'un revers de la main ces ``attaques'' et estime que la coopération interparlementaire (séminaire, atelier de formation, échange de compétence, perfectionnement des parlementaires et du personnel administratif des Parlements) est une solution adéquate. Ces outils, mis à la disposition des parlementaires, sont rendus efficaces par la nature même de l'action pratique des parlementaires dans les affaires internationales faite de contacts directs, de décontraction, d'ouverture, de refus de tabou, et de débats contradictoires. L'action internationale du Parlement semble être une réalité mondiale, elle est exploratoire, influente et permet l'essor des contacts informels. Dans une certaine mesure, elle complète l'action internationale des gouvernements. Dans un monde où s'affirment des logiques de réseau, c'est un avantage dont peut bénéficier la diplomatie classique, au regard de l'influence collective des idées des parlementaires, de leurs positions et de leurs propositions. Cette action s'avère aujourd'hui très préoccupante car, on assiste de plus en plus à la montée en puissance du déficit de démocratie internationale. Ce déficit se manifeste par un paradoxe. Certaines organisations internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International dont l'importance dans le système international est évidente, ne sont pas gérées sous un modèle démocratique, mais subordonne leur aide à l'application de la démocratie. En prenant en compte la définition donnée dans ce travail, au départ, il convient de dire que l'action internationale du Parlement camerounais s'entend comme la combinaison de la trilogie constituée de la coopération parlementaire, de la coopération interparlementaire et de l'action individuelle des parlementaires, elle renvoie à la diplomatie parlementaire. * 6 T. De Montbrail, 2000, Observation et théories des relations internationales, tome I, Paris, IFRI, p. 23. * 7 P. Baumann, 1982, Valdivia La découverte de la plus ancienne civilisation d'Amérique, Paris, Robert Laffont, p. 69. * 8 J. Ki-Zerbo, 1978, L'histoire de l'Afrique d'hier à demain,, Paris, Hatier, p.66. * 9 Decret Mhamed Fantar, 1981, L'Afrique du nord dans l'antiquité des origines au 5ème siècle, Paris, Payot, p.42. * 10 Citée par Babba Youssoufa, 2001, ``Organisation de l'intervention de l'assemblée Nationale sur la scène internationale'', mémoire de DESS en relations internationales, IRIC, Yaoundé, p. 42. * 11 P. Gaborit et D. Gaxie, 1976, Doit constitutionnel et institutions politiques, Paris, PUF, p. 23. * 12 G.Molgat, 2000, ``La vision parlementaire de la coopération internationale'', Revue Parlementaire Canadienne, vol 23, n°4, p. 42 * 13 J. Carpentier et F. Lebrun (sd), 1990, Histoire de l'Europe, Paris, Seuil, p. 298. * 14 A.C. Minkoua Bimen, 1989, ``L'Union des Parlements Africains (UPA) : une tentative de coopération politique en Afrique, 1976-1986'' thèse de 3ème cycle en relations internationales, Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), p. 52. * 15 J. Owona, 1985, Droit constitutionnel et régimes politiques africains, Paris, Berger-Levrault, p.90. * 16 Elle est l'initiative de Frédérick Passy et William Randal Cremer. Lire à ce sujet Mangono Jean, 1999, ``La participation de l'Assemblée Nationale du Cameroun à l'Union Interparlementaire: nécessité ou futilité ?'' mémoire de Maîtrise en histoire, Université de Yaoundé I. * 17 S. Efoua Mbozo'o, 1999, Pratiques et procédures parlementaires, Yaoundé, Hérodote, p.84. * 18 G. Burdeau, 1985, ``Les régimes politiques'' in Traité de sciences politiques, 3ème ed, Tome V, Paris, p. 354. * 19 S. Efoua 1999, p. 84. * 20 A. Bourgi, 1979, La politique française de coopération en Afrique le cas du Sénégal, Dakar, NEA, p.2. * 21 J.N. Meyolo, 2006, ``La diplomatie parlementaire camerounaise en marche: le cas de l'Union Parlementaire Africaine : 1976-2000'', mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, p.4 * 22 Chef spirituel du Tibet. * 23 Président du Pérou de 2001 à 2006. * 24 Le Commandant Massoud fut le chef de la résistance contre les Talibans en Afghanistan. Il fut assassiné le 9 septembre 2001. * 25 Anonyme, 1998, ``La démocratie parlementaire à l'ère de la mondialisation'', in éléments d'une politique des relations parlementaires internationales de l'Assemblée Nationale du Québec, Québec, Assemblée Nationale, pp. 5-14. * 26 Pour la seule année législative 1988, le Président Fonka Shang Lawrence a accordé 17 audiences aux ambassadeurs accrédités au Cameroun. Pour plus de details, lire J. R. Mbongo, November 1988 ``Diplomatic activities of President Fonka Shang Lawrence'' in The Parliament of Cameroon, n°4, p. 7. * 27 L. Harel, 2003, ``les relations internationales de l'assemblée Nationale du Québec'', in Revue Parlementaire canadienne, Vol 26, n°1. * 28 Le Parlement français, pour la seule année 2002, a enregistré plus de 700 visites des parlementaires venus du monde entier dans le cadre des ateliers de formation. www.senat.fr/president/index.html-22k * 29A. Zanga, L.R. Ngimbog, L.P. Ngongo et J. Owona, 1982, ``le système diplomatique africain'', in Encyclopédie juridique de l'Afrique, Dakar, NEAT II, p. 140. * 30 L. Sindjoun, 1993, ``L'action internationale de l'Assemblée Nationale du Cameroun : élément d'analyse politiste'' in Etudes Internationales, vol XXIV, n°4, p. 813. * 31 S. Efoua Mbozo'o, 1988, ``la participation de l'Assemblée Nationale aux organisations internationales. Nécessité ou futilité ?'', in le Parlement camerounais, bulletin d'information de l'Assemblée Nationale, n°4, p. 42. * 32 ``L'essor de la coopération interparlementaire'' in www.assemblée-nationale.fr/11/dossier/diplomatie.asp. * 28 Christian poncelet est Président du Sénat français depuis les élections sénatoriales de juillet 1998. |
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