Section IV : les
incitations juridiques
Les droits de l'homme ont toujours été au centre
des préoccupations européennes, et font partie du
« bloc » de l'acquis communautaire que tout
État-membre doit assimiler pour prétendre intégrer l'Union
Européenne.
Depuis le Conseil européen de
Copenhague de 1993, des critères précis ont
été posés pour les pays candidats à
l'adhésion à l'Union Européenne parmi lesquels le respect
d'un système démocratique et des droits fondamentaux de la
personne humaine figure comme un pré requis. Ces critères de
Copenhague, sur la base desquels la Commission rend son avis relatif à
toute demande d'adhésion. Ces critères ont été
définis lors du Conseil européen de Copenhague en 1993 et
complétés lors du Conseil européen de Madrid en 1995. Ce
sont :
- Des critères politiques : stabilité des
institutions garantissant la démocratie, l'État de droit, les
droits de l'homme ainsi que le respect et la protection des minorités
- Des critères économiques : existence d'une
économie de marché viable, capacité à faire face
à la pression de la concurrence et aux forces du marché à
l'intérieur de l'UE
- La capacité à assumer les obligations de
membre découlant du droit et des politiques de l'UE (ou acquis), y
compris l'adhésion aux objectifs de l'Union politique, économique
et monétaire
- Avoir créé les conditions de son
intégration par l'adaptation de ses structures administratives.
C'est pourquoi lors de la révision en 1997, le
traité est modifié en conséquence et prévoit que
« tout État européen qui respecte les principes
énoncés à l'article 6 paragraphe 1 peut demander à
devenir membre de l'Union Européenne... » (Art 49
TUE).
Toutefois, pour adhérer à l'Union
Européenne, le pays européen postulant doit respecter les
principes de l'article 6, paragraphe 1 TUE, communs aux
États membres et sur lesquels l'UE est fondée : la
liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, l'État de droit.
Au terme de l'article 49 TUE, tout pays européen
désirant adhérer à l'UE adresse sa candidature au Conseil.
Ce dernier avant de prendre sa décision doit consulter la Commission et
demander un avis conforme au Parlement européen qui se prononce à
la majorité absolue des membres qui le composent. Alors, le Conseil
décide à l'unanimité.
Une fois que les pays ayant le statut de pays candidat
satisfont à ces critères, les
négociations d'adhésion sont prêtes
à être lancées.
Le cadre global de coopération entre la
Communauté, ses États membres et les pays candidats est donc
défini par un accord d'association, généralement
appelé dans ce cas « Accord européen ». or
seuls les plus récents incluent une « clause droits de
l'homme » défini comme éléments essentiels et
une cause de non exécution. Les autres se contentent de déclarer,
au titre des objectifs, l'intégration du pays candidat « dans
la communauté des États démocratiques ».
Le Conseil européen décide de
l'opportunité d'ouvrir les négociations sur la base de l'avis de
la Commission. Mais les négociations peuvent encore être
suspendues en cas de violation flagrante des critères
de Copenhague, par une décision du Conseil européen
adoptée à la majorité qualifiée, sur recommandation
de la Commission. De plus, chaque État-membre peut décider
souverainement d'interrompre les négociations, tel que le
général De Gaulle l'avait fait en 1963 et en 1967 pour la
Grande-Bretagne.
Une dernière condition avait été
posée à l'article 1.1 du projet de traité de Constitution
rejetée : « l'Union est ouverte à tous les
États européens qui respectent ses valeurs et qui s'engagent
à les promouvoir en commun ». Deux critères sont donc
imposés : le premier est d'ordre géographique, le second est
d'ordre politique ou idéologique. Mais comme nous le savons, cette
condition n'a pas été retenue.
Toutefois, en pratique, le respect de ces conditions ne suffit
pas. Ainsi, le cas de la Turquie. Bien qu'elle ait été reconnue
comme respectant les critères posés par les traités et
ceux de Copenhague, il lui reste à prouver à la Commission
Européenne qu'elle respecte d'autres engagements : la
reconnaissance publique de la République de Chypre et celle du
génocide arménien. « On ne peut pas entrer dans une
famille sans reconnaître l'un de ses membres », a
justifié le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi.
Sans rentrer plus avant dans la polémique, notons juste
que tout État candidat officiel ou potentiel, la négociation et
la signature d'un accord d'adhésion (et avant cela, d'un accord
d'association) dépend du respect des droits de l'homme. Par
conséquent, en plus de toutes les formes préalables d'incitation
au respect des droits de l'homme (politiques, morales, financières),
nous voyons ici une incitation juridique.
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