3-. LA PROCEDURE DE
RECUSATION
Du point de vue procédural, les deux systèmes
que nous étudions consacrent tous le principe de l'autonomie des parties
en matière de récusation. Il va s'en dire que, le juge d'appui
n'est compétent pour statuer sur la récusation d'un arbitre que
si les parties n'ont pas réglé par elles-mêmes ladite
procédure. C'est en effet, tout le sens des dispositions de l'art. 180
al. 3 LDIP qui dispose qu' "en cas de litige et si les parties n'ont pas
réglé la procédure de récusation, le juge
compétent du siège du tribunal arbitral statue
définitivement". Autrement dit, le juge du siège de
l'arbitrage n'est en matière de récusation que subsidiairement
compétent. Le droit OHADA de l'arbitrage, pour ce principe, n'est pas du
reste. Il le reconnaît aussi expressément lorsqu'il dispose en son
art. 7 al. 3 AU.A qu' "en cas de litige, et si les parties n'ont pas
réglé la procédure de récusation, le juge
compétent dans l'Etat-partie statue sur la récusation. Sa
décision n'est susceptible d'aucun recours".
Ceci étant, il importe de faire remarquer que, tandis
qu'en droit suisse de l'arbitrage international, la subsidiarité de
l'intervention du juge d'appui, pour son assistance en matière de
récusation, relève du juge compétent du siège
du tribunal arbitral, en droit OHADA elle est du juge compétent
dans l'Etat-partie. Cette différenciation sémantique est,
à notre avis, fondée sur la particularité
organisationnelle du point de vue structurel du système OHADA qui
regroupe 16 États qualifiés d'États-Parties, ayant chacun
une organisation juridique et judiciaire propre. La désignation du juge
d'appui chargé de la mise en application de la procédure de
récusation, sous le vocable de juge compétent dans
l'Etat-partie, n'est rien d'autre que le juge du siège du tribunal
arbitral dans chacun des États faisant partie du système de
procédure unifiée du droit OHADA. Quant à savoir, quel est
le juge compétent pour ce faire dans l'ordre interne de chaque Etat, il
revient à la loi de procédure civile de chacun de ces
États de le déterminer.
En droit suisse par contre, le juge compétent qui
pourra être saisi de la procédure de récusation "par
défaut" est celui du siège du tribunal arbitral. Pour
déterminer ce juge il y a lieu de recourir aux dispositions du droit
cantonal. Celui-ci par renvoie de l'art. 21 CIA (en cas de contestation,
l'autorité judiciaire prévue à l'article 3 statue sur la
récusation), nous conduit à découvrir que "le
tribunal supérieur de la juridiction civile ordinaire du canton
où se trouve le siège de l'arbitrage est l'autorité
judiciaire compétente pour, [...] statuer sur les demandes de
récusation des arbitres, prononcer leur révocation et pourvoir
à leur remplacement" (art. 3 let. b).
Par ailleurs, deux variantes s'observent en matière de
procédure de récusation dans un arbitrage de DIP. En effet, selon
que les parties ont opté pour un arbitrage institutionnel la
procédure suivra le canevas de l'organe institutionnel appelé
à trancher les demandes de récusation. Évidemment dans ce
cas, la procédure de récusation dépendra en 1er
lieu du règlement d'arbitrage adopté par les parties et en
2ème lieu à titre subsidiaire de la loi de l'Etat du
siège de l'arbitrage. Si par contre, elles optent pour un arbitrage ad
hoc, le défaut de définition de procédure ad hoc emporte
application de la procédure du juge d'appui. Dans ce cas, il faudra se
référer pour la démarche à suivre au droit
applicable c'est-à-dire le droit de l'Etat du siège de
l'arbitrage. Dans la pratique, l'hypothèse de l'application du
règlement d'une institution d'arbitrage emporte normalement soit
l'introduction de la demande de récusation devant le tribunal arbitral
quitte à former un appel ultérieur contre cette décision
devant les tribunaux étatiques. Il en est ainsi de la loi-type CNUDCI
art.13 § 2 identique au §1037 (2) du droit allemand dans la
Zivilprozessordnung "... [...] faute d'un tel accord, la partie qui a
l'intention de récuser un arbitre expose par écrit les motifs de
la récusation au tribunal arbitral", ainsi que du droit
suédois. Soit l'introduction directe de la demande de récusation
devant l'institution d'arbitrage, c'est le cas du droit OHADA, suisse,
français, belge, anglais et italien, cas qui nous intéresse.
Ainsi, si un arbitrage institutionnel de DIP se déroule sur le
territoire suisse ou sur le territoire de l'un des États-Parties
à l'OHADA, la procédure de récusation consistera à
introduire directement sa demande devant l'institution d'arbitrage en
l'occurrence pour le canton de Genève c'est la CCIG et pour les
Etats-Parties à l'OHADA c'est la CCJA.
Notons enfin que, la décision de récusation
rendue par le juge d'appui, qui qu'il soit, dans tous les cas (dans les deux
systèmes), est non susceptible de recours. Cette prescription
légale est perceptible dans les dispositions des articles 180 al. 3 LDIP
"[...] le juge compétent du siège du tribunal arbitral statue
définitivement" et 7 al. 3 in fine AU.A "[...] sa
décision n'est susceptible d'aucun recours". Du point de vue du
droit comparé, les droits allemand et suédois proposent des
solutions idoines. Ceci étant, même si en droit suisse de
l'arbitrage international et en droit OHADA de l'arbitrage, la décision
de récusation rendue par le juge d'appui ne saurait faire l'objet d'un
recours quelconque, cela ne doit aucunement être interprété
comme un rejet systématique de la possibilité de l'attaquer.
Simplement, elle ne saurait faire l'objet des voies de recours ordinaires. Mais
elle peut cependant, faire l'objet d'un contrôle qui pourra s'exercer
indirectement lors du recours contre la sentence arbitrale ou lors de son
exequatur.
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