SECTION II -. LES DOMAINES DE
L'ARBITRAGE DANS LES DEUX SYSTEMES
DROIT COMPARE
Art. 1 AU.A
"Le présent Acte Uniforme à vocation
à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du
tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats-parties".
Art. 176 LDIP
1) "Les dispositions du présent chapitre
s'appliquent à tout arbitrage si le siège du tribunal arbitral se
trouve en Suisse et si au moins l'une des parties n'avait, au moment de la
conclusion de la convention d'arbitrage, ni son domicile, ni sa
résidence habituelle en Suisse.
2) Les dispositions du présent chapitre ne
s'appliquent pas lorsque les parties ont exclu par écrit son application
et qu'elles sont convenues d'appliquer exclusivement les règles de la
procédure cantonale en matière d'arbitrage.
3) Les parties en cause ou l'institution d'arbitrage
désignée par elles ou, à défaut, les arbitres
déterminent le siège du tribunal arbitral".
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Il est fort utile de préciser ici que, la loi de
l'arbitrage OHADA comprend aussi bien le Traité OHADA dans ses
dispositions relatives à l'arbitrage au Titre IV que, l'Acte Uniforme
relatif au droit de l'Arbitrage (AU.A). Ceci étant, il est important de
relever que les dispositions du chapitre 12 LDIP ne s'appliquent pas à
tous les arbitrages, un domaine lui est en effet bien défini, celui de
l'arbitrage international. Ce qui n'est pas le cas en doit OHADA dans la mesure
où le Traité et l'AU.A s'appliquent d'une part
indifféremment à l'arbitrage interne et à l'arbitrage
international, d'autre part, nous verrons que, l'AU.A ne fait pas de
distinction entre arbitrage civil et commercial ce qui constitue une
spécificité, pour le reste, innovatrice en droit de l'arbitrage.
L'étude des domaines ici envisagés ne saurait se faire que par la
revue des critères d'applicabilité de l'arbitrage dans les deux
systèmes.
§I -. LES CRITERES D'APPLICABILITE DE L'ARBITRAGE DANS
LES DEUX SYSTEMES
Il s'agit d'analyser les différents champs
d'application respectifs des deux lois d'arbitrage. Pour cela nous passerons en
revue les critères d'application ratione loci et ratione
materiae de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP.
A-. LES CHAMPS D'APPLICATION RATIONE LOCI DE L'AU.A
ET DU CHAPITRE 12 LDIP
Définir le périmètre d'application
ratione loci des deux lois d'arbitrage, revient à
déterminer si un arbitrage se déroulant dans leur giron est
susceptible de recevoir l'application de leurs dispositions respectives.
Autrement dit dans quelles conditions, l'applicabilité des dispositions
de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP est-elle observable ?
Evidemment, deux techniques de rattachement permettent de
définir le champ d'application ratione loci d'une loi
d'arbitrage. Le plus souvent, la loi d'arbitrage est rattachée soit par
le biais de la volonté des parties (rattachement volontariste ou
autonomiste) soit par celui du siège de l'arbitrage (rattachement
territorialiste). Le rattachement par la volonté des parties que la
convention de New York consacre dans ses dispositions, n'est pas celui
adopté par les droits OHADA et suisse de l'arbitrage international. Ce
rattachement par la volonté des parties, il faut le dire, est
fréquent dans les législations modernes sur l'arbitrage. La
loi-type de la CNUDCI s'en est accommodé, lorsqu'elle évoque la
possibilité pour les parties de pouvoir choisir le lieu de l'arbitrage.
On le retrouve également dans la réglementation anglaise de
l'arbitrage qui se réfère à la notion de "juridical
seat" pour désigner le siège de l'arbitrage "in this
part «the seat of the arbitration» means the juridical seat of the
arbitration designated [...]". Les deux lois auxquelles nous consacrons
cette étude comparée, s'inscrivent plutôt dans la tendance
du droit comparé qui, soumet le rattachement de la loi d'arbitrage par
le biais du siège du tribunal arbitral. Elles admettent donc le
rattachement territorialiste. Cependant, on ne saurait en conclure que les
réglementations OHADA et suisse de l'arbitrage international sont en
total déphasage avec le droit moderne de l'arbitrage.
a-. LE FONDEMENT DU RATTACHEMENT TERRITORIALISTE AVEC
INCLUSION A L'OHADA ET LA SUISSE
En droit OHADA et en droit suisse de l'arbitrage
international, ce sont les dispositions respectives des articles 1er
AU.A et 176 LDIP qui nous permettent d'inférer la nature du rattachement
de ces réglementations sur l'arbitrage. De la lecture du contenu de
leurs dispositions, il ressort que, l'AU.A en droit OHADA ainsi que le chapitre
12 LDIP ne peuvent tous deux recevoir application que, si le siège du
tribunal arbitral se trouve sur le territoire déterminé par
chacun d'eux. En recourant au terme siège du tribunal arbitral,
les deux lois font donc de l'existence d'un siège sur leur champ
géographique respectif, une des conditions déterminantes pour
entraîner chacune, l'application de leurs dispositions. C'est bien
évidemment, le rattachement par le biais du siège ou rattachement
territorialiste qui, semble ressortir de la compréhension qu'on peut
avoir de la lecture des dispositions relatives au champ d'application de ces
deux lois d'arbitrage. En effet, la référence faite dans ces
textes à l'expression siège du tribunal arbitral
plutôt que, siège de l'arbitrage en est la preuve. Ce
choix n'est pas anodin dans la mesure où, avec l'expression
siège du tribunal arbitral, le choix optionnel en faveur d'un
rattachement qui ferait dépendre la procédure de l'arbitrage en
faveur de la loi du lieu où il se déroule est sans
équivocité. Par contre, si le législateur avait fait
recours à l'expression siège de l'arbitrage, il s'en
interpréterait que, le rattachement de la loi d'arbitrage est celui de
la volonté des parties. D'où toute l'importance de la distinction
entre les deux expressions. C'est donc sur la base de ce choix,
(siège du tribunal arbitral) dans les dispositions des deux
règlementations sur l'arbitrage que, nous-nous autorisons à
conclure que, les législateurs OHADA et suisse de l'arbitrage
international, préfèrent faire dépendre la
procédure à la loi du lieu de l'arbitrage plutôt que de la
rattacher à la volonté des parties. En conclusion, nous
constatons que conformément aux autres ordres juridiques, les droits
OHADA et suisse s'inscrivent dans la mouvance large et contemporaine du
rattachement au siège du tribunal arbitral. Mais, ne nous
jetons pas dans une telle conclusion hâtive et hasardeuse car, des
nuances doivent pouvoir être faites dans l'interprétation de ces
dispositions. Nuances que nous mettrons en évidence au travers du
caractère exclusif ou impératif du rattachement
selon les dispositions des deux réglementations que nous avons en
présence.
b-. LE CARACTERE DU RATTACHEMENT : EXCLUSIF OU IMPERATIF
La principale divergence entre le rattachement territorialiste
OHADA et suisse relève de ce que le rattachement par le siège
présente en droit OHADA un caractère exclusif, alors
qu'en droit suisse il est impératif.
Le caractère impératif du rattachement
suppose que le choix par les parties du siège emporte élection
implicite de la loi de l'arbitrage de ce lieu. Appliqué au contexte
suisse, le rattachement impératif signifie simplement que, pour
un arbitrage siégeant en Suisse, les parties ne peuvent exclure
l'application de la loi d'arbitrage du siège, qu'est le chapitre 12
LDIP. On en induit que, le fait de la fixation du siège du tribunal
arbitral en Suisse emporte de droit, l'application du chapitre 12 LDIP
comme loi de l'arbitrage. Même en cas d'élection d'une autre loi
de l'arbitrage par les parties, tout arbitrage ayant son siège en Suisse
recevra l'application des dispositions impératives de la loi d'arbitrage
qu'est le chapitre 12 LDIP. Les parties ne sauraient, par quelques dispositions
que ce soient, déroger aux dispositions impératives de cette loi.
L'impérativité du rattachement découle
donc de l'impossibilité de se soustraire aux dispositions du droit
suisse de l'arbitrage entendu comme, l'ensemble des normes régissant
l'arbitrage à l'intérieur de la Suisse. Cependant, l'une des
particularités de cette loi suisse de l'arbitrage international,
relève du fait qu'en dépit du caractère impératif
du rattachement par le siège, les parties peuvent exclure l'application
du chapitre 12 LDIP pour se soumettre à d'autres dispositions internes
sur l'arbitrage. Il s'agit d'une exception prévue par le droit suisse
dans les dispositions de l'art. 176 al. 2 LDIP. Selon les termes de cet
article, le chapitre 12 ne s'appliquera pas si "les parties ont exclu par
écrit son application et qu'elles sont convenues d'appliquer
exclusivement les règles de la procédure cantonale en
matière d'arbitrage". La loi suisse de l'arbitrage international
offre ainsi aux parties, par l'élection d'une clause d'exclusion, la
possibilité d'écarter l'application du chapitre 12 en
déclarant se soumettre, soit aux règles de la procédure
cantonal, soit au concordat. Cette exception, bien évidemment, n'affecte
guère le caractère impératif du rattachement dans
la mesure où, le choix de la loi cantonale ou du concordat comme loi de
procédure, n'offre aucunement aux parties la possibilité de
rattacher la procédure arbitrale à une autre loi
étrangère ou, d'échapper à l'application des
dispositions impératives de la loi suisse de l'arbitrage international.
Quid du droit OHADA de l'arbitrage ?
Le droit OHADA de l'arbitrage, contrairement au droit suisse
ne procède pas par rattachement impératif. Bien
qu'admettant le rattachement par le siège de l'arbitrage, le
caractère du rattachement en droit OHADA de l'arbitrage en l'occurrence
dans l'AU.A, est exclusif. Nous tirons bien évidemment cette
conclusion de l'usage de l'expression "a vocation à
s'appliquer". En recourant à cette expression, l'esprit du texte
est tout autre dans la mesure où le caractère du rattachement par
le biais du siège change du tout au tout. Il n'est plus ici
impératif comme en droit suisse mais exclusif dans la
mesure où comme le dit le texte il "a vocation à
s'appliquer". Les conséquences liées à un tel
rattachement s'induisent de ce que :
- d'une part, les parties ont la latitude d'exclure
l'application de l'AU.A comme loi d'arbitrage et s'en remettre à une
autre loi nationale, même si l'arbitrage siège dans cet espace.
Réserve faite, toutefois, des dispositions impératives contenues
dans l'AU.A qui s'avèrent être incontournables et auxquelles les
parties ne peuvent déroger. Mais, il est fort utile de faire remarquer
que, très peu de dispositions impératives figurent dans ce texte
de réglementation sur l'arbitrage OHADA.
- d'autre part, si nous demeurons fidèles à la
tendance contemporaine et dominante qui veut que, le siège du tribunal
arbitral désigne plutôt le lien de l'arbitrage avec un ordre
juridique, le caractère exclusif du rattachement nous
amènera à comprendre que, l'AU.A ne recevra pas application
d'office, toutes les fois que le siège du tribunal arbitral se situerait
sur le territoire d'un Etat-partie. Le caractère supplétif de
l'AU.A que nous tirons de l'usage de l'expression a vocation à
s'appliquer, permettra de ce fait aux parties d'écarter son
application. Ainsi, si la volonté des parties est d'écarter
l'AU.A, cette volonté se doit d'être respectée en
dépit du siège dans un Etat-partie. Autrement dit, l'AU.A ne
s'appliquera comme loi de procédure ou loi de l'arbitrage que, si les
parties en décident de son application. Il s'ensuivrait par
hypothèses successives que si le siège du tribunal arbitral se
trouvait sur le territoire d'un Etat-partie, alors les dispositions de l'AU.A
seraient applicables à défaut de volonté contraire des
parties. Si a contrario, le siège se trouvait sur le territoire d'un
Etat tiers, les dispositions de l'AU.A ne seraient applicables qu'à
condition que les parties l'aient désigné comme loi de
l'arbitrage ou loi de procédure (lex arbitri).
Bref, un constat se dégage de la lecture minutieuse des
dispositions relatives au champ d'application de ces deux lois d'arbitrage. On
constate une communauté de cause par les deux lois, dans la
détermination de leur champ d'application respectif. Cette
communauté de cause que nous évoquions c'est le recours au
siège, vu comme le for géographique, pour définir le
rattachement des deux lois d'arbitrage. Nous venons en effet de conclure,
conformément aux dispositions de l'art. 1er AU.A, qu'il ressort que
l'élément de rattachement permettant l'application des
dispositions du droit communautaire OHADA pour un arbitrage quel qu'il soit,
c'est le siège du tribunal arbitral. Comme l'acte
lui-même le stipule, toutes les dispositions qui lui sont relatives ne
peuvent s'appliquer que si le siège du tribunal arbitral se
trouve, géographiquement situé, sur le territoire de l'un des
États membres à l'OHADA. Idem en droit suisse de l'arbitrage
international où, la référence au siège du
tribunal arbitral pour définir la potée territoriale du
chapitre 12 LDIP n'est guère occultée dans la formulation des
dispositions de l'art. 176 de cette loi. Le chapitre 12 LDIP à l'instar
des conventions internationales, recoure ainsi donc au critère de
localisation territoriale pour circonscrire son champ d'application. Il dispose
que "si le siège du tribunal arbitral se trouve en Suisse" les
dispositions du présent chapitre s'appliqueraient. Il va s'en dire donc
que, le champ d'application ratione loci de l'AU.A et du chapitre 12
se défini par rapport à la notion de siège du tribunal
arbitral. Notion qu'ils ne définissent pas tous deux. Que peut-on
alors entendre par siège du tribunal arbitral ? Quelle
importance révèle alors le siège dans un arbitrage de DIP
et comment s'opérationnalise le choix de ce siège ? Voilà
les questions nécessaires, auxquelles nous répondrons, à
la bonne compréhension de la problématique du siège.
c-. LE SIEGE DE L'ARBITRAGE DE DIP
Le choix du siège du tribunal arbitral pour
définir le champ d'application de la loi d'arbitrage pose bien
évidemment la problématique de la définition de la notion
de siège. Dans les deux lois, à la lecture des
dispositions relatives à la notion de siège du tribunal
arbitral, l'idée qu'on peut se faire de la définition, de
l'importance et du rôle qu'il joue n'est pas la même. La notion de
siège n'étant bien évidemment pas définie
dans le corpus des deux lois, il faut s'en remettre pour cette
définition à la doctrine et à la jurisprudence.
Le siège du tribunal arbitral renvoie à
l'idée de l'espace physique, c'est-à-dire un lieu spatialement
situé dans lequel le tribunal se regroupe pour ses audiences et
délibérations. Partant de là, le siège
répond beaucoup plus à la conception territorialiste qui donne au
lieu géographique de l'arbitrage toute son importance contrairement
à la conception volontariste. Du point de vue doctrinal, il est
important de souligner que, deux conceptions juridiquement antinomiques
s'opposent quant à la définition de cette notion. La conception
territorialiste et celle volontariste.
La première veut que, l'arbitrage soit rattaché
à l'ordre juridique et aux juridictions de son siège
entendu comme lieu des opérations d'arbitrage. Pour les volontaristes
par contre, le lieu physique où se déroulent les
opérations ne revêt aucune importance. Seul l'environnement
juridique choisi par les parties pour leur arbitrage constitue le fondement du
rattachement de l'arbitrage. Le siège dans ce cas peut
être indépendant du lieu géographique où se
déroulent les opérations. Cette définition de la notion de
siège a fait l'objet d'une acceptation quasi unanime de la
jurisprudence et de la doctrine.
A la suite de ces deux conceptions, la question se pose de
savoir dans quel canevas s'inscrivent réellement les droits OHADA et
suisse de l'arbitrage international dans leur définition de la notion de
siège et, quelles implications juridiques cela peut-il avoir du
point de vue de la pratique ?
Lorsqu'on s'en tient à la formulation des dispositions
de l'art. 176 LDIP, force est de constater que le chapitre 12 s'inscrit, dans
la logique de la conception territorialiste de la notion de
siège pour définir son champ d'application. Nous n'en
voulons pour preuve que, l'utilisation du terme siège du tribunal
arbitral qui renvoie à l'idée d'un for géographique.
Si nous prenons pour vraie cette interprétation, il s'en dégage
que, l'autonomie des parties à cette étape de la procédure
est sans importance. Ce qui contraste d'avec le principe de base de l'arbitrage
qui veut que les parties soient, autonomes tout au long de la procédure
et par voie de conséquence, libres dans le choix du lieu de l'arbitrage.
P. LALIVE interprétant aussi cette énonciation malencontreuse des
dispositions du chapitre 12 LDIP formulait la contrariété
suivante "il est regrettable que la LDIP, à la suite du concordat
... utilise la formule de siège du tribunal arbitral qui éveille
l'idée d'une localisation ou d'un for géographiques. L'essentiel
suggère t-il demeure toutefois que la notion de siège à
laquelle recourt la loi soit bien celle que l'on vient de définir".
La définition de la notion de siège que cet auteur
propose est, à juste titre, celle du père du concordat suisse
qui, fait sienne la conception volontariste en affirmant que, le
siège ne saurait être vu que comme le lien juridique
entre l'arbitrage et la juridiction de l'Etat choisi, autrement dit le lien
juridique qui relie les parties à l'arbitrage et l'arbitre, d'une part,
à un for judiciaire et à une loi étatique sur l'arbitrage,
d'autre part . C'est bien évidemment cette conception du
siège, qu'une jurisprudence en droit suisse du TF a
confirmée dans un arrêt du 24 mars 1997 (ATF 24 mars 1997, Bull.
ASA 1997, p.316, 329-330). Aujourd'hui, toute la doctrine est unanime sur cette
dernière définition du siège de l'arbitrage qui
permet de mettre un accent sur le lien de l'arbitrage avec un ordre juridique.
Dès lors aucune ambiguïté n'est permise dans la
définition de la notion de siège, que ce soit en droit
OHADA ou en droit suisse de l'arbitrage international, même si
l'expression siège du tribunal arbitral peut prêter
à confusion.
La question de la définition de la notion de
siège en droit OHADA est plus délicate. Si l'on s'en
tient aux dispositions de l'art. 1er AU.A, le droit OHADA recourt aussi
à l'expression siège du tribunal arbitral. Ce qui
renvoie toujours à l'idée d'un for géographique duquel
dépendrait la loi de l'arbitrage et par conséquent la loi
procédurale. Mais, avec l'expression a vocation à
s'appliquer la donne est tout autre. On en vient à
l'interprétation selon laquelle, la notion de siège en
droit OHADA revêt bien plus un caractère volontariste que
territorialiste. Cela va de soi dans la mesure où, l'usage de
l'expression a vocation à s'appliquer ne se
révèle pas banal. Cette expression, met en évidence la
volonté du législateur OHADA à faire prévaloir la
volonté des parties dans le choix du droit applicable à la
procédure. En concevant que, la volonté des parties à
l'arbitrage en droit OHADA est primordiale au principe du rattachement
impératif se pose dès lors la question de savoir, si
c'est le principe général de l'autonomie qui gouverne l'arbitrage
qui justifie le choix par le législateur OHADA, de faire
prévaloir la volonté des parties à travers l'expression
a vocation à s'appliquer dans la détermination implicite
de la loi de l'arbitrage. Dans l'affirmative, l'acte uniforme rejoint ainsi
toutes les autres législations qui estiment, conformément aux
principes généraux que, l'arbitrage est l'affaire des parties
qui, du fait de l'autonomie de leur volonté, peuvent l'organiser de fond
en comble.
Par-dessus tout l'AU.A, il faut le reconnaître,
réconforte sa position de faire prévaloir la volonté des
parties dans la détermination de la lex arbitri dans les
dispositions de l'art. 14 AU.A qui vient en appoint à l'art. 1er et qui
dispose que "les parties peuvent directement ou par référence
à un règlement d'arbitrage régler la procédure
arbitrale, elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de
procédure de leur choix". Au regard de la place
réservée par l'arbitrage OHADA à la volonté des
parties, nous pensons que l'option dans la définition de la notion de
siège serait en faveur de la conception volontariste qui,
permettrait aux parties de désigner par là même, le for
judiciaire d'appui en vue de donner plus de sécurité à
l'exécution effective de la sentence arbitrale. Cela étant,
quelle importance revêt le siège dans la pratique
arbitrale conformément aux dispositions des deux lois d'arbitrage ?
B-. IMPORTANCE ET CHOIX DU SIEGE DE L'ARBITRAGE EN DROIT OHADA
ET SUISSE
Notons, d'entrée de jeu que le rattachement par le
biais du siège ne revêt pas la même importance selon que
nous nous l'envisageons sous le prisme de l'une ou l'autre des lois d'arbitrage
que nous avons en présence. Le siège de l'arbitrage est important
à plusieurs titres.
D'une part, lorsque le siège est défini sur la
base du principe de territorialité il permet de déterminer la
lex arbitri entendue comme loi procédurale avec pour corollaire
la compétence des tribunaux du siège comme juridiction d'appui et
de recours contre la sentence. La loi applicable à la procédure,
dépendra alors du lieu ou le siège du tribunal arbitral est
fixé. C'est la solution retenue par le droit suisse de l'arbitrage
international. Par contre, lorsque le siège est défini sur la
base du principe de l'autonomie, la loi applicable à la procédure
relève du choix des parties et à défaut, soit du choix de
l'institution désignée soit du choix du tribunal arbitral. Dans
cette hypothèse, leur choix peut porter sur une loi applicable à
la procédure autre que la loi du lieu de l'arbitrage. C'est la solution
qui, semble-t-il, est retenue par le droit OHADA de l'arbitrage.
D'autre part, si dans la quasi majorité des
systèmes il est aisément concevable que, la sentence rendue
à l'issue de l'instruction de l'affaire doit mentionner le siège
de l'arbitrage, cette sentence sera réputée, alors, avoir
été rendue à cet endroit. Même si les
opérations d'arbitrage ne s'y sont pas déroulées
totalement ou partiellement. Dans cette logique, le siège permet de
donner une nationalité à la sentence et ceci, dans la perspective
de l'application des dispositions de la convention de New York sur la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales
étrangères pour les besoins de son exécution. Dans les
deux systèmes objet de la présente étude, ce principe
n'est pas remis en cause.
Comment s'opérationnalise alors le choix du
siège du tribunal arbitral ?
a-. LE CHOIX DU SIEGE
En vertu du principe de l'autonomie qui gouverne l'arbitrage,
ce sont les parties qui fixent le siège de l'arbitrage. C'est en
substance ce que nous rappelle l'al. 3 de l'art. 176 LDIP "les parties en
cause ou l'institution d'arbitrage désignée par elles ou,
à défaut, les arbitres déterminent le siège du
tribunal arbitral". Le principe est ainsi, clairement établi par le
chapitre 12 LDIP qui assujettit cette désignation à aucune forme
particulière. Elle peut être expresse ou tacite, directe ou
indirecte voire par référence à un règlement
d'arbitrage.
Si le droit suisse de l'arbitrage international, ne fait pas
économie des dispositions relatives au choix du siège du tribunal
arbitral et par ricochet au principe de l'autonomie qui prélude à
un tel choix, le droit OHADA sur cette question est parcimonieux voire muet. Il
est regrettable que là dessus, le droit OHADA de l'arbitrage en
l'occurrence l'AU.A ne se soit pas prononcé. Il y a donc, à notre
avis, un vide juridique qu'il faille combler. Cependant, même si en droit
OHADA on ne trouve aucune disposition relative à la fixation du
siège par les parties, il faut reconnaître que, ce droit
adhère au principe du libéralisme qui prélude à
l'arbitrage. De ce fait, il est évident qu'en droit de l'arbitrage
OHADA, la fixation du siège de l'arbitrage est d'abord l'oeuvre des
parties. Le défaut de fixation par les parties emporte, tout comme en
droit suisse, les deux possibilités évoquées par l'art.
176 al. 3 LDIP. Ce qui revient à dire, qu'en cas de non fixation par les
parties elles-mêmes du siège, le choix peut
s'opérationnaliser soit tacitement soit indirectement voire par
référence.
L'autre préoccupation, porte sur l'impossibilité
d'identification claire sur le choix du siège dans la clause
d'arbitrage. Cette hypothèse fréquente en arbitrage ne doit pas
être une entorse au déroulement de la procédure. Il faut le
déterminer à un moment ou un autre. La question se pose alors de
savoir où tenir l'arbitrage ?
Bien sûr que l'AUA et le chapitre 12 LDIP ne nous
apportent, aucunement une réponse édifiante à cette
question qui, n'est pas des moindres dans un arbitrage de DIP. Il n'y a pas une
réponse simple ni universelle à cette question, à
défaut de précision des deux réglementations sur
l'arbitrage. Il faut s'en remettre à la pratique qui, à son tour
recommande de s'en remettre à la recherche d'un certain nombre de
critères devant préluder au choix par le tribunal arbitral de
DIP, du siège de son arbitrage. Pour choisir le siège, la
pratique suggère de tenir compte des critères essentielles telles
que : la nationalité des parties en litige, la résidence
habituelle des parties, l'endroit où elles exercent leurs
activités. Certains facteurs politiques et économiques, la
possibilité de recourir facilement à certaines compétences
locales et de disposer de locaux convenables pour les audiences, ne manquent
pas de poids dans la fixation du siège de l'arbitrage. Les facteurs
relatifs à l'environnement juridique propre au lieu d'arbitrage
considéré sont aussi déterminants et à prendre en
compte puisque cet environnement exerce une influence à la fois sur le
déroulement de l'arbitrage et sur la possibilité de faire
exécuter ultérieurement la sentence.
Notons en guise de conclusion, pour parachever cette
problématique de choix du siège qu'aujourd'hui, plus que jamais,
avec le développement de l'Internet, la notion de siège de
l'arbitrage tend à devenir une fiction sans lien matériel
nécessaire avec le territoire sur lequel se déroulent les
opérations arbitrales. On assiste, de ce fait, à l'absence de
localisation matérielle des opérations procédurales. Cette
procédure qui tend à se généraliser est d'autant
plus spéciale que le droit applicable à l'instance ne
dépend plus du lieu ou du siège de l'arbitrage. Dès lors
on assiste à une certaine évolution ou du moins une
révolution certaine de la notion du lieu de l'arbitrage.
Quelle implication ce choix peut-il avoir dans la pratique au
sein des systèmes OHADA et suisse de l'arbitrage international ?
b-. IMPLICATION DU CHOIX DE SIEGE
L'évidence que les parties peuvent choisir, le lieu de
leur arbitrage et par conséquent la loi procédurale ne se pose
plus comme problématique en droit de l'arbitrage international.
Cependant, il est moins évident que l'arbitrage tout
entier se déroule en ce lieu choisi car, la plupart des lois et
règlements d'arbitrage, confirment la liberté des parties de
fixer le lieu de l'arbitrage et le pouvoir des arbitres d'en mener les
opérations ailleurs. On en déduit que, les réunions et les
audiences de même que la délibération peuvent avoir lieu en
un endroit autre que le lieu choisi par les parties. Par là, le choix du
siège n'est autre chose que l'élection du droit applicable
à l'arbitrage. La seule implication que peut revêtir, le choix par
les parties du lieu de l'arbitrage peut se lire dans l'identification de la
sentence arbitrale pour les besoins de son exécution. En effet le choix
par les parties du siège donne à la sentence la
nationalité du lieu choisi par celles-ci. Un auteur fait observer sur ce
sujet que "la désignation du lieu de l'arbitrage a notamment pour
signification que la sentence sera réputée rendue en ce lieu. Que
les audiences s'y soient effectivement déroulées ou que la
sentence y ait effectivement été prononcée est sans
incidence".
En conclusion, nous ne manquerons pas de souligner que, c'est
la conception volontariste du siège qui est quasi unanimement admise par
la doctrine et la jurisprudence des autres Etats. Même si le siège
a une connotation territorialiste dans l'espace OHADA et en suisse, on ne
saurait l'appréhender que comme le lien juridique entre l'arbitrage et
la juridiction choisie fût elle par la volonté des parties ou
à défaut par les arbitres ou l'institution d'arbitrage.
En dehors du critère de rattachement qu'est le
siège du tribunal arbitral, l'AU.A en droit OHADA innove du point de vue
du champ d'application ratione materiae par l'absence de distinction
entre arbitrage civil et commercial.
C-. LE CHAMP D'APPLICATION RATIONE MATERIAE DE L'AU.A
ET DU CHAPITRE 12 LDIP
S'il est une certitude dans l'historique du
développement de l'arbitrage, c'est que le droit de l'arbitrage
international s'est surtout amplifié avec l'essor des échanges
commerciaux. De ce fait, la nécessité que de nouvelles
règles matérielles et/ou conflictuelles soient adoptées
par les législations internes pour réglementer ce domaine
particulier du droit s'est faite ressentie. Le constat du prof. G.
KAUFMANN-KOHLER le résume si bien, lorsqu'elle affirmait que "le
commerce international franchit par définition les frontières et
dépasse les ordres juridiques nationaux. Il n'est dès lors
guère surprenant que ses opérateurs aient ressenti le besoin
d'une justice à la mesure de leurs activités inter ou
transnationales, une justice calquée sur leur mode d'opération,
déconnectée des contingences nationales". Il est donc clair
que le droit de l'arbitrage international à connu son essor avec le
développement du commerce international. Sur cette base, la logique
voudrait que l'on s'attende à ce que, les différentes
législations réglementant la matière, déterminent
la nature de l'arbitrage auquel elles s'appliquent. Mais, le constat qui se
dégage de la lecture des différents textes régissant
l'arbitrage international est que, non seulement ils ne définissent pas
le concept d'arbitrage, non plus ils ne donnent aucune spécification sur
la nature de l'arbitrage auquel leurs dispositions sont censées
s'appliquer. Le résultat, c'est la propension quasi
généralisée des législations modernes sur
l'arbitrage à ne pas déterminer le champ d'application
ratione materiae de la loi. Ce qui est le cas de l'AU.A en droit OHADA
et du chapitre 12 LDIP en droit suisse de l'arbitrage international. Ce choix
législatif comme nous le verrons dans la suite du développement
est loin d'être anodin.
Ceci étant, il est une évidence à
laquelle on doit se rallier, c'est que l'AU.A et le chapitre 12 LDIP ne
s'appliquent qu'aux arbitrages. Par contre, il est moins évident que ces
deux textes légaux nous fournissent, dans leurs dispositions, les
définitions conceptuelles des notions d'arbitrage civil et commercial.
Nous ne les définirons pas non plus ici. Notre souci par contre,
portera sur la question de savoir à quelle sorte d'arbitrage ces deux
législations s'appliquent. Autrement formulé, arbitrage civil et
arbitrage commercial peuvent-ils se prévaloir indifféremment des
textes susvisés comme fondement juridique ?
a-. PRINCIPE
La définition du champ d'application ratione
materiae d'une loi d'arbitrage, repose sur la détermination de la
portée de cette loi par rapport aux différentes catégories
d'arbitrage auxquelles elle peut s'appliquer. En droit comparé, c'est la
convention de Genève dite encore, convention européenne de 1961
qui, nous donne l'exemple le plus parlant d'une réglementation
d'arbitrage définissant sans équivocité son champ
d'application ratione materiae. Ce texte dispose qu'il "s'applique
...aux conventions d'arbitrage conclues, pour le règlement de litiges
nés ou à naître d'opérations de commerce
international [...]". Ce qui n'est pas le cas de l'AU.A et du chapitre 12
LDIP. En effet, les deux textes que nous étudions ne faisant pas, dans
leurs dispositions, des particularités juridiques applicables à
tel ou tel autre catégorie d'arbitrage, la question de leur champ
d'application ratione materiae manque d'intérêt à
notre avis.
Si nous partons du postulat que, le champ d'application
ratione materiae d'une loi d'arbitrage se détermine par rapport
à la définition dans les dispositifs de cette loi, de la nature
de l'arbitrage auquel elle se rapporte, logiquement, c'est de la
définition de la notion de commercialité de l'arbitrage dans la
loi, que devrait pouvoir s'induire, l'applicabilité de cette
législation à un arbitrage commercial. Ainsi, la
définition notionnelle du concept de commercialité, dans la loi
d'arbitrage, laisserait conjecturer de l'application des dispositions de cette
loi aux arbitrages commerciaux. Or, à ce niveau, aussi bien l'AU.A que
le chapitre 12 LDIP ne nous édifient point sur la possibilité de
la définir. Pourtant nous ne conclurons pas que leur
applicabilité à un arbitrage commercial est sujette à
caution. Le constat est invariable pour toutes les autres législations
modernes sur l'arbitrage qui ne définissent pas, non plus, la notion de
commercialité de l'arbitrage, pas plus qu'elles ne tiennent compte de la
distinction entre arbitrage civil et commercial. Dans le système OHADA,
on ne retrouve point dans l'AU.A, aucune trace de la définition de la
notion d'arbitrage commercial. Pourtant, ce texte procédural est,
semble-t-il, adopté pour être appliqué aux
différends relatifs aux opérations commerciales voire aux
différends relatifs aux actes de la vie civile arbitrables. Sur ce
point, même si les dispositions de l'AU.A ne nous appuient pas dans notre
constat, la doctrine OHADA fait observer que, l'absence de distinction entre
arbitrage civil et commercial est une originalité innovatrice tout comme
l'absence de marge entre arbitrage interne et arbitrage international du point
de vue juridique. Le Prof. P. MEYER le constate si bien et nous fait remarquer
que l'AU.A en droit OHADA ne limite pas son champ d'application aux seuls
arbitrages commerciaux. Pour ce fait, il en déduit que "toute
définition substantielle de la commercialité était
absolument inutile dans cet acte. C'est pourquoi conclut-il on ne
trouve donc logiquement aucune définition de l'arbitrage commercial dans
le droit uniforme sur l'arbitrage". En clair, il est aisément
relevable que si la loi d'arbitrage ne circonscrit pas son champ d'application
à une catégorie d'arbitrage, la définition notionnelle de
la commercialité de l'arbitrage s'avère inutile mais pas
inopérante.
En effet, elle n'est pas inopérante dans la mesure
où, si le litige soumis à la compétence du tribunal
arbitral à un caractère commercial, il s'agira bien
évidemment d'un arbitrage commercial. Si par contre, le litige n'a aucun
rapport à la commercialité, on parlera d'arbitrage civil.
D'où toute l'importante de la démarcation entre les deux formes
d'arbitrage en dépit de la non-prise en compte de cette
délimitation par les lois d'arbitrage. Sur ce, tout le système de
la détermination de la portée en raison de la matière,
repose donc sur la définition du rapport à la
commercialité du litige soumis à l'arbitrage. Dans ce cas,
comment peut-on alors définir la commercialité de l'arbitrage en
l'absence, dans une loi d'arbitrage, d'une différenciation clairement
formalisée entre arbitrage civil et commercial ?
Pour définir la commercialité d'un arbitrage
nous-nous référerons soit au critère de la loi-type de la
CNUDCI, soit au critère du droit français.
En droit français, est considéré comme
commercial, tout arbitrage international portant sur un litige né
à l'occasion d'une opération économique internationale
mettant en cause les intérêts du commerce international. Cette
définition notionnelle de la commercialité de l'arbitrage, (qui
n'a rien à voir avec la définition de l'internationalité
de l'arbitrage selon le critère de la conception économique du
droit français de l'internationalité) est déterminante
dans la définition de la commercialité du litige. Entrent donc en
ligne de compte, pour un arbitrage commercial international, les litiges qui
mettent en jeu les intérêts du commerce international et qui, se
réalisent dans le cadre d'une opération économique
international. Sur cette base, l'hypothèse d'une commercialité de
l'arbitrage en droit OHADA et suisse reposerait sur la prise en compte des
éléments matériels qui exigent l'extranéité
d'un litige mettant en jeu les intérêts du commerce international.
Une autre définition de la commercialité de
l'arbitrage et non pas des moindres, nous est donnée par la loi-type de
la CNUDCI. La loi-type nous propose une définition du caractère
commercial de l'arbitrage international dans sa note sub-paginale. Elle nous
suggère, de se référer à un sens plus large afin de
désigner les questions issues de toute relation à
caractère commercial, contractuelle ou non contractuelle afin de mieux
définir le terme commercial. Ce faisant, cette réglementation
nous fournit le model d'une législation arbitrale dont le champ
d'application ratione materiae est clairement défini. En
disposant selon l'art. 1er al. 1 que "la présente loi s'applique
à l'arbitrage commercial international [...]", toute
équivocité sur le champ d'application ratione materiae
de la loi-type est levée. De la compréhension des dispositions ce
texte, nous en concluons que la loi-type ne peut s'appliquer qu'à un
arbitrage commercial international. C'est aussi le cas, comme nous l'avions dit
précédemment, de la convention de Genève sur l'arbitrage
commercial international.
b-. ABSENCE DE DEMARCATION ENTRE ARBITRAGE CIVIL ET
COMMERCIAL
Le problème de la portée ratione
materiae de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP se pose avec moins
d'évidence que cela ne parait. En effet, lorsqu'on sait que, l'AU.A et
le chapitre 12 LDIP ne donnent aucune définition de la notion
d'arbitrage et ne déterminent guère s'ils sont applicables
à un arbitrage civil ou commercial, peut-on logiquement en
inférer qu'ils n'opèrent pas de distinction entre un arbitrage
civil qui serait soumis à un régime juridique particulier et un
arbitrage commercial lui-même soumis à un régime tout autre
?
Par voie de conséquence, les textes que nous avons en
présence auraient-ils une large portée en raison de la
matière sans considération de distinction entre arbitrage civil
et commercial, le cas échéant, celle-ci serait-elle inutile ?
Évidemment nous ne retrouvons dans la formulation des
dispositions des deux textes de loi, aucune définition de la notion
d'arbitrage commercial, pas plus qu'elles ne font aucune
référence à la commercialité de l'arbitrage. Toutes
deux, comme on peut le constater, font l'unanimité sur l'unité
d'application du contenu respectif de leurs dispositions à toute sorte
d'arbitrage. Il en résulte le fait que, leurs dispositions sont par
conséquent applicables indifféremment à un arbitrage civil
comme à un arbitrage commercial. Pour preuve, le droit OHADA au travers
des dispositions de son art. 1er est formel là-dessus il
à vocation à s'appliquer à tout arbitrage. Idoine en droit
suisse où l'art. 176 al. 1er dispose que les dispositions du
présent chapitre s'appliquent à tout arbitrage. Une telle
formulation ne peut que nous conduire à envisager l'hypothèse
d'une large portée ratione materiae de leurs dispositions. Si
cette hypothèse s'avère plausible, nous en conclurons que, la
détermination du champ d'application ratione materiae des deux
textes se révèle n'avoir plus aujourd'hui une importance
significative, au regard du fait que, arbitrage civil et arbitrage commercial
ne s'opposent plus du point de vue du régime juridique dans les corpus
des textes modernes sur l'arbitrage. Dès lors, cette absence de
différenciation du point de vue juridique nous conduit à faire
remarquer que, la distinction entre les deux formes d'arbitrage, dans une
réglementation sur l'arbitrage, ne remplit plus aucune fonction
essentielle et est d'un archaïsme révolu au regard de la pratique
moderne du droit de l'arbitrage international.
Deux constats nous permettent de soutenir que, cette absence
de distinction entre les deux formes d'arbitrage n'est plus à l'ordre du
jour, du moins que son inutilité dans les textes de loi sur l'arbitrage
se justifie.
- Dans les deux systèmes OHADA et suisse, on y trouve
dans les sources juridiques de l'arbitrage, non seulement les dispositions
légales et réglementaires internes relatives à l'arbitrage
mais aussi, les conventions internationales à l'instar de la convention
de New York du 10 juin 1958, de la convention de Genève du 21 avril 1961
sur l'arbitrage commercial international, de la loi-type de la CNUDCI du 21
juin 1985. Tous ces textes faisant référence à l'arbitrage
commercial viennent en appoint aux textes ici considérés. Les
seize États-Parties au Traité OHADA d'une part et la Suisse
d'autre part sont tous signataires de la majorité de ces conventions
internationales sur l'arbitrage sus citées. Leur adhésion,
à ces instruments internationaux du commerce international,
témoigne de ce que les dispositions internes réglementant
l'arbitrage n'ont véritablement plus besoin de spécifications sur
la commercialité de l'arbitrage avant d'être
considérées comme tel.
- Une précision non moins anodine, qui porte sur
l'usage de l'expression tout arbitrage dans les articles 1er AU.A et 176 LDIP,
ne saurait passer inaperçue pour nous convaincre de l'inutilité
de cette distinction entre arbitrage civil et commercial. À notre avis,
le recours à l'expression tout arbitrage emporte l'interprétation
selon laquelle, les droits OHADA de l'arbitrage et suisse de l'arbitrage
international, n'ont pas porté une limite au champ d'application
respectif de l'AU.A et du chapitre 12 LDIP. Ce qui explique la large
portée du champ d'application ratione materiae de ces deux lois
d'arbitrage. Il va s'en dire que, arbitrage civil et arbitrage commercial
peuvent se prévaloir indifféremment de l'application de chacune
des deux lois d'arbitrage.
Par ailleurs, il est fort utile de souligner que, même
si nous soutenons que la distinction n'a plus guère son importance, le
caractère civil ou commercial de la relation ayant suscité le
différent, garde tout son intérêt sur le plan du droit
applicable au fond. Ainsi, si le litige a un caractère commercial,
l'arbitre appliquera les normes particulières du droit commercial. Sur
cette question, ce ne sont pas les dispositions de l'art. 15 AU.A qui nous
contrediraient. En visant l'application "le cas échéant des
usages du commerce international" le codificateur entend signifier que, la
relation ayant suscité le litige doit pouvoir s'inscrire dans le
registre du commerce international. En droit suisse, c'est l'art. 187 al. 1
LDIP qui nous convainc de ce que la distinction garde toute son importance sur
le plan du droit applicable au fond. Cet article pose le principe sous une
forme moins évidente "le tribunal arbitral statue selon les
règles de droit ... avec lesquelles la cause présente les liens
les plus étroits". Si la cause présente des liens plus
étroits avec le commerce international, l'arbitre appliquera les normes
de cette discipline, le droit commercial. Ceci pose la problématique du
droit applicable au fond du litige que nous analyserons dans les sections
suivantes.
En résumé, étant entendu qu'il ne nous
est pas possible d'inférer des dispositions respectives des deux textes
leur champ d'application ratione materiae nous pouvons en conclure
que, l'AU.A en droit OHADA et le chapitre 12 LDIP s'appliquent
indifféremment à l'arbitrage commercial qu'à l'arbitrage
civil. Cependant, s'il est clair que le chapitre 12 LDIP n'est conçu
pour être appliqué qu'à l'arbitrage international,
l'évidence ne parait pas univoque pour l'AU.A qui semble-t-il est
défini pour être appliqué aussi bien à l'arbitrage
interne et à l'arbitrage international. L'AU.A ne fait donc aucune
distinction entre les deux formes d'arbitrage, les soumettant au même
régime juridique. Ce choix, loin d'être une ambiguïté
juridique, est une option des promoteurs qui ne doit aucunement être vue
comme un obstacle à ce que les deux formes d'arbitrage se
déroulent sous les auspices du même et unique texte normatif :
l'Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage OHADA.
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