Les changements relatifs à la mutation profonde de
l'environnement bancaire sur le processus de crédit aux entreprises et
particulièrement aux PME représentent l'évolution des
pratiques de gestion du risque, la prise en compte des anticipations des
actionnaires relatives au retour sur investissement sur fonds propres (approche
stockholder) ainsi que l'évolution réglementaire.
Cette révolution des pratiques est liée non
seulement à l'attachement aux techniques quantitatives
d'évaluation des risques (états financiers, données du
marché...) sur l'accord du crédit, la fixation du taux
d'intérêt et le suivi, mais une importance est aussi donnée
dans le
nouveau dispositif de Bale aux données qualitatives
sur l'évolution du marché, la nature des garanties
apportées, la conjoncture, le marché dérivé avec
les engagements hors bilan et une approche globalisante du risque en phase avec
le marché.
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Bale II a été mise en place non seulement pour
«améliorer la stabilité du système bancaire
international mais aussi et palier aux manquements du ratio Cooke
pénalisant l'accès au crédit des petites et moyennes
entreprises »1. A priori, les PME seraient plus risqués
et très
vulnérables aux
turbulences
macroéconomiques. Or il a été
démontré qu'à probabilité de
Figure 16: Source-
Trésor Fran çais/Paris
défaut et taux de perte équivalents, les
créances des établissements de crédit aux PME
entraînent une moindre exigence en capital réglementaire que
celles des grandes entreprises (la figure 16 et l'annexe 9 le montre bien).
On constate bien que la courbe orange nécessite une
application des coefficients de pondération plus conséquents que
la courbe violette et mieux encore la courbe en pointillés.
Les exigences de Bale II sont analysées ici comme
étant des atouts de l'accord sur le financement des PME. En effet, on
peut distinguer:
? Les exigences par rapport aux fonds propres
réglementaires des PME, ? Les effets potentiels de Bale II sur l'offre
de crédit,
? Les effets procycliques potentiels.
1 Lettre de la Direction générale du trésor
et de la politique économique (DGTPE) N° 13, avril 2007, Bale II et
l'offre de crédit aux PME
1.10.1 Les exigences par rapport aux fonds propres
réglementaires
M.B. DIKABOU69
Le nouveau dispositif définie deux catégories de
créances aux PME: celles inférieures à un million d'euros
relevant des banques de détail (voir les différentes branches
d'activités bancaires développés en première partie
du présent mémoire) et les créances sur les entreprises
supérieures à un million d'euros relevant du portefeuille
entreprises.
En effet, les dispositifs de Bale II traitent certains
crédits aux entreprises (moins d'un million d'euros) comme étant
des crédits retail avec une pondération de 75% contre 100% sur
Bale I.
De cette distinction découle une pondération
des engagements qui vont tendre vers la baisse des fonds réglementaires
nécessaires à assurer la couverture du risque. Le tableau
ci-après et la figure précédente mettent bien en relief la
baisse significative des pondérations liées aux engagements des
TPE et PME par rapport aux grandes entreprises.
Cette baisse sera d'autan plus significative que la
méthode d'évaluation choisie par les établissements de
crédit tendra vers l'approche IRB avancée.
Malgré la volatilité de la probabilité
de défaut des crédits PME, liée très souvent au
problème humain et sectoriel, par rapport aux grandes entreprises, les
dites créances induisent un effet de diversification
particulièrement important. Cette diversification permet
d'atténuer les risques de défaut et les pertes en cas de
défaillance du fait de la péréquation des risques au sein
du portefeuille des actifs. Les banques auront donc tendance à
privilégier les crédits aux PME contrairement à la
tendance actuelle. Cela n'est vrai que pour les entreprises
bénéficiant d'un bon rating (annexe 9).
En somme, le capital réglementaire associé aux
portefeuilles de créance aux PME devrait baisser. Cela est d'autan plus
vrai qu'un traitement plus adéquat sera que les garanties et
sûretés seront prises en compte.
1.10.2 Les effets potentiels de Bale II sur l'offre des
crédits aux PME
La baisse du capital réglementaire induite par les
dispositifs de Bale II devrait normalement et de façon rationnelle avoir
un impact sur le capital économique des banques et établissements
assimilés. Généralement, les banques disposent toujours
d'un capital réglementaire (surtout en Suisse, et relativement en France
et en Allemagne -voir annexe 10) moins important que le capital
économique. Le ratio des fonds propres uniquement fixé à
4% est très souvent respecté par rapport au ratio portant sur les
fonds propres et l'ensemble des engagements pondérés (annexe
11).
Cette baisse devrait donc impacter leur stratégie en
matière de crédit. Le fait de disposer d'un capital
économique supérieur à l'exigence réglementaire
permet aux banques de bénéficier d'un rating satisfaisant devant
leur permettre de se financer à moindre coût et partant être
compétitives sur les conditions de crédits aux agents à
besoin de financement.
Même si d'aventure le capital économique
arrivait à baisser, les banques feront le nécessaire pour garder
le différentiel existant avec le capital économique de sorte
à maintenir sinon améliorer leur notation.
Cette marge de manoeuvre va permettre les banques à
développer voir dynamiser sous réserve des conditions de
concurrence sur le marché des fonds prêtables, les offres de
crédit aux PME du fait de la différenciation des approches de
risque.
Les méthodes d'évaluation du risque incitent
les banques à appliquer des ratifications plus proches des risques. En
incitant à la différenciation plus forte des tarifs en fonction
des risques (donc du rating), Bale II pourra faire aboutir les banques à
appliquer une tarification plus adéquate aux coûts. Cette
situation est loin d'être similaire à la pratique uniforme
résultant de Bale I. Une telle évolution ne pourra
qu'améliorer l'offre de crédit aux PME et faire revenir sur le
marché monétaire les exclus ou non éligibles du (ou au)
crédit.
Enfin la diversité ella flexibilité des
approches d'évaluation du risque peut conduire à une fonction de
spécialisation dans le risque PME. On peut aussi faire allusion à
l'intermédiation informationnelle citée plus haut. Ainsi, les PME
ne peuvent que trouver dans cette dynamique
une occasion d'améliorer leur rating nonobstant les
théories d'agences et l'asymétrie de l'information à la
marge négligeables.
1.10.3 Les effets procycliques potentiels
Dans la formule du calcul du nouveau ratio dit Bale II, le
dénominateur (risque de crédit+risque de marché+risque
opérationnel) peut accroître le caractère procyclique des
charges en capital du fait de sa sensibilité à la conjoncture par
rapport à Bale I. en cas de défaut de conjoncture, la
probabilité de défaut est censée augmentée
entraînant par là l'augmentation des actifs
pondérés. Cette situation ne saurait être sinon
partiellement compensée par la contraction de l'offre de
crédit.
Dans le cas où cette situation se réaliserait,
les premiers à être pénalisés seraient les PME par
hypothèse très vulnérables aux crises
macroéconomiques. Mais cette situation est déjà bien
gérée par les banques qui en période de forte crise de
conjoncture contractent l'offre de crédit de sorte à les baisser
plus que la baisse de la demande pour contenir la crise (c'est le cas de
l'augmentation du coût du crédit aux entreprises constatée
en 2006 et 2007)1. Elles sont aussi amenées à modifier
la composition de leur portefeuille de crédit.
1.11 Bilan
1.11.1 Points forts de l'accord par rapport aux PME
L'objectif principal de Bale II a été une
meilleure adéquation des ressources par rapport au risque réel
encouru par les banques sans pour autan vouloir augmenter le capital
réglementaire a été secondé par une meilleure prise
en compte des besoins des PME.
D'une part les PME sont considérées comme
étant des clients du retail avec un gain sensible au niveau du
coût réglementaire des fonds propres à la charge des
banques. D'autre part une flexibilité a été
apportée dans l'appréciation du risque de défaut.
1 Bulletin de la banque de France N° 163, juillet 2007 : le
coût du crédit aux entreprises.
M.B. DIKABOU71
Cette appréciation est assortie de plusieurs options
devant permettre une meilleure appréciation du risque PME et permettre
aussi la mise en place d'une relation chef de PME et chargé d'affaires
des banques. Cette relation «gagnant gagnant» pour être
profitable doit s'inscrire dans la durée.
La possibilité est donnée aux PME de demander
sinon d'exiger aux banques les éléments et méthodes
d'évaluation des risques de façon à mieux gérer sa
notation.
La distinction des PME en deux catégories de client :
les PME considérées comme des particuliers et de ce fait
bénéficiant des pondérations spécifiques et les PME
catégorisées clients entreprises bénéficiant d'une
pondération variable suivant leur profil de risque. Cette approche est
plutôt mieux adaptée aux PME ne souhaitant être
évaluées forfaitairement.
Enfin les piliers 2 et 3 permettent non seulement une
discipline de marché, mais aussi la surveillance des banques par les
organes de contrôle. Cette nouveauté établie une
transparence à notre sens bénéfique aux PME qui sont
susceptibles de prendre des décisions en connaissance de cause.
1.11.2 Les points faibles
Le premier point de faiblesse c'est l'amortissement des
coûts de structure engendrés par la mise en place des dispositifs
de Bale II sur les techniques de notation. Les grandes banques auront peut
être la tentation de répercuter d'une manière ou d'une
autre une partie des dits coûts à la clientèle car il
serait difficile de les amortir que par des synergies opérationnelle et
stratégiques.
On peut aussi craindre une volatilité du rating par
rapport à la flexibilité des approches de calcul. Cette situation
peut entraîner l'instabilité et la variabilité des clauses
des conventions de crédits aux PME.
Le rating des banques devrait assurer une exhaustivité
certes pas parfaite mais suffisante devant intégrer les objectifs
à long terme et partant mettre en exergue le vrai potentiel de
M.B. DIKABOU73
développement de la PME. Or ces PME (et
particulièrement les TPE et entreprises artisanales) ont-elles
même du mal à mettre en place ces plans stratégiques.
Enfin l'introduction des risques opérationnels est
certainement l'élément le plus contesté. Comment peut-on
prévoir et évaluer les pannes informatiques, l'erreur humaine et
les défaillances systémiques de façon approximativement
exacte et les intégrer dans le calcul des fonds propres? Cette question
est relativement globalisante à telle enseigne que les
répercussions sur les PME nous semblent imprécises et non
spécifiques.
1.12 Quelques règles cardinales du crédit aux
PME
La commission européenne a menée une étude
sur l'accès des PME au financement. Pour aider les PME à
accéder au crédit, elle a édictée les six
règles ci-après:
Demander toujours les informations à la banque sur les
conditions de crédit, son rating ainsi que les méthodes
pratiquées par la banque,
Fournir une documentation claire et en temps utile à
la banque pour une demande de crédit ou pour appréciation de la
situation de l'entreprise. Ne pas fournir ces états en temps utile peut
conduire à un déclassement en rating plus défavorable.
Toujours vérifier les conditions du crédit: la
notation, le mode de traitement des garanties et sûretés, les
clauses permettant d'établir des conventions de prêt sur me
sure...
Gérer activement sa notation,
Tout faire pour conserver son crédit,
Etudier les autres solutions de financement possible
(affacturage, crédit bail...).
A cela nous ajoutons, qu'il est très important de:
Tenir la banque informée de toute situation nouvelle
ayant des incidences sur le fonctionnement de l'entreprise,
Ne pas se limiter à ne produire que des états
financiers. Enrichir les rapports annuels des aspects techniques,
managériaux, commerciaux et stratégiques permettant une meilleure
appréciation de l'entreprise.
Ne pas manquer de revenir vers la banque pour des
problèmes de tension financière afin de négocier des
rallonges et ne pas de ce fait, faire l'objet d'un incident de paiement.
Profiter de la flexibilité des PME [en mettant en place
une structure simplifiée - Mintzberg (1978)] pour mettre en place un
système de gestion intégrant aussi bien la transversalité
que l'efficacité (Anthony 1965-1988). En effet, la stratégie de
la PME doit être très lisible sur le processus de
planification/contrôle/exécution1.
Optimiser les postes bilanciels en particulier le crédit
inter entreprises (près de 21% des faillites des PME en ont pour
cause).
1 Cette théorie d'Anthony a été
explicitée dans le cours de Gilles DAVID, en MSG FC 2006. Pour
approfondissement, voir le Livre d'Henri BOUQUIN sur le Contrôle de
Gestion, ED. DUNOD.