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Ménages Gécamines, précarité et économie populaire

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par Didier Kilondo Nguya
Université Catholique de Louvain - Diplôme d'Etudes Approfondies 2004
  

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1.2.2. Approche de l'informel en termes d'économie populaire

Le concept d'économie populaire, par rapport a celui de secteur informel, recouvre l'ensemble des activités économiques entreprises au sein des quartiers pauvres des pays en développement en vue de la satisfaction des nécessités de personnes, de familles ou de groupes. Larraechea et Nyssens notent que l'économie populaire est un espace oü s'expriment, par une pratique, une <<demande de survie >> et une <<demande d'intégration porteuse d'une identité >>. Ainsi, une telle pratique émane de groupes et de personnes considérées comme marginales et dont la manière privilégiée de s'exprimer est par l'action, par le concret du quotidien49. De même pour H. Leclercq50, il faut entendre par économie populaire informelle, une économie de pauvres car, argumente-t-il, tous ceux qui travaillent en économie informelle ne sont pas tous des pauvres. Cette économie populaire informelle assure, en général, la préservation d'un mode de relations sociales et permet a l'économie marchande de générer une plus grande valeur ajoutée globale en tirant le meilleur parti d'une population active abondante et de maigres ressources matérielles. Avec cette économie populaire, des millions d'activités très précaires se sont développées et ont formé un vaste marché là oü c'était possible en même temps qu'un réseau de solidarité.

Quelques considérations sur l'économie populaire méritent d'être mentionnées a partir des définitions qui précèdent. Il s'agit du caractère spécifique du mode d'organisation de l'économie populaire, de ces acteurs et de l'espace dans lequel elles se déploient. Comme déjà signalé plus haut, lorsqu'on se réfère au cadre d'analyse de l'économie politique, les pratiques d'économie populaire sont souvent décrites comme non-modernes et sont interprétées comme un ensemble de pratiques qu'il faut normaliser. Pourtant, il n'est plus douteux que cette économie populaire apparaIt comme un rempart spontané contre l'extrême pauvreté. Notons avec J.-Ph. Peemans que la prise en considération des pratiques populaires au niveau local dans les vingt dernières années montre qu'elles s'étendent d'une simple logique de survie a une reconstruction des liens sociaux. En plus, le concept d'économie populaire s'est progressivement imposé comme alternative au concept d'économie informelle. Cette vue alternative percoit l'économie populaire comme un phénomène durable qui possède sa propre logique et qui ne doit pas être considéré

49 Ignacio LARRAECHEA et NYSSENS Marthe, "L'économie populaire : un défi épistémologique pour les économistes", in LA CONNAISSANCE DES PAUVRES, G1ReP, Ed. Travailler le social, Louvain-laNeuve, 1996, pp. 489-501.

50 Hugues LECLERCQ, "L'économie populaire informelle de Kinshasa. Approche macro-économique", dans Zaire-Afrique, n°27 1, Kinshasa, j anvier 1993, p. 18.

comme subordonné au "secteur moderne" ou en attente d'incorporation a ce dernier51. Toujours par rapport a la spécificité de son mode d'organisation et de fonctionnement, il est démontré que l'économie populaire est un ensemble de pratiques ancrées dans des réseaux solidaires. Sans le réseau de solidarité, il n'est pas possible de développer une économie de marché. Celle-ci renforce les solidarités dans une société oü l'économie est encastrée dans le social dans l'entendement de K. Polanyi. Dans ses analyses de l'économie populaire informelle, H. Leclercq montre comment l'économie populaire combine les logiques du marché et de redistribution. D'oü la nécessité de percevoir l'économie populaire a la fois dans ses dimensions économiques et sociales qui sont tout a fait interdépendantes et définis sent ensemble un certain style de vie.

Par sa très forte adaptabilité a une demande faiblement solvable, sa présence permanente et généralisée, l'économie populaire s'installe dans tous les compartiments de l'économie urbaine monétaire. Par ailleurs, la réalité économique et sociale que représente cette économie populaire, comme dirait J.-Ph. Peemans, doit en fait être abordée dans une perspective historique et par une approche en termes d'acteurs sociaux52. Il faut plutôt mettre l'accent sur les sujets qui organisent les activités de l'économie populaire que sur leurs caractéristiques technicoéconomiques. Il s'avère dès lors plus que nécessaire, pour une analyse de l'économie populaire, de déployer une démarche spécifique d'une réalité qui s'exprime dans le quotidien de personnes et de groupes issus d'un milieu populaire.

L'approche en termes d'économie populaire se préoccupe d'appréhender ce que ces acteurs font pour survivre et quelles sont les stratégies qu'ils arrétent dans leur vécu quotidien et comment ils réinventent ces stratégies en fonction de la dynamique sociale. On retrouve donc parmi ces acteurs sociaux : les petits paysans, les artisans, les ouvriers, les indépendants et les organisations urbaines d'économie populaire. On peut distinguer deux grandes catégories d'activités dans l'économie populaire53:

1) une première catégorie qui regroupe les initiatives individuelles et les stratégies ponctuelles d'assistance;

2) une deuxième catégorie regroupant les initiatives socio-économiques portées par des groupes dont la taille dépasse le cadre d'une seule famille, comprenant méme la famille élargie, et dont les biens et les services sont destinés a un nombre relativement important de personnes ou une collectivité plus large.

Remarquons que les deux catégories d'acteurs populaires dans la présentation de Yao Assogba révèlent bien les deux premiers niveaux de l'édification économique de Braudel.

51 Jean-Philippe PEEMANS, Crise de modernisation et pratiques populaires au zaire et en A~rique, op. cit.,p. 117.

52Idem,p. 109.

53 Yao ASSOGBA, "Gouvernance, économie sociale et développement durable en Afrique", Cahiers de la Chaire de recherche en développement communautaire (CRDC), Série Recherche no. 16, Université du Québec a Hull, 2000.

Il importe de retenir de la lecture qui précède que l'économie populaire constitue une composante des processus de développement. Cela découle d'un tout autre regard que les courants néo-critiques et surtout néo-pragmatiques ont progressivement adopté en abandonnant une approche économiciste du secteur informel. Selon J.-Ph. Peemans, les analyses récentes montrent au contraire que l'économie populaire combine a la fois une grande diversité de pratiques économiques avec une dimension originale de pratiques sociales. L'économique y est réellement encastré dans le social. Il faut donc apprendre a cerner cette interaction entre l'économique et le social, et a reconnaItre la grande complexité du fonctionnement de l'économie populaire, a la ville et a la campagne54.

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