CONCLUSION GENERALE
L'étude que nous venons de faire dans le cadre de ce
mémoire de DEA en Développement, environnement et
sociétés a été consacrée a l'analyse des
pratiques populaires entreprises par les ménages Gécamines dans
le contexte de la crise de l'accumulation capitaliste. Notre
préoccupation était de montrer que contrairement a la vision de
développement par la modernisation, le salariat industriel introduit par
le capitalisme dans l'industrialisation minière au Katanga a travers
l'U.M.H.K/Gécamines n'a pas réussi a désencastrer
l'économie de la sphère sociale. De méme, les
stratégies paternalistes mises en place par le système n'ont pas
pu empécher les ménages Gécamines a s'adonner a des
pratiques d'économie populaire comme activités d'appoint. Pour la
vérification des hypothèses, nous nous sommes servis d'une grille
d'analyse interdisciplinaire que nous avons exploitée dans une
perspective historico-systémique.
Nous avons emprunté a F. Braudel, I. Wallerstein, K.
Polanyi et a J.-Ph. Peemans, les éléments d'analyse pour notre
grille interdisciplinaire des processus de développement en longue
période. Nous avons en plus adopté l'approche en termes
d'économie populaire pour la lecture des activités
économiques informelles entreprises par les ménages
Gécamines. Cette approche a consisté a cerner ce que les
ménages font pour survivre et comment ils réinventent les
stratégies par rapport a la dynamique sociale.
Après analyse, il s'avère que le capitalisme
industriel, qui est a la base de la concentration urbaine dans la province du
Katanga a été, par ses contradictions relatives aux modes
d'exploitation de la masse populaire, incapable de répondre de
manière durable aux aspirations de la forteresse ouvrière qu'il a
lui-même générée. Face a l'échec de la
théorie de modernisation basée sur l'accumulation au Katanga, les
populations ouvrières ont toujours résisté sous forme des
mouvements ouvriers au sens de Wallerstein172 ou sous forme des
stratégies de contournement de la crise.
L'enjeu du développement tel qu'il apparaIt dans la
lecture de ces processus en longue période et a la lumière des
analyses de Braudel, Wallerstein et Polanyi, c'est la subordination de la masse
ouvrière en ville et les masses populaires rurales a travers
l'accumulation qui s'est opérée par les acteurs dominants au
Katanga ( l'administration de l'Etat indépendant, l'Etat colonial,
l'Etat congolais/zaIrois, le capital étranger et le capital autochtone)
avec l'appui des acteurs intermédiaires (l'autorité
coutumière et les gestionnaires des entreprises). La saisie de
l'interaction de ces déterminismes structurels tant sur le plan des
décisions politiques du pouvoir d'Etat que sur celui des rapports
économiques et sociaux qui s'en sont découlés a
permis de cerner ces processus de développement de la
société katangaise, comme nous l'avons vu au chapitre
deuxième.
~l nous a paru dès lors nécessaire
d'appréhender les aspects structurants et déstructurants de
l'accumulation a la Gécamines pour tenter d'établir la relation
problématique entre cette dernière et le développement du
Katanga. La réflexion sur la gestion des res sources naturelles a mis en
exergue la problématique de la gouvernance des revenus des ressources
naturelles. Nous avons montré que les fluctuations des cours de cuivre
dans le sens de la hausse ont correspondu quelque peu avec des périodes
oü la Gécamines a produit a sa capacité maximale. C'est
ainsi que l'élaboration d'une grille de lecture en termes des
stratégies d'acteurs s'est révélée opportune pour
une analyse pertinente de la problématique de la rente minière au
Congo. L'analyse qui s'ensuit nous a permis d'établir que l'effondrement
de la Gécamines est tout autant déterminé par les
exigences de son environnement externe que par sa dynamique interne. Si l'Etat
colonial injectait les revenus d'exportation a l'intérieur de
l'économie nationale et dans l'entreprise exploitante, les acteurs
nationaux par contre ont brillé par des détournements et le
gaspillage de cette rente minière a tel point que méme les
matériels de production ne sont pas renouvelés et le personnel
n'est plus motivé. Cela constitue une contradiction a la logique de
l'accumulation. La Gécamines a donc servi de "vache laitière" non
seulement pour les acteurs dominants du système, mais aussi pour les
acteurs intermédiaires et les acteurs d'en bas. Pressée de
l'extérieur par le pouvoir central, le pouvoir local et les institutions
étatiques, la Gécamines est aussi rongée de
l'intérieur par ses propres dirigeants et agents.
En conséquence de cette crise de l'accumulation, il
s'avère que depuis les années 1990, les salaires des travailleurs
de la Gécamines déjà insuffisants connais sent des retards
de paiement de longs mois durant. La situation des ménages empire
davantage lorsque la société suspend les avantages sociaux dont
ils bénéficiaient. Face a cette précarité, les
ménages se sont lancés dans des activités
économiques informelles a travers les pratiques populaires. Ils font
appel a des réseaux de réciprocité pour
bénéficier des solidarités familiales, lignagères,
ethniques ou communautaires. On a observé dans leurs pratiques,
l'existence d'une culture populaire oü la gratuité, la
coopération et l'affectivité caractérisent les relations
sociales. En outre les organisations créées dans ces cités
ont surgi autour des activités pastorales des églises. Forts de
liens résidentiels et sociaux établis dans les cités
ouvrières, les ménages Gécamines ont tissé une
identité sociale face a leurs sorts communs. Les affrontements
identitaires entre katangais et kasalens avaient mis en péril ce
construit social.
Après cette crise du salariat dans le contexte
congolais, il s'avère opportun de défaire le paradigme du
salariat et d'envisager des perspectives pour le Katanga post-salarial.
L'actuel enjeu du développement durable au Katanga, c'est de savoir
renverser la perspective traditionnelle sur le rapport entre l'économie
populaire qui a fait ses preuves auprès des ménages
Gécamines et
l'accumulation de type capitaliste. Il devient pertinent
d'accorder de l'intérêt a ces pratiques populaires qui ont permis
aux ménages Gécamines de réduire l'espace de la
précarité.
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