TABLE DES MATIÈRES
Introduction
1
Section 1. - L'infléchissement de
l'unité du patrimoine
5
I. - L'affectation patrimoniale du
fiduciaire
5
A. - La théorie classique du patrimoine et
le principe d'unicité
5
1. - Les origines de la conception classique
5
2. - Les critiques et les théories
concurrentes
7
3. - La conception contemporaine du patrimoine
8
B. - La fiducie et le principe d'unicité
9
1. - La réalité de l'affectation
patrimoniale dans la loi du 19 février 2007
10
2. - L'impact pratique
13
II. - Un dédoublement de
propriété
16
A. - Le transfert opéré par la
fiducie
17
1. - Les caractères du transfert de
propriété
17
2. - Les effets du transfert de
propriété
20
B. - Le dédoublement conventionnel du droit
de propriété
21
1. - L'absence d'obstacle légal
22
2. - Les droits des différents acteurs de la
fiducie
24
Section 2. - Un infléchissement à
relativiser
29
I. - Le maintien du droit de gage
général des créanciers
30
A. - La remise en cause du contrat de fiducie
30
1. - La remise en cause de la fiducie en
période normale
30
2. - La remise en cause de la fiducie par le droit
des entreprises en difficultés
34
B. - La fragilité du cloisonnement
patrimonial
36
1. - La persistance de liens patrimoniaux
36
2. - La quasi-impossibilité pratique d'un
cloisonnement hermétique
40
II. - La difficile coordination des droits
spéciaux
41
A. - La mise à mal de l'affectation
patrimoniale par les droits spéciaux
42
1. - L'autonomie variable du patrimoine
fiduciaire
42
2. - La titularité du patrimoine
fiduciaire
44
B. - Les difficultés soulevées par la
transmissibilité du patrimoine fiduciaire
46
1. - La prohibition des
fiducies-libéralités
46
2. - La cessibilité des droits du
constituant
48
Conclusion
51
Bibliographie
Introduction
1. - La fiducie trouve ses origines les plus lointaines dans
le droit romain, où il était le plus ancien des contrats
réels. Cette opération peut se définir comme le contrat
par lequel une personne, le fiduciant (ou constituant) transfert une chose
à un fiduciaire qui la détient dans un patrimoine d'affectation
distinct du sien dans un but déterminé au profit d'un
bénéficiaire.
2. - Etymologiquement, la fiducie est une relation de
confiance (fides en latin) entre le fiduciant et le fiduciaire. On
trouvait chez les romains deux applications essentielles de cette institution,
la fiducia cum creditore (la fiducie-sûreté) et la
fiducia cum amico (la fiducie-gestion)1(*). Tombée en désuétude vers la fin
du moyen-âge, le code civil l'ignora totalement en 1804.
3. - De leur côté, les pays de common
law développèrent le trust2(*), un mécanisme aux fondements
différents, mais aux effets comparables. Il permet de
considérer qu'un bien ait pour propriétaire une personne
détenant ce bien pour le bénéfice d'une autre3(*). Initié au XVIème
siècle, le trust a connu un essor considérable au point
d'occuper une place centrale dans de nombreux domaines du droit anglo-saxon. On
y a aujourd'hui recours tant dans la vie privée (les trusts
successoraux sont une forme fréquente de trust, utilisés
pour organiser les successions4(*)) que dans le monde des affaires.
4. - C'est principalement dans ce dernier domaine que s'est
fait ressentir dans les pays de tradition civiliste le besoin d'instaurer une
institution comparable au trust. En Allemagne, c'est la jurisprudence qui
développe le Treuhand, mécanisme d'influence
fiduciaire5(*). Dans les
années 1980, un mouvement international favorable au trust a abouti
à la conclusion d'une convention à La Haye le 1er
juillet 1985, « relative à la loi applicable au trust
et à sa reconnaissance ». La France, pourtant état
signataire, ne l'a jamais ratifiée, ne disposant pas dans sa
législation interne de dispositions reconnaissant le trust ou
une institution comparable. Parallèlement, de nombreux pays tels que le
Luxembourg ou la Suisse ont instauré la fiducie, afin d'offrir des
instruments juridiques comparables au trust.
5. - En France, quelques projets de lois eurent l'ambition de
ressusciter la fiducie dans le droit français, mais aucun ne put
aboutir. L'une des raisons affichées était
l'incompatibilité entre la fiducie et la théorie du patrimoine.
Cependant la raison réelle est probablement la grande méfiance
qui existe envers la fiducie (comme envers le trust),
soupçonnée de favoriser le blanchiment d'argent, la fraude
fiscale ou le financement d'organisations terroristes.
6. - L'arsenal juridique français devint donc moins
attrayant ce qui entraina des délocalisations de montages financiers,
occasionnant un manque à gagner non négligeable pour la France.
Les grandes entreprises françaises n'ont pas hésité
à traverser la Manche pour profiter des instruments qui y étaient
disponibles. En 1987, Peugeot SA alla créer un trust de
defeasance aux Etats-Unis6(*), mettant ainsi en lumière les carences de notre
système. Si la pratique avait alors pleinement conscience des enjeux que
représentait une loi dans ce domaine, le législateur enterra un
nouveau projet au début des années quatre-vingt dix.
7. - Des lois furent cependant adoptées dans des
domaines très spécifiques, instaurant des mécanismes
inspirés directement de la fiducie, mais sans pour autant la consacrer.
Ainsi peut-on citer la « loi Dailly » qui a permis
dès 1981 la cession de créances professionnelles à titre
de garantie. Reposant sur un transfert de propriété temporaire,
ce mécanisme juridique est pour beaucoup une application de la
fiducie-sûreté7(*).
8. - Le législateur, en s'obstinant à ne pas
généraliser la fiducie mais en s'en inspirant pour
légiférer a minima, menaçait la cohérence
du droit français tout en ne répondant pas aux attentes des
praticiens. Sur le plan international, la France ne pouvait toujours pas
ratifier la Convention de La Haye. Au niveau européen, Bruxelles
manifestait l'intention d'uniformiser les règles communautaires dans ce
domaine. Pour toutes ces raisons, une grande loi sur la fiducie, ou sur un
trust à la française, paraissait autant souhaitable
qu'inéluctable. Finalement ce fut le 19 février 2007 que
l'Assemblée Nationale adopta sans aucun amendement et dans une
indifférence médiatique assez notable la proposition du
sénateur Philippe Marini, telle que votée par le Sénat le
17 octobre 2006.
9. - Cette fiducie à la française a la
particularité d'être réservée aux personnes morales
assujetties à l'impôt sur les sociétés, excluant
ainsi du bénéfice de cette loi toutes les personnes physiques et
bon nombre de personnes morales8(*) (on pense notamment à beaucoup de
sociétés civiles ainsi qu'à certaines SARL familiales,
lesquelles devront opter pour l'impôt sur les sociétés si
elles veulent profiter de la loi sur la fiducie). Cette restriction
rationae personae fut imposée par le gouvernement lors des
débats au sénat, alors que la proposition de loi ouvrait
initialement la fiducie à toutes les personnes, sans aucune distinction.
Selon le Garde des Sceaux, il n'était pas nécessaire de
généraliser l'opération à toutes les personnes,
étant donnés les récentes réformes du droit des
successions et du droit des sûretés9(*).
10. - En juin 2006 furent institués en droit
français des mécanismes de libéralités
résiduelles et graduelles, ainsi que le mandat posthume,
mécanismes sur lesquels il convient de s'attarder. La
libéralité graduelle permet à une personne de céder
(à titre gratuit) un bien, à charge pour le donataire de
céder ce bien à une tierce personne désignée par le
cédant. La libéralité résiduelle en est proche, la
seule différence résidant dans le fait que le donataire peut
disposer des biens transmis, la charge pesant sur lui étant de
céder ce qu'il en reste. Ces mécanismes à trois personnes,
impliquant un transfert de propriété nécessairement
temporaire et accompagné d'obligations pour le donataire (l'obligation
de conserver le bien, de le céder à telle ou telle personne),
peuvent facilement être rapprochés de la fiducie. De fait, un
résultat similaire aurait parfaitement pu être obtenu par le biais
d'une fiducie-gestion. Le mandat posthume permet au de cujus de
désigner un mandataire ayant pour mission de gérer un certain
bien ou un ensemble de biens au profit d'un ou plusieurs héritiers
désignés. Le but recherché est de protéger un
héritier du fait de son jeune âge ou d'un éventuel handicap
ou encore de faire en sorte qu'un héritier ne puisse pas dilapider le
patrimoine transmis. Grace à ce mécanisme il devient possible
d'envisager la transmission d'une entreprise individuelle à un mineur,
et de la faire gérer par un tiers compétent en attendant sa
majorité.
11. - Le choix d'exclure les personnes physiques du champ
d'application de la loi a été fait également à des
fins de protection. Selon le Garde des Sceaux, la constitution de
sûretés fiduciaires aurait pu permettre de contourner certaines
dispositions du droit des sûretés destinées à
protéger certaines catégories de personnes, notamment les
personnes physiques non-professionnelles. De même l'autorisation du pacte
commissoire10(*) (la
clause d'un contrat de gage permettant au créancier gagiste de
s'attribuer la propriété du bien engagé en cas de
défaillance du débiteur) par la réforme du 23 mars 2006
limitait, toujours selon le Ministre de la Justice, l'intérêt
qu'aurait pu représenter la fiducie-sûreté pour ces
personnes.
12. - La véritable raison doit néanmoins
être recherchée du côté des craintes suscitées
par la fiducie, principalement d'un point de vue fiscal. L'opération est
en effet un formidable outil d'optimisation fiscale dans certains pays
(Québec par exemple) et poussée à son extrême, elle
peut favoriser une importante évasion fiscale. En limitant la
qualité de constituant aux seules personnes morales soumises à
l'impôt sur les sociétés, cette loi est ouvertement
destinée à une partie du monde des affaires.
13. - L'un des obstacles majeurs soulevés par la
doctrine était constitué par la théorie du patrimoine et
deux de ses principes fondamentaux, l'unicité du patrimoine et
l'indivisibilité du patrimoine. Cette théorie fut
développée au cours du XVIIIème siècle par deux
grands juristes, Aubry et Rau. Basée sur une conception subjective de la
notion de patrimoine, elle fut dégagée à partir du droit
de gage général des créanciers disposé par les
anciens articles 2092 et 2093 du Code civil (les articles 2284 et 2285 du Code
civil depuis la réforme du droit des sûretés du 23 mars
2006). Les trois axiomes sur lesquels s'appuie cette théorie sont :
- chaque personne ne peut avoir qu'un patrimoine,
- seules les personnes peuvent avoir un patrimoine,
- toute personne a nécessairement un patrimoine.
14. - La fiducie au contraire suppose que les
éléments transférés constituent un patrimoine
d'affectation distinct du patrimoine personnel du fiduciaire. Ainsi, le
fiduciaire se trouve à la tête de plusieurs patrimoines distincts,
ce qui représente une entorse aux principes d'unicité et
d'indivisibilité du patrimoine. Il semble y avoir une
incompatibilité de principe entre la théorie classique du
patrimoine et la théorie du patrimoine d'affectation. Mais des pays
voisins de la France partageant pourtant une même influence romaniste ont
su adapter leur droit et adopter la fiducie sans pour autant remettre en cause
l'ensemble de leur système juridique. L'adoption en droit
français d'une institution comparable peut s'analyser à
première vue en un abandon de la théorie classique du patrimoine.
Mais la réponse se doit d'être plus nuancée. Quelques
éléments peuvent indiquer que la loi du 19 février 2007 va
dans le sens d'un infléchissement de la théorie classique du
patrimoine (Section 1). Toutefois, cet infléchissement se doit
d'être relativisé (Section 2), notamment du fait que le
législateur a organisé le maintien du droit de gage
général, « socle » de la théorie
subjective du patrimoine.
Section
1. - L'infléchissement de l'unité du patrimoine
15. - La loi du 19 février 2007 instaure la fiducie en
droit français. C'est là un apport majeur en soi. L'objectif
était de doter la France d'un instrument juridique capable de
concurrencer le trust anglo-saxon et les fiducies
étrangères (treuhand, anstalt,...), afin
d'endiguer le flot de délocalisations d'opérations
financières ou de montages juridiques. Pour certains auteurs, la loi
reconnait la notion de patrimoine d'affectation, ce qui constitue une remise en
cause du principe d'unicité du patrimoine11(*). Ainsi il conviendra
d'envisager l'affectation patrimoniale du fiduciaire (1). Certains ont pu
suggérer que la fiducie réalise un transfert de
propriété du fiduciant au fiduciaire, et qu'ainsi cette
opération ne peut pas être rapprochée du trust qui
suppose un dédoublement de la propriété entre le
trustee et le cestui que trust12(*). Nous envisagerons néanmoins la question
d'un dédoublement de propriété opéré par la
fiducie (2).
I. -
L'affectation patrimoniale du fiduciaire
16. - On rappellera dans un premier temps les fondements de
la théorie du patrimoine, ainsi que ses critiques et son
évolution contemporaine (A), avant de s'intéresser à
l'affectation patrimoniale telle qu'opérée par la loi du 19
février 2007 (B).
A. - La théorie classique du
patrimoine et le principe d'unicité
1. -
Les origines de la conception classique
17. - La notion de patrimoine semble commune, tant elle est
présente dans notre vie quotidienne. Dans l'inconscient collectif le
patrimoine évoque en général un ensemble de richesses et
de biens accumulés par un individu, cet ensemble étant souvent
appréhendé dans le cadre d'un héritage. Pour
Cicéron, il était assimilé à un bien de famille que
l'on possédait par héritage. Il est parfois question de
patrimoine culturel, qui est par ailleurs l'objet du Code du
patrimoine13(*).
Cependant, quelque peu éloigné de ce sentiment populaire, la
notion juridique de patrimoine est incontournable, et ce alors même que
le droit positif n'en traite pas de façon directe. Le travail de
systématisation du patrimoine est à mettre à l'initiative
du grand juriste allemand Zachariae, au XIXème siècle, et surtout
de ses disciples Aubry et Rau14(*). Révélée par les anciens
articles 2092 et 2093 du code civil15(*), la notion de patrimoine englobe
« l'ensemble des biens d'une personne, envisagé comme formant
une universalité de droit »16(*). Le terme d'universalité désigne un
ensemble d'éléments indissociables et « soumis à
un système juridique global »17(*).
18. - Les articles 2284 et 2285 du Code civil ne traitent pas
du patrimoine, mais définissent le droit de gage général
des créanciers en ces termes : « quiconque s'est
obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses
biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir »
et « les biens du débiteur sont le gage commun de ses
créanciers (...) ». Ces dispositions constituent le
« principal ancrage textuel du patrimoine dans le Code
civil »18(*).
Car le droit de gage général met en relief le fait qu'il existe
un lien juridique entre les dettes d'une personne et l'ensemble de ses biens et
de ses droits évaluables en argent19(*). Selon la construction d'Aubry et Rau, le passif
d'une personne et son actif sont liés par le fait qu'ils sont les deux
éléments constitutifs d'un même ensemble, le patrimoine.
19. - Si la doctrine considère majoritairement que le
patrimoine se compose des éléments d'actif et de passif d'une
même personne20(*),
une position minoritaire adopte cependant une vision étroite de la
notion de patrimoine se limitant aux seuls éléments
d'actif21(*). Le
Professeur Witz, tenant de cette doctrine minoritaire, juge qu'il
« serait paradoxal que l'article 2092, qui suggère la notion
de patrimoine, interdise à l'interprète d'utiliser le concept de
patrimoine pour décrire le droit de gage général des
créanciers ». Ainsi, il estime que « le droit de
gage a pour assiette le patrimoine du débiteur ». Mais si
l'existence du patrimoine est certes révélée par les
anciens articles 2092 et 2093 du Code civil, il convient de considérer
que c'est de la notion même de patrimoine que découle le droit de
gage général. En effet, l'actif d'une personne doit
répondre de son passif car chacune des deux masses représente un
pendant de l'universalité à la tête de laquelle se trouve
la personne. Ainsi il apparait que le droit de gage général a
pour assiette le seul actif d'une personne en raison du lien patrimonial
existant entre créance et obligation. Il est donc au contraire paradoxal
de reconnaitre une universalité composée des seuls
éléments d'actif, car cela induirait que le droit de gage n'est
que la conséquence de la loi, et il ne serait donc pas le
révélateur du patrimoine.
20. - La théorie d'Aubry et Rau se caractérise
par le lien très étroit qu'elle établit entre patrimoine
et personne. On peut y voir une conception de la dette pesant d'abord sur la
personne et ensuite sur les biens. C'est la personne sur qui pèsent des
obligations et qui est titulaire de droits qui constitue le lien entre les
masses formant le patrimoine. C'est cet élément précis qui
implique que l'ensemble forme une universalité cohérente et non
une masse hétéroclite et disparate. La conception d'Aubry et Rau
résulte donc d'une analyse personnaliste de la notion de patrimoine qui
devient l'ensemble des droits et obligations mis en relation avec la
personne.
21. - Le patrimoine est lié à la personne. Elle
lui donne sa cohérence. Mais ce lien serait tellement étroit que
le patrimoine serait une émanation de la personnalité, ce qui
implique les trois axiomes déjà évoqués22(*). On déduit de ces
préceptes les principes d'unicité et d'incessibilité du
patrimoine23(*).
22. - En contradiction avec ces principes, le droit positif
français a parfois organisé un cloisonnement ponctuel au sein
d'un patrimoine, aboutissant à sa division. Le droit des successions en
proposait deux exemples flagrants à travers le bénéfice
d'inventaire24(*) et la
séparation des patrimoines25(*). On voit que pour des considérations d'ordre
pratique le législateur a par le passé était amené
à contrevenir aux principes directeurs de la théorie d'Aubry et
Rau.
2. -
Les critiques et les théories concurrentes
23. - La construction juridique d'Aubry et Rau a cependant
été combattue par une partie de la doctrine, essentiellement du
fait d'inconvénients pratiques. L'unicité du patrimoine
constituait ainsi un obstacle à la constitution de fondations. La
reconnaissance d'autres universalités de droit qui aurait
été bénéfique au monde des affaires était
également rendue impossible. De façon comparable, le manque de
souplesse de la théorie avait contraint le législateur à
adopter des lois spéciales remettant en cause certains de ses principes.
On peut ainsi souligner deux salves de critiques.
24. - Pour certains la solution serait l'abandon de la
théorie classique du patrimoine au profit de la théorie du
patrimoine d'affectation. Cette théorie d'origine germanique26(*) est à la
différence de celle d'Aubry et Rau une conception objective, selon
laquelle le patrimoine « n'appartient à personne, il
appartient à sa destination, à son objet, à son
but »27(*).
C'est donc l'affectation à un objet commun qui permet de constituer une
universalité de droit entre des éléments a priori
distincts. Le lien entre eux cesse d'être le rattachement à une
même personne, et devient ainsi le rattachement à un même
objet. D'une certaine façon, cette conception semble être celle
retenue dans les cas du bénéfice d'inventaire et de la
séparation des patrimoines28(*).
25. - Cependant ces deux exemples, loin de remettre en cause
la conception classique et subjective du patrimoine, n'en sont que des
exceptions, temporaires et particulièrement ponctuelles. Le
législateur les a instaurées afin d'assurer un maximum de
protection aux héritiers d'une personne d'une part et aux
créanciers du défunt d'autre part.
26. - Une seconde salve de critiques fut adressée
à la théorie d'Aubry et Rau par des auteurs remettant en cause
son existence sans pour autant proposer son remplacement par la notion de
« patrimoine-but »29(*). Le patrimoine « n'a pas d'existence, et
donc pas de vertus propres »30(*), et les effets qui lui sont attribués (droit
de gage général, transmission universelle du patrimoine) trouvent
d'autres fondements. Au final, patrimoine et personnalité sont
absolument confondus. Pour d'autres, le patrimoine doit être vu
« comme l'avoir légitime d'une personne, physique ou
morale »31(*).
Néanmoins les positions de ces auteurs sont restées trop
isolées pour former une doctrine cohérente.
3. - La
conception contemporaine du patrimoine
27. - Les auteurs contemporains dans leur majorité
définissent le patrimoine comme étant l'ensemble des biens et des
obligations d'une personne, appréciables en argent32(*). Cet ensemble revêt un
double caractère. Il est à la fois une universalité de
droit et une émanation de la personne. De ces deux points
découlent l'ensemble des principes attachés au patrimoine. Il est
unique et indivisible car il est inhérent à chaque personne. Il
est de plus incessible car il s'avère indissociable d'elle. Constituant
une universalité de droit, il constitue le fondement de quelques
règles fondamentales, notamment celle du droit de gage
général des créanciers.
28. - Si une personne ne peut se dessaisir de son patrimoine,
elle peut en céder l'ensemble de ses éléments. Mais le
patrimoine, même dépouillé de tout contenu, n'en existe pas
moins. Dans ce cas en effet, son titulaire demeure apte à
acquérir des droits nouveaux. Car, si le patrimoine s'analyse
concrètement et d'une façon comptable en faisant la
différence entre l'actif et le passif33(*), il consiste en une enveloppe appréhendant la
réalité des biens présents et la potentialité des
biens futurs34(*).
Néanmoins, le patrimoine envisagé dans la seule optique des biens
et obligations à venir se confond d'une manière encore plus
étroite avec la notion de personnalité.
29. - Le principe d'unicité du patrimoine est celui qui
concentre le plus l'attention de la doctrine contemporaine35(*). La raison en est que le
législateur organise de plus en plus d'atteintes à ce principe
constituant pourtant la pierre d'angle de la construction d'Aubry et
Rau36(*). De plus, pour
certains auteurs, même en dehors de toute législation
spéciale, l'unité du patrimoine est mise à mal par la
constitution de plus en plus aisée et de plus en plus artificielle de
personnes morales37(*).
Par le truchement d'une société unipersonnelle (dont la
constitution est possible depuis 1985), il est possible pour un
commerçant, personne physique, de scinder ses biens et ses dettes, et
ainsi de ne grever seulement ses biens affectés à son
activité professionnelle des dettes en résultant38(*). Mais la conception subjective
de la notion de patrimoine qui est celle d'Aubry et Rau établi un lien
étroit entre le patrimoine et la personne. Or dans le cas d'une personne
physique associée unique d'une société unipersonnelle,
nous nous trouvons bien en présence de deux entités juridiques
dotées de personnalités distinctes, d'où émanent
des patrimoines différents et parfaitement clos. Si
l'artificialité du système peut prêter le flanc à la
critique, la cohérence et l'orthodoxie juridique dont il fait preuve ne
nous paraissent pas contestables.
B. - La fiducie et le principe
d'unicité
30. - L'institution de la fiducia suppose que les
biens transférés par le fiduciant soient détenus par le
fiduciaire au sein d'un patrimoine d'affectation, totalement distinct de son
patrimoine propre39(*). Ce
recours à la notion objective du patrimoine-but40(*) apparait comme une
nécessité afin d'assurer le bon fonctionnement de
l'opération. C'est ce pas précis que le législateur se
devait de franchir en adoptant une loi sur la fiducie.
31. - À ce titre, il est particulièrement
intéressant de constater que le terme de patrimoine d'affectation n'est
utilisé que très parcimonieusement par le législateur. On
ne le trouve clairement inscrit que dans les dispositions fiscales et
comptables de la loi du 19 février 200741(*). L'article 2011 du Code civil donne une
définition de la fiducie se contentant d'imposer aux fiduciaires de
tenir les éléments de la fiducie «
séparés de leur patrimoine propre ». Cela n'est
nullement révélateur de l'intention du législateur de
renoncer à l'unité du patrimoine.
32. - Pour les élus à l'origine de la
proposition en revanche, il ne faisait aucun doute que le fiduciaire devait
détenir les biens transmis dans un patrimoine d'affectation42(*) distinct du sien. De plus, le
législateur fait référence tout au long de la loi au
« patrimoine fiduciaire » ce qui constitue un indice de
l'intention du législateur d'ériger une nouvelle exception au
principe d'unité. Cependant, la conception de
« patrimoine-but » résulte d'une analyse objective,
et non plus personnaliste. Il convient d'envisager concrètement comment
le législateur organise l'affectation patrimoniale dans la loi sur la
fiducie (1) avant d'en apprécier les conséquences pratiques
(2).
1. - La
réalité de l'affectation patrimoniale dans la loi du 19
février 2007
33. - D'une façon traditionnelle, la fiducie
réalise un transfert d'éléments patrimoniaux du
constituant vers le fiduciaire, l'affectation se faisant au sein du patrimoine
de ce dernier. Ainsi la réalité du patrimoine d'affectation doit
être envisagée chez le fiduciaire. La loi de 2007 se conforme
à cette analyse classique de la fiducie, en prenant le parti suivant
lequel c'est au fiduciaire qu'il incombe de tenir les biens de la fiducie
séparés de son patrimoine propre43(*).
a. - L'exclusion du patrimoine
fiduciaire du gage des créanciers du fiduciant et du fiduciaire
34. - La loi aborde la question de l'affectation patrimoniale
par son aspect passif. Le droit de gage général des articles 2284
et 2285 du Code civil joue ici encore le rôle de révélateur
du patrimoine d'affectation. Deux articles en dessinent les contours, les
articles 2024 et 2025 du Code civil.
35. - Le premier se rapporte au droit des entreprises en
difficultés. Il dispose que « l'ouverture d'une
procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire au profit du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine
fiduciaire ». L'application de cet article devrait rester très
marginale, la qualité de fiduciaire étant réservée
par la loi à un nombre extrêmement restreint de personnes
juridiques, parmi lesquelles les établissements de crédit ou les
entreprises d'assurance, soit des entités a priori davantage à
l'abri d'un risque de cessation des paiements44(*). Néanmoins, cette disposition nous apporte un
éclairage quant à la nature du patrimoine fiduciaire. En effet,
l'un des principes directeurs du droit des procédures collectives est
l'unicité de la procédure45(*). Ce principe implique que seule une procédure
peut être ouverte à l'encontre d'une personne. La raison en est
qu'une procédure collective vient frapper un patrimoine dans son
ensemble. Le règlement collectif opéré appréhende
l'ensemble de l'actif d'une personne afin d'apurer l'ensemble de son passif, ne
tolérant ainsi aucune procédure concurrente. C'est là une
conséquence directe du principe d'unité du patrimoine. Pour des
raisons pratiques, le droit des faillites organise une entorse à ce
principe via l'extension de procédure. Celle-ci, sans
opérer une distorsion de la réalité, vient rétablir
la logique en appliquant un traitement juridique plus cohérent à
une situation particulière, confusion des patrimoines ou
fictivité d'une personne morale46(*). C'est un cas exceptionnel dans lequel une
procédure vient frapper plusieurs patrimoines ou plusieurs personnes.
Ainsi la précision apportée à l'article 2024 du Code civil
est importante. Car si la procédure collective ouverte contre le
fiduciaire est sans incidence sur le patrimoine fiduciaire, cela implique qu'il
existe un cloisonnement entre d'une part le patrimoine personnel du fiduciaire
et d'autre part la fiducie.
36. - L'article 2025 du Code civil dispose notamment que
« le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les
titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion
de ce patrimoine ». L'angle qui est ici adopté est celui des
voies civiles d'exécution. En visant la possibilité d'exercer une
saisie sur les éléments de la fiducie, le législateur
traite des conséquences pratiques du droit de gage
général. Car si un créancier a la possibilité
d'exercer une voie d'exécution sur les biens appartenant à son
débiteur défaillant, ce n'est qu'en conséquence du gage
général qu'il se voit reconnaître par les articles 2284 et
2285 du Code civil. L'article 2025 du Code civil organise
l'insaisissabilité du patrimoine fiduciaire, et ce faisant
procède à l'exclusion des biens qu'il contient du gage de
certains créanciers. Si les créanciers du fiduciant ont
vraisemblablement perdu tout droit sur les éléments de la
fiducie, ceux-ci étant sortis de l'assiette de leur gage, les
créanciers du fiduciaire n'ont pour leur part jamais eu le moindre droit
sur eux47(*).
37. - Ces deux dispositions contribuent à dessiner les
contours d'un patrimoine distinct, en s'attachant cependant davantage à
l'aspect passif et à sa conséquence essentielle, le droit de gage
général. Les deux articles sont complémentaires. L'article
2024 du Code civil nous impose de considérer que le mécanisme mis
en oeuvre par la fiducie n'est pas une simple insaisissabilité, mais
qu'il trouve son fondement dans un cloisonnement patrimonial.
b. - La réalité
comptable et fiscale du patrimoine d'affectation
38. - D'un point de vue comptable, la loi indique que le
patrimoine fiduciaire est un « patrimoine
d'affectation »48(*). La conséquence essentielle pour le fiduciaire
est qu'il doit tenir une comptabilité autonome de la fiducie ainsi que
des comptes annuels49(*).
Enfin, la comptabilité est vérifiée par des commissaires
aux comptes.
39. - Sur le plan fiscal, la fiducie n'a pas l'autonomie qui
est la sienne au niveau comptable. Elle n'a aucune autonomie fiscale, et
l'imposition se répartit entre le fiduciant et le fiduciaire,
répondant en cela à un choix de transparence et de
neutralité fiscale. Les résultats dégagés par la
fiducie sont ainsi imposés directement entre les mains du
constituant50(*). La TVA,
la taxe foncière et la taxe professionnelle sont acquittées en
revanche par le fiduciaire au titre de son activité pour la
fiducie51(*).
40. - Les dispositions fiscales relatives à la
constitution du patrimoine fiduciaire permettent, sous certaines conditions,
que « les profits ou les pertes ainsi que les plus ou moins-values
résultant du transfert dans un patrimoine fiduciaire de biens et droits
inscrits à l'actif du bilan du constituant de la fiducie » ne
soient « pas compris dans le résultat imposable de l'exercice
de transfert »52(*). Lorsque les conditions sont réunies, la
réalité fiscale semble s'opposer à la reconnaissance du
patrimoine fiduciaire comme patrimoine d'affectation. Le droit fiscal
considère d'une certaine façon qu'il n'y a pas transfert d'un
patrimoine à un autre53(*).
41. - Les dispositions comptables et fiscales semblent en
contradiction quant à la reconnaissance d'un patrimoine d'affectation.
Si les dispositions comptables vont clairement dans le sens de la
consécration d'une universalité de droit autonome, les
règles fiscales guidées par un souci de transparence et de
neutralité brouillent les pistes.
c. - La consécration de la
conception objective
42. - La théorie du patrimoine-but résulte d'une
analyse objectiviste. C'est l'affectation à un but commun qui
crée le lien entre des biens et droits d'une part et des obligations
d'autre part. Le patrimoine d'affectation ne suppose pas seulement un
cloisonnement du droit de gage général mais également la
caractérisation de cet élément objectif qui, à
l'instar de la personne dans la théorie classique, donne sa
cohérence à l'ensemble54(*).
43. - La loi du 19 février 2007 semble aller dans ce
sens. D'une part, elle fixe un critère objectif à l'actif
fiduciaire. Celui-ci est ainsi un ensemble d'éléments
affectés à « un but
déterminé », selon la lettre de l'article 2011 du Code
civil. Mais d'autre part on peut déduire l'existence de ce même
critère des dispositions de l'article 2025 du Code civil concernant le
passif fiduciaire. Celui-ci semble pouvoir être défini comme
étant l'ensemble des dettes nées à l'occasion de
« la conservation ou de la gestion » des biens de la
fiducie. Le patrimoine-but se compose alors de deux masses. D'une part un actif
affecté à un but déterminé. D'autre part un passif
né à l'occasion de la réalisation de ce but. Le
rattachement des deux masses à ce but commun fonde le lien existant
entre elles, et justifiant le caractère exclusif du droit de gage des
créanciers de la fiducie sur les biens de celle-ci.
44. - Selon nous la loi du 19 février 2007 propose une
innovation majeure en consacrant la notion de patrimoine d'affectation. Elle
établit en effet un cloisonnement patrimonial, une autonomie comptable
et fait reposer l'ensemble sur un élément objectif. Si l'on
exclut les dispositions fiscales qui sont davantage dictées par des
considérations économiques et politiques que juridiques, le
mécanisme juridique proposé nous semble très
cohérent.
45. - Ce cloisonnement doit certes être
considérablement relativisé par les alinéas 2 et 3 de
l'article 2025 du Code civil, selon lesquels notamment, « en cas
d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue
le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire du contrat
de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du
fiduciaire ». Un lien important subsiste entre le patrimoine
fiduciaire et un ou des autres patrimoines, à savoir celui du fiduciaire
ou du constituant. Reprenant explicitement la lettre de l'article 2285 du Code
civil (« le gage commun des créanciers »), la
disposition ne laisse que peu de doutes quant à l'intention du
législateur de maintenir le droit de gage général des
créanciers55(*). En
se gardant de toute conclusion hâtive quant à un abandon
définitif du principe d'unicité du patrimoine, il convient donc
de constater néanmoins que la loi sur la fiducie en constitue
indéniablement un infléchissement. Mais par ailleurs, il faut
rappeler que ce principe connaissait déjà des exceptions,
notamment en permettant des cloisonnements temporaires dans le cadre du droit
des successions56(*). Si
cette exception paraît plus large que les précédentes, loin
de fragiliser notre droit, elle semble selon nous lui donner plus de force en
répondant à un réel besoin.
2. -
L'impact pratique
46. - D'un point de vue pratique, l'instauration de la
fiducie et la reconnaissance d'un patrimoine d'affectation aboutissent à
la distinction de deux masses de biens : ceux du fiduciaire d'une part, et
ceux de la fiducie d'autre part. Cela constitue une avancée majeure. La
fiducie ouvre de nouvelles possibilités dans la gestion de biens (c)
ainsi que dans la constitution de sûretés (b). Malgré tout,
l'impact est limité du fait que la loi restreint de manière
drastique les possibilités de constituer une fiducie (a).
a. - Les restrictions de la
loi
47. - La loi adoptée en février 2007 est
dédiée exclusivement au monde des affaires du fait de la
restriction rationae personae opérée par l'article
2013-1 du Code civil. Le projet initial ambitionnait d'ouvrir la
possibilité de constituer une fiducie à toute personne sans
distinction57(*). La loi
restreint la qualité de constituant aux seules personnes morales
soumises à l'impôt sur les sociétés. Cela constitue
en pratique une limite énorme, étant donné que la France
comptait au 1er janvier 2004 2,5 millions de sociétés,
dont seulement la moitié soumises de plein droit à l'impôt
sur les sociétés58(*). En pratique, la fiducie est donc un instrument ne
touchant potentiellement que 2 millions de personnes juridiques au grand
maximum.
48. - Une restriction encore plus stricte vient frapper la
qualité de fiduciaire, laquelle n'est ouverte59(*) :
- qu'aux établissements de crédit
mentionnés à l'article L. 511-1 du Code monétaire et
financier,
- qu'au Trésor public, à la Banque de France,
à la Poste, à la Caisse des dépôts et consignations,
aux Instituts d'émission d'outre mer et des départements d'outre
mer, visés à l'article L. 518-1 du Code monétaire et
financier,
- qu'aux entreprises d'investissement autres que les
établissements de crédit, visées à l'article L.
531-4 du Code monétaire et financier,
- qu'aux entreprises d'assurance régies par l'article
L. 310-1 du Code des assurances.
Cette limite répond à un souci de transparence
et répond aux dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux
qui constituent un volet important de la loi. En ouvrant la qualité de
fiduciaire à des personnes juridiques déjà soumises
à un régime très réglementé, le
législateur a voulu limiter les risques de fraude liés à
la fiducie. On peut néanmoins regretter que les avocats, qui à
l'étranger sont souvent investis de la qualité de fiduciaire ou
de trustee, ne puissent avoir cette qualité dans les contrats
soumis aux articles 2011 et suivants du Code civil. Cependant, l'importance des
obligations déclaratives incombant au fiduciaire aurait pu créer
un conflit avec le secret professionnel pesant sur l'avocat. De plus, les
avocats devraient avoir un rôle prépondérant à
jouer, non pas en tant que fiduciaires, mais en tant que tiers protecteur
mentionné à l'article 2016 du Code civil(le protector du
droit anglo-saxon, ou board of protector sous sa forme
collégiale, ce qui n'est pas envisagé par la loi
française60(*)).
49. - La dernière restriction qu'énonce la loi
du 19 février 2007 tient à la prohibition des
fiducies-libéralités61(*). Dans certains pays la fiducie est utilisée
à des fins de transmission à titre gratuit. Elle constitue ainsi
par exemple un mécanisme permettant d'organiser une succession62(*). L'article 2013 du Code civil
dispose que « le contrat de fiducie est nul s'il procède d'une
intention libérale au profit du bénéficiaire ».
Cette nullité est de plus « d'ordre public ».
Justifiée par la réforme des successions opérée par
la loi du 23 juin 200663(*), la prohibition des
fiducies-libéralités impose donc que le
bénéficiaire (s'il est un tiers) fournisse au fiduciant une
« contrepartie réelle »64(*). Les dispositions fiscales de
la loi du 19 février 2007 (article 792 bis du Code
général des impôts) prévoient la perception des
droits de mutation à titre gratuit sur la valeur des
éléments de la fiducie transférés sans
contrepartie.
b. - La
fiducie-sûreté
50. - Héritière de la fiducia cum
creditore du droit romain, la fiducie-sûreté devrait
constituer l'un des principaux intérêts pratiques de la loi du 19
février 2007. Il s'agit de la consécration de la notion de
propriété-sûreté65(*) qui s'était développée du fait
d'une perte de fiabilité des sûretés réelles
classiques en cas de grandes difficultés du débiteur. La pratique
a ainsi eut recours à des mécanismes de propriété
réservée66(*) et à des opérations d'inspiration
fiduciaire, comme la vente à réméré ou la cession
de créance à titre de garantie67(*). Néanmoins deux inconvénients
caractérisent ces instruments juridiques. D'une part ils ne constituent
pas des mécanismes de sûretés dédiés, et
à ce titre ils manquent de souplesse. Ainsi la propriété
réservée dans le cadre d'une clause de réserve de
propriété garantit le paiement du prix représentant la
contrepartie du transfert de propriété. D'autre part ils
n'opèrent aucun cloisonnement patrimonial, de sorte que dans une vente
à réméré par exemple, l'acheteur reçoit la
chose dans son patrimoine propre, grossissant ainsi le gage de ses
créanciers personnels.
51. - La fiducie permet une grande souplesse d'utilisation.
Il devient possible de constituer des sûretés fiduciaires
garantissant une créance différente de celle causant le contrat
de fiducie. La garantie ainsi constituée est alors
détachée de la créance garantie d'une façon
comparable à ce que connaît le droit allemand avec la dette
foncière68(*). De
plus, les biens constituant la sûreté sont détenus dans un
patrimoine d'affectation clos, sur lequel ni les créanciers personnels
du fiduciaire, ni ceux du fiduciant - hormis des hypothèses de fraude et
les conséquences attachées à un droit de suite69(*) - n'ont de prise.
52. - La fiducie-sûreté malgré ses
avantages souffre de quelques désagréments. Sa constitution tout
comme son fonctionnement semblent occasionner certaines lourdeurs. Ainsi il
convient d'enregistrer « le contrat de fiducie et ses
avenants » dans un délai d'un mois à compter de sa
formation70(*). Cet
enregistrement donne lieu à la perception de droits d'enregistrements.
De même, la gestion du patrimoine fiduciaire suppose la tenue d'une
comptabilité autonome ainsi que le contrôle de commissaires aux
comptes. C'est donc une sûreté qui a un coût relativement
important, ce qui devrait restreindre son utilisation à des cas
précis et, dans un premier temps, relativement isolés.
c. - La fiducie-gestion
53. - La fiducie est également un instrument de gestion
patrimoniale. La fiducie-gestion descend de la fiducia cum amico
romaine. Selon ce mécanisme, le constituant transfère des biens
au fiduciaire, à charge pour celui-ci de les gérer et de les
transférer à l'échéance de la convention soit au
constituant soit à un tiers71(*). Des instruments fonctionnant d'une manière
similaire existent déjà dans le droit français. On peut
citer le prêt de titres72(*) ou encore la pension d'instruments
financiers73(*), ainsi que
les conventions de portage.
54. - La fiducie envisagée comme un instrument de
gestion vient compléter ces dispositifs. Elle permet aussi d'organiser
sous l'empire du droit français des montages financiers complexes
souvent réalisés à l'heure actuelle par le biais de
trusts. Il devient possible de monter des opérations de
defeasance consistant à transférer un actif grevé
d'un passif à une structure dédiée ayant la charge d'en
assurer la gestion et l'apurement, voire même la transmission. De
même, des opérations de titrisation, utilisées pour
financer des entreprises, pourraient être montées en utilisant la
fiducie. Enfin, elle pourrait faciliter la gestion d'actifs de certaines
sociétés, lesquelles pourraient se décharger de cette
charge en la confiant à un fiduciaire moyennant
rémunération.
55. - La loi permet de plus une opération à
mi-chemin entre gestion et sûreté en permettant au fiduciaire
d'assumer la fonction d'« agent des sûretés ».
Cette fonction est très répandue dans le cadre de financements
syndiqués. Dans cette opération un débiteur a plusieurs
créanciers détenant chacun une quote-part de la créance de
remboursement. Selon les usages bancaires internationaux, l'« agent
des sûretés » se voit confiée la mission de
prendre, de gérer et éventuellement de réaliser les
sûretés au profit de ces différents créanciers. Le
droit français n'offrait pas antérieurement les instruments
permettant d'organiser cette institution, qui avait donc recours au
trust anglo-saxon74(*). Comblant les lacunes juridiques, l'article 16 de la
loi du 19 février 2007 a ajouté un article 2328-1 du Code civil
selon lequel « toute sûreté réelle peut
être inscrite, gérée et réalisée pour le
compte des créanciers de l'obligation garantie par une personne qu'ils
désignent à cette fin dans l'acte qui constate cette
obligation ».
56. - La loi du 19 février 2007 sur la fiducie
constitue un infléchissement notable de la théorie de
l'unité du patrimoine. Elle introduit en effet la notion novatrice de
patrimoine d'affectation dans le système juridique français, en
le faisant reposer sur une authentique division patrimoniale ayant à la
fois une réalité juridique et une utilité pratique. La
volonté du législateur de faire de la fiducie un instrument
capable de concurrencer efficacement le trust anglo-saxon semble avoir
été atteinte. Néanmoins, le législateur avait
également manifesté son ferme attachement à faire de la
fiducie un outil distinct du trust. Sur ce dernier point, la question
doit être débattue d'une manière plus approfondie. En
effet, si a priori rien ne permet d'affirmer que la fiducie
opère un dédoublement du droit de propriété (comme
c'est le cas du trust), l'analyse des mécanismes mis en oeuvre
par la loi nous autorise à penser que la fiducie française penche
davantage vers le droit anglo-saxon que vers le droit romain.
II. -
Un dédoublement de propriété
57. - L'institution du trust que connait le droit
anglo-saxon repose sur un dédoublement du droit de
propriété entre le trustee et le cestui que
trust. Ce dernier, que l'on peut comparer au bénéficiaire du
contrat de fiducie, est titulaire d'un droit réel sur les biens du
trust, et non pas d'un simple droit de créance. D'une
manière théorique, l'opération de la fiducia
suppose un transfert de propriété du constituant au fiduciaire,
les biens de la fiducie formant un patrimoine d'affectation dont est titulaire
ce dernier. Le bénéficiaire tout comme le constituant ne sont
dès lors titulaires que d'un simple droit de créance né du
contrat. Néanmoins la loi adoptée par le parlement en
février 2007 est loin d'être aussi limpide que l'est la
théorie la fiducie telle qu'elle est en vigueur dans certains Etats
étrangers75(*).
Tout d'abord la nature du transfert opéré par le contrat de
fiducie des articles 2011 et suivants du Code civil n'a rien d'évident
(A). Ensuite nous verrons que l'opération semble procéder
à un démembrement conventionnel du droit de
propriété dont est originairement titulaire le constituant
(B).
A. - Le transfert
opéré par la fiducie
58. - L'intention des parlementaires a vraisemblablement
été de faire de la fiducie un contrat translatif de
propriété. La proposition initialement déposée par
Philippe Marini comportait un article 2062 du Code civil selon lequel le
fiduciaire était « titulaire ou propriétaire fiduciaire
des droits transférés ». On peut à ce titre
regretter que la loi définitivement votée n'intègre pas de
disposition similaire. La loi en effet se contente de faire
référence à de nombreuses reprises à un
« transfert » opéré par le contrat de
fiducie, sans néanmoins l'expliciter.
59. - Il semblerait qu'il faille déduire de ce
« transfert » le caractère translatif de
propriété du contrat de fiducie. Pour un auteur, l'indice du
transfert de propriété serait à déceler dans la
localisation choisie par le législateur pour insérer les
dispositions civiles de la loi du 19 février 2007. Ainsi,
localisée au sein du livre III intitulé « des
différentes manières dont on acquiert la
propriété », la fiducie, en se référant
à un « transfert », viserait en fait un transfert de
propriété. Le raisonnement n'est pas satisfaisant à notre
sens, ne serait-ce que du fait de l'éclectisme des textes contenus dans
le livre III. Ce dernier renferme certes le droit des successions ou le droit
de la vente, c'est-à-dire d'une certaine façon des modes
d'acquisition de droits de propriété, mais on y trouve
également la législation concernant le contrat de louage ou
encore le droit de la responsabilité civile délictuelle. De plus,
la fiducie occupe désormais les articles 2011 et suivants du Code civil,
c'est-à-dire l'emplacement laissé vacant par le droit des
sûretés depuis l'ordonnance de mars 2006. Or, le droit des
sûretés, qui est un droit qui touche au crédit, et qui s'il
peut contribuer dans les faits à acquérir la
propriété, n'a pas pour vocation première d'en effectuer
le transfert.
60. - Un contrat est translatif de droit lorsqu'il
procède au « déplacement d'un droit d'un patrimoine
à un autre »76(*). Or la fiducie telle qu'envisagée dans la loi
du 19 février 2007 opère le transfert d'un droit (réel ou
personnel, voire même une sûreté) du patrimoine du
constituant au patrimoine d'affectation. Néanmoins un certain nombre de
difficultés apparaissent concernant la nature du droit
transféré. La propriété dont est investi le
fiduciaire n'est pas identique à celle dont se défait le
fiduciant par le jeu de cet effet translatif. D'un point de vue fiscal comme
civil, le transfert de propriété fiduciaire se distingue du droit
commun par ses caractères (1) et par ses effets (2).
1. -
Les caractères du transfert de propriété
61. - Le transfert de propriété
opéré par le contrat de fiducie se différencie nettement
du transfert de propriété classique, tel qu'il existe dans la
vente ou la donation. Le transfert est tout d'abord temporaire (a). Il porte de
plus sur un droit qui est limité quant à son étendue
(b).
a. - Un transfert temporaire
62. - Temporaire, la propriété du fiduciaire
l'est par essence. L'article 2017 2° du Code civil dispose en effet que la
durée du transfert « ne peut excéder trente trois ans
à compter de la signature du contrat ». Le fiduciaire n'a donc
pas vocation à conserver le droit transféré. C'est
là une des différences majeures qui existent entre la fiducie et
des mécanismes qui en sont proches, comme la vente à
réméré. Ce mécanisme est un contrat de vente dans
lequel le vendeur se voit consentir par l'acheteur une faculté de rachat
sous certaines conditions de la chose vendue77(*). Si dans les faits, le réméré
est utilisé afin de palier l'absence de la fiducie en droit
français (OPCVM, sûreté), on trouve dans son fondement une
logique contraire à celle de la fiducie, la faculté de rachat du
réméré s'analysant en une condition résolutoire. De
ce fait, si la condition est réalisée, la vente est
résolue, et donc anéantie rétroactivement, l'acheteur
étant réputé n'avoir jamais été
propriétaire78(*).
Mais sur la période suivant la conclusion de la vente et
précédant la réalisation de la condition, l'acheteur jouit
pleinement de son statut de propriétaire, le caractère temporaire
de son droit n'est pas certain, car il est soumis à la
réalisation d'une condition79(*). Dans le cadre de la fiducie, ce caractère
temporaire ne découle pas nécessairement d'une condition
résolutoire ; il est de l'essence même de la
propriété fiduciaire.
63. - La nature temporaire du transfert de
propriété fonde sans nul doute certaines dispositions fiscales.
La loi distingue à ce propos deux hypothèses, selon que le
constituant est ou non le ou l'un des bénéficiaires de la
fiducie80(*). Si le
bénéficiaire est le fiduciaire ou un tiers, alors le droit fiscal
appréhende la fiducie sous l'angle d'une cession, et le fiduciant doit
inclure dans son résultat imposable « les profits ou les
pertes ainsi que les plus ou moins-values résultant du
transfert » dans le patrimoine fiduciaire. En revanche, si le
bénéficiaire ou l'un des bénéficiaires est le
constituant, la loi offre la possibilité à ce dernier de
considérer qu'aucun transfert de propriété n'a
été réalisé, et notamment de pratiquer les
amortissements éventuels sur les biens transférés à
la fiducie.
64. - Enfin, la solution retenue en matière de droits
de mutation en cas de transfert de droits réels immobiliers semble
prendre en considération la particularité du transfert
fiduciaire. Le législateur a en effet opté pour le taux
réduit81(*), et a
précisé qu'en cas de retour dans le patrimoine du constituant,
aucun droit n'était exigible82(*). Une solution contraire aurait abouti à une
lourdeur fiscale telle que la fiducie aurait perdu une grande partie de son
attractivité.
b. - Une propriété
à l'étendue limitée
65. - La propriété de l'article 544 du Code
civil est un droit absolu. Ainsi un propriétaire peut user de son droit
de propriété comme bon lui semble - sous réserve de la
théorie de l'abus du droit de propriété83(*) - et peut aliéner
l'objet de son droit selon son gré. Les seules limites sont
constituées par « la loi et le règlement ».
Mais le droit du fiduciaire est d'une autre nature. Il n'est nullement absolu
par essence, mais déterminé quant à son étendue par
un contrat. C'est le rôle de la convention de fiducie de
déterminer ce que le fiduciaire peut faire et ce qu'il ne peut pas faire
avec les éléments transférés. La
détermination concerne les « pouvoirs d'administration et de
disposition »84(*). Il est de l'essence même de la
propriété fiduciaire d'être limitée, ou en tout cas
délimitée, l'absence de telles précisions dans le contrat
de fiducie impliquant la nullité de ce dernier - le contrat de fiducie
est un acte solennel. Cette propriété à
géométrie variable peut se réduire au strict minimum, par
exemple dans le cadre d'une fiducie-sûreté dans laquelle le
fiduciant ne souhaiterait pas que son créancier puisse aliéner ou
même seulement gérer l'actif mis en garantie. Mais elle peut
également être très large dans l'hypothèse cette
fois d'une fiducie-gestion, dans laquelle le constituant pourrait être
amené à consentir d'importantes prérogatives au fiduciaire
afin de gérer un portefeuille de valeurs mobilières par exemple.
Dans ce dernier cas, l'étendue de la propriété fiduciaire
semble se confondre avec la propriété de droit commun, celle,
absolue, érigée par l'article 544 du Code civil.
Néanmoins, le fait que son étendue soit définie par le
contrat de fiducie indique selon nous une différence importante avec la
propriété classique.
66. - Plusieurs hypothèses quant à la nature du
droit du fiduciaire sur le patrimoine de la fiducie peuvent être
envisagées. Tout d'abord, son droit semble émaner du contrat car
c'est la convention qui détermine quels sont ses pouvoirs. On pourrait
alors voir de manière réductrice dans le droit du fiduciaire un
simple droit personnel, la situation du fiduciaire devant être
rapprochée de celle du mandataire. A l'opposé, il serait possible
d'envisager que le fiduciaire est titulaire d'un droit réel principal,
une propriété fiduciaire qui est en réalité un
démembrement du droit de propriété plein et absolu dont se
défait le fiduciant par le contrat. Enfin, de façon
intermédiaire, le droit du fiduciaire peut être perçu comme
étant la propriété de l'article 544 du Code civil
limitée par un droit personnel liant fiduciant et fiduciaire. La
première interprétation doit être nettement
réfutée. Nous avons en effet vu que la fiducie devait être
vue comme un contrat translatif d'un droit réel.
67. - Néanmoins il est permis d'hésiter entre
les deux autres hypothèses. Au premier abord, on pourrait rapprocher le
mécanisme de la fiducie de celui des clauses
d'inaliénabilité pouvant affecter un bien à l'occasion
d'un contrat translatif. Mais la clause d'inaliénabilité ne
modifie pas la nature absolue du droit de propriété
transféré. L'opération se déroule en deux temps
distincts, bien que concomitants. Tout d'abord, la propriété est
transférée par l'acte translatif. Mais ensuite, un droit
personnel, une dette pour l'acquéreur, vient se greffer à
l'opération. Ce droit personnel oblige son débiteur à ne
pas aliéner le bien transféré. Ce faisant, il renonce
à exercer pleinement ses prérogatives de propriétaire - il
renonce à une partie de l'abusus. Mais le droit du fiduciaire
est différent. Il est ab initio d'une étendue
délimitée par un contrat. A notre sens, l'analyse qu'il convient
de faire de la fiducie n'est pas celle d'un transfert de
propriété limité par un droit personnel dont serait
débiteur le fiduciaire, mais bien celle d'un droit réel à
l'étendue limitée. Selon nous, la fiducie nous confronte à
un démembrement sui generis du droit de
propriété.
2. -
Les effets du transfert de propriété
68. - La propriété fiduciaire se distingue
nettement de la propriété de droit commun quant à ses
caractères. D'autres différences, plus nuancées cependant,
doivent être évoquées. Elles concernent les effets du
transfert de propriété, et tiennent tout d'abord à
l'ambivalence du droit de propriété (a) ainsi qu'à la
question du transfert de risques (b).
a. - L'ambivalence du droit de
propriété
69. - Le droit de propriété s'analyse
traditionnellement en un droit réel principal auquel on attache
plusieurs attributs. Ainsi, il est opposable erga omnes et
confère à son titulaire droit de suite et droit de
préférence85(*). La fiducie met en lumière l'ambivalence du
droit de propriété qui recouvre habituellement deux
réalités. Le droit de propriété représente
une valeur patrimoniale et confère à son titulaire un pouvoir sur
une chose. Ces deux réalités sont dissociées dans le
contrat de fiducie, lequel établi le lien patrimonial entre la chose et
la fiducie, mais investi le fiduciaire du pouvoir sur cette chose. De fait,
comme le souligne un auteur, « la propriété fiduciaire
n'est toutefois pas une véritable source de richesse contrairement
à la plena in re potestas de l'article 544 du Code
civil »86(*). En
effet, la richesse attachée au droit de propriété
découle directement de sa valeur patrimoniale. L'objet de ce droit
accroît l'actif de son titulaire et donc son crédit auprès
de ses créanciers, via leur droit de gage
général. Mais l'affectation des éléments de la
fiducie au sein d'un patrimoine distinct implique que l'actif du fiduciaire
n'est en rien modifié par l'opération, tant en positif qu'en
négatif. Le transfert de propriété opéré est
ainsi plus complexe que dans le cas par exemple d'une vente. L'aspect
patrimonial du droit de propriété - c'est-à-dire la chose
objet du droit réel envisagée de façon abstraite - est
transféré à la fiducie, ce qui constitue le patrimoine
fiduciaire, alors que le pouvoir est dévolu par le contrat au
fiduciaire, qui voit son droit délimité dans son étendue
et sa durée87(*).
b. - Le transfert des risques
70. - Traditionnellement, la question du transfert de
propriété a pour enjeu sous-jacent celle du transfert des
risques, selon la règle classique res perit domino88(*). Le propriétaire
supporte la charge des risques, conformément à la lettre de
l'article 1138 alinéa 2 du Code civil. Mais le législateur n'a
pas davantage réglementé le transfert des risques dans le cadre
de la fiducie qu'il ne l'a fait concernant le transfert de
propriété. La lecture du rapport de la commission du Sénat
nous informe à ce sujet que l'intention des parlementaires était
manifestement de laisser s'appliquer le droit commun, en faisant supporter la
charge des risques par le fiduciaire, titulaire des biens
transférés. C'est également la solution retenue par la
doctrine89(*). Les
règles devant s'appliquer ne sont pas pour autant uniforme, loin de
là, ce qui est regrettable. Il convient pour cette question d'envisager
les différents éléments transférés à
la fiducie, en distinguant d'une part les biens et d'autre part les
créances. Pour les premiers, le principe demeure la règle res
perit domino et l'article 1138 alinéa 2 du Code civil, la charge
des risques incombant alors au fiduciaire. Pour les secondes en revanche, il
faut là encore opérer une distinction entre les créances
civiles et les créances professionnelles. Les règles ayant
vocation à s'appliquer sont les articles 1689 et suivants du Code civil
pour les premières et les articles L. 313-23 du Code monétaire et
financier pour les secondes.
71. - On aboutit ainsi à un régime fort peu
cohérent issu de l'application de dispositions disparates. Dans le cas
d'une fiducie composée d'éléments
hétéroclites, la question du transfert des risques devra ainsi se
régler au cas par cas, aboutissant à des solutions
différentes selon la nature des éléments. Mais dans le
silence des textes, la solution se trouve dans le contrat. Il parait en effet
conseillé d'envisager dans la convention de fiducie la question du
transfert des risques, lequel, comme dans la vente, peut parfaitement
être dissocié du transfert de propriété.
B. - Le dédoublement
conventionnel du droit de propriété
72. - L'analyse selon laquelle le fiduciaire deviendrait, en
vertu de la convention, titulaire d'une propriété pleine et
entière, et que le fiduciant, tout comme le bénéficiaire,
n'auraient tous deux qu'un droit personnel, né du contrat, ne nous
semble pas convaincante. A ce sujet la loi est encore une fois fort lacunaire,
en se contentant d'indiquer à plusieurs reprises à propos du
constituant que celui-ci est titulaire de « droits (...) au titre de
la fiducie ». L'article 2013-1 du Code civil précise à
ce propos que ces droits ne sont nullement transmissibles à titre
gratuit - une conséquence de la prohibition de toute intention
libérale - mais seulement cessibles à titre onéreux. A cet
égard, la loi maintient fort logiquement la restriction rationae
personae en ouvrant la cessibilité au profit des seules personnes
morales soumises à l'impôt sur les sociétés. En
revanche la loi n'apporte guère de précision quant à la
nature de ces droits. Fiscalement, l'article 223 VA du Code
général des impôts envisage le constituant comme
étant « titulaire d'une créance au titre de [la
fiducie] », néanmoins il ne faut pas en conclure pour autant
que le droit du constituant doit être assimilé à une
créance, et donc se réduire à un simple droit
personnel.
73. - Fiduciant, fiduciaire et bénéficiaire
(d'une manière particulière pour ce dernier) sont trois personnes
titulaires de droits réels, directement attachés aux
éléments transférés à la fiducie. Ainsi la
propriété dont est originairement titulaire le constituant semble
se démultiplier en plusieurs droits revenant chacun à un des
protagonistes de l'opération. Mais ces droits ne se fondent pas dans les
moules classiques que nous offre le droit des biens, par le biais de la
propriété et de ses démembrements. Il s'agit de droits
réels à l'étendue particulière. Il convient, afin
d'étayer cette hypothèse, de constater qu'il n'existe aucun
obstacle légal à celle-ci (1), avant d'envisager les droits des
différents protagonistes (2).
1. -
L'absence d'obstacle légal
74. - Le droit des biens outre-manche est resté
imprégné par le féodalisme et trahit une vision de la
propriété étrangère à la conception
française. Mais en France ce n'est qu'après la révolution,
dans le code civil de 1804, que la conception féodale de la
propriété - dans laquelle c'était davantage la personne
qui était attachée au bien - fut abandonnée. La
propriété, devenue un droit de l'homme par la déclaration
de 1789, devint l'un des objets de la protection de la loi. Découlant de
la loi seule, elle ne tolérait que les atteintes envisagées par
celle-ci. Ainsi, l'article 544 du Code civil définissant les pouvoirs
d'un propriétaire sur l'objet de son droit réel devait être
envisagé comme étant d'ordre public. La loi, seule
habilitée à édicter le droit, définissait les
droits du propriétaire. De cet article on peut déduire
l'usus et l'abusus attachés à la
propriété. Le premier correspond au droit de détenir et
d'utiliser une chose ; c'est le jus utendi. Le second est le
droit d'en disposer ; c'est le jus abutendi. L'article 546 du
Code civil vient compléter cette disposition en ajoutant aux deux
premières prérogatives du propriétaire une
troisième, le fructus, qui est le droit de jouir des fruits
d'un bien. Enfin, l'article 552 du Code civil érige les
frontières de la propriété, laquelle n'est limitée
que par « les servitudes ou services fonciers », en plus de
la limite traditionnelle constituée par la loi et disposée
à l'article 544 du Code civil90(*).
75. - Cette analyse de la loi telle qu'envisagée il y
a de ça plus de deux siècles pourrait nous indiquer que la loi
établit un véritable numerus clausus des droits
réels. Selon l'article 543 du Code civil, il n'y aurait « sur
les biens » qu'un « droit de propriété, ou un
simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à
prétendre ». Ainsi pour Treilhard « il ne peut
exister sur les biens aucune autre espèce de droits »91(*). Il serait donc impossible
pour un propriétaire de démembrer son droit d'une façon
non envisagée par la loi, et ainsi de transférer une partie de
ses prérogatives sur cette chose à une autre personne. Bien
qu'une telle lecture semble bien conforme à l'intention du
législateur de 1804, la jurisprudence a donné une vision bien
différente de ce point précis. La chambre des requêtes, le
13 février 1834, soit seulement trente ans après le Code civil de
1804, a rendu un arrêt Caquelard allant dans le sens du caractère
non limitatif des droits réels92(*). La Haute juridiction donne, non sans audace, une
interprétation originale des articles 544, 546 et 552 du Code civil,
lesquels ne seraient que « déclaratifs du droit commun
relativement à la nature et aux effets de la
propriété », et ne seraient « pas
prohibitifs ». Cet arrêt, qui paraît même
aujourd'hui novateur, ouvre de nombreuses portes.
76. - Pourtant, jamais la doctrine, pas plus que la pratique,
ne se sont engouffrées dans la brèche ouverte en 1834. La raison,
comme le soulignent certains auteurs, est à rechercher du
côté d'un « engouement pour les personnes
morales »93(*).
Dans la période durant laquelle fut rendu cet arrêt, le recours
aux personnes morales supplanta en effet les droits réels. Les raisons
en sont multiples, mais l'idéologie postrévolutionnaire y est
probablement pour beaucoup ; les personnes morales étaient alors
teintées d'un idéal libéral, alors que les droits
réels pâtissaient de l'image très négative de
l'ancien régime.
77. - L'arrêt Caquelard voit donc dans les dispositions
légales un droit commun des droits réels, l'article 543 du Code
civil n'étant qu'annonciateur du plan adopté par les
rédacteurs du Code civil. Mais ce droit commun établit
également les prérogatives maximales attachées à un
droit réel. Car l'arrêt de la chambre des requêtes
n'autorise pas les personnes à constituer des droits réels
dotés de plus importantes prérogatives que celles prévues
pour le droit de propriété de droit commun, il dessine simplement
les contours de multiples décompositions de celui-ci. Pour certains
auteurs, les relations internationales et la question du trust d'une
manière plus particulière pourraient changer la donne94(*).
78. - Le droit anglo-saxon imprègne fortement le
commerce international où le trust a acquis une importance
particulière. Dans cette opération, le settlor
transfère la propriété légale qu'il a sur un bien
(legal ownership) à un trustee, lequel a la charge
d'accomplir loyalement une mission au profit d'un bénéficiaire
(ou cestui que trust). Ce dernier a un droit de
propriété qui lui est reconnu par l'équité. C'est
l'equitable ownership, c'est-à-dire un droit réel et non
pas un simple droit de créance qu'il pourrait user afin de contraindre
le trustee à exécuter ses engagements95(*). Le trust, bien qu'aboutissant
à des utilisations comparables à la fiducie, repose avant tout
sur un démembrement de la propriété a priori
étranger à la fiducia romaine.
79. - L'instauration de la fiducie en droit français
pose alors de nombreuses questions. Nous avons envisagé le
problème du droit transféré au fiduciaire. Manifestement
cette propriété fiduciaire ne doit pas être
assimilée à la propriété de l'article 544 du Code
civil. Mais elle est une forme de propriété, ou plus exactement
une forme de droit réel. Si effectivement rien dans la loi du 19
février 2007 n'indique la volonté du législateur de
permettre au fiduciant et au fiduciaire de conclure un démembrement du
droit réel dont est titulaire le premier, l'analyse de la loi nous
invite à considérer cette hypothèse.
2. -
Les droits des différents acteurs de la fiducie
80. - Le fiduciaire est celui qui est investi des plus
importantes prérogatives. Son droit est la propriété
fiduciaire, droit temporaire et à l'étendue limitée. La
loi reconnaît aux deux autres protagonistes de la fiducie, le
bénéficiaire et le fiduciant, des droits et certaines
prérogatives qui peuvent laisser penser qu'ils sont titulaires de droits
réels. En cela la fiducie instaurée en droit français se
rapprocherait davantage du trust que de la fiducia romaine.
Il convient d'envisager tour à tour les droits du fiduciaire (a), du
fiduciant (b) et enfin du bénéficiaire (c).
a. - Le droit du fiduciaire
81. - Le fiduciaire se voit transférer par la
convention la titularité de droits personnels et réels. Comme
nous l'avons vu, son droit n'est cependant pas celui, absolu, du
propriétaire tel qu'envisagé par l'article 544 du Code civil,
mais bien un droit réel différent, modulé par le contrat.
Cette propriété fiduciaire est le fruit d'un dédoublement
conventionnel du droit de propriété originaire. Ce
dédoublement n'entre pas dans les prévisions du droit des biens
et ne trouve son origine que dans le contrat de fiducie. C'est une application
directe de la jurisprudence de la chambre des requêtes de 1834. Cette
application semble également inédite, bien que certains auteurs
aient pu voir dans les clauses d'inaliénabilités un
démembrement conventionnel du jus abutendi du
propriétaire entre ce dernier et le bénéficiaire de
l'inaliénabilité.
82. - Le fiduciaire est titulaire d'un droit réel
portant par hypothèse directement sur la chose qui lui est
transférée dans le cadre de la fiducie. La loi prescrit, à
peine de nullité, que soit indiquée dans le contrat
l'étendue du pouvoir qu'il détient sur cette chose96(*). L'article 2017 6° du
Code civil dispose que le contrat doit stipuler « l'étendue
[des] pouvoirs d'administration et de disposition » du fiduciaire. La
convention opère donc un démembrement du jus abutendi
(le pouvoir de disposer) et du jus utendi (le pouvoir d'administrer).
Les parties sont libres de moduler le droit de propriété
transféré au fiduciaire, la seule limite étant
constituée par l'étendue du droit originaire dont est titulaire
le fiduciant, selon l'adage célèbre nemo plus juris ad alium
transfere potest quam ipse habet97(*). Le fiduciaire ne saurait avoir en vertu du
contrat des prérogatives que la loi ne reconnaitrait pas à un
propriétaire classique.
83. - La liberté contractuelle permet de moduler le
droit réel du fiduciaire dans de larges proportions, autorisant ainsi
les parties à conformer ce droit à la mission envisagée.
Dans une fiducie-sûreté, le fiduciaire se verra ainsi
reconnaître des prérogatives très réduites,
notamment quant à son pouvoir de disposition. Il pourra avoir un droit
d'administration (possibilité de louer un immeuble donné en
garantie, etc.) selon les finalités recherchées. Dans le cadre
d'une fiducie-gestion en revanche, le fiduciaire ayant une mission de gestion
se verra nécessairement consentir des prérogatives plus proches
de celles d'un propriétaire ordinaire. Afin d'assurer la gestion d'un
portefeuille d'actions, il pourra éventuellement en disposer.
Chargée d'une opération de defeasance, il sera
amené à conclure des contrats pour poursuivre l'activité
transmise et éventuellement à restructurer l'actif fiduciaire. On
le voit, la fiducie permet une grande souplesse d'utilisation en laissant une
grande place à la liberté contractuelle.
84. - Néanmoins, les limitations conventionnelles
n'échappent pas à l'effet relatif des conventions98(*), l'article 2023 du Code civil
précisant que « dans ses rapports avec les tiers, le
fiduciaire est réputé disposer des pouvoirs les plus
étendus sur le patrimoine fiduciaire ». Les limites
contractuelles du droit de propriété du fiduciaire ne sont
opposables qu'aux tiers de mauvaise foi, qui « avaient connaissance
de la limitation ». Cela ne remet cependant pas en cause
l'opposabilité erga omnes du droit du fiduciaire - ce qui
remettrait du même coup en question la qualification de droit réel
de ce droit. En effet, ce n'est pas le droit du fiduciaire en lui-même
qui n'est opposable qu'aux tiers de bonne foi, mais seulement les limitations
conventionnelles. Ainsi, à l'égard des tiers de bonne foi, le
fiduciaire est réputé jouir d'une propriété pleine
et entière. Son droit est opposable à tous, mais d'une
façon maximisée afin de garantir la sécurité
juridique. La fiducie reste ainsi une relation de confiance (fides),
le fiduciant devant faire confiance en son fiduciaire pour respecter les
stipulations conventionnelles. Les actes conclus en dépassement des
pouvoirs sont certes valables (à condition qu'ils aient
été conclus avec des tiers de bonne foi), mais ils constituent
une faute contractuelle99(*) engageant la responsabilité du fiduciaire. Il
peut paraître indispensable de stipuler d'importantes clauses
pénales en cas de dépassement des pouvoirs afin de dissuader le
plus efficacement possible le fiduciaire de s'en rendre coupable.
85. - En tant que propriétaire (même si son
droit n'est qu'une propriété fiduciaire), le fiduciaire a
qualité pour agir en revendication (en exerçant l'action
pétitoire) des éléments de la fiducie qui se trouveraient
entre les mains de tiers. On peut penser notamment à l'hypothèse
d'une fiducie-sûreté dans laquelle la possession serait
laissée au fiduciant (qui serait donc également
bénéficiaire de la convention), ce dernier aliénant
l'objet de la garantie. Il s'agit alors de la vente de la chose d'autrui, se
résolvant de manière classique100(*).
b. - Le droit du fiduciant
86. - Le droit du fiduciant est évoqué par la
loi du 19 février 2007 sous l'angle de leur cessibilité.
L'article 2013-1 du Code civil autorise celle-ci indirectement, sous
réserve de la restriction rationae personae frappant
déjà le constituant. Ce droit, nonobstant sa cessibilité,
est d'une nature ambiguë. Il revêt tout d'abord les aspects d'un
droit de créance contre le fiduciaire. En vertu de ce droit, le
constituant peut contraindre son débiteur à exécuter
correctement ses obligations nées du contrat. De surcroît la loi
confère au fiduciant la prérogative de solliciter le remplacement
du fiduciaire en cas de mauvaise exécution de sa mission101(*). Ce droit permet aussi
d'assurer le respect de l'obligation pesant sur le fiduciaire de rendre des
comptes disposée à l'article 2021 du Code civil. Le fiduciant en
tant que partie au contrat de fiducie, est créancier de son respect par
le fiduciaire. Il est donc titulaire d'un droit personnel.
87. - On peut s'interroger sur la nature réelle du
droit du constituant. La loi maintient un lien entre ce dernier et les
éléments du patrimoine fiduciaire. Fiscalement notamment, c'est
sur lui que pèse l'imposition des résultats dégagés
par la fiducie. Il est permis de penser que le fiduciaire jouit d'un droit
réel limité sur le patrimoine fiduciaire. Ce droit réel,
sorte de propriété résiduelle, devrait lui permettre
d'exercer certaines prérogatives telles que l'action pétitoire en
revendication d'un bien, notamment dans l'hypothèse où un
fiduciaire aurait aliéné un bien de la fiducie sans en avoir le
pouvoir (en vertu du contrat), et ce dès lors que le tiers
acquéreur serait de mauvaise foi. Les « droit du constituant
au titre de la fiducie » doivent selon nous s'entendre de cet
ensemble protéiforme de droits réels et personnels.
88. - Néanmoins on peut également s'interroger
sur la possibilité de considérer que le fiduciant demeure
titulaire des prérogatives non dévolues par le contrat au
fiduciaire. La loi impose en effet que soient stipulés les pouvoirs du
fiduciaire, mais n'envisage pas la question des pouvoirs du fiduciant. En toute
logique, car ayant transféré le droit, qui ne figure donc plus
dans son patrimoine, le principe doit être que le constituant ne dispose
d'aucun pouvoir direct sur les biens de la fiducie, mis à part peut
être la possibilité de revendiquer le bien entre les mains de
tiers. La loi n'interdit en revanche pas au contrat de prévoir que le
fiduciant conserve certains pouvoirs. On peut envisager notamment qu'il demeure
titulaire d'une partie du jus utendi, particulièrement s'il est
nécessaire qu'il conserve l'usage d'un bien mis en fiducie. De
même, le contrat pourrait stipuler qu'il conserve tout ou partie du
jus abutendi. Il lui serait alors possible de disposer d'un bien
appartenant à la fiducie. Il serait enfin possible de démembrer
conventionnellement (usufruit / nue-propriété) la
propriété (des droits sociaux ou des valeurs mobilières ou
des instruments financiers) afin de ne transférer que certains droits
réels. Toutefois, nous considérons que si le constituant peut
demeurer titulaire de certaines prérogatives liées au droit de
propriété, ce n'est pas en tant que constituant, mais en tant que
bénéficiaire lorsqu'il cumule les deux qualités.
c. - Le droit du
bénéficiaire
89. - La fiducie peut s'analyser en une opération
à trois personnes. En plus du fiduciaire et du fiduciant, un
bénéficiaire de la fiducie est nécessaire. L'existence
d'un bénéficiaire est une condition de validité de la
convention de fiducie. S'il n'est pas identifié lors de la conclusion du
contrat, alors il doit être déterminable102(*). Toutefois le
bénéficiaire n'est pas nécessairement un tiers et comme le
dispose l'article 2015 du Code civil, il peut s'agir du constituant ou du
bénéficiaire, voire des deux. La situation de ce
bénéficiaire nous parait très intéressante, du fait
que le contrat de fiducie, auquel il n'est au départ pas
nécessairement partie - la convention est conclue initialement entre le
fiduciant et le fiduciaire - va le rendre titulaire de droits. D'une
manière quelque peu parallèle à la stipulation pour
autrui, le bénéficiaire va pouvoir accepter le contrat de
fiducie, et ainsi renforcer son droit, lequel perd alors toute
précarité. Ainsi, selon l'article 2028 alinéa
1er du Code civil, « le contrat de fiducie peut être
révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été
accepté par le bénéficiaire ». L'alinéa 2
précisant qu' « après acceptation par le
bénéficiaire, le contrat ne peut être modifié ou
révoqué qu'avec son accord ou par décision de
justice ».
90. - Le bénéficiaire est en pratique celui qui
a vocation à recueillir les éléments du patrimoine
fiduciaire à l'issue du contrat. Il est également celui au profit
duquel doit agir le fiduciaire103(*). Le bénéficiaire doit être
regardé comme l'élément central de la fiducie. Il est tout
aussi indispensable à la validité de la convention que le
fiduciaire ou le fiduciant. Par ailleurs, il prend fin de plein droit si
« la totalité des bénéficiaires renonce à
la fiducie », selon l'article 2029 alinéa 2 du Code civil. En
tant que bénéficiaire du contrat de fiducie, il est
créancier de sa bonne exécution. En raisonnant par analogie
à la situation du tiers bénéficiaire de la stipulation
pour autrui104(*), il
est nécessairement titulaire d'un droit de créance direct contre
le fiduciaire. C'est afin de protéger cette créance que la loi
elle-même dispose en sa faveur de la possibilité de solliciter en
justice le remplacement du fiduciaire105(*).
91. - Le bénéficiaire de la fiducie est de plus,
selon nous, titulaire d'un droit réel portant sur les
éléments de la fiducie. Ce droit naît du contrat de fiducie
qui s'analyse alors comme réalisant un dédoublement du droit de
propriété originaire. Ce dédoublement est permis par la
jurisprudence de la chambre des requêtes de 1834. Du fait de l'effet
relatif des conventions, ce dédoublement n'est pleinement
réalisé qu'une fois la fiducie acceptée par le
bénéficiaire, l'acte unilatéral d'acceptation faisant de
lui une partie au contrat, et changeant son droit éventuel en un droit
réel certain et irrévocable. Ce droit réel doit être
distingué de la propriété future qui revient au
bénéficiaire à l'échéance du contrat. Cette
propriété fiduciée, par analogie avec la
propriété fiduciaire, est à géométrie
variable et c'est le contrat qui en détermine l'étendue.
92. - Ainsi, dans l'hypothèse qui devrait se
révéler fréquente d'une fiducie-sûreté, la
fiducie est en tout état de cause un acte ne mettant en relation que
deux personnes, le fiduciant et le fiduciaire, chacun étant l'un des
bénéficiaires de la convention. Les cocontractants sont alors
tous deux titulaires d'un droit de propriété,
dédoublé et découpé par le contrat selon les
besoins pratiques. À l'inverse, lorsque le bénéficiaire
est un tiers (ce qui devrait être l'hypothèse d'une
fiducie-gestion à des fins de transmission notamment), alors son droit
réel pourrait être réduit à néant par les
stipulations du contrat, afin qu'il ne puisse entraver le fonctionnement de la
fiducie.
93. - Les droits du bénéficiaire au titre de la
fiducie, s'ils ne sont pas évoqués par la loi, n'en sont pas
moins pour autant transmissibles. Ils le sont sans les limitations rationae
personae frappant la cessibilité des droits du constituant, et ils
sont vraisemblablement transmissibles à titre gratuit. En effet, la loi
exige une contrepartie du bénéficiaire, et non de son ayant cause
à titre particulier. Dans les hypothèses dans lesquelles le
bénéficiaire ou l'un des bénéficiaires du contrat
serait le constituant, la cession par ce dernier des droits qu'il
détiendrait en tant que bénéficiaire devrait être
regardée comme indissociable de la cession de ses droits en tant que
constituant, et serait dès lors soumis aux restrictions de l'article
2013-1 du Code civil. C'est à notre sens la ratio legis de
cette disposition légale. En effet, lorsque le constituant est le ou
l'un des bénéficiaires de la fiducie, alors il paraît peu
concevable d'envisager la cession de l'une de ces qualités
indépendamment de l'autre. De même, lorsque le
bénéficiaire n'est pas le constituant, alors les droits de ce
dernier semblent représenter une valeur pécuniaire soit nulle
(lorsque le bénéficiaire a accepté la fiducie) soit
aléatoire (lorsque le bénéficiaire n'a pas accepté
la fiducie, il y a alors une possibilité qu'aucun fiduciaire n'existe
à l'échéance du contrat, auquel cas le patrimoine
fiduciaire réintègre le patrimoine du constituant, ce qui peut
représenter une richesse aléatoire)106(*).
94. - La situation du bénéficiaire de la
fiducie du droit français est ainsi comparable à celle que
connaît le cestui que trust dans le cadre du trust
anglo-saxon, et ce droit réel peut être comparé à
l'equitable ownership. En vertu de ce droit, le
bénéficiaire est fondé à agir en revendication des
biens de la fiducie107(*).
95. - La fiducie semble ainsi permettre aux parties
d'organiser dans un contrat le dédoublement du droit originaire dont est
titulaire le constituant. Cette interprétation de la loi est conforme
à la position de l'arrêt Caquelard, et permet de rendre la fiducie
particulièrement attrayante. Elle facilite de plus la reconnaissance du
trust en droit interne, en admettant que le droit de propriété
peut être multiple, et se dessiner selon l'intention des parties.
96. - La réalisation d'une affectation patrimoniale
ainsi que, selon nous, la possibilité d'un dédoublement
conventionnel du droit de propriété constitue une innovation
majeure dans notre droit. On doit y voir notamment un infléchissement
indéniable de la théorie du patrimoine. Néanmoins cet
infléchissement se doit d'être relativisé par le fait que
la loi assure le respect du droit de gage général des
créanciers, qui rappelons-le, constitue le socle de la théorie de
l'unité du patrimoine.
Section 2. - Un infléchissement à
relativiser
97. - Comme nous l'avons déjà envisagé,
la théorie du patrimoine et le principe d'unité ont
été dégagées par Aubry et Rau à partir du
droit de gage général des créanciers, reconnu par les
anciens articles 2092 et 2093 du Code civil108(*). En formulant que « quiconque s'est
engagé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses
biens mobiliers et immobiliers »109(*), le législateur de 1804 a choisi de faire
peser la contrainte de l'exécution de l'obligation non pas sur la
personne du débiteur, mais sur ses biens. C'est l'ancien article 2093 du
Code civil qui évoque la notion de « gage commun »
des créanciers. La référence au
« gage » est particulièrement maladroite, ainsi que
le soulignent la plupart des auteurs110(*), le gage des créanciers n'étant en
rien comparable à la sûreté réelle mobilière
que constitue le gage. Certains auteurs ont cependant cru déceler dans
ce droit de gage un droit réel111(*), car il permet au créancier d'exercer
certaines prérogatives sur les biens de son débiteur, notamment
en les faisant saisir et vendre. La doctrine majoritaire rejette cette
qualification de droit réel, aux motifs que le créancier n'a ni
droit de préférence, ni droit de suite et que la mise en oeuvre
de voies d'exécution aboutissant à la cession d'un bien n'est pas
comparable à l'abusus du propriétaire.
98. - La fonction du droit de gage général est
de donner un moyen de contrainte efficace au créancier sur son
débiteur. Envisager la créance dénuée d'un tel
droit la réduirait à une coquille vide112(*). Le droit de gage est
l'épée de Damoclès qui permet de sanctionner la
défaillance du débiteur. Ce lien direct opéré entre
l'obligation et les biens du débiteur était étranger de
l'Ancien Droit, dans lequel la contrainte s'exerçait directement sur la
personne du débiteur. C'était la contrainte par corps,
c'est-à-dire l'emprisonnement pour dette, maintenue par le code civil de
1804 et abolie en grande partie par une loi de 1867.
99. - Ce droit de gage général est
considéré à juste titre comme le point d'ancrage de la
théorie du patrimoine dans la loi. Il sous-entend en effet l'existence
d'une masse unique de biens et de dettes à la tête de laquelle ne
se trouve qu'une seule personne. La fiducie instaurée par la loi du 19
février 2007 réalise l'affectation patrimoniale nécessaire
à l'efficacité de l'opération en délimitant ce
droit de gage des créanciers113(*). Néanmoins, le législateur a
visiblement souhaité le maintenir (I) d'une manière certes moins
apparente, mais tout aussi concrète. De plus, nous constaterons par la
suite que les dispositions spéciales applicables à la fiducie
(que celles-ci soient issues de la loi ou alors qu'elles lui soient
antérieures), parfois contradictoires, rendent la compréhension
de l'opération délicate et peuvent aboutir à une
relativisation de l'apport de la fiducie à la théorie du
patrimoine (II).
I. -
Le maintien du droit de gage général des créanciers
100. - Le législateur de 2007 a choisi d'instaurer une
fiducie reposant sur un patrimoine d'affectation. Mais la consécration
de cette dernière notion ne s'est faite qu'à demi-mots, et sans
remettre en cause fondamentalement le droit de gage des créanciers. Tout
d'abord, force est de constater que la loi sur la fiducie adoptée en
février 2007 ne constitue qu'une loi spéciale, frappée
d'une limitation rationae personae drastique114(*). Ainsi la possibilité
de constituer un patrimoine d'affectation, et de soustraire certains biens au
droit de gage de ses créanciers n'est pas l'apanage de l'ensemble des
sujets de droits, mais seulement de certains. Le législateur a
clairement fait du patrimoine d'affectation l'exception au principe qu'est
l'unité du patrimoine, sous-tendue par le maintien d'un droit de gage
général au caractère quasi-absolu.
101. - La raison n'en est cependant guère critiquable.
Comme nous l'avons envisagé, le droit de gage constitue pour le
créancier l'assurance (en principe) que la prestation promise par son
débiteur sera exécutée, de gré ou de force. La
créance sans cette contrainte juridique portant non pas sur la personne
du débiteur, mais sur ses biens, ne constituerait dès lors qu'un
engagement moral n'ayant qu'une portée en droit très
limitée.
102. - La nécessité de maintenir d'une
manière générale le droit de gage des créanciers
n'est pas sans avoir des répercussions sur la fiducie. La loi de 2007
organise elle-même son nécessaire respect qui va pouvoir permettre
de remettre en cause le contrat (A). Enfin, le droit de gage est maintenu dans
l'opération de fiducie, causant une grande fragilité du
cloisonnement patrimonial réalisé (B).
A. - La remise en cause du contrat
de fiducie
103. - Le contrat de fiducie peut être remis en
question par des personnes qui lui sont a priori
étrangères. Les possibilités qu'ouvre la loi se justifient
par la nécessité d'assurer la protection des tiers particuliers
que sont les créanciers du constituant. Il faut distinguer selon que
l'on se trouve en période normale (1) ou en période de crise,
c'est-à-dire à l'occasion d'une procédure collective
(2).
1. -
La remise en cause de la fiducie en période normale
104. - L'actif du constituant représente le gage de
ses créanciers. Ceux-ci peuvent voir d'un très mauvais oeil la
constitution d'une fiducie, qui va aboutir à réduire l'assiette
de leur gage. Afin de ménager les intérêts de ces
créanciers, la loi leur ouvre la possibilité de contester le
contrat de fiducie. Si l'article 2025 du Code civil organise le cloisonnement
patrimonial de la fiducie en restreignant la possibilité de saisir
l'actif fiduciaire, il met en place également un certain nombre de
garde-fous pour assurer la protection des créanciers du fiduciant.
Ceux-ci vont pouvoir contester le contrat dans l'hypothèse d'une fraude
à leurs droits (a). Les créanciers titulaires de
sûretés réelles vont également pouvoir agir contre
le patrimoine fiduciaire (b).
a. - La fraude aux droits des créanciers du
constituant
105. - Fraus omnia corrumpit, la fraude corrompt
tout. C'est là un principe général du droit, qui se trouve
être repris par l'article 2025 du Code civil issu de la loi du 19
février 2007. La fiducie s'analyse en un contrat translatif, et les
biens transférés à la fiducie quittent le patrimoine du
fiduciant. Les créanciers chirographaires de ce dernier perdent donc
ipso facto tout droit sur ces biens, qui quittent ainsi l'assiette de
leur droit de gage. Néanmoins, la possibilité d'aliéner,
même d'une façon fiduciaire, relève des prérogatives
que la loi reconnaît au propriétaire. Celui-ci peut disposer de
ses biens comme bon lui semble, et ainsi contracter une vente, consentir une
donation, ou bien entendu constituer une fiducie. La protection du gage des
créanciers suppose que ceux-ci aient la possibilité de remettre
en cause les actes conclus aux seules fins de réduire l'assiette de leur
gage.
106. - Le droit commun des obligations prévoit
déjà une action pour protéger le droit de gage
général des créanciers. C'est l'action paulienne, qui
trouve son origine lointaine dans le droit romain, et qui est disposée
par l'article 1167 du Code civil115(*). Cette disposition légale ouvre aux
créanciers la possibilité d' « attaquer les actes faits
par leur débiteur en fraude de leurs droits ».
107. - On le voit, les termes utilisés par l'article
2025 du Code civil se rapprochent de ceux de l'article 1167 du Code civil.
Dès lors il est légitime de s'interroger sur le sens des
dispositions de la loi sur la fiducie. Soit le législateur a choisi de
faire un rappel du droit commun, soit au contraire il a souhaité
instaurer une action spécifique au seul bénéfice des
créanciers du fiduciant. La lecture des travaux parlementaires semble
indiquer que l'hypothèse à retenir est la
première116(*).
C'est là également l'opinion de la doctrine majoritaire à
laquelle nous adhérons117(*).
108. - La loi se contente donc de rappeler le droit commun
des obligations. Ce ne sont donc pas n'importe quels créanciers du
constituant qui peuvent agir contre les biens de la fiducie, mais seulement
ceux dont la créance est née avant la constitution de cette
dernière118(*).
Si cette créance doit être certaine, elle n'a pas en revanche
à être liquide et exigible pour que l'action paulienne puisse
être engagée119(*). Pour rendre l'action paulienne recevable, le
créancier qui agit doit de plus établir le préjudice que
lui occasionne l'acte attaqué. Ce préjudice se conçoit
aisément : il s'agit de l'atteinte portée à son droit
de gage. Toutefois il ne s'agit pas de n'importe quelle atteinte, car admettre
cela reviendrait à nier l'abusus du propriétaire, ce qui
n'est pas la finalité recherchée. L'acte attaqué doit
avoir pour effet de rendre le débiteur insolvable, voire d'aggraver son
insolvabilité. Le créancier doit établir d'une part
l'appauvrissement du débiteur et d'autre part le fait que cet
appauvrissement est la conséquence de l'acte attaqué120(*).
109. - Le contrat doit être frauduleux, la preuve
incombant au créancier. Ce dernier doit caractériser la fraude
paulienne non seulement chez son débiteur, mais lorsque l'acte
attaqué est à titre onéreux, il lui faut également
démontrer la complicité de fraude du tiers
acquéreur121(*).
Cette complicité n'a pas à être établie lorsque
l'acte est à titre gratuit122(*). La fraude paulienne est, selon la jurisprudence,
différente du dol civil, et l'élément à rapporter
n'est pas l'intention de nuire, mais la seule conscience du préjudice
causé au créancier par l'acte123(*).
110. - En matière de fiducie, la caractérisation
de l'appauvrissement pourrait être délicate, du fait du
caractère temporaire de l'opération. La réduction du droit
de gage occasionnée par une fiducie peut n'être en effet que
limitée dans le temps, particulièrement si le fiduciant cumule la
qualité de bénéficiaire. L'échéance de la
fiducie reconstitue le gage des créanciers. Néanmoins, il
convient de rappeler que l'insaisissabilité fiduciaire est certes
temporaire, mais elle peut s'étendre jusqu'à trente-trois ans, ce
qui représente une durée considérable pour un
créancier faisant face à un débiteur indélicat. De
même il peut paraître trop contraignant d'exiger que soit
établi la fraude du tiers acquéreur, c'est-à-dire en
l'espèce la fraude du fiduciaire. L'application stricte des
règles gouvernant l'action paulienne pourrait faire de la fiducie un
excellent moyen pour un débiteur d'organiser son insolvabilité.
De fait, certains auteurs ont ainsi pu suggérer que la fraude en
matière de fiducie soit entendue plus largement. Ainsi, le
caractère provisoire de l'appauvrissement conséquent à la
fiducie ne devrait pas faire obstacle à l'action des créanciers
du fiduciant, dès lors que ce dernier serait de mauvaise foi. De plus,
la fraude du fiduciaire ne devrait pas être établie124(*). On ne peut que souhaiter
que la jurisprudence adopte cette position afin d'éviter que ne se
développent des fiducies ayant pour seule fonction d'organiser
l'insolvabilité de débiteurs, le tout avec la
bénédiction du droit.
111. - La sanction de l'action paulienne est
l'inopposabilité. La fiducie conclue en fraude des droits d'un
créancier lui serait inopposable, et il pourrait dès lors exercer
des voies d'exécution sur les biens transférés à la
fiducie. Cette inopposabilité n'est pas une nullité, et l'acte
demeure dans l'ordre juridique, les autres créanciers ne pouvant s'en
prévaloir en l'absence de toute décision de justice.
b. - Le respect du droit de
suite
112. - L'article 2025 du Code civil permet aux
créanciers « titulaires d'un droit de suite attaché
à une sûreté publiée antérieurement au
contrat de fiducie » d'agir directement contre les biens
détenus au sein du patrimoine fiduciaire. Cette disposition
n'intéresse qu'une partie seulement des créanciers du fiduciant,
ceux qui, concrètement, bénéficient d'un gage, d'un
nantissement ou d'une hypothèque venant garantir leur créance.
L'objectif poursuivi n'est pas directement le respect du droit de gage
général de tous les créanciers du constituant, mais la
protection de droits spécifiques de certains d'entre eux ayant pris soin
de garantir leur créance par une sûreté réelle.
113. - La sûreté réelle consiste en un
droit réel accessoire consenti par un débiteur sur un bien sur
lequel il détient lui-même un droit réel principal (au
premier rang desquels on trouve la propriété). Mais ce droit
réel est « vidé de sa substance
matérielle »125(*), et il n'en demeure que le droit de
préférence et le droit de suite (ce dernier étant absent
de certaines sûretés réelles). Le premier de ces droits
permet au créancier de se faire payer sur le prix du bien donné
en garantie avant tout créancier chirographaire (c'est-à-dire
celui qui n'est titulaire d'aucune sûreté) et avant tout titulaire
d'une sûreté réelle postérieure. Le droit de suite
permet au créancier d'atteindre le bien donné en garantie quand
bien même celui-ci aurait quitté le patrimoine de son
débiteur, et ainsi de le faire saisir pour se payer sur son prix de
vente. Le droit de suite est généralement défini comme
étant la possibilité de suivre le bien en quelques mains qu'il se
trouve.
114. - Un créancier du fiduciant, titulaire d'une
sûreté réelle ayant pour assiette un bien transmis à
la fiducie, est ainsi fondé à faire saisir le bien se trouvant
dans le patrimoine fiduciaire, alors même qu'il ne serait pas directement
créancier de la fiducie. La loi sur la fiducie limite cependant l'effet
du droit de suite en le conditionnant à la publication de la
sûreté antérieurement à la constitution de la
fiducie. L'antériorité paraît un critère
évident, et la sûreté réelle assise sur un bien de
la fiducie mais constituée postérieurement à la conclusion
du contrat (et donc postérieurement en principe au transfert de
propriété fiduciaire) devrait être regardée comme
constituée a non domino126(*). On peut regretter à ce propos que la
loi n'exige aucune condition d'opposabilité de la fiducie
vis-à-vis des tiers. Si des formalités d'enregistrement sont
exigées, ce n'est qu'ad validitatem127(*), et nullement à
des fins d'opposabilité. L'article 2025 du Code civil se
réfère ainsi « au contrat de fiducie » et non
pas à son opposabilité qui pourrait être constituée
par l'accomplissement de cette formalité d'enregistrement. Ainsi, la
sûreté réelle assise sur un bien de la fiducie mais
intervenant entre la conclusion de la fiducie et son enregistrement serait
inopposable à la fiducie bien que pouvant avoir été
conclue avec une personne agissant en toute bonne foi, et surtout qui n'avait
aucun moyen de s'assurer que le bien donné en garantie n'avait
été transféré à aucune fiducie.
Heureusement, le délai d'un mois laissé par la loi pour accomplir
les formalités d'enregistrement est suffisamment court et devrait
éviter un contentieux trop important, mais des abus devraient être
constatés.
115. - En revanche la référence aux
« sûretés publiées » pose plus de
difficultés. En effet, toutes les sûretés n'ont pas
à être publiées pour être rendues opposables aux
tiers. Par exemple, le nantissement de créance est opposable aux tiers
dès la date de l'acte128(*). L'article 2025 du Code civil entre donc en conflit
avec certaines dispositions du droit des sûretés. En application
de l'adage specialia generalibus derogant129(*), la loi la plus spéciale doit primer.
Selon nous, ce sont les dispositions gouvernant la fiducie qui doivent donc
s'imposer. Le législateur a donc vraisemblablement pris le parti de
limiter les sûretés opposables à la fiducie aux seules
sûretés publiées130(*), la publication devant impérativement
être antérieure à la fiducie. On ne peut donc qu'encourager
les titulaires de sûretés réelles à faire publier
rapidement leur droit, lorsque cela n'est pas requis par la loi.
2. -
La remise en cause de la fiducie par le droit des entreprises en
difficultés
116. - La loi sur la fiducie envisage la question du droit des
faillites de manière très superficielle. L'article 18 de la loi
du 19 février 2007 ajoute « tout transfert de biens ou de
droits dans un patrimoine fiduciaire en application des articles 2011 et
suivants du code civil » à la liste des actes frappés
par la nullité de la période suspecte qui est dressée par
l'article L. 632-1 du Code de commerce (a). Si l'article 2024 du Code civil
vient poser le principe selon lequel la procédure collective ouverte
contre le fiduciaire « n'affecte pas le patrimoine
fiduciaire », il convient néanmoins d'envisager l'impact que
peuvent avoir les procédures collectives ouvertes contre les personnes
gravitant autour de la fiducie, notamment par le biais de l'extension de
procédure (b).
a. - La nullité de la
période suspecte
117. - La fiducie, en tant qu'acte de disposition (même
si l'aliénation ne peut être que temporaire pour le constituant),
représente un risque pour les créanciers. En période
normale ceux-ci sont protégés par l'action paulienne131(*), laquelle requiert la
réunion de conditions assez strictes pour porter ses fruits. Ces
conditions sont exigées afin de préserver les droits du
constituant lui-même, dès lors que sa mauvaise foi n'est pas
établie. En revanche, lorsque le constituant se retrouve dans une
situation si grave qu'une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire se trouve ouverte contre lui, il parait normal d'organiser une
protection plus ouverte du gage des créanciers, lesquels (principalement
les créanciers chirographaires, qui n'ont que ce droit de gage pour
espérer obtenir satisfaction) voient déjà leurs droits
sérieusement mis à mal par la procédure collective. La
nullité de la période suspecte répond à cette
finalité précise de reconstituer l'actif du débiteur et de
maximiser ainsi le gage de ses créanciers.
118. - Comme le souligne Françoise Pérochon,
« la période précédant le jugement d'ouverture
d'une procédure collective est propice à la
fraude »132(*). Le débiteur qui sent sa situation
définitivement obérée va pouvoir être tenté
d'organiser son insolvabilité en concluant certains actes de disposition
au détriment des droits de ses créanciers. La fiducie fait
à ce titre figure d'instrument très attrayant pour organiser
l'insolvabilité, présentant le double avantage de rendre un bien
insaisissable par les créanciers du constituant et de n'être que
temporaire, ce qui permet à un débiteur de s'assurer qu'il
recouvre sa pleine propriété à l'échéance du
contrat. Le législateur a anticipé ce détournement de la
loi en permettant d'annuler tous les transferts fiduciaires qui seraient
intervenus durant la période suspecte. Cette période
s'étend selon la loi de la date de la cessation des paiements retenue
par le tribunal à la date du jugement d'ouverture. Elle ne peut
cependant pas excéder dix-huit mois ni remonter à une date
antérieure à la décision définitive d'homologation
de l'accord amiable.
119. - La sanction encourue est la nullité, et non
l'inopposabilité comme en matière d'action paulienne. Tout
transfert fiduciaire conclu pendant la période suspecte est donc
anéanti rétroactivement, et ce erga omnes. L'inclusion
à l'article L. 632-1 du Code de commerce implique que cette
nullité est de droit, et non facultative133(*). Enfin, il convient de
souligner que le législateur a souhaité élargir le plus
possible l'assiette des actes nuls, en ne limitant pas ceux-ci aux seuls
contrats de fiducie, mais bien à « tout transfert de biens ou
de droits dans un patrimoine fiduciaire ». Ainsi, ce n'est nullement
la date de conclusion du contrat de fiducie qui importe pour
réintégrer un bien ou un droit de la fiducie dans le patrimoine
du fiduciant, mais seulement la date du transfert. C'est là une
précision fort judicieuse qui nous semble couvrir la plupart des
possibilités de fraude, et ainsi assurer un respect convenable du droit
de gage des créanciers du constituant.
b. - L'exclusion de la fiducie du
droit des procédures collectives
120. - L'article 2024 du Code civil pose le principe que le
patrimoine fiduciaire ne subit aucune conséquence du fait de l'ouverture
d'une procédure collective contre le fiduciaire. La loi établit
ainsi un cloisonnement patrimonial qui est absent par exemple des dispositions
permettant à un entrepreneur individuel de rendre sa résidence
principale insaisissable par ses créanciers professionnels134(*). Il aurait été
souhaitable que le législateur se penche d'une manière plus
poussée sur les procédures collectives relativement aux
dispositions sur la fiducie. La loi est, pour l'essentiel, muette sur ce point,
laissant le droit commun des entreprises en difficultés tel qu'il
ressort de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005
régler les difficultés éventuelles.
121. - La fiducie est exclue du champ d'application du droit
des procédures collectives135(*). Le législateur a nettement pris le parti de
considérer la fiducie dans son aspect contractuel et non institutionnel.
Le choix de soumettre tout transfert fiduciaire à la nullité de
la période suspecte va ainsi dans ce sens. Il est donc impossible
d'ouvrir une procédure collective contre le patrimoine fiduciaire, mais
il est également exclu de procéder dans le cadre d'une
procédure ouverte contre le fiduciant ou le fiduciaire à une
extension de procédure et ainsi d'englober le patrimoine fiduciaire dans
celui du débiteur.
122. - C'est la loi du 26 juillet 2005 qui a consacré
la solution jurisprudentielle permettant, en cas de confusion des patrimoines,
de soumettre plusieurs entités juridiques distinctes à une
même procédure collective, rompant ainsi avec le principe
d'unité de la procédure. L'article L. 621-2 du Code de commerce
dispose que « la procédure ouverte peut être
étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion
de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la
personne morale ». La loi se réfère expressément
à la notion de « personne », empêchant ainsi
que la procédure ouverte contre le fiduciant ou le fiduciaire puisse
être étendue par ce biais à la fiducie, même si les
conditions pourraient par ailleurs en être réunies. La fiducie
n'est qu'un patrimoine d'affectation, et non une personne juridique.
123. - Néanmoins, la nullité de tout transfert
fiduciaire opéré durant la période suspecte, l'action
paulienne dévolue aux créanciers du fiduciant, ainsi que la
limitation stricte des personnes pouvant avoir la qualité de fiduciaire
devraient protéger les créanciers du constituant de la plupart
des fraudes. Leur droit de gage paraît ainsi respecté,
malgré les quelques réserves évoquées.
B. - La fragilité du
cloisonnement patrimonial
124. - La loi sur la fiducie permet tant le transfert
d'éléments d'actif que d'éléments de passif. Ainsi
des créanciers du constituant vont pouvoir voir leur gage modifié
par la transmission de leur dette du patrimoine du fiduciant à celui de
la fiducie. De même, la gestion des éléments d'actifs
détenus au sein du patrimoine fiduciaire va pouvoir faire naître
des dettes. Cet ensemble constitue le passif fiduciaire. Ces créanciers
sont titulaires d'un droit de gage général assis sur l'actif
fiduciaire. C'est la conséquence de l'application des articles 2284 et
2285 du Code civil à la situation particulière engendrée
par la fiducie. Leur droit sur cet actif est a priori exclusif, comme
nous l'avons envisagé précédemment. Néanmoins, afin
d'assurer que leurs droits soient respectés, la loi pose le principe
d'un patrimoine subsidiaire répondant du passif fiduciaire136(*). Cette persistance de
principe de liens patrimoniaux malgré le cloisonnement
opéré par le patrimoine d'affectation (1) abouti à une
quasi-impossibilité pratique de rendre le patrimoine fiduciaire
totalement hermétique (2).
1. -
La persistance de liens patrimoniaux
125. - La loi fixe un principe selon lequel « en
cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant
constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire
du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du
fiduciaire »137(*). Les créanciers de la fiducie sont ainsi
titulaires d'un droit de gage subsidiaire (a) qui n'est pas sans
conséquence pour les créanciers du fiduciant (ou
éventuellement du fiduciaire), qui peuvent avoir un intérêt
à remettre en cause certains actes aggravant le passif fiduciaire
(b).
a. - Le principe d'un droit de
gage subsidiaire
126. - L'application des articles 2284 et 2285 du Code civil
ainsi que la reconnaissance d'un patrimoine fiduciaire distinct de celui du
fiduciant et du fiduciaire aboutie à reconnaître au profit des
créanciers de la fiducie la titularité d'un droit de gage
général assis sur les seuls éléments d'actif du
patrimoine fiduciaire. Ils ont, conformément au premier alinéa de
l'article 2025 du Code civil, une exclusivité sur ces
éléments, et ne sont mis en concurrence avec les
créanciers personnels du constituant que de manière
résiduelle. Eux seuls peuvent en principe saisir les biens de la
fiducie, ce droit de gage venant, comme il est de son essence, offrir un moyen
de pression au créancier sur son débiteur.
127. - Néanmoins des problèmes vont pouvoir se
poser en cas d'insuffisance de l'actif fiduciaire. Ce dernier a vocation
à représenter le gage des créanciers de la fiducie. Son
insuffisance pourrait avoir deux conséquences, l'une en amont, l'autre
en aval. En amont tout d'abord, la fiducie ayant un actif limité au
regard des engagements souscrits ou qu'elle devrait souscrire souffrirait d'un
manque de crédit, ce que certains auteurs stigmatisent dans le cadre
d'autres institutions juridiques, notamment les SARL à capital
très faible (1 € étant le minimum légal) et a
fortiori les EURL138(*).
La conséquence en serait une efficacité réduite par la
constitution systématique de sûretés - comme c'est le cas
dans le cadre des SARL, où le gérant associé majoritaire
est souvent amené à se porter caution des dettes de la
société auprès des principaux bailleurs de fonds - qui en
freinerait l'intérêt. En aval, le risque serait pour les
créanciers de la fiducie de voir leur gage se réduire comme une
peau de chagrin, quand bien même l'engagement qu'ils auraient souscrit
serait parfaitement proportionné à l'actif fiduciaire. Il est en
effet, d'une manière générale, difficile pour un
créancier de s'assurer que le passif de son débiteur n'outrepasse
pas son actif. La situation est analogue dans le cadre d'une fiducie.
128. - Le législateur était visiblement
conscient de ces risques, et a donc choisi d'adopter le principe d'un droit de
gage subsidiaire reconnu au profit des créanciers de la fiducie. Ce
mécanisme représente pour ces derniers une garantie qui leur est
reconnue de lege, et qui ne saurait être écartée
sans qu'ils y consentent139(*). La nature de ce droit présente
néanmoins certaines difficultés. Le vocabulaire employé
par le législateur fait explicitement référence aux
articles 2284 et 2285 du Code civil en évoquant « le gage
commun » que constitue le patrimoine du constituant. Ainsi, le
mécanisme retenu semble être différent par exemple de ce
qui ressort de la loi Dailly dans laquelle le cessionnaire est
« garant solidaire du paiement des créances
cédées ou données en nantissement »140(*). Dans la loi sur la fiducie,
il n'est en revanche pas question de garantie.
129. - Il ressort de l'article 2025 alinéa 2 du Code
civil que tout acte engageant la fiducie va engager non seulement l'actif
fiduciaire mais également et de plein droit l'actif du fiduciant ou du
fiduciaire, voire cumulativement les deux, selon les stipulations du contrat.
Le droit de créance naissant de l'engagement du fiduciaire agissant
ès qualités engendre un droit de gage double voire
triple. Néanmoins l'engagement des biens du fiduciant ou du fiduciaire
n'est que subsidiaire : ce n'est qu'en cas « d'insuffisance du
patrimoine fiduciaire » qu'ils pourront être
appréhendés par les créanciers de la fiducie. La loi est
encore une fois lacunaire sur ce point, en ne précisant ni le moment, ni
les conditions d'appréciation de cette insuffisance d'actif. Il n'est
pas précisé si elle suppose par exemple de vaines poursuites
préalables à l'encontre de la fiducie. En l'absence de
disposition légale dans ce sens, il est probable que la réponse
soit négative. Notre opinion est que le créancier formant une
demande portant sur les biens du fiduciant ou du fiduciaire et fondée
sur l'insuffisance d'actif de la fiducie devrait établir celle-ci afin
de voir son action jugée recevable. La défaillance du
débiteur principal ne suffit a priori pas.
130. - Le titulaire du patrimoine subsidiaire peut être
regardé comme un codébiteur subsidiaire, dont l'obligation
patrimoniale serait conditionnée à l'insolvabilité du
débiteur principal. Il est à mi-chemin entre le codébiteur
solidaire et la caution. D'une certaine façon, son obligation semble se
rapprocher davantage de l'obligation à la dette des associés de
sociétés de personnes141(*). La loi elle-même semble s'y
référer en évoquant « l'obligation au passif
fiduciaire »142(*). Quoi qu'il en soit, l'existence de ce droit de gage
subsidiaire constitue une remise en cause relative de l'affectation
patrimoniale réalisée, en ce qu'elle rend perméable le
cloisonnement opéré entre les différents patrimoines.
Néanmoins, la solution ne nous paraît pas critiquable dans le sens
où elle vise à éviter les abus et à faire de la
fiducie un instrument fiable et efficace.
b. - La remise en cause des actes
aggravant le passif fiduciaire
131. - Lorsque le fiduciaire agit pour le compte de la
fiducie, il doit mentionner qu'il agit ès qualités.
Lorsque c'est le cas, il n'est pas engagé personnellement. D'une
manière comparable au mandataire qui agit dans le cadre de son mandat,
les actes accomplis engagent directement la fiducie. Dénuée de
personnalité juridique, l'engagement de la fiducie s'entend davantage au
niveau patrimonial, via le droit de gage général dont se
trouvent investis les créanciers de la fiducie. L'actif fiduciaire
répond du passif fiduciaire. La notion d'obligation se trouve totalement
objectivée, étant assimilée à la contrainte sur les
biens du débiteur. L'existence cependant d'un droit de gage subsidiaire
pesant sur les biens du fiduciant ou du fiduciaire (mais cette dernière
hypothèse devrait être largement minoritaire) implique que tout
acte engageant la fiducie va ipso facto avoir des répercussions
sur le patrimoine subsidiaire. Le gage des créanciers personnels du
fiduciant ou du fiduciaire va ainsi non pas décroitre, mais être
mis en concurrence avec le droit subsidiaire des créanciers de la
fiducie. Au-delà même des actes aggravant le passif de la fiducie,
le problème des actes diminuant l'actif fiduciaire se pose dans des
termes similaires.
132. - Les créanciers du fiduciant ou du fiduciaire
peuvent avoir un intérêt important à remettre en cause tout
acte de la fiducie aggravant leur situation personnelle de manière
indirecte. La possibilité pour ces créanciers d'agir sur le
fondement de l'action paulienne parait difficile. En effet, d'une part,
l'article 1167 alinéa 1er du Code civil permet à un
créancier d'agir seulement contre les actes accomplis par son
débiteur. Selon les modalités du contrat de fiducie, les pouvoirs
d'administrations voire de disposition vont pouvoir être exercés
soit par le fiduciaire (lorsque celui-ci est le bénéficiaire de
l'opération) soit par le fiduciant, soit même par un tiers
(lorsque le contrat de fiducie prévoit un bénéficiaire qui
n'est ni le fiduciant, ni le fiduciaire, et que cette convention octroie une
part du jus utendi, voire du jus abutendi, à ce
tiers). Les actes engageant la fiducie sont conclus ès
qualités. Dès lors, on peut s'interroger sur le point de
savoir si la personne juridique agissant ès qualités est
assimilable à la personne stricto sensu, afin de définir
si l'acte conclu ès qualités peut être
regardé, vis-à-vis des créanciers personnels de cette
personne, comme « faits par leur débiteur ». Selon
nous la réponse à cette question doit être positive, du
fait de l'unité de la personnalité juridique. Reconnaître
qu'une personne agissant ès qualités au nom de la
fiducie est la manifestation d'une personnalité distincte
équivaut selon nous à reconnaître une personnalité
juridique à la fiducie. Ainsi, un acte conclu par le fiduciaire ou le
constituant au nom de la fiducie serait susceptible d'être reconnu
inopposable aux créanciers personnels de la personne ayant agi,
dès lors que les autres conditions de recevabilité de l'action
paulienne seraient réunies, ce qui devrait être rare. De plus, la
finalité d'une telle action serait de reconstituer l'actif fiduciaire
rendu frauduleusement insuffisant au regard du passif, et ainsi de
réduire le gage subsidiaire affectant directement les droits des
créanciers personnels du fiduciaire ou du fiduciant. Dans le cas d'un
acte accompli par un tiers en revanche, les recours de la part des
créanciers du titulaire du patrimoine subsidiaire seraient irrecevables
sur le fondement de l'action paulienne.
133. - Outre l'action paulienne, l'action oblique
paraît plus certainement ouverte aux créanciers du fiduciant, et
dans une moindre mesure à ceux du fiduciaire. L'action oblique est
disposée par l'article 1166 du Code civil, et permet aux
créanciers d' « exercer tous les droits et actions de
leur débiteur, à l'exception de ceux qui son exclusivement
attachés à la personne ». L'action oblique constitue
une sorte de droit d'ingérence du créancier dans les affaires de
son débiteur lui permettant de combler la carence de ce
dernier143(*).
Appliquée dans le cadre de la fiducie, l'action oblique pourrait
permettre aux créanciers du fiduciant d'agir, en cas de carence de
celui-ci, dans le cas, par exemple, où le fiduciaire aurait accompli un
acte outrepassant ses pouvoirs engageant ainsi sa responsabilité
contractuelle. Les créanciers du fiduciaire ou du constituant peuvent
ainsi être amenés à exercer tous les droits et toutes les
actions de leur débiteur, dès lors où ces droits et
actions ne sont pas exclusivement attachés à la personne.
L'action serait ouverte dès lors que le créancier agissant
justifierait d'un intérêt à agir constitué par
l'atteinte portée à son droit de gage du fait de l'inaction de
son débiteur144(*). Les créanciers du fiduciant, dès lors
que le patrimoine de ce dernier répondrait subsidiairement du passif
fiduciaire, seraient fondés, en cas d'inaction de leur débiteur,
à exercer toutes les actions ouvertes au constituant contre les actes
accomplis au nom et pour le compte de la fiducie et en aggravant le passif ou
en diminuant l'actif. Sous la même réserve de l'inaction de leur
débiteur ils pourraient agir en responsabilité contractuelle
contre le fiduciaire, voire même demander judiciairement le remplacement
du fiduciaire en application de l'article 2027 du Code civil.
134. - On le voit, le principe du patrimoine subsidiaire
posé par l'article 2025 du Code civil représente à la fois
une sécurité pour le droit de gage des créanciers de la
fiducie et un danger pour ceux du titulaire de ce patrimoine subsidiaire, qui
sera dans la plupart des cas le fiduciant. Les instruments juridiques assurant
le respect du droit de gage des créanciers et existant
déjà dans le droit français vont ainsi permettre, sous
certaines conditions très strictes, de remettre en cause non plus la
fiducie elle-même, mais bel et bien son fonctionnement propre. Ces
actions représentent ainsi une menace pour la fiducie. Mais cette menace
est légitime, car elle vient soit combler les lacunes d'un fiduciant
négligeant, soit sanctionner les actes frauduleux.
2. -
La quasi-impossibilité pratique d'un cloisonnement hermétique
135. - La loi sur la fiducie pose certes le principe d'un
patrimoine subsidiaire, mais envisage la possibilité de déroger
à cette règle en limitant au seul actif fiduciaire le gage des
créanciers de la fiducie. C'est l'alinéa 3 de l'article 2025 du
Code civil qui ouvre cette possibilité. Le contrat de fiducie peut ainsi
prévoir expressément que le passif de la fiducie (passif acquis
ou transmis) sera supporté par l'actif fiduciaire et lui seul. Mais
« une telle clause n'est opposable qu'aux créanciers qui l'ont
expressément acceptée », selon la lettre même de
l'article 2025 alinéa 3 in fine du Code civil.
136. - On trouve dans le droit commun un mécanisme
similaire permettant à un débiteur de réduire l'assiette
du gage de ses créanciers en convenant expressément avec eux de
l'exclusion de certains biens de leur droit de gage. C'est un arrêt de
1972 qui a affirmé que les articles 2092 et 2093 du Code civil
n'étaient pas d'ordre public et a ainsi validé les clauses de
limitation conventionnelle du droit de gage général145(*). Cela aurait pu ouvrir la
possibilité en France de constituer des patrimoines d'affectation. Ce
n'est cependant vrai qu'en théorie, la réalisation pratique
étant confrontée à un double obstacle :
- la grande lourdeur de l'opération consistant à
limiter précisément le droit de gage de tous ses
créanciers dans chaque convention conclue,
- et le fait que s'il est concevable que quelques
créanciers acceptent de consentir à une limitation de leur droit,
la probabilité que tous le fassent est très faible, notamment les
principaux créanciers qui se trouvent de ce fait en position de force et
n'ont par conséquent aucun intérêt à y consentir. Ce
double obstacle se trouve atténué dans le cadre de la fiducie,
mais perdure tout de même, l'exigence du consentement exprès des
créanciers étant posée.
137. - Cette disposition n'a en réalité qu'une
seule fonction. Elle permet la réalisation d'opérations de
defeasance sur le sol français146(*). En effet cette
opération suppose qu'une dette ou qu'un ensemble de dettes soient sortis
du bilan d'une société afin d'être traités par une
structure dédiée. Il s'agit d'une externalisation de dettes dans
laquelle les créanciers perdent toute possibilité d'agir
directement contre le patrimoine de leur débiteur originel. Ils
renoncent à tout recours permettant ainsi une externalisation absolue du
passif transféré, ce qui comptablement permet d'aboutir aux
résultats recherchés.
138. - La contrainte qui pesait sur le législateur
d'instituer une opération respectueuse du droit de gage des
créanciers (du constituant comme de la fiducie) aboutie à une
relativisation de l'infléchissement de la théorie du patrimoine
que représente par ailleurs cette loi147(*). Ainsi, des liens patrimoniaux persistent
malgré l'affirmation du patrimoine fiduciaire comme étant un
patrimoine d'affectation, distinct par conséquent de celui, personnel,
du fiduciant ou du fiduciaire. La loi sur la fiducie a anticipé les
conséquences fiscales ou comptables notamment en prévoyant de
nombreuses dispositions spéciales sensées régler les
difficultés posées par l'opération. Néanmoins ces
droits spéciaux sont particulièrement peu clairs, et, de
surcroît, parfois contradictoires, au point de brouiller
considérablement les cartes quant à l'existence d'un patrimoine
d'affectation.
II. -
La difficile coordination des droits spéciaux
139. - Dans la théorie classique d'Aubry et Rau, le
patrimoine est non seulement unique, mais étant attaché à
la personne, il est intransmissible du vivant de son titulaire, qui ne s'en
défait que par son décès. La conception objective du
patrimoine se distingue de cette conception en procédant à un
détachement du patrimoine et de la personne. Le patrimoine peut ainsi
devenir multiple, mais il est de plus transmissible entre vifs. La fonction
essentielle de la fiducie (ou du trust) est de permettre la
constitution d'un patrimoine d'affectation et d'en assurer sa transmission,
soit à un tiers, soit à son constituant (il y a alors
rétrocession).
140. - L'introduction d'une telle opération en droit
français supposait l'adaptation des règles de droit devant
régir la situation au niveau fiscal et comptable (principalement). La
loi sur la fiducie a donc introduit de nombreuses dispositions spéciales
afin d'assurer notamment la neutralité fiscale tant
recherchée148(*).
Malheureusement l'ensemble des dispositions adoptées manque
singulièrement de clarté et de cohérence. Les
contradictions de ces textes semblent mettre à mal le principe
affirmé par ailleurs de l'affectation patrimoniale et de l'autonomie du
patrimoine fiduciaire (A). De plus, l'innovation majeure que constitue la
transmissibilité entre vifs du patrimoine fiduciaire a suscité
quelques difficultés (B).
A. - La mise à mal de l'affectation
patrimoniale par les droits spéciaux
141. - L'affectation patrimoniale qu'opère la loi sur
la fiducie semble satisfaisante, ainsi que nous l'avons
envisagé149(*).
Mais le régime fiscal et comptable mis en place pour la fiducie est
parfois en contradiction avec les dispositions civiles, ce qui entraine une
relative fragilisation de l'ensemble de l'opération. Ainsi les
dispositions spéciales aboutissent à une grande
hétérogénéité quant à l'autonomie du
patrimoine fiduciaire (1) et quant à sa titularité (2).
1. - L'autonomie
variable du patrimoine fiduciaire
142. - Le patrimoine fiduciaire constitue un patrimoine
d'affectation, c'est-à-dire une masse distincte du patrimoine du
fiduciaire et de celui du constituant. Mais sa réalité juridique
est particulièrement variable dès lors que l'on se penche sur les
dispositions fiscales et comptables. La tangibilité du patrimoine
fiduciaire varie selon que le constituant est désigné comme
bénéficiaire de la fiducie (a) ou qu'il ne l'est pas (b).
a. - Lorsque le constituant est le ou l'un des
bénéficiaires de la fiducie
143. - Lorsque le contrat de fiducie désigne le
constituant comme étant le ou l'un des bénéficiaires de la
fiducie, alors l'effet translatif de la fiducie est atténué, au
regard du droit fiscal notamment. Dans ce cas de figure, les biens et droits
transférés à la fiducie ont pour vocation de
réintégrer in fine le patrimoine du constituant. De ce
fait on peut caractériser deux transferts qui se croisent. D'un point de
vue fiscal, un transfert de propriété sous-entend l'imposition de
cette mutation. Dès lors, l'opération réalisant deux
transferts, même croisées, suppose en principe deux droits de
mutation distincts. On voit là toute la lourdeur qui aurait
entravé le fonctionnement de la fiducie si aucune adaptation à
ses spécificités n'avait été
réalisée. Plusieurs dispositions de la loi du 19 février
2007 vont donc dans ce sens.
144. - Néanmoins, la spécificité des
règles s'appliquant au cas particulier dans lequel le constituant de la
fiducie en est également le ou l'un des bénéficiaires
viennent contredire les dispositions civiles et parfois même viennent se
contredire entre elles. Ainsi la constitution d'une fiducie, réalisant
un transfert de biens et de droits d'un patrimoine à un autre, suppose
la perception de diverses impositions. Le transfert de certains types de
biens150(*) donne
notamment lieu à la perception d'une taxe de publicité
foncière de 0,60 %151(*). En revanche, lorsqu'à
l'échéance du contrat les biens du patrimoine fiduciaire
retournent au constituant, cette taxe n'est pas due152(*). Le droit fiscal
reconnaît donc l'existence d'une mutation imposable dans un sens mais pas
dans l'autre.
145. - D'une manière similaire, la loi sur la fiducie
a prévu au bénéfice du constituant d'une fiducie un sursis
d'imposition des plus ou moins-values ou des gains et des pertes qui seraient
réalisés à l'occasion du transfert à la
fiducie153(*). Or ces
dispositions prévoient que, pour bénéficier du sursis, les
valeurs à prendre en compte fiscalement (pour les calculs
d'éventuelles plus ou moins-values réalisées
ultérieurement) et comptablement (pour l'inscription des biens dans les
écritures comptables) ne soient pas les valeurs réelles mais les
valeurs qui étaient celles des biens dans les écritures du
constituant. Autrement dit, le sursis n'est octroyé au constituant
qu'à la condition qu'il n'y ait pas de plus ou moins-value
réalisée, c'est-à-dire lorsque aucune imposition n'est
due. Ces dispositions indiquent de plus que lorsque le constituant est le
bénéficiaire de la fiducie, le patrimoine fiduciaire
représente, tant au niveau fiscal que comptable, un prolongement du
patrimoine du constituant. En effet, les écritures comptables du
patrimoine fiduciaire, pourtant distinctes de celles du constituant, se doivent
de reprendre les valeurs qui étaient celles inscrites chez ce dernier.
Si les parties à la fiducie décident de ne pas souscrire aux
conditions posées par l'article 223 V. du Code général des
impôts (ce qu'ils peuvent parfaitement faire), alors ils s'exposent
à une double imposition dissuasive.
b. - Lorsque le constituant n'est pas le
bénéficiaire de la fiducie
146. - La position adoptée par le législateur
(outre le fait qu'elle soit parfois incompréhensible) semble indiquer
que, lorsque le constituant est désigné comme le ou l'un des
bénéficiaires de la fiducie, le patrimoine fiduciaire constitue
davantage une émanation du patrimoine du constituant qu'une
universalité autonome au niveau fiscal et comptable. La situation que
l'on observe en revanche lorsque le bénéficiaire est le
fiduciaire ou un tiers est diamétralement opposée. Dans ce cas en
effet, le patrimoine fiduciaire a une réelle autonomie fiscale et
comptable, aboutissant notamment à la taxation des plus ou moins values
réalisées par le constituant lors du transfert à la
fiducie au titre de l'exercice au cours duquel a lieu ce transfert. Cela
implique de plus l'imposition spécifique de deux mutations distinctes.
La législation qui s'applique alors ne prend pas vraiment en compte la
spécificité de la fiducie-gestion, qui a vocation notamment
à se substituer au mandat de gestion. Ce dernier présente certes
des inconvénients, mais la fiducie, envisagée en tant
qu'instrument de gestion, constitue un instrument très lourd
fiscalement, ce à quoi vient s'ajouter le risque considérable
représenté par la prohibition des
libéralités154(*).
147. - Les dispositions spéciales brouillent
considérablement l'affectation patrimoniale (déjà peu
claire) réalisée par l'opération de fiducie. Guidée
par un objectif de neutralité fiscale, et de manière
sous-entendue, par la crainte de la fraude et de l'évasion fiscale,
l'ensemble abouti à une autonomie variable du patrimoine d'affectation
fragilisant la cohérence de la loi ainsi que son intérêt
pratique. On ne peut que déplorer que ce manque de cohérence se
retrouve relativement à la titularité du patrimoine
fiduciaire.
2. -
La titularité du patrimoine fiduciaire
148. - Là encore les dispositions spéciales se
heurtent et se contredisent. Certaines dispositions rattachent le patrimoine
fiduciaire au constituant (a) alors que d'autres établissent ce lien
avec le fiduciaire (b).
a. - Le rattachement du patrimoine
fiduciaire au constituant
149. - Au-delà de la pluralité des patrimoines
dont pourrait être titulaire une même personne, la théorie
classique du patrimoine ignore la conception d'un patrimoine sans titulaire.
C'est pourtant l'une des conséquences intrinsèque de la
théorie du patrimoine-but155(*). Le patrimoine fiduciaire pose le problème du
rattachement du patrimoine d'affectation à une personne dotée du
pouvoir sur ce patrimoine, réalisant ainsi la dissociation entre le lien
patrimonial et le pouvoir qui se trouvent être tous deux attachés
à la propriété156(*). La loi sur la fiducie a ainsi organisé le
rattachement du patrimoine fiduciaire selon des règles
hétéroclites et parfois contradictoires.
150. - Relativement à l'imposition des
résultats de la fiducie, la loi prend le parti de rattacher le
patrimoine d'affectation à la personne juridique du constituant. Lorsque
la fiducie dégage par son activité un bénéfice,
celui-ci, conformément aux dispositions de l'article 223 VA du Code
général des impôts, est imposée directement entre
les mains du constituant. Le bénéfice imposable ou
éventuellement le déficit qui est dégagé par
l'exploitation du patrimoine fiduciaire vient donc s'imputer sur le
bénéfice imposable de la personne morale du constituant. Ce
même article dispose que la détermination du
bénéfice imposable de la fiducie se fait selon les mêmes
règles que celles s'appliquant au bénéfice imposable du
constituant. Enfin, l'article 223 VC du Code général des
impôts prévoit que le chiffre d'affaire réalisé par
la fiducie vient s'imputer sur celui du constituant pour déterminer les
différents seuils prévus par le Code général des
impôts. On peut penser par exemple à l'applicabilité du
taux réduit de l'impôt sur les sociétés157(*). Pour l'ensemble de ces
règles fiscales, le patrimoine fiduciaire semble transparent. L'analogie
avec les sociétés de personnes fiscalement
transparentes158(*) est
permise. Mais il convient de relativiser les similitudes, ne serait-ce que du
fait de la faculté d'option qui est ouverte à toutes ces
sociétés, qui peuvent renoncer à la transparence
fiscale159(*). En
réalité, le patrimoine fiduciaire n'a pas la même
consistance, la même tangibilité juridique, sur le plan du droit
fiscal, que le patrimoine d'une société, que celle-ci soit
fiscalement transparente ou non.
b. - Le rattachement du patrimoine fiduciaire au
constituant
151. - Le constituant, bien que censé s'être
dessaisi de la titularité des biens et droits transférés,
conserve un lien juridique (fiscal) avec le patrimoine fiduciaire. Toutefois,
pour de nombreuses questions, c'est au fiduciaire qu'il est rattaché.
Civilement, c'est le fiduciaire qui est réputé, à
l'égard des tiers, disposé des plus larges prérogatives
sur les biens de la fiducie160(*). D'un point de vue comptable, c'est sur le
fiduciaire que pèse l'obligation de tenir une comptabilité
autonome161(*). De
même, le droit fiscal regarde le fiduciaire comme étant
l'exploitant du patrimoine fiduciaire, et c'est lui qui est, à ce titre,
redevable de la TVA162(*) mais également des impositions
locales163(*), taxe
professionnelle et taxe foncière.
152. - D'une manière similaire, mais peut être
plus dommageable, la loi sur la fiducie ne prévoit aucune disposition
spécifique lorsque les biens du patrimoine fiduciaire sont
constitués de droits sociaux164(*). La détention de ces droits sociaux au sein
du patrimoine fiduciaire peut poser des difficultés relativement aux
aménagements fiscaux s'appliquant aux groupes de sociétés,
c'est-à-dire le régime des sociétés
mères165(*) et
l'intégration fiscale166(*). Ces aménagements prévus afin de
simplifier la fiscalité des groupes de société reposent
sur la détention d'un minimum de droits sociaux. Le transfert à
une fiducie par la holding de droits sociaux de sa filiale semble
faire obstacle à l'application du régime de l'intégration
fiscale (et également à celui des sociétés
mères), quand bien même la holding, en tant que
bénéficiaire de la fiducie-sûreté, conserverait les
prérogatives (droits politiques et financiers au sein de la filiale)
attachées à ces droits sociaux. La titularité du pouvoir
semble légalement dévolue au fiduciaire, et ce de manière
irréfragable. On peut dès lors regretter que le
législateur n'ait pas envisagé ce cas en adaptant la loi fiscale,
comme cela a par ailleurs été fait en matière de chiffre
d'affaire167(*).
153. - Ces règles disparates allant dans des sens
contraires n'aident pas à la cohérence de la fiducie
française. Le législateur s'est visiblement davantage
concentré sur les risques d'évasion fiscale (imposition entre les
mains du constituant sans possibilité d'option, chiffre d'affaire
apprécié chez le constituant dans sa globalité) que sur
les difficultés pratiques qui pourraient nuire à la
compétitivité de l'opération. La transmissibilité
du patrimoine fiduciaire soulève également, dans la loi, de
nombreuses difficultés.
B. - Les difficultés
soulevées par la transmissibilité du patrimoine fiduciaire
154. - Il est de l'essence du patrimoine fiduciaire
d'être transféré, in fine, au
bénéficiaire de l'opération. Deux problèmes se
posent relativement à cette transmissibilité, la prohibition des
fiducies-libéralités d'une part (1), et la cessibilité des
droits du constituant d'autre part (2).
1. -
La prohibition des fiducies-libéralités
155. - Le législateur a choisi d'interdire dans la
loi, à peine de nullité, toute intention libérale du
constituant au profit du ou des bénéficiaires de
l'opération. De ce problème théorique (a) surgissent des
difficultés pratiques (b).
a. - Le problème théorique
156. - La prohibition des fiducies-libéralités
trouve son origine dans la proposition de loi déposée par le
sénateur Philippe Marini. Dans ce texte, la fiducie était ouverte
à toutes les personnes, physiques et morales. L'admission de la
fiducie-libéralité aurait permis de contourner les dispositions
impératives (et récentes) relatives aux successions et aux
libéralités. On retrouve pour les mêmes raisons cette
prohibition dans le texte proposé par la commission des lois du
sénat168(*). Mais
le texte définitif adopté par l'Assemblée Nationale
contient une restriction rationae personae quant au constituant qui
était absente des propositions originaires. Or, alors que la prohibition
des libéralités se justifiait aisément lorsque le
constituant pouvait être une personne physique, la limitation de la
qualité de constituant aux seules personnes morales soumises à
l'impôt sur les sociétés ne la justifie plus selon nous, le
risque de contournement des législations d'ordre public n'étant
plus caractérisé.
157. - Néanmoins, cette restriction demeure dans la
loi sur la fiducie et elle devrait occasionner de nombreux problèmes,
notamment un important contentieux fiscal. Civilement le contrat qui
« procède d'une intention libérale au profit du
bénéficiaire » est nul, de nullité absolue et
d'ordre public169(*).
Dès lors que seraient caractérisées, entre le constituant
de la fiducie et le ou les bénéficiaires, l'absence de
contrepartie réelle (élément objectif de la
libéralité) et l'animus donandi (élément
subjectif), la fiducie serait nulle, ce qui remettrait en cause toute
l'opération. Néanmoins cette règle civile semble poser
beaucoup d'inconvénients, sans pour autant trouver de justification au
fond. En effet, étant donné la nature du constituant (une
personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés),
la possibilité d'être l'auteur de libéralité
apparaît en tout état de cause entravé grandement (et dans
de nombreux cas) par l'intérêt social. En effet tout acte
contraire à l'intérêt de la société est
sanctionné par la nullité absolue170(*). D'un point de vue fiscal,
les critères de détermination de la libéralité sont
encore plus stricts que civilement. Ainsi, il est tout à fait possible
qu'une fiducie soit valide d'un point de vue civil, mais qu'elle constitue une
donation sur le plan fiscal. Les critères fiscaux sont
évoqués de manière non limitative (laissant toute latitude
à l'Administration fiscale) par l'article 792 bis alinéa
2 du Code général des impôts. L'intention libérale
se caractérise ainsi fiscalement par l'absence « de
contrepartie réelle ou lorsqu'un avantage en nature ou
résultant d'une minoration du prix de cession est accordé
à un tiers ». La sanction est particulièrement
lourde ; elle consiste en la taxation de la libéralité
à un taux de 60 %171(*), a priori particulièrement
dissuasif.
b. - Les difficultés pratiques
158. - Pratiquement les conséquences vont être
désastreuses pour les parties. Alors que la fiducie aurait pu permettre
à des sociétés partenaires de mettre en commun des moyens
et ce sans contrepartie (un abandon de créance en faveur d'un partenaire
connaissant des difficultés passagères n'est-il pas sous
certaines conditions conforme à l'intérêt social ?
Constitue-t-il toujours un acte anormal de gestion ?), la prohibition des
fiducies-libéralités et son appréciation
particulièrement stricte qu'en fait le droit fiscal viennent constituer
un obstacle à l'attractivité de l'opération. Un tel
principe est particulièrement critiquable de plus du fait que sa
justification juridique a disparu. Selon nous les garde-fous constitués
par le droit commun (des sociétés notamment) auraient
constitué une garantie suffisante et autorisé une plus large
souplesse s'accommodant parfaitement avec les objectifs de la fiducie.
159. - La prise en compte des enjeux internationaux
confère à la question une toute autre ampleur. En effet car avec
l'instauration d'une législation sur la fiducie vient se poser la
question de l'intégration des fiducies étrangères dans
l'ordre juridique interne. La question va prendre tout son sens en
présence de fiducies-libéralités (fiducies successorales)
conclues à l'étranger mais se dénouant en France (le
constituant décède sur le territoire français après
y avoir établi son domicile par exemple). D'un point de vue civil,
l'application de la loi d'autonomie, sous réserve du respect des
règles d'ordre public international que constituent certaines
dispositions du droit des successions, ne fait pas difficulté. En
revanche, l'application des règles fiscales propres à la fiducie
française aboutirait à une surtaxation de l'opération.
Néanmoins, en matière de trust successoral, la Cour de
cassation a par le passé estimé que l'opération
s'analysait en « une donation indirecte » qui prenait date
« au moment du décès du donateur par la réunion
de tous ses éléments »172(*). Cette interprétation
fort critiquable du trust en ce qu'il méconnaît ses
effets (la révocabilité du trust testamentaire l'en
rapproche davantage d'une disposition testamentaire que d'une donation
indirecte) aboutie en l'occurrence à la taxation des
libéralités selon le lien de parenté entre le donataire et
le défunt.
160. - Les dispositions fiscales adoptées afin de
sanctionner les fiducies-libéralités ne nous semblent pas avoir
vocation à s'appliquer à des fiducies ou à des
trusts étrangers conclus entre des personnes physiques à
des fins successorales. Selon nous il convient de procéder selon les
règles de qualification internationale, ce qui aboutie à traiter
les fiducies-libéralités étrangères, dès
lors qu'elles sont légales au regard du droit étranger et
qu'elles ne sont pas entachées de fraude, comme les trusts
étrangers. Le régime fiscal à appliquer est selon nous
celui qui est applicable à l'opération similaire dans ses effets,
et nous dans son appellation. La solution, certes critiquable, de l'affaire
Zieseniss nous paraît, faute de mieux, devoir s'appliquer aux fiducies
successorales étrangères.
2. -
La cessibilité des droits du constituant
161. - Outre les difficultés suscitées par la
prohibition, non justifiée selon nous, des
fiducies-libéralités, la question de la transmission du
patrimoine fiduciaire se retrouve également, d'une manière
sous-jacente, relativement à la cessibilité des droits que le
constituant possède « au titre de la
fiducie »173(*). Ce point tel qu'envisagé dans la loi
prête le flan à deux critiques, la première tenant à
la transparence fiscale de ces droits (a) et la seconde aux restrictions
légales à leur cessibilité (b).
a. - La transparence fiscale des droits du
constituant
162. - C'est l'article 2013-1 du Code civil qui évoque
la cessibilité des « droits du constituant au titre de la
fiducie », en en posant les contraintes. L'évocation de ces
« droits » peut faire penser dans un premier temps aux
droits sociaux que reçoit l'associé en contrepartie de ses
apports174(*). Le
constituant d'une fiducie, transférant la titularité de biens et
de droits à un patrimoine d'affectation se verrait alors
reconnaître en contrepartie la titularité de droits portant
directement sur ce patrimoine, envisagé alors dans son ensemble en tant
qu'universalité, et non plus sur ses éléments individuels.
Ces droits fiduciaires permettraient de fonder aisément l'imposition des
résultats du patrimoine d'affectation directement entre les mains du
constituant, et ce d'une manière analogue à la situation de
l'associé d'une société de personnes, fiscalement
transparente.
163. - Le fiduciant serait alors titulaire d'un droit sur le
patrimoine d'affectation, qu'il pourrait céder. Mais cette analyse, qui
conférerait une certaine cohérence à la notion de
patrimoine d'affectation telle qu'envisagée dans la loi, ne semble pas
être celle qu'opère le droit fiscal. La loi du 19 février
2007 a en effet introduit un article 1378 septies du Code
général des impôts en vertu duquel « pour
l'application des droits d'enregistrement, les droits du constituant
résultant du contrat de fiducie sont réputés porter sur
les biens formant le patrimoine fiduciaire. Lors de la transmission de ces
droits, les droits de mutation sont exigibles selon la nature des biens et
droits transmis ». Le constituant a certes un
« droit » en contrepartie du transfert fiduciaire, mais ce
droit ne porte pas sur un patrimoine, mais sur ses éléments.
Toujours par analogie avec les sociétés, cela reviendrait
à considérer que la cession des parts sociales ou des actions
devrait être regardée fiscalement comme la cession d'une partie du
patrimoine de la personne morale, et que l'imposition serait fonction de sa
composition. Or fiscalement, la cession de droits sociaux est soumise à
un régime spécifique approprié à la
tangibilité juridique de ceux-ci175(*).
164. - Fiscalement, la transparence des
« droits » du constituant au titre de la fiducie
équivaut à la négation du patrimoine d'affectation. Ainsi,
que le constituant cède un bien de son propre patrimoine ou qu'il
cède une partie d'un patrimoine fiduciaire, cela revient fiscalement
à la même chose. Le législateur a, et cela est très
critiquable, omis de définir la nature de ces droits. Cependant, il
semble que leur fonction essentielle soit de justifier les dispositions
fiscales frappant le constituant.
b. - Les restrictions légales à la
cessibilité
165. - Faisant écho à la double restriction
frappant d'une manière générale la fiducie (limitation
rationae personae relative au constituant ; prohibition des
fiducies-libéralités), le législateur a restreint la
cessibilité des droits du constituant. Ce dernier, s'il peut a
priori céder ses droits qu'il détient sur le patrimoine
fiduciaire, ne peut le faire en réalité qu'au profit d'une
personne morale assujettie à l'impôt sur les
sociétés, et il ne peut le faire qu'à titre
onéreux.
166. - Selon nous la cessibilité des droits du
constituant n'est envisageable que lorsqu'il est lui-même le ou l'un des
bénéficiaires de la fiducie, ou lorsqu'aucun
bénéficiaire n'est désigné176(*). Cette cession s'accompagne
alors nécessairement du transfert des droits qui sont
éventuellement les siens en tant que bénéficiaire. Lorsque
le constituant n'est pas bénéficiaire, il ne conserve sur les
biens de la fiducie aucun pouvoir d'administration ou de disposition.
Dès lors la cession de ses droits paraît dénuée
d'intérêt. Quoiqu'il en soit, la cession de ses droits par le
constituant suppose « un acte écrit
enregistré », de même que la cession par le
bénéficiaire de ses droits177(*).
167. - Si la restriction rationae personae quant aux
cessionnaires des droits du constituant paraît fondée (afin
d'éviter une fraude à la loi), on peut remettre en cause la
prohibition de la transmission à titre gratuit. En effet, l'intention
libérale prohibée est celle existant entre le constituant et le
bénéficiaire. Mais elle paraît justifiée entre le
constituant et le cessionnaire dans trois hypothèses :
- le constituant est le ou l'un des
bénéficiaires de la fiducie. Ainsi, s'il est certes impossible de
consentir une libéralité à soi-même, la transmission
à titre gratuit des droits du constituant, lorsqu'à cette
qualité est attachée celle de bénéficiaire,
équivaut dès lors à une fraude.
- aucun bénéficiaire n'est encore
désigné par le contrat de fiducie. Le cessionnaire peut alors
selon les conditions prévues par le contrat - mais dans ce cas la
prohibition légale n'est pas toujours justifiée selon nous - se
désigner comme bénéficiaire, ce qui équivaut
dès lors à une fraude.
- le ou les bénéficiaires n'ont pas encore
accepté la fiducie. Il est alors possible pour le cessionnaire (car il
doit être regardé comme le constituant) de révoquer la
fiducie.
Néanmoins, on ne peut que regretter le maintien de
cette prohibition, dès lors qu'elle se justifiait initialement, comme
évoqué précédemment, par la nécessité
d'assurer le respect des dispositions d'ordre public relatives au droit des
successions et des libéralités. La restriction rationae personae
rend caduc la nécessité de prohiber les
fiducies-libéralités.
168. - Ainsi la cessibilité du patrimoine fiduciaire
soulève des difficultés importantes qui fragilisent
l'efficacité (particulièrement pour la prohibition des
fiducies-libéralités et son appréciation stricte et
désastreuse) et la cohérence de l'opération
instaurée. L'ensemble de ces dispositions spéciales, parfois
contradictoires, essentiellement motivées par la crainte des abus et des
fraudes (mais quel instrument juridique est à l'épreuve de la
fraude ?) constitue une relativisation importante selon nous de l'apport
réel de la loi sur la fiducie à la théorie du patrimoine.
Alors que le respect du droit de gage général doit être
regardé comme une nécessité, principalement au regard de
la sécurité juridique, ces dispositions guidées par des
intérêts contraires à l'esprit de la fiducie fragilise la
construction juridique opérée.
Conclusion
169. - L'introduction de la fiducie en France s'est donc
finalement faite, et cela constitue une avancée qu'il convient de
saluer. Devant les impératifs d'un monde juridique globalisé,
doter la France d'un instrument juridique performant à même de
concurrencer trusts et fiducies étrangères était
indispensable. Les obstacles idéologiques constitués par
l'incompatibilité supposée entre conceptions romaniste et
anglo-saxonne du droit ou encore par un attachement exacerbé à
des principes anciens ont certes freiné l'instauration de
l'opération, mais ils ont finalement été levés.
170. - Censée fragiliser la théorie du
patrimoine, la fiducie, loin de porter
« l'estocade »178(*) au principe d'unicité, ne constitue au final
qu'une nouvelle exception à un principe qui en connaissait
déjà plusieurs179(*). Certes, l'admission de la notion de patrimoine
d'affectation peut paraître en opposition avec l'unité du
patrimoine. Mais l'infléchissement pragmatique que constitue la
fiducie180(*)
s'accommode fort bien par ailleurs des grands principes du droit civil,
lesquels ne sont au final que peu affectés par la résurrection de
ce qui était chez les romains le plus anciens des contrats réels.
L'atteinte la plus notable semble au contraire être portée non pas
à la théorie du patrimoine, mais bien à la conception
classique du droit de propriété181(*), lequel semble se subjectiver ou en tout état
de cause, se désobjectiver.
171. - Cette loi, à bien des égards, semble
marquer selon nous, mais seul l'avenir nous le dira, un tournant dans
l'histoire juridique française. Cela ne tient néanmoins pas tant
à ses conséquences directes qu'aux portes qu'elle paraît
ouvrir à plus ou moins long terme. Particulièrement, il nous
semble souhaitable que dans un avenir relativement proche, la restriction
rationae personae frappant le constituant d'une fiducie soit
levée, afin de généraliser un outil qui
présenterait de nombreux avantages pour les personnes juridiques qui en
sont actuellement exclues. Comme le soulignait Monsieur Xavier de Roux dans son
rapport, il convient de ne voir dans la loi du 19 février 2007 qu'
« un pas timide dans la bonne direction : une réforme
a minima, à adopter faute de mieux »182(*). D'une manière
similaire, on ne peut que souhaiter que la défiance envers la fiducie
que l'on retrouve chez certains hommes politiques comme chez certains juristes,
s'estompe avec le temps, afin d'optimiser son utilisation en rationnalisant ses
conséquences fiscales.
172. - Toutefois, pour en revenir à la théorie
du patrimoine, il convient de considérer que si l'infléchissement
que représente cette loi est relativisé par son champ
d'application restreint, une généralisation de la fiducie
à l'ensemble des personnes juridiques impliquerait la fin du principe
selon lequel chaque personne n'a qu'un patrimoine, c'est-à-dire la fin
de l'unité du patrimoine. Cette assertion doit cependant être
relativisée là encore par le fait que le maintien du droit de
gage général des créanciers paraît devoir survivre
à une généralisation de la fiducie183(*). Cette dernière
n'aboutirait finalement qu'à reconnaître aux personnes juridiques
la possibilité de constituer, dans un but précis, un patrimoine
certes autonome, mais au final rattaché (sauf clause contraire et accord
des créanciers) au patrimoine unique du constituant ou du fiduciaire,
qui constituerait alors une sorte de méta-patrimoine.
Bibliographie
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Aubry et Rau, Droit civil français, 6e
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à bail et la distinction des droits réels et des droits de
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doctrine classique, Thèse Dijon, A. Rousseau, Paris 1910.
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l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la consacre,
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Brèves notations civilistes sur le verbe avoir, RTD civ. 1994, p.
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Rapports
H. de Richemont, Rapp. Sénat n° 11.
X. de Roux, Rapp. Assemblée Nationale n°
3655.
* 1 Lamy Patrimoine, Mai
2006.
* 2 On constate que le
trust et la fiducie trouvent leurs origines dans une relation de
confiance : en anglais, to trust = faire confiance.
* 3 John Anthony Jolowicz,
Droit anglais, Dalloz : Gareth H. Jones, Principaux domaines
du droit anglais, p. 277.
* 4 Lucy S. McGough,
Successions et Trusts, p. 255.
* 5 Il n'existe en
réalité pas une seule forme de Treuhand, mais plusieurs. V.
à ce sujet Cl. Witz, rapport introductif, in Les opérations
fiduciaires, colloque de Luxembourg des 20 et 21 septembre 1984, FEDUCI,
LGDJ, Paris 1985 ; également H. Coing, Die Treuhand kraft
privaten Rechtsgeschäfts, Munich 1973.
* 6 A. Gobin, Fiducies sans
la fiducie, JCP éd. Not., n° 44-45, p. 315.
* 7 L. Aynès et P. Crocq,
Les sûretés - la publicité foncière,
Defrénois, 2è éd., p. 334. Sur les fiducies
innommées en droit français, v. Cl. Witz, La fiducie en droit
français, thèse, Economica, 1981.
* 8 P. Bouteiller, Loi
n°2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, JCP 29
mars 2007, p. 15.
* 9 Séance du mardi 17
octobre 2006 au Sénat.
* 10 L. Aynès et P.
Crocq, Les sûretés - la publicité foncière,
Defrènois, 2è éd., p. 222.
* 11 Ph. Dupichot,
Opération fiducie sur le sol français, JCP 22
mars 2007, p. 3.
* 12 H. de Richemont, Rapp.
n° 11.
* 13 V. M. Cornu, À
propos de l'adoption du Code du patrimoine, quelques réflexions sur les
notions partagées, Dalloz 2005, chron. p. 1452.
* 14 Aubry et Rau, Droit
civil français, t. IX, 6è éd.
* 15 Devenus les articles 2284
et 2285 du Code civil de puis l'ordonnance du 23 mars 2006.
* 16 Aubry et Rau,
préc.
* 17 V. universalité
de droit dans le Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13è éd.
* 18 Cl. Witz, Droit de
gage général, J.-Cl. art. 2092 à 2094,
Privilèges, Fasc. 80.
* 19 V. infra, n°
100 et s.
* 20 Chr. Atias, Droit
civil, Les biens, Litec, p. 380.
* 21 Cl. Witz, préc,
pour qui le patrimoine « n'englobe que les éléments
actif, à l'exclusion du passif ».
* 22 Supra, n°
13.
* 23 Chr. Atias, préc.,
p. 382.
* 24 Ce mécanisme
était prévu par l'article 793 du Code civil. Depuis une
réforme du 23 juin 2006, il a été remplacé par
l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net,
prévu aux articles 787 et suivants du Code civil.
* 25 Anciennement prévue
à l'article 878 du Code civil, elle a été remplacée
par un mécanisme ayant pour fondement un droit de
préférence et non un cloisonnement entre les patrimoines. Depuis
la loi du 23 juin 2006, les articles 878 et suivants traitent de ce droit de
préférence.
* 26
Zweckvermögen = patrimoine-but en Allemand.
* 27 H. Gazin, Essai
critique de la notion de patrimoine dans la doctrine classique,
Thèse Dijon, A. Rousseau, Paris 1910, p. 428-429.
* 28 Supra, n°
22.
* 29 Voir notamment J.-P.
Verschave, Essai sur le principe de l'unité du patrimoine,
Thèse Lille II, 1984, et F. Zénati in Zénati et
Revet, Les biens, PUF.
* 30 J.-P. Verschave,
préc., p. 270-271.
* 31 A. Sériaux, La
notion juridique de patrimoine, Brèves notations civilistes sur le verbe
avoir, RTD civ. 1994, p. 803.
* 32 Chr. Atias, préc.,
p. 380.
* 33 Le patrimoine est alors
l'actif net.
* 34 J. Aulagnier et J.-P.
Bertrel, Approche juridique du patrimoine, Lamy droit du patrimoine,
Lamy.
* 35 Cl. Witz, préc.
* 36 V. par ex. Supra,
n° 22
* 37 D. Schmidt, Les lois
du 1er août 2003 et le droit des sociétés,
D. 2003, p. 2619. Pour cet auteur, la possibilité de constituer des
sociétés unipersonnelles au capital d'un euro est la
consécration du patrimoine d'affectation.
* 38 M. Cozian, A. Viandier et
Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 17è
éd., n° 998 et s.
* 39 Supra, n°
1.
* 40 Supra, n°
24.
* 41 Dans les dispositions
comptables, l'article 12, I. par ex. dispose que « les
éléments d'actif et passif transférés dans le cadre
de l'opération mentionnée à l'article 2011 du Code civil
forment un patrimoine d'affectation ».
* 42 La proposition
initialement déposée par Philippe Marini prévoyait un
article 2062 du Code civil qui disposait notamment que « le transfert
s'opère dans un patrimoine d'affectation... ».
* 43 V. art. 2011 du Code
civil.
* 44 P. Bouteiller,
préc.
* 45 F. Pérochon et R.
Bonhomme, Entreprises en difficultés - Instruments de crédit
et de paiement, LGDJ, 7è éd.
* 46 F. Pérochon ou R.
Bonhomme, préc., p. 104.
* 47 Ph. Dupichot,
préc., p. 5.
* 48 Art. 12 I. dans les
dispositions comptables de la loi du 19 février 2007.
* 49 Ces comptes annuels sont
ceux dont il est question aux articles L. 123-12 à L. 123-15 du Code de
commerce, c'est-à-dire le bilan, le compte de résultat et
l'annexe.
* 50 V. art. 223 VA du Code
général des impôts issu de la loi du 19 février
2007.
* 51 V. l'art. 9 de la loi du
19 février 2007.
* 52 V. art. 223 V. I. du Code
général des impôts issu de la loi du 19 février
2007.
* 53 V. infra, n°
142 et s.
* 54 V. supra, n°
24.
* 55 V. infra, n°
100 et s.
* 56 V. supra, n°
22.
* 57 V. supra, n°
9 à 12.
* 58 Source : INSEE.
* 59 Article 2014 du Code
civil.
* 60 Ph. Dupichot,
préc.
* 61 V. infra, n°
155 et s.
* 62 V. par ex. art. 1260 et
suivants du Code civil du Québec.
* 63 Supra, n°
10.
* 64 Art. 792 bis al.
2 du Code général des impôts.
* 65 P. Crocq,
Propriété et garantie, thèse Paris II, 1992.
* 66 Essentiellement les
clauses de réserve de propriété et le crédit-bail,
v. L. Aynès et P. Crocq, préc., p. 339 et s.
* 67 Dite cession
« Dailly », V. supra, n° 7.
* 68 Grundschuld en
allemand. V. BGB.
* 69 Art. 2025 al.
1er du Code civil.
* 70 Art. 2018 al.
1er du Code civil.
* 71 Dans ce cas le tiers doit
fournir une « contrepartie réelle » au constituant.
Supra, n° 48.
* 72 Art. L. 432-6 à L.
432-11 du Code monétaire et financier.
* 73 Art. L. 432-12 à L.
432-19 du Code monétaire et financier.
* 74 L'« agent des
sûretés » y devient le security trustee.
* 75 V. Rev. Juridique et
politique Indépendance et coopération 1990, n° 2, Actes
du 3ème colloque de Luxembourg, mai 1989 : «
la fiducie ou du trust dans les droits occidentaux francophones »,
Edenia 1990, où l'on constate que les approches peuvent être
très différenciées sur cette question.
* 76 Définition de
translatif dans le Lexique des termes juridiques, Dalloz.
* 77 Ph. Malaurie, L.
Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux,
Defrénois, 2ème éd., n° 86. L.
Aynès, P. Crocq, Les sûretés - La publicité
foncière, Defrénois, 2ème éd.,
n° 752.
* 78 Ph. Malaurie, L.
Aynès, P.-Y. Gautier, préc., n° 86.
* 79 La condition étant
un événement futur et incertain. V. F. Terré, Ph. Simler
et Y. Lequette, Droit civil - Les obligations, Précis Dalloz,
8ème éd., n° 1218 et s.
* 80 V. art. 223 V. du Code
général des impôts ; v. infra, n° 142 et
s.
* 81 V. art. 1020 du Code
général des impôts.
* 82 V. art. 1133 quater al. 2
du Code général des impôts.
* 83 V. C.cass, Req. 3
août 1915, arrêt « Clément
Bayard ».
* 84 Art. 2017 6° du Code
civil.
* 85 G. Cornu, Droit civil,
Introduction - Les personnes - Les biens, Montchrestien, 12è
éd.
* 86 Ph. Dupichot,
préc.
* 87 V. supra, n°
58 et s.
* 88 Ph. Malaurie, L.
Aynès, P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux,
Defrénois, 2è éd., n° 253.
* 89 Ph. Dupichot,
préc.
* 90 Comme le souligne P.-J.
Proudhon, la restriction évoquée à l'article 544 du Code
civil « a pour objet, non de limiter la propriété, mais
d'empêcher que le domaine d'un propriétaire ne fasse obstacle au
domaine d'un autre propriétaire ». P.-J. Proudhon,
Qu'est-ce que la propriété ?, mémoire en
1840.
* 91 J.-B. Treilhard,
Fenet, t. XIV.
* 92 Cass. Req., 13
févr. 1834 : F. Terré et Y. Lequette, Les grands
arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz.
* 93 Chr. Atias,
préc.
* 94 F. Terré et Y.
Lequette, préc., observations sous l'arrêt Caquelard.
* 95 John Anthony Jolowicz,
Droit anglais, Dalloz.
* 96 V. Supra, n°
65 et s.
* 97 Nul ne peut
transférer à autrui plus de droit qu'il n'en a lui-même.
* 98 F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, préc., n° 485 et s.
* 99 F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, préc., n° 559 et s.
* 100 Ph. Malaurie, L.
Aynès et P.-Y. Gautier, préc.
* 101 Art. 2027 du Code
civil.
* 102 Art. 2017 5° du
Code civil.
* 103 V. art. 2011 du Code
civil.
* 104 V. F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, préc., n° 526.
* 105 Il a sur ce point le
même droit que le fiduciant, v. art. 2027 du Code civil.
* 106 V. infra,
n° 165 et s.
* 107 V. en ce sens, Ph.
Dupichot, préc., ainsi que M. Grimaldi, La fiducie :
réflexion sur l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la
consacre, Defrénois 1991, art. 35085, p. 897 et art. 35094, p.
961.
* 108 V. Supra,
n° 17 et s.
* 109 Art. 2284 du Code civil,
ancien art. 2092 du Code civil.
* 110 V. Cl. Witz,
préc.
* 111 J. Derruppé,
La nature juridique du droit du preneur à bail et la distinction des
droits réels et des droits de créance, Dalloz 1952, n°
333 et s.
* 112 Comme le souligne le
professeur Claude Witz, « il n'y a pas véritablement
obligation si le patrimoine du débiteur ne répond pas de la
dette », in Jur. Clas.
* 113 V. supra,
n° 33 et s.
* 114 V. supra,
n° 47 et s.
* 115 V. F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, Droit civil - les obligations, Précis
Dalloz, 8ème éd., n° 1154 et s.
* 116 H. de Richemont,
Rapp. Sénat n° 11.
* 117 G. Marraud des Grottes,
Fiducie : fin d'un mythe mais début des incertitudes, Lamy
Patrimoine, Mars 2007 ; Lamy Patrimoine, Mai 2006, n° 315-35 ;
Ph. Dupichot, préc.
* 118 V. civ. 1re,
17 janv. 1984 : D. 1984. 437, note Malaurie ; RTD civ.
1984. 719, obs. Mestre.
* 119 V. civ. 1re,
4 nov. 1983, Bull. civ. I, n° 254 ; Gaz. Pal. 1984, 1,
somm. P. 66, obs. Piedelièvre ; RTD civ. 1984, p. 719, obs.
Mestre.
* 120 F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, préc.
* 121 V. civ. 1re,
27 juin 1984, Bull. civ. I, n° 211.
* 122 V. civ. 1re,
23 avr. 1981, D. 1981. 395.
* 123 V. civ. 1re,
29 mai 1985, Bull. civ. I, n° 163. Cf. F. Terré, Ph.
Simler et Y. Lequette, préc., n° 1176 ;
* 124 Lamy Patrimoine, mai
2006.
* 125 L. Aynès et P.
Crocq, préc., n° 400.
* 126 C'est-à-dire par
un non propriétaire. V. à ce sujet, L. Aynès et P.
Crocq, préc.
* 127 Art. 2018 al.
1er du Code civil.
* 128 Art. 2361 du Code
civil.
* 129 Le spécial
déroge au général.
* 130 V. en ce sens H. de
Richemont, Rapp. Sénat n° 11.
* 131 V. supra,
n° 98 et s.
* 132 F. Pérochon et R.
Bonhomme, préc., n° 508.
* 133 F. Pérochon et R.
Bonhomme, préc., n° 513.
* 134 Cette disposition est
issue de la loi « Dutreil » ou loi pour l'initiative
économique du 1er août 2003. V. F. Pérochon et
R. Bonhomme, préc, n° 423. Pour ces auteurs, la déclaration
d'insaisissabilité est inefficace en cas de procédure collective,
dès lors que des créanciers non professionnels sont admis au
passif.
* 135 Les art. L. 620-2, L.
631-2 et L. 640-2 du Code de commerce énoncent une liste limitative de
contre lesquelles les procédures de sauvegarde, de redressement
judiciaire et de liquidation judiciaire peuvent être ouvertes.
* 136 Art. 2025 al. 2 et 3 du
Code civil.
* 137 Art. 2025 al. 2 du Code
civil.
* 138 V. not. M. Cozian, A.
Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, Litec,
17e éd.
* 139 Art. 2025 al. 3 du Code
civil, v. infra, n° 135 et s.
* 140 Art. L. 313-24 du Code
monétaire et financier.
* 141 V. M. Cozian, A.
Viandier et Fl. Deboissy, préc.
* 142 Art. 2025 al. 3 du Code
civil.
* 143 L'exercice de l'action
oblique suppose en effet l'inaction du débiteur. V. civ 2e,
30 avr. 1960 : Bull. civ. II, n° 272.
* 144 L'intérêt
à agir peut être l'insolvabilité de son débiteur, v.
civ 1re, 7 févr. 1966, Bull. civ. I, n°
88 ; il peut également s'agir d'une menace d'insolvabilité
ou d'une mise en péril de sa créance, v. civ. 1re, 17
mai 1982, Bull. civ. I, n° 176 ; 14 juin 1984, Bull.
civ. I, n° 197 ; civ. 1re, 2 déc. 1992,
Bull. civ. I, n° 294..
* 145 Civ. 1re, 15
févr. 1972, Bull. civ. I, n° 50. V. à ce sujet F.
Zénati et T. Revet, Les biens, PUF, 2e éd.,
1997.
* 146 V. sur ce point H. de
Richemont, Rapp. Sénat n° 11.
* 147 V. Section
I.
* 148 H. de Richemont,
Rapp. Sénat n° 11 ; X. de Roux, Rapp.
Assemblée Nationale n° 3655.
* 149 V. supra,
n° 33 et s. ; cette affectation patrimoniale est, semble-t-il,
parfaitement conforme aux exigences posées par la Convention de La Haye
du 1er juillet 1985, notamment sur la question des conditions de
reconnaissance du trust : v. not. art. 11.
* 150 V. art. 677 1°
à 4° du Code général des impôts.
* 151 V. art. 1020 du Code
général des impôts.
* 152 V. art. 1133
quater alinéa 2 du Code général des
impôts.
* 153 V. art. 223 V. du Code
général des impôts ; lors du retour du patrimoine
fiduciaire au constituant, il existe des dispositions
équivalentes : v. art. 223 VF. du Code général des
impôts.
* 154 V. infra,
n° 155 et s.
* 155 V. supra,
n° 23 et s.
* 156 V. supra,
n° 69.
* 157 Les
sociétés réalisant un chiffre d'affaire annuel
inférieur à 7 630 000 € bénéficient
d'une imposition allégée de 15 % dans la limite de 38120 €
de bénéfice imposable ; v. art. 219 I. b. du Code
général des impôts.
* 158 Ces
sociétés sont énumérées à l'article 8
du Code général des impôts.
* 159 V. art. 206 3. du Code
général des impôts.
* 160 V. art. 2023 du Code
civil ; supra, n° 81 et s.
* 161 V. l'art. 12, I de la
loi du 19 février 2007.
* 162 V. la section 3 de la
loi du 19 février 2007, Taxe sur la valeur ajoutée.
* 163 V. la section 4 de la
loi du 19 février 2007, Fiscalité locale.
* 164 C'est là une
situation qui pourrait se rencontrer assez fréquemment à
l'occasion de transmission de sociétés, en substitution des
conventions de portages.
* 165 V. les art. 145 et 216
du Code général des impôts.
* 166 V. les art. 223 A
à U du Code général des impôts.
* 167 V. supra,
n° 150.
* 168 V. H. de Richemont,
Rapp. N° 11.
* 169 V. art. 2013 du Code
civil.
* 170 V. M. Cozian, A.
Viandier et Fl. Deboissy, préc., n° 260.
* 171 C'est le taux applicable
en cas de libéralité entre personnes non parentes ; v. art.
777, tableau III du Code général des impôts.
* 172 V. civ. 1re,
20 févr. 1996 ; Aff. Zieseniss, n° 423 P, JCP ed. G n° 22,
22647.
* 173 Selon la lettre
même de l'art. 2013-1 du Code civil.
* 174 V. M. Cozian, A.
Viandier et Fl. Deboissy, préc.
* 175 V. art. 726 du Code
général des impôts.
* 176 La loi suggère en
effet que le bénéficiaire puisse n'être
désigné par les parties qu'ultérieurement ; v. art.
2018 al. 3 du Code civil. En revanche, il est indispensable que cette
désignation ultérieure entre dans les prévisions du
contrat, et ce à peine de nullité ; v. art. 2017 5° du
Code civil.
* 177 V. art. 2018 al. 3 du
Code civil.
* 178 Ph. Dupichot,
préc.
* 179 V. supra,
n° 22.
* 180 V. supra,
n° 30 et s.
* 181 V. supra,
n° 57 et s.
* 182 X. de Roux, Rapp.
Assemblée Nationale n° 3655.
* 183 V. supra,
n° 100 et s.
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