Mémoire
LA BONNE FOI DANS LE RAPPORT DE TRAVAIL
REMERCIEMENT S
Je remercie très sincèrement Madame Delaunay et
Madame Trochard pour leur soutien et leur disponibilité.
Je remercie également Monsieur Jeammaud pour la confiance
qu'il a témoignée à mon égard, sa
disponibilité et ses précieux conseils. Merci de m'avoir
donné une chance.
Je remercie enfin les professeurs de l'I.E.T.L pour leurs
enseignements qui m'ont permis de mener à bien ce travail.
Principales abréviations
Art. Article
Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres
civiles
C. A. Cour d'Appel
C. C. Conseil Constitutionnel
C. E. Conseil d'Etat
C. E. D. H. Cour Européenne des Droits de l'Homme
Chr. Chronique
Civ. Chambre Civile
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
C. S. B. P. Cahiers Sociaux du Barreau de Paris
D. Recueil Dalloz
Dr. Ouv. Droit Ouvrier
Dr. Soc. Droit Social
Gaz. Pal. Gazette du Palais
I. R. Informations Rapides
JCP Juris-Classeur Périodique (La semaine juridique)
L. S Liaisons Sociales
Préc. Précité
RDT Revu de Droit du Travail
Soc. Chambre sociale
PLAN SOMMAIRE
PLAN SOMMAIRE :
REMERCIEMENTS 2
INTRODUCTION 7 PREMIERE PARTIE : La bonne foi, standard
régulateur du rapport
de travail 21
CHAPITRE I : La bonne foi dans la formation du contrat de
travail 23
SECTION I : Bonne foi et phase précontractuelle 23
SECTION II: Bonne foi et conclusion du contrat de travail 31
CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et la
rupture du contrat de travail 37
SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion pour
le salarié 38
SECTION II : La bonne foi, une limite générale au
pouvoir de l'employeur 42
DEUXIEME PARTIE: La bonne foi, source d'enrichissement du contenu
du contrat de travail 49
CHAPITRE I : La bonne foi, un instrument de
sophistication du contenu obligationnel
du contrat de travail 51
SECTION I : La bonne foi, Tremplin d'élaboration de normes
à la charge de l'employeur 51
SECTION II : La découverte d'autres obligations implicites
ou secondaires 55
CHAPITRE II. La bonne foi, un outil de moralisation de
l'espace de stipulation 59
SECTION I : De la clause de non concurrence 61
SECTION II : Des clauses relatives au lieu de travail 63
CONCLUSION 67
BIBLIOGRAPHIE 69
INTRODUCTION
INTRODUCTION
S'interroger sur le rôle et la place de la bonne foi
dans le rapport de travail est une tâche très stimulante sur le
plan théorique mais fastidieuse en raison du flou qui entoure la notion.
Pour éclaircir à grands traits cette interrogation, il semble
opportun d'expliquer, à tout le moins, présenter la figure qui
donne naissance au rapport de travail .C'est à travers le contrat «
source du rapport de travail1 » que l'on
pourra mesurer toute la portée et l'impact de la notion de bonne foi
dans ce rapport. Pendant le 1 9ème siècle, ce type de
rapport en France était resté régi par les seules
règles du Code civil de 1804. Le législateur appréhendait
le rapport de travail à travers une espèce de contrat parmi
d'autres ; le louage de services. Il s'agissait donc d'appliquer à cette
opération les règles générales applicables au
contrat2. Le rapport était dès lors
abandonné aux mécanismes de droit commun, le Code
napoléonien soumettant le louage de services ou « louage des gens
de travail » qui s'engage au service de quelqu'un à ces
règles générales applicables au contrat. Aux termes de
l'article 1708 du Code civil, on pouvait distinguer deux sortes de contrats de
louage : celui des choses et celui d'ouvrages. Ces deux genres de louage se
subdivisent encore en plusieurs espèces particulières parmi
lesquelles ce que l'article 1711 nomme « loyer » le louage du travail
ou du service. Le louage des gens de travail est donc présenté
comme une variété de louage, d'ouvrage et d'industrie, et fait
l'objet d'une petite section dans le chapitre consacré à ce
contrat qui est composée de l'article 1780 et 1781 et intitulé
louages des domestiques et ouvriers3. A l'origine,
la distinction entre louage d'ouvrage et louage de services n'était pas
clairement établie par le Code civil. Le louage de services ne faisait
l'objet d'aucune réglementation particulière. Le Code autorisait
sa libre conclusion, permettait la libre détermination de son contenu et
lui donnait une force obligatoire. Le rapport de travail était donc
conçu comme une simple opération d'échange de travail
contre une rémunération. Un individu donnait à bail ses
services et l'employeur locataire lui versait un loyer sous forme de
salaire.
1 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud, Droit du travail,
Dalloz, Paris, 22ème éd., 2004, n° 116 et
s., p 173.
2 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud. préc., n°
116, p. 172.
3 Art. 1780 du Code civil, « On ne peut engager
ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée
», et art. 1781, abrogé par la loi du 2 août 1868 : « le
maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour
le paiement du salaire de l'année courante ».
D'une « conception purement
matérialiste4 » du rapport de travail
qui confortait une soumission personnelle et une inégalité
juridique, le législateur français est venu encadrer davantage le
louage de services.
Aujourd'hui, réserve faite des controverses doctrinales
sur la place du « contrat » dans l'ordonnancement des relations de
travail5, le rapport de travail n'est pas
strictement contractuel. « La trame des relations de travail n'est pas
façonnée par la convention ; ce sont les règles du droit
du travail qui la modèlent6 ». Il faut
noter que le travailleur se trouve soumis au pouvoir que l'ordre juridique
reconnaît à l'employeur. Il acquiert en même temps des
droits qui ne proviennent pas directement de son contrat de travail mais qui
lui sont reconnus en sa qualité de travailleur. De même,
l'employeur est débiteur d'obligations légales qui ne se
rattachent pas directement au contrat auquel il est partie. Le rapport de
travail est certes fondamentalement contractuel mais le contrat, source du
rapport opère aussi la manière d'un acte condition pour certains
aspects de ce rapport composant sa dimension que l'on dira «
institutionnelle7 ».Cette double nature
n'enlève en rien le fait qu'il s'agit d'un « authentique contrat
» dont maintes solutions de droit positif attestent «
l'épaisseur8 ». Le contrat de travail a
un rôle normatif, il crée des droits et des obligations à
la charge des contractants et que par lui les parties fixent dans une certaine
mesure les conditions de leur relation. En dehors des obligations qu'il fait
peser sur chaque partie contractante du fait de la qualification de contrat de
travail, il est aussi synonyme d' « espace de stipulation
»9, libre donc aux parties de singulariser
leur rapport par des clauses, des garanties, des sujétions
particulières dans le cadre « du maillage normatif relativement
dense qui l'enserre10 ». Au demeurant, il
s'agit d'une technique d'aménagement et d'agencement de l'emploi. C'est
une figure qui a vocation à servir de référence pour
évaluer, interpréter les situations et rapports concrets, de dire
ce qu'ils sont et valent en droit notamment s'il survient un litige entre les
acteurs.
Cette double vocation instrumentale et heuristique atteste
l'adhésion implicite mais certaine du droit français à
« l'option contractuelle11 ». Ainsi, le
contrat de travail détermine d'abord ces conditions à travers les
obligations qu'il fait naître (contenu obligationnel) et les
4 J. Pelissier, A. Supiot , A. Jeammaud,préc. n° 1
16, p. 173.
5A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de
travail », Etudes offertes à G. Lyon-Caen, Dalloz, Paris,
1989, p. 299. Sur ces controverses doctrinales voir notamment la thèse
de Mathilde Julien, Le contrat de travail, source d'obligation, sous
la direction de A. Jeammaud, Univ. Lumière-Lyon 2, n° 6, p. 19 et
s.
6 G. Couturier, droit du travail « Les relations
individuelles de travail » PUF, Tome I ,3é éd., 1996
n°43 p.89
7 A. Jeammaud, « Les polyvalences du contrat de travail
», préc. p. 301.
8 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n° 134,
p. 205.
9 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.
10 Mathilde Julien, préc. n° 5, p. 19.
11 A. Jeammaud préc.p308 et s.
variables affectant ces obligations ou les modalités de
leur exécution (champ contractuel). Si le salarié est
débiteur d'une obligation complexe qui est d'abord de se tenir à
la disposition de l'employeur puis de fournir une prestation de travail,
l'employeur de son côté est débiteur de la fourniture d'un
poste ou des tâches correspondant à la qualification
professionnelle convenu et du paiement du salaire dès lors que la
prestation de travail a été exécutée. Le Code du
travail alors qu'il ne définit pas le contrat de travail en se
référant formellement au droit commun permet aux règles du
Code civil de conserver toute leur pertinence quand il s'agit d'approcher ou
d'appréhender le rapport de travail.
Si la définition de la catégorie « contrat
de travail » retenue par la doctrine dans le sillage des décisions
de la chambre sociale de la cour de cassation permet de régler les
enjeux de la qualification de contrat de travail, il ne s'agit là que
d'une définition « opératoire » qui ne prétend
pas exprimer « l'essence du contrat de
travail12 ». Au demeurant, l'opération
de qualification, notamment le critère du lien juridique de
subordination, marque plus ouvertement le registre institutionnel du rapport de
travail que sa dimension contractuelle. En effet, sous réserve des
obligations qui pèsent sur les contractants, l'employeur dispose de
pouvoirs que l'ordre juridique lui reconnaît et le salarié d'un
certain nombre de droits. Dès lors, comment concilier les obligations
respectives des parties, le pouvoir conféré à l'un et les
droits conférés à l'autre ? Il semble que le contrat soit
la figure la mieux adaptée pour le traitement juridique du rapport
d'emploi13.
Selon l'article 1 10114 du Code
civil, le contrat est un accord de volonté générateur
d'obligations. Et l'article 1134 alinéa 1 du même Code de
préciser que « les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Sachant que la
lecture de l'article 1134 alinéa 1 n'est pas univoque, cette force
obligatoire que la loi attache à la convention (espèce plus large
que le contrat) a pendant longtemps été fondée par
certains auteurs sur la théorie de l'autonomie de la volonté. En
effet, pour ces derniers, le contrat n'est obligatoire que parce que les
parties peuvent déterminer librement le contenu de leurs obligations.
Cette conception classique très libérale du contrat, qui fait de
la volonté des contractants « l'essence même du contrat
», ne correspond plus à la réalité contractuelle.
Aujourd'hui, l'idée d'autonomie demeure certes au coeur du contrat, mais
n'est pas le seul fondement invocable à l'appui de la force obligatoire
des contrats. Bon nombre d'auteurs
12 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°120,
p.181
13 A. Jeammaud préc
14 Art 1101 du Code civil « le contrat est une convention
par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
»
s'accordent sur le fait que l'autonomie de la volonté
doit être entourée de restrictions15
et que le contrat oblige parce que la loi en dispose ainsi.
Le rapport de travail, nous l'avons déjà dit,
demeure donc soumise aux règles du droit commun des contrats. De fait,
s'il est possible de replacer le contrat de travail dans la «
théorie autonomiste », il faut cependant noter qu'il a touj ours vu
intervenir le droit étatique dans son domaine. D'ailleurs, un auteur a
fait remarquer que « depuis un siècle, le législateur
intervient sous le sceau de l'ordre public et principalement celui de l'ordre
public de protection dans tous les types de contrats mais
particulièrement en droit du travail16
». Et d'un point de vue formel, le rapport de travail s'entend de
l'ensemble des règles juridiques relatives au travail subordonné.
Notons par ailleurs qu'à un certain type de travail subordonné
s'appliquent des règles statutaires, réglementaires
spéciales. Il s'agit pour une très large part du rapport de
travail de droit public qui est régi dans son ensemble pour ne pas dire
exclusivement par ces règles spécifiques. Ce type de rapport qui
exclut tout aménagement conventionnel17 ne
retiendra pas notre attention, sauf de façon marginale. Il s'y rajoute
que le droit du travail branche appréhende la relation de travail de
façon individuelle et de façon collective. L'incidence de la
notion de bonne foi ne sera étudiée ici que sur le premier
rapport. Aujourd'hui, les auteurs s'accordent pleinement à donner au
contrat toute sa place dans le rapport de travail. En droit du travail plus
qu'ailleurs, le contrat, avec la fonction heuristique que « les tenants da
la conception dualiste » ont mis en évidence, loin de
révéler l'âpreté de la relation qui peut exister
entre employeur et salarié, permet de concilier l'antagonisme qui peut
être relevé entre équilibre et soumission.
Au demeurant dans la théorie des contrats, rien
n'impose que les parties soient juridiquement, économiquement
égales, ni même que l'on doive relever l'existence dans une libre
discussion préalable. En revanche, si l'idée
d'égalité de fait ou de droit ne s'impose pas d'emblée
dans le contrat, on conçoit mal qu'un contractant fasse abstraction
totale des intérêts de l'autre contractant et le cas
échéant utilise tous les moyens pour parvenir à ce
pourquoi il s'est obligé. Il semble qu'une certaine «
éthique » des relations contractuelles soit exigée afin de
trouver un équilibre entre des intérêts, de
préoccupations souvent aux antipodes.
Cette recherche d'équilibre peut passer par le
développement de la législation. Cependant, le législateur
n'est pas le seul intervenant possible dans le contrat du travail, il y a le
juge aussi. Nous verrons que le rôle de ce dernier n'est pas des moindres
dans le rapport de
15 E.Dockés « valeurs de la démocratie
»Dalloz 2005, p.131
16G.Lyon-Caen, « Défense et illustration
du contrat de travail », Archives de philosophie du droit, tome13, 1968,
p.59et s.
17 J. Pelissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc. n°119,
p.177
travail. L'objectif est similaire, législateur et juge
tentent d'insuffler « de la justice, de la sécurité »
à tout rapport contractuel prenant le soin de laisser aux parties la
liberté de s'exprimer dans le cadre des règles et limites qu'ils
fixent.
Dès lors, on comprend que l'étude d'une notion
« éthico- juridique » comme la bonne foi dans le rapport de
travail puisse susciter autant d'intérêt. Aussi, le
législateur, soucieux de la rigidité que peut
générer l'alinéa 1er de l'article 1134
précité qui donne une force obligatoire au contrat, s'est
empressé d'y rajouter des exigences d'ordre moral en précisant
dans l'alinéa 3 de cet article que le conventions doivent être
exécutées de bonne foi. De la sorte, il délègue une
partie de son pouvoir normatif au juge, misant sur le pouvoir évocateur
et la souplesse de la notion de bonne foi afin de permettre que le rapport
contractuel soit à la hauteur de ce que les parties soient
légitimement en droit d'attendre. L'exigence de bonne foi posée
par l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil pour l'exécution
des conventions déborde le domaine du droit commun des contrats.
Toutefois, le législateur dans le cadre de la loi de modernisation
sociale du 17 janvier 2002 a crée un nouvel article L.120-4 dans le Code
du travail aux termes duquel « le contrat de travail est
exécuté de bonne foi ». Cette intégration formelle de
la notion de bonne foi dans le Code du travail à en juger par l'accueil
assez indifférent que lui a réservé la doctrine n'est pas
un apport majeur. D'ailleurs, l'utilité d'une telle disposition peut
paraître contestable au regard du renvoi au droit commun des contrats.
Cependant, il semble qu'une telle insertion à dimension symbolique
certes, devrait conforter et amplifier la mobilisation judiciaire de l'exigence
de bonne foi dans le régime de l'exécution du contrat de
travail18 .
Nul n'ignore l'hommage rendu par le Code civil à
l'exigence de bonne foi. Le droit romain, qui inspire le législateur de
1804 accordait une grande importance à l'idée de bonne
foi19. D'ailleurs, tous les systèmes
juridiques se référent à la notion. Du droit interne au
droit international, elle connaît une multitude d'applications et
d'utilisations. Même si elle fait bonne figure dans l'univers juridique
à travers le corps de règles qui la consacre et les constructions
prétoriennes qui s'y appuient, force est de constater que la
première difficulté à laquelle on se heurte tient au
vocabulaire. Le mot, composé d'un substantif d'allure religieuse auquel
est accolé un qualificatif d'appréciation morale ne rend pas
réellement compte de la teneur du concept de bonne
foi20. Il s'agit « d'une institution
essentielle de toute vie
18 C.Vigneau « L'impératif de bonne foi dans
l'exécution du contrat de travail »Dr., p.707
19 Y. Picod, « Le devoir de loyauté dans
l'exécution du contrat », L.G.D.J ; 1989, n°6, p.12 20 G. Lyon
Caen, « De l'évolution de la notion de bonne foi », RTD civ.
1946, p.76
sociale21 ». Tous les
systèmes juridiques font une certaine place à la bonne foi et la
doctrine nous livre plusieurs conceptions de la notion. Alors que certains
auteurs ont pu considérer que la bonne foi était dépourvue
de toute efficacité juridique, d'autres pensent au contraire qu'il
s'agit d'une notion très prometteuse en droit
positif22. De façon générale,
en nous référant au dictionnaire de vocabulaire
juridique23, la bonne foi est « l'attitude
traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au droit qui
permet à l'intéressé d'échapper aux rigueurs de la
loi ». Cette définition, même si elle permet de cerner les
contours de la notion ne laisse que percevoir le caractère
polysémique du concept de bonne foi. Pour le Doyen
Ripert24, la bonne foi permettrait de faire
pénétrer la règle morale dans le droit positif. «
Elle représenterait un résidu d'équité que le droit
ne peut éliminer » selon Gérard Lyon
Caen25. La bonne foi serait l'expression de la
pérennité de l'idéal de la justice dans le droit des
obligations. Plus encore, elle aurait une portée particulière
puisqu'elle constitue « une norme éthique de conduite à
contenu indéterminé et à formulation
générale26 ». Enfin, dans le
rapport de travail subordonné, elle permettrait de restaurer
l'inégalité de l'une des parties envers l'autre. Que de fonctions
dévolues à la bonne foi et de définitions livrées
qui ne rendent pas compte de manière systématique de ce qu'elle
est réellement. S'agit il d'une notion rétive à tout
effort de conceptualisation qui ne correspondrait pas à une
qualification réductible à une logique d'ensemble ? Certains
auteurs parlent de la notion de bonne foi comme porteuse « d'une
irréductible incertitude et d'un incompressible
subjectivisme27 ». En tout cas le substantif
et le qualificatif posent plus de problèmes qu'ils n'en
résolvent. En effet, la connotation religieuse et morale participe de la
difficulté de cerner la notion. Toutefois, on peut noter que les
conceptions, les utilisations, les illustrations de la notion de bonne foi
dépendent de l'importance qui lui est accordée par les
législateurs et juges. Même s'il est devenu fréquent que
l'on souligne l'absence d'unité de la notion en droit français,
il faut noter que le concept de bonne foi exprime une réalité
juridique et a une portée reconnue dans le droit
positif28. Audelà de cette portée,
c'est à l'absence de définition unique de l'expression qu'il faut
se
21 D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique,
PUF. 2003
22 Sur la portée juridique de la notion de bonne foi voir
Ph. Stoffel-Munck, « L'abus dans le contrat », LGDJ, 2000, n°64
et s.
23 Voir G. Cornu et Autres, vocabulaire juridique, PUF., V. bonne
foi
24 G. Ripert, « La règle morale dans les obligations
civiles », LGDJ, 4é éd., 1949, p.157
25 G. Lyon Caen, « De l'évolution de la notion de
bonne foi », RTD civ, 1946
26 C.Vigneau préc. p.707
27 J. flour, J-L. Aubert, E. Savaux, « Droit civil.les
obligations », vol. 1, l'acte juridique, 9è éd ; Armand
Collin, 2000, p.279
28 J. Ghestin, « La formation du contrat »,
Traité de droit civil, LGDJ, 3é éd., 1993 n°255
résoudre. En effet, « renoncer à faire
éclater la notion revient à la définir autrement que par
de vagues sentiments et à lui donner un réel
contenu29».
L'appréhension de la notion par un juriste semble donc
nécessairement impliquer une multiplicité de définitions.
Deux acceptions majeurs30 se dégagent
généralement de la notion de bonne foi : tantôt, elle
correspond à l'ignorance non fautive d'un vice juridique et
privilégie ici une attitude passive du sujet de droit ; tantôt
elle est considérée comme une norme objective de comportement et
donc privilégie une attitude active. Il s'agit là d'une
conception durable que l'on retrouve dans tous les systèmes juridiques
d'inspiration romano germanique31. La première acception si
elle n'est pas sans portée en droit des contrats y reste d'une
importance moindre. En revanche, la seconde a sans doute connu une
évolution plus remarquable à l'époque contemporaine. En
effet, la bonne foi saisie comme évoquant un comportement loyal, une
attitude d'intégrité et d'honnêteté « domine de
haut tout le droit des contrats32 ». C'est
d'ailleurs celle là qui est visée par le Code civil quand il
s'agit d'évaluer son impact sur le rapport contractuel. Pendant
longtemps, le « potentiel
dérégulateur33 »de
l'alinéa 3 de l'article 1134 a conduit la doctrine à minorer la
portée de ce texte. Toutefois, s'il y a bien un domaine où la
notion de bonne foi n'a pas fini de développer ces effets, c'est bien
dans celui de la sphère contractuelle. A ce titre, elle a fait l'objet
d'une grande attention de la part des juristes et de nombreuses études
lui ont été consacrées notamment en France. En droit
français des contrats, le thème peut paraître battu et
rebattu. Notons sans conteste que si c'est en droit civil des obligations et en
droit commercial34 qu'elle a commencé
à connaître ses manifestations les plus brillantes, le droit du
travail branche aujourd'hui n'est pas en reste35. Nous l'avons
déjà dit, si la bonne foi ne se prête pas à une
définition univoque, il est d'autant plus délicat de la cerner
qu'elle se démarque mal d'une notion voisine, l'équité. En
effet, cette dernière est bien la notion qui évoque le plus
spontanément l'idée de bonne foi. Même s'il s'agit bien de
deux notions visées distinctement par le Code civil, chez certains
auteurs et dans quelques décisions de justice, l'une n'allait pas sans
l'autre. Il est vrai que bonne foi et équité remplis sent des
fonctions voisines, notamment pour ce qui est de l'interprétation du
contrat. La frontière entre les deux notions est donc très floue,
et la doctrine n'est guère
29 Y. Picod préc.n°6, p.12
30 Voir par exemple Ph. Le Tourneau « bonne foi », Rep.
Civ. Dalloz 95, n°3 1 31Voir M. Ph. Stoffel-Munck préc.
n°57
32 Ph. Le Tourneau préc. n°5
33 Pour l'expression voir M. Ph. Stoffel-Munck préc.
n°55
34Voir Civ 5 nov 1913 Bull., n°190, p.365 sur la
présomption de bonne foi 35 CA Paris, 30 mai 1961 D.1961 jur. 669 n. G.
Lyon-Caen
unanime sur les rapports qu'elles entretiennent. Pour
certains, l'équité36 serait une
conséquence de la bonne foi, alors que pour d'autres, la bonne foi
serait un instrument d'application de l'équité. D'autres encore
ne voient entre bonne foi et équité que l'ombre d'une
différence. Enfin, certains auteurs entendent consacrer l'autonomie de
la bonne foi au regard de l'équité. La confusion qui règne
quant à la question du rapport entre bonne foi et équité
ne facilite pas l'appréhension du concept de bonne foi.
Au demeurant, le point commun le plus sûr entre les deux
est certainement leur caractère « insaisissable ».
Par ailleurs, les manifestations de la notion de bonne foi
sont tellement variées qu'elle a des liens intrinsèques avec la
notion de loyauté. En effet, il y a un grand flou qui règne en
doctrine sur l'emploi de ces termes d'où l'intérêt de
préciser nettement l'usage qui en sera fait. Chez nombre d'auteurs, les
mots « bonne foi » et « loyauté » sont
employés comme étant synonymes. Parfois, quelques auteurs tendent
à privilégier l'emploi du terme loyauté l'estimant plus
précis37. Toutefois, la distinction ne
semble pas fondée que sur une exigence de précision et il est
bien difficile d'établir un critère fiable permettant de tracer
la frontière entre les deux notions. D'après Monsieur
Aynès38, la loyauté n'a que de
lointains rapports avec la première conception de la bonne foi
c'est-à-dire celle qui renvoie en une croyance erronée. En
revanche, il admet qu'elle entretient des liens beaucoup plus étroits
avec la seconde acception. Ainsi, la seule différence entre cette bonne
foi et la loyauté tiendrait au fait que le devoir de loyauté
déborde selon lui largement les frontières de l'exécution
du contrat. Cependant, il n'établit pas un critère net de
distinction entre l'acception de la bonne foi qui nous intéresse et la
loyauté, d'autant plus que l'exigence de bonne foi ne semble pas se
limiter non plus au seul domaine de l'exécution du contrat.
Pourtant, il paraît alors préférable de
retenir une position assez généralement adaptée, selon
laquelle la loyauté est perçue comme une conséquence de la
bonne foi. Parallèlement à d'autres exigences découlant de
l'obligation de bonne foi, cette dernière exigerait aussi la
loyauté. Ainsi, il est généralement admis que dès
le stade précontractuel, les négociateurs doivent être
animés par une attitude loyale. Au moment de la conclusion du contrat,
l'idée de bonne foi est présente et impose un consentement
réel et éclairé qui ne doit pas être surpris par dol
ou par erreur. De même, lors de l'exécution du contrat, l'exigence
de bonne foi a permis au juge de découvrir une série
d'obligations s'imposant aux parties. S'agissant du
36 Art. 1135 du Code civil «Les conventions obligent non
seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les
suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à
l'obligation d'après sa nature »
37 Voir Y. Picod préc. .n°6 p.13
38 L. Aynès « L'obligation de loyauté »,
Archives de philosophie du droit, 2000, n°44, p198
contraire de la bonne foi, certains auteurs précisent
que la bonne foi et la mauvaise foi ne procèdent pas d'un système
binaire39. Ils considèrent en effet que le
contraire de la bonne foi est l'absence de bonne foi et vice versa. Outre ces
considérations, il faut noter que la mauvaise foi relaie essentiellement
les effets négatifs du concept de loyauté, tantôt il s'agit
d'une attitude dolosive ou frauduleuse de la part du contractant, tantôt
c'est l'abus d'un des droits que l'une des parties tient du contrat qu'il
convient de sanctionner. Le lien certain entre la bonne foi et ces notions
apparaît n'être plus qu'une manifestation de la règle de
civilité qui gouverne le comportement de l'honnête homme. Ainsi,
« tromper, mentir, trahir, exploiter la détresse de celui dont on
s'était dit le partenaire, y rester parfois simplement
indifférent, se montrer « brutal », discourtois », toutes
ces figures constituent le genre de déloyautés auxquelles renvoie
l'article 1134 alinéa 3 du Code civil.
Connaissant donc des illustrations extrêmement
variées l'exigence de bonne foi apparaît ainsi diffuse et
difficilement saisissable. Il est à redouter qu'elle perde toute
unité dans ses applications et réponde à des idées
infiniment diverses. En tout cas dans le cadre du rapport de travail, le juge
n'hésite pas à servir de la notion pour découvrir de
nouvelles obligations au contrat. Notons que ce « gonflement du contrat de
travail40 » s'accentue encore avec l'analyse
conceptuelle de la bonne foi. En effet, outre la
fonction41 interprétative traditionnellement
reconnue à la bonne foi, René Demogue lui aura rajouté une
fonction complétive et un auteur soulignera également qu'elle a
une fonction limitative. D'autres auteurs encore ont voulu raj outer à
la bonne foi une fonction modificatrice ou adaptative. Sous réserve que
la dernière fonction est loin d'être univoque en droit
français, la bonne foi dans sa fonction interprétative permet au
juge d'interpréter le contrat selon son esprit plutôt qu'à
la lettre, à la condition notable qu'une ambiguïté entache
celle-ci, c'est-à-dire en fonction du but que la bonne foi ne peut
manquer de lui donner. Certains auteurs soulignent que cette fonction est
largement redondante de l'article 1156 du Code
civil42.
Dans sa fonction complétive, la bonne foi permet au
juge de rajouter au contrat des obligations comprises comme nécessaires
à son accomplissement. C'est dans ce sens que l'article 1134
alinéa 3 se rapproche de l'article 1135 du Code civil.
Enfin dans la fonction limitative c'est essentiellement à
l'abus de droit qu'il est alors fait référence.
39 Y. Picod préc n°13 p.25
40 Expression empruntée à Mathilde Julien,
préc. n° 54 p.75
41 Pour les fonctions dévolues à la bonne foi voir
M. Ph. Stoffel-Munck préc. n° 60 et n° 61voir aussi M. Julien
préc.n°51 p.72
42 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 83
De même, et touj ours dans le cadre de la
conceptualisation de la notion de bonne foi, Robert Vouin
43a envisagé de
distinguer la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant.
D'après cet auteur, il est possible d'envisager « la bonne foi
individuelle d'un contractant dans le but de lui accorder une faveur, comme
aussi considérer, d'une manière abstraite, les limites et les
exigences de la bonne foi pour prétendre en déduire, dans leur
nature et leur étendue, les droits et les obligations de l'une et de
l'autre des parties au contrat. On peut donc opposer, pour les étudier
séparément, la bonne foi des contractants et la bonne foi
contractuelle ». Il semble que cette distinction n'avait qu'une
portée descriptive, mais elle conduit tout de même à
s'interroger sur l'unité de la notion de bonne foi. S'agit il d'une
notion unitaire ou dualiste ? La question est d'autant plus pertinente que
cette distinction a été reprise par Monsieur
Picod44. En effet, ce dernier se
réfère à la loyauté contractuelle et la
loyauté du contractant dans l'exécution du contrat. Dans le
premier cas, il s'agirait de savoir à quoi les parties sont tenues alors
que dans la loyauté du contractant, il s'agirait de savoir comment les
parties exécutent ce dont elles sont tenues et comment elles se
comportent dans l'exécution des droits qu'elles tirent du contrat? En
effet, pour lui, le système juridique a une conception assez peu
dynamique de la loyauté, il penche plus vers une appréciation
« de façon négative » ou de façon «
abstraite ». C'est donc plus l'absence de déloyauté qui
produit des effets juridiques que la loyauté elle-même. Selon lui,
« la loyauté du contractant » et la « loyauté
contractuelle » sont deux aspects distincts. Le premier consiste à
apprécier directement une attitude, dans une large part sanctionner la
mauvaise foi du contractant. L'auteur souligne qu'il s'agit d'une notion non
autonome car le droit français ne récompense pas la diligence du
contractant. En revanche, le second est envisagé en tant que
critère de détermination du contenu contractuel et semble avoir
une autonomie propre du fait de son caractère neutre. « Elle n'est
ni à l'intérieur, ni au dessus de la volonté des parties,
mais elle est au-delà ». De ces deux conceptions, il ressort que
les auteurs opposent la bonne foi ou loyauté définie comme norme
d'interprétation et la création d'obligations dans le contrat et
la bonne foi ou loyauté conçue comme une exigence de
comportement.
Un autre auteur a de nouveau établi la distinction en
lui attribuant un caractère fondamental. En effet, pour Monsieur
Stoffel-Munck45, cette distinction ne semble pas
avoir qu'une portée descriptive. L'opposition entre la bonne foi
définie comme norme d'interprétation et la bonne foi
conçue comme une exigence d'humanité et de probité
parait
43 R. Vouin, « La bonne foi, notion et rôle actuels en
droit privé français », thèse Bordeaux, Paris :
LGDJ,1939 p.53
44 Y. Picod préc n°12 et n°64
45 Ph. Stoffel-Munck, préc. n° 81 p.8 1et s.
fondamentale. La loyauté contractuelle serait
absorbée dans l'article 1135 du Code Civil alors que seule la
loyauté du contractant constituerait le sens propre de la bonne foi
visée à l'article 1134 alinéa 3 du même Code. La
loyauté contractuelle se présente pour cet auteur comme «
une fidélité à l'opération que les parties ont
entendu réaliser par leur convention. Dans cette optique, le
critère opérant n'est pas la morale de la sociabilité mais
plus « prosaïquement » le respect du but économique
recherché. Il existerait donc une différence de nature manifeste
entre la bonne foi contractuelle et la bonne foi du contractant. En
réalité, ces approches confortent la dispersion et
l'imprécision de la notion de bonne foi. Or une telle dispersion et
imprécision peuvent s'avérer dangereuse. En effet, cela ne
signifie-t-il pas que les manifestations de la bonne foi ne sont guères
cohérentes ou en tout cas ne procèdent pas d'une logique parfaite
? Et que c'est finalement le juge, qui au gré des espèces,
détermine le sens de la notion et lui fait produire les effets qui lui
semblent répondre au mieux aux impératifs de justice et aux
intérêts des contractants. L'importance accrue de la notion en
droit positif n'est elle pas alarmante ? N'y a-t-il pas là un grand
danger pour les impératifs de « sécurité juridique
» dans le contrat ? D'ailleurs comment prévoir les effets de
l'exigence de bonne foi dans le rapport de travail si elle n'est
caractérisée par aucune unité et se perd dans ses
applications ?
Il semble en tout état de cause admis que la bonne foi
ne peut être appréhendée de façon unitaire et
qu'elle est une notion dont le sens et la portée sont fixés par
le juge qui s'appuie sur les conceptions et les efforts de
systématisation de la notion par la doctrine. Par ailleurs, même
si certains auteurs entendent limiter l'exigence de bonne foi au seul domaine
de l'exécution du contrat, la notion intervient aussi dans la phase de
formation et de rupture du contrat46. Il faut noter
que la bonne foi, synonyme « d'honnêteté et de correction
» n'est pas une notion spécifiquement contractuelle quoi que les
contractants ne puissent s'en affranchir. L'exigence de bonne foi irradie bien
au-delà de la matière contractuelle.
« Ne s'agit-il pas en fait de souligner que la bonne foi
joue une fonction heuristique et une fonction
instrumentale47 ? » car, si elle
appréhende directement la dimension contractuelle du rapport de travail,
celle dite « institutionnelle » n'est pas en reste.
De sources diverses et variées, la bonne foi intervient
dans la conclusion du rapport de travail, pendant son exécution et lors
de sa rupture. Peu ou prou, s'appuyant sur la bonne foi, le juge s'inscrit de
fait ou de droit dans une démarche de moralisation et de
modération du contenu du contrat de travail afin de lui apporter un
certain équilibre .
46 Ph. Le Tourneau préc n° 1 8
47 M. Julien préc.
La bonne foi constitue une référence morale
autorisant à juger de la qualité du comportement des
contractants. A travers cette dualité de fonctions, le juge dispose
aussi d'une notion malléable qui lui permet de moduler, modérer,
voire découvrir les obligations auxquelles sont tenus les
contractants48. De fait, la bonne foi semble plus
abordable par la définition des buts qu'elle permet d'atteindre.
Ainsi, elle devient un instrument mis à la disposition
du juge afin d'assurer une certaine régulation des relations entre
débiteur et créancier. Il faut noter que si le terme «
principe » a souvent été utilisé pour désigner
l'aspect normatif de la bonne foi, ce n'est plus en ce qu'elle permet de rendre
compte d'éléments éparses ou d'une tendance remarquable du
droit positif49. Si l'utilisation du terme «
principe » n'est pas contestée, elle n'est pas pour autant
consacrée unanimement par la doctrine. Définir la notion ne
pouvant permettre de percevoir toutes les applications auxquelles elle peut
renvoyer, il semble que la notion de bonne foi constitue un
standard50 « consistant à juger d'un
comportement moral donné dans des circonstances données par
référence au modèle considéré comme normal
par la société au par la fraction de la société
apte à élaborer le terme de référence ».
Conçue comme telle, le renvoi à la notion de normalité
permet au juge de s'immiscer dans le contrat en utilisant à la fois les
fonctions dévolues à la bonne foi et les liens
intrinsèques et extrinsèques qui existent entre la bonne foi et
d'autres notions.
Le recours au standard de la bonne foi offre au juge dans sa
lecture de la normalité, une parfaite adéquation entre son
pouvoir et son souhait de moraliser le contrat et donc d'infléchir le
déséquilibre favorable à la partie forte. Si ce standard
doit permettre pour une large part d'apprécier les décisions que
prend l'employeur à l'aune de la bonne foi, il constitue
également un moyen d'appréhender l'attitude du salarié
dans le cadre du rapport de travail. Ainsi, le rapport de travail, aussi bien
dans sa conclusion, son exécution et sa rupture, se trouve soumis
à l'exigence générale de bonne foi de façon
intrinsèque ou extrinsèque. On comprend dès lors que la
bonne foi puisse constituer un standard qui permet au juge de «
réguler » ce rapport.
Par ailleurs, le standard de la bonne foi, permet à la
cour de cassation d'interpréter extensivement le contenu du contrat de
travail, notamment à travers les obligations qu'il fait naître. Il
faut souligner qu'au fil des années, un certain nombre d'obligations ont
été
48 N. Pourias-Rexand « Le rôle du juge dans le contrat
de travail »La moralisation des obligations de l'employeur thése,
ANRT 2000 p.25
49 A. Jeammaud préc. Dr Soc 1982 p.618
50 S. Rials, « Le juge administratif français et la
technique du standard », Paris, LGDJ, 1980, n°72 p.61
découvertes par la jurisprudence, alors que rien ne
laissait présager leur présence dans le contrat de travail.
Ne s'agit-il pas là pour le juge d'user de la fonction
instrumentale de la notion de bonne foi ?
De plus, la faculté dont disposent les parties à
un contrat de travail, de singulariser leurs rapports, permet également
au juge d'intervenir dans cet « espace de
stipulation51 », notamment lors de la
survenance d'un litige.
Cette intervention, en tout cas, confirme la fonction
heuristique que peut jouer le standard de la bonne foi.
Au demeurant, si d'un côté, la bonne foi
constitue un standard régulateur du rapport de travail (1
ère partie), c'est aussi une source d'enrichissement du
contenu de ce contrat (2ème partie).
51 A. Jeammaud, préc.
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