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Les limites de l'application du droit sur les ressources naturelles: le cas des territoires palestiniens et du sahara occidental

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par Sandrine DAVANTURE
Université du Québec à Montreal - LLM 2006
  

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Section 2 Les titulaires du droit de souveraineté sur les ressources naturelles et son étendue.

Notre sujet a trait aux territoires occupés et non-autonomes, il ne s'agit donc pas des États indépendants auquel le principe de souveraineté sur les ressources naturelles semble s'adresser. En effet, qui dit souveraineté dit État libre et indépendant. Un droit ne peut être exercé par une personne qui n'a pas l'autonomie juridique, cela signifie donc qu'a posteriori, le droit de souveraineté sur les ressources naturelles ne s'adresse qu'aux États souverains. Toutefois les différentes dispositions des différents textes que nous venons d'étudier laissent entendre que d'autres titulaires, hormis les États, pourraient exister et bénéficier de l'exercice de ce droit de souveraineté sur les ressources naturelles. De qui s'agit-il ? Existe-t-il vraiment d'autres titulaires ? C'est ce que nous allons étudier dans notre deuxième section, en évoquant tout d'abord qui sont éventuellement les autres bénéficiaires de ce droit de souveraineté (I) et en essayant d'étudier plus en profondeur l'étendue de ce droit de souveraineté (II).

I. Les titulaires du droit de souveraineté.

Les textes énonçant le droit de souveraineté sur les ressources naturelles sont principalement l'oeuvre onusienne. En effet, l'ONU a activement participé à l'élaboration de ce droit et il est donc normal de déterminer qui sont tous les titulaires du droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles en étudiant le langage employé par l'ONU dans ses différents instruments. Nous nous efforcerons de démontrer que les États ne sont pas les seuls titulaires du droit de souveraineté et qu'il en existe d'autres, principalement les peuples.

A cet égard, il faut relever l'imprécision du langage employé par les Nations Unies concernant la souveraineté sur les ressources naturelles. Parfois l'Assemblée générale, principal organe ayant contribué à la formation du droit de souveraineté, emploie le terme « État » pour évoquer le titulaire de la souveraineté sur les ressources naturelles et parfois elle emploie le terme de « peuples » ou « nations ». Ces expressions se rencontrent parfois successivement dans le même texte43(*). Cependant le langage politique confond souvent les notions de peuple, de nation et d'État. Or, la souveraineté sur les ressources naturelles découle directement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce droit à l'autodétermination est aujourd'hui reconnu comme un droit. En effet, tous les membres des Nations Unies reconnaissent aujourd'hui le droit des territoires coloniaux d'accéder à l'indépendance. Il n'y a plus de doute aujourd'hui sur le statut du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il s'agit d'une norme de droit international à laquelle tous les États doivent se soumettre, et c'est justement parce que ce droit a été vu comme une norme à part entière, que la décolonisation a pu avoir lieu et que les peuples sous domination coloniale ont pu recouvrer leur souveraineté et devenir à leur tour des États indépendants. Dans la mesure où le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles découle directement du droit à l'autodétermination et que ce dernier est considéré par l'ensemble des États comme un droit à portée universelle, on peut en conclure que son principal corollaire a lui aussi le statut de droit à portée universelle. Il ne nous reste plus qu'à déterminer qui a la titularité de ce droit.

Même si les résolutions des Nations Unies parlent souvent d'États lorsqu'elles évoquent le droit de souveraineté sur les ressources naturelles, la plupart d'entre elles ne manquent toutefois pas de parler de peuples quant à la titularité de la souveraineté sur les ressources naturelles, ce qui évite ainsi toute confusion. La première d'entre elles est la résolution 626 (VII) du 21 décembre 195244(*) qui énonce que « le droit des peuples d'utiliser et d'exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles est inhérent à leur souveraineté ». Ici, l'Assemblée générale cite les peuples et non les États comme les titulaires du droit d'utiliser et d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles. Dans la résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 195845(*) de l'Assemblée générale, il est dit expressément que le droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes comprend un droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles. La résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 de cette même Assemblée, présente, quant à elle, la souveraineté sur les ressources naturelles comme un « élément fondamental » du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Enfin, la résolution 2692 (XXV) du 11 décembre 197046(*) parle, elle aussi, de peuples mais également de nations puisque l'Assemblée générale y réaffirme « le droit des peuples et des nations à la souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles ».

En outre, les Pactes internationaux de 1966 relatifs aux Droits de l'Homme se réfèrent aux peuples et non aux États lorsqu'ils évoquent la souveraineté sur les ressources naturelles. La Déclaration universelle des droits des peuples, faite à Alger, le 4 juillet 1976 parle, elle aussi, de peuples, puisque son titre même fait référence aux peuples, et non aux États. Cette déclaration universelle est un texte composé de trente articles énonçant chacun les droits dont dispose les peuples. Ainsi, l'article 8 de la déclaration d'Alger, dont le titre est « Droits économiques des peuples » dispose : « Tout peuple a un droit exclusif sur ses richesses et ses ressources naturelles. Il a le droit de les récupérer s'il en a été spolié, ainsi que de recouvrer les indemnisations injustement payées »47(*). La déclaration d'Alger attribue les droits économiques aux peuples, non aux États

On peut donc affirmer que le principe de souveraineté sur les ressources naturelles s'adresse aux peuples. Toutefois, l'emploi concomitant par les Nations Unies des termes « peuples » et « États » démontre que l'Organisation internationale ne veut oublier personne. En effet, on peut estimer que si l'Assemblée générale des Nations Unies emploie, d'une part le terme d'États, c'est pour rappeler l'égalité souveraine et l'indépendance de chaque État quant à l'exploitation de leurs ressources naturelles, et si, d'autre part, elle emploie le terme de peuples c'est pour désigner les peuples soumis à la domination étrangère, qui ne sont donc pas indépendants et souverains comme c'est le cas des peuples palestinien et sahraoui. C'est ainsi que par exemple la résolution 3171 (XXVIII) reprend ce que nous venons d'affirmer48(*). Le droit de souveraineté sur les ressources naturelles s'adresse d'une part aux États souverains et d'autre part « aux peuples des territoires soumis à la domination coloniale et raciale et à l'occupation étrangère ». La titularité d'un groupe n'est pas exclusive de l'autre. Cette résolution illustre bien la volonté de l'Assemblée générale d'inclure le plus grand nombre de titulaires afin d'assurer une plénitude de droits à tous ceux auxquels le droit de souveraineté s'adresse. Le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles concerne donc les peuples non indépendants et les États qui, eux, le sont. Il y a donc dualité de formulation qui traduit une réalité assez difficile à nier.

II. L'étendue du droit de souveraineté.

Notons d'abord, à titre de remarque préalable, qu'aux termes des Résolutions, tous les pays disposent du droit de souveraineté sur leurs ressources naturelles : chaque État est donc fondé à s'en prévaloir. Il n'y a là qu'une application du principe de l'égalité souveraine des États et de l'égalité de droits des peuples, principes qui sont inscrits au fronton de la Charte des Nations Unies. On en tirera l'idée que les représentants de tout État, territoire ou population, y compris d'abord et surtout les pays en développement et les territoires non autonomes ou occupés, sont admis à revendiquer la souveraineté sur les richesses nationales qu'ils ne contrôlent pas49(*). Pour mieux apprécier l'étendue du droit de souveraineté dont bénéficient normalement les territoires occupés et non autonomes sur leurs ressources naturelles, nous étudierons en premier lieu ses caractéristiques (A), puis dans un second, les moyens de sanction prévus par les résolutions de l'ONU permettant de faire respecter ce droit (B).

A. Les caractéristiques de la souveraineté sur les ressources naturelles.

La résolution 626 (VII) parle simplement du « droit des peuples d'utiliser et d'exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles », mais elle marque immédiatement que ce droit est « inhérent à la souveraineté ». Très rapidement d'ailleurs, on remarquera qu'il s'agit d'une souveraineté permanente. Ce qualificatif marque à la fois l'essence et la portée du droit revendiqué. En effet, dire que la souveraineté sur les ressources naturelles est permanente, signifie qu'elle est inaliénable. L'inaliénabilité se trouve proclamée par la résolution 1803 (XVII) et par la plupart des textes ultérieurs50(*).

Déclarer cette souveraineté permanente et inaliénable signifie d'une part qu'aucune aliénation en concession n'est valable sans le consentement de l'État territorial, d'autre part que cet État a, à tout instant, le droit de prendre ou de reprendre le contrôle des richesses aliénées51(*).

B. Les moyens de sanction prévus par les résolutions de l'ONU permettant de faire respecter les compétences souveraines des États.

On trouve à ce propos dans ces résolutions deux séries de dispositions :

Les unes déclarent que la souveraineté sur les ressources naturelles est conforme aux buts et principes des Nations Unies52(*) et toute violation de cette souveraineté est assimilable à une violation de la Charte elle-même. On citera à ce propos deux dispositions importantes, entre lesquelles se remarque une différence de ton, caractéristique de l'évolution de la théorie. En 1962, la résolution 1803 (XVII) présente un paragraphe 7 ainsi libellé :

« La violation des droits souverains des peuples et des Nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles va à l'encontre de l'esprit et des principes de la Charte des Nations Unies et gêne le développement de la coopération internationale et le maintien de la paix ».

Dix ans plus tard, la 3ème Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, réunie à Santiago du Chili, qualifie de « violation flagrante » des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies toutes mesures de pression politique ou économique de nature à porter atteinte au droit de tout pays de disposer librement de ses ressources naturelles53(*). La résolution 1737 (LIV) du Conseil économique et social qualifie également de « violation flagrante » de la Charte des Nations Unies tout acte accompli par un État à l'encontre d'un autre État pour porter atteinte au droit inaliénable de ce dernier d'exercer sa pleine souveraineté sur ses ressources naturelles54(*). Il en va de même pour la résolution 1956 (LIX) du Conseil économique et social du 25 juillet 197555(*).

Dans d'autres résolutions, l'ONU recommande à ses membres de s'abstenir de toute pression ou action de contrainte tendant à entraver le libre exercice par l'État de son droit de souveraineté sur ses ressources naturelles56(*). Il s'agit là d'un principe très important, en lequel il faut voir, comme le précisent plusieurs résolutions, une application du principe de non-intervention, proclamé par la Charte des Nations Unies et la Déclaration du 24 octobre 1970 sur les relations amicales et la coopération entre les États57(*). Ce principe est lui-même un corollaire de la souveraineté et de l'égalité.

Il convient maintenant de déterminer le domaine de la souveraineté sur les ressources naturelles.

La règle est que l'État peut l'exercer sur tous les biens situés dans les limites de sa compétence territoriale. Il s'agit donc, comme l'ont précisé certaines résolutions, des ressources et richesses situées sur terre à l'intérieur des frontières internationales, et de celles que l'on trouve dans les espaces maritimes soumis à la juridiction nationale.

* 43 Droit d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles, Rés. AG 626 (VII), Doc. Off AG NU, 7e sess., supp. n°20, (1952), 18.

* 44 Ibid.

* 45 Recommandations concernant le respect, sur le plan international, du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes, Rés. AG 1314 (XIII), Doc.Off. A.G.N.U., 13ème sess., supp. n°18, (1958), 27.

* 46 Souveraineté permanente des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles et expansion des sources intérieures d'accumulation aux fins de développement économique, Rés. AG 2692 (XXV), Doc.Off. A.G.N.U., 25e sess., supp. n°28, Doc. NU A/8221, (1970), 69.

* 47 Antonio Cassese et Edmond Jouve dir., Pour un droit des peuples : essai sur la Déclaration d'Alger, Paris, Berger-Levrault, 1978, à la p.29.

* 48 Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Rés. AG 3171 (XXVIII), Doc. Off. AGNU, 28ème sess., supp. n°30, Doc. NU A/9400, (1973), 55.

* 49 Ibid. au paragraphe 2 de la résolution 3171 (XXVIII) où l'Assemblée générale déclare qu'elle « appuie résolument les efforts des pays en voie de développement et des peuples des territoires

soumis à la domination coloniale et raciale et à l'occupation étrangère dans la lutte qu'ils mènent pour recouvrer le contrôle effectif de leurs ressources naturelles ».

* 50 Résolution 2158 (XXI) (Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Rés. AG 2158 (XXI), Doc. Off A.G.N.U, 21e sess., supp. n°16, Doc. NU A/6518, (1966), 29) et 3171 (XXVIII) (Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Rés. AG 3171 (XXVIII), Doc.Off. A.G.N.U, 28e sess., supp. n°30, Doc. NU A/9400, (1973), 55) et les résolutions du Conseil économique et

social : Souveraineté permanente des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles, Rés. CES 1737 (LIV), Doc. Off. CES NU, 54ème sess., supp. n°1, (1973), 2 ; Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Rés. CES 1956 (LIX), Doc. Off. CES NU, 59ème sess., supp. n°1, Doc. NU E/5731, (1975), 10.

* 51 Guy Feuer, supra 38, à la p.16.

* 52 Résolution 626 (VII), supra note 26.

* 53Mesures à prendre pour réaliser une plus large entente sur les principes devant régir les relations commerciales internationales et les politiques commerciales propres à favoriser le développement,

Rés. CNUCED 46 (III), 3ème sess., Annexe point 5, Doc. NU TD/III/RES/46 (1972), 66. NU, 1737 (LIV), Doc. Off. CES NU, 3ème sess., supp. n°4

* 54Souveraineté permanente des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles, Rés. CES 1737 (LIV), Doc. Off. CES NU, 54ème sess., supp. n°1, (1973), 2.

* 55 Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, Rés. CES 1956 (LIX), Doc. Off. CES NU, 59ème sess., supp. n°1, Doc. NU E/5731, (1975), 10.

* 56 Résolution 3016 (XXVII), Souveraineté permanente des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles, Rés. AG 3016 (XXVII), Doc. Off. AGNU, 27ème sess., supp. n°30, Doc. NU A/8963, 54 et 3171 (XXVIII), supra note 48.

* 57 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, Rés. AG 2625 (XXV), Doc.Off. A.G.N.U., 25e sess., supp. n° 28, Doc. NU A/8082, (1970), 131.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo