Les limites de l'application du droit sur les ressources naturelles: le cas des territoires palestiniens et du sahara occidental( Télécharger le fichier original )par Sandrine DAVANTURE Université du Québec à Montreal - LLM 2006 |
Chapitre 2 Les réactions étatiques.Dans le cadre de conflits aux dimensions politique et stratégique tels les conflits israélo-palestinien et sahraoui, il y a toujours deux sortes de réactions. Il y a d'abord les réactions de soutien au peuple qui cherche à obtenir son indépendance et à exercer son droit à l'autodétermination (Section 1), puis il y a les autres, les États qui, au contraire, soutiennent l'occupant, si ce n'est de manière active, du moins de manière passive (Section 2). Section 1 Les réactions de soutien au peuple en quête de souveraineté sur leurs ressources naturelles.Que ce soit pour le Sahara occidental ou les territoires palestiniens occupés, bon nombre d'États prennent position en faveur de ces peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes. Et en manifestant leur mécontentement et en dénonçant les exploitations illégales dont les ressources naturelles sahraouies et palestiniennes font l'objet, certains d'entre eux contribuent, autant que faire se peut, à promouvoir le principe de souveraineté sur les ressources naturelles et à le faire tendre appliquer. Nous étudierons tout d'abord les réactions de soutien au peuple sahraoui (I) puis celles au peuple palestinien (II). I. Les réactions de soutien au peuple sahraoui. Même si la cause sahraouie est une cause peu connue dans le monde occidental et dans le monde en général, elle bénéficie tout de même d'appuis assez importants et qui, pour certains, ont un rôle plus que majeur sur la scène politique internationale. En effet, dès 1984, l'Organisation de l'unité africaine (OUA), devenue Union africaine, a reconnu l'existence de la République Arabe Sahraouie Démocratique (ci-après dénommée RASD) comme État, qui avait été proclamée comme pays indépendant en 1976 par le Front Polisario. Reconnaissance qui a entraîné le retrait immédiat du Maroc de l'OUA en signe de protestation. Il est toutefois regrettable que l'ONU n'ait pas fait de même, puisqu'elle n'a toujours pas reconnu la RASD comme un État et que le Sahara occidental figure toujours au nombre des territoires non autonomes. Plusieurs autres pays ont reconnu la RASD, notamment l'Afrique du Sud. En septembre 2004, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Nkosazana Dlamini-Zuma, a elle-même fait l'annonce de la reconnaissance par son pays de la RASD249(*). « La réponse du gouvernement du Maroc au plan de paix onusien tend sans équivoque à priver le peuple du Sahara occidental de son droit à l'autodétermination, contrairement aussi bien au droit international (...) qu'aux engagements solennels pris par le gouvernement du Maroc », a expliqué le premier ministre d'Afrique du Sud, Thabo M'Beki, dans une longue lettre solidement argumentée au roi du Maroc250(*). La reconnaissance de la RASD par l'Afrique du Sud constitue sans doute un revers pour la diplomatie marocaine car elle peut craindre, à juste titre, que la position sud-africaine crée des émules sur le continent africain et de ce fait, la position marocaine serait grandement affaiblie. Peu de temps avant la reconnaissance par l'Afrique du Sud de la RASD, le Panama avait réitéré « son soutien ferme à la tenu d'un référendum libre et transparent qui garantit l'autodétermination au peuple sahraoui »251(*). Les responsables du parti au pouvoir au Panama ont manifesté « la ferme position de soutien de leur pays aux droits légitimes du peuple sahraoui, expriment leur solidarité et soutien à sa lutte légitime pour l'autodétermination et l'indépendance »252(*). Les Sahraouis possèdent également un appui de taille aux côtés des Américains. En effet, en juillet 2004, les États-Unis ont déclaré ne pas reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Ceci a fait suite à une lettre adressée au Représentant du commerce extérieur des Etats-Unis, Robert B. Zoellick, de la part d'un membre du Congrès, dans laquelle ce dernier l'interrogeait sur la légalité d'inclure le territoire du Sahara occidental dans l'accord de libre échange conclu entre les États-Unis et le Maroc. Le Représentant a alors répondu que l'accord de libre échange « s'appliquera au commerce et aux inversions dans le territoire marocain reconnu et n'inclura pas le Sahara occidental »253(*). Ceci a pour conséquence de ne pas inclure les ressources naturelles du Sahara occidental dans cet accord et ainsi les États-Unis ne se rendent pas complices d'un fait internationalement illicite en profitant de l'exploitation illégale de ces ressources par le Maroc. Il y a ensuite la position espagnole qui représente, bien évidemment, un enjeu aussi bien pour les Sahraouis que pour les Marocains. En effet, l'Espagne étant le pays qui a colonisé le territoire du Sahara occidental, elle se trouve finalement à l'origine du conflit. Si l'Espagne, au moment de décoloniser le Sahara occidental, avait organisé un référendum d'autodétermination et non pas conclu une répartition entre le Maroc et la Mauritanie du territoire (accords de Madrid du 14 novembre 1975), le problème du devenir de ce territoire ne se poserait pas aujourd'hui. C'est pourquoi, il est difficile pour l'Espagne de devoir choisir entre les deux camps. D'une part, elle a favorisé l'occupation du Sahara occidental par le Maroc en signant les accords de Madrid, d'autre part, elle a ignoré les droits du peuple sahraoui à l'autodétermination en n'organisant pas, finalement, la décolonisation de manière légale au regard du droit international. Toutefois, récemment l'Espagne semble avoir clarifié sa position puisque son ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a déclaré en octobre 2004, vouloir voir le plan Baker appliqué afin de régler le conflit du Sahara occidental254(*). Cela signifie que l'Espagne soutient non seulement la légalité internationale mais également le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. On peut également soulever le soutien sans faille dont dispose la RASD depuis le début, et qui est celui de l'Algérie, qui n'a de cesse de réclamer le droit à l'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental. Récemment, le représentant de l'Algérie devant les Nations Unies, M. Abdallah Baali, a déclaré que le Maroc veut simplement « que la Communauté internationale accepte son occupation du Sahara occidental et reconnaisse sa souveraineté sur ce territoire »255(*). Enfin, il faut soulever qu'en concluant un contrat de prospection pétrolière offshore avec le Maroc sur le territoire du Sahara occidental, la Compagnie française Total s'était inscrite non pas dans l'illégalité, comme le rappelle l'avis du Bureau des affaires juridiques de l'ONU256(*), mais pourrait l'être si les activités de prospection étaient entreprises sans égard aux intérêts du peuple sahraoui. Forte de cela, la Compagnie pétrolière française a donc préféré se retirer du Sahara occidental257(*). Quant à la position française sur le cas du Sahara occidental, le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay a déclaré, le 8 mars 2002, être pour l'application du plan Baker sans préciser que la France était pour le respect du droit à l'autodétermination du peuple sahraoui258(*). II. Les réactions de soutien au peuple palestinien. Contrairement au problème du Sahara occidental, la situation au Proche-orient suscite bien plus de réactions de la part des États. Le conflit israélo-palestinien en effet, cristallise les relations internationales car il est considéré comme un « point chaud » de la planète, le lieu où tout peut dégénérer au détriment de la paix dans le monde. Il est aussi le lieu où l'Occident semble s'opposer à l'Orient, car l'un est soutenu par le géant américain et l'autre par les pays musulmans qui sont souvent hostiles au premier. Malgré cela, le jeu de force semble assez équilibré, car même si Israël dispose d'une armée et d'une économie bien plus forte que les territoires palestiniens, en grande partie grâce à la toute puissance américaine, la cause des Palestiniens est entendue, non seulement dans les instances internationales mais surtout et également dans de nombreux pays de tous les continents. En effet, nous avons pu enregistrer bon nombre de réactions de la part d'États qui s'inquiètent du sort des ressources naturelles des territoires palestiniens et notamment de leurs ressources en eau. Par exemple, en février 1992, lors de la deuxième rencontre du Tribunal international de l'eau à Amsterdam259(*), celui-ci a condamné l'État hébreu à raccorder au réseau national de distribution d'eau potable les villages arabes « non reconnus » auxquels l'État hébreu refusait cet approvisionnement260(*). L'affaire avait été portée devant le Tribunal par deux comités sanitaires arabes qui accusaient Israël de priver d'eau potable 70 villages dans le centre et le nord du pays (principalement en Galilée). En 1997, dans un communiqué de presse de l'Assemblée générale des Nations Unies, les délégations de la deuxième commission qui examinaient à ce moment là la souveraineté des peuples palestinien et syrien sur les ressources naturelles de leurs territoires occupés, ont toutes dénoncé, à l'exception d'Israël, « la colonisation israélienne, qui porte atteinte à l'intégrité des ressources naturelles des territoires occupés palestiniens et syriens. La plupart ont rappelé que la communauté internationale condamne depuis longtemps cette colonisation et cette exploitation illégales »261(*). Le représentant de Malaisie, lors de cet examen par la deuxième commission, a déclaré que le « gouvernement israélien doit cesser immédiatement l'exploitation des ressources naturelles des territoires occupés et indemniser ceux qui ont subi des dommages »262(*). Le représentant de Tunisie a, quant à lui, rappelé que « l'exploitation des ressources du sol et de l'eau contribue à appauvrir les Palestiniens et à renforcer leurs souffrances ». Le représentant de la Ligue des États arabes, lui, a exprimé le souhait que le peuple palestinien recouvre « la souveraineté (...) sur ses propres ressources naturelles qu'Israël continue d'exploiter dans les territoires occupés » notamment en dérivant les cours d'eau263(*). Pour ce qui est de la réaction des États occidentaux et notamment européens, il est plus difficile d'y avoir accès de manière formelle, même si sur la scène internationale, ils ne cachent pas véritablement leur position. Ainsi, pour connaître leur avis sur la question, il est intéressant d'examiner dans quelles conditions les résolutions de l'Assemblée générale ainsi que celles du Conseil de sécurité ont été votées. Par exemple, lorsque l'Assemblée générale vote une résolution spécifiquement sur la souveraineté permanente du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé sur ses ressources naturelles, tous les pays de l'Union européenne ainsi que ceux d'Amérique du Sud, votent, à l'instar du Canada et du Japon, en faveur de l'adoption de cette résolution. A chaque fois que ce type de résolution est présentée au vote, les conditions de vote sont sensiblement les mêmes, les États occidentaux, hormis les Etats-Unis, votent pour, ce qui signifie que la souveraineté du peuple palestinien sur ses ressources naturelles ne leur est pas indifférente. Il en a été de même pour la résolution de l'Assemblée générale, présentée par l'Union européenne, et qui demandait à Israël de s'abstenir de construire la barrière de sécurité. Les États de l'Union européenne ont voté pour la résolution à l'unanimité, contrairement aux Etats-Unis264(*). Il est très important que moralement l'Union européenne soutienne le droit du peuple palestinien à la souveraineté, sans ce soutien, Israël, forte de son appui américain, ne rencontrerait jamais d'obstacle face à sa politique d'annexion. En 2002, lors d'un nouvel examen par la deuxième commission du problème de la souveraineté permanente du peuple palestinien sur ses ressources naturelles, les réactions ont été les mêmes qu'en 1997. La majorité des délégations a dénoncé l'utilisation et l'exploitation abusives des ressources naturelles des territoires palestiniens et de l'eau potable en particulier par Israël265(*). Cependant, la réaction la plus vive est venue du Mouvement des non- alignés (ci-après dénommé MNA), réuni à Durban en Afrique du Sud en août 2004. Le MNA, qui a réuni les ministres des Affaires étrangères des 115 pays non alignés, a appelé Israël à respecter et à appliquer l'avis de la Cour internationale de Justice. « Le respect et l'application de cette décision aurait une influence positive sur les efforts pour parvenir à un règlement pacifique et politique du conflit dans le cadre du droit international », ont déclaré les ministres dans un communiqué rendu public lors de la 14ème conférence ministérielle des membres du MNA266(*). Dans le document final rédigé à cette occasion, il est demandé aux membres du MNA d'agir individuellement ou collectivement pour boycotter les produits des colonies israéliennes, d'interdire aux colons d'entrer dans les pays du MNA, d'imposer des sanctions à l'encontre des compagnies participant à la construction du Mur et à d'autres activités illégales dans les territoires occupés ou, plus généralement, impliquées dans l'activité des colonies267(*). C'est une des résolutions les plus sévères jamais prises contre Israël puisqu'elle propose aux membres du MNA des mesures concrètes de sanctions, ce qui pour l'instant n'avait jamais été proposé. Le Mouvement appelle également le Conseil de sécurité à prendre ses responsabilités en adoptant une résolution claire et à tout mettre en oeuvre afin de faire respecter l'avis consultatif de la CIJ268(*). Enfin le MNA exhorte Israël à respecter le droit des palestiniens à l'autodétermination et à la souveraineté269(*). Ajoutons également que l'appui du MNA lors du sommet de Durban au peuple palestinien a été soulevé par l'Assemblée générale dans sa résolution 59/80 du 16 décembre 2004270(*), ce qui montre le retentissement et le rayonnement des prises de position du Mouvement des non-alignés et espérons-le, ses répercussions. Si l'on constate que les Palestiniens bénéficient d'un soutien plus important que les sahraouis, cela est en partie dû aux enjeux que le conflit au Proche-orient représente. Les pays voisins qui soutiennent les Palestiniens sont aussi des pays producteurs de pétrole. Peu nombreux sont les États qui peuvent se passer de cette matière première fournie par ces pays-là. Ne pas soutenir le peuple palestinien reviendrait alors à s'opposer aux pays arabes producteurs de pétrole et donc ne plus avoir accès à cette marchandise. Or, à part les États-Unis, peu de pays peuvent se permettre cette audace. C'est ce qui nous amène à traiter, maintenant, des éventuels soutiens que peuvent recevoir les puissances occupantes que sont Israël et le Maroc. * 249 Didier Samson, « Thabo M'beki accueille la RASD » (16 septembre 2004), en ligne : RFI.fr <http://www.rfi.fr/actufr>. * 250 Jean-Pierre Tuquoi, « Pretoria bouscule le jeu au Sahara occidental » (22 octobre 2004), en ligne : LeMonde.fr <http://www.lemonde.fr>. * 251 Sahara Press Service, « Panama réitère son soutien à la tenu d'un referendum libre d'autodétermination du peuple sahraoui » (16 juillet 2004), en ligne : Spsrasd.info <http://www.spsrasd.info.sps>. * 252 Ibid. * 253 Sahara Press Service, « Les Etats-Unis ne reconnaissent aucune souveraineté marocaine sur le Sahara occidental , affirme l'Administration américaine » (24 juillet 2004), en ligne : Spsrasd.info <http://www.spsrasd.info.sps>; Monia Zergane, « Le Congrès US désavoue Rabat » (25 juillet 2004), en ligne : El Watan.com <http://www.elwatan.com>. * 254 T. Hocine, « Sahara occidental : Madrid clarifie sa position » (28 octobre 2004), en ligne : ElWatan.com <http://www.elwatan.com>. * 255 La question du Sahara occidental domine les débats de la quatrième commission, Doc. off. C4 NU 2004, GA.SPD/285. * 256 Lettre adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, supra note 205. * 257 RASD, Communiqué de Presse du 29 novembre 2004, en ligne : Arso.org <http://arso.rg>. * 258 Déclaration du porte-parole adjoint du Quai d'Orsay (8 mars 2002), en ligne : Diplomatie.gouv.fr <http://www.diplomatie.gouv.fr.actu>. * 259 Il s'agit d'un forum international de spécialistes de différents pays assistés d'experts techniques à qui des représentants des ONG de différents pays soumettent des cas. La première rencontre a eu lieu en 1983 à Rotterdam et portait sur la pollution en Europe de l'ouest. En ligne : <http://www.bibl.ulaval.ca/info/eau.html>. * 260 Agence France Presse, « Le Tribunal international de l'eau condamne l'État hébreu », Le Monde (23-24 février 1992), à la p.5. * 261 Communiqué de Presse, AG/EF/224, 22 octobre 1997. * 262 Ibid. * 263 Ibid. * 264 Mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire palestinien occupé, Rés. AG ES-10/13, Doc. Off. AGNU, 10ème sess. extra. urg., Doc. NU A/RES/ES-10/13 (2003). * 265 Deuxième Commission, Communiqué de presse, AG/EF/411, 7 novembre 2002, en ligne : Un.org <http://www.un.org/News/fr-press/docs/2002/AGEF411.doc.htm>. * 266 Robert K., « Le Mouvement des 115 pays Non-Alignés demande à ses membres d'appliquer des sanctions contre Israël » (28 août 2004), en ligne : France-Palestine.org <http://France-palestine.org/article553.htm>. * 267 The Non-Aligned Movement, « Declaration on Palestine », (17-19 août 2004), en ligne : Nam.gov.za <http://www.nam.gov.za/media/040820a.htm>. * 268 Ibid. * 269 Ibid. * 270 Mesures visant à empêcher les terroristes d'acquérir des armes de destruction massive, Rés. AG 59/80, Doc. Off AGNU, 59ème sess., Doc. NU A/RES/59/80 (2004). |
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