La promesse de vente de la chose d'autruipar Florent Kuitche Takoudoum Université de Nice sophia antipolis - Master II droit de l'immobilier et de l'urbanisme 2007 |
Chapitre IIL'inexécution de l'obligation d'acquérir pour transmettreLorsque le débiteur d'une obligation exécute sa prestation, il lève par là même l'obstacle qui s'opposait à l'efficacité de l'acte. Celui-ci sort alors de la catégorie des actes de disposition sur la chose d'autrui, tout au moins s'il s'agit d'un acte entre vifs. Si par exemple, un vendeur acquiert la propriété de la chose d'autrui qu'il avait vendu, la jurisprudence admet, malgré l'article 1599, que la vente se trouve consolidée ; elle produit alors ses effets normaux, effets réels et aussi effets obligatoires. Au contraire, le legs de la chose d'autrui par exemple, même lorsqu'il parvient à l'efficacité, demeure différent du legs normal : il n'y a pas succession juridique du bénéficiaire au testateur ; le transfert de propriété résulte non pas du testament, mais du consentement du propriétaire et du grevé, et le bénéficiaire se trouve être l'ayant cause de ce dernier. C'est surtout si l'obligation d'acquérir pour transmettre demeure inexécutée que de nouveaux problèmes vont se poser, et les conséquences de l'inexécution seront différentes selon qu'elles résultent(§1) ou non d'une impossibilité(§2). §1) L'impossibilité d'exécutionLorsque l'exécution de la prestation est impossible, le débiteur se trouve libéré, car à l'impossible nul n'est tenu. Non seulement, il n'a pas à fournir la prestation impossible, mais il n'a pas non plus à en fournir l'équivalent. L'exonération pure et simple est admise sans difficulté lorsque l'obligation résulte d'un contrat. En effet, lorsque l'obligation d'acquérir résulte d'un contrat synallagmatique, l'impossibilité de l'exécuter entraîne la disparition de l'obligation corrélative. L'attribution des risques du contrat se trouve très simplifiée parce que distincte de celle des risques de la chose103(*). Des règles spéciales concernent la théorie des risques dans les obligations conditionnelles. Supposons d'abord une obligation sous condition suspensive, seul cas prévu par le code dans l'article 1182, par exemple et pour ce qui nous concerne la vente d'une chose sous condition suspensive. « Pendente conditione », la chose périt par cas fortuit, puis la condition se réalise ; Qui devra supporter les risques ?
On est tenté d'abord de raisonner ainsi : la condition a un effet retroactif ; tout doit donc se passer comme si la vente était ferme dès l'origine. Or d'après l'article 1138, les risques sont à l'acheteur ; donc ici encore, les risques seront pour l'acheteur, qui devra le prix sans avoir la chose. Cette solution serait inexacte. La condition rétroagit, mais il faut pour cela qu'au moment où elle se réalise, les éléments essentiels à la réalisation du contrat existent encore en fait. Or tel n'est pas le cas ; au moment où la condition se réalise, un élément essentiel du contrat a disparu, car la chose a péri et le contrat n'a plus d'objet. Donc, il n'y a pas de vente. La perte sera pour le vendeur. L'acheteur ne devra rien. C'est ce que décide l'article 1182, alinéas 1 et 2 du code civil. Supposons maintenant une perte partielle ou une détérioration « Pendente conditione ». La condition se réalise. Ici le même raisonnement n'est plus possible. Logiquement, on devrait dire : le contrat a un objet au moment de la réalisation de la condition ; donc, en vertu de l'effet retroactif de la condition, tout se passera comme si la détérioration était survenue après une vente ferme. Le risque sera pour l'acheteur qui devra payer le prix intégralement en prenant la chose dans l'état où elle est. Telle devrait être la solution logique ; C'était celle de Poithier104(*). Mais elle a été changée par le code (article 1182, alinéa 3). Une option est ouverte au créancier, qui peut prendre la chose sans diminution du prix ou faire résoudre le contrat. Cette faculté de résolution est une grave innovation ; c'est le seul cas où la perte partielle non imputable au débiteur puisse produire un tel effet. Cela aboutit à déplacer les risques, à les laisser à la charge du débiteur, car en fait, le créancier fera résoudre le contrat toutes les fois que la chose aura subi des détériorations graves. C'est une solution illogique, généralement critiquée. Si la perte partielle est survenue par la faute du débiteur, l'article 1182 alinéa 4, par une simple application du droit commun, laisse au créancier le choix entre faire résoudre le contrat ou exiger la chose dans l'état où elle se trouve, avec des dommages et intérêts. L'article 1182 ne donne pas la solution au problème des risques lorsque l'obligation est sous condition résolutoire ; D'où la controverse. On adopte en général l'opinion de Demolombe, d'après laquelle les risques sont pour l'acheteur, selon le droit commun de l'article 1138. En effet, la vente sous condition résolutoire doit être traitée « Pendente conditione », comme une vente pure et simple. Ce qui est conditionnel, c'est la résolution, non la vente. Cette solution est cependant contestée105(*). Concernant la chose d'autrui si elle périt, la perte est pour le propriétaire, mais ici, le propriétaire n'est ni l'une, ni l'autre des parties106(*), il est un tiers. Pour les risques de la promesse, on applique la règle générale « casum sentit débitor » : la perte est pour le débiteur qui ne peut s'exécuter ; il perd le droit à la prestation qui lui était due. Celui qui a promis un droit sur une chose d'autrui et qui se trouve dans l'impossibilité de le procurer ne peut réclamer le prix. Une relation aussi étroite ne se trouve pas nécessairement entre la charge d'acquérir une chose d'autrui pour la transmettre et le bénéficiaire du legs qui en est grevé, et l'on appliquera la théorie de la cause impulsive et déterminante. Telles sont les conséquences de l'impossibilité d'exécuter l'obligation d'acquérir pour transmettre, conséquences importantes, puisque dans le cadre d'un compromis de vente, l'impossibilité d'exécution en libérant le débiteur, libère aussi le créancier et conduit à un résultat analogue à la résolution107(*). Il importe donc de préciser tant la notion de résolution, que celle d'impossibilité d'exécution, qui donne lieu à une difficulté particulière lorsqu'il s'agit de l'obligation d'acquérir pour transmettre. Il y a certainement impossibilité d'exécution lorsque la chose a péri, ou encore lorsqu'elle est hors du commerce ou frappée d'inaliénabilité. Mais, peut-on dire qu'il y a inaliénabilité lorsque l'obstacle résulte d'un refus du propriétaire d'aliéner sa chose ? Si ce refus était définitif, on pourrait l'admettre ; il rendrait impossible l'exécution exacte de l'obligation, de la même façon que la destruction de la chose. Mais un tel refus ne peut jamais être considéré comme définitif, même si le propriétaire l'entend comme tel, car il peut changer d'avis ; or seule l'impossibilité absolue et définitive peut être considérée comme libératoire. A cela s'ajoute d'ailleurs une raison d'ordre pratique : le refus opposé par le propriétaire pourrait être le résultat d'une collusion frauduleuse avec le débiteur, à peu près impossible à prouver pour le créancier. Il est donc préférable de ne pas assimiler le refus du propriétaire de ne pas vendre sa chose à l'impossibilité d'exécution libératoire pour le débiteur. L'héritier ou le légataire grevé de cette charge devra fournir au bénéficiaire la valeur de la chose. A plus forte raison en est-il ainsi de la simple difficulté résultant de l'exigence d'un prix exagéré. Le débiteur de l'obligation d'acquérir se trouve à la merci du propriétaire, qui va peut-être exiger un prix considérable. De toute façon, le promettant d'une vente portant sur la chose d'autrui, débiteur de l'obligation d'acquérir pour transmettre pourrait être sanctionné en cas d'inexécution de cette obligation. * 103. Sur cette distinction, voir Planiol, Ripert et Boulanger, t. II, n° 491. * 104. Obligations ; n° 219. * 105. Cf. Planiol, op. cit ; t II, n° 1532 et note. * 106. La règle qui met les risques du contrat à la charge du débiteur est incontestée dans la doctrine française, mais elle est rejetée par une fraction importante de la doctrine italienne, qui met les risques à la charge du créancier, en l'obligeant à fournir tout de même sa prestation : en ce sens notamment, notamment Cariota Ferrara, op. Cit, n°145. * 107. D'ailleurs, on a souvent appliqué à tort l'article 1184 dans cette hypothèse. V. Planiol, Ripert et Boulanger, t.II, n° 521. |
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