SOMMAIRE
Introduction p.1
Partie théorique p.2
I LA THÉORIE DE L'ESPRIT
2
1. DÉFINITION
2
2. LE DÉVELOPPEMENT NORMAL.
2
a. Les précurseurs.
2
b. La période 3- 4 ans.
3
3. UN MODÈLE EXPLICATIF : LE
MODÈLE DE BARON-COHEN.
4
a. Les quatre composantes
4
b. Développement des quatre
composantes.
6
II . LA THÉORIE DE
L'ESPRIT : UNE THÉORIE DE L'AUTISME.
6
1. INTRODUCTION
7
2. THÉORIE EXPLICATIVE DE
BARON-COHEN
7
3. ETUDES ISSUES DE CETTE
THÉORIE.
8
III L'HYPOTHÈSE DE YIRMIYA ET
AL., (1996).
9
1. UNE TÂCHE PARTICULIÈRE DE
THÉORIE DE L'ESPRIT : LA TROMPERIE.
9
a. Introduction
9
b. Définition.
10
2. UN QUESTIONNEMENT
DÉVELOPPEMENTAL : APPORT DE L'ANALYSE DE LA TÂCHE DE
TROMPERIE
11
3. L'HYPOTHÈSE DE YIRMIYA ET AL.
(1996) : UN RÔLE DIFFÉRENT POUR L'ENFANT SELON LE TYPE DE
TÂCHE.
12
a. Présentation de
l'hypothèse
12
b. Validation de cette
hypothèse.
14
4. APPORT DU FONCTIONNEMENT AUTISTIQUE
15
a. Présentation de
l'hypothèse
15
b. Des résultats
contradictoires.
15
c. Problématique
16
Méthodologie p.18
I. SUJETS :
18
1. DESCRIPTION DES DEUX GROUPES
18
a. Le groupe sujet
18
b. Le groupe contrôle
18
2. RECRUTEMENT ET PREMIERS CONTACTS
18
II. MATÉRIEL ET
PROCÉDURE EXPÉRIMENTALE
19
1. MATÉRIEL
19
2. LES TÂCHES UTILISÉES (CF
ANNEXES 2 À 9)
20
a. Les tâches de fausses croyances
(cf annexe 2 à 5).
20
b. Les tâches de tromperie (cf
annexe 6 à9).
20
c. La batterie E.P.L
21
3. PROCÉDURE
22
a. Déroulement de la
séance.
22
b. Calcul de scores
22
IV ANALYSE DES RÉSULTATS
23
1. ANALYSES DES RÉSULTATS À LA
TÂCHE DE FAUSSE CROYANCE.
23
a. Comparaisons des performances
à FC entre enfants autistes et enfants contrôles
23
b. Amélioration de la performance
à FC en fonction de l'âge
24
c. Amélioration des performances
des enfants autistes à FC en fonction du stade de pensée
24
2. ANALYSES DES RÉSULTATS À LA
TÂCHES DE TROMPERIE
25
a. Comparaisons des performances
à T entre enfants autistes et enfants contrôles
25
b. Amélioration des performances
des enfants autistes en fonction de l'âge
26
c. Amélioration des performances
des enfants autistes à T en fonction du stade de pensée
atteint
27
3. COMPARAISONS DES PERFORMANCES DES ENFANTS
AUTISTES À FC ET À T
27
Discussion p.29
I. UNE DISSOCIATION DU MODULE TOMM
CHEZ LES ENFANTS NORMAUX
29
II. APPORT DU FONCTIONNEMENT
AUTISTIQUE
31
1. RETOUR À LA
PROBLÉMATIQUE
31
2. L'ÂGE, UNE VARIABLE PEU FIABLE
31
3. DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE
LOGIQUE ET DÉVELOPPEMENT DE LA THÉORIE DE L'ESPRIT
32
4. UNE DISSOCIATION DU MODULE TOMM CHEZ LES
ENFANTS AUTISTES ?
33
5. DISCUSSIONS SUR LES CONCEPTS
34
Réflexions critiques p. 35
Bibliographie p. 37
Annexes p.40
INTRODUCTION
Entre trois et quatre ans, âge de la scolarisation,
l'enfant fait de nombreuses découvertes, notamment celle de l'autre.
Jusque là maintenu dans un système égocentrique, il va
apprendre à s'ouvrir aux autres et à tenter de les comprendre.
Petit à petit, il prend conscience que les personnes qui l'entourent
peuvent avoir des pensées, des croyances et des désirs
différents de lui. Il se rend compte que leur esprit est
différent du sien. Il échafaude une « théorie
de l'esprit ». La construction de cette capacité va lui
permettre l'accès à la socialisation. Il pourra se faire des
amis car il sera en mesure de prédire leurs comportements, leurs
désirs, leurs attentes. Ainsi une bonne évolution de cette
capacité est capitale pour le développement de l'enfant.
En effet, un déficit de cette capacité a de
grandes répercussions sur le devenir des enfants. C'est le cas des
enfants atteints d'autisme. Ces enfants, atteints de cécité
mentale, (Baron-Cohen, 1995) sont en difficulté lorsqu'ils sont
confrontés à d'autres individus. Leur compréhension des
autres est mise à mal, ce qui a un impact sur leur socialisation. Ceci
explique leur auto-centration.
Ainsi le but de cette recherche est de spécifier le
développement de la théorie de l'esprit chez l'enfant atteint
d'autisme, suite à un précédent travail (Papin, 2006).
Suite à un état des lieux des connaissances du
développement de cette capacité chez l'enfant normal, nous
spécifierons les hypothèses de Baron-Cohen (1995) selon lesquels
l'autisme est lié à un déficit de théorie de
l'esprit. Nous présenterons ensuite l'hypothèse de Yirmiya selon
lequel cette capacité se développe en deux temps, l'enfant
étant d'abord spectateur puis acteur, c'est-à-dire qu'il serait,
dans un premier temps, capable de comprendre les fausses croyances, puis dans
un second temps, il serait en mesure de les manipuler. Nous avions
validé cette hypothèse chez les enfants normaux lors d'un
précédent travail, ce qui nous avait permis de spécifier
le modèle cognitif de Baron-Cohen (1995). Cependant nos résultats
concernant les enfants autistes n'étaient pas fiables, aussi avons nous
souhaité reprendre notre protocole afin d'avoir une compréhension
plus fine du développement de cette capacité chez les enfants
autistes.
PARTIE THEORIQUE
I La théorie de l'esprit
1. Définition
La Théorie de l'esprit est définie comme la
capacité d'un individu à attribuer des états mentaux
(comme la pensée, les croyances, les sentiments et les désirs...)
aux autres et à soi-même. Elle signifie que l'on interprète
un acte humain selon la théorie (non explicite) que les pairs ont un
esprit et ne sont donc pas des machines. Elle constitue une étape
fondamentale et nécessaire pour un développement normal des
capacités sociales. Ainsi, un mode de communication adapté ne
peut s'établir que si chaque individu est capable de concevoir que
l'autre a des états mentaux, qui sont éventuellement
différents des siens (Premack et Woodruff, 1978; Baron-Cohen, Leslie et
Frith, 1985 ; Baron-Cohen, 1990). Elle est nécessaire pour
comprendre, expliquer, prédire, et même, manipuler le comportement
des autres. En effet, l'appréhension de ce que les autres pensent,
ressentent ou croient nous permet de faire des hypothèses sur leurs
actions à venir. L'acquisition de la théorie de l'esprit chez les
enfants normaux est un cap important du développement dans les
premières années de la vie.
2. Le
développement normal.
Les chercheurs, afin de tracer le profil de
développement de cette capacité, se sont focalisés sur la
période de 2 ½ ans - 5 ans, et plus particulièrement sur la
période 3-4 ans. Les explications des transformations de la
pensée de l'enfant à cette époque sont
génératrices de nombreux débats. Un aperçu des
précurseurs de la théorie de l'esprit permet une meilleure
compréhension de ceux-ci.
a. Les précurseurs.
La capacité de théorie de l'esprit est
précédée d'autres aptitudes pouvant être
regroupé sous le terme plus large de mentalisation. Cette plus large
définition augmente la portée de la recherche sur la
théorie de l'esprit en mettant davantage l'emphase sur l'action que sur
la représentation. Ceci permet d'inclure les principaux changements de
la petite enfance dans le développement de la théorie de l'esprit
(Hughes, 1998).
Cette capacité de mentalisation permet de nombreux
progrès chez les jeunes enfants. Les plus étudiés
actuellement sont les capacités d'attention visuelle conjointe qui se
développe entre 9 et 18 mois (Tomasello, 1999) et la capacité du
« jeu de faire semblant ». Cette aptitude se
développe entre 9 et 24 mois (Nicolich, 1977) et est
considéré comme une capacité cognitive complexe uniquement
humaine (Bruner, 1972). On estime qu'elle fournit une fenêtre sur le
développement infantile de la capacité d'utiliser les symboles
pour penser (Piaget, 1962).
b. La période 3- 4 ans.
La période 3-4 ans est à la fois une
période charnière dans le développement et une
période critique pour les chercheurs, car source de nombreuses
questions.
Ø Une
période charnière.
Durant la période 3-4ans, les enfants commencent
à comprendre les états mentaux, la différence entre les
leurs et ceux des autres, les limites de ce que les autres peuvent percevoir et
le fait que la perception restreint la pensée (Harris, 1991; Taylor,
1996). Cependant un grand décalage existe dans la conception de l'esprit
chez des enfants de 3 ans et ceux de 4 ans.
A 3 ans, les enfants font la différence entre deux
types d'états mentaux : d'un côté les états mentaux
tels que la perception, le désir et la croyance qui sont fortement
reliés à la réalité et d'un autre côté
les états mentaux tels que les images, les rêves et les
faux-semblants que les jeunes enfants considèrent comme bizarres car ils
ne font pas référence à la réalité, ni n'ont
de relation causale avec elle.
Il en est autrement pour les enfants de plus de 4 ans qui sont
conscients que cette dichotomie ne doit être tenue : ils ont une
compréhension quasi globale des états mentaux. Ce décalage
se manifeste dans les tâches qui demandent une certaine
compréhension des fausses croyances et la distinction entre apparence et
réalité (Gopnick, 1993).
Cette distinction des performances des enfants selon
l'âge fait débat auprès des chercheurs.
Ø Une
période critique.
De nombreuses questions restent en suspens dans la
littérature sur le développement de la théorie de l'esprit
chez les enfants normaux. L'une de ces discussions concerne notamment
l'âge exact auquel les enfants acquièrent la capacité de
théorie de l'esprit. Certains chercheurs, se situant dans un point de
vue early onset, pensent qu'à l'âge de 2 ½ ans, les
enfants sont capables d'utiliser des stratégies trompeuses et
qu'à 3 ans ils sont capables de connaître les désirs, les
valeurs et préférences et de répondre à des
questions spécifiques de théorie de l'esprit (Astington et
Gopnick, 1991; Chandler, Fritz et Hala, 1989; Flavell, 1992 ; Hala,
Chandler et Fritz, 1991). D'autres chercheurs se situant dans une perspective
late onset, argumentent le fait que les vraies capacités de
théorie de l'esprit sont présentes seulement après 4 ans
(Ruffman, Olson, Ash et Keenan, 1993; Wimmer et Perner, 1983; Sodian et Frith,
1992).
On peut penser que cette différence entre les deux
points de vue est à mettre en rapport avec le type de tâches
utilisées. En effet, afin d'étudier cette capacité, les
chercheurs ont créé différentes tâches ne semblant
pas mettre en jeu le même type de capacité. Par exemple, les
tâches de type « penny hiding game » (Oswald et
Ollendick, 1989), soit le jeu de la pièce cachée, implique peu
d'aptitudes cognitives. Le jeu ne demande pas beaucoup de capacité de
compréhension, d'imagination, de verbalisation au contraire d'autres
épreuves comme celle de « Sally et Anne » (Wimmer et
Perner, 1983). Ainsi cette épreuve est réussie plus tôt
dans le développement que des épreuves ayant une charge mentale
plus importante. Les jeunes enfants réussissent cette épreuve car
ils possèdent les aptitudes cognitives nécessaires à la
réalisation de celle-ci. Ils échouent aux épreuves de type
« Sally et Anne » car certaines capacités ne sont
pas encore développées. A l'âge de 4 ans, ces
capacités étant davantage matures, les enfants sont plus
performants.
3. Un modèle
explicatif : le modèle de Baron-Cohen.
Baron-Cohen (1995) propose un modèle cognitif de la
théorie de l'esprit constitué de quatre composantes distinctes.
Ces mécanismes sont le reflet des quatre propriétés du
monde : la volition, la perception, l'attention partagée et les
états épistémiques. Ce modèle est largement
prépondérant dans la littérature scientifique sur ce
sujet.
a. Les quatre composantes
Ce modèle est de type modulaire. Il est basé sur
la conception que Fodor (1986) donne des modèles modulaires. Il est
composé de quatre composantes : le détecteur
d'intentionnalité, le détecteur de direction des yeux, le
système d'attention partagée et le mécanisme de
théorie de l'esprit.
Stimuli se dirigeant et se déplaçant
eux-mêmes
Représentation dyadique (désir, but)
Registre complet des concepts d'états mentaux
exprimés en méta représentation
ID
Stimuli du type yeux
ToMM
Représentation dyadique (voir)
EDD
SAM
Représentation triadique
Connaissance du mental stockée et utilisé en
tant que théorie
Le système de lecture des états mentaux
Le premier système est le détecteur
d'intentionnalité (ID). C'est un dispositif perceptif qui
interprète le stimulus en mouvement en termes d'états mentaux
(but et désir). Ce système est à relier avec les
précurseurs de la théorie de l'esprit, soit les capacités
de mentalisation.
Le second mécanisme est le détecteur de
direction des yeux (EDD). Il interprète les données sur la base
d'états mentaux primaires, en termes de ce que voit
l'agent : « Il voit telle chose. »
Grâce à ces deux mécanismes,
présents très tôt chez le bébé, celui-ci peut
lire le comportement en référence à quelques états
mentaux (but, désir et regard). Il peut créer des
représentations, bien que celles-ci soient quelque peu limitées.
Ces représentations sont considérées comme dyadiques car
elles précisent la relation intentionnelle (mentaliste) entre deux
objets. Ces deux mécanismes sont reliés par un
troisième : le mécanisme d'attention partagée
(SAM).
Le mécanisme SAM est à mettre en relation avec
l'attention visuelle conjointe. Ce mécanisme crée des
représentations triadiques, c'est-à-dire qu'il précise une
relation entre le sujet, l'objet et l'agent-objet : «Maman voit
que je vois le bus ». Ce mécanisme permet en outre
d'inférer le désir d'un agent à partir de la direction de
ses yeux.
Les trois mécanismes que sont EDD, ID et SAM permettent
de pouvoir lire le comportement en termes d'états mentaux volitionnels
(désir et but) et de lire la direction oculaire en terme d'états
mentaux perceptifs (voir), ils permettent aussi de vérifier que
différentes personnes peuvent faire l'expérience de ces
états mentaux particuliers à propos du même objet
(attention partagée).
Le dernier mécanisme est celui de la théorie de
l'esprit (ToMM) proprement dit. Ce système permet d'inférer
l'ensemble des états mentaux à partir du comportement,
c'est-à-dire utiliser une théorie de l'esprit. Il permet de se
représenter l'ensemble des états mentaux
épistémiques tels que faire semblant, croire, imaginer,
rêver, tromper... et relier les trois concepts d'états
mentaux : volitionnel, perceptif et épistémique en une
explication cohérente des rapports entre états mentaux et
actions. Ainsi, il a une double fonction : représenter l'ensemble
des états mentaux épistémiques et rassembler tout ce
savoir mentaliste en une théorie utilitaire. Il se développe en
prenant des représentations triadiques de SAM et en les convertissant en
méta représentations.
b. Développement des quatre
composantes.
Entre zéro et neuf mois, ID et les fonctions de bases
de EDD se mettent en place chez le bébé. SAM apparaît entre
neuf et dix-huit mois, il fait la liaison de EDD et de ID. Entre dix-huit et
quarante huit mois ToMM se développe, impulsé par SAM. Cette
arrivée est marquée par le début du jeu de faire semblant.
L'enfant est alors capable de faire semblant, de comprendre quand on fait
semblant, de décrire ce qu'on peut imaginer, penser...
Un retard ou une absence dans la mise en place de ces
différents modules ont, selon Baron-Cohen (1995), des
conséquences importantes sur le développement social de l'enfant.
Ainsi, pour cet auteur, l'autisme serait la résultante d'un retard de
l'acquisition du module ToMM.
II . La théorie
de l'esprit : une théorie de l'autisme.
Il existe plusieurs conceptions explicatives de
l'autisme : psychanalytiques, génétiques, cognitives. Parmi
ces dernières, on peut en dénombrer trois : la
théorie des fonctions exécutives, l'hypothèse de la
cohérence centrale et la théorie de la théorie de
l'esprit. C'est à cette dernière, que nous allons
particulièrement nous intéresser. Il sera traité ici de
l'autisme de haut niveau ou du syndrome d'Asperger.
1. Introduction
L'autisme est un désordre développemental
sévère (cf annexe 1). Bien que rare, il affecte environ quatre
enfants pour dix mille. Il est défini comme un repli du sujet sur son
monde intérieur en refusant le contact avec le monde extérieur.
Le critère diagnostique repose sur le comportement. Le symptôme
principal, qui est facilement identifiable, est un trouble de communication
verbale et non verbale. Le symptôme pathognomonique est un défaut
dans le développement social des relations. Les enfants autistes
trouvent l'environnement social imprévisible et incompréhensible.
Ils semblent traiter les personnes et les objets de la même
manière. Longtemps, cette incompétence sociale a
été mise sur le compte d'un retard intellectuel chez les enfants
autistes (De Meyers et al., 1974; Wing et Gould, 1979). Or, plusieurs arguments
réfutent cette hypothèse. Tout d'abord, il existe des enfants
autistes ayant un QI situé dans la norme. De plus, des enfants
déficients intellectuels mais non autistes, tels que des enfants
atteints du syndrome de Down, ont des compétences sociales relatives
à leur âge mental (Coggin, Carpenter et Owings, 1983; Gibson,
1978).
Afin d'expliquer le trouble spécifique de l'autisme, il
est nécessaire de considérer les mécanismes cognitifs
sous-jacents, indépendamment du QI (Frith, 1982; Hermelin et O'Connor,
1970; Rutter, 1983).
2. Théorie
explicative de Baron-Cohen
Ainsi en 1995, Frith, Leslie et Baron-Cohen ont émis
l'hypothèse que trois symptômes de l'autisme (les anomalies du
développement social, du développement de la communication et du
jeu symbolique) résultent d'un déficit du développement de
la lecture des états mentaux, c'est-à-dire d'un déficit du
développement de la théorie de l'esprit.
Baron-Cohen (1995) appelle ce déficit :
cécité mentale. Les personnes atteintes de cette
cécité sont aveugles aux états mentaux c'est-à-dire
aux pensées, croyances, savoirs, désirs et intentions, ces
états mentaux étant à la base de nos comportements.
Cette théorie postule que l'individu accumule au cours
de son développement un ensemble de connaissances sur les états
mentaux existant chez autrui. Un enfant de 4 ans sait déjà que
toute personne en face de lui a d'autres connaissances que lui, qu'il a ses
propres désirs, pensées et intentions et c'est ce qui lui permet
de s'ajuster aux différentes situations sociales qu'il traverse. Or, une
des caractéristiques des enfants et des adultes atteints d'autisme, est
précisément qu'ils ont des difficultés à s'ajuster
à ces situations sociales. Différentes procédures
expérimentales ont montré un déficit de mentalisation de
la part de ces personnes.
3. Etudes issues de
cette théorie.
Le premier paradigme expérimental utilisé pour
appréhender les capacités de théorie de l'esprit chez
l'enfant est le test de « Sally et Anne »
développé par Wimmer et Perner (1983). C'est une tâche de
fausses croyances. Dans son sens le plus courant, le terme croyance s'applique
à l'adoption, par un être
conscient, d'une vision du
monde qui n'est pas fournie par l'
expérience ou
la
science, mais par les
échanges entre divers individus ou par divers textes dogmatiques. Ainsi,
la croyance est l'attitude de l'esprit qui affirme, selon des degrés
plus ou moins grands de possibilité, la
vérité
ou la
réalité
d'une chose, sans pouvoir fournir de preuve, ni qu'il soit possible de pouvoir
fournir la preuve de sa fausseté. La particularité d'une croyance
est qu'elle n'est pas «testée» par l'individu qui y
adhère, car elle est d'emblée considérée comme
vraie (Bronner, 2003).
Les auteurs ont développé une ingénieuse
situation expérimentale qui peut être utilisée
auprès de très jeunes enfants. Ils se basent sur le fait que nos
propres croyances peuvent être différentes des croyances d'une
autre personne. Pour réussir cette tâche, l'enfant doit être
conscient que des personnes différentes peuvent avoir des croyances
variées au sujet d'une même situation.
Dans ce paradigme, il y a deux poupées : Sally et Anne.
Sally a un panier et Anne a une boîte. Sally met une bille dans son
panier et s'en va. Anne prend la bille, la met dans sa boîte et s'en va
à son tour. Sally revient. On demande à l'enfant où Sally
doit chercher sa bille: ce qui est une question de croyances. Des questions de
contrôle sont aussi posées pour vérifier la bonne
compréhension de la situation par l'enfant : où est la bille?,
où était la bille au début?
Baron-Cohen, Leslie et Frith (1985) ont utilisé ce
paradigme auprès d'enfants normaux, trisomiques et autistes. Quasiment
tous les enfants ont répondu correctement aux questions de
contrôle. Par contre, la plupart des enfants autistes ont
échoué aux questions de croyances, seulement 20% d'entre eux ont
réussit.
D'autres tâches du même type (tâche de la
boîte de Smarties et celle du carton de lait) ont été
utilisées et ont montré les mêmes résultats (Leslie
et Frith, 1988).
III L'hypothèse de Yirmiya et al., (1996).
Yirmiya et al. (1996) suggèrent une dissociation dans
le développement de la théorie de l'esprit en fonction du type
d'états mentaux. Le développement de certains états
mentaux se ferait de façon plus précoce que d'autre car demandant
moins d'aptitudes cognitives.
1. Une tâche
particulière de théorie de l'esprit : la tromperie.
a. Introduction
Comme nous l'avons vu précédemment, le
mécanisme de la théorie de l'esprit (ToMM) proprement dit
(Baron-Cohen, 1995) permet d'inférer l'ensemble des états mentaux
à partir du comportement, c'est-à-dire d'utiliser une
théorie de l'esprit. Il permet de se représenter l'ensemble des
états mentaux épistémiques tels que faire semblant,
croire, imaginer, rêver, tromper, ect. Baron-Cohen (1995) met ces
différents états mentaux sur un même plan et
présuppose qu'ils se développent en même temps puisqu'ils
sont tous dépendants d'un même mécanisme.
Afin d'étudier le développement de la
théorie de l'esprit, on étudie le développement de ces
différents états mentaux. L'état mental le plus
expérimenté est celui de croire notamment avec les tâches
de fausses croyances. Ainsi, de nombreuses épreuves de théorie de
l'esprit sont en fait des tâches de fausses croyances (le «test des
Smarties », le« test de Sally et Anne»,
le « test des histoires étranges », le
« Théorie of Mind test » de Muris et al., (1999)).
Depuis peu, un autre type de test est plus fréquemment
utilisé, ce sont les tâches de tromperie. Ainsi selon Oswald et
Ollendick (1989), un déficit en tromperie serait un exemple de la
manière dont le déficit de théorie de l'esprit dans
l'autisme affecte le comportement dans le monde réel. Sparrow, Balla et
Cichetti (1984) ont montré une corrélation forte entre une
épreuve de tromperie (the penny hidding game), une tâche de
fausses croyances (test de compréhension de croyances) et une mesure du
comportement social. Ce même constat a été posé par
Oswald et Ollendick (1989). Les résultats de leurs expériences
indiquent que la capacité à tromper apparaît en même
temps que la capacité à comprendre les fausses croyances, soit
vers 3 ans. Ceci semble tendre vers l'hypothèse de Baron-Cohen
(1995) : les différents états mentaux se développent
en même temps et sont à considérer sur un même niveau
de théorie de l'esprit.
La compréhension de la théorie de l'esprit
pourrait aussi se faire en étudiant la capacité à
tromper.
b. Définition.
La tromperie est pertinente pour comprendre les autres
esprits, car elle implique de faire croire à quelqu'un que quelque chose
apparaît vrai alors que c'est faux. Le but est d'essayer de changer
l'état d'esprit de l'autre. Ceci implique de savoir que les autres ont
des croyances qui peuvent être vraies ou fausses. Il est aussi
impératif de savoir que les croyances sont manipulables et que les
personnes les construisent sur la base de ce qu'ils connaissent (Baron-Cohen,
2000). Cette capacité requiert, en outre, de prendre en compte les
connaissances d'une autre personne dans le but de réussir à la
manipuler. La tromperie nécessite une certaine motivation (Yirmiya et
al., 1996).
La tâche de tromperie examine la capacité de
manipuler le comportement et la compréhension des effets de cette
manipulation sur les croyances des personnes (Oswald et Ollendick, 1989). La
capacité de tromper implique de cacher une information connue de
soi-même à une autre personne. Le succès exige de prendre
en compte les connaissances de l'autre, d'apprécier son état
mental et nécessite une certaine habileté à prévoir
le comportement des autres sur la base de leurs états mentaux (Wimmer et
Perner, 1983).
Une des premières tâches de tromperie
utilisées est celle du « Penny hidding game »
(Oswald et Ollendick, 1989) soit le jeu de la pièce cachée. C'est
un jeu très populaire que l'on fait souvent avec les petits enfants.
Pour cela, l'adulte prend une pièce de monnaie ou un petit objet qu'il
tient dans sa main. Il le montre à l'enfant. Puis il met ses mains
derrière son dos et cache la pièce dans l'une d'entre elles. Il
présente ensuite ses deux mains, poings fermés, à l'enfant
et demande à ce dernier de dire dans quelle main la pièce se
trouve. Ensuite il est demandé à l'enfant de faire la même
chose. Pour réussir ce jeu, l'enfant doit cacher l'objet à la vue
de l'adulte (en cachant bien l'objet dans sa main) et de son esprit (en
évitant de faire des mimiques ou en avançant plus une main que
l'autre par exemple) (Baron-Cohen, 1992).
2. Un questionnement
développemental : apport de l'analyse de la tâche de
tromperie
Selon Chandler, Fritz et Hala (1989) la capacité de
tromper émerge à l'âge de deux ans et demi. Pour d'autres
auteurs, la capacité à tromper ne se manifeste que vers trois
ans. Enfin, selon un autre groupe de chercheurs, cette capacité
apparaît à quatre ans (Sodian et Frith, 1992). Ces derniers ont en
effet montré que les enfants de trois ans utilisent des
stratégies trompeuses aussi bien avec des agents compétiteurs
qu'avec des agents coopérateurs. Ils utilisent des stratégies
trompeuses sans en comprendre les effets. On retrouve ici le débat
évoqué précédemment : une capacité
est-elle considérée comme acquise à ses prémices ou
lorsqu'elle est bien affirmée ?
D'autre part, contrairement à ce qu'avance Baron-Cohen
(1995), pour certains auteurs, les capacités de compréhension de
fausses croyances et de tromperies n'apparaissent pas en même temps.
Selon Hala et al. (1991), la tromperie émergerait avant la
compréhension des fausses croyances.
En 1998, Yirmiya et al. ont fait une méta-analyse
comparative sur le développement de la théorie de l'esprit chez
des enfants normaux, autistes et déficients intellectuels. Ils ont
utilisé trois variables modératrices potentielles dont l'une est
le type de tâches. En effet, certaines tâches étaient
réussies à l'âge de 2 ½ ans par des enfants normaux
alors que d'autres ne furent réussies qu'après 4 ans. La large
gamme de contenus et de contextes examinés dans les différentes
tâches marque la possibilité que ces tâches variées
ne testent pas exactement les mêmes capacités et que certaines
d'entre elles soient plus faciles que d'autres. Ainsi certaines données
suggèrent que les enfants normaux n'accomplissent pas de façon
équivalente tous les types de tâches.
En effet, une étude attentive de tâches
expérimentées par les différents auteurs permet de mieux
comprendre leurs résultats divergents. Hala et al. (1991) ont
posé comme conclusion de leur article que la capacité à
tromper apparaît à l'âge de 2 ½ ans avant la
capacité de réaliser des tâches de fausses croyances.
Oswald et Ollendick (1989) de même que Sparrow, Balla et Cichetti (1984),
concluent quant à eux que ces deux capacités apparaissent en
même temps. Comment expliquer cette divergence ? Les deux groupes
d'auteurs ont comparé les résultats aux deux mêmes
tâches. Pour la tâche de fausses croyances, ils ont pris en compte
les résultats au test de « Sally et Anne » et pour
la tâche de tromperie ils ont pris ceux du « penny hiding
game ». Cependant alors que Oswald et Ollendick (1989) et Sparrow et
al. (1984) ont fait passer les deux tâches aux mêmes groupes
d'enfants, Hala et al. (1991) n'ont fait passer aux enfants que la tâche
de tromperie. Ils ont comparé leurs résultats à ceux
d'autres chercheurs n'ayant fait passer que la tâche de fausses
croyances. Les résultats provenaient de deux groupes d'enfants distincts
et de deux groupes de chercheurs l'étant tout autant, ceci impute un
biais expérimental.
Selon d'autres auteurs (Sodian et Frith, 1992), la
capacité à tromper n'émerge que vers 4 ans, après
la compréhension des fausses croyances. Qu'est ce qui explique ce
renversement de situation par rapport à Oswald et al. (1989) ?
C'est la nature de la tâche de tromperie. En effet, contrairement
à précédemment, ce n'est pas la tâche de
« penny hiding game » qui est utilisée mais une
tâche plus complexe : « le Roi et le voleur ».
Cette tâche est comparable à celle de « Sally et
Anne » au niveau de la charge mentale contrairement au
« penny hiding game ». En effet, cette dernière
demande peu d'aptitude cognitive. Il y a très peu de verbalisation tant
de la part de l'expérimentateur que de l'enfant. Il n'y a pas de
scénario contextuel de la tâche. Elle demande peu de
capacité de compréhension. A contrario, le test de Sally et Anne
et le test du « le Roi et le voleur » sont très
proches l'un de l'autre. Dans les deux cas il y a deux personnages et l'enfant.
Ces tâches demandent un certain niveau de compréhension
langagière, des capacités de réflexion et d'analyse. Elles
sont construites de façon similaire : présentation des
personnages, mise en place du contexte de l'histoire, interpellation et
réponse de l'enfant. Ainsi il semble plus judicieux de comparer ces deux
tâches. Aussi les résultats de Sodian et Frith (1992) semblent
plus pertinents que ceux des auteurs vus précédemment. Cependant,
alors que ces deux tâches semblent similaires au niveau de la charge
mentale, pourquoi observe-t-on une différenciation des résultats
selon l'âge ? En effet, les auteurs ainsi que d'autres (Russel et
al., 1991; Yimiya et al., 1996), ont montré que les tâches de
tromperie sont réussies à 4 ans soit après les
tâches de fausses croyances, qui elles semblent réussies à
3 ans.
3. L'hypothèse
de Yirmiya et al. (1996) : un rôle différent pour l'enfant
selon le type de tâche.
a. Présentation de l'hypothèse
Une difficulté particulière existe dans les
tâches de tromperie, en comparaison avec les tâches de fausses
croyances (Baron-Cohen, 1992; Russel et al., 1991; Happé, 1991,
cité par Sodian et Frith, 1992; Sodian et Frith, 1992; Yimiya et al.,
1996). L'attribution de croyances requiert seulement une estimation de ce que
l'autre personne sait ou ne sait pas. De façon différente, la
tromperie requiert une manipulation active des états mentaux, ce qui
semble plus complexe.
Une différence essentielle entre les tâches de
tromperie et les tâches de fausses croyances se situe au niveau du point
de vue du sujet. Dans les tâches de fausses croyances, le sujet est
spectateur de la situation : il est passif. Il n'a pas de rôle
à jouer. Il doit estimer quelles sont les pensées, les croyances
de l'autre. Ainsi dans les tâches de type « Sally et
Anne » (Wimmer et Perner, 1983), le sujet est face à une
situation où il doit deviner, prédire le comportement à
venir de l'autre sur la base de son comportement habituel. Il lui attribue des
états mentaux.
Au contraire, dans les tâches de tromperie, le sujet est
actif, il a un rôle à jouer. Il est inclus dans la situation. Il
doit manipuler activement les états mentaux de l'autre (Yirmiya et al.,
1996). Ainsi dans les tâches de type « Roi et
Voleur », l'enfant est amené à agir de telle
manière que cela va interférer sur les états mentaux de
l'autre. Ces deux types de tâches demandent une position
différente de la part du sujet. Soit il est spectateur, soit il est
acteur.
Selon Yirmiya et al. (1996), les tâches de tromperie
sont plus difficiles que les tâches de fausses croyances, car en plus de
supposer une compréhension des états mentaux de l'autre, elles
demandent une manipulation de ceux-ci. Ceci suggère que la position
d'acteur est une position plus complexe ; La position d'acteur devrait se
développer plus tard. Il paraît nécessaire d'être
performant en tant que spectateur pour pouvoir réussir en tant
qu'acteur.
Sur un plan plus théorique, cette dissociation revient
à spécifier le modèle cognitif du développement de
la théorie de l'esprit de Baron-Cohen (1995). En effet, une
différenciation en fonction de l'âge dans l'acquisition de ces
pôles sous-entendrait une dissociation du module ToMM. Celui-ci pourrait
en fait être composé de deux sous modules, un sous module ToMM
spectateur et un sous module ToMM acteur, organisé de manière
hiérarchique. Cette hypothèse serait d'autant plus
avéré s'il existe un lien de dépendance entre les deux,
notamment si l'on observe que la position d'acteur ne peut apparaître si
la position de spectateur n'est pas en partie maîtrisée.
b. Validation de cette
hypothèse.
Lors d'une précédente recherche (Papin, 2006)
nous avons pu préciser le développement de la capacité de
théorie de l'esprit chez le jeune enfant. Pour un certain nombre
d'auteurs (Harris, 1991 ; Taylor, 1996 ; Hala, Chandler et Frith,
1991 ; Flavell, 1992), les enfants de 3 ans commencent à comprendre
les états mentaux. Notre étude montre qu'en fait, à cet
âge nous assistons à la genèse de cette capacité. En
effet, le peu de réponses correctes aux deux épreuves peut
être lié au hasard.
Par contre, vers 4 ans, on observe une nette
amélioration des résultats aux deux types de tâches. Une
véritable capacité de théorie de l'esprit est
présente. A cet âge, on observe un réel début
d'aptitude à comprendre les états mentaux des autres et ce
jusqu'à une parfaite maîtrise après huit ans pour ces deux
tâches. En outre, aucun enfant n'a pu réussir les tâches de
tromperies sans réussir à côté au moins une
tâche de fausse croyance.
Ces résultats semblent donc valider un
développement en deux temps pour ces deux capacités. Dans un
premier temps, l'enfant comprend les états mentaux des autres sans
pouvoir agir dessus. En tant que spectateur d'une situation, l'enfant est
performant. Puis à partir d'une certaine maîtrise de ce type de
situation, l'enfant commence à pouvoir manipuler les états
mentaux de ses congénères. Il agit sur la situation, il en est
acteur. L'hypothèse de Yirmiya et al. (1996) est alors validée.
Ces deux tâches (tromperies et fausses croyances),
équilibrées à un même niveau de charge mentale, sont
de deux difficultés différentes. Etre
« Acteur » est plus difficile que d'être
« Spectateur ». Ceci semble être logique car, pour
manipuler les états mentaux des autres, il faut être en mesure de
les comprendre.
D'un point de vue théorique, la validation de cette
hypothèse permet de valider la notre quant à la
spécification du module ToMM. En effet, nos résultats permettent
de supposer une dissociation de ce module en deux sous modules : un sous
module ToMM spectateur (ToMM-S) et un sous module ToMM acteur (ToMM-A). C'est
deux sous modules seraient positionnés de manière
hiérarchique : ToMM- S au dessus de ToMM-A. Nos résultats
ont montré une dépendance entre Acteur et Spectateur. Aucun item
de tromperie n'est réussit si aucun item de fausse croyance ne l'est. Il
faut donc atteindre un certain seuil dans la compréhension des
états mentaux avant l'étape suivante : les manipuler. Ce
postulat d'un seuil d'activation du ToMM-S pour activer ToMM-A est
justifié par le fait qu'il n'est pas indispensable d'avoir une
maîtrise totale des fausses croyances pour être capable de tromper.
Il est juste nécessaire d'avoir un certain niveau.
4. Apport du fonctionnement autistique
a. Présentation de
l'hypothèse
En 1995, Frith, Leslie et Baron-Cohen ont émis
l'hypothèse que trois symptômes de l'autisme (les anomalies du
développement social, du développement de la communication et du
jeu symbolique) résultent d'un déficit du développement de
la lecture des états mentaux, c'est-à-dire d'un déficit du
développement de la théorie de l'esprit. Les enfants atteints
d'autisme acquerraient cette capacité à un âge plus tardif
que les enfants normaux sans pour autant arriver à un niveau de
compréhension équivalent à celui d'adultes normaux. Le
profil de développement de cette capacité chez des enfants
atteints d'autisme devraient être proche dans la forme de celui des
enfants normaux mais décalé dans le temps. Le rôle de
spectateur serait maîtrisé avant celui d'acteur mais vers
l'âge de 8-9 ans et non de 3-4(Baron-Cohen, 1992 ; Sodian et Frith,
1992 ; Baron-Cohen, Frith et Leslie, 1985), puis à partir d'un
certain niveau de compréhension des états mentaux, l'enfant
commencerait à pouvoir les manipuler.
b. Des résultats
contradictoires.
Lors de notre précédente recherche,
l'hypothèse quant à un retard dans le développement de la
théorie de l'esprit fut validée. En effet, sur les 6 enfants
testés, les 4 de plus de 9 ans ont montré certaines
capacités. Un d'entre eux fut d'ailleurs aussi performant que les
enfants normaux. Pour les deux enfants de 8 ans, il peut y avoir deux
explications à leurs résultats (aucun item n'est
réussi) : une non maturité de cette capacité ou une
absence. Toutefois, les bonnes performances de certains sont à
relativiser. En effet, les discussions avec leurs parents minimisent ces
résultats.
Nos résultats statistiques ne montraient pas de
différences de performances entre les tâches de fausses croyances
et les tâches de tromperies. Les enfants semblaient aussi performants
dans le rôle de spectateur que dans celui d'acteur. Cependant, lors de
l'analyse descriptive, les enfants paraissaient meilleurs en tromperie qu'en
fausses croyances. En effet, leur moyenne en situation d'acteur était
meilleure qu'en situation de spectateur et trois des six enfants
réussissaient mieux les tâches de tromperies que les tâches
de fausses croyances, ce qui n'a jamais lieu chez les jeunes enfants normaux.
On peut supposer que le profil de développement de la capacité de
théorie de l'esprit chez les enfants autistes ne semble pas correspondre
à celui des enfants normaux. Cependant d'un point de vue
théorique, ces résultats posent question. Comment les enfants
peuvent- ils manipuler les états mentaux sans les comprendre ?
c. Problématique
L'étude de la théorie de l'esprit s'inscrit dans
l'étude développementale de la pensée de l'enfant qui
relate et analyse les étapes de son développement et les divers
concepts qui la composent. Une théorie essentielle du
développement de la pensée de l'enfant est celle de Piaget
(1947). Cet auteur montre que la pensée de l'enfant se
caractérise par un changement profond et général à
partir de la quatrième année mais que cette pensée reste
intuitive et égocentrique jusqu'à la septième ou
huitième année. Elle est prélogique et ne parvient pas
à élaborer de vrais concepts. Elle est également
structurée sur la pensée propre (c'est-à-dire l'absence de
conscience de perspective) et ne parvient pas à différencier et
à coordonner différents points de vue. Selon Piaget, l'enfant
n'accède au concept proprement dit qu'à partir de sept-huit ans
au moment ou les intuitions se groupent opératoirement (stade des
opérations concrètes). Selon Bradmetz et Schneider (1999),
l'évolution de la compréhension de la fausse croyance est
dépendante de la pensée logique telle que l'a décrite
Piaget.
Afin de vérifier les précédents
résultats, le protocole est proposé à une population
d'enfants autistes plus importante. Nous vérifierons dans un premier
temps si l'on observe un retard du développement de la théorie de
l'esprit chez les enfants autistes, comme le laissait supposer notre
précédente étude (Papin, 2006).
Par ailleurs, afin d'analyser les résultats plus
finement, une batterie d'évaluation de la pensée logique
piagétienne sera proposée. En effet, recourir à une
analyse en fonction de l'âge des enfants n'est pas suffisant. La
pathologie autistique recouvrant un large nombre de symptômes est par ce
fait très hétérogène. Les enfants avec un syndrome
autistique n'ont pas tous un développement cognitif similaire. Afin
d'analyser les résultats en fonction du stade cognitif de l'enfant, il
semble plus pertinent d'évaluer le stade de pensée logique acquis
par l'enfant. Pour ce faire, nous avons utilisé la batterie Echelle
Piagétienne de Longeot (1972). Cette épreuve permet de
discriminer le stade de pensée de l'enfant. Les sujets pourront alors
être divisés en deux groupes en fonction du stade de pensée
acquis : le stade préopératoire et le stade concret. Ainsi,
cette batterie sera proposée aux enfants parallèlement au
protocole. Le développement de la théorie de l'esprit
étant dépendante du développement de la pensée de
l'enfant, une progression des performances des enfants autistes aux
tâches de tromperie et de fausses croyances devraient apparaître
selon le gradient préopératoire-concret.
Enfin, un précédent travail confirmait
l'hypothèse d'une dissociation du module ToMM en deux sous modules,
spectateur et acteur, se développant de manière chronologique.
Cette dissociation a pour conséquence un développement en deux
temps de la théorie de l'esprit. L'enfant serait d'abord à
même de comprendre les fausses croyances puis dans un second temps il
serait capable de les manipuler. Ce profil devrait se retrouver chez les
enfants autistes mais dévié dans le temps.
METHODOLOGIE
I.
Sujets :
1. Description des deux groupes
a. Le groupe sujet
L'inclusion des sujets dans le groupe patient respectait les
critères suivants : tous ont été diagnostiqués
comme atteint d'un syndrome autistique ou désordres
développementaux apparentés selon les critères du DSM IV.
Leur dossier médical ne faisait état d'aucun
antécédent de traumatisme crânien, d'aucune atteinte
d'ordre neurologique. Ils étaient âgés de 7 ans à 13
ans 6mois (M= 9,9, Ecart-type= 1,9) et suivaient un cursus scolaire normal ou
adapté (CLIS). Le groupe était composé de 13
garçons et 2 filles. Le recrutement s'est fait par le biais
d'association de parents d'enfants atteints d'autisme et auprès
d'institution spécialisée (secteur de pédopsychiatrie et
CLIS autisme)
b. Le groupe contrôle
Le groupe contrôle était composé de 15
enfants (13 garçons, 2 filles) de 7 ans à 13 ans 6 mois (M= 9,9,
Ecart-type = 1,9) et respectait les critères suivants : leur
dossier médical ne faisait état d'aucun antécédent
de traumatisme crânien, d'aucune atteinte d'ordre neurologique, d'aucun
trouble psychiatrique, ni de traitement par psychotropes. Chaque enfant
était apparié à un enfant atteint d'autisme au niveau de
l'âge, du niveau scolaire et du sexe.
2. Recrutement et
premiers contacts
Pour le recrutement des enfants autistes, nous avons
rencontré des associations de parents d'enfants inadaptés que ce
soit par téléphone ou par courriel ainsi que des institutions
spécialisées.. Les enfants atteints d'un syndrome autistique ou
de désordre développementaux apparentées étaient
alors prévenus du but de notre visite et étaient de ce fait plus
participatifs. Il était demandé aux parents de donner leur accord
par écrit (cf annexe 12). Avant chaque début de protocole, nous
expliquions à l'enfant le pourquoi de notre présence et nous
approfondissions l'explication du déroulement de la séance.
II. Matériel et procédure
expérimentale
Nous précisons ici la procédure utilisée
auprès des enfants TOM-E.P.L, le groupe TOM ayant pour seul
différence de ne pas avoir été confronté à
l'E.P.L.
Tous les enfants ont effectué les deux types de
tâches de théories de l'esprit. Certaines tâches
utilisées ont été expérimentées de
nombreuses fois par divers auteurs auprès d'enfants normaux et d'enfants
autistes de 3 à 5 ans d'âge chronologique et/ou mental.
Nous avons élaboré et validé les autres
tâches auprès d'enfants contrôles. Les tâches ont dans
un premier temps été proposées à des enfants de 6
ans afin de vérifier si elles correspondaient au même niveau de
difficulté que les tâches validées par les auteurs. Elles
ont en outre été proposées à des enfants de 3 ans
et 4 ans afin de standardiser les consignes.
Les mêmes tâches ont été
proposées aux enfants autistes et aux enfants normaux. Ces
épreuves simples, et ne correspondant pas à leur âge mental
pouvaient leur paraître infantilisantes. Aussi, nous prenions le temps de
leur expliquer la nécessité du caractère enfantin des
histoires et du matériel pour notre étude qui devait aussi
pouvoir être compréhensible par des enfants de 3-4 ans.
Seul le deuxième groupe composé de 10 enfants et
les enfants contrôles ont également été
confrontés à la batterie « Echelle Piagétienne
de Longeot » (E.P.L).
1. Matériel
Pour les différentes tâches de théorie de
l'esprit, nous avons eu besoin du matériel suivant :
2 poupées filles (Sally et Anne), 4 marionnettes (1
lapin, 1 loup, 1 chasseur, 1 sorcière), 1 petit panier, 2 petites
boîtes de type boîte au trésor, 1 boîte cylindrique de
Smarties, des crayons, des Smarties, 1 boîte de Legos et 1 boîte de
lessive, 1 pomme en plastique, une petite peluche de biche, 1 grand dessin
représentant une forêt, 1 plateau Lego de 30 cm x 30 cm, 2 petites
portes en Legos et petit salon Lego, une petite figurine de
garçonnet.
L'évaluation du stade de pensée s'est fait
grâce à l'E.P.L. Cette batterie comprend un matériel
spécifique à chaque épreuve : deux vases remplies
d'eau, deux boules de plasticine, une boule en métal, différents
types de jetons, des poids, un support à poids et un cylindre en bois
mis en rotation avec une manivelle.
2. Les tâches
utilisées (cf annexes 2 à 9)
Trois types de tâches ont été
utilisés : les tâches de fausses croyances, les tâches
de tromperies et la batterie E.P.L. Le protocole devait être court car il
est difficile de maintenir l'attention des jeunes enfants sur une trop longue
période. Ainsi, après testing auprès de jeunes enfants, il
s'est avéré fondamentale de ne pas dépasser une heure avec
une possibilité de varier fréquemment les épreuves afin de
maintenir un certain degré de concentration.
a. Les tâches
de fausses croyances (cf annexe 2 à 5).
Les tâches de fausses croyances sont des tâches de
théorie de l'esprit. Elles permettent de voir si l'enfant comprend qu'un
autre peut avoir une croyance différente de la sienne. Ces tâches
ont toujours le même déroulement.
Dans un premier temps, on présente à l'enfant
une situation initiale en dénommant clairement les différents
protagonistes et objets. On s'assure que l'enfant mémorise les
personnages et leurs caractéristiques. Ensuite, un élément
de la situation initiale est changé (un objet est déplacé
(cf annexe 2) ou n'est pas ce qu'il semble être (cf annexe 3)), et ce de
façon à ce qu'un des personnages de l'histoire ou qu'un proche de
l'enfant ne voit pas ce qui a été changé. Enfin, on
demande à l'enfant de se mettre à la place du protagoniste
caché ou du proche et de répondre à une question sur
l'élément qui a changé. Pour réussir cette
épreuve, l'enfant doit répondre à la question en faisant
fi de ce qui a changé et en ne prenant en compte que la situation
initiale. Il doit se mettre à la place du sujet qui n'a vu que la
première partie de l'épreuve. Si sa réponse évoque
le changement ayant eu lieu dans la deuxième phase, on considère
alors qu'il n'arrive pas à comprendre qu'un autre puisse avoir une
croyance différente de la sienne.
b. Les tâches
de tromperie (cf annexe 6 à9).
Les tâches de tromperies sont des tâches de
théorie de l'esprit. Elles permettent de voir si l'enfant est capable de
comprendre que l'autre à une croyance différente de la sienne et
s'il est capable de manipuler cette croyance. Là aussi, ces tâches
suivent toujours le même déroulement.
Dans un premier temps, on présente à l'enfant
une situation initiale en dénommant clairement les différents
protagonistes et objets. De plus, on s'assure que l'enfant mémorise les
personnages et leurs particularités. Dans cette situation, l'enfant est
seul à connaître un des éléments de l'histoire
(boîte ouverte ou fermé, chemin pris par le protagoniste gentil),
ce peut d'ailleurs être lui qui décide. Ensuite, le protagoniste
méchant pose une question sur l'élément que seul l'enfant
connaît. Pour réussir cette épreuve, l'enfant doit mentir
à cet agent en utilisant une stratégie trompeuse,
c'est-à-dire donner comme réponse la réponse inverse
à la situation (dire que la boîte est fermé alors qu'elle
est ouverte). Il doit manipuler les croyances de cet agent afin de sauver le
gentil personnage (annexe 8 et 9) ou obtenir une récompense (annexe 6 et
7). Si l'enfant ne ment pas et dit la vérité, il échoue
à cette épreuve de théorie de l'esprit.
c. La batterie E.P.L
Le développement de l'intelligence se construit par
étapes successives qui ont une origine propre. Les stades
diffèrent qualitativement les uns des autres. Chacun a sa structure qui
consiste en un ensemble cohérent de moyens, de possibilités
intellectuelles. Ce sont ces ensembles organisés qui
caractérisent les différentes phases du développement. La
succession des formes du raisonnement va dans le sens d'une mobilité de
plus en plus grande des activités intellectuelles qui leur assure une
généralité de plus en plus étendue et, par suite un
équilibre de plus en plus stable.
La pensée enfantine est d'abord prisonnière de
l'aspect des données perçues, de leur configuration statique. A
ce stade préopératoire, l'enfant croit qu'un objet qui a
changé de forme a aussi changé de quantité, de
matière, de poids, etc. la pensée devient ensuite capable, entre
7 et 11 ans, de dépasser la perception grâce à des
opérations de classification et de sériation. A ce stade
opératoire concret, l'enfant peut emboiter des concepts dans d'autres
concepts et les désemboîter. Sa pensée manifeste
déjà une mobilité et une réversibilité quand
elle s'applique a des objets concrets. Cela lui permet également de
maîtriser la notion de nombre et de calcul élémentaire.
C'est seulement à la période suivante, le stade opératoire
formel, qu'il devient capable entre douze et seize ans, de raisonner par
hypothèse et tout à fait abstraitement, d'envisager l'ensemble
des cas possibles et de considérer le réel comme un cas
particulier. La méthode expérimentale lui est alors
accessible.
L'E.P.L est une épreuve standardisé des
expériences de Inhelder et Piaget (1947). Le choix des épreuves a
été fait d'après le type d'opérations
intellectuelles qu'elles mettent en jeu. 5 épreuves ont
été retenues (cf annexe 10).
- L'épreuve de conservation de poids, de volume et
dissociation poids-volume
- Une épreuve d'opérations combinatoire dans le cas
de permutations
- Une épreuve de proportions et de probabilité
- Une épreuve mettant en jeu la méthode
d'expérimentale avec un pendule
- Une épreuve exigeant deux systèmes de
références distinctes, dans la représentation de
l'espace : courbes mécaniques
3. Procédure
a. Déroulement de la
séance.
La séance dure environ une heure.
L'enfant est vu seul avec l'expérimentateur, dans un
lieu isolé. Le déroulement de la séance lui est
expliqué. L'enfant peut répondre soit avec des mots, soit avec
des gestes. Lors de la passation, quand l'enfant ne répond rien, ceci
lui est reprécisé. Aucun temps de réponse n'est
imposé. Si l'enfant ne sait pas, on lui dit de répondre au hasard
afin de pallier l'absence de réponse du à la timidité.
Les deux types de taches de théorie de l'esprit sont
alternés à chaque fois. Pour la moitié des enfants, ils
commenceront par une tâche de fausses croyances. Pour l'autre
moitié, ils commenceront par une tâche de tromperie.
Par ailleurs, l'épreuve piagétienne est
proposée en alternance avec les petites histoires. Cette épreuve
est présenté comme un ensemble de petites expériences.
b. Calcul de scores
Ø
Tache de théorie de l'esprit
Un point est attribué à chaque bonne
réponse. Toutes les tâches sont cotées sur 1 point. Soit
l'enfant réussit la tâche (1), soit il ne la réussit pas
(0). On obtient alors un total sur 4 points pour les tâches de fausses
croyances et de 4 points pour les tâches de tromperie.
Sont cotées comme bonnes réponses aussi bien les
réponses orales que les réponses gestuelles.
Ø
Batterie E.P.L
Nous avons suivi la cotation indiquée par les auteurs
de la batterie. (cf annexe 11)
IV Analyse des résultats
A la suite du recueil des données, nous avons
procédé au traitement statistique de celles-ci. Compte tenu de la
taille de nos différents échantillons et de
l'hétérogénéité des résultats, nous
avons opté pour des tests statistiques non paramétriques. Pour
l'analyse intergroupe nous avons utilisé le test U de Mann-Whitney (U).
Le test de Wilcoxon (Z) fut retenu pour le traitement intragroupe. Le test de
corrélation de Spearman (Rho) a été employé pour
étudier le lien entre les variables « types de
tâches ». L'outil informatique utilisé fut le logiciel
STATISTICA pour PC. Le seuil de significativité retenu est .05.
Un tableau récapitulatif des performances individuelles
des enfants atteints d'autisme et des enfants contrôles appariés
aux deux types d'épreuves de théorie de l'esprit est
indiqué en annexe 14.
1. Analyses des résultats
à la tâche de fausse croyance.
a. Comparaisons des performances
à FC entre enfants autistes et enfants contrôles
Comme le montre la figure 1, les enfants contrôles
appariés réussissent parfaitement ce type d'épreuves (M =
100% ; Ecart-type = 0,0) (Cf. annexe15b). Les enfants autistes ont plus de
difficultés (M = 2,13; Ecart-type = 1,25) (Cf. annexe 15a). La
différence est significative (U = 30,0 ; Z = -3,42 ; p = .0006), le
groupe d'enfants autistes est déficitaire à ce type de
tâches.
b. Amélioration de la performance
à FC en fonction de l'âge
Une analyse descriptive (Fig 2) ne semble pas aller en faveur
d'une amélioration des performances aux tâches de fausses
croyances avec une avancée en âge. Ceci est corroboré avec
l'analyse statistique (Rho = .13 ; t = .71 ; p = .48).
c.
Amélioration des performances des enfants autistes à FC en
fonction du stade de pensée
Une analyse descriptive globale semble objectiver de
meilleures performances aux tâches de fausses croyances avec le
développement de la pensée logique (Fig 3).
En moyenne, les enfants au stade préopératoire
ont des performances faibles (M = 1,33 ; écart-type = 0, 58) et
sont statistiquement déficitaires à cette tâche par rapport
aux enfants contrôles (U = 0 ; Z = -1,96 ; p = .04) (cf annexe 16).
Au stade concret, les performances sont meilleures (M
= 2,33; écart-type = 1,36) et ne sont pas statistiquement
différentes de celles des contrôles (U = 6 ; Z = -1,92 ; p =
.05).
Cependant l'analyse qualitative ne montre pas une
amélioration des performances en fonction du stade de pensée
logique atteint (U = 5 ; Z = -1,03 ; p = .30). Ces résultats
sont à prendre avec précaution en raison du petit nombre de
sujets dans le groupe des enfants autistes ayant atteint le stade
préopératoire.
Par ailleurs, aucune corrélation n'est retrouvée
entre le score obtenu à l'E.P.L et la performance à FC (Rho =
.04 ; t = .11 ; p = .92).
2. Analyses des résultats
à la tâches de tromperie
a. Comparaisons des performances
à T entre enfants autistes et enfants contrôles
Comme le montre la figure 4, les enfants contrôles
appariés n'éprouvent aucune difficulté sur ce type de
tâche (M = 3,9 ; Ecart-type = 0,3) (Cf. annexe 15b). Les enfants autistes
semblent plus affaiblis (M=3,07; écart-type = 1,49) (Cf. annexe 15a). Or
ceci n'est pas corroboré par l'analyse statistique qui indique une
différence non significative (U = 73,5 ; Z = -1,62, p = 0,11). Les
enfants autistes ne sont pas déficitaires à ce type de
tâches.
b. Amélioration des performances
des enfants autistes en fonction de l'âge
Une analyse descriptive (Fig 5) semble indiquer une
amélioration des performances des enfants autistes aux tâches de
tromperie en fonction de l'âge. Ceci n'est pas confirmé par
l'analyse statistique (Rho = .35 ; t = 1,99 ; p = .06).
c.
Amélioration des performances des enfants autistes à T en
fonction du stade de pensée atteint
Une analyse descriptive globale semble objectiver de
meilleures performances aux tâches de tromperie avec le
développement de la pensée logique (Fig 6).
En moyenne, les enfants au stade préopératoire
ont des performances moyennes (M = 2,33 ; écart-type = 1,15) mais
pas statistiquement inférieures à celles des enfants
contrôles (U = 1 ; Z = -1,53 ; p = .13) (cf annexe 16).
Au stade concret, les performances sont meilleures sur le plan
descriptif (M = 4 ; écart-type = 0). Celles-ci sont
d'ailleurs de même niveau que chez les enfants contrôles (U= 18 ; Z
= 0 ; p = 1). En effet, les enfants autistes ayant atteint ce stade de
pensée réussissent parfaitement ce type de tâches.
Cependant, l'analyse qualitative montre une
amélioration des performances en fonction du stade de pensée
logique atteint (U= 0 ; Z = -2,32 ; p = .02). Une corrélation positive
est d'ailleurs observé entre le score obtenu à la batterie E.P.L
et la performance à T (Rho = .82 ; t = 3.85 ; p = .006).
3. Comparaisons des performances des
enfants autistes à FC et à T
L'analyse descriptive (Fig7) semble indiquer une meilleure
performance aux tâches de tromperie en comparaison aux performances aux
tâches de fausses croyances (cf annexe 14a). Ceci est corroboré
par l'analyse statistique (t= 12,5 ; Z = 2,08 ; p = 0,04). Par
contre, aucune corrélation n'est observée entre les deux (Rho =
.20 ; t = .73 ; p = .48).
DISCUSSION THEORIQUE
Après un rapide retour sur les conclusions de
précédents travaux, nous présenterons les
hypothèses et la réflexion qui nous a amené à nous
les poser. La discussion concernant les résultats nous permettra de
questionner les concepts utilisés lors de l'élaboration de ce
travail.
I. Une dissociation du module ToMM chez
les enfants normaux
La théorie de l'esprit est définie comme la
capacité d'un individu à attribuer des états mentaux
(comme la pensée, les croyances, les sentiments et les désirs...)
aux autres et à soi-même. Elle est nécessaire pour
comprendre, expliquer, prédire et, à l'occasion, manipuler le
comportement des autres. Baron-Cohen (1995) propose un modèle cognitif
de la théorie de l'esprit constitué de quatre composantes
distinctes. Le quatrième mécanisme, ToMM, permet d'inférer
l'ensemble des états mentaux à partir du comportement,
c'est-à-dire utiliser une théorie de l'esprit. Il se met en
place entre trois et quatre ans. Pour l'étudier, deux tâches sont
fréquemment utilisées : les tâches de fausses
croyances et les tâches de tromperie. Ces deux tâches imposent une
position différente de l'enfant. Dans les tâches de fausses
croyances, l'enfant est spectateur, il n'a pas de rôle à
jouer dans la situation. Le changement est indépendant de lui. Au
contraire, dans les tâches de tromperie, le sujet est acteur. Les
réponses qu'il donne vont influer sur le comportement des personnages de
l'histoire. Ces tâches demandent donc à l'enfant d'être soit
en position de spectateur, soit en position d'acteur.
Selon Yirmiya et al. (1996), la position d'acteur serait une
position plus complexe que celle de spectateur, car cette position implique une
compréhension des états mentaux de l'autre mais aussi une
manipulation de ceux-ci. Cela induit que la position d'acteur devrait se
développer plus tard. Sur un plan plus théorique, cette
dissociation revient à spécifier le modèle cognitif du
développement de la théorie de l'esprit de Baron-Cohen (1995). En
effet, s'il advient une différenciation en fonction de l'âge dans
l'acquisition de ces pôles, cela sous-entendrait une dissociation du
module ToMM. Celui-ci pourrait en fait être composé de deux sous
modules, un sous module ToMM spectateur et un sous module ToMM acteur,
organisé de manière hiérarchique. Cela serait d'autant
plus avéré s'il existe un lien de dépendance entre les
deux, notamment si l'on observe que la position d'acteur ne peut
apparaître si la position de spectateur n'est pas en partie
maîtrisée.
Grâce à notre précédente recherche
(Papin, 2006) nous avons pu préciser le développement de la
capacité de théorie de l'esprit chez le jeune enfant. Notre
étude montre qu'en fait, à 3 ans nous assistons aux
prémices de cette capacité. Par contre, vers quatre ans, on
observe une nette amélioration des résultats aux deux types de
tâches. Une véritable capacité de théorie de
l'esprit est présente. A cet âge, on observe un réel
début d'aptitude à comprendre les états mentaux des autres
et ce jusqu'à une parfaite maîtrise après huit ans pour ces
deux tâches. Par ailleurs, nous avons pu validées
l'hypothèse de Yirmiya et al., (1996) d'un développement en deux
temps de cette capacité et donc ainsi de valider notre hypothèse
quant à la spécification du module ToMM (Papin, 2006),
c'est-à-dire une dissociation de ce module en deux sous modules :
un sous module ToMM spectateur (ToMM-S) et un sous module ToMM acteur
(ToMM-A). C'est deux sous modules seraient positionnés de manière
hiérarchique : ToMM-A postérieur et dépendant de
ToMM- S. De plus, le passage de ToMM-S à ToMM-A nécessiterait
l'existence d'un seuil d'activation.
Le développement de la capacité de
théorie de l'esprit chez les enfants autistes est retardé dans le
temps. Cependant, nous supposions un profil de développement similaire
à celui des enfants normaux mais se réalisant de manière
plus tardive.
II. Apport du fonctionnement
autistique
1. Retour à la
problématique
En 1995, Frith, Leslie & Baron-Cohen ont émis
l'hypothèse que trois symptômes de l'autisme (les anomalies du
développement social, du développement de la communication et du
jeu symbolique) résultent d'un déficit du développement de
la lecture des états mentaux, c'est-à-dire d'un déficit du
développement de la théorie de l'esprit. Les enfants atteints
d'autisme acquerraient cette capacité à un âge plus tardif
que les enfants normaux sans pour autant arriver à un niveau de
compréhension équivalent à celui d'adultes normaux. Nous
supposions observer un profil de développement de cette capacité
chez des enfants atteints d'autisme, proche dans la forme de celui des enfants
normaux mais dévié dans le temps. Le rôle de spectateur
serait maîtrisé avant celui d'acteur mais vers l'âge de
huit-neuf ans et non de trois-quatre ans (Baron-Cohen, 1992 ; Sodian et
Frith, 1992 ; Baron-Cohen, Frith et Leslie, 1985), puis à partir
d'un certain niveau de compréhension des états mentaux, l'enfant
commencerait à pouvoir les manipuler.
Ce travail avait pour objectif général de
spécifier le développement précoce de la théorie de
l'esprit chez les enfants autistes. Nous souhaitions confirmer dans un premier
temps leur retard de développement pour cette aptitude. De plus nous
souhaitions vérifier une amélioration de cette aptitude non pas
en fonction de l'âge, mais en fonction du stade de pensée, le
développement de la théorie de l'esprit étant en
étroite relation avec celui de la pensée logique (Bradmetz,
1999). Enfin, nous souhaitions authentifier une dissociation du module ToMM,
présente chez les enfants normaux, en deux sous modules : ToMM
spectateur et ToMM acteur, se développant de manière
chronologique.
2. L'âge, une variable peu fiable
L'hypothèse quant à un retard de
développement concernant le développement de la théorie de
l'esprit chez les enfants avec autisme ne peut être posée avec
certitude. Les enfants normaux sont, dès sept ans, tous performants aux
deux tâches. Or sur les 15 sujets de notre étude, seuls 3 enfants
les réussissent parfaitement. Ceci va dans le sens de notre
hypothèse. Cependant, si on analyse les résultats tâche par
tâche, il n'en est pas de même. En effet, sur les deux tâches
utilisées, les enfants autistes ne sont déficitaires d'un point
de vue statistique qu'à la seule épreuve de fausses croyances.
Seuls 4 enfants sont performants aux quatre items de cette tâche. Par
contre, ils ne sont pas considérés comme défaillants
à l'épreuve de tromperie comparativement aux enfants
contrôles. Ceci est à nuancer. Bien que 9 enfants sur 15
réussissent correctement cette épreuve, 6 échouent dont 2
totalement. Ce constat montre
l'hétérogénéité de la pathologie autistique.
Ainsi, bien que statistiquement les chiffres ne permettent pas de statuer sur
cette hypothèse, nous pouvons considérer qu'il existe globalement
un retard du développement de cette capacité chez les enfants
autistes. L'âge ne semble pas par ailleurs être un facteur de
progression de cette aptitude chez ces enfants.
Cependant, est-il judicieux, étant donné le
« patchwork » de profils existant dans la pathologie
autistique, de se référer à l'âge des sujets ?
Il nous a semblé nécessaire, au vu de précédents
résultats (Papin, 2006), de ne pas seulement statuer sur le
développement de la théorie de l'esprit chez ces enfants sur
cette seule variable. Afin d'analyser plus finement les résultats, une
autre variable semblait plus pertinente : le stade de développement
de la pensée logique de l'enfant. Cette variable permet de niveler
l'hétérogénéité des sujets sur le plan
développemental, mais également d'être plus fiable que
l'âge chronologique.
3. Développement de la pensée logique et
développement de la théorie de l'esprit
Bien que l'analyse des performances des sujets aux
épreuves de théorie de l'esprit en fonction du stade de
pensée acquis par l'enfant semble plus appropriée, les
résultats subséquents sont à prendre avec
précaution : nos groupes sont d'effectif très distinct et le
groupe d'enfants au stade préopératoire n'est composé que
de 3 enfants. En raison de ce biais expérimental, les résultats
sont pour certain contradictoires.
Concernant les fausses croyances, les enfants au stade
préopératoire sont déficitaires comparativement aux
enfants normaux. Au stade opératoire, les deux groupes sont
équivalents. Ceci semble confirmer notre hypothèse d'une
amélioration en fonction du développement de la pensée
logique. Cependant, l'analyse statistique infirme ceci. Ces données
contradictoires relèvent surement d'un problème
méthodologique quant aux petits effectifs de nos deux groupes.
Par rapport aux épreuves de tromperie, les enfants au
stade préopératoire ne sont significativement pas
différents des enfants contrôles. Il en est de même pour les
enfants au stade concret. Ceci ne va pas dans le sens d'une amélioration
des performances avec le développement de la pensée logique. A
contrario, l'analyse statistique indique l'inverse.
Nos résultats sont difficilement exploitables car
très contradictoires en raison du petit nombre de sujet dans chacun des
deux groupes. On ne peut dans ce cas statuer sur un développement de la
théorie de l'esprit parallèlement à un
développement du raisonnement logique.
4. Une dissociation du module ToMM chez les enfants
autistes ?
Notre dernier objectif était de vérifier notre
postulat d'une dissociation du module ToMM en deux sous-modules, ToMM
spectateur et ToMM acteur, chez les enfants autistes. Pour confirmer ceci, la
compréhension des fausses croyances doit être plus efficiente que
la manipulation de celles-ci durant la phase de développement de cette
capacité. Or l'analyse générale ne semble pas aller dans
ce sens. Les enfants autistes réussissent en moyenne 53,3% des
épreuves de fausses croyances contre 76,7% des épreuves de
tromperie. De plus, 8 enfants sur 15 réussissent mieux en tant qu'acteur
qu'en tant que spectateur, 4 ont le profil inverse et 3 ont une réussite
similaire aux deux épreuves. Même chez les enfants qui sont au
stade le plus précoce, stade préopératoire, 2 enfants sur
3 réussissent davantage en tant qu'acteur qu'en tant que spectateur.
Ces résultats ne sont pas conformes à notre
hypothèse, mais rejoignent ce que nous avions déjà pu
pressentir lors de notre précédent travail (Papin, 2006). Nos
résultats statistiques ne montraient pas de différences de
performances entre les tâches de fausses croyances et les tâches de
tromperies. Les enfants semblaient aussi performants dans le rôle de
spectateur que dans celui d'acteur. Cependant, lors de l'analyse descriptive,
les enfants paraissaient meilleurs en tromperie qu'en fausses croyances. En
effet, leur moyenne en situation d'acteur était meilleure qu'en
situation de spectateur et trois des six enfants réussissaient mieux les
tâches de tromperies que les tâches de fausses croyances.
Ce profil particulier ne s'est jamais retrouvé chez les
enfants normaux lorsqu'ils étaient eux même dans la phase de
développement de la théorie de l'esprit. Aucun des enfants
n'étaient en mesure de réussir mieux les tâches de
tromperie que les tâches de fausses croyances. Au contraire, il semblait
que les enfants devaient atteindre une certaine compréhension des
états mentaux avant d'accéder à une possible manipulation
de ceux-ci. Ce sont ces données qui nous avaient permis de postuler une
dissociation de ToMM en deux sous modules.
5. Discussions sur les concepts
Ces données chez les enfants autistes posent questions.
En effet, le développement de la théorie de l'esprit chez les
enfants autistes semble différent de celui des enfants normaux.
Il semblerait y avoir deux types de profil : un profil
minoritaire correspondant à celui des enfants normaux et un majoritaire
étant l'inverse. Cependant, ceci est à nuancer. On ne peut
à l'heure actuelle parler de renversement car notre protocole ne nous
permet pas de constater si ces enfants seront un jour performants aux deux
épreuves. La seule certitude repose sur le fait que la manipulation
d'états mentaux semble plus efficiente que leur compréhension
chez une majorité de ces enfants. Or la manipulation nécessite,
selon Yirmiya et al (1996), la compréhension de ces états
mentaux : pour être acteur, il est nécessaire d'être
compétent dans le rôle de spectateur.
Or ces enfants sont aptes à manipuler des états
mentaux sans pour autant les comprendre. L'enfant n'est pas à même
de comprendre que « Sally ne sait pas qu'Anne a changé le Lego
de place », mais comprend que « le chasseur ne sait pas
où est partie la biche », ce qui lui permet alors de le
tromper. L'enfant peut tromper quelqu'un mais ne perçoit pas la
tromperie de l'autre.
En effet, le test de Sally et Anne peut également
être considéré comme un test de tromperie, Anne trompe
Sally. Dans le test des Smarties, c'est l'expérimentateur qui trompe un
autre enfant. Ce n'est pas l'enfant qui trompe. A partir de ce postulat, toutes
les épreuves proposées peuvent être considéré
comme des épreuves de tromperie. Soit c'est à l'enfant de
tromper, soit c'est un autre personnage ou l'expérimentateur qui trompe
quelqu'un d'autre. L'enfant est soit acteur d'une tromperie, soit spectateur
d'une tromperie. Il semblerait plus justifier de revoir ces résultats au
vu cette supposition. Ceci permettrait de spécifier notre
hypothèse quant à la dissociation du module ToMM en deux sous
modules.
Cependant cette supposition remet en cause
l'interprétation de nos résultats lors de notre
précédent travail.
REFLEXION CRITIQUE
Il est difficile à l'heure actuelle de conclure sur le
développement de la capacité de théorie de l'esprit chez
les enfants atteints d'autisme de haut niveau. Il y a deux raisons principales
à cela.
Notre échantillon, bien que plus conséquent que
précédemment, reste faible. Part ailleurs, il est
hétérogène au niveau de l'âge mais également
au niveau du stade de pensée atteint. Cela nous a permis de
prédire un profil de développement en fonction de ces deux
variables. Néanmoins, en raison du faible nombre d'enfants par
catégorie, il est difficile de se fier outre mesure à ces
résultats. Un prochain projet se verrait dans l'obligation de comporter
un effectif conséquent dans chaque groupe d'âge et de stade de
raisonnement, pour pouvoir permettre une analyse pertinente des
résultats et ainsi dégager un ou des profils de
développement de manière plus pertinente.
Par ailleurs, l'échelle utilisée n'a pas permis
une dissociation assez fine des groupes. En effet, nous avons
séparé notre groupe en deux, préopératoire et
concret. Or, Piaget (1947) distingue deux sous-stades dans le stade
préopératoire : un stade de la pensée symbolique
recouvrant la période 2-5ans et un stade de la pensée intuitive
recouvrant la période 5-7 ans. Cette division en trois groupes aurait
permis une analyse bien plus fine de nos résultats. L'échelle
U.P.L semblait de ce fait plus adaptée que l'E.P.L.. Elle permettrait de
mieux spécifier les différents groupes d'enfants autistes selon
le stade de raisonnement logico-mathématique atteint et ainsi de
permettre d'établir un profil de développement de la
capacité de théorie de l'esprit selon le stade de pensée
logique acquis (Bradmetz, 1999). Ceci est indispensable pour vérifier
notre hypothèse d'un développement en deux temps,
dépendant de l'activation de deux sous-modules, ToMM-S et ToMM-A,
hiérarchiquement positionnés.
Afin de valider ce modèle, nous nous sommes restreints
à deux types de tâches de théorie de l'esprit, soit
à deux états mentaux. Or la théorie de l'esprit rassemble
de nombreux états mentaux. Ce travail devra s'accompagner d'une
définition plus approfondie et plus méticuleuses de tous ces
concepts notamment avec l'apport d'auteurs comme Bradmetz (1999). Ceci
permettra de catégoriser les différents états mentaux
selon le type de processus mis en jeu d'un point de vue cognitif.
En outre, le protocole utilisé doit être revu.
Les huit tâches n'ont pas paru aussi équivalentes au niveau de la
charge mentale lors de la passation. L'analyse statistique a permis de
vérifier que certaines comme « La pomme » et
« La boîte de Smarties » sont d'un niveau de
compréhension plus simple que les autres, elles ne demandent pas autant
d'aptitudes cognitives. Ces tâches ne sont pas aussi discriminantes que
les autres tâches de fausses croyances. Elles ne sont pas assez
prédictives. Ces tâches sont plus des tâches de distinction
apparence-réalité que des tâches de fausses croyances.
Enfin, bien que cette étude ait permis de confirmer nos
précédents résultats, elle n'a pu nous permettre de les
expliciter clairement. Un prochain projet aurait pour objectif de
spécifier plus précisément le développement de la
théorie de l'esprit chez les enfants autistes mais également de
vérifier différentes hypothèses explicatives de ce
fonctionnement particulier.
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|
ANNEXES
Annexe 1 : Définition de l'autisme selon
le DSM IV
Annexe 2 : Le test de Sally & Anne (Wimmer
& Perner, 1983)
(FC 1)
Annexe 3 : Le test des Smarties (Leslie &
Frith, 1988) (FC 2)
Annexe 4 : Un jouet dans la mauvaise
boîte (FC 3)
Annexe 5 : La fausse pomme (FC 4)
Annexe 6 : La tâche de tromperie.
(T1)
Annexe 7: Tâche des deux boîtes (T
2)
Annexe 8: Le parcours de la biche. (T 3)
Annexe 9 : Le salon de Maya (T
4)
Annexe 10 : E.P.L : Présentation
des épreuves
Annexe 11 : E.P.L : notation et
interprétation des épreuves.
Annexe 12 : lettre de consentement des
parents
Annexe 13 : tableau dé résultats
épreuve de Théorie de l'esprit
Annexe 14 : résultats bruts des enfants
atteints d'autisme de 7 à
13 ans 6 mois et des enfants contrôles
appariés
Annexe 4a : résultats bruts des
enfants atteints d'autisme
Annexe 4b : résultats bruts des
enfants contrôles
Annexe 15 : Tableaux récapitulatifs des
scores des enfants atteints d'autisme de 7 ans à 13 ans six mois et des
enfants contrôles appariés.
Annexe 15a : Tableau récapitulatif des
scores des enfants atteints d'autisme
Annexe 15b : Tableau récapitulatif des
scores des enfants contrôles
Annexe 16 : résultats des enfants
à l'E.P.L
|
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