Chapitre II. Les réformes structurelles visant
le renforcement de la compétitivité du secteur agricole :
l'ère de la libéralisation agricole au Cameroun
Devant la persistance de la crise économique des
années 80 et le déficit chronique de sa balance de paiement, le
Cameroun s'est tourné vers les institutions internationales pour mettre
sur pied une stratégie économique visant résorber son
insolvabilité. Il était question de remettre le pays sur la
marche du développement. Dans ce cadre plusieurs programmes de
réforme économique seront signés dès 1988 avec le
FMI et la Banque Mondiale. Ces Programmes d'ajustement structurel auront une
incidence sur la politique agricole du Cameroun. Celle ci sera orientée
plus profondément vers les principes de l'équilibre par le
marché ; le libre jeu de l'offre et de la demande doit désormais
guider les choix des acteurs. C'est l'ère de la libéralisation
dont il convient de préciser les bases doctrinales avant d'en examiner
le fonctionnement au Cameroun.
A. Les bases doctrinales de la libéralisation
agricole au Cameroun.
Pour comprendre le fonctionnement de la libéralisation
agricole au Cameroun, il est utile au préalable de se pencher sur les
postulats économiques qui la préside. Ce détour
théorique nous permettra de mettre en perspective les contraintes
normatives dénommées conditionnalités qui encadrent et
déterminent la politique agricole au Cameroun. Pour ce faire, l'analyse
de la doctrine économique du FMI est un préalable
nécessaire ; c'est en effet cette institution qui a lancé les
premières mesures de libéralisation au Cameroun. Jusqu'à
ce jour les réformes structurelles en vigueur au Cameroun sont
marquées de son empreinte.
1. les postulats économiques du FMI en
matière de déséquilibre économique.
Conformément aux missions qui lui sont
dévolues, les interventions du FMI dans les économies nationales
sont motivées par le souci d'aider les pays en crise à «
résorber les déficits de la balance de paiement et de freiner
l'inflation » 1 . Pour ce faire, le FMI opère toujours
préalablement une analyse des causes du déséquilibre
économique observé ; il propose des emprunts de ressources
financières à la condition que certaines reformes structurelles
soient entreprises. Ces réformes ont pour objectif de garantir que
l'économie considérée aura désormais toutes les
chances pour éviter une éventuelle banqueroute. Dans tous les cas
les réformes du FMI
1 Le FMI et les pays du tiers monde, Marie-France
L'hériteau, PUF 2ème Ed. 1990, novembre
se fondent sur une analyse à deux échelons
complémentaires : une approche macroéconomique conduisant
à définir des stratégies de contrôle de la demande
et une analyse microéconomique débouchant sur des actions
ciblées sur l'offre.
a) L'approche macroéconomique dans l'analyse
économique du FMI : Il s'agit d'une approche qui se fonde sur une
analyse des agrégats internes de demande globale et d'offre globale des
biens, des services et des capitaux. Elle met aussi en perspective l'analyse
des données externes relatives aux activités d'importation et
d'exportation. Pour le FMI c'est la recherche de l'équilibre global qui
est visé. La situation recommandée est l'équilibre de la
balance de paiement. Cependant, dans la démarche du FMI c'est
l'équilibre interne qui conditionne l'équilibre externe. Pour ce
faire deux instruments sont privilégiés et emportent des
conséquences en termes de réformes proposées : il s'agit
d'abord de l'instrument de la politique monétaire. En effet, le FMI
considère que si un pays accuse un déséquilibre de la
balance de paiement, ce phénomène est le fait de l'excès
d'émission monétaire dans le pays considéré. Par
conséquent, il faut une politique monétaire restrictive pour
revenir à l'équilibre .Ce raisonnement monétariste est
complété par une analyse néo-keynésienne de
l'absorption qui fait de la demande interne le facteur principal du
déséquilibre de la balance de paiement un ancien directeur
général du FMI résumait cette position en affirmant que
« l'inflation et le déséquilibre de la balance de paiement
viennent l'un et l'autre de ce que la société prise dans son
ensemble cherche à se procurer plus de ressources qu'elle n'en peut
produire »1 ; dans un tel raisonnement les
déséquilibres viennent de ce qu'en plein emploi l'excès de
demande conduit à l'inflation et au déficit de la balance de
paiement. Il convient par conséquent pour revenir à
l'équilibre de compresser la demande interne à des proportions
compatibles avec les capacités de l'économie
considérée.
Selon certains auteurs le FMI serait à la fois
d'inspiration monétariste et néo-keynésienne. La
théorie monétariste souligne l'importance cruciale des variables
monétaires dans la détermination des causes des
déséquilibres. Elle conduit à mettre sur pied des
politiques de contrôle du crédit et des politiques
monétaires restrictives. La théorie néo-keynésienne
quant à elle analyse l'incidence des composantes de la demande globale
sur l'équilibre économique ; elle propose de contenir les
importations par compression de la demande globale. Dans tous les cas le FMI
propose l'austérité budgétaire dans son approche macro
économique.
b) L'approche microéconomique dans la perception
économique du FMI
1 M. Witteveen, discours prononcé à Londres, cf.
bulletin du FMI, 29 mai 1978
Il s'agit d'une approche complémentaire de la
première, elle vient en réponse à la critique de
l'école structuraliste dans les années 501 . Celle-ci
fonde les causes du déséquilibre de la balance de paiement sur la
structure même des économies du Sud. Ces pays sont enserrés
dans un schéma du commerce international qui les rend dépendants
de l'environnement extérieur pour leur équilibre. En fait ces
pays exportent des produits de base et importent des produits
manufacturés. Dès lors ils sont plus affectés par la
détérioration des termes de l'échange. De plus ces
économies ont des rigidités structurelles qui empêchent au
marché de jouer son rôle de régulateur. Les moyens de la
mobilité des facteurs et de la parfaite transparence n'étant pas
réunis, l'ajustement traditionnel par les prix est impossible. Pour les
structuralistes les réformes doivent donc s'orientées par un
rôle actif de l'Etat à renforcer les capacités de l'offre.
Le FMI a intégré dans sa démarche une partie des
observations de l'Ecole structuraliste. En réalité il s'agit plus
d'une « récupération » dans le sens où le FMI
attribue ces difficultés structurelles à une insuffisance de
l'intégration dans l'économie mondiale et à un rôle
excessif de l'Etat. Une idée force guide le FMI dans ses analyses
microéconomiques : la supériorité de la rationalité
privée sur toute autre ; d'où la tendance
généralisée au retrait de l'Etat au profit de la
libéralisation des marchés et de la privatisation des entreprises
publiques comme condition à l'accès des pays comme le Cameroun
aux prêts du FMI.
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