2. Les difficultés de fonctionnement et
externalités de la libéralisation du secteur agricole.
Les mutations en cours depuis la libéralisation concernent
toute la chaîne agricole de la production à la commercialisation,
en passant par toutes les phases du circuit.
a. Les externalités de la libéralisation en ce qui
concerne la production. La libéralisation signifiait la
responsabilisation des paysans et la fin des subventions de l'Etat. Dès
lors les paysans sont tenus de se procurer par leur soin tout ce qui est
nécessaire dans la chaîne de production. En 1988-1989 la
distribution gratuite des intrants sera interrompue. Elle sera
accompagnée de la suppression du système de subventions aux
engrais pesticides et herbicides. Le programme de réforme du secteur
engrais en 1993 imposera la privatisation intégrale de la distribution
des engrais. Pour ce qui concerne le cacao et le café, on note ainsi
l'entrée d'une multiplicité d'acteurs privés dans le
marché des intrants. Une étude1 sur l'impact de la
libéralisation du secteur cacao dans la province du Sud Cameroun
démontre que le paysage du marché de fourniture des intrants
agricoles a été reconstruit comme suit : 80% du marché est
détenu par les entrepreneurs privés. Parmi ceux-ci seuls 52% sont
reconnus et agréés par l'administration. Les autres
évoluent en marge de la légalité. Les organisations
paysannes créées à la suite de la loi de 1992 relative
à la création des organisations paysannes quant à elles ne
contrôlant que 20% de part du marché. En ce domaine il est
avéré que 40% seulement des paysans sont membres des dites
organisations professionnelle. Le manque d'organisation du secteur a
entraîné une augmentation des prix des intrants agricoles. Pour le
café, le sac de 50 kg de l'engrais de formule NPK couramment
utilisé est passé de 2.500 FCFA (soit 3,84 euros) à 9.500
FCFA (soit 14,50 euros). Dans ce contexte les paysans ne pouvaient plus
disposer de la même quantité d'engrais. Une démontre que
80% des paysans du centre et du sud Cameroun utilisaient encore les engrais
bien qu'en quantité réduite mais que 20% avaient abandonné
l'usage des engrais.
b. Les externalités en ce qui concerne le financement.
Le financement des opérations agricoles a
été progressivement abandonné l'occasion de la
libéralisation. Le secteur privé notamment bancaire qui devait
reprendre le témoin n'a pas suivi. Dans le secteur cacao le financement
sur recettes d'exportations ou le recours au crédit se sont
substitués aux subventions et autres concours techniques de l'Etat.
Toutefois le constat démontre que seuls 7% des paysans ont accès
aux crédits. Bien que le secteur agricole représente 30% du PIB
de l'économie nationale, les statistiques révèlent que
seuls 8% des crédits bancaires sont alloués au financement des
activités agricoles. La cartographie des instituts de financement est
1 Folefack Pompidou et Jim Gockowski ; libéralisation et
système de commercialisation du cacao en zone forestière du Sud
Cameroun ; 12 janvier 2004
marquée par le rôle quasi exclusif des tontines
et prêts familiaux. Il convient donc de constater que l'accès des
paysans aux crédits bancaires est marginale. Le retrait de l'Etat du
circuit de financement par la liquidation du Crédit Agricole Camerounais
(CAC) aura pour conséquence une rupture des flux de financements des
activités agricoles. La difficulté d'accès aux
crédits pour les paysans est le fait d'une désorganisation du
secteur après le retrait de l'Etat. Plusieurs considérations
excluent les producteurs du système bancaire. En amont, la
volatilité des prix des produits agricoles, les risques de production et
les carences d'un système de garantie ou de cautionnement des
producteurs. En aval les carences d'une politique claire en direction du monde
agricole et les taux d'intérêts élevés
pratiqués par les banques. La création des organismes de micro
crédits destinés à financer les activités
communautaires est venue prendre le relaie. Toutefois la condition
d'organisation de la paysannerie en Groupe d'Initiative Commune n'a pas
toujours fonctionné pour pouvoir bénéficier de ces
dispositifs rares. En effet les données recueillies dans les zones
agricole de l'Est, du Centre et du Sud révèlent que seuls 40% des
producteurs sont membres des GIC et que 60% n'appartiennent à aucun
groupement de ce type1. La libéralisation agricole en
consacrant le donc un retrait de l'Etat du financement des activités
agricoles n'a pas arrangé la situation des agriculteurs ; ceux-ci du
fait de l'instabilité des cours des produits agricoles sont devenus des
clients insolvables pour les organismes bancaires privés. La
conséquence est l'effet d'éviction des paysans des circuits de
financements. A l'heure actuelle il n'existe aucun mécanisme de garanti
permettant de favoriser l'accès des petits producteurs au financement de
leurs activités2. Seules les caisses villageoises
d'épargne et de crédit appelées localement Tontines
constituent des réseaux de micro finance consacrés à
l'agriculture ou à d'autres activités du monde rural. On note
aussi des initiatives de coopération comme le projet canadien
dénommé micro projets productifs en faveur des femmes (MPPF). Il
s'agit d'un projet qui poursuit l'objectif de lutter contre la pauvreté
et améliorer la condition socio-économique des femmes en leur
facilitant l'accès au crédit pour la mise en oeuvre de leurs
projets. Ce projet a eu une phase orientée vers le milieu rural
notamment dans la Lekié (province de centre) en 1999. Toutefois de
telles initiatives sont rares et dispersées pour avoir une réelle
incidence sur le besoin d'accès au crédit dont souffre les
populations agricoles.
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