PREMIÈRE PARTIE :
LE CONCEPT DES REPRÉSENTATIONS DANS
LA GÉOGRAPHIE : ESSAI MÉTHODOLOGIQUE
Pistes dans les Timbis (Fouta-Djalon). A gauche, la route
d'un projet, défoncée par la précédente saison des
pluies ; et à droite, la route locale, qui, malgré sa trajectoire
sinueuse rallongeant la distance et ralentissant le « trafic », reste
la plus praticable et la plus empruntée.
CHAPITRE 1
DES SCIENCES SOCIALES Á LA GÉOGRAPHIE: L'ÉMERGENCE DU
CONCEPT CONTEMPORAIN DES REPRÉSENTATIONS.
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Les représentations des individus et des
sociétés ne sont apparues comme objet d'étude dans les
thématiques de recherche des sciences humaines et sociales, qu'à
la fin du XIXème siècle. Alimentée notamment
par les travaux de la sociologie, de l'ethnologie et de l'anthropologie,
l'application des représentations sociales à l'espace
géographique a permis le développement d'un concept novateur, qui
donna naissance à la « géographie des représentations
» (Bailly S., 1995).
En nous appuyant principalement sur les travaux
francophones1, nous reviendrons tout d'abord sur ses fondements
conceptuels et théoriques ainsi que ses évolutions
historiques2 accompagnant ceux de la géographie sociale*,
étape nécessaire à la compréhension de la
dialectique représentations-espace géog raph iq ue.
1 Ces derniers nous ont été
matériellement plus accessibles.
2 L'approche proposée ne se veut pas exhaustive, tant
les interactions entres les sciences humaines et sociales ainsi que les
problématiques liées aux représentations sont nombreuses.
L`objectif de cette démarche est de mettre en évidence la
richesse du concept.
1 Ici employé dans le sens restreint « d'ensemble
des constructions mentales du réel ».
1 UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RÉALITE
GÉOGRAPHIQUE APPARAIT A LA FIN DU XIXEME SIECLE : LA PERCEPTION
MENTALE.
« Les problèmes de la perception de l'espace ont
depuis longtemps attiré les géographes. » (Claval P., 1974).
En effet, durant le XIXème siècle, la conquête
de nouveaux espaces et la découverte de sociétés et
civilisations jusqu'alors inconnues ont amené les explorateurs et
scientifiques à s'interroger sur leurs pratiques et leurs comportements,
ainsi que sur leurs conséquences sur l'espace. C'est ainsi que des
psychologues, ethnologues, géographes, puis des psychiatres, se sont
penchés sur les problématiques abordant le sens de l'espace,
l'orientation, et la structuration de la perception lointaine appliquée
tout d'abord aux populations dites « primitives », puis
réutilisées dans les pays occidentaux. La géographie
sociale et culturelle, apparue vers 1890, connaît alors ses premiers
disciples et ouvre une nouvelle page dans la construction des pensées et
théories géographiques.
Foncin (1898), Cornets (1909, 1913), Gautier (1908) et
Gallois (1908), relayés sur ces thématiques par Jaccard (1926,
1932), Demangeon (1923, 1940) et Rabaud E. (1927), ce dernier s'attachant plus
particulièrement à l'analyse de l'orientation lointaine, furent
donc les géographes précurseurs de l'étude des formes de
la perception de l'environnement et de leurs significations
géographiques. Ces recherches, fortement influencées par le
raisonnement déterministe alors omniprésent dans l'école
de géographie française, n'exposèrent que de
manière timide et détournée, les réflexions
produites sur les images mentales et leurs implications sur les constructions
spatiales; « ils n'avaient pas toujours conscience de l'originalité
de leur démarche » (Claval P., 1974). Les interrogations portant
sur la conscience1 dans sa participation au processus de
spatialisation et d'identification territoriale furent par contre
limitées dans les écoles de géographie allemande et
anglo-saxonne, profondément béhavioristes* et se rapprochant
parfois du naturalisme*. La géographie d'avant-guerre
privilégiait alors l'étude des dépendances et des
détermi nismes (biophysiques, économiques, rarement culturels)
auxquels sont soumis les individus et les sociétés qu'ils
composent.
Ancrées dans le déterminisme*, les sciences
humaines et sociales ont longtemps sous estimé les mécanismes de
perception, d'appréhension du réel et les représentations
qu'ils impliquent, si bien que ces problématiques ne furent
qu'effleurées par les géographes du début du siècle
: «Les géographes français [...] limitaient souvent leurs
recherches dans cette direction à une interrogation sur la conscience
qu`avaient les communautés de leur appartenance territoriale »
(Bailly S. et Debarbieux B., 1995). Il faudra alors attendre un renouvellement
des conceptions
1 Il s'agit de la prise en compte d'une dimension de l'espace
construit mentalement, à travers les perceptions et les
représentations des individus, dans une démarche
géographique.
philosophiques des sciences sociales dans les années
1950-1960 pour que soit explicitement acceptée l'idée de
subjectivité de la connaissance.
Bien que ce soient les géographes français qui
aient fait, dans la première moitié du XXème
siècle, plus de place aux perceptions et à leur rôle
dans l'organisation de l'espace que ce n'est le cas d'aucune autre école
de géographie, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les
chercheurs en sciences humaines et sociales anglo-saxons se démarquent
à leur tour des théories matérialistes* et behaviouristes
pour s'engager dans l'étude des représentations.
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