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Les représentations dans la géographie : une approche à valoriser dans les pays du Sud (l'exemple des hautes terres d'afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale

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par David Leyle
Université Bordeaux 3 - DEA de géographie 2001
  

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2 LES POLITIQUES EXOGÈNES FACE A LA GESTION ENDOGÈNE : L'INCOMPREHENSION.

Quels sont les acteurs territoriaux exogènes ? Quels sont leurs domaines d'intervention ? Comprendre les représentations des individus et de leurs groupes vis à vis des différents intervenants sur leur territoire nécessite l'identification de ces derniers.

Ils sont en effet nombreux, principalement motivés par des considérations économiques et politiques. Nous laisserons volontairement de côté les opérateurs économiques privés, dans la mesure où nous risquons de nous éloigner de la problématique que nous nous sommes fixés. Toutefois, dans le cadre d'une approche des faisceaux de représentations, il convient de ne pas minimiser leur rôle ; bien au contraire dans la mesure où il existe un potentiel d'exploitation d'une ressource commercialisable (bois, minerais, cultures de rente...)

Nous nous attacherons à trois types d'intervenant : les opérateurs de développement et de gestion de l'environnement ainsi que les migrants (émigrants et immigrants).

Ces derniers occupent une place ambiguë entre acteurs endogènes et acteurs exogènes. Pour les qualifier au sein de l'unité socio-spatiale qu'est le territoire, Di Méo G, utilise le terme < d'acteur allogène »

En effet les dynamiques des populations amènent certains individus à migrer, essentiellement pour des raisons économiques et sociales, et à s'installer loin de leur terre d'origine. Le plus souvent, ces destinations sont de nos jours essentiellement urbaines ; dans tous les cas, elles sont destinées à améliorer les conditions de vie. Quels liens entretiennent-ils avec leur territoire d'origine ? Sont ils les vecteurs de dynamiques contemporaines ? Comment sont perçus les « expatriés » ?

Si nous prenons l'exemple des Hautes Terres de l'Ouest, nous constatons que les expatriés (gra ffi) restent viscéralement attachés à leur chefferie d'origine : < On investit dans le Moungo devenue vraie région économique Bamiléké, ou à Douala, on y vit, mais on y demeure pas réellement. Le Pays rêvé et désiré est celui où résident les crânes des Ancêtres. » (Morin, S., 1996). Or les médiances paysagères traditionnelles1, et donc le fonctionnement du système aristocratique, traditionnel sont aujourd'hui remises en cause par les élites extérieures qui, pour montrer leur réussite à l'ensemble de la société, réinvestissent la chefferie. Les graffi construisent ainsi des villas sur les hauteurs, car < s'installer en haut, c'est être vu de tous.[... ]. Désormais, le haut devient symbole de richesse [...]. » (Morin, S., 1996). Profitant de son pouvoir économique, de sa < modernité »2, cette nouvelle aristocratie, groupée

1 Le commandement inverse : plus l'individu, son lignage et son clan habitent près des bas-fonds, plus leur rang dans la société est élevé.

2 Ce que Morin, S., (1996) nomme < la stratégie d'accumulation ».

en association par chefferie, assigne à cette dernière de nouvelles fonctions et en détournent ainsi le fonctionnement à son profit.

En effet, les graffi se sont lancés dans une véritable chasse à la notabilité, dans le sens où pour être reconnus, il leur faut acquérir un titre de notabilité. Auparavant distribués aux membres de la société selon une tradition stricte par le Fon (Roi), les titres et la propriété foncière deviennent un enjeu mercantile où les intérêts financiers prennent le dessus sur la tradition : « la chefferie, par le foncier et par ses titres traditionnels, se recompose ainsi à partir des élites extérieurs qui imposent de nouvelles représentations de l'espace et de nouvelles médiances paysagères » (Morin, S., 1996). On peut alors s'interroger sur la manière dont est perçue ce phénomène social, notamment par l'aristocratie en place, car même si certains en profitent, d'autres le dénoncent ouvertement : « les élites ont de l'argent, mais elles n'ont pas le pouvoir et ne sont pas respectées, c'est pourquoi elles veulent toutes un titre de notabilité. »( (Momo 1er, chef des Foto1, 1997). De toute évidence, pour certains aristocrates traditionnels, cette forme de corruption de la tradition représente, bien plus que la remise en cause de leur pouvoir, une déstructuration sociale dont les signes révélateurs (érosion, exode rural, ...etc.) sont visibles dans les paysages.

Cela dit, ces élites bénéficient souvent d'une image positive auprès des populations, car leur rôle de soutien économique au village est important, symboliquement, et substantiellement. On le remarque également dans le FoutaDjalon : dans un rayon de 30 km autour de Labé, 34% des personnes enquêtées avouent recevoir de l'aide de « l'extérieur », d'un fils ou d'un parent. Il est un devoir pour les expatriés de participer à la vie de la communauté et à sa modernisation (construction de forages, de dispensaires, de lieux de culte, aide aux plus jeunes... etc.). Pour cela, à l'opposé de la méfiance du pouvoir traditionnel, on constate que les émigrants jouissent d'une image positive auprès des populations.

Par contre l'immigrant « étranger » ne bénéficie pas d'une image tout aussi positive. L'antipathie envers ces derniers draine souvent des paroles de haine et d'incompréhension, significatives de représentations négatives.

Dans l'Adamaoua, pourtant zone peu peuplée, l'arrivée de migrants venus du Nord (notamment des Kirdi, dont beaucoup se sont installés dans la vallée de la Bénoué), n'est pas forcément vue d'un bon oeil par les populations fulbés vivant sur place, qui craignent pour leur pouvoir coutumier aristocratique : « Il faut les mater, c'est le seul moyen de les tenir en respect. Ils sont nombreux et ils se sont fait de l'argent ; Cela peut donner des idées » (auteur anonyme, Syfia international2, 1998). Les croyances religieuses s'opposent : les pratiques et les coutumes animistes des migrants ne plaisent pas aux peuls musulmans, ces derniers les obligeant à vénérer le lamido3 : « Ou ils respectent les volontés du chef, ou ils partent d'ici » (un dogari, sbire du lamido) ». Certains n'ont pas attendu les menaces des fulbés et ont quitté les rebord

1 Il règne sur une grande partie de la ville de Dschang et ses environs, sur les Hautes Terres de l'Ouest Cameroun.

2 Propos relevés par Etienne Tassé

3 Le lamido est un chef traditionnel fulbé.

du massif pour s'installer à 150 km au Nord : < nous nous sentons mieux ici. Là où nous étions, les gens du lamido nous faisaient vivre un calvaire >,.

Ainsi, sur les hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale, les problèmes de cohabitation entre populations migrantes et autochtones sont répandus. En pays Bamoun1, les locaux se plaignent que les Bamiléké se sont installés chez eux mais qu'ils ne pratiquent pas l'Islam et ne votent pas comme eux. Mêmes griefs des populations du littoral à l'encontre des Bamiléké (D'après Tassé, E, 1998).

En Pays Mafa (Mont Mandara), < on distingue les vrais Mafa, ceux qui sont nés ici, sur cette terre où est enterré leur placenta (Posok), des nouveaux venus, étrangers sans racines, les Kéda (Chiens) qui ne peuvent que cultiver des terres attribuées de manière précaire. >, (Morin, S., 1996).

Parmi les structures qui conçoivent et appliquent les politiques de développement, on peut considérer deux grandes familles : celles des opérateurs occidentaux et plus largement étrangers2, et celle des intervenants nationaux. Souvent, ces deux types d'acteurs sont liés dans les actions qu'ils mènent sur le terrain. De quelles manière les communautés se représentent-elles les différents opérateurs de projets et de politiques nationaux et internationaux ? Comment apprécient-elles les actions et les politiques menées ? De quelle manière se sont construites ces représentations dans le temps ? Que représente pour les sociétés la modernité ?

Des régimes coloniaux à nos jours, < les individus et les communautés ont constaté, à leurs dépens, que l'administration coloniale, le coopérant, l'expert, le cadre national, ne sont pas infaillibles et que leurs pratiques varient au gré du temps, des idéologies et des modes >, (Rossi, G., 2000). En effet, il est rare qu `un projet s'installe sur un terrain historiquement et technologiquement vierge. Les populations villageoises ont une mémoire des opérateurs extérieurs qu'elles ont développé au fil des alternances politiques et des passages des projets. Les objectifs des organismes leur sont bien connus3, et les propositions que formulent les acteurs exogènes suscitent la méfiance des populations.

Conscientes néanmoins de l'intérêt matériel et financier qu'elles peuvent en retirer -notamment les élites locales- elles refusent rarement l'implantation d'un projet sur leur territoire. Mais leurs stratégies restent prudentes face aux innovations proposées : si ce qu'on leur propose se détache trop de leurs logiques socioéconomiques, elles saboteront ou laisseront stagner le projet. Les paysanneries se méfient des innovations < sûres >, et < rentables >, du < développement durable >,. Les actions exogènes représentent un bénéfice certain, pour le projet en lui même

1 Sur les Hautes Terres de l'Ouest camerounais.

2 Le terme est employé ici dans son sens civique.

3 les leitmotivs des ces différentes politiques et leurs application sur le terrain : l'ouverture à l'économie de marché et la modernisation (intensification agricole, cultures de rente, micro-industrie et artisanat... etc.), le désenclavement des espaces montagnards et la gestion rationnelle des ressources.

ainsi que pour ses retombées, mais surtout un risque potentiel, tant productif que social. Les communautés en font parfois la douloureuse expérience.

Ainsi, comme le relate Rossi, G, (2000), sur les hauts plateaux du Sud-Ouest Togo, l'introduction de la monoculture du caféier par la force coloniale allemande au début du siècle fut assimilée par les populations et intégrée au système de production. Il permit jusque dans les années 1960 aux producteurs d'accéder à une certaine évolution économique et sociale. Devenu peu rentable et risquée au regard des cours du marché, la culture de café fut progressivement abandonnée ou insérée à un système polycultural. Au début des années 1970, relancés par de multiples projets sous couvert de l'administration, avec de nouvelles variétés de café et des crédits ruraux, de nombreux exploitants investirent toute leur exploitation en monoculture, au détriment de la sécurité que représente la complantation. Après des années d'efforts pour que produisent les nouvelles parcelles, la sécheresse de 1983- 1984 dévasta les parcelles de café « modernes » d'arabusta, mal conçues d'un point de vue agronomique, et beaucoup d'agriculteurs furent ruinés. Seul ceux qui avaient conservé en partie l'ancien système réussirent à compenser le manque à gagner.

Si on s'attache au problème du foncier en Afrique, on constate que par exemple des politiques de transition foncières ont été, avec plus ou moins de vigueur, imposées aux populations des hautes terres d'Afrique de l'Ouest. En Guinée (Fouta-Djalon), les pratiques communautaires traditionnelles assuraient à chacun l'accès à la terre, alors que l `évolution en cours tend à faciliter la privatisation des espaces. Dans un contexte où l'espace est fini1, la compétition foncière, forte autour des zones urbaines (notamment dans les bas-fonds), cause de nombreux conflits dont l'issue est rendue complexe par la superposition des droits fonciers coutumiers, islamiques et modernes. « Aujourd'hui, la question foncière se caractérise à l'échelle locale par une pluralité des droits : cet éventail de normes fait accroître l'insécurité foncière et favoriser les conflits, parfois violents » (I. Boiro , 1996). La juxtaposition de droits d'inspiration différente provoque une confusion, chacun faisant prévaloir le droit qui l'avantage le plus en cas de litige.

Un autre exemple de politique nationale peut être évoqué : les migrations forcées ou largement incitées, qui déplacent des milliers d'hommes dans le monde, et plus particulièrement dans les pays où l'Etat cherche à avoir un contrôle territorial sur les populations nomades et montagnardes.

Ainsi l'administration pousse les montagnards du Nord Cameroun (Monts Mandara) à descendre dans la plaine. La progression de l'économie monétaire a joué un grand rôle : cultures de coton, opportunités de salariat urbain (Maroua), terroirs agricoles disponibles... etc. Au départ, soupape du trop plein démographique de la montagne, l'exode rural dépeuple aujourd'hui les campagnes et vident les villages de leur force de travail : la plaine, autrefois crainte, est devenue l'image de l'émancipation et du progrès pour les jeunes. Même si l'organisation socioculturelle des montagnards se maintient pour l'instant, cette descente progressive vers les plaines et ses traductions paysagères est aussi synonyme d'acculturation : « les migrations

1 « il n'y a plus depuis longtemps de terres sans propriétaire dans le Fouta-Djalon » (C. LaugaSallenave, 1996)

urbaines s'accompagnent souvent de l'islamisation et d'un renoncement à l'identité et au mode de vie montagnard >>.

Sur notre terrain d'étude, on pourrait ainsi multiplier les exemples de projets ou de politiques qui ont fortement déstabilisés, voire déstructurés, des communautés, ou qui ont parfois freinés les hommes dans leur développement.

Par exemple, en ce qui concerne la gestion de l'environnement, la conservation des espaces < naturels >> nous donne encore un exemple du danger de la pensée écologique occidentale appliquée dans les pays du sud. Dans les Monts Nimba, l'UNESCO et des organisations écologiques américaines s'opposent à l'exploitation d'un riche gisement de fer, pour protéger le biotope des seuls crapauds vivipares au monde. La guinée est tout de même actuellement l'un des pays les plus pauvres au monde : < à la limite de cette < réserve de la biosphère >>, les populations vivent dans le dénuement le plus extrême et un enfant sur quatre meurt avant l'âge d'un an >> (Rossi, G., 2000). Que représente la limite d'un parc pour les communautés chassées et interdites ? Comment la population peut percevoir ce genre d'action qui hypothèque ses perspectives d'avenir ?

Le même problème se pose au Togo, avec la politique de gestion des aires naturelles au Togo. La conservation de la nature se fait ici dans la force. La création de l'immense parc de la Kéran (voir annexe 16), et son extension en 1981-1982, à entraîné < le déplacement de près de 10000 personnes et l'intervention de l'armée qui détruisit les villages à la grenade et au lance-flamme>>. (Rossi, G, 2000). Cette situation explosive entre les autorités et les populations qui revendiquent leur terres connut son apogée lors des troubles nationaux de 19901 : < Les paysans déplacés ont généralement perdu le territoire de leurs ancêtres et leurs forêts sacrées >> (Deletage V., 1997) Cette répression vigoureuse, pour protéger un < patrimoine de l'humanité >>, a ainsi repoussé des populations aux marges du Parc, notamment en pays Tamberma. Par ces afflux de populations, le rapport hommesgestion de la ressource connaît ainsi des perturbations: < les conséquences logiques sont un déboisement, une diminution des jachères ; tout cela ayant des répercussions sur la dégradation des sols [sur les versants atacoriens] >>. le sentiment de frustration est double, pour les migrants et pour ceux qui les accuei l lent.

L'interventionnisme exogène se caractérise par un vocabulaire, un langage distant de celui des communautés concernées (voir annexe 13). Ce que De Noray M-L., (1998) appelle les < ravages du langage >> prend toute son ampleur dans des discours stéréotypés que s'approprient même les agents autochtones du développement: < ce projet entre dans le cadre de l'appui aux populations locales dans le domaine de la santé ; il a pour objectif la sensibilisation, la conscientisation et l'auto-promotion de ces populations, et plus particulièrement des groupes cibles, c'est-à-dire des mères. >> (agent de développement malien, sur les ondes de RFI)..

1 jusque là < efficacement >> protégée, la réserve a connu une recrudescence de braconnage qui a entraîné la disparition d'une majorité des animaux du parc. < Préservation de la biodiversité >> ?

1 Cette énumération pourrait être élargie.

2

3 Encore faut-il que la compréhension soit véritablement souhaitée ou même envisagée.

« la langue du Blanc )).

Ainsi, « l'animation rurale )), « l'encadrement )), « les organisations paysannes )), « l'approche sectorielle )) et « participative )), « la micro-finance )), « la biodiversité )), « la conservation de la nature )), ou encore « le développement durable ))1 sont biens connus des individus et de leurs groupes. Comment les individus interprètent ces propos ? Vide de sens à leurs yeux, ils se méfient de ce genre de vocabulaire, car culturellement il ne le comprennent pas : « autour de moi, on dit que maintenant que j'ai appris le touba b2 , je n'arrive plus à parler normalement des gens... Alors moi je leur dis : mais je passe ma vie à parler de nos frères, à leur venir en aide. On me rétorque : tes frères, c`est nous, c'est pas les populations, c'est Moussa, Adama, Mariétou, et les autres. Explique-nous comment tu nous viens en aide. )) (Un opérateur de développement malien, 1998). La communication et la compréhension ne sont effectives que si les différents acteurs territoriaux se comprennent3.

Au final, les courtiers en développement, les élites économiques, l'aristocratie traditionnelle et le paysan de base, ont tous une certaine représentation de l'acteur exogène, qu'il soit national ou étranger. L'administration et colonisation se confondent par leurs méthodes et par les représentations auprès de la population : « l'administration, c'est la colonisation )) (Mamadou Bobo Bah, M'Balbé, Lombonnah, enquêtes personnelles 2000). Souvent les deux se confondent comme au Cameroun où l'administration est appelée « le Blanc )). Les représentations varient en fonction de l'intérêt que l'individu et le groupe portent à l'opération, à la manière dont elle est amenée et mise en place. On constate cependant que l'image de l'acteur exogène n'est pas très positive (voir annexe 15), ou du moins ambiguë :

Il existe un mot inuit qui caractérise les sentiments que les blancs leur inspirent. Ce mot est Ilira et il n'est pas facile à traduire. C'est une sorte de peur, un mélange de respect et d'intimidation... Ilira est cette tendance en chacun de nous à donner les réponses que les puissants attendent de nous et non ce que nous croyons vraiment. Ainsi, quand on demanda à des pères et mères inuit s'ils souhaitaient que leur enfants poursuivent leur scolarité en internat, ce qui signifiait qu'ils seraient sortis de leur environnement et de leur langue maternelle, la plupart ont répondu « oui )) alors que chaque fibre de leur être désirait répondre « non )).

Martin O'Malley, 1999

Il paraît complexe de vouloir qualifier « objectivement )) les représentations des individus et des populations à l'égard des acteurs exogènes, car dans ce domaine on ne peut ni analyser dans le détail, ni généraliser. Nous pouvons seulement constater combien l'image de l'acteur exogène peut véhiculer de sens

auprès des sociétés, en fonction des intérêts de chacun et de la réussite de l`action menée. En effet, même si nous insistons ici sur les problèmes et les échecs de ce type d'opération, certaines opérations contribuent au mieux être des sociétés concernées : aménagement de l'hydraulique villageoise (forages, pompes), programmes d'amélioration de la santé... etc.

Nous pouvons déplorer que les réussites ne soient pas suffisamment nombreuses dans le domaine du développement rural et dans la gestion des environnements écologiques. Les dérives d'un système de coopération et du tout Etat laissent des stigmates dans les consciences individuelles et collectives, que nous pouvons aborder à travers la clé d'entrée des représentations, dont nous venons de proposer un essai de grille de lecture.

Aujourd'hui, face à un système politique, économique et culturel exogène qui leur pèse de plus en plus, les choix des sociétés sont limités : bien souvent pour les communautés s'affrontent la nécessité d'une ouverture au monde (par choix ou par force), avec la logique du Marché et l'individualisme économique qui risquent de mettre en péril la vie de la communauté, et la volonté de préserver un fonctionnement social (souvent communautaire), garant de la pérennité du groupe sur son espace. Le fait qu'on voit de nos jours se développer la participation autochtone, ce qu'on peut considérer comme progrès des sciences sociales, ne remet pas en cause les rapports développeurs/développés.

La technicité, le marché et la préservation de la ressource selon des valeurs exocentrées par rapport à celles des communautés territoriales montrent leurs limites dans les systèmes socio-spatiaux territoriaux des hautes terres d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale. Ces sociétés ne répondent pas aux mêmes logiques sociospatiales et donc aux mêmes stratégies dans le temps. Les modes de gestion du groupe et de sa ressource sont élaborés et adaptés selon des rationalités que les intervenants extérieurs ne savent pas toujours décrypter et analyser. Nous pensons que l'étude des représentations apporte des connaissances fondamentales pour la compréhension de ces logiques socio-spatiales, et qu'une véritable carence -parmi d'autres- existe dans ce domaine : « les représentations et les pratiques de l'espace de nombreuses populations d'Afrique sont très éloignées des logiques de découpage caractéristiques des représentations territoriales modernes » (Pourtier, R.).

Tambour sacré du village de Nadhel (Fouta-Djalon), utilisé pour la prière qui clôture le jeûne musulman, le ramadan.

Les progrès des sciences sociales ont poussé les géographes à s'intéresser aux représentations, non pas comme un objet d'étude, mais comme un outil de compréhension des dynamiques socio-spatiales des individus et des sociétés.

Deux approches se dégagent dans l'étude des représentations : l'analyse des liens entre l'image et le réel connu, et la variance entre les diverses représentations. Ces dernières peuvent être abordées selon plusieurs échelles, et leur complexité amène le géographe à adopter des points de vue variés pour pouvoir en cerner le contenu et la signification.

Pour identifier les représentations, l'approche territoriale s'avère (en théorie) efficace : nettement identifiable dans les sociétés du Sud, les territoires apparaissent comme de précieux indicateurs sur la manière dont les groupes humains construisent et signent dans les paysages leur propre réalité géographique, culturelle et socioéconomique.

Quand le Nord perd le Sud... (Henry, J.R., 1995)

L'analyse des représentations produites et véhiculées par les groupes sociaux est un moyen de parvenir à une meilleure connaissance des enjeux dont l'espace est l'objet et le support. Une connaissance qui reste aujourd'hui sous-utilisée dans la compréhension des logiques socio-spatiales des sociétés tropicales.

L'exemple des hautes terres d'Afrique de l'ouest et d'Afrique Centrale est significatif du rôle important que jouent les représentations dans les dynamiques socio-spatiales des hommes sur leurs territoires.

Marqués par les écosystèmes d'altitudes (selon certains gradients), les groupes humains présentent de multiples facettes socio-culturelles et paysagères qui témoignent de leurs capacités d'adaptation et de leurs représentations.

Ces sociétés sont attachées à leur identité culturelle et religieuse -comme beaucoup d'autres en Afrique- et s'organisent selon des rationalités endogènes sous-estimées par les opérateurs de « l'extérieur ». A la lumière des expériences malheureuses et coûteuses, nous pouvons nous interroger sur les méthodes

employées pour accompagner les hommes vers le bien-être social, et sur les raisons d'être d'un système qu'ils subissent ou détournent.

Face à la divergence entre les intérêts extérieurs et les communautés locales, à l'incompréhension mutuelle des différents acteurs territoriaux,

La vision occidentale, notamment par l'étude des représentations, commence à changer. Mais les discours des chercheurs restent sans écho dans la conception et la réalisation de projets ou de politiques.

Les méthodologies d'approche des populations et de leurs logiques sociospatiales sont à repenser dans les sens des communautés.

La problématique des représentations est au coeur de plusieurs enjeux sociaux, économiques et politiques auxquels les différents opérateurs du développement et de la gestion de l'environnement ne peuvent rester indifférents dans les pays du Sud.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe