SECTION 2 : LA CONFIANCE EXCESSIVE
I. La notion de confiance excessive
I.1. Présentation et
caractéristiques de la confiance excessive :
Des études empiriques argumentent que
l'excès de confiance provient de la psychologie cognitive qui stipule
que l'individu à toujours tendance à surestimer son
habilité dans différents contextes.
Les êtres humains sont donc trop confiants quant
à leurs capacités, leurs connaissances et leurs perspectives.
LAVIGNE et LEGROS (2005) affirment que la tendance
à se monter excessivement confiant quant à son propre jugement ou
ses propres prévisions n'est pas propre à la finance, mais la
finance est un terrain propice à la répétition de ce
phénomène car la prévision y est par nature très
difficile.
Des études récentes définissent
l'investisseur excessivement confiant comme quelqu'un qui surévalue son
habilité à générer l'information ou à
identifier la signification de plusieurs données ; il a tendance
à surestimer la précision du signal de son information
privée par rapport aux informations publiques reçues par
l'ensemble des investisseurs.
D'après GREENFINCH l'excès de confiance
fait que les individus surestiment leurs informations et leurs
capacités.
Les investisseurs se comportent souvent comme s'ils donnent
confiance à l'information, sans tenir compte de sa source et sans se
soucier de la valeur prédictive de l'information qu'elle soit
précise et complètement fiable ou alternativement
démodée ou inexacte... (FISKE et TAYLOR (1991)).
L'excès de confiance a à la fois un aspect
direct et indirect ; ceci dépend de la façon dont les
individus traitent l'information :
- L'effet directe, observé notamment par DANIEL,
HIRSHLEIFER et SUBRAHMANYAM (1998), est lié au fait que les individus
accordent beaucoup trop d'importance à l'information qu'ils collectent
eux mêmes car ils ont tendance à surestimer sa
précision.
- L'effet indirect de l'excès de confiance se
révèle quant à lui du fait que les individus filtrent
l'information et biaisent leurs données de sorte que cela leur permet de
maintenir leur confiance.
Ainsi, ils donnent un poids important à
l'information qui est en accord avec leurs croyances existantes, ils sont
portés vers le recueil des informations qui appuient leurs croyances et
cachent aisément les informations qui ne le sont pas (LORD, ROSS et
LEPPER (1979), NISBETT et ROSS (1980), FISKE et TAYLOR (1991)).
Des psychologues ont développé un
phénomène appelé « biais
d'attribution » pour décrire ce type de comportement.
D'après ces derniers, en observant les
conséquences de leurs actions, les individus attribuent les
événements qui confirment leurs actions à leur
habilité et celles qui renient leurs actions à un bruit
blanc ; ils ont tendance à réprimer toute information
conflictuelle avec leurs choix passés.
Les investisseurs effectuent leurs transactions en
fonction de leur signal privé ; si le signal publique
ultérieur confirme leurs transactions (information favorable suite
à l'achat et information défavorable suite à la vente) la
confiance des investisseurs augmente sensiblement ; si par contre le
signal publique ultérieur ne confirme pas leurs transactions leur
confiance ne baisse que modestement.
L'évidence psychologique indique que les
investisseurs ont toujours tendance à blâmer les facteurs externes
en cas d'échec.
En effet, l'excès de confiance de l'investisseur se
nourrit d'une comptabilité biaisée de ses succès et ses
échecs. L'investisseur se remémore facilement ses bons coups et
oublie volontiers ses loupes. De même, il pense devoir ses succès
à ses propres facultés mais porte ses échecs sur le compte
du marché ou de la malchance (MANGOT (2004)).
La plupart de ceux qui achètent et vendent des
actifs financiers essayent de choisir des actifs qui vont avoir des rendements
élevés.
Cette tâche est difficile mais il est
précisément dans une telle difficulté que les individus
exhibent une confiance excessive.
GERVAIS et ODEAN (1997) ont développé un
modèle de marché multi périodique décrivant le
processus par lequel les investisseurs apprennent sur leurs capacités et
comment ce biais dans cet apprentissage peut créer des investisseurs
trop confiants.
Initialement les investisseurs ne connaissent pas leurs
capacités et ils l'apprennent à travers l'expérience. En
effet, le niveau de confiance de l'investisseur est nul lorsqu'il commence
à faire des transactions, augmente avec les premières
périodes de transactions et ensuite il baisse.
Ainsi, la grande confiance excessive
espérée dans la durée de vie de l'investisseur arrive
très tôt dans sa carrière.
Après cela, il tend à développer
progressivement une estimation plus réaliste de ses capacités.
En analysant la raison pour laquelle l'excès de
confiance de l'investisseur atteint son maximum GERVAIS et ODEAN (2001)
montrent par ailleurs que l'évolution du niveau de l'excès de
confiance dépend de la fréquence et de la vitesse de la
rétroaction (feed-back) que l'investisseur reçoit suite à
ses opérations.
De ce fait lorsque la rétroaction est
fréquente, immédiate et claire l'investisseur se rend compte
rapidement de son excès de confiance et modifie ses jugements ;
toutefois lorsque cette rétroaction est retardée, faible ou
ambigu ; l'excès de confiance persiste et n'est pas susceptible
d'être modifié.
I.2. L'échange excessif comme
étant une conséquence de l'excès de
confiance :
Des études récentes portant sur le
comportement des investisseurs montrent que ces derniers effectuent
généralement des échanges excessifs qui se
révèlent à l'origine de la confiance excessive.
C'est ainsi qu'ODEAN (1998) a montré que les
investisseurs trop confiants font plus de transactions que les investisseurs
rationnels.
LAVIGNE et LEGROS (2005) montrent que la confiance
excessive est souvent considérée comme étant la source
d'importants volumes de transactions sur les marchés financiers.
La confiance excessive fait donc accroître le
volume des transactions parce que les investisseurs sont très certains
quant à leurs propres opinions et ne considèrent pas suffisamment
les opinions des autres.
I.3. Le biais
d'optimisme :
Les observations des psychologues indiquent que les
individus ont généralement une prédisposition à
afficher un optimisme exagéré pour ce qui concerne leur sort. Par
exemple, ils croient dur comme fer avoir moins de chance que leurs voisins
d'être cambriolé ou renversé par une voiture (MANGOT
(2004)).
Un autre exemple typique est l'attitude face à la
maladie. WEBER et HILTON (1990) ont décelé chez des
étudiants Américains la conviction que les autres sont plus
à même que soi d'être atteint par des affections
bénignes.
Pour faire preuve du biais d'optimisme sur les
marchés financiers, BENARTZI, KAHNEMAN et THALER (1999) ont
confectionné un questionnaire sur internet. Les résultats,
obtenus à partie de 1053 réponses d'abonnés, confirment la
présence de ce biais.
A la question « a votre avis, quelle est la
probabilité que les actions surperforment les obligations sur le long
terme ? » les réponses n'étaient pas
imposées et les abonnés pouvaient entrer le pourcentage qu'ils
désiraient, entre 0 et 100 %.
En moyenne, les investisseurs font confiance à 85 % aux
actions pour surperformer les obligations à long terme, ce qui est
conforme aux données historiques. En revanche, plus d'un tiers des
sondés est persuadé que les actions seront un meilleur placement
que les obligations, sans aucun doute possible. Ces individus sont donc sujets
au biais d'optimisme.
II. Les diagnostics et les remèdes de la
confiance excessive
II.1. Les diagnostics de la
confiance excessive :
Selon MANGOT (2004), l'investisseur est
particulièrement sujet aux biais d'excès de confiance et
d'optimisme si :
- Il est persuadé d'être né sous une bonne
étoile
- Il a constaté qu'il réussisse mieux quand il
écoute ses intuitions plutôt que les conseils des autres
- Il suit ses propres règles en Bourse, des
règles non écrites qu'il aurait du mal à justifier
- Il gère lui-même son portefeuille et il ne le
viendrait pas à l'idée de le faire gérer par quelqu'un
d'autre
- Il relativise les opinions contraires quand il a
décidé d'investir sur un titre
- Il achète et vend très fréquemment
- Il est sûr d'avoir fait mieux que le marché ces
derniers temps mais il ne connaît avec exactitude ni ses performances ni
celles du marché
- Il n'a qu'une seule source d'information, qu'il suit sans
sourciller
Selon cet auteur l'investisseur qui présente les
deux caractéristiques suivantes est fort probable sujet au biais
optimiste :
- Il ne prend pas assez de temps pour analyser les actions. Il
fait surtout confiance à sa « bonne étoile »
pour engendrer des plus-values
- Il préfère se fier à ses intuitions qu'aux
recommandations d'analystes chevronnés.
A la demande du site Internet américain de
finance morningstar.com, les professeurs BENARTZI, KAHNEMAN et THALER (1999)
ont confectionné un questionnaire qui permet de détecter le biais
d'optimisme chez les investisseurs. A la question « Quand vous
réfléchissez à des éléments financiers,
passez-vous plus de temps à penser au gain potentiel ou à la
baisse potentielle ? ».
Les auteurs proposaient cinq réponses possibles.
- Beaucoup plus de temps à réfléchir au
gain potentiel
- Plutôt plus de temps au gain potentiel
- A peu près autant aux deux
- Plutôt plus de temps à la perte potentielle
- Beaucoup plus de temps à la perte potentielle
Les deux premières réponses sont symptomatiques du
biais d'optimisme
II.2. Les remèdes de
la confiance excessive :
MANGOT (2004) a trouvé que l'investisseur peut
largement corriger ce biais :
- En auditant ses performances et en les comparant à
celles du marché, de manière à mesurer combien cela lui
coûte de continuer à gérer lui-même
- En conservant à l'esprit que ce sont les investisseurs
qui gardent longtemps leurs titres qui affichent les meilleures performances
- En relativisant ses succès à la lumière
des performances du marché (quand un marché prend 30% en un an,
tout le monde accumule les plus-values)
- En tenant une comptabilité rigoureuse de ses
réussites et de ses échecs
- En passant ses opérations en Bourse seulement
après avoir confronté ses raisonnements à la critique d'un
autre investisseur. Il pourra pointer le doigt sur ses oublis et ses raccourcis
intellectuels
- En multipliant ses sources d'information (analystes, brokers,
journaux financiers...)
CONCLUSION
Les travaux récents de la finance
comportementale, particulièrement la théorie des perspectives,
montrent des violations de la théorie de l'utilité
espérée qui peuvent se relever intéressantes dans la
mesure où elles nous permettent de mieux comprendre les
préférences des investisseurs et par conséquent les
anomalies financières qui en découlent.
les investisseurs, lorsqu'ils sont confrontés
à un choix sous l'incertitude et le risque, exhibent des effets de
disposition ; c'est-à-dire qu'ils gardent les titres perdants et
vendent les titres gagnants.
L'aversion aux pertes est définit donc comme
étant la tendance des individus à ressentir le mal de la perte
plus durement que la satisfaction du gain.
Les principales caractéristiques de l'aversion
aux pertes est que l'investisseur peut conserver des losers quasi
indéfiniment en portefeuille et aussi il pense que la meilleure
façon de gagner en Bourse est de ne jamais perdre d'argent sur aucun
titre.
Ce comportement peut être corrigé
principalement en n'oubliant jamais qu'il y a un coût
d'opportunité à conserver des titres perdants (losers) en
portefeuille ; et aussi en gardant en esprit que l'objectif est de
réaliser la meilleure performance globale et pas de ne perdre d'argent
sur aucune action.
Une littérature substantielle de la psychologie
cognitive établit que les individus sont généralement trop
confiants et spécifiquement ils le sont quant à la
précision de leurs connaissances.
D'après SHILLER (2000) « les individus
pensent savoir plus qu'ils ne sachent vraiment »
En bourse, l'excès de confiance fait que les
investisseurs sont persuadés de bien comprendre le marché et
d'être capable d'anticiper ses fluctuations de cours terme (MANGOT
(2004)).
L'un des plus majeures conséquences de la
confiance excessive est l'excès d'échange.
Ainsi, GERVAIS et ODEAN (1997) et ODEAN (1998b) affirment que
des rendements élevés rendent les investisseurs très
confiants et par conséquent ces derniers vont augmenter leur volume de
transactions.
Les principaux caractéristiques de la confiance
excessive est que l'investisseur gère lui-même son portefeuille
puisqu'il préfère se fier à ses intuitions qu'aux
recommandations des analystes. Et il ne prend pas assez de temps pour analyser
les actions.
L'investisseur peut corriger ce comportement en
confrontant ses raisonnements à la critique d'un autre investisseur et
aussi en tenant une comptabilité rigoureuse de ses réussites et
de ses échecs.
Chapitre 3:
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