TROISIEME PARTIE : LES GEOGRAPHES A L'ERE DU
« TOUT NUMERIQUE »
«Des récits
marchent devant les pratiques sociales,
Pour leur
ouvrir un champ»
Michel
DE CERTEAU
INTRODUCTION
Par le biais de l'ordinateur et d'Internet, l'information
géographique est désormais accessible à tous sans aucune
limite. Les professions qui l'utilisent sont multiples, leurs
problématiques et leurs objectifs très variés. Les
systèmes d'information géographiques, apparus dans les
années 80, se répandent largement dans les domaines ayant un
rapport direct avec l'information géographique. Pour essayer d'y voir
clair, il faudra redéfinir ces nouveaux outils en insistant davantage
sur leurs capacités réelles. Mais quelle est la place du
géographe dans la connaissance et l'utilisation de ces nombreux outils ?
Est-il préparé aux nouvelles orientations qui émergent
actuellement ? Quel usage réel en fait- il ?
Dans un article [un extrait de sa thèse] paru dans la
revue L'Espace géographique, ROCHE S. s'est fixé pour
objectif de mieux comprendre les processus d'appropriation sociale des
technologies de l'information géographique par les acteurs de
l'aménagement et leurs implications sociales et spatiales, mais aussi le
rôle du contexte culturel, organisationnel et spatial dans ces
phénomènes d'appropriation. La méthodologie de recherche
s'organise autour de quatre études de cas exploratoires comparatives sur
deux villes françaises (Nantes et Mayenne) et deux villes
québécoises (Québec et Charny) Il a noté
l'existence de relations très étroites entre les perceptions des
différents acteurs et leur niveau d'utilisation de ces outils. Les SIG
sont ainsi de véritables constructions sociales, reflet de pratiques
spatiales ancrées dans leur contexte de développement.
Pour notre part, une enquête et des entretiens
auprès de chercheurs, nous ont permis de caractériser les traits
saillants de l'usage des supports numériques par la communauté
des géographes.
I- les géographes et les NTIC : entre
usage et appropriation
I-1 Définition des concepts
L'appropriation est, selon JOUET (1993), un procès,
l'acte de se constituer un « soi ». Cette définition
renvoie à des analyses sociales privilégiant une observation sur
le long terme. Et, il poursuit : « le statut de la technologie
comme construit social se manifeste dès sa conception en laboratoire. Il
n'existe pas d'extériorité de la technique par rapport à
la société ; l'usage est prévu,
«conçu» et incorporé dans la construction même de
l'objet ». Cette exigence épistémologique ne saurait
être oubliée dans l'analyse du processus d'appropriation.
L'appropriation sociale d'une technique est un phénomène complexe
dont l'analyse requiert de dépasser l'étude de l'application au
profit d'une observation approfondie de l'usage. Il s'agit, selon CHAMBA et
JOUET (1996), de sortir d'une approche infrastructurelle des usages strictement
centrée sur l'emploi de l'outil technologique, pour resituer les usages
des machines à communiquer dans l'ensemble des pratiques sociales
où ils sont appréhender dans une dynamique en termes d'actions
qui leur restitue leur signification sociale.
Quant à l'usage, sa définition renvoie, selon
Yves LE COADIC (1997), à des comportements aussi variés que
nombreux dans le temps et dans l'espace.
«L'usage est une activité sociale, l'art de
faire, la manière de faire. C'est une activité que
l'ancienneté ou la fréquence rend normale, courante dans une
société donnée mais elle n'a pas force de loi, à la
différence des moeurs des rites, « des us et des
coutumes », habitude de vie auquel la plupart des membres d'un groupe
social se conforme» (LE COADIC, 1997).
Ainsi «user de l'information c'est faire avec la
matière information pour obtenir un effet qui satisfasse un besoin
informationnel, l'information subsistant cette usage. Et, faire usage
d'un produit d'information, c'est employer cet objet pour obtenir
également un effet qui satisfasse un besoin d'information.»
(LE COADIC, 1994)
Le Coadic distingue « usage » de
« utilisation » qui est synonyme d'usage pratique ;
autrement dit l'action, la manière de faire servir une chose à
une fin précise.
Nous ne prétendons pas pouvoir, à l'heure
actuelle, être en mesure de formuler des résultats sur
l'appropriation des NTIC par les chercheurs géographes, nous nous
limiterons à une analyse des comportements observés et celle des
données recueillies sur le terrain.
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