UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
MASTER RECHERCHE SCIENCE POLITIQUE
SPECIALITE : GOUVERNANCE EN
EUROPE DU SUD
MEMOIRE DE MASTER :
LE PROJET DE LOI SUR LES PARTIS POLITIQUES
AU MAROC
Réalisé par
BENTALEB HASSAN,
Sous la direction de Monsieur le professeur
PAUL ALLIES.
Montpellier
September-2005
Remerciements :
Un grand merci à mon Directeur de
mémoire, Monsieur Paul Allies, notamment pour avoir fait preuve de
patience et de compréhension à mon égard.
Je tiens, par ailleurs, à remercier, M.
Salah Berrho, professeur de science politique à l'université de
Marrakech, qui m'a inspiré l'idée de ce mémoire, M.
Mohamed Kmo, le directeur du parti UC, les journalistes et les personnels
d'archives de journaux al-Ahdat al-Magribia, le Matin, Assahifa, el-Yassar
el-Mohad, le Journal Hédomadaire, al-Ayme, el-Itihad el-Ichtraki, ainsi
que toutes les personnes rencontrées pour m'avoir consacré une
partie de leurs temps et fourni toutes les informations indispensables à
la bonne réalisation de ce travail. Je suis tout particulièrement
reconnaissant envers Monsieur Ibrahim Hasnji pour avoir bien voulu relire les
versions préliminaires, et pour ses commentaires très utiles.
« Il faut que, par la disposition des choses,
le pouvoir arrête le pouvoir »
CHARLES DE MONTESQUIEU
De l'esprit des lois, 1748
Introduction :
............................................................6
I - le projet de loi sur les partis
politiques: la genèse et le contenu........14
A- La genèse et le
contexte : .................................................
15
1- une défaillance législative concernant les
partis politiques............. 18
2- les élections de 2002 et le gouvernement
Jettou. ......................... 20
3- les attentats du 16 mai.
....................................................... 23
4-le projet américain de
« Grand Moyen-Orient »........................... 24
B- Le nouveau projet de loi sur les
partis politiques :..................... 26
1- Le projet de loi : étude du
texte............................................26
1-1 - de la constitution des partis
politiques............................ 30
1-2 - de l'organisation et l'administration des partis
politiques.......33
1-3 - le rôle du ministère de
l'Intérieur...................................36
2- La réception du
texte.........................................................39
1-1 - la réaction des partis
politiques.................................... 39
1-2 - la question occulte : la reforme
constitutionnelle.................43
1-2-1 la réforme constitutionnelle : hier et
aujourd'hui.................43
1-2-2 ce qu'on reproche à la
constitution............................... 45
Conclusion :...................................................................50
II - Le financement des partis
politiques :.....................................51
A- Le soutien de l'Etat aux partis
politiques :..................................52
1- les subventions aux groupes
parlementaires...........................52
2- La participation de l'Etat dans les
campagnes.........................53
B- Ressources propres aux partis
politiques : .................................55
1- les
cotisations............................................................ 55
2- « l'impôt
partisan ».......................................................
56
C- la problématique du
financement au sein des partis
politiques :......59
1- la question de
transparence..............................................59
2- Le financement secret des partis
politiques...........................61
3- Le financement étranger des partis
politiques........................63
4- Les fonds privés et les partis
politiques................................64
D- Le nouveau projet et la question
financière :..............................67
1- l'exemple des législations des pays
démocratiques................67
2- Les scandales dans les pays ayant un financement
public..... 70
3- L'exemple du
Maroc...................................................72
Conclusion :................................................................. 74
Conclusion
générale :
...............................................................75
Annexe :...............................................................................77
Annexe 1 :...................................................................78
Annexe2 :....................................................................82
Annexe3 :....................................................................88
Bibliographie :.....................................................................
98
« Je suis aimé par mon peuple(...). Si
chaque fois qu'un parti tient son congrès,je me présentais dans
la salle en disant : je me propose comme secrétaire ou
président, je serai élu par ovation, à l'unanimité.
»Hassan II. La Mémoire d'un roi.
Tout travail de recherche passe par un effort
préalable d'identification de l'objet d'étude, mais aussi par la
proposition d'un concept permettant de saisir la réalité
observée. Dans le cadre de notre recherche, il convient de
s'arrêter sur les connotations du mot « parti
politique » qui porte parfois des significations fortement
contradictoires.
Dans l'Occident, la phénomène
partisane comme groupement plus ou moins organisé de personnes en vue de
la conquête ou la conservation du pouvoir politique est née assez
récemment, en même temps que le phénomène
électoral (début XIX s), et se généralise avec
l'accession des masses à la majorité politique (fin XIX -
début XX s). Destinée à gérer la population
électorale, elle s'est imposé comme agent d'intégration et
agent de conflit, c'est-à-dire, l'intégration d'une
collectivité désormais marquée par des solidarités
politiques, liée par une commune citoyenneté, mais aussi par des
croyances partagées. Conflit au sein d'une société
divisée par des clivages et par le jeu de la libre concurrence pour le
pouvoir1(*).
Au pays du Sud, le phénomène partisan
a émergée dans un autre contexte, celui de colonisation et la
lutte pour l'indépendance, et du coup, le parti politique est
perçu, en premier lieu comme élément de revendication de
l'indépendance et de cristallisation des comportements nationaliste, au
lieu de concourir pour le pouvoir. Après l'indépendance, la
situation ne va guère changer, car si l'histoire occidentale a
mêlé parti et conquête du pouvoir en synchronisant la
formation des partis politiques et celle de la mobilisation électorale,
la logique partisane, dans les pays du sud va répondre à
d'autres considérations stratégiques, porteuses d'autres
fonctions2(*).
Dans ce cas du figure, le Maroc n'a pas fait
l'exception. Il va connaître son premier parti en 1934, sous le
protectorat français. Et après l'indépendance, il va opter
pour le multipartisme et l'interdiction du parti unique. Les partis ont pour
rôle, et selon l'article 3 de la constitution, le concoure à
l'organisation et à la représentation des citoyens. Cela veut
dire que le parti marocain est une organisation qui n'a pour but non pas la
conquête du pouvoir par l'élection, mais est uniquement une
machine de propagande et d'agitation. En effet, la monarchie Alaouite est la
clé de voûte de système politique marocain. Son titulaire
dispose, de par la lettre et la pratique constitutionnelle, de pouvoirs
étendus. De ce fait, les partis toutes tendances confondues, doivent,
s'ils veulent accéder au pouvoir, maintenir avant tout leur confiance en
la personne du roi, et fournir les compétences nécessaires au
fonctionnement de l'appareil d'Etat ; et d'autre part, servir de soupape
de sécurité aux appétits et aux mécontentements.
Ainsi, le parti marocain constitue une structure nécessaire mais non
indispensable à l'expression de la diversité du peuple marocain
dans le respect de son unité, incarnée par le roi, qui exprime
l'unanimité. Pour comprendre comment on est arrivé à
cette situation ? , Un retour en arrière s'impose.
Dés les années trente, le Maroc va
connaître la création de son premier parti politique : Kotlat
el Amal el watani (comite d'action nationale. Il s'agit d'un regroupement des
nationalistes qui veulent l'indépendance du pays. Ce parti va laisse
place au Parti Istiqlal et PDI (Parti Démocratique
d'Indépendance) de Hassan el Ouazzani, nationaliste modéré
- « beaucoup trop », selon l'Istiqlal.
A l'Indépendance, après
l'écrasement de (PDI), le PI fait pratiquement le seul maître du
jeu, à cote du Palais. Pourtant, le PI était profondément
divisé et son influence ne s'exerçait-elle pas de manière
uniforme sur l'ensemble du pays. Sa participation au pouvoir était
susceptible de lui permettre d'unifier ses ranges et d'utiliser le prestige du
roi pour étendre son autorité à l'ensemble du pays. Mais,
Mohammed v est parvenu progressivement à le neutraliser et à le
pousser à rompre sous l'effet de son poids. D'une part, en l'associant
au pouvoir sans le lui abandonner et, d'autre part, en lui promettant la
monarchie constitutionnelle sans la réaliser3(*).
Entre temps, le prince Moulay Hassan, qui
supportait déjà assez mal les Istiqlalient, leur prestige, leur
influence auprès de feu Mohammed V, et fort soucieux d'une monarchie
quasi hégémonique, va jouer « le
pluralisme », et créa un nouveau parti : le MP (mouvement
populaire), confié à deux hommes proches du Palais : le
tandem Abdelkrim Khatib- Mahjoubi Aherdane. Et en même temps, Moulay
Hassan a encourage la fronde au sein de l'Istiqlal, ce qui fini par paie par
une scission du parti avec la constitution de l'Union national des Forces
populaires (UNFP), qui va rapidement menacer à son tour, le pouvoir de
la monarchie. John Waterbury a bien résumé cette
période : « En 1956, l'Istiqlal était une force
politique considérable, la plus considérable dont Mohammed V
devait tenir compte. Le parti rassemblait incontestablement tous les
nationalistes marocains. Un affrontement était inévitable entre
le Palais et L'Istiqlal dans la mesure où le premier n'avait pas
l'intention de restreindre ses pouvoirs - ni même de les définir-
et le deuxième, tout en n'ayant pas de malveillances particulière
envers le roi, voulait cependant limiter l'étendu de ses
prérogatives. La monarchie resta sur la défensive pendant
trois ans, observant prudemment la situation. Conservant soigneusement le
contrôle de l'armée, de la police et de l'intérieur, elle
poussait doucement l'Istiqlal à rompre sous l'effet de son poids.
L'éclatement du parti ouvrit la voie à l'offensive royale et
à la subordination progressive de toute l'activité
gouvernementale au Palais. Les clans de l'élite, infortunés et
impuissants, ont été les témoins de cette manoeuvre de lui
opposer une résistance concertée. L'euphorie et les grands
espoirs des premières années de l'indépendance se sont
dissipés et les élites en sont venues à accepter le fait
de leur « corruptibilité ». Cynisme et
désillusion les poussent à rechercher les avantages du
régime et les tactiques de division du Palais en sont grandement
facilitées. »4(*).
La création de l'UNFP s'est faite en deux
temps : C'est la création au tout début de l'année
1959, sur l'initiative d'Aballah Ibrahim, Premier ministre depuis le 23
décembre1958, la Confédération nationale du parti de
l'Istiqlal, avant que la rupture soit consommée avec le PI, et la
naissance officielle de l'UNFP. Une fois représenté au
gouvernement comme un groupement politique, l'UNFP dénoncerait la
monopolisation du pouvoir par le trône5(*). A défaut d'empêcher l'arrestation de
dirigeants de l'UNFP poursuivis pour offenses au roi et pour complot contre la
vie du prince héritier Moulay Hassan, la détermination du
gouvernement bloquait le système. Mais le leadership royal était
désormais solidement assuré par l'avènement du
pluripartisme.
En mai 1960, le roi décidait de dissoudre
le gouvernement et d'assumer lui-même les fonctions de président
du Conseil, tout en prenant l'engagement solennel de promulguer une
Constitution avant la fin 1962. La promesse devait être tenue par Hassan
II, monté sur le trône en février 1962, à la mort de
son père. Avec la constitution du 14 décembre 1962, la monarchie
consacrait sa suprématie alors même qu'elle était
réputée devenir « constitutionnelle ».
En 1963, à l'occasion des premières
élections dans l'histoire du pays, Hassan II et son conseillé
Ahmed Réda Guédira imaginent le FDIC (front de défense des
institutions constitutionnelles). Sans être un parti, le front regroupe
le MP, le PDI et les libéraux. Un parti hétéroclite et
brinquebalant qui prétend être un front royaliste dont le
rôle est de contrecarrer le "démocratisme" du mouvement national.
Il participera au gouvernement issu des législatives de 1963. Il en sort
à égalité avec l'Istiqlal et l'UNFP, fournit ministres et
députés, avant de retourner au néant, sa mission
étant terminée. Hassan II peut d'autant mieux gouverner que les
complots de 1963, dont l'élaboration n'a jamais été
clairement établie, lui permettent de condamner la plupart des
dirigeants de l'UNFP à la prison ou à l'exil.
En 1965, Hassan II décrète
l'état d'exception, le Parlement est dissout, le roi gouverne à
lui seul. En ce milieu des années 1960, des milliers de militants et de
jeunes, dont des dizaines de personnalités de gauche, ont
déjà été soumis à la torture et connu les
geôles du régime. Les morts se comptent par milliers. Figure de
proue de l'opposition, Ben Barka a été enlevé et
assassiné en France. Privés de leurs éléments les
plus courageux ou les plus dynamiques, éliminés,
emprisonnés ou exilés, les partis d'oppositions font le dos rond
et sont contraints d'entrer dans un débat inégal avec le pouvoir
puisque c'est lui qui en fixe les règles.
Jusqu'en 1971, date du premier putsch militaire
contre Hassan II, celui-ci cultive encore des rapports avec ce qui reste de la
classe politique. A l'UNFP, sa source privilégiée reste
Bouabid, avec qui les contacts se font directement, ou en passant par Mohamed
Aouad, son ami et conseillé du roi. A l'Istiqlal, Hassan II traite avec
M'hamed Boucetta (sa famille a une longue tradition de service du Makhzen) . Au
long de cette période, un seul parti verra le jour, c'est le MPDC
(mouvement populaire démocratique constitutionnelle) de Abdelkrim Khatib
en 1965 après son coup de gueule suite à l'état
d'exception décrété par Hassan II. Il s'agit d'une
coquille vide maintenue sous contrôle, dont l'usage sera fait, des
décennies plus tard, pour la création du PJD (parti de Justice et
Développement). Aherdane prendra les rênes du Mouvement. Ce
dernier connaîtra le même sort puisque le Mouvement Populaire sera
scindé en deux partis. Le deuxième putsch de 1972 installe le
pays dans une paranoïa sans précédent. Hassan II coupe les
ponts avec Bouabid, soupçonné de connivence avec les putschistes.
Bouabid lance une première Koutla avec l'Istiqlal pour essayer de faire
face au Palais.
En 1973, le complot avorté de Moulay
Bouazza imputé à l'UNFP, met davantage la pression sur Bouabid,
obligé de se délester de l'aile blanquiste incarné par le
Fqih Basri. Une option qui allait se concrétiser, après une
validation préalable auprès du Palais, par la création de
l'USFP(l'union socialiste des forces populaires), qui pille son ancêtre
l'UNFP et le réduit à un parti fantôme. En
parallèle, Hassan II entreprend une démarche similaire
auprès du PLS, l'ancien parti communiste de Ali Yata, prié de
renier son aile gauchiste aux rêves révolutionnaires. C'est ainsi
que Le PPS( parti de progrès et socialisme) est né en 1974 et,
avec lui, comme le dit ce militant du parti, « une nouvelle
histoire : celle du communisme monarchiste ».
Ce définitif retour à la raison des
socialistes, communistes et nationalistes ressemble bien à une
capitulation. Hassan II en profite pour obtenir l'union national, sur la
question Sahara. Ainsi, la participation de ces partis à la Chambre des
Représentants en 1977 et 1984 sanctionne l'issue d'un processus de
marginalisation et de satellisation. Une autre fois, on ne trouve mieux que
Waterbury pour résume bien la situation : «le Roi, ne
peut se permettre de laisser une faction devenir trop puissante mais, d'une
autre cote, il ne souhaite la disparition d'aucune d'entre elles ; ce
serait perdre quelques pions à manipuler et se priver
d'éléments bien commodes pour donner du relief. De leur cote, les
factions en sont venues à accepter le jeu, selon les règles du
Roi. Elles se bornent à des « revendications
positives » qui leur procurent les avantages marginaux d'un
régime qu'aucune d'enter elles ne rejette complètement (...). La
stagnation est le prix de ce jeu de bascule ; aucune faction isolée
ne peut prendre à elle seule le risque d'une initiative hardie et elles
sont incapables, ensemble, d'action concertée. Le rôle que le roi
s'est choisi n'est pas de diriger mais d'orchestrer les évolutions
du « Ballet national des
thuriféraires »6(*).
Dès 1976, c'est le retour à la
normale. Le roi décide d'organiser des élections. Les
législatives, tenues en 1977, crée la surprise : le premier
parti (143 siège sur 260) n'est ni l'Istiqlal, ni l'USFP, ni même
le fidèle MP. C'est plutôt ces SAP, candidats sans appartenance
qui gagnent aussitôt le nom de « Ahrar ». Hassan II,
qui désire créer une nouvelle classe politique, décide de
transformer les SAP en parti qu'il confie à son Premier ministre Ahmed
Osman, et ainsi le RNI (Rassemblement national des indépendants) est
né. Avec ses 143 élus, le RNI ressemble à une baudruche
dont le ventre menace d'exploser à tout moment. Lorsque l'équipe
nationale de foot perd 5 à 1 face à l'Algérie, en
décembre 1979, les élus RNI font bloc contre le budget du
ministère de la jeunesse et des sports. Le Palais réalise que
cette majorité devient menaçante.
En 1981, le RNI subit ainsi une scission. Le PND
(parti national de démocratie) voit le jour. Entre-temps, Hassan II
entreprend, en 1983, la création de l'UC (l'union constitutionnelle).
Comme pour le RNI, Hassan II, pour concrétiser son projet fait appel
à son Premier ministre du moment, Maati Bouabid. Et comme le RNI ou le
FDIC, hier, l'UC devient à son tour le parti numéro un du pays.
Avec l'UC, le RNI, et accessoirement le PND, sans
oublier le MP, Hassan II dispose de suffisamment de
possibilités « démocratiques » pour
tourner le dos à l'USFP, à l'Istiqlal, au PPS et à l'OADP
(organisation d'action démocratique et populaire). Le roi est plus que
jamais en position de force. C'est désormais Driss Basri(ex-ministre de
l'intérieur), le nouvel homme à tout faire du Palais, qui garde
les contacts avec les « opposants », qu'ils soient
socialistes ou istiqlaliens. Basri voit chez lui les uns et les autres, pendant
que le roi leur ferme sa porte.
A partir de 1992, Hassan II entreprend un processus
constitutionnel qui avait pour but la montée au pouvoir de l'opposition
historique. En 1998, une année avant sa mort, Hassan II installe le
gouvernement d'alternance sous la conduite de Abderrahmane Youssoufi, qu'a
depuis accepté tous les compromis. Une attitude qui lui vaudra, à
lui et à son parti, un discrédit populaire.
Pour punir le seul parti (l'OADP) qui, sans
rejeter la Constitution, ne la cautionnait pas pour autant, Driss Basri
encourage passivement une scission interne qui allait aboutir à la
création d'un nouveau parti : le PSD (le parti social
démocrate).
En
parallèle, le vizir voit d'un bon oeil la fronde menée au sein du
PPS par Thami Khyari et lui offre la possibilité, à son tour, de
créer un parti : le FFD.
A droit de l'échiquier politique, et
à l'ombre de l'Alternance, Hassan II a toléré
l'émergence de nouveaux partis. Le PJD, fruit d'une fusion entre les
islamistes et le MPDC, et le MDS (mouvement démocratique et sociale) de
Mahmoud Archane. Pour le RNI, il va continuer de jouer le rôle pour
lequel il a été crée, basculant tantôt à
droit, tantôt à gauche, défaisant facilement les
coalitions, assumant ainsi le rôle du « centre » tel
qu'il imagine par Hassan II. Deux partis sont restés sur le carreau dans
cette nouvelle configuration royale : le PND et l'UC. Le premier souffre
toujours de l'image brouillée qu'il traîne depuis l'époque
Dlimi. Le deuxième est perdu depuis la disparition de Maati Bouabid et
Abdellatif Semlali7(*).
Avec l'arrive de Mohamed VI au pouvoir, et le
limogeage de Driss Basri, les choses devenu plus complexe, car la chute de
l'ancien ministre et ses hommes qu'il avait placés aux postes de
responsabilité va entraîner l'ambiguïté de
frontière entre les différents protagonistes du scène
partisane. Avec l'Alternance, les partis du « mouvement
national » (c'est à dire issu de l'Istiqlal historique), aux
premiers rangs desquels l'USFP et l'Istiqlal, qui constituent l'armature des
gouvernements d'alternance depuis 1998, on va assister à un remplacement
du Makhzen historique. Le parti de Mehdi Ben Barka a battu en retraite
et abandonné les projets de réformes importantes. Les dirigeants
de l'USFP, empâtés par six années de gouvernance et de
proximité avec le pouvoir, ont manifestement été
cooptés par le Makhzen. C'est un néo-Makhzen qui en train de
prendre la place du Makhzen défunt8(*).
Cette situation sans équivoque, va
discrédit la vie politique et délaisser les partis politique quel
que soit leur tendance politique, c'est ce que va démontre le sondage
publier par l'association Maroc 2010 à la veille des
échéances électorales du 2002, sur les
« perceptions des citoyens envers la vie politique du
pays ». Le verdict est sans appelle : 3.7% et 8.7% se
déclarent respectivement militants ou sympathisants d'un parti
politique. 87.6% se situent en dehors des mouvances partisanes actuelles. 51.3%
expliquent leur non-engagement partisan en déclarant que «
la politique ne leur dit rien »9(*).
Face à cette situation désastreuse,
le débat est lance. Toute la classe politique est unanime sur l'urgence
d'une réhabilitation et d'une reforme du champ partisan. La
première tentative était un projet de loi, en 2000, qui va
être enterré, au profit de la préparation des
élections 2002. Et tout le monde vécut heureux jusqu'au 16 mai
2003, où le Maroc se réveilla à la nécessité
d'assainir, pour de bon, le champ politique10(*).
Entre temps, c'est le Roi qui va prendre le relaie,
on exprimant dans son discours, à l'ouverture de la troisième
année législative de l'actuelle législature,
d'élabore un texte de loi sur les partis politiques. Il estime que
l'adoption de ce projet de loi pourrait réhabiliter et donner plus de
crédibilité à l'action politique, démocratiser et
assurer la transparence dans la gestion des partis politiques en vue de leur
permettre de contribuer activement à la réussite du processus
démocratique et de mettre fin à certaines pratiques qui nuisent
à l'action politique et la vident de sa noble finalité. La classe
politique dans sa majorité approuve la volonté royale, et dit
prête à jouer le jeu de crédibilité et de
transparence. Et comme a été prévu, un avant projet de loi
relatif aux partis politiques a été soumis aux formations
politiques.
Cet avant-projet est constitué de 6 sections
et 53 articles, concernant la constitution, la gestion et le financement des
partis politiques. Dès le premier article, le projet de loi a
tranché au sujet de l'idéologie partisane. Ainsi l'interdiction
est claire de toute création de parti politique qui se ferait sur la
base d'une idéologie religieuse, linguistique, ethnique ou
régionale. Tombe également sous la coupe de la loi toute partie
dont la création vise l'atteinte à la religion musulmane,
à l'institution monarchique de l'Etat et à
l'intégrité territoriale du Royaume.
Le gouvernement pourrait également
intervenir, par décret, pour la dissolution de tout parti politique qui
inciterait à la révolte armée dans la rue ou qui viole
l'une des dispositions déjà citées de la loi en terme de
statut idéologique. La loi sur les partis prévoit des mesures
répressives et moult sanctions pour tout contrevenant à ses
dispositions.
En terme d'organisation et de gestion interne des
partis politiques, le projet de loi impose le principe d'élection pour
la désignation de toutes les instances (locales, régionales ou
nationales) des partis politiques.
En terme de statuts purs, le projet de loi exige de
tout parti, pour être reconnu en tant que tel, de disposer d'un minimum
de 1000 membres fondateurs au lieu de 3000 initialement suggérés.
Les partis politiques doivent par ailleurs être représenté
au minimum au niveau de la moitié des régions que compte le
territoire (16 au total) et de disposer dans chaque région où il
est représenté de 5 % sur le total des membres fondateurs.
La loi sur les partis interdit pour un militant
d'appartenir à deux formations à la fois. Un
phénomène très courant lors des consultations
électorales où un partisan va demander des cautions à
plusieurs partis en même temps pour s'assurer un maximum de chance
d'élection.
Le projet de loi sur les partis politiques, dans sa
mouture finale, souligne la nécessité pour les partis politiques
de fixer un quota de participation pour les femmes et les jeunes. Le principe
du quota est ainsi acquis même si aucun pourcentage n'est fixé et
qu'aucune mesure répressive n'est prévue en cas de violation par
les partis politiques de cette disposition. Cela ouvre, néanmoins la
porte à d'autres initiatives, notamment dans le cadre de la prochaine
loi électorale.
Le projet de loi impose ainsi aux formations
politiques la tenue annuelle de leur comptabilité. Le texte
précise que les fonds des formations politiques proviennent des droits
d'adhésion des militants, les dons et subventions ainsi que les revenus
liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales
en plus de l'aide de l'Etat.
Cette dernier participe, par ailleurs, au
financement des campagnes électorales des partis politiques et leur
accorde une aide annuelle pour aider à leur gestion. Le montant de la
subvention devrait être fixé en proportion avec le poids de chaque
parti au sein des Deux chambres du Parlement.
La subvention étatique est, cependant,
reliée à la tenue des assises nationales des partis politiques.
Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son
congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide
annuelle de l'Etat.
Les partis politiques sont, par ailleurs, interdites de
recevoir des aides financières - directes ou indirectes - des
collectivités locales, des institutions publiques et des
sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital.
Les partis politiques sont également
interdits de recevoir des subventions ou aides de quelque forme que ce soit
provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une
loi étrangère ou d'une personne ne portant pas la
nationalité marocaine.
Les partis, pour l'instant, commencent à
peine à constituer les commissions chargées d'examiner le texte.
Mais on relève déjà quelques réticences
générales, et communes. Celle qui revient le plus souvent est la
suivante : Les conditions qu'on pose à la création des
partis politiques juge très difficile, voire impossibles à
respecter sans tricher. S'il est vrai que la scène politique marocaine
est pléthorique (26 partis agréés), est-ce une solution
de la figer en l'état, en bloquant l'arrivée de nouvelles
formations ? Ce serait considérer que les formations existantes sont
suffisamment organisées, et crédibles, pour représenter
efficacement les Marocains. Autre reproche général à cet
avant-projet de loi : la création d'un parti y devient soumise à
autorisation du ministère de l'Intérieur. À la moindre
pièce manquante au dossier de constitution (vu le nombre de documents
demandés, il est quasiment impossible qu'un dossier soit parfait), le
ministère rejette la demande. Il s'agit, en somme, de reconduire le
ministère de l'Intérieur en tant que force régalienne de
contrôle.
C'est encore plus évident, quand on voit
que le ministère a aussi le droit de dissoudre un parti. Sans parler de
ses modalités, le simple fait que cette possibilité lui soit
offerte suscite une levée de boucliers générale. Et pose
une question de fond : le ministère de l'Intérieur dispose- t- il
de suffisamment de légitimité pour se poser en arbitre neutre de
la vie politique ? Assurément non, vu son long passif de manipulation et
de trucages électoraux.
Si tout ce qui se rapporte, dans ce texte, au
ministère de l'Intérieur suscite déjà l'opposition,
la section concernant l'organisation financière des partis ne suscite,
elle, que des applaudissements. Non sans une certaine critique. Appliquer la
transparence financière la plus stricte (c'est ce que prévoient,
en gros, les articles 29 à 41) n'ira pas sans de gros
déchirements internes dans quasiment toutes les formations.
Prochainement, tous les partis devront avoir rendu leur copie
au ministère de l'Intérieur. Un des enjeux de ce premier round de
consultations est, pour Moustafa Sahel et ses équipes, de recevoir des
remarques et contre-propositions précises, plutôt que des avis
généraux.
Mais si aujourd'hui, la monarchie et les partis
politique sont tous d'accorde sur la nécessite du la reforme, sont-t-ils
tous d'accorde sur la conation du reforme ? En d'autre terme, les
intérêts de la monarchie à travers cette loi, correspondent
elles à celles des partis politiques ? Quelle forme va prendre-t-il
ce reforme ? Quel rapport de force va traduit il ? Va -t-il exprime
le compromis des intérêts ou leurs conflits ? Et avant tous
cela, pourquoi ce débat est lance maintenant ? Dans quel contexte
elle surgit ? Et pourquoi cet acharnement contre les partis politiques
comme seules responsables de la crise politique ? Ce reforme va-il
entraîne un reforme constitutionnel ? Suffit il d'une disposition
juridique pour que la vie politique au Maroc trouve sa vitalité ?
C'est à toutes ces questions qu'on va tenter d'apporter une
réponse à travers cette mémoire.
Notre hypothèse du départ, sera le
pourquoi et le comment de ce nouveau texte de loi, c'est-à-dire, nous va
tenter de répondre à trois questions : dans quel processus
historique, politique et social s'inscrite ce projet de loi ? Quel sont
les intérêts et les luttes en contradiction qui le
traversent ? Et enfin, quelle traduction va prendre ?
Nous pensons que un travail analytique concernant
le texte de loi, en premier temps, peut nous fournirons des
éléments de réponse, ainsi que une exploration des
documents officiels (discours du Roi, travaux du concile du gouvernement,
travaux des parlementaires).
Cela dit, il convient maintenant d'exposer notre
plan. Celui-ci comportera deux parties. La première
s'intitulera « Le projet de loi sur les partis politiques: la
genèse et le contenu ». Dans un chapitre premier, nous
présenterons les conditions d'émergence de nouveau projet de loi.
Dans un chapitre second, nous analyserons le contenu de texte à travers
trois points : la constitution des partis politiques, leur organisation,
et le rôle de ministère de l'Intérieur, avant de
s'arrêter sur la relation enter ce texte et la réforme de la
constitution. Notre deuxième partie s'intitulera « Le
financement des partis politiques ». Nous consacrerons un premier
chapitre aux grandes questions qui traversent le financement des partis
politiques. Le second chapitre traitera le cas de Maroc et certains pays
démocratiques face à ces questions, à travers leurs
législations.
Reste à savoir quels intérêts
peuvent avoir ce travail ? , Je pense, qu'au-delà d'un
intérêt personnel, ce travail pose la question de changement
politique par le haut, ainsi que le rôle des partis politique dans la
réussite ou l'échec du processus démocratique dans les
pays sous -développes.
Premiere partie : la genèse et le contexte
|
Dans son discours d'ouverture de la session
parlementaire, le Roi a appelé à l'étude de la nouvelle
loi sur les partis politiques. Une loi qui est appelée à
réguler un champ politique en pleine effervescence, en pleine
période de remises en cause. Dés lors, Tout le monde planche
depuis plusieurs semaines sur le texte de l'avant-projet de loi sur les partis
politiques. Que raconte ce texte tant attendu ? Comment est-il
perçu et réceptionné ? Quelle substance va-t-il
injecter dans la scène politique nationale ? Mais avant tous cela,
comment ce texte est né et dans quel contexte ?
A- La genèse :
Dès l'an 2000, et sous le règne de
l'Alternance, que l'idée d'élaborer une nouvelle loi sur les
partis politiques a vu le jour. À la base, en avril 2001, le Premier
ministre Abderrahmane Youssoufi demanda à son ministre des Droits de
l'Homme de travailler sur une proposition de loi régissant les partis
politiques. Une commission interministérielle est créée
pour superviser les propositions du département de Mohamed Aujjar. Elle
regroupe des juristes du ministère des Droits de l'Homme, de la
Justice, du ministère de la Communication, des représentants du
ministère chargé des Relations avec le Parlement et des hauts
fonctionnaires du secrétariat général du gouvernement. Le
mot d'ordre d'Abderrahmane Youssoufi est clair : proposer une loi qui
garantit la liberté de création de formations politiques, imposer
la démocratie et exiger une gestion saine du patrimoine des partis
politiques.
Une première mouture est remise six mois
plus tard. L'un des acteurs du projet a décrit cette première
mouture comme étant « un copié collé de la
loi sur les partis au Cambodge, amendée de quelques
spécificités marocaines »1(*). Entre temps, la mouture en
question va passer à la moulinette par le ministère de
Intérieur qui greffe un certain nombre de clauses
particulières : conditionner l'autorisation d'un parti à sa
participation aux consultations électorales et imposer des quotas pour
les moins ambitieux. Les partis existants étaient tenus de participer
aux élections, d'ouvrir leur comptabilité au contrôle et de
tenir leur congrès dans un délai maximal de quatre ans. Les
nouveaux devaient, en outre, réunir un minimum de 1000 membres
fondateurs et de 3000 congressistes accourus de tout le territoire.
La commission ratifie la proposition de loi faite
par le ministère des Droits de l'Homme et la remet au Premier ministre.
Il était prévu que cette loi passe au Conseil des Ministres en
septembre 2001, pour être présentée au Parlement, mais elle
a été reportée, suite à la polémique qui
était née sur la base des propositions du ministère de
l'Intérieur. Le Premier ministre a été déçu,
et le projet va être enterré, au profit de la préparation
des élections 2002.
En octobre 2001, Driss Jettou, le nouveau Premier
ministre à la place de Youssoufi, demanda à son ministre des
droits de l'Homme de ressortir la loi sur les partis politiques, des tiroirs,
et de terminer le travail. Quelque mois plus tard, le ministre des droits de
l'Homme est évincé. C'est le ministère de
l'Intérieur qui va récupérer le projet. C'est Mohamed
Boufous, directeur des collectivités locales, qui est chargé de
remodeler la loi. Les artificiers du ministère de l'Intérieur ont
pour mission de « sécuriser »le champ politique
marocain2(*).
Quelques mois plus tard, le Roi est monté au
créneau et insiste sur la nécessité de la reforme.
D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le Souverain parle de la
reforme. C'est ainsi que dès le 13 octobre 2000, à l'occasion de
l'ouverture de la première session de la quatrième année
législative, le Souverain souligna le lien entre l'impératif de
développement, de démocratisation et de modernisation et le
nécessaire renforcement des partis politiques :
«La réalisation du développement,
la démocratisation et la modernisation nécessitent
l'amélioration et le renforcement des structures d'intermédiation
et d'encadrement politique, que sont les partis politiques, les centrales
syndicales, les associations et les médias, ainsi que
l'élargissement de la participation à tous les niveaux, local,
régional et national.
Les organisations et les formations
fondées sur la démocratie interne, le respect du droit
à la différence, la compétence, la modernité, la
rationalité et l'efficacité, gérées en tant
qu'entités politiques capables de former des élites
compétences, imbues des valeurs de l'efficience économique, de la
solidarité sociale et de la moralisation de la vie publique et capables
de vulgariser une saine éducation politique, de proposer des solutions
et de concevoir des projets sociétaux, sont susceptibles de donner
à la démocratie marocaine une nouvelle impulsion qui
libère les énergies, ravive l'espoir et ouvre les
horizons».
Aussi dans le discours prononcé à
l'occasion de l'ouverture de la première session de la cinquième
année législative, le 12 octobre 2001, le Souverain avait
émis le voeu que le projet de loi régissant les partis politiques
permette une implication des élites nationales dans l'action
politique »: L'esprit patriotique nous dicte d'oeuvrer pour qu'il
y ait un seul gagnant, à savoir la démocratie marocaine,
où toutes les sensibilités politiques nationales puissent trouver
leur place véritable, dans un paysage politique sain. Aussi, et pour
renforcer le rôle des partis politiques dans ce domaine, vous
invitons-nous à accorder un intérêt particulier, au nouveau
projet de loi régissant les partis. Notre voeu, en effet, est qu'il
permette à toutes les élites nationales de s'impliquer dans
l'action politique au sens noble du terme, et d'emprunter, à cet effet,
le moyen d'expression idéal, que représentent les partis
politiques».
De nouveau, dans le discours du Trône du 30
juillet 2003, le Roi avait explicité le rôle des partis politiques
en précisant que la consolidation de la démocratie ne peut
aboutir qu'avec la présence de partis politiques réellement
représentatifs, capables d'encadrer le citoyen et de le
représenter, et d'impulser l'énergie des jeunes dans le cadre
d'un sain émulation autour de programmes réalistes et tangibles
en vue d'assurer la formation d'élites conscientes. A ce titre, le
Souverain a souligné la nécessite d'adopter une loi relative aux
partis politiques, définissant le cadre, clair et efficient, pour leur
création et gestion ainsi que les règles d'exercice de leurs
responsabilités : « Le raffermissement de la
démocratie resterait incomplet en l'absence de partis politiques forts
(...). Notre préoccupation sincère de réhabilitation de
l'action politique au sens noble du terme, Nous amène à insister
de nouveau sur la nécessité d'activer l'adoption d'une loi sur
les partis, marquant ainsi notre ferme volonté de les doter de moyens
efficients leur permettant d'assumer pleinement leur
mission».
Dans le discours du
Trône du 30 juillet 2004, le Roi avait convié l'ensemble des
parties concernées à s'atteler, dans un esprit de concertation,
à l'élaboration d'une loi sur les partis politiques :
« Persuadé que la réussite de toute réforme est
tributaire de la mise à niveau des institutions et des acteurs
concernés, il convient de s'atteler, dans un esprit de concertation,
à l'élaboration d'une loi sur les partis politiques de
manière à leur permettre de remplir pleinement leur mission
constitutionnelle en matière de représentation et d'encadrement
des citoyens, et de formation d'élites aptes à participer aux
institutions démocratiques et à servir l'intérêt
général. Ce faisant, les partis politiques se doivent de
constituer un solide relais entre l'Etat et les citoyens dans des actions
complémentaires aux initiatives de proximité des organisations de
la société civile. Nous sommes, à cet effet,
déterminé à renforcer les formations politiques et
à réhabiliter l'action partisane sérieuse, de
manière à permettre l'émergence d'un paysage politique
fondé sur de puissants pôles aux visions
différenciées et claires »3(*).
Après ce dernier discours,
les choses se précisent. Le ministère de l'Intérieur remet
sa copie au lendemain de l'ouverture du Parlement. L'objectif : l'adoption
de cette loi avant la fin de l'année. La question qui se pose est
pourquoi un tel projet de loi sur les partis politiques est lancé
à ce moment ? Dans quelle perspective historique, politique, et
sociale s'inscrit-il ?
B- Le contexte :
On peut avancer quatre pistes :
1- une défaillance législative concernant
les partis politiques.
2- les élections de 2002 et le gouvernement
Jettou.
3- les attentats du 16 mai.
4- le projet américain « Grand
Moyen-Orient ».
1- Une défaillance législative concernant
les partis politiques :
Depuis l'indépendance, la création,
l'organisation, le financement, la dissolution des partis politiques au Maroc
sont régies par le biais du dahir du 15 novembre 1958, N° 1.58.376
réglementant le droit d'association. Ce dahir est constitué de
quatre parties :
1- la création des associations
2- les associations reconnues d'utilité publique
3- les fédérations et les
confédérations des associations.
4- les partis politiques et les associations politiques.
Selon les dispositions de l'article1 concernant la
première partie du dahir et l'article15 sur la quatrième partie,
le parti politique est considéré comme une association où
des personnes physiques partageant les mêmes principes, mettent en
place une organisation permanente et à but non lucratif, dotée de
la personnalité morale. Ces associations de personnes peuvent être
créées sans autorisation, à condition qu'elles respectent
les dispositions de l'article 5 du même dahir, c'est-à-dire :
- Une demande de constitution du parti doit être
adressée directement aux autorités administratives locales.
- L'association doit avoir un statut clarifiant
l'organisation et l'objectif de l'association.
En plus, les partis politiques pour être
considérés comme des associations exerçant une
activité politique, ils doivent remplir certaines conditions :
- Ils doivent être constitués de personnes
ayant la nationalité marocaine et ouverts à tous les Marocains
sans discrimination.
- Ils doivent être créés et
gérés par des fonds marocains.
-Ils doivent avoir des statuts qui permettent aux
membres de l'association de participer effectivement à la gestion de
l'association.
- Ils ne doivent pas être ouverts aux militaires
en activité et aux agents de la force publique, aux magistrats, aux
agents d'autorité et auxiliaires d'autorité.... Et toujours
selon les dispositions du même dahir, il est considéré
comme activité politique, tout activité directe ou indirecte
impliquant la gestion des affaires publiques.
Pourtant, on remarque que les articles de cette loi
d'associations, et ses différents amendements et compléments -
soit ceux du 10 avril 1973, ou ceux du 15 mai 2002- resteront des textes
vagues, et n'ont pas réussi à élaborer un cadre juridique
complet et équilibré, qui garantit d'une part, la liberté
de constitutions des partis politiques, et d'autre part, le respect de
l'institutionnalisation de cette constitution des partis, car l'improvisation
et la non-responsabilité restent l'image donnée par les partis
politiques, créés avant la loi ou après, même si on
ne peut pas imputer la responsabilité de ces aspects négatifs aux
seules dispositions de cette loi.
Donc ce dahir 1.58.387 est incapable de résoudre
la problématique de la représentation, cette incapacité
peut être repérée à travers un diagnostic de
comportements politiques des partis au moment de leur création et dans
leurs pratiques dans les institutions constitutionnelles. Les personnes ne
trouvent aucun problème à créer un parti, même s'ils
n'ont pas des objectifs, ni de projets à défendre. Et c'est ce
qui laisse la porte grande ouverte aux nouveaux venus, et à chaque
élection législative, on voit la création d'un certain
nombre de partis politiques. D'ailleurs, c'est ce qu'on a remarqué
à l'occasion des élections législatives du 27 septembre
2002, puisqu'on a enregistré la participation de 26 partis politiques, 7
des ces partis on été créés à une date
très proche de la date des élections, ce qui représente
27% des partis participant.
Cette facilité du processus de création a
complexifié les équilibres politiques des institutions
constitutionnelles, soit au niveau des alliances au sein du gouvernement, soit
au niveau du travail au sein des différents appareils du Parlement. Mais
elle a aussi complexifié la tache des électeurs. Cette situation
a créé la confusion, et a vidé l'action partisane de toute
rationalité, et ouverte la voie à des comportements
déviants. Un des aspects de ces comportements déviants :
transhumance des parlementaires, qui caractérise le sixième
(1997-2000) et le septième (2002-2006) mandat législatif4(*) (voir le tableau 1et 2
) :
Le parti politique
|
Le nombre de partants
|
Le nombre d'arrivants
|
Le nombre de personnes
|
G.S
|
-6
|
+5
|
11
|
PI
|
-3
|
+6
|
9
|
RNI
|
-7
|
+11
|
18
|
|
-6
|
+2
|
8
|
MNP
|
-0
|
+2
|
2
|
UC
|
-16
|
+2
|
18
|
PD
|
-7
|
+4
|
11
|
PPS
|
-4
|
+5
|
9
|
OADP
|
0
|
+0
|
0
|
FFD
|
-4
|
+4
|
8
|
PJD
|
0
|
+5
|
5
|
Non-
|
-5
|
14
|
19
|
|
|
total
|
118
|
Tableau 1 : le nombre des parlementaires arrivants et
partants
Le parti politique
|
Sièges gagnés
|
Les sièges gagnés
|
Les sièges perdus
|
après la déduction
|
Octobre02
|
Octobre03
|
Octobre02
|
Octobre03
|
USFP
|
50
|
0
|
0
|
|
0
|
50
|
PI
|
48
|
+5
|
0
|
0
|
-1
|
52
|
RNI
|
41
|
+1
|
+2
|
-4
|
-1
|
39
|
MP+MNP
|
45
|
+4
|
+2
|
0
|
-4
|
47
|
UC
|
16
|
0
|
+1
|
-3
|
0
|
14
|
PND
|
12
|
0
|
0
|
-2
|
-2
|
8
|
PPS
|
11
|
0
|
+2
|
0
|
0
|
13
|
FFD
|
12
|
+3
|
0
|
-1
|
-5
|
9
|
MSD
|
7
|
0
|
0
|
-4
|
-2
|
1
|
UD
|
10
|
+10
|
+7
|
0
|
-1
|
26
|
PSD
|
6
|
0
|
0
|
-2
|
0
|
4
|
ELAHD
|
5
|
0
|
0
|
0
|
-2
|
3
|
PEC
|
2
|
0
|
0
|
-2
|
0
|
0
|
PED
|
2
|
0
|
0
|
-2
|
0
|
0
|
Tableau 2 : le nombre des sièges gagnés ou
perdus par les partis politiques suite au transhumance des parlementaires.
A ce phénomène de transhumance des
parlementaires et ces effets négatifs sur la composition et le
fonctionnement du Parlement, il faut ajouter un autre
phénomène : le paradoxe entre les résultats des
élections communales et les résultats des élections des
conseillers.
Aux élections communales de 1997, le PI a
remporté 17,12% des siéges réservés aux communes,
mais aux élections de la chambre des Conseillers, il n'aura que 8,64%
des siéges. Par contre, le MDS n'obtient que 7,31%, et il va avoir 13,6%
des sièges à la chambre des Conseillers.
Tous ces symptômes qui traduisent
l'état de faiblesse des partis politiques et leur désarroi,
à cause de l'absence d'un cadre institutionnelle et juridique capable de
les rationaliser, à poser l'importance et l'urgence d'une nouvelle loi
qui remet en question la création et le fonctionnement des partis
politiques.
2- Les élections de 2002 et le
gouvernement Jettou :
Les élections législatives de
septembre 2002 ont constitué à bien des égards une
« première ». Ce sont les premières depuis la
succession dynastique de juillet 1999, Mohamed VI succède à
Hassan II; ce sont les premières organisées par un gouvernement
de gauche réunissant l'USFP, PI, RNI, FFD, PPS, et PSD. Ce sont enfin,
et c'est sans doute le plus important, les premières qui, depuis 1976,
se sont déroulées sans la présence de Driss Basri, le
célèbre ministre de l'Intérieur de feu Hassan II. C'est en
effet Basri qui avait fait de la gestion contrôlée des
élections non seulement l'une des préoccupations majeures, mais
également l'une des clés de voûtes du système
politique marocain5(*).
Cinq semaines avant ces législatives, le Roi
a invité les Marocains à se mobiliser afin de ne pas
« rater ce rendez-vous essentiel avec la démocratie. Faute
de cela, ajoute-t-il, nous nous trouverions en présence d'institutions
tronquées et même hautement préjudiciables à la
démocratie, faisant le nid du désespoir et la défection et
attisant l'extrémisme et le maximalisme ». Ces
législatives qui doivent désigner 295 députés au
scrutin de liste, à la proportionnelle et en un seul tour et en
dépit des appels au civisme et promesses de «transparence»,
les Marocains ont boudé les urnes. Près de la moitié des
électeurs ont en effet choisi de s'abstenir, Le taux de participation
enregistré pour ce premier scrutin depuis l'accession au trône du
roi Mohammed VI n'est que de 52%, en baisse de 6 points sur celui de
1997... lequel, il est vrai, avait sans doute été
révisé à la hausse par le ministre de l'Intérieur
de l'époque, Driss Basri. Les résultats définitifs des
législatives, ont été annoncés le 1er octobre par
Driss Jettou alors ministre de l'Intérieur, avaient placé en
tête quatre familles politiques sur un échiquier parlementaire
composé de vingt-deux formations. Dans l'ordre : les socialistes du
Premier ministre sortant, les conservateurs de l'Istiqlal, les islamistes du
PJD et deux partis populaires, que l'on disait proches des socialistes, mais
s'étaient rapprochés ces derniers jours du pôle
conservateur.
Dès le lendemain de l'annonce des
résultats, c'est une véritable guerre des tranchées que se
livrèrent les deux premiers partis: l'USFP (50 sièges) et
l'Istiqlal (48 sièges). Si l'Istiqlal n'a pas caché son
rapprochement avec le PJD (42 sièges) - et cela, d'ailleurs, dès
la campagne électorale et le jour du vote où ces deux partis se
sont mutuellement rendus service - l'USFP a frappé fort, le dimanche 6
octobre, lorsqu'il a annoncé son alliance avec le RNI de Ahmed Osman (41
sièges). Du coup, les annonces d'alliances se sont
accélérées donnant lieu à une sorte de match de
ping pong où chaque camp compte les points qu'il marque au fur et
à mesure.
Le même jour (le dimanche 6 octobre),
Abderrahmane Youssoufi, Premier ministre sortant et numéro un de l'USFP
recevait, après le RNI, cinq autres partis. Le PPS de Moulay Smail
Alaoui (11 sièges), le PSD de Aissa Ourdighi (6 sièges) et Al Ahd
de Najib Ouazzani (5 sièges) qui avaient auparavant décidé
de constituer un groupe parlementaire commun; puis le FFD de Thami Khiari (12
sièges) et enfin, l'UD de Bouazza Ikken (10 sièges). Tous les
cinq rejoignaient le camp USFP-RNI. Ce qui fait un total de 135 sièges.
La majorité étant de 163 sièges, il manquait à ce
camp 28 siéges. Bien sûr, si les autres composantes de la
mouvance berbère avaient rejoint ce camp, il n'y aurait plus eu de
problèmes, le MP de Mohand Laenser (27 sièges) et le MNP de
Mahjoubi Aherdane (18 sièges) qui ont été rejoints par le
MDS de Mahmoud Archane (7 sièges) apportent un appui de 52
sièges. L'Istiqlal aurait alors été relégué
dans l'opposition, aux cotés du PJD des islamistes.
Mais l'Istiqlal réservait aussi son effet
de manche. Le lendemain, lundi 7 octobre, il se réunissait avec le PJD,
le MP et le MNP annonçant son alliance avec ces partis. Le camp de
l'Istiqlal se retrouvait alors en possession de 142 sièges. Ce
n'était pas non plus la majorité, mais c'était plus que ce
qu'avait le camp USFP : 7 sièges de plus.
Des sièges récupérables
auprès des petits partis, certes, mais chaque camp en avait autant au
service de l'autre. La partie n'était pas gagnée ni pour l'un ni
pour l'autre. Surtout en ajoutant les sièges de la chambre des
conseillers. Un casse-tête dans la mesure où la coalition la plus
large rassemblait droite et islamistes, mais où le parti de tête,
au sein duquel se choisit traditionnellement le Premier ministre, était
socialiste. Le débat s'était, par ailleurs, vite porté sur
les modalités de la participation du PJD au gouvernement.
Pour beaucoup il n'y avait aucun doute : l'USFP
socialiste, arrivé en tête, allait conduire un nouveau
gouvernement. Le quotidien L'Economiste avait même titré
en Une, le 1er octobre : «Youssoufi reconduit pour deux
ans». Et si le parti de l'Istiqlal, de l'ancienne coalition
gouvernementale, pouvait prétendre à diriger un gouvernement de
droite, son leader, Abbas El Fassi, ministre de l'Emploi sortant, était
empêtré dans une affaire d'emplois fictifs aux Emirats arabes
unis, qui a écorné son image6(*). Entre un Youssoufi au bilan plutôt moyen, un
El Fassi jugé ambitieux, des islamistes qui inquiètent et des
partis du «centre» versatiles, il était effectivement
difficile de composer un gouvernement solide. D'autant plus que la
«transhumance» politique d'un parti à l'autre avait
commencé dès le lendemain de l'annonce des résultats
officiels. Le RNI, «centriste», serait ainsi passé de 41
sièges à 57. Une pratique dangereuse puisque le parti de
tête n'avait que deux sièges d'avance.
« Il y avait plusieurs inconvénients
à cette situation », a expliqué une source proche du
dossier, sous couvert de l'anonymat. « D'abord, un véritable
blocage se profilait. Ensuite, il se posait un sérieux problème
pour la constitution d'un gouvernement fort ». Cette même source a
insisté sur la volonté royale de « mettre sur pied une
équipe militante, un gouvernement de proximité, un commando au
service du développement du pays » et souligne que le Roi a
parlé de "l'engagement de toutes les sensibilités politiques". Le
Roi a donc opté pour un homme de consensus,
«au-dessus» des partis, comme la Constitution l'y autorise,
puisqu'elle précise que «le Roi choisit le Premier
ministre». Driss Jettou est apparu comme l'homme de la situation. Les
dirigeants économiques lui font confiance, les partis politiques lui
reconnaissent une capacité de travail et une rectitude au service de ses
objectifs7(*).
Mustapha Ramid du PJD va donner le coup d'envoi
des réactions. Il a considéré que le choix royal "marque
un recul". Les réactions de l'USFP et de l'Istiqlal sont fort attendues.
Et depuis l'annonce de la formation de l'équipe du Premier ministre
Driss Jettou, le 8 novembre, il ne se passe pas un jour sans que la presse
indépendante n'affiche son scepticisme. Jamais la nomination d'un
gouvernement au Maroc n'a suscité autant de tensions.
Ce gouvernement Jettou est d'abord
critiqué en raison de la lenteur de sa formation : plus d'un mois d'un
processus «empreint d'une opacité en déphasage total avec
les professions de foi de transparence du régime», selon
l'hebdomadaire indépendant «Le Journal». La mission du nouveau
Premier ministre, soutient «Le Journal», est «de verrouiller les
ministères sensibles. En d'autres termes : nommer des technocrates ou
imposer aux partis de recruter des technocrates pour les intégrer
ensuite dans le gouvernement comme ministres partisans.» Le gouvernement
de Driss Jettou est également critiqué en raison de sa nature
jugée trop consensuelle, écartant «une quelconque
velléité de rupture» pour le quotidien indépendant
«Maroc le jour» ; ou méritant, selon l'hebdomadaire
«Maroc-Hebdo» proche des milieux sécuritaires, d'être
considéré comme «juste un lifting». Le quotidien
«L'Economiste», proche des milieux d'affaires, ne cache pas son
agacement face à l'absence d'une vraie alternance. Dans un
éditorial virulent, il souligne que «le gouvernement enfin
formé, c'est la déception qui se confirme. Les mêmes partis
politiques, la même majorité élargie et encore un peu plus
diluée. Pour la plupart les mêmes hommes. A quoi servait-il alors
de faire des élections ? Apparemment, dans l'esprit de nos dirigeants,
former un gouvernement est une question de partage. »
Or le mécontentement de la presse fait en
réalité écho à un mécontentement encore plus
menaçant pour la cohésion du nouveau gouvernement, celui de la
discorde au sein de la coalition gouvernementale. Selon l'hebdomadaire
électronique francophone «L'Observateur», «aucune des
formations politiques de la majorité actuelle n'échappe aux
soubresauts post-constitution du gouvernement». L'hebdomadaire «La
Vie économique» explicite les dessous du mécontentement :
«On tire d'abord à boulets rouges sur la méthode
utilisée» par les dirigeants des partis qui ont mené les
négociations en vue de la formation du gouvernement. Ainsi, nombre de
dirigeants de l'Union des forces socialistes (USFP) de l'ancien Premier
ministre Youssoufi n'ont pas admis son obstination à mener «les
négociations de manière trop personnelle, en mettant en
confidence quelques rares proches et en tenant à l'écart le
bureau politique» de sa formation, poursuit « La Vie
économique ».
Le parti nationaliste l'Istiqlal
d'Abbès el-Fassi ne semble pas non plus sortir indemne de ces
tractations. «La Vie économique» signale que le parti reproche
à son dirigeant vétéran d'avoir accepté que deux
des nouveaux ministres nommés dans le gouvernement Jettou «soient
imposés au parti en tant que ministres istiqlaliens, alors qu'ils n'ont
d'autre relation avec l'Istiqlal que d'ordre généalogique avec
deux de ses dirigeants». Quant au Rassemblement national des
indépendants (RNI, proche du Palais), le quotidien «Aujourd'hui le
Maroc» rappelle qu'il est «secoué par une fronde interne
liée au choix des ministres du partis ».
Bref, «les leaders des partis politiques
sont devenus les cibles d'accusations et d'offensives pour avoir avalisé
des noms qui ne disposaient d'aucune popularité, même au sein de
leurs fiefs», comme le résume le quotidien
«L'Indépendant». D'où l'appel lancé par «La
Vie économique» à «une véritable mise à
niveau démocratique de [ces] partis», dans la mesure où leur
crise actuelle est révélatrice de leur «déficit de
démocratie interne, crise de légitimité des directions,
faible renouvellement des élites partisanes, absence de débat
d'idées et défaut d'ouverture sur la société et le
monde de l'entreprise »8(*).
3- Les attentats du 16 mai :
Dans la nuit du 16 mai 2003, une série
d'attentats suicide simultanée secoue Casablanca, faisant quarante-deux
morts et une centaine de blessés. Le Maroc a basculé ce
soir-là dans une violence aveugle dont les autorités commencent
tout juste à mesurer les conséquences. Les premières
retombées sont déjà là, bien palpables. Si c'est
vrai sur le plan économique, c'est sur le plan sécuritaire que le
changement apparaît le plus spectaculaire.
Douze jours après les attentats, dans un
bref discours lu d'un ton appliqué à la radio et à la
télévision, le roi Mohammed VI a décrété
« la fin de l'ère du laxisme ». « L'heure
de vérité a sonné [pour] ceux qui exploitent la
démocratie dans le but de porter atteinte à l'autorité de
l'Etat », a-t-il dit. Et le souverain de dénoncer
« certains milieux » accusés de faire un
« mauvais usage de la liberté d'opinion » et de se
cantonner « dans une opposition systématique aux orientations
des pouvoirs publics ». Le roi n'a pas été plus
précis, mais tout le monde a compris le message : les islamistes,
toutes les tendances confondues, la presse indépendante, les
organisations de défense des droits humains sont dans le collimateur du
régime. Ils étaient de plus en plus mal vus ; ils seront
désormais combattus sans s'embarrasser des moyens9(*). Si les partis politiques
n'étaient pas mentionne, tout le monde sache que cela ne les dispense
pas de leurs responsabilités. Plusieurs observateurs pensent que si
l'islam politique se propage, et gagne de plus en plus des adhérents,
ce que les partis politiques ont quitté le train et sont coupés
de leurs bases. Cinq ans après l'espoir soulevé par
l'« alternance » - l'alliance du trône et de la
gauche pour « sauver le pays de la crise cardiaque », pour
reprendre les mots de Hassan II, est retombé. La sanction est
sévère pour la classe politique. Des socialistes aux
nationalistes, de la droite à la gauche, tous les partis politiques
« laïques » sont rejetés par les Marocains.
Tous sans exception ont perdu leurs crédibilités et leurs raisons
d'être1(*)0.
Quelque jour après, et à l'occasion
de discours du Trône, le Roi a estime qu'il est temps une loi sur les
partis politiques. Le Roi pense que seule une telle loi peut mettre à
niveau le champ politique, et redonne à la vie partisane sa force.
Après ce discours les choses vont s'accélère. Le
ministère de l'Intérieur va sortir des terroirs le projet de loi
gèle depuis deux années.
Portant, ce discours royal n'a rien de nouveau. Et
ce n'est pas la premières fois que le Roi insiste sur une telle loi,
d'où la question : Est-ce que cette nouvelle loi constitue une
réponse à une nécessité sociale ? Ou s'agit-il
d'un simple reflet d'un besoin extraordinaire impose par un contexte
extraordinaire (les attentats de 16 mai) ?
4- Le projet américain de grand Moyen
Orient :
En 2002, le président des Etats-Unis,
G.W.Bush a lancé le programme « Millenium Challenge
Account » (programme d'aide financière pour les pays en voie
de développement). Il s'agit des fonds qui ont pour mission de
récompenser les pays dont les gouvernements seront estimés
être "des dirigeants justes, favorables à l'investissement
étranger et instigateurs de projets pour satisfaire les besoins de base
de la santé et de l'éducation". Elles seront réparties
entre les pays en voie de développement qui respectent les trois grands
critères : bonne gouvernance, ouverture sur l'investissement
étranger, et indicateurs sociaux satisfaisants.
Dans la première liste
élaborée par les responsables du Fonds, le Maroc ne figure pas.
Affichant des indicateurs de base (santé, éducation) en
deçà des critères minima, il ne répond pas aux
exigences américaines. A moins, si l'on s'en réfère
à la définition des modes d'attribution, qu'il ne fasse un effort
sur au moins un des trois grands critères. Ce sera celui de la bonne
gouvernance, mesuré, entre autres, par le respect des libertés
civiques et des droits politiques, mais là aussi le Maroc est
sérieusement épinglé. Selon le rapport annuel de Freedom
House, ONG chargée d'évaluer les droits politiques pour le MCA,
"le droit des Marocains à changer démocratiquement leur
gouvernement est limité". L'ONG revient aussi sur la concentration des
pouvoirs "Non seulement la Constitution réserve au roi le pouvoir
exécutif, mais elle lui accorde aussi un pouvoir religieux en sa
qualité de commandeur des croyants". En se référant aux
ministères de souveraineté, l'ONG rapporte : "Les
ministères les plus importants ont toujours été
dédiés aux alliés les plus fidèles du palais (...)
Le roi peut dissoudre le Parlement à sa discrétion". Le rapport
précise aussi : "Contrairement aux élections passées,
le déroulement des élections de 2002 a été libre et
transparent". Les rédacteurs du rapport relèvent aussi l'absence
"remarquée" des islamistes des urnes, le manque de transparence dans la
formation du nouveau gouvernement, pour souligner : "Politiquement, les
choses ont peu changé". A ce niveau, il reste au Maroc à traduire
le changement politique souhaité en réalité.
Sur un groupe de 26 pays, le Maroc fait partie des six épinglés.
Le Mali, le Népal et le Malawi sont toujours en avance sur le Royaume.
Pour être éligible au programme, le
Maroc a multiplie les gestes de séduction à l'égard des
Etats Unis, en jouant la carte de l'ouverture politique. Et dans ce cadre que
s'inscrit certain nombre d'actions entrepris par le pouvoir : c'est
l'amnistie de quelque 25 prisonniers politiques, la réforme de la
Moudawana, et la mise en place de l'instance « Equité et
Réconciliation ». Pour le pouvoir marocain, il faut convaincre
les Américains que le Maroc a besoin d'argent, que démocratie et
misère ne peuvent cohabiter, et que les efforts entrepris par le Royaume
sur la voie démocratique méritent bien une aide
financière. Les besoins américains de crédibiliser aux
yeux des opinions publiques, arabes comme américaine, leur politique
étrangère centrée sur la démocratisation du monde
arabe, se font pressants.
Dès lors, les Marocains s'empressent de
jouer la carte du "modèle démocratique". Pour cela, il aurait
été profondément incohérent que le Royaume ne
puisse pas bénéficier d'un fonds d'aide au développement,
conditionné justement par les performances en matière de
liberté politique, qui sera lancé cette année. D'autant
que l'échec de l'intermédiation de Jacques Chirac en
décembre dernier pour convaincre les Algériens de discuter avec
les Marocains a définitivement montré que seul les
Américains avaient un rôle à jouer dans le règlement
du conflit du Sahara. Du fait de la précipitation, la
stratégie de séduction à l'égard de l'oncle Sam
devait donc passer inévitablement par des symboles forts1(*)1, et le projet de loi sur les
partis politiques fait partie.
C- Le nouveau projet de loi sur les partis
politiques :
1- Le projet de loi : étude de
texte :
Ce qui est proposé à toutes les
parties concernées et intéressées se constitue donc du
texte de loi (projet) et de son « paratexte » appelé
ici « Projet de note de présentation » ;
c'est-à-dire d'un texte qui se situe au « seuil » du
texte de loi et qui n'en fait pas partie intégrante. A la limite, le
projet de loi peut bien se passer de ce seuil, mais comme il a
été prévu, il faut comprendre qu'il doit accomplir une
fonction bien précise.
Le terme « projet »
traduit bien la prudence affichée par le législateur de cette
loi. Une prudence qui s'explique par l'aspect provisoire de
ce « produit juridique », en attendant qu'elle soit
révisée à la lumière des critiques des partis
politiques. La répétition du
mot « projet » fonctionne ici à la fois comme
un élément propre à atténuer l'exclusivité
de l'initiative prise par le ministère de l'Intérieur pour
élaborer cette loi, et comme un appel aux acteurs de la scène
politique à enrichir ou compléter cette version. Il est vrai que
le souci de dissiper tout malentendu pèse de son poids sur ce projet
présenté comme une « offre » provisoire dont
la valeur doit se mesurer à l'aune de l'exigence de la
« demande » de la classe politique.
Pourtant, l'offre et la demande n'appartiennent
pas à la même sphère de compétence et ne partagent
pas les mêmes présupposés. L'offre provient du
ministère de l'Intérieur, responsable de la
sécurité, de la stabilité et de la quiétude des
citoyens ; par contre, la demande représente ceux qui luttent pour
plus de droit et de liberté publique. On est en face d'une confrontation
entre deux logiques fondées sur des normes et des valeurs
spécifiques à ces deux sphères1(*)2.
Ce « paratexte » est
fondé sur une logique binaire : une introduction
générale, suivie de la présentation des six axes autour
desquels s'articule l'avant projet de loi. En tant que
« paratexte », le « projet de note de
présentation » représente l'esprit de la loi qu'il faut
parcourir avant d'atteindre le texte de projet de loi sur les partis
politiques. Ce faisant, cet espace fonctionne comme une entrée vers la
nature de la motivation de la genèse de cette loi, l'esprit qui alimente
les chapitres et les articles qui le composent1(*)3.
L'introduction tourne autour du changement dans la
continuité, c'est-à-dire que, l'importante modernisation et le
changement des instruments institutionnels que le Maroc connaît
actuellement, ne veulent pas dire, qu'il va sacrifier pour autant, les acquis
capitalisés depuis l'indépendance. Le présent a
apporté des innovations avec le nouveau règne, mais sur un fonds
de continuité et ce, en focalisant sur des indices qui portent la marque
du temps : « Dès les premières années de
l'indépendance » ; « Par la suite, la
Constitution de 1962 qui a consacré définitivement le principe du
multipartisme » ; « En ce sens, le Discours Royal,
prononcé le 8 octobre 2004. ». Donc, de 1956 à
2004, le Maroc a tracé une ligne droite de « libre
exercice de l'action politique ». Cette ligne droite est
appelée à connaître une nouvelle orientation à
partir de 2004, année qui « illustre la ferme
volonté Royale pour la mise à niveau du champ politique dans un
cadre de « légalité juridique » et de
« légitimité démocratique ».
Trois séquences du discours Royal du 8 octobre 2004 sont citées
pour illustrer cette ferme volonté de modernisation institutionnelle
conçue dans le cadre d'une éthique politique dont les termes
sont : rationalisation, transparence, démocratie,
homogénéité et pôles forts et solides.
Donc l'année 2004 inaugure une novelle
orientation quant à la gestion du dossier relatif à la
réorganisation du champ politique marocain, sans aucune rupture avec les
pratiques du passé. Il s'agit du couronnement d'un processus
évolutif, c'est pourquoi l'usage du flash-back à travers les
discours royaux visant la réhabilitation du champ partisan, dès
le début de l'année 2000 : « C'est ainsi que
dès le 13 octobre 2000, à l'occasion de l'ouverture de la
première session parlementaire de la quatrième année
législative, le Souverain avait souligné le lien entre
l'impératif de développement, de démocratisation et de
modernisation et le nécessaire renforcement des partis
politiques ». A partir de ce constat, le « projet de
note de présentation » va mobiliser trois nouvelles
séquences du discours royal1(*)4 :
- La première, c'est le discours du 13
octobre 2000, qui se focalise sur la mise à niveau(
organisation,encadrement, efficacité, solidarité, moralisation)
des structures d'intermédiation, notamment les partis politiques,
acteurs indispensables à tout transition démocratique.
- La seconde séquence, tirée du
discours royal du 12 octobre 2001, et exprime le voeu royal de mettre en avant
un projet de loi sur les partis politiques.
- La troisième séquence, c'est le
discours du Trône du 30 juillet 2003, qui revient sur le projet de loi
pour en souligner non seulement la nécessité d'urgence. Il s'agit
donc, de concrétiser le voeu royal, et de le mettre en oeuvre.
Après ce détour à travers le
passé tout récent, « le projet de note de
présentation » revient, de nouveau, au discours royal du
Trône de 30 juillet 2004 où le Roi consacre tout un passage
à la question du projet de loi sur les partis politiques, et invite
l'ensemble de la classe politique à participer à
l'élaboration de cette loi. Ainsi, la première partie du
« projet de note de présentation » est
bouclé, en légitimant et en normalisant l'unilatéralisme
ayant marqué l'élaboration de ce cadre juridique :
« Ainsi, c'est à la lumière des Hautes orientations
Royales que le présent projet de loi a été
élaboré dans l'objectif de mettre à la disposition des
partis politiques un cadre juridique rénové ».
Maintenant, qu'en est -il de la deuxième
partie du « projet de note de présentation » ?
. Il s'agit d'une paraphrase de six chapitres qui compose l'avant-projet de
loi. Une synthèse est prévue pour chacun des chapitres, avec de
temps à autre, un bref commentaire. Donc, il s'agit bien d'une partie
descriptive du contenu du projet de loi, qui met en relief les principes de
base qui encadrent les dispositions juridiques. Celles-ci sont conçues
autour de :
- La conformité :
« Conformément aux valeurs qui fondent l'identité
nationale et la cohésion sociale »,
« conformément à l'esprit de la constitution et du
Dahir du 15 novembre 1958 relatif au droit d'association ».
- La continuité :
« Dans la continuité de l'esprit qui a toujours
présidé à l'élaboration des textes régissant
l'exercice des libertés fondamentales garanties par la
constitution ».
Si ces dispositions confirment la
conformité et la continuité, elles sont conçues
également par rapport :
- A l'urgence du traitement des questions fondamentales
qu'elles légifèrent et qui motivent justement
l'élaboration de cette loi, notamment la gestion financière
transparente par les partis politiques : « Vu l'importance de la
question du financement dans le fonctionnement des partis ( ) ».
- A la refonte des valeurs éthiques dont les partis
politiques doivent être la traduction lors de la création d'un
parti politique : « La création d'un parti politique ne
peut se justifier uniquement par la volonté de quelques personnes, mais
doit correspondre principalement à un besoin social et à une base
électorale significative ( ) ».
- A l'exigence du respect de « la question de
l'intérêt national qui n'a pas vocation à être
gérée sur le plan local ».
Qu'en est-il maintenant du texte constituant
l'avant-projet de loi sur les partis politiques dans son interaction avec la
position des acteurs invités à se prononcer
là-dessus ? . Composé de 6 titres, cet avant projet contient
53 articles répartis comme suit :
Titre 1 : Dispositions générales
(06 articles)
Ce titre, émaillé par un
référentiel conceptuel et théorique afférent
à la démocratie et aux libertés publiques,
définit :
Ce que le parti politique « est » (=
« convention » ),
Ses fonctions (représentation, organisation,
éducation, formation et animation),
Sa finalité : participer à la gestion des
affaires publiques,
Ce qu'il ne doit pas faire : porter atteinte à
l'islam, à la patrie et à la monarchie, ni être
fondé sur les bases religieuses, linguistiques, ethniques ou
régionales. ;
L'âge et le sexe des adhérents,
La classe d'individus n'ayant pas droit à l'adhésion
aux partis politiques.
Titre 2 : De la constitution des partis
politiques (14 articles)
Ce titre précise
Les conditions obligatoires pour constituer un parti politique
(besoin de la société, représentation territoriale, une
base électorale significative),
L'identité des membres fondateurs,
Les formalités relatives au dépôt du dossier y
afférent,
Délai de réponse et de régularisation,
Les modalités constitutives du parti politique ainsi que
des unions ou fédérations de partis politiques.
Titre 3 : Des statuts, de l'organisation et de
l'administration des partis politiques (08 articles)
Il est précisé dans ce titre que le parti
politique doit disposer :
D'un programme et de statuts écrits relatifs explicitant
les modalités de fonctionnement,
D'une organisation et gestion démocratique,
De structures organisationnelles au niveau national,
régional et local.
Titre 4 : Du financement des partis politiques
(13 articles),
Ce titre détermine :
Les ressources de financement du parti politique,
Le rôle de l'Etat dans le financement et les critères
de financement,
Les institutions et les mécanismes de contrôles de
gestion,
Les conditions de suspension de financement auxquelles s'expose le
parti politique.
Titre 5 : Des sanctions (10 articles)
Sont précisés dans ce titre :
Les causes donnant lieu à des sanctions,
La nature de la sanction (suspension, dissolution)
Les délais des sanctions,
Les conditions de dissolution du parti politique,
Les peines,
Les instances chargées de cette mission.
Titre 6 : Dispositions transitoires (02
articles)
Ce titre fixe les délais de conformité et
d'harmonisation avec les nouvelles dispositions de la présente loi en ce
qui concerne les partis existants avec la promulgation de cette loi. La loi sur
les partis prévoit des mesures répressives et moult sanctions
pour tout contrevenant à ses dispositions.
1- 1 De la constitution des partis
politiques :
Dans la législation marocaine, pour
créer un nouveau parti, il suffisait selon le Dahir de 1958, le
dépôt d'une déclaration aux autorités locales. Cette
déclaration doit mentionner le nom du parti, la liste de l'état
civil des membres de bureau gestionnaire du parti, leurs fonctions dans le
parti, des photocopies de leur carte d'identité nationale, les
sièges du parti, ainsi que le statut interne du parti.
Au dépôt de déclaration,
les autorités locales donnent immédiatement un reçu. Cette
procédure va être changée, puisque les autorités ne
vont désormais donner qu'un reçu provisoire, avant de donner
après un certain temps un reçu définitif. Cette
procédure administrative va devenir une réalité juridique,
avec les amendements de loi de libertés publiques, en 2002.
Quant au nouveau projet de loi, pour que la
demande de constitution d'un parti politique soit recevable, il faille engager
un véritable parcours du combattant et satisfaire un grand nombre de
conditions souvent difficiles à réunir. Il faut d'abord
réunir pas moins de 1000 membres fondateurs issus d'au moins la
moitié des régions du Royaume, soit 8 sur 16 (dans la
première mouture, c'était 8 sur 10). De plus, il faut au moins 50
membres fondateurs (soit 5%) par région1(*)5.
Ensuite, il faut être de
nationalité marocaine, être inscrit sur les listes
électorales et être établi de manière permanente au
Maroc. Ce qui signifie que les Marocains ayant acquis leur nationalité
par naturalisation ne peuvent pas être membres fondateurs d'un parti
politique. Ainsi que les Marocains non- résidants au Maroc, puisque ces
derniers ont une résidence permanente à l'étranger.
Certains pensent que cela serait jeter la suspicion et l'opprobre sur ces
Marocains qui voudraient exercer leurs droits constitutionnels. De plus,
comment peut-on légitimement agir de la sorte, alors que des Marocains
naturalisés à l'étranger (en France, en Belgique, au
Canada et ailleurs) peuvent devenir parlementaires et ministres1(*)6.
Enfin, la liste de ces 1000 membres doit
contenir les informations suivantes sur chacun d'entre eux : nom et
prénom, nationalité, âge, profession, adresse, en plus d'un
extrait du casier judiciaire, d'une photocopie de la carte d'identité
nationale, d'un certificat de résidence et d'une attestation
d'inscription sur les listes électorales. Cependant, alors que la
version de 2001 exigeait des membres fondateurs, dans le cadre de la
moralisation de la vie politique, d'être en règle avec
l'administration des impôts et la CNSS, la version actuelle les en
dispense. Cette déclaration écrite doit être
déposée auprès du ministère de l'Intérieur.
Cela signifie 1000 signatures légalisées accompagnées de
1000 casiers judiciaires, 1000 certificats de résidence, et 1000
attestations d'inscription sur les listes électorales.
C'est-à-dire au moins 4000 démarches administratives à
effectuer. Et quand on connaît l'administration marocaine, on comprend
pourquoi les partis accusent le ministère de l'Intérieur de leur
compliquer la tâche. L'argument de ce dernier ("il faut être un
minimum impliqué, quand on prétend créer un parti
politique") est inconcevable, car rien ne sera plus facile que de refuser la
création d'un parti sous prétexte qu'il manque un document
à son dossier de constitution1(*)7.
Dans son article 13, le nouveau projet stipule
qu'un congrès constitutif de parti est déclaré valable,
s'il réunit au moins 1500 congressistes. De plus, ce congrès doit
adopter les statuts du parti, son règlement intérieur, son
programme et élire ses instances dirigeantes.
Pourtant, ce chiffre pose le problème de
la pertinence ? . On sait par expérience, que de nombreux partis
organisent des congrès de 2 500 à 3 000 congressistes, mais qui
tiennent plus des « moussems »1(*)8 que des
congrès1(*)9. Un
nombre aussi élevé pose des problèmes d'intendance et rend
le débat pratiquement impossible. Si on sait bien que les congressistes
sont des représentants de leurs branches partisanes, et que le
congrès constitutif est le moment où l'on adopte les statuts, le
règlement intérieur et le programme du parti, et on
procède à l'élection des instances dirigeantes du parti,
donc si chaque congressiste prend la parole pour exprimer son opinion, ou
demande la clarification de certains points de l'ordre du jour, les travaux du
congrès peuvent durer dans le temps, à tel point que mettre fin
à ces travaux relèverait de l'impossible. D'autre part,
tout cela coûte de l'argent et s'ajoute aux dépenses de
l'organisation, ce qui va pousser les partis à consacrer tout leur
budget à l'organisation de congrès au détriment du
financement de la vie du parti2(*)0.
Il faut bien souligner qu'à ce stade, le
parti est encore en phase de création, ce qui veut dire que son
implantation et la propagation de ses idées ne sont pas encore faites,
et qu'il manque encore des adhérents. Et donc, toute la
difficulté réside dans la capacité à réunir
ce nombre de congressistes qui partagent les mêmes convictions
idéologiques, les mêmes programmes, et les principes du parti. Et
si ce n'est pas le cas, le congrès constitutif, et ce grand nombre de
congressistes pouvant devenir une sorte de congrès clientéliste
réuniront des gens qui ne partagent pas en principe la culture et les
croyances du parti, mais ils se sont réunis afin de rendre un service en
attendant une récompense2(*)1.
De plus, « est nulle et de nul effet
toute constitution de parti politique ayant pour but de porter atteinte
à la religion islamique, à la forme monarchique de l'État
ou à l'intégrité territoriale du royaume ou qui, de
manière générale, est fondée sur une cause ou en
vue d'un objectif contraire aux dispositions de la Constitution, ou
fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou
régionale ». Certains pensent que la formulation est floue, et
ouvre la voie à de multiples interprétations arbitraires. Surtout
quand c'est au ministère de l'Intérieur d'apprécier s'il y
a "atteinte" ou pas. Si l'islam constitue l'un des fondements de
l'identité nationale, et si la monarchie reste une demande populaire
à l'unanimité, ainsi que l'intégrité territoriale,
ce que personne ne remet en cause, il reste à clarifier certains points
comme : qu'est-ce qu'un "objectif contraire à la Constitution?
». Est-ce que cela signifie-t-il que critiquer la Constitution ou
réclamer son amendement est interdit ? Et ceux qui contestent l'article
19 ? Et ceux qui demandent l'abandon du bicaméralisme ? Que signifie un
parti "fondé sur une base religieuse? , Et que peut on dire donc de PJD
?. Certes, la problématique n'est pas nouvelle, et le parti islamiste y
a répondu dès sa création en affirmant que ses statuts "ne
se basaient pas sur la religion islamique"2(*)2.
Donc cette loi est censée clarifier ces
triptyques sacrés pour éviter toute fausse interprétation
qui puisse avoir des conséquences très grave sur le processus
démocratique au Maroc. Il faut aussi remarquer que le manque de
clarté touche d'autres notions comme la notion « d'ordre
public » qu'on lit dans l'article 42. Cet article stipule que si les
activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public,
le ministre de l'Intérieur peut ordonner, par décision
motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses
locaux. Que signifie «l'ordre public » ? Le projet de
loi ne donne aucune précision, et laisse cette notion entourée de
généralités et de mystère. Ce qui laisse le champ
libre au ministre de l'Intérieur de dissoudre ou de suspendre les partis
politiques pour atteinte à l'ordre public. Cette liberté
accordée au ministre de l'Intérieur pourrait déboucher sur
des abus de pouvoir.
1-2 De l'organisation et de l'administration
des partis politiques :
En ce qui concerne l'organisation des partis
politiques, le projet de loi exige dans l'article 22 que le parti politique
doit être organisé et administré sur des bases et des
principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de
participer effectivement à la direction des différents
organes.
Les statuts doivent être conçus en
conséquence et permettre la désignation de l'ensemble des organes
par voie élective.
Si l'ensemble des partis n'a pas trop
protesté contre cet article, par peur d'être accusés par
leurs propres militants de refuser la démocratie interne, pourtant,
cette disposition - si elle passe en l'état - risque de bouleverser l'un
des fondements de la vie partisane marocaine : les cooptations2(*)3. Ca peut être le cas
de l'organisation interne du parti de l'Istiqlal, qui peut se retrouver
complètement bouleversée, car les
« inspecteurs » nommés par le bureau exécutif
ou le secrétaire général pour être le relais et
l'outil de contrôle, c'est-à-dire ses "yeux" dans les provinces,
risquent de n'avoir plus de raison d'être. Ce serait une
révolution culturelle au sein du parti.
Les partis politiques doivent
également prévoir un nombre proportionnel de femmes et de jeunes
devant siéger dans les instances dirigeantes du parti. Sujet de toutes
les joutes oratoires politiques et rarement objet de véritables
programmes, la jeunesse marocaine et les femmes hantent tous les discours,
jamais exécutés. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un
phénomène totalement nouveau au Maroc, puisqu'on trouve
régulièrement, à l'occasion de chaque
échéance électorale une présence et un discours sur
les jeunes et les femme, pourtant, cela a permis de donner une dimension
médiatique importante.
En ce qui concerne la problématique des
femmes et leur adhésion à la politique, toutes les tendances
politiques manifestent leurs encouragements, et font de la candidature
féminine un objet de concurrence entre eux. Pourtant, le nombre de
candidatures féminines depuis les élections de 1992 n'a pas
augmenté, et les femmes engagées politiquement ne sont pas
suffisamment soutenues, ni mises en avant par leur parti. A cela, le rôle
des femmes dans les partis est mineur et déterminé. Le principe
d'égalité n'est pas appliqué, et leur présence aux
organes centraux quasi inexistante, à l'exception de quelques rares
partis. Cette situation des femmes révèle, selon Maria Angeles
Lopez, « une carence dans le fonctionnement interne des partis, et un
désintérêt pour la promotion de l'élément
féminin en leur sein, réduisant son rôle à celui
d'un simple appui pour les partis »2(*)4.
Et même si la réforme politique
entreprise par le Maroc a revitalisé la cause des femmes, les
résultats globaux indiquent que cette cause répond plus à
une prise de position politique qu'à des objectifs réels. On
n'assiste pas à une intégration significative des femmes dans le
jeu politique, de même que leurs revendications n'ont pas
été assumées dans les lignes générales des
programmes des partis, à l'exception de quelques rares cas.
Si la situation des femmes est telle, le cas des
jeunes n'est pas meilleur. Les partis et leurs dirigeants reconnaissent
aisément qu'entre les politiques et les jeunes, c'est une longue
histoire d'incompréhension, de désenchantement et de
désillusion. « C'est vrai les jeunes n'ont plus confiance. L'un des
enjeux principaux des prochaines élections est de gagner la confiance
des électeurs, arriver à les sortir de leur sinistrose qui est la
conséquence directe de plus de 20 ans de dévoiement
démocratique. Et la jeunesse de ce pays a été pleinement
affectée par ces pratiques », affirme Nabil Ben Abdallah, membre du
bureau politique du PPS et ancien président de la Jeunesse Socialiste.
Depuis bien longtemps, les jeunes ont appris
à ne plus faire confiance à leurs élus et à tourner
le dos à la politique. « Tous les mêmes, ils ne cherchent que
leurs propres intérêts », est l'un des arguments qui revient
le plus souvent dans la bouche des jeunes pour expliquer leur
désaffection de la sphère politique. A qui en incombé la
responsabilité? Question récurrente aux réponses multiples
et diffuses où se mêle à la fois l'image de partis
discrédités aux yeux des jeunes, une politique autrefois
sécuritaire où engagement rimait avec enfermement et une absence
d'idéal de plus en plus marquée. Le dirigeant usfpéiste
Driss Lachgar est plutôt prompt à le reconnaître. Les
ponts de communication entre les formations partisanes et la jeunesse sont dans
un bien mauvais état. « Il faut apprendre à accepter la
critique et à se remettre en cause. Il s'agit surtout d'apprendre
à écouter les jeunes et ce pour reprendre langue avec eux »,
explique Nabil Ben Abdallah avant d'ajouter que « les partis ne peuvent
plus réagir comme dans les années 1960 ou 70 où une simple
idée, un simple slogan suffisait pour mobiliser. Il faut trouver le
message adéquat à l'adresse de ces jeunes qui vivent des
problèmes concrets et qui attendent des réponses
concrètes »2(*)5.
Les organisations de jeunesse, proches ou dépendantes des partis, leur
ont-elles apporté des réponses? Pas si sûr au regard des
préoccupations de ces structures destinées à accueillir
des jeunes militants. Les organisations de jeunesse se sont transformées
en contre-pouvoir de ces partis dont pourtant elles relèvent. Leurs
revendications, de la réforme de la Constitution à celles des
politiques publiques, ont très peu à voir avec les
préoccupations d'une jeunesse dont de larges franges ne pensent plus
qu'à partir. « La mésentente entre les partis et leurs
organisations de jeunesse existe. C'est même devenu un
phénomène de mode que de faire de l'opposition à sa propre
famille politique. Que penser de ces organisations de gauche qui sont
prêtes à faire alliance avec les jeunes de Al Adl Oua Al
Ihssane?», soupire un dirigeant de la Koutla2(*)6.
Ceux qui s'insurgent contre cette disposition
mettent en avant les complications qu'elle induira, lors des élections
desdites instances. Pour honorer les quotas, il faudra répartir les
candidats aux postes de responsabilités en collèges
différents, et donc procéder à des élections
distinctes. Mais le prétexte technique n'est pas suffisant pour
écarter l'idée, car si cela a bien marché pour le
Parlement, pourquoi pas pour les partis ? Du côté de ceux qui
approuvent la politique des quotas, on regrette que cet article n'ait pas
donné plus de précision. D'abord, la définition de
l'âge en dessous duquel on est considéré comme "jeune".
Ensuite, par mesure d'homogénéité, la fixation d'un
quota minimum de jeunes et de femmes pour tous les partis. Certains proposent
le pourcentage de 10 % pour commencer, par contre, d'autres proposent 50%.
Au niveau de l'organisation des partis
politiques sur le plan national, l'article 23 impose que tout parti politique
doive disposer de structures organisationnelles nationales, avec des
prolongements au niveau régional, provincial ou préfectoral et
local. Pour Ahmed Benchmsi, cet article mériterait d'être
rédigé avec plus de précision, car pour lui le
« Et » ou « ou » cité dans le
texte reste ambigu. Car si c'est le « et » qui
l'emporte, cela induit pour un parti l'obligation de disposer de quelque chose
comme 1500 bureaux à travers le royaume, alors qu'on savait que
même les grands partis n'en ont pas plus de 300. Donc, encore une
disposition qui donne plus de pouvoir au ministre de l'Intérieur pour
bloquer un parti en invoquant le motif qu'il est hors la loi2(*)7.
Parmi les nouveautés de ce projet de loi,
c'est l'initiative d'instaurer une démocratie à
l'intérieur des partis politiques. Dans l'article 24, Le mode de choix
et d'accréditation des candidats du parti aux différentes
consultations électorales doit être fondée sur des bases et
des principes démocratiques. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Qu'avant d'être candidat d'un parti, il faudra remporter un scrutin
interne, comme dans les primaires américaines ? Ce qui va
éliminer d'office la pratique bien connue de la vente des
"accréditations". Si les partis gardent le silence pour l'instant, et
n'osent pas trop protester, d'une manière ou d'une autre, à un
moment ou un autre, ils le feront, car les accréditations rapportent
beaucoup d'argent aux partis, et permettent de parachuter à la
dernière minute les "candidats" dans des circonscriptions que les
états-majors partisans pensent gagner d'avance. Les militants, eux,
détestent cette pratique, qui contrarie leurs ambitions. Luttes internes
en perspective.
1-3 Le rôle du ministère de
l'Intérieur :
Parmi les points qui ont suscité de
très fortes réactions des partis politiques, c'est la
présence quasi hégémonique du ministère de
l'Intérieur, et la marginalisation de la justice. Sur les 53 articles
qui constituent les corps de ce projet de loi, le « ministère
de l'Intérieur » a été cité 16 fois,
contre une présence timide et marginale de la justice, qui a
été cité seulement 3 fois2(*)8. Le ministre de l'Intérieur a les
prérogatives suivantes :
- « Les membres fondateurs d'un parti politique
déposent auprès du ministère de
l'Intérieur un dossier... ».
- « le ministre de
l'Intérieur saisit les personnes citées à
l'article 8 (1er alinéa) dans les soixante jours suivant la date du
dépôt de la demande de constitution, aux fins de
régularisation de leur dossier (...).
A défaut de
régularisation dans le délai prescrit, le ministre de
l'Intérieur prend une décision motivée de rejet
de la demande de constitution du parti. ».
- « Si les conditions de constitution du parti sont
conformes à la présente loi, un extrait de la demande de
constitution du parti est publié au Bulletin Officiel, à
l'initiative du ministre de l'Intérieur »
- «A l'issue du congrès constitutif, un
mandataire du congrès dépose auprès du
ministère de l'Intérieur un dossier comportant le
procès verbal du congrès, accompagné de la liste des noms
de l'ensemble des congressistes ».
- « Trente jours à compter de la date de ce
dépôt, le parti est réputé légalement
constitué sauf si le ministre de l'Intérieur ne
propose la régularisation de la constitution du parti ».
- « Tout changement survenu au niveau des instances
dirigeantes du parti, ainsi que toute modification d'adresse du siège du
parti doivent être communiqués au ministère de
l'Intérieur dans un délai de sept jours ».
- « Les unions ou fédérations de
partis doivent faire l'objet d'une déclaration auprès du
ministère de l'Intérieur ».
- « L'état et les pièces
justificatives des dépenses au titre de la participation de l'Etat au
financement des campagnes électorales générales communales
ou législatives sont examinées par une commission
présidée par un magistrat de la Cour des comptes et
composée de : (...) un représentant du ministère
de l'Intérieur... ».
-« Lorsque les activités d'un parti politique
portent atteinte à l'ordre public, le ministre de
l'Intérieur ordonne, par décision motivée, la
suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux ».
-« La suspension du parti et la fermeture provisoire
de ses locaux sont ordonnées pour une durée de un à quatre
mois.
A la fin de ce délai, et à défaut de demande de
dissolution, le parti recouvre tous ses droits sauf si le ministre de
l'intérieur n'ordonne, dans les formes de l'article 42
ci-dessus, la prorogation de la suspension et de la fermeture provisoire des
locaux du parti pour une durée qui ne peut dépasser deux
mois ».
-« En cas d'inobservation des formalités de
la présente loi, le ministre de l'Intérieur
saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la
situation du parti.
A défaut de régularisation dans le
délai d'un mois, le ministre de l'Intérieur
ordonne la suspension du parti dans les formes et conditions prévues par
les articles 42 et 43 ci-dessus ».
Cette présence si fort du ministère
de l'Intérieur laisse pense que les prometteurs de ce texte croient que
le ministère dispose de suffisamment de légitimité pour se
poser en arbitre neutre de la vie politique, et comme si la scène
politique était pacifiée et que l'État se situait
indiscutablement au-dessus du jeu partisan. Pourtant, pour certains, rien n'est
plus faux, vu son long passif de manipulations et de trucages
électoraux.
Le nouveau projet de loi va permettre donc au
ministère de l'Intérieur de redevenir« mère des
ministères », à qui seul revient le contrôle de
la scène politique, en jouant le rôle qu'il avait joué
auparavant, c'est-à-dire, créer des nouveaux partis,
réactiver les partis moribonds, et coopter les partis politiques qui ne
joue pas le jeu du pouvoir2(*)9.
Par contre, d'autres pensent, que le rôle du
ministère de l'Intérieur dans le processus de constitution et de
fonctionnement des partis politiques ne constitue pas un problème,
puisque d'une part, le projet fait introduire le citoyen qui peut à tout
moment dénoncer un parti qui se met contre les lois fondamentales du
pays ; droit que bénéficie aussi le procureur du roi3(*)0. Cette intrusion peut avoir
lieu aussi bien pour la suspension que pour la dissolution. Et d'autre parte,
on oublie souvent qu'au Maroc, le ministère de l'Intérieur ne
fait pas partie d'un gouvernement, mais c'est un ministère dit
de « souveraineté » qui relève
constitutionnellement du domaine réservé du roi, et donc ce
ministère est une autorité indépendante relevant
directement du Roi.
Face à cette présence
hégémonique du ministère de l'Intérieur, la justice
n'a qu'un rôle secondaire, voir inexistant, puisque à travers les
articles du projet de loi, la justice joue des rôles mineurs3(*)1:
-« Lorsque les activités d'un parti politique
portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur
ordonne, par décision motivée, la suspension du parti et la
fermeture provisoire de ses locaux.
Cette décision est
notifiée aux intéressés. Elle ne peut être
contestée que devant le tribunal administratif de
Rabat.
-« Le tribunal de première
instance de Rabat est compétent pour
connaître des requêtes en déclaration de nullité,
prévues aux articles 4 et 15 de la présente loi, ainsi que des
requêtes en dissolution en cas de non-conformité à la loi,
à l'initiative de toute personne intéressée ou du
ministère public ».
-« En cas de dissolution spontanée, les biens
du parti sont dévolus conformément aux statuts. A défaut
de règles statutaires relatives à la dissolution, le
congrès détermine les règles de la liquidation. Au cas
où le congrès ne se prononce pas, le tribunal de
première instance de Rabat fixe les modalités de la
liquidation à la demande du procureur ou de toute personne
intéressée. En cas de dissolution judiciaire ou administrative,
la décision de justice ou le décret de
dissolution fixeront les modalités de liquidation conformément
aux dispositions statutaires ou par dérogation à
celles-ci ».
2- La réception du texte.
2-1 - Réactions des partis politiques
vis-à-vis du projet de loi :
Passons maintenant au volet relatif à la
réception de cet avant projet de loi par la classe politique. Le premier
constat est que cette mouture a provoqué et provoque encore un grand
débat. Comme on peut le remarquer, la presse écrite et les deux
chaînes de la télévision lui consacrent une place
importante. Il est aisé de suivre (via la presse quotidienne et
hebdomadaire et les émissions télévisées) le
débit des interviews, les déclarations, les prises de position,
les évaluations d'experts en la matière. Il se ne passe pas un
jour sans que cette question ne soit soulevée. Ce constat
d'effervescence, qui marque une participation active, s'explique certainement
par le degré de frustration capitalisée par les acteurs
concernés directement par cette loi ainsi que par l'opinion publique
soucieuse à juste titre des gains politiques potentiels qu'elle peut se
procurer réellement suite à la mise en place des nouvelles
dispositions législatives.
Bien évidemment, à ce jour, les
partis politiques ne se sont pas encore prononcés officiellement sur
cette question, sauf l'USFP et PI, qui ont envoyé un mémorandum
au ministre de l'Intérieur ainsi que certains partis qui ont
publié leur position dans leurs journaux. Quoique émises à
titre personnel, les réactions suscitées jusqu'à
présent par la publication-invitation de l'avant-projet de loi
permettent de cerner de manière prospective la modulation aspectuelle de
l'état de la réponse. On peut résumer la situation
actuelle relative à ce que pourra être la réponse à
venir d'une manière très économique et à la fois
élégante3(*)2. Il s'agit de trois types de réponses :
- le oui,
- le oui, mais,
- le non.
Cette représentation aspectuelle de la
réponse s'articule autour de positions qui oscillent entre le
négatif et le positif avec une variante intermédiaire
constituée à la fois du positif et du négatif. Il faut
donc s'attendre à ce que certains acteurs politiques acceptent cette
livraison législative sans réserves ; que d'autres tout en
l'acceptant ne manqueront pas de souligner leur désaccord par rapport
aux dispositions qu'ils jugeront négatives ; Et d'autres encore
qui, pour des raisons stratégiques et/ou idéologiques, vont la
rejeter. De même, par conséquent, il faut prévoir tous les
amendements que les partis apporteront à ledit projet de loi, pour
remédier aux insuffisances constatées ou aux dispositions qui ne
répondent pas aux attentes en termes de libertés publiques et
politiques, d'idéal démocratique et de respect de l'Etat de
droit. .
L'argument selon lequel l'élaboration de ce
projet s'imposait et que « ce texte est inspiré par la
volonté de réhabilitation de l'action partisane et s'inscrit dans
l'option d'édification de l'Etat de droit et de la
démocratie », émane des principaux partis, aussi bien
de la majorité que de l'opposition. Mais c'est aussi à partir de
ce présupposé, apparemment accepté, que le débat va
prendre la mesure du « oui, mais » ou du
« non ». Ce sont effectivement les questions relatives
à la « réhabilitation », à
« l'Etat de droit » et à la
« démocratie », qui constituent le point de
départ des évaluations produites sur le projet de loi.
Pour ce qui est de la réhabilitation, quand
elle n'est pas affirmée clairement comme c'est le cas pour certains
membres de la gauche unifiée, elle reste implicite dans le discours des
partis de la majorité ou simplement évoquée
latéralement par le président du groupe parlementaire de l'USFP,
Driss Lchgar, élu à la Chambre des représentants et membre
de son Bureau politique, qui a déclaré à l'hebdomadaire
Assahifa3(*)3, en
substance, que le principal responsable de la défiguration de la
dynamique partisane était l'Etat qui a combattu les vrais partis
politiques. Cette donne montre clairement que la
« réhabilitation » relève plutôt d'une
approche systémique qui lie ladite crise actuelle à
l'environnement socio-économique et politique, aux choix
stratégiques du pouvoir et à la nature des règles
constitutionnelles légiférant l'espace public.
Si une réhabilitation devait se faire, elle
concerne donc aussi bien l'Etat que la société et non
exclusivement les partis politiques. Tel est le point de vue de Moustafa Msdad,
l'un des membres du bureau de la gauche socialiste unifiée. En d'autres
termes, il s'agit de la réhabilitation de l'ensemble des acteurs de la
scène politique nationale et des instruments juridiques y
afférents3(*)4.
Tout aussi significative est l'exigence du respect
de l'Etat de droit et de la démocratie. Le titre II du projet de loi
expose les conditions de la constitution des partis politiques. L'article 8
exige parmi ses alinéas notamment « une déclaration
écrite, portant la signature d'au moins 1000 membres
fondateurs. » En général, ce chiffre est jugé
trop élevé voir exagéré. A ce propos, la position
de certains partis de la majorité et de l'opposition est régit
par la logique du marchandage très inégal3(*)5. Bref, ils ne critiquent pas
le principe mais demandent une réduction (ex : PJD propose 150
à 200 ; PPS : 500). Cependant, à la lumière du
principe consacré par la Constitution, loi fondamentale du Royaume, la
principale critique de l'OMDH porte sur ces dispositions parce qu'elles sont en
« violation flagrante avec le principe de l'égalité de
tous devant la loi ». Ceux qui sont contre comme le Parti de
l'avant-garde socialiste (PADS - extrême gauche) disent que «c'est
une aberration» car cela encouragera le phénomène «du
remplissage». D'autres partis traditionnels soutiennent que le Maroc n'a
pas besoin de nouvelles formations, mais plutôt de pôles
politiques. A ce jour, on estime le nombre de partis à 34, dont 26 se
sont présentés aux élections. «C'est trop»,
disent les représentants du pôle haraki (MP, MNP, UD). «Il
faut établir des critères pour arrêter ce foisonnement.
Certains partis naissent uniquement pour profiter des subventions. Le temps est
venu d'encourager les regroupements», soutient Saïd Ameskane, du
Mouvement populaire (MP). Moins tranchant, Saâd Eddine El Othamni du
Parti justice et développement (PJD) pense que le parti doit justifier
d'une représentativité nationale pour être
constitué3(*)6.
«Demander un millier d'adhésions est peut-être
exagéré, mais l'idée est valable», dit-il. Les partis
sont juridiquement assimilés aux associations puisqu'ils sont tous les
deux régis par la loi de 1958, amendée il y a deux ans.
«Mais, dans la pratique, un parti ne peut être assimilé
à une association car il représente l'opinion publique»,
argumente Larbi Messari de l'Istiqlal. Et d'ajouter: «Pour qu'il y ait une
représentativité nationale, on peut envisager que les fondateurs
proviennent de la moitié des régions au minimum»3(*)7.
Personne ne remet en cause le principe de la
liberté de création. Ce qui est demandé, c'est
l'institution de «garde-fous». «Nous ne pouvons pas enlever
à un parti le droit d'être créé. En revanche, nous
pouvons réguler à travers le financement», explique Ali
Belhaj, de l'Alliance des libertés (ADL). Selon lui, c'est au niveau du
Parlement qu'on peut imposer un seuil minimum (loi électorale et
règlement intérieur).
C'est aussi à partir de ce principe que se
trouve rejeté l'article 6 selon lequel tout naturalisé marocain
depuis moins de 5 ans ne peut créer ni un parti politique ni être
membre fondateur d'un parti. Le parti de l'Istiqlal, qui n'en pense pas moins,
préfère par l'intermédiaire, de l'un des membres de son
comité exécutif, d'affirmer que trois membres fondateurs
suffisent. La règle consiste ici à défendre farouchement
les libertés.
C'est encore au nom de la liberté et de la
démocratie que le système de l'autorisation des partis politiques
tel qu'il est présenté dans cet avant-projet de loi
déclenche la foudre des opposants. Le président de l'AMDH affirme
que les dispositions proposées « permettent d'assurer la
domination totale du ministère de l'Intérieur sur les
partis ». « Ce texte ne peut en aucun cas favoriser une vie
partisane démocratique ». Par contre, le président du
groupe parlementaire de l'USFP, ne s'inquiète point de cette
omniprésence du ministère de l'Intérieur dans la mesure
où le recours à la justice reste de toute manière ouvert
en cas de décisions jugées contraires à la loi. Parmi les
solutions médianes proposées pour « éviter que
l'Intérieur n'ait un pouvoir discrétionnaire pour
interpréter la loi », celle du PPS : il est question de
créer une « Commission des partis politiques »
présentée comme une instance présidée par
« le président du Conseil constitutionnel et composée
d'un magistrat de la Cour des comptes, d'un membre du Conseil consultatif des
droits de l'Homme (CCDH), d'un représentant du ministère de la
Justice et d'un représentant du ministère de
l'Intérieur ». Cette option réduirait le rôle du
ministère de l'Intérieur aux démarches administratives et
lui barrerait la route « des appréciations
politiques ».
Le problème de la balkanisation suscite le
même clivage de positions antagonistes. Le niveau des principes
fondamentaux des libertés devant être respectés
obligatoirement ne recouvre pas le niveau où s'expriment les craintes du
« multipartisme anarchique et pléthorique ». Ce qui
veut dire qu'au moment où l'un tente de restreindre l'effet de
balkanisation, l'autre rappelle les principes de base de la démocratie
en dehors des enjeux stratégiques.
A ce propos, la divergence de position est
très nette. Mais la situation n'est pas en fait sans issue. Il suffit,
sans doute, de changer la façon de poser le problème pour trouver
la solution qui satisfasse tout le monde. Les défenseurs des droits de
l'Homme ont certes raison de tenir à leurs principes, mais les
stratèges de la politique n'ont pas tort non plus quand ils pensent
mettre fin à cette balkanisation.
Le projet de loi prévoit un seuil de 5 %
des voix pour pouvoir être représenté au Parlement..
Contrairement à la majorité de la classe politique, le RNI,
l'USFP, le PJD et l'Istiqlal restent favorables à la barre des 5 %. Ils
savent qu'ils bénéficieront de la disparition des petites
formations.
Dans les démocraties occidentales qui
constituent des modèles dont on peut s'inspirer, les partis
n'accèdent pas tous au Parlement. Il existe des règles
législatives, « par exemple, seuil électoral minimal de
voix exprimées au niveau national ; 5% en Allemagne et 10% en
Turquie », « critères d'éligibilité au
financement public des partis » qui rendent plus équitable la
liberté du jeu électoral sans pour autant pénaliser ceux
qui ne désirent pas prendre le chemin des urnes. Il est clair aussi que
la future loi sur les partis politiques implique de facto la révision de
la copie dont nous disposons actuellement sur le système
électoral.
Comme on pouvait s'y attendre, c'est autour de la
question de la « la suspension et de la dissolution d'un
parti » que la position des acteurs politiques est identique :
le rejet unanime des articles 42 à 45 qui se fait au nom de la
démocratie présuppose que de telles décisions
relèvent non pas de l'administration ou du pouvoir exécutif, mais
qu'elles sont du ressort exclusif de la justice, notamment du « juge
constitutionnel (Conseil constitutionnel) ». D'où,
logiquement, la demande de révision de la Constitution pour un
rôle plus déterminant du juge constitutionnel. Quant à
l'AMDH, le texte proposé est inacceptable parce qu'il pénalise
les partis qui « ne participent pas aux élections pour des
raisons politiques (boycott) ou qui sont de création
récente ». Mieux, cet « avant-projet est
destiné de toute évidence beaucoup plus aux partis existants,
pour les domestiquer, qu'à ceux qui seront créés à
l'avenir, s'il s'en crée, étant donné les conditions
très contraignantes pour la constitution des nouveaux
partis ».
Pourtant, une question demeure : A quoi sert
des partis politiques forts et homogènes, si on savait que les
élections n'ont aucune légitimité, puisque le palais passe
des accords avec les partis politiques avant les élections, car les
élections ne doivent pas imposer la carte politique marocaine. Si on
savait que le gouvernement n'a pas les moyens juridiques et politiques pour
pouvoir mener une véritable politique d'Etat. Si on savait que le
gouvernement ne peut pas être responsable devant le Roi, puisque c'est
lui nomme le Premier ministre et, sur proposition de
celui-ci « nomme les autres membres du gouvernement. Il peut
mettre fin à leurs fonctions. Il met fin aux fonctions du gouvernement,
soit à son initiative, soit du fait de la démission du
Gouvernement " (article 24 de la Constitution) ?
Aujourd'hui se pose avec plus d'acuité la question de la
réforme de la Constitution, car tout réforme de la scène
politique marocaine passe par la constitution.
2-2 La question occulte : la reforme
constitutionnelle.
Pendant longtemps, la revendication des
réformes constitutionnelles a constitué la trame d'une
évolution politique et historique chargée de rebondissements.
Elle était menée essentiellement par les partis de gauche. Ceux
dits de droite étaient, en quelque sorte, des "suivistes".
2-2-1 La réforme
constitutionnelle : hier et aujourd'hui.
Dans son discours du trône, le 18 novembre
1956, Mohamed V avait annoncé son intention de réunir une
« assemblée constituante pour élaborer une constitution
dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle, arabe, musulmane et
démocratique », et le 3 novembre 1960, il institua par dahir,
une assemblée consultative de 78 membres, appelée Conseil
Constitutionnel. Cette initiative va échouer notamment du fait de la
non-participation de l'UNFP et du syndicat UMT, importantes forces de gauche
qui exigèrent une vraie constituante. Par contre le PI ne va à
aucun moment, et ce, dès 1956, remettre en cause le principe de sa
participation aux organes de substitution à la représentation
élective que la monarchie s'est efforcée de promouvoir, que ce
soit le Conseil consultatif présidé par Mehdi Ben Barka, ou le
Conseil constitutionnel préside par Allal el-Fassi. Fort de sa position
hégémonique, le PI n'accorde qu'une importance limitée
à la question de la rédaction de la Constitution et de son
adoption3(*)8.
Une fois, Hassan II fut intronisé le 3
mars 1961 comme nouveau roi, il va se libérer de Conseil
Constitutionnel, juge comme organe ambigu et embarrassant, et promulgua, le 2
juin 1961, un dahir constituant une loi fondamentale pour le royaume du Maroc.
Et dans le secret, avec quelques conseillers, élabora lui-même une
constitution relativement libérale (multipartisme ;
bicaméralisme inégalitaire ; élection des membres de
la chambre des représentants au suffrage universel direct ; et des
libertés publiques reconnues) qui sera adoptée le 7
décembre 1962 à une très forte majorité.
Dès 1970, le Roi Hassan II fait adopter par
référendum une autre Constitution jugée cette fois comme
la plus autoritaire de toutes les Constitutions marocaines. La même
année, un Parlement, boycotté par tous les partis politiques, est
mis en place. Commence alors un bras de fer entre la monarchie d'une part et
les partis issus du Mouvement national de l'autre. Au centre de ce rapport de
force, la réforme constitutionnelle.
Dés1984, l'USFP va présenter au roi
Hassan II l'un des premiers mémorandums. A l'époque, cette
formation fustigeait l'engagement du Maroc dans un programme d'ajustement
structurel dont les conséquences, sur le plan social, se manifesteront
très rapidement. La volonté de réforme était plus
économique que politique. Plus tard, en 1989, la tenue du Vème
congrès de l'USFP était l'occasion pour cette formation de
réclamer une réforme constitutionnelle. Au coeur de celle-ci, les
statuts du gouvernement et du Parlement. Des prérogatives royales, il
n'était guère question. Rééquilibrer le pouvoir
Exécutif et Législatif était la principale demande de
cette formation et ce, à travers deux objectifs constitutionnels
très liés : Renforcer le statut du Premier ministre, ses
pouvoirs, le champ de son action, en assurant en même temps une
légitimité populaire plus avérée. Une
légitimité qui passe par l'élection de la Chambre des
représentants au suffrage universel direct.
La fin des années1980 et le début
des années 90 sont marqués par un bouleversement international
profond : chute du mur de Berlin, déclin de l'idéologie
communiste, écroulement du bloc communiste. C'est le moment qui sera
choisi par l'USFP et l'Istiqlal pour présenter au roi Hassan II un
manifeste dans lequel ils revendiquent des réformes constitutionnelles.
Ils réitèrent les mêmes revendications, mais
proposèrent également la création d'un Conseil
constitutionnel, en remplacement de la cour constitutionnelle, et une
affirmation explicite des droits de l'Homme tels qu'universellement reconnus.
Ils exigent pour le Premier ministre un statut plus autonome et des pouvoirs
plus larges. L'essentiel de ces demandes a été retenu dans la
constitution révisée en 1992. Le roi préparait, de ce
fait, la mise en place d'un vieux rêve : l'alternance politique,
mais qu'il mènerait lui-même. Voire qu'il octroierait à ses
propres conditions. Mais il échoue dans un premier temps, en 1993. Il
décide alors de poursuivre le bras de fer avec l'USFP et l'Istiqlal. Et
pour confiner la revendication loin de la question de la séparation des
pouvoirs, il annonce l'imminence d'une réforme constitutionnelle portant
sur le bicaméralisme. Il invite ainsi ces partis à
réfléchir sur le statut des deux Chambres, retient certaines de
leurs propositions, et soumet un nouveau projet de constitution au peuple, en
1996. Cette fois, tous les partis, à l'exception de l'OADP, y
adhèrent.
Pourtant, la crédibilité de ses
demandes de réforme constitutionnelle contraste avec la perte de
légitimité de ces mêmes demandes par la gauche
gouvernementale. L'USFP s'est décrédibilisé sur le sujet
en utilisant la réforme de la Constitution comme moyen de
négociation avec la monarchie alors que celle-ci doit être l'Objet
de la négociation. Soutirer des postes gouvernementaux en
menaçant de revendiquer une réforme constitutionnelle revient
à dévaloriser celle-ci3(*)9.
Dans cette lutte engagée par les partis
de gauche, pour instaurer une réforme constitutionnelle, ce n'est
qu'à partir de 1996 que les partis de droite, dits de l'administration,
formés essentiellement par la mouvance populaire, le RNI et l'Union
constitutionnelle, ont été de simples "suivistes". Et les
quelques "réformettes" qu'ils avaient proposées,
particulièrement dans le courant des années 1990, ne portaient
pas sur la conception du pouvoir, notamment sur la question de la
séparation des pouvoirs.
En 1994, et après l'échec de la
première tentative d'alternance, la publication des mémorandums
est une pratique politique largement admise, le panorama politique étant
déjà structuré en deux pôles : la Koutla et
l'Entente (Wifak). Ce dernier regroupe justement les partis de droite, dont les
revendications d'une réforme constitutionnelle étaient
focalisées sur des thèmes politiquement secondaires, comme le
droit de vote des émigrés marocains, la régionalisation,
le statut de la deuxième Chambre, etc. L'on se souvient que, concernant
cette dernière question, le mémorandum du Wifak, à un an
de la révision constitutionnelle de 1996, avait tout simplement
proposé que la future Chambre des conseillers marocains s'inspire du
modèle français. En ce sens, l'action de ces partis avait
davantage l'allure d'une stratégie d'équilibre politique assez
conjoncturelle, face à la présence de la Koutla, que d'une
véritable volonté de réformer la Constitution. "La raison
en est simple : les partis de l'Entente n'étaient pas dans une
logique de rapport de force avec la monarchie, contrairement à ceux de
la Koutla", estime un politologue4(*)0.
Aujourd'hui seules des formations de gauche non
gouvernementales, qui regroupent Fidélité à la
Démocratie, le PADS, Annahj Addimocrati, le CNI et la GSU continuent
d'exprimer une telle revendication, et faisant de la réforme
constitutionnelle le coeur des leurs revendications.
Le dernier épisode de cette série
d'actions menées pour une reforme constitutionnelle est le texte
publié par Mustapha Ramid, l'ex-président du groupe
parlementaire du PJD. Pour Ramid, tout débat sur la réforme
constitutionnelle au Maroc se doit prendre en considération un
triptyque de base : islam, monarchie et démocratie.
Pour l'islam, Ramid pense que toute réforme
constitutionnelle ou politique se doit d'être fondée
essentiellement sur la religion de la nation. Mais cet Etat islamique doit
refléter la libre volonté de la nation islamique et le consensus
aussi bien des individus que des groupes. Si Ramid accepte la monarchie comme
forme de gouvernement, il pense qu'il faut remettre en question les
attributions royales législatives et exécutives, ainsi que le
statut du Roi comme commandeur des croyants. Pour la démocratie,
l'ex-président, voit que la démocratie peut être un
mécanisme institutionnel, même dans un pays islamique. Mais
l'usage sera différent. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il nie les
principes de la démocratie comme la liberté d'expression, la
séparation des pouvoirs, la garantie de la liberté d'opinion, et
autres libertés et droits conformes aux préceptes et aux
finalités de l'islam4(*)1.
2-2-2 Ce qu'on reproche à la
constitution:
Au terme des différentes constitutions
(1962, 1970, 1972) et des reformes constitutionnelles octroyées (1980,
1992, 1996), deux corpus se côtoient. L'un représente la tradition
makhzénienne, l'autre une certaine
« modernité ». Dans la première tradition, il
y a ce que certains analystes appellent la
« supra-constitution » ou le noyau dur de l'édifice
constitutionnel. Il s'agit de l'article 19, 35 et 72, touchant au domaine du
pouvoir royal. Ce noyau demeure le même, parce qu'on ne peut pas y
toucher, au risque d'ébranler tout le système bâti au cours
de la période post-indépendance. Conformément à
cette « supra-constitution », le roi est, à la
fois, arbitre, commandeur des croyants et chef de l'Etat4(*)2.
Le roi comme arbitre :
Le roi est un arbitre actif. Il a tous les moyens
nécessaires pour exclure tout joueur ne respectant pas les règles
du jeu qui sont floues et informelles relevant de la qa'ida (règle de
conduite). Le roi tient cette fonction de son titre religieux d'arrière-
petit-fils du Prophète. Le recours à l'arbitrage royal permet de
consolider le champ traditionnel du commandeur des croyants. Ce commandeur est
un père protecteur de « ses enfants faibles ». On
s'adresse à lui, au besoin, pour demander réparation, pardon,
etc. Il est aussi le chef, le Guide suprême, exerçant un pouvoir
profane et un pouvoir sacré.
Le champ d'arbitrage permet au chef religieux
d'être au-dessus de tous les groupes et donc de hisser la monarchie au
sommet de la pyramide de contrôle. Ce champ est associé au champ
traditionnel du commandeur des croyants
Le roi comme commandeur des
croyants :
Ce champ se caractérise par l'inexistence
de médiateurs entre le commandeur des croyants et la communauté
des musulmans. En tant que commandeur des croyants, le monarque est le
premier « Alim » du pays (savant en sciences
religieuses), ce qui signifie la centralité et l'unité du
pouvoir. Cette centralité est consacrée constitutionnellement.
L'article 19 donne au chef religieux un pouvoir général d'action
et d'interprétation s'imposant à tous parce qu'il est de nature
supérieure et sacrée. Il intervient quand sont mis en cause
l'Etat, l'unité de la nation, l'islam, la constitution, les droits et
libertés des « citoyens », groupes et
collectivités, etc. Ainsi, le roi a les mains libres pour juger et
apprécier en toute latitude ces différentes circonstances.
Le roi comme chef d'Etat :
Le commandeur des croyants est chef de l'Etat. Il
est chef suprême des forces armées. Il nomme aux postes civils et
militaires, accrédite les ambassadeurs, signe et ratifie les
traités. Il nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier,
les autres ministres ; il met fin à leurs fonctions. Il promulgue
la loi. Il préside le Conseil des ministres, le Conseil supérieur
de l'enseignement, le Conseil du plan, le Conseil supérieur des
magistratures par dahir, il nomme les hauts fonctionnaires civils et militaires
et les magistrats, exerce le droit de grâce et nomme le président
de la Haute Cour. Les jugements sont rendus et exécutés en son
nom. Le contenu de ses messages ne peut faire l'objet d'aucun débat.
L'immunité parlementaire est levée si des opinions
exprimées par des députés manifestent un manque de respect
à l'égard du roi, ou une remise en cause du régime
politique ou l'islam. Le chef d'Etat peut en tant que souverain, par simple
dahir ou discours, dissoudre une institution, neutraliser une loi quelconque.
Il contrôle et verrouille la production normative à toutes les
étapes. L'institution monarchique centralise l'essentiel des pouvoirs et
contrôle largement le processus décisionnel. Une distribution
équitable des pouvoirs entre les différents acteurs politiques
fait toujours défaut.
Face à cette hégémonie
royale, et la présence quasi écrasant de l'institution royale
dans le paysage politique marocaine, certains partis politiques pensent que la
réhabilitation du champ politique passe par la réforme de la
constitution, puisqu'il est la clé de voûte de système
politique marocain. Pour eux, il ne suffit pas de promulgue une loi sur les
partis politiques pour que la scène partisane trouve sa vitalité.
Il faut d'abord que la constitution, source de toute loi, soit
réforme.
En premier lieu cette réforme doit concerne
les pouvoirs royaux, la relation entre le Roi et le Premier ministre, les
relations avec le gouvernement, et enfin le Parlement.
Que propose donc ces acteurs politiques ? Il
faut d'abord souligne que ces propositions ne sont pas homogènes, et que
chaque parti a sa propre vision des choses, ce qui n'empêche pas que sur
certains points, il y a convergences des points du vu4(*)3.
En ce qui concerne les pouvoirs du Roi, une
première tendance propose de réécrire le début de
l'article 19 comme suit : "le roi, Amir al Mouminine, représentant de la
nation, symbole de son unité, assure par son arbitrage la garantie de la
pérennité et de la continuité de l'état", le reste
de l'article peut reste sans changements.
Une deuxième
tendance est encore moins conciliante à l'égard des
"superpouvoirs" royaux. Selon elle, il faudraitabord ôter son
caractère "sacré" à la personne royale, puis, cela fait,
scinder sa fonction religieuse du reste de l'article 19. Une fois Imarat al
Mouminine isolée, il faudrait la définir avec précision,
de manière à la restreindre au champ religieux. Ainsi, le roi ne
pourrait plus se prévaloir de son titre religieux pour faire passer des
décisions politiques - ce que Hassan II a fait
régulièrement, substituant une source de légitimité
à une autre dès qu'il était en panne d'arguments.
Une troisième
tendance va encore plus loin. Oui, l'article 19 devrait être
réduit à la seule fonction religieuse du roi. Mais il devrait
être réécrit ainsi : "Le roi porte seul le titre d'Amir al
Mouminine et représente une autorité symbolique en matière
de fatwas". Cette même tendance estime que le roi devrait être
"représentant de l'état" (même raisonnement que la seconde
tendance, contreseing des dahirs inclus), et que "sa fonction centrale est
l'arbitrage" (même raisonnement que la première tendance). Par
ailleurs, cette troisième tendance, détailler les fonctions du
roi : il serait ainsi commandant suprême des forces armées royales
(article 30, qu'il faudrait déplacer ici), de même qu'il aurait la
possibilité de dissoudre le gouvernement et le Parlement (dont il
inaugurerait les sessions) et de décréter l'état
d'exception (contresigné, puisqu'il s'agirait d'un dahir, par le Premier
ministre). Il accorderait aussi le droit de grâce (à ne pas
confondre avec les lois d'amnistie, qui devraient être votées par
le Parlement) et délivrerait, enfin, des discours à la nation
(mais seulement après que leur contenu a été entendu, et
pourquoi pas validé par le conseil des ministres). L'avantage de lister
des fonctions aussi précises, c'est que toute interprétation
abusive des pouvoirs royaux deviendrait, de jure, exclue.
Une quatrième
tendance clôt le débat sur les pouvoirs du roi. Et prend à
contre-pied les 3 autres puisque pour elle, non seulement Imarat al Mouminine
devrait être citée dans un article qui lui soit propre, mais en
plus, elle devrait passer du statut de fonction royale à celui de
"structure de pouvoir globale et intégrée, et
présidée par le roi". Dans cette structure, on intégrerait
Majliss al Ouléma (assemblée des docteurs de la loi religieuse),
Majliss al Ifta'e (assemblée - à créer - proposant les
fatwas) et d'autres instances, auxquelles il faudrait réfléchir.
Toutes ces instances auraient en commun d'être indépendantes des
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
Une cinquième tendance émerge, et
elle est isolée de toutes les autres, car jugée bien trop
radicale. Sur le fond, elle est d'accord avec les autres sur le diagnostic :
telles qu'ils sont formulés aujourd'hui dans la Constitution, les
concepts d'Imarat al Mouminine et de sacralité font du roi un acteur
intouchable de la scène politique, ce qui est inacceptable puisqu'il en
est un acteur autant que les autres. Il faudrait donc supprimer la
sacralité, point final.
En ce qui concerne la relation entre le Roi et son
Premier ministre, il y a une première tendance qui propose que le roi
nomme comme Premier ministre celui qu'a la majorité parlementaire. Une
deuxième tendance propose avec certain nuancée que le roi nomme
comme Premier ministre, celui qui dispose d'une majorité parlementaire.
Par contre, une troisième tendance, propose que le roi nomme le Premier
ministre après consultation avec les partis politiques disposant d'une
majorité au Parlement. Une quatrième tendance propose, quant
à elle, que le roi nomme comme Premier ministre celui choisi parmi les
personnalités appartenant aux partis représentés au
Parlement.
En ce qui concerne les relations avec le
gouvernement, certains proposent une répartition claire des taches entre
les deux conseils (du gouvernement et des ministres) de manière à
abolir la dualité qui existe, à accélérer les
procédures et à renforcer les attributions du Premier ministre.
Il s'agirait de préserver au roi ses attributions de chef de
l'état (représentation à l'étranger, commandement
de l'armée, etc.) et de transférer l'essentiel de ses
prérogatives en tant que chef de l'exécutif (validation des
projets de lois, questions sectorielles, etc.), au conseil du gouvernement. Ce
dernier devrait également nommer les hauts représentants de
l'état chargés d'appliquer les orientations gouvernementales
(ambassadeurs, walis, gouverneurs, secrétaires généraux
des ministères, directeur de la police, etc.). Tant que le conseil des
ministres servirait essentiellement à informer le roi des principales
options gouvernementales, à solliciter ses orientations (à titre
indicatif) et aussi, très important, à tenir le gouvernement
informé de la teneur des discours royaux à la nation - discours
que le roi ne pourrait délivrer qu'après avoir obtenu l'aval du
gouvernement.
Une deuxième tendance
tient plus compte des rapports de force actuels. Tout en admettant la
nécessité de consacrer, dans la Constitution, un article aux
attributions du conseil du gouvernement, elle le voit mal se substituer
à l'autre conseil, dirigé par le chef de l'état, et dont
l'importance resterait décisive. Ainsi, les questions exceptionnelles
ayant trait à la souveraineté (état de siège,
déclaration de guerre, projet de révision de la Constitution,
dissolution du Parlement) devraient rester du ressort exclusif du roi. Et
même des questions dites " de politique générale "
(à déterminer) ne devraient pas être
délibérées hors du conseil des ministres. Cette tendance
tolère que des décrets (et non des dahirs royaux) soient
exclusivement soumis au conseil du gouvernement. Quant aux nominations, elle va
même plus loin et concède au Premier ministre la
possibilité de nommer directement (c'est-à-dire sans validation
royale) les directeurs centraux des administrations publiques. Objectif de
cette tendance : responsabiliser le Premier ministre tout en préservant
les équilibres macro-politiques.
Reste enfin les relations avec le Parlement.
Toutes les tendances sont pour que le Maroc soit doté d'un Parlement
fort et efficace. Concernant la deuxième chambre, l'unique solution
viable (proposée à l'unanimité) serait d'en faire "un
conseil national, regroupant les représentants des régions". En
étant réduite à "un rôle consultatif", cette
assemblée pourrait être complémentaire à la
première chambre, les fonctions exécutives des élus
régionaux étant exercées dans les assemblées
régionales.
Concernant sa fonction première, celle
d'émettre des lois, l'article 56 serait réécrit ainsi :
"L'ordre du jour de la première chambre comporte la discussion des
propositions de lois qui en proviennent et des projets de lois
déposés par le gouvernement". Plus question d'une autorisation
préalable de l'exécutif ni d'une "priorité" qui
reléguerait les propositions des parlementaires au second plan. Si cette
formulation ne passe pas, on accorderait au moins "une fois par mois à
la première chambre le soin d'établir un ordre du jour
libre ».
Concernant la fonction de contrôle et
d'enquête de la première chambre, on propose (toujours à
l'unanimité) des amendements ciblés et concrets. La chambre
pourrait "interroger les acteurs publics de son choix". C'est-à-dire,
notamment, ceux qui dépendent du Palais (comme le Haut commissariat au
Plan ou les fondations sociales). Elle pourrait aussi "nommer des commissions
de contrôle ponctuelles". Quant aux traditionnelles commissions
d'enquête, la première chambre aurait la latitude d'en "solliciter
la création par un vote du tiers de ses membres" (au lieu de la
majorité requise aujourd'hui).
Pour donner encore plus de poids au Parlement face
à l'exécutif, il faudrait lui permettre d'agir plus efficacement
sur les finances de l'état. Aujourd'hui, les élus valident la loi
de finances, qui détaille le budget annuel prévisionnel de
l'état. Mais une fois l'année budgétaire
écoulée, ils sont censés, aussi, vérifier si
l'argent a bien été dépensé comme prévu.
Quant à l'immunité parlementaire, dont profitent de multiples
élus indélicats, il est possible d'en atténuer la
portée sans en toucher le principe (universel). Pour ce faire, la
solution serait que l'arrestation d'un député continue à
nécessiter une autorisation préalable du Parlement... mais qu'un
député puisse être librement poursuivi par la justice en
cas de malversations. Une peine pourrait même être prononcée
contre lui, mais elle resterait en suspens jusqu'à ce que l'autorisation
tombe... ou qu'il ne soit pas réélu.
Maintenant, la balle est dans le camp de
l'institution monarchique. Pourtant, rien ne permettre de dire, pour l'instant,
que la réforme de la constitution constitue une priorité,
même s'il paraît que selon certaines sources que des conseillers du
Roi sont en train de plancher sur une réforme constitutionnelle. Si le
Roi hésite encore, c'est parce que cela aboutirait à une
réduction de ses pouvoirs, au bénéfice de la classe
politique. Vu l'état de cette dernière, le Maroc n'est pas
prêt à un tel bouleversement.
Si tel est l'argument officiel, certains pensent
qu'il n'est pas dénué de pertinence. Un
rééquilibrage des pouvoirs bénéficierait en effet
à des partis pas très portés sur la démocratie et
qui n'ont que peu de compétences à proposer. Il est tout aussi
vrai que le Palais est plus doué que les partis pour dénicher de
bons profils, et les placer aux commandes exécutives du pays.
Conclusion :
Pour le ministre de l'Intérieur, le premier
tour des consultations vient de s'achève. Cet avant-projet de loi n'est
qu'une première mouture, pour engager le débat et sonder les avis
des partis politiques. Mais le verdict est sévère. Les partis ont
fait l'unanimité contre lui, incitant l'Intérieur à
revoir sa copie.
En effet, ce projet a été
considérer comme liberticide, et certains points ont fait
l'unanimité des partis politiques majorité comme opposition et
des organisations des droits de l'homme comme les articles 42 et 45 relatifs
à la suspension et à la dissolution des partis politiques, qui
attribuaient ce pouvoir à l'administration. Et les articles 8 et 13 qui
exigeant 1 000 membres fondateurs et un minimum de 1500 congressistes pour
qu'un parti puisse être constitué ont été
également décriés par les responsables politiques. Avec
ces dispositions et bien d'autres les partis craindrent une loi qui ferait de
toute tentative de création de parti une entreprise titanesque.
Mais, ce que ils craignent le plus c'est l'emprise de l'Etat sur les partis ce
qui reviendrait à les affaiblir, donc à les
décrédibiliser davantage. Face à ces critiques, le
ministre de l'Intérieur a affirme que toutes ces considérations
vont être prises en compte dans la mouture définitive et que ce
projet de loi va subir des remodelages et des retouches.
Quelles sont alors les retouches apportées
au projet de loi sur les partis ? La grande nouvelle, qui devrait soulager les
partis, est que le pouvoir de dissolution ou de suspension d'un parti est
donné à la Justice, au lieu du ministère de
l'Intérieur. Si le principe de la liberté de constitution des
partis n'est pas totalement adopté, le nouveau projet en assouplit les
conditions, fixant le nombre de fondateurs à 300 au lieu de 1 000 comme
le prévoyait la première mouture. Il en va de même pour le
nombre de congressistes, ramené à 500, chiffre autrement plus
raisonnable que les 1 500 requis dans l'avant-projet initial, ce qui aurait
posé des problèmes logistiques et matériels pour les
petits partis.
Concernant le financement de l'action politique,
l'éligibilité à l'aide publique se fera en fonction de la
représentativité des partis à l'échelle nationale
et locale. Pour les petits partis qui n'atteindraient pas le pourcentage de
voix requis pour être éligibles, ils auraient la
possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix
atteigne le seuil d'éligibilité. Ils pourraient ensuite se
partager la subvention étatique. Cette disposition a été
remodelée afin de ne pas léser les partis politiques à la
représentativité électorale limitée mais au
rayonnement intellectuel important.
Toujours à propos du financement,
l'article 38 de l'avant-projet, stipulant qu'une commission
présidée par un juge de la Cour des comptes et composée
d'un juge de la Cour suprême, d'un représentant de
l'Intérieur et d'un inspecteur des finances examinerait les
dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de
l'Etat dans le financement des campagnes électorales, a
été modifiée et simplifiée. Seule la Cour des
comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors
des élections.
De ces quelques exemples ressort la volonté
de l'Etat de normaliser le champ politique tout en gardant un minimum de
conditions. L'acte de constituer un parti n'est pas entièrement libre de
toute entrave ; il n'en demeure pas moins que le ministère de
l'Intérieur n'a plus le pouvoir discrétionnaire de juger des
intentions d'un groupe de personnes désireux de se constituer en parti
politique. Si la nouvelle mouture est adoptée, toutes les personnes qui
satisfont aux conditions de la loi pourraient avoir un parti, même si
leur acceptation des fondamentaux n'est que formelle. Auquel cas, il
appartiendrait à la justice d'en juger.
Deuxième partie : Le financement des partis politiques.
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Souvent considéré comme sujet tabou,
le financement des partis politiques a toujours été
entouré de secrets et des zones d'ombre. Du financement secret au
financement étranger en passant par l'argent de la drogue, l'argent des
partis n'a pas cessé de susciter la polémique.
Si l'Etat, et dès 1986, alloue chaque année une
somme de 20 millions DH comme aide aux partis politiques, la question de la
réglementation et de la transparence n'est pas encore acquise.
Avec le nouveau projet de loi, l'Etat veut mettre
de l'ordre dans la comptabilité des partis, et encourage la transparence
de leur financement. L'Etat va donc participer au financement des campagnes
électorales des partis politiques et leur accorder une aide annuelle
pour aider à leur gestion. Le montant de la subvention devrait
être fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des
deux chambres du Parlement. Ces subventions étatiques sont cependant
soumises à la tenue des assises nationales des partis politiques. Ces
derniers sont , par ailleurs, interdits de recevoir des aides
financières- directes ou indirectes - des collectivités locales,
des institutions publiques et des sociétés où l'Etat
dispose d'une participation au capital, ainsi que toutes subventions ou
aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une
personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une
personne ne portant pas la nationalité marocaine.
Donc avant d'analyser les dispositifs de ce
nouveau projet de loi concernant le volet financement, et le comparer avec
les législations d'autres pays, on va essayer de décrire la
situation actuelle de financement des partis politiques marocains, à
savoir : les ressources des partis, les subventions de l'Etat, la question
de la transparence.
A- le soutien de l'Etat aux partis
politiques.
Dès1986, et suite à une lettre
royale, l'Etat alloue chaque année une somme de 20 millions DH, comme
aide aux partis politiques, aux syndicats, et à la presse. Il s'agit des
subventions en faveur des groupes parlementaires, de l'aide à la presse
et à l'organisation des campagnes électorales. Pour
bénéficier de ce soutien, l'Etat a défini deux
critères comme conditions obligatoires que chaque parti politique doit
remplir :
1 - la participation aux élections.
2 - avoir des parlementaires, puisque le nombre de
parlementaires définit la somme que chaque parti va recevoir.
1-Les subventions aux groupes
parlementaires :
Même si leur existence n'est pas
expressément reconnue par la constitution qui n'évoque les partis
politiques que dans article 3, les groupes parlementaires jouent un rôle
essentiel au sein du parlement. C'est la raison pour laquelle ils
bénéficient d'un certain nombre de facilités et moyens
nécessaires à leur fonctionnement. Des locaux leur sont
affectés à l'intérieur du parlement, des frais de
fonctionnement font l'objet d'une prise en charge partielle par le budget de
chaque chambre. L'aide versée est proportionnelle au nombre de
parlementaires inscrits dans chaque groupe. En outre, il faut relever que les
membres des groupes parlementaires versent une cotisation à leur parti.
Et dans la mesure ou les liens sont étroits entre les partis politiques
et les groupes parlementaires, les divers moyens dont bénéficient
ces derniers peuvent être considérés comme des
facilités dont bénéficient indirectement les partis
politiques.
Au Maroc, l'article 51, le règlement
intérieur du Parlement, donne aux groupes parlementaires, le droit de
disposer des moyens matériels et humains à l'intérieur du
Parlement (bureaux, organisme administrative...) pour la gestion de leurs
affaires. Il donne aussi le droit aux groupes parlementaires de choisir leurs
fonctionnaires, soit parmi les fonctionnaires du Parlement, ou à
l'extérieur, avec l'accord du président du Conseil des
représentants. Le nombre de ces fonctionnaires n'obéit pas
à une règle écrite, mais l'habitude fait que chaque groupe
obtient un maximum de fonctionnaires qui peut aboutir à 12 personnes, et
chaque fois qu'un groupe a plus de 12 parlementaires, il a le droit d'ajouter
un fonctionnaire. Ces fonctionnaires obéissent à un ordre
hiérarchique. On trouve au sommet, le chargé des études,
suivit d'un conseiller, d'un adjoint administratif supérieur, un
adjoint administratif, et enfin un secrétaire, et un auxiliaire. Le
président du groupe a le grand pouvoir sur ces fonctionnaires. Il peut
faire appel à des fonctionnaires du Parlement, ou faire appel à
d'autres fonctionnaires provenant d'autres administrations. Il a aussi la
possibilité de signer des contrats avec d'autres cadres hors de
l'enceinte du Parlement et hors de la fonction publique. Souvent, ces
critères restent des règles formelles, on ne les respecte pas. En
effet, les présidents des groupes dans leur pratique, choissent des
personnes proches, et d'autres embauchent des cadres et des militants de leur
parti.
2- La participation de l'Etat au financement
des compagnes électorales
La participation de l'Etat au financement des
compagnes électorales constitue une autre forme de subvention en faveur
des partis politiques. Il se différencie des autres subventions par son
aspect occasionnel, puisqu'il est attribué à chaque
échéance électorale. Cette échéance a
été limitée, selon la constitution de 1996, à 5 ans
pour les élections parlementaires et à 6 ans pour les
élections municipales.
La participation de l'Etat prend la forme d'une
somme d'argent définit pour chaque échéance
électorale. Il est distribué selon les résultats
électoraux ou à partir d'une somme limitée aux voix
obtenues.
En Grande-Bretagne et en Suisse, il n'existe aucune
participation de l'Etat au financement des compagnes électorales, sauf
que les partis britanniques peuvent bénéficier de la
gratuité des courriers destinés à la propagande
électorale, ainsi que les salles publiques, afin de faire leurs meetings
électoraux. A l'inverse, en Italie, le remboursement des partis
politique, à l'occasion des élections législatives,
européennes et régionales, et les référendums
populaires reste la seule forme de soutien public à l'égard des
partis politiques italiens. En Espagne, le gouvernement prend en charge les
dépenses des compagnes électorales, à chaque
élection nationale, municipale, ou européenne. Les sommes
accordées aux partis politiques, à l'occasion des
élections législatives, prennent en compte le nombre de
sièges et de voix obtenus. La loi espagnole possède aussi des
dispositions avantageuses réservées au financement des
publicités électorales.
Au Maroc, le soutien donné par l'Etat, ne
peut être considéré comme un soutien aux élections,
mais un soutien aux partis politiques, pour faire face aux dépenses des
compagnes électorales. C'est pour cette raison que les candidats ne
bénéficient pas de soutien, et surtout les candidats
indépendants.
Ce soutien public n'englobe pas toutes les
échéances électorales, il se limite aux élections
municipales et législatives et exclut les élections
législatives de la deuxième chambre, ainsi que les
élections partielles destinées à remplir une chaise
parlementaire vide à cause du décès de son
propriétaire, ou suite à l'annulation des résultats d'un
district électoral.
Ce soutien a été organisé
selon les dispositifs du décret n° 2.92.721 du 28 septembre
1992, et ce sont les mêmes dispositifs que le code des élections
va raffermir : l'Etat participe au financement des campagnes conduites par
les partis politiques participant aux élections municipales ou
législatives.
Cette participation de l'Etat est destinée
aux dépenses concernant l'affichage, les documents électoraux, et
les rassemblements électoraux. La somme totale accordée par
l'Etat est définie par décret fait par le Premier ministre, selon
une proposition du ministre de l'Intérieur, de la Justice, et des
Finances à l'occasion de chaque échéance
électorale. Mais d'autres parties sont aussi consultées à
l'image de la commission nationale des élections et
jouent un rôle capital dans la définition de la somme
allouée aux partis.
La distribution de cette subvention est le travail
d'une commission spéciale qui doit respecter certains critères
définis par l'article 27 du décret 2.92.721, à propos du
nombre de candidats, le nombre de voix, et enfin le nombre de sièges
gagnés par chaque parti politique. Il faut souligner que la distribution
de la subvention selon le chapitre 4 du même décret se fait en
quatre étapes : la première, limitée à 20% de
la subvention, est distribuée avant la fin de la date de
déposition de candidatures, ce qui veut dire que chaque parti voulant
participer aux élections peut bénéficier de subvention
sans tenir compte de son implantation géographique, ni de sa
représentation au Parlement ou dans d'autres institutions
représentatives. Ce même parti à le droit de se retirer de
l'élection avant même sa fin, et personne n'a le droit de
l'obliger à rester, ni même de l'obliger à rendre les
sommes qu'il a bénéficiées, puisqu'il n'y a pas une loi
qui pénalise ce genre de comportement. Ce qui laisse les portes grandes
ouvertes aux partis qui veulent seulement bénéficier de
subventions sans pour autant participer à l'élection.
Après la fin de la déposition des
candidatures, les partis politiques bénéficient du
deuxième volet de la subvention limitée à 30% de soutien.
Le critère de distribution est le nombre de candidats de chaque parti.
En réalité, cette étape transforme les partis politiques
en « entreprises politiques », avec la vente des
accréditations sans s'intéresser aux siéges.
Si 50% de la somme des subventions se distribue
avant la participation effective des partis au scrutin, la deuxième
moitié (50%) se distribue après les élections selon deux
critères :
- le premier concernant les sièges
gagnés par chaque parti politique (25%).
- le deuxième concernant les voix obtenues
sans compter les voix des candidats qui n'ont pas passé la barre 5% des
voix (25%).
Cette procédure va être
changée avec les élections de septembre 2002, puisque le nouveau
critère pour avoir de subvention sera (50%) des voix et (50%) des
siéges, avec annulation de toute possibilité pour les partis
politiques de bénéficier de soutien avant le scrutin, sauf des
crédits accordés à certains partis politiques.
En jetant un coup d'oeil aux décisions du
Premier ministre prises avant les élections législatives et
municipales de 1992 et 1993, on trouve que les sommes dépensées
par l'Etat est de 120 millions de DH (60 millions pour chacune). Cette somme va
atteindre le chiffre de 210 millions DH, pour les élections municipales
de 1997, et 120 millions DH pour les élections législatives. Ce
qui veut dire que les élections législatives de 1997 ont
coûté autant que les élections législatives et
municipales de 1992 et 1993 réunies.
B - Ressources propres aux partis
politiques :
1 - Les cotisations :
Les cotisations constituent une ressource
spécifique des formations politiques. Elles sont même un
élément fondamental puisque c'est en principe leur versement qui
permet d'obtenir la qualité de membre d'un parti. Soulignons seulement
ici que les cotisations, c'est-à-dire « les sommes
versées pour adhérer à un parti ou un groupement
politique » sont spécifiques aux partis et qu'elles donnent
droit à y jouer un rôle. Elles ne sont pas, pour l'essentiel,
soumises à des règles particulières. Leur régime
est comparable à celui des dons.
Au Maroc, les cotisations ne constituent pas une
source importante de financement du fait de leurs caractères
minimalistes, et de la difficulté pour en obtenir. Les partis les
récupèrent avec souplesse afin de ne pas gêner les
adhérents. Et les exemples sur la scène politique marocaine sont
abondants. L'un des responsable de l'OADP, (avant qu'il intègre le GSU)
précise que « la question financière constitue un
vrai problème pour l'organisation, je pense que le fait d'avoir comme
adhérents que des catégories sociales populaires et
défavorisées(...) explique bien ce
phénomène ». Un responsable du PS brosse le
même tableau : « les cotisations sont toujours
irrégulières ». Et un autre responsable de
même parti ajoute « pour nous le handicap c'est le
refus de 95% des adhérents à verser leur cotisation,(...)certains
pensent que le parti à des fonds secrets, et ils ignorent que si le
parti fonctionne, c'est grâce aux dons des membres du bureau
politique ».
Certains rapports financiers publiés par
certains partis politiques, à l'occasion de leur congrès,
montrent bien cette situation. L'USFP montre, dans l'un des ces rapports,
qu'entre 1989 et 2000, les cotisations vont atteindre 210.405 DH, et si on
prend on compte la totalité des recettes durant la même
période qui sont de 26.742.147 DH, cela veut dire que les cotisations ne
représentent que 0.79% de la totalité des recettes. Et dans
l'année qui suivit, elles vont représenter 0.54% de la
totalité des recettes qui atteindront 3018200 DH. Pour le FFD, dans son
rapport financier pour la période 1997/2000, publié à
l'occasion de son premier congrès en avril 2001, il ne mentionne en
aucun cas les abonnements des membres du parti, il parle plutôt des dons
des membres et des sympathisants, et il a limité ces dons à 85000
DH, ce qui représente 3.71% des recettes (2.288.242.00). Si on calcule
la part de ces cotisations par rapport aux recettes et dépenses des
partis politiques, on trouve que les partis ont du mal à remplir leurs
activités avec ces cotisations. Prenons l'exemple de l'USFP, il se
trouve que les abonnements des ses membres n'arrivent pas à remplir les
dépenses de n'importe quel secteur parallèle du parti, que ce
soit le secteur féminin ou de la jeunesse du parti dont leurs
dépenses ont atteint 271.489 DH pour le premier, et 3.090.525 DH pour le
second.
Du fait de l'insignifiance des ces cotisations
dans le financement des partis, les partis politiques n'ont pas
élaboré de statuts pour ces cotisations, ni pour les cartes
d'adhésions. Mais des partis (ex : PI) exigent les cotisations
avant de délivrer les cartes d'adhérents. Mais c'est loin
d'être la tendance et selon un ancien responsable de
MP : « dans notre parti, on a pas un statut interne qui
oblige les membres du parti à payer leurs cotisations »
avant d'ajouter qu'il y n'a pas de cartes d'adhésions. Cette situation
hors norme non seulement prive les partis des cotisations mais rend aussi
difficile la possibilité de savoir le nombre d'adhérents.
Cette situation problématique va se
complexifier, puisqu'on assiste à un certain changement de rôles.
C'est le parti qui maintenant est obligé d'attribuer des revenus
à ses adhérents, ce que Daniel Kaksi désigne sous le terme
de « les indemnités de la lutte partisane ».
Pour certains, l'action politique est devenue une source de rente et
d'enrichissement1(*). Tous
ces chiffres et données montrent bien le rôle très
limité des cotisations dans le financement des partis, et expliquent
aussi la grande tendance chez les partis politiques de compter soit sur le
financement illégal, ou soit sur le financement de l'Etat, ce qui pose
la question de leur capacité à garder leur indépendance.
2- La participation des parlementaires ou
« l'impôt partisan » :
Parmi les ressources des partis politiques, on
peut citer les mandats des élus. L'élu donne un pourcentage de
son salaire à son parti du fait que c'est grâce au parti qu'il a
pu avoir cette fonction, et donc c'est au nom du parti qu'il exerce cette
fonction.
A partir de ce constat, la participation des
élus est considérée comme « un impôt sur
le revenu » partisan versé au parti. Cette participation
reconnue mondialement comme une règle partisane est devenue une
ressource importante pour les partis politiques du fait de la baisse des
cotisations des adhérents.
Au Maroc, les parlementaires obéissent
à un régime financier spécial caractérisé
par la limitation d'une somme de participation unique. Mais, même si les
partis politiques ont approuvé dans leurs statuts internes ce principe,
la limitation varie d'un parti à l'autre.
Le statut interne de l'USFP oblige les usfpistes
qui exercent des fonctions officielles au sein d'une institution
représentative, de participer avec une partie de leurs salaires. Et il a
laissé le soin au bureau politique de déterminer cette somme,
limitée entre 4000,00 DH pour les parlementaires et 8000,00 DH pour les
ministres. Le MP a limite cette somme à 1500,00 DH pour chaque
parlementaire, et pour l'UC, cette somme a été limitée
à 1000,00 DH pour chaque parlementaire. Pour les dirigeants de ces deux
partis, il ne s'agit que d'une participation symbolique.
Cette participation des parlementaires a atteint,
chez le PJD, 2500 DH, avant de devenir après les élections de
2002, une sorte d'obligation, puisque chaque parlementaire est obligé de
signer une charte, dans laquelle il promet de donner une somme mensuelle de
3000 DH au parti, sur le plan central, et 3000 DH au secrétariat local.
Pour le PI, cette somme est de 2500 DH (5000 DH pour les ministères), et
pour le RNI, 2000 DH pour les parlementaires, et 3000 DH pour les ministres.
Reste à savoir que la grosse somme demandée par un parti, c'est
l'OA, puisque cette somme atteint 7000 DH pour chaque parlementaire.
La relation financière entre les
représentants et les partis varie selon qu'on fasse partie
des « partis du mouvement national » ou
« les partis d'administration ». Dans ces derniers, cette
relation est de nature fragile, pour deux raisons : la première, la
fragilité structurale de ces partis, la deuxième, c'est que un
grand nombre de ces représentants n'ont l'accréditation
qu'après avoir donné une somme d'argent au parti, dans le cadre
de ce qu'on appelle « l'achat
d'accréditations ». Il faut noter que cette relation
financière ne concerne pas toutes les responsabilités
exercées par les représentants du parti, au sein des institutions
représentatives ou non- représentatives, pourtant, cette relation
même si imposée par les statuts internes, elle n'est pas
très respectée. Le paiement des sommes prévues est
irrégulier, voir même inexistant.
Le FFD loue le rôle joué par ses
parlementaires dans le support des charges du parti et un responsable
déclare : « la participation de notre groupe
parlementaire ne réside pas seulement dans les sommes données au
parti, mais aussi le bénévolat militant, et la prise en charge
des dépenses imprévues, et les charges des activités au
niveau national et local, ainsi que le soutien apporté à notre
journal ». D'autres partis se plaignent du refus de leurs
parlementaires de respecter leurs obligations. Le responsable financier du MP a
déclaré que « la participation des parlementaires
qui est une importante ressource du parti, est devenue quasi inexistante, nos
parlementaires n'ont participé qu'une seule fois depuis 1993, avec une
somme de 1500,00 DH, pour chaque représentant ».
Et même si la participation des
parlementaires reste primordiale dans le budget de l'USFP, puisque la part du
groupe gouvernemental a atteint 2,687,000 DH, en 1999 et 2000, soit 0,01% des
recettes du parti entre 1989 et 2000, et la part des représentants, pour
la même période a atteint 43% tandis que la participation des
conseillers était de 4% pour la période de 1997 et 2000, cela n'a
pas empêche l'ex-trésorerie du parti de critiquer le non-respect
des représentants sur leurs engagements financiers, surtout que ces
dernières années, le parti a connu une sorte de rébellion
des parlementaires, qui ont exigé : Premièrement, la
réduction de leur participation de 4000,00 DH à 2500,00 DH.
Deuxièmement, un refus de donner leur participation pour une certaine
période. On remarque le même phénomène chez le RNI,
puisque seulement trois parlementaires sur 106, paieront leurs participations.
Certains pensent que ce comportement des parlementaires trouve son origine dans
le sentiment que le parti ne donne rien en contrepartie de ces participations
financières. Najbe El Ouzzani (ex-responsable de MP) a
révélé : « les parlementaires de notre
parti argumentent leur refus de donner régulièrement les
participations mensuelles, par le fait que le parti n'a fournit aucun soutien
lors des élections, seulement des tracts que les candidats n'utilisent
souvent pas ; pour les autres dépenses, c'est au candidat de se
débrouiller seul ». Et dans le cas déjà
évoqué de l'USFP et la rébellion de ses parlementaires, on
trouve le sentiment approuvé par ces parlementaires d'être
éloignés dans la prise de décision, et le fait de rien
savoir sur l'utilisation de leur argent. Mais certains dirigeants du parti
affirment que la position adoptée par ces parlementaires a un
objectif : rapporter des gains sur le plan organisationnel, surtout que
cette position est adoptée à un moment de forte tension :
les préparations du 6ème congrès du parti.
L'incapacité des parlementaires à
honorer leurs engagements devant leur parti, touche aussi les ministres. C'est
ce qu'un rapport financier, exposé à l'une des sessions du
comité central de l'USFP, a critiqué fortement. Et c'est la
même critique qui va se reproduire à l'occasion du 6ème
congrès, évoqué plus haut. On note le même cas chez
le RNI, selon des sources internes, seuls, deux ministres donnent leurs
participations.
Pourtant, certains partis ont relevé le
défi. Au sein du PPS, la participation de ses parlementaires est
régulière. Selon certains responsables du parti, les ministres
versent directement leurs salaires d'élus à la caisse du parti,
et se contentent du salaire de la fonction qu'ils occupaient avant dans la vie
civile. Ce qui pourrait être exceptionnel dans la vie politique
marocaine, si cette information s'avère vraie.
Le PJD, à son tour, connaît le
même phénomène. Il faut noter qu'à l'occasion des
élections de 2002, certains candidats ont été
rejetés, du fait qu'ils ont tardé à verser leurs
participations au parti. Pourtant, ce retard est d^u à une sorte de
protestation contre le montant de cette participation, jugé trop lourd,
ce qui a poussé l'administration du parti à revoir sa
position.
Ce genre de financement du parti, pose selon les
observateurs, trois problèmes :
1- la volonté des parlementaires d'avoir
seuls le droit de limiter le pourcentage de leurs participations.
2- la volonté de guider l'ensemble de la vie
partisane, ainsi que le droit de contrôler la dépense de leurs
argents, et la manière de sa distribution sur les activités et
les domaines d'action du parti.
3- la prise en compte dans la limitation du
pourcentage de leurs participations, de ce qu'ils dépensent dans leurs
circonscriptions électorales puisque leur réussite au parlement
dépend, en premier lieu, du soutien des électeurs.
Certains parlementaires profitent de ce dernier
point, pour se désengager de leurs engagements vis-à-vis du
parti. La réalité de la vie parlementaire marocaine montre bien
qu'un parlementaire, une fois les élections gagnées, il coupe les
liens avec ses électeurs2(*).
.
C- La problématique du financement au
sein des partis politiques
1- Financement des partis et la question de la
transparence.
La question de la transparence dans la gestion du
financement des partis est très importante du fait que l'argent
attribué aux partis doit être dépensé selon les
objectifs désignés. C'est pour cette raison que certain pays ont
élaboré des lois concernant la transparence financière.
Comme le cas de la France, avec la loi du 11 mars 1988, ainsi que la loi du 29
janvier 1993, concernant « la lutte contre la corruption et
la transparence de la vie économique et les marchés
publics ».
Au Maroc, l'absence d'une telle loi, rend la
gestion financière des partis politiques obscure. En effet, Cette
absence de transparence se pose à plusieurs niveaux. Le plus important,
c'est l'ignorance totale des membres des partis du patrimoine de leurs
partis, et le manque de rapports financiers annuels réservés
à la gestion financière des partis. Personne ne connaît
exactement la liste des biens ou les comptes bancaires des partis politiques,
ni les moyens de leur financement, ni la liste de leurs sponsors, ainsi que les
domaines où l'on dépense cet argent, ni les rétributions
des personnels des partis politiques... Si le Dahir des libertés
publiques a donné à chaque parti, en plus d'acquérir les
cotisations des membres du parti, le droit d'achat et vente comme n'importe
quelle personne naturelle, les partis ont pu se procurer des sièges
sociaux centraux ou provinciales, des journaux, des revues et des imprimeries,
ainsi que des comptes banquiers. Souvent les partis politiques ne
déclarent pas ces biens, et du coup, les membres du parti, et parfois
même des dirigeants ne savent rien sur ces biens.
Cette question des biens pose un autre
problème, celui de l'enregistrement, puisque souvent ces biens sont
enregistrés au nom du secrétaire général du parti,
ou au nom de délégué du parti sur le plan local (pour les
biens locaux). Et en d'autres cas mais limités, au nom d'un membre
fondateur ou membre du bureau politique. On trouve même - mais c'est
très rare- les biens du parti prendre la forme d'une
société anonyme où les membres du bureau politique sont
des actionnaires. Les biens de presse du parti sont aussi enregistrés au
nom du secrétaire général du parti, ainsi que les comptes
bancaires du parti (si ce parti a un compte bancaire). Donc, dans tous les cas
les biens du parti sont enregistrés non au nom du parti, mais au nom des
personnes.
Cette méthode d'enregistrement des biens
partisans a suscité des tensions dans de nombreux partis. Pour certains,
si cette méthode existe, c'est pour une raison : garder les biens
du parti contre les scissionnistes qui réclamaient ces biens comme
leurs droits partisans. C'est pourquoi ce dispositif est devenu une loi
reconnue au sein de tous les partis politiques, au point que les scissionnistes
ne réclament plus le partage des biens, puisqu'ils savent
déjà qu'ils sont enregistrés au nom d'autres
adhérents influents. Et ces mêmes scissionnistes reproduisent la
même procédure, quand ils constitueront leur propre parti
politique.
Pourtant, ce phénomène n'est pas
récent. Si on prend l'exemple du PI, on voit qu'à un certain
moment de son histoire -l'époque du protectorat- où le parti vit
dans la clandestinité, les biens du parti ont été
enregistrés au nom du président du parti. Après, c'est au
nom du secrétaire général après la disparition du
statut de président avec la mort de Allal El Fassi. A partir de
l'indépendance, le parti va connaître une série de
départs collectifs de ses militants - soit suite à la scission,
ou soit pour adhérer à d'autres partis, ou soit un retrait de
l'action politique. Ces départs vont se distinguer par des séries
de dérobades des biens du parti, ce qui va pousser le parti a
enregistré ses biens au nom de son secrétaire
général, avec l'obligation pour ce dernier, de signer un autre
document qui montre que ces biens sont la propriété du parti.
Les problèmes posés par les biens
matériels sont aussi posés par les biens moraux, et ça
concerne exclusivement le nom du parti en cas de scission. Dans les
années 2001/2002, trois affaires ont été exposées
devant la justice, pour le même motif : qui a le droit de garder le
nom du parti ? . Dans la première affaire, la justice a
décidé que le nom du parti restait au profit du plaignant qui
n'était ni d'autre que le secrétaire général de
l'USFP, contre certains membres du parti, qui ont essayé en 2001 de
déposer une demande pour faire leur congrès au nom du parti. Dans
le deuxième cas, la justice a donné raison aux personnes
incriminées, qui sont les membres de bureau politique du parti CS, qui
ont destitué, après un congrès exceptionnel, le fondateur
du parti, ainsi que son secrétaire général. Le
troisième cas, ce qui était désigné comme
« l'affaire El Chabiba El Itihadia et l' USFP »- il s'agit
d'une réunion du comite central de Chabiba tenue par le
secrétaire général de l'USFP, sans le feu vert du bureau
national de Chabiba. La justice n'a pas encore tranché dans cette
affaire. Pour certains, cette problématique trouve sa source dans les
statuts internes des partis politiques, puisque ces statuts proclament le
président, ou le secrétaire général, comme le
représentant juridique du parti. C'est pourquoi chaque fois qu'il y a
scission au sein du parti, chaque clan réclame le nom du parti.
D'ailleurs, la justice considère le droit du nom revient à la
personne au nom duquel le parti a été enregistré,
même si les dissidents sont nombreux. C'est le cas en 1983, avec certains
dissidents de l'USFP, et qui ont gardé le même nom pendant 10 ans,
mais en fin de compte, ils ont changé le nom de leur parti en PADS. Le
même scénario va se reproduire en 2001, avec d'autres dissidents
de l'USFP, et qui ont fini après une année de changer le nom du
leur parti en CNU3(*).
A ce problème de déclaration des
biens du parti, il faut ajouter l'absence des rapports comptables. Si les
statuts internes des partis politiques insistent sur l'obligation d'exposer les
rapports financiers à chaque session devant les instances du
parti : comités centraux, conseil national...durant toute
l'année, la pratique des partis ne corresponde pas à ces
dispositifs. Seulement, il reste le congrès national comme l'unique
occasion pour exposer ces rapports mais certains partis ne se plient pas
à cette obligation.
En 2001, sept partis politiques ont fait leur
congrès. Sur ces sept partis, seulement quatre vont exposer leurs
rapports financiers (USFP, FFD, PSD, RNI), et sur ces quatre, deux vont publier
ces rapports à travers leur presse. Et sur sept partis, un seul a
publié le rapport financier réservé aux recettes et
dépenses de congrès, lors de sa tenue (FFD). Il faut ajouter que
sur ces sept partis, deux ont formulé un rapport sur une période
longue (l'USFP, 1989/2000, l'RNI, 1984/2000), ce qui rend le contrôle de
ces rapports difficiles, voir même impossibles. Certains parlent
même d'une méthode préméditée par les
dirigeants des partis politiques pour entraver tout contrôle, voir
même le rendre impossible. Et même si ces rapports ont
été publiés à temps, on remarque qu'ils se limitent
à décrire les dépenses et les recettes, sans rentrer dans
les détails.
Ce manque de transparence et ce grand secret qui
entoure la question financière chez les partis politiques ne peuvent pas
trouver leur unique explication dans la volonté des partis de cacher les
trous de leurs rapports, mais dans une sorte de culture adoptée par
toute la classe politique, et qui devenait un objet structurant du champ
politique. C'est « la politique secrète », comme la
qualifie un certain chercheur marocain, et c'est ce que va affirmer Ahmed
Elmsyoi, l'un des dirigeants de l'UC : « il existe une
culture du secret chez tous les partis politiques marocains, puisque la
totalité des militants dans les partis ne savent rien sur le financement
de leur parti, le principe chez les dirigeants : c'est cultiver le
mystère afin que personne ne sachet notre vraie force ou
faiblesse »4(*)
.
2- Le financement secret de la vie partisane au
Maroc :
S'il n'existait pas de financement public global,
ni de réglementations du financement avant la lettre royale de 1986, il
serait cependant excessif de prétendre que rien n'existait
jusqu'à cette date. Ce qui veut dire que la décision de
subvention publique aux partis politiques, dès 1986, n'est qu'une
reconnaissance publique de la part de l'Etat de ce qui a été un
soutien secret. Si ce soutien n'a pas concerné tous les partis, il a
toutefois concerné au moins la majorité.
Ce soutien secret de l'Etat est resté
longtemps comme matière de discussion entre les intéressés
du champ politique, sans pouvoir pour autant le prouver avec des documents ou
preuves matérielles. Ce sont ces mêmes discussions qui ont nourri
la polémique entre les partis dits « nationaux
démocratiques » et « les partis du
Makhzen », où les premiers taxent les derniers de
bénéficier de soutien financier et logistique
secret de l'Etat. Cette situation forte longtemps mystérieuse,
commence à s'élucider avec le changement politique qu'a connu le
champ politique marocain, notamment avec l'émergence d'une presse
indépendante qui a pu transgresser les murs du silence qui entourent les
partis politiques, ainsi que l'Etat. Du coup, ce qui était rumeurs
à certain moment, est devenu des données relatées par des
acteurs politiques, eux-mêmes étaient témoins ou
acteurs dans l'affaire.
C'est dans ce sens que Mohamed Eljabri raconte
qu'en 1977, lorsqu'il était membre de bureau politique de l'USFP :
« avant le départ de la compagne électorale -les
élections de 1977- j'ai rendu visite à Abdraheme Bouabid, et il
m'a dit en souriant : Drisse Basri m'a rendu visite avec une valise de
120 millions centimes, il a dit que c'est pour soutenir notre parti dans sa
campagne, je lui explique que je ne peux pas accepter cette valise et qu'aussi
le parti ne peut accepter de telles choses, et s'il y a une vraie
volonté d'aider le parti dans le financement de sa campagne
électorale, que ça soit par décret. Du coup, le ministre
de l'Intérieur est parti avec sa valise». Eljabri
ajoute : « après quelques jours, je suis
repassé chez Bouabid, et j'ai su que le ministre de l'Intérieur
a rendu visite à Elyajgi, et il a laissé la valise de 120
millions centimes chez lui. Bouabid a décidé de garder la valise
jusqu'à la fin des élections, et après il va voir comment
la rendre à son propriétaire, et il a chargé Lahbabi de
cette affaire. La valise est restée donc chez Lahbabi qui dépose
la somme dans la banque, jusqu'à l'adoption d'un décret de
soutien public aux partis politiques. A ce moment, le bureau politique a
décidé que cette somme est légale, et donc l'utiliser dans
l'achat de son siége de Rabat ». Eljabri
poursuivit : « c'est ça l'histoire de la
décision de l'Etat de soutenir les partis politiques dans leurs
compagnes électorales, c'est clair que le but de la valise offert
à l'USFP n'est pas la préparation de terrain devant la
décision de soutien public, mais un pas parmi d'autres pour coopter le
parti contre l'honnêteté des élections. Et les autres pas
sont : la proposition d'un accord préalable sur les
résultats des élections, et l'exigence de l'abandon de la
candidature de Bouabid à Agadir ».
Si
ce « témoignage » montre bien que la
décision de l'Etat de soutenir publiquement les partis politiques n'est
qu'une reconnaissance d'une réalité qui a existé
déjà, d'autres témoignages vont confirmer cette
réalité, en insistant sur le fait de recevoir des aides de
l'Etat, à une époque où ces aides sont
considérées comme illégales. Parmi ces témoignages,
celle de Abdallah El Kadri, le secrétaire général du PND.
Il dit qu'à l'époque où il était secrétaire
général du parti, il a reçu 2,5 millions DH, comme don de
Hassan II, avant d'ajouter que son parti va être honoré une
deuxième fois avec un don royale de 1 million DH.
Ces deux témoignages montrent aussi les
positions des partis politiques à l'égard de ce soutien. Si les
partis de gauche le refusent et le considèrent comme moyen de corrompre
les partis, comme le témoigne les propos de Bouabid, les partis de
droite, à l'inverse, le considère comme un honneur, voire
même de la « baraka ».
Mais il faut relativiser ces positions puisqu'on
trouve dans le témoignage d'El Jabri que El Yazghi a accepté de
garder la valise, ce qui permet de parler de pluralité des positions au
sein d'un même parti politique. La rareté de ces témoignes
montrent bien le grand secret qui entoure ce sujet, soit de la part de l'Etat,
ou soit par les partis politiques eux-mêmes. Certains pensent que cela
revient au fait que la révélation de ces secrets, peut avoir des
effets néfastes sur la vie politique, et spécialement pour la vie
partisane. Pour d'autre « la culture du secret » qui domine
le champ politique marocain enchaîne encore les acteurs politiques et ne
leur permet pas de telle révélation. Si parfois il y a eu des
révélations, c'est pour des règlements de compte,
à cause des conflits partisans. Mais, dans ce cas on reproche à
ces révélations leur manque de pertinence, du fait que le
révélateur mélange l'information avec sa propre
interprétation5(*).
Il faut ajouter que le soutien secret de l'Etat
aux partis politiques peut prendre d'autres formes qui allient le licite
à l'illicite. Parmi ces formes :
-les dons, les cadeaux, et les récompenses
offertes directement au membre de l'élite politique (permis de
pêche, facilité bancaire...).
- la création d'un grand nombre de
conseils, de circonscriptions électorales, et différents
comités afin d'offrir des postes à l'élite politique.
C'est ce qui explique la très forte inflation institutionnelle que vit
le Maroc, et qui pose la question sur l'utilité de ces institutions,
puisqu'on note souvent l'existence, par exemple, des conseils consultatifs
privés de cadres juridiques et de compétences précises,
parfois même, on trouve des conseils qui font la même chose. Ce qui
montre clairement que leur création répond à des objectifs
politiques prémédités qu'à autre chose.
- La participation des cadres des partis, dans des
recherches, des activités, des études. Pourtant, des preuves
solides montrent que le choix de ces cadres a été fait sur leur
appartenance partisane que sur leur savoir-faire académique.
- Le silence de l'Etat sur les transgressions
commises par les partis politiques dans la gestion des institutions
publiques.
- La primauté donnée à un
certains nombres d'entrepreneurs, de professions libérales, et bureaux
d'études, dans des opérations commerciales ou boursières,
à cause de leurs appartenances partisanes.
- Le bénéfice des crédits,
avec des taux de remboursement réduit, ce qui explique pourquoi les noms
de certains responsables politiques figurent dans les rapports de
contrôle des instituons publiques.
3- Le financement étranger dans la vie
partisane :
Selon le Dahir des libertés publiques de
1958, les partis politiques comme les associations à caractères
politiques sont obligées d'être constitués et de
fonctionner avec des fonds purement nationaux. Et tout parti ou association
à caractères politiques ne respectant pas cette clause, est puni
d'un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 20.000 à
100.000DH.
Pourtant, la vie partisane et politique a connu
l'intrusion des fonds étrangers. Et même si ce sujet est une zone
grise pleine de polémiques, d'approximations, de mystères et de
légendes, il est peu contestable que certains candidats et partis aient
fait appel à des ressources en provenance de l'étranger pour
assurer leurs activités politiques. Il n'est pas possible de ne pas
envisager de telles recettes. Le chercheur marocain, Aballah Saaf, envisage ces
recettes dans la vie politique marocaine, pour deux raisons :
- L'existence des liens forts entre certains
partis politiques marocains et deux organisations mondiales : les
mouvements communistes, et les mouvements de
libérations arabes. Certaines sections de ces mouvements ont
lutté avec le mouvement national et progressiste marocaine, et elles se
sont soutenues matériellement et moralement.
- Deuxième raison, la situation politique
des partis marocains de gauche, dans les années noires de
répression « les années de plomb ».
Privé de moyens d'action et menace dans leur existence, au moment
même où l'Etat verse des sommes colossales à des partis
fantômes (partis de Makhzen), la possibilité d'accepter des fonds
en provenance des mouvements amis peut être compris dans une logique de
légitime défense, et de combler les déficits financiers.
Après, la situation a évolué
dans un autre sens, et du coup, ces fonds étrangers vont devenir
inadmissibles par les militants. C'est dans ce sens que le témoignage de
Fqih El Basri est utile pour confirmer l'existence de ces liens financiers
entre certains partis politiques marocains et certains pays étrangers.
Fqih El Basri raconte dans sa biographie : « on ne peut
pas oublier le service rendu par Ben Bella, le président algérien
à l'époque pour nous aider à acheter une imprimerie pour
notre parti, et il n a pas hésité à nous rendre
service ». Fqih El Basri, à une autre occasion, a
donné plus de détails : « à propos
de l'imprimerie et la maison d'édition, je suis parti chez Ben Bella, et
il m'a dit est ce que 200 millions ça suffirait ? (...) Et je crois
que cette somme de la part de nos frères algériens n'est qu'une
réponse au navire d'armes envoyé de notre part à la
révolution algérienne ».
Ce qui ressort de ce témoignage de Fqih El
Basri, c'est qu'il parle de l'aide à partir de contexte de la
coopération et la coordination entre certains mouvements nationaux et le
mouvement de libération nationale algérienne. Et donc
l'Algérie, selon Fqih El Basri et d'autres résistants, ne peut
être considérée comme un pays étranger. A ce
témoignage, il faut ajouter le témoignage d'un membre du MP qui
évoque la question des fonds étrangers reçus par son
parti, dans les années quatre-vingts dix, en provenance de pays du Golf.
Et même si ce témoignage confirme les rumeurs à propos des
liens financiers entre des partis politiques marocains -surtout ceux
désignés comme des partis du Makhzen- et certains pays du Golf,
il reste à prouver ces liens, surtout que les concernés refusent
tout commentaire. Et d'autre part, ce témoignage arrive à un
moment où le témoin quitte son parti après un conflit, ce
qui touche la crédibilité de ce témoignage, et donne
l'occasion à ces adversaires d'attribuer son témoignage comme
calomnie à l'encontre du parti.
Pourtant, la vie politique marocaine ne manque pas
de ce genre de liens, comme le cas de l'UNFP, avec certain pays et mouvements
politiques du Maghreb et du Machrek. Et le cas de certains partis de Droite
marocaine avec des pays du Golf. Ainsi que le cas du PPS avec le mouvement
communiste international. Et même si le PPS ne cache pas ces liens
politiques et idéologiques, surtout avec l'URSS, reste que les
témoignages et les documents qui prouvent ces liens financiers sont
très faibles.
Les dirigeants du PPS insistent sur leur
indépendance financière vis-à-vis de ce mouvement, car
ils savaient déjà que c'est illégal. Et aussi parce qu'ils
craignent que l'Etat exploite ce motif pour dissoudre le parti. En sachant que
l'Etat a déjà dissout le parti deux fois. La première
fois : quand il avait encore le nom de Parti Communiste Marocain avec
comme motif son incompatibilité avec la religion musulmane ! Et la
deuxième : quand il change de nom pour devenir PPS. Cette fois,
parce qu'il représente un danger pour le régime monarchique en
place.
Pourtant, les rumeurs à propos de ce genre
de financement concernent trop les mouvements islamistes marocains, puisque
dans les dernières années, ces mouvements ont été
le plus soupçonnés d'avoir reçu des fonds
étrangers, surtout de l'Arabie Saoudite, de l'Iran, et de tous les pays
et des organisations désignées sous le nom
de « l'international islamiste ». Mais on retourne au
point de départ, puisque au-delà de la négation des ces
mouvements et de l'affirmation de leur indépendance vis-à-vis de
l'étranger, il n'y a pas de documents et chiffres accablants6(*).
4- Les fonds privés et les partis
politiques :
La position des pays à l'égard du
financement privé est différente, entre ceux qui ont permis aux
partis politiques de recevoir des fonds privés, soit de la part des
entreprises privées, ou soit des individus. Et ceux qui ont interdit
cette possibilité. Le Maroc a choisi cette dernière option. Dans
l'article 6 du Dahir de libertés publiques, le législateur a
limité les ressources financières des partis politiques dans les
cotisations de ses membres qui cotisent d'un seul coup, à condition de
ne pas dépasser les 250 DH. L'objectif de cette interdiction, c'est la
crainte que l'indépendance des partis politiques devienne objet de
chantage.
Le danger du financement privé des partis
politiques réside dans la relation de soumission qui peut être
créée entre les partis et les donateurs, surtout que ces derniers
ont une certaine tendance à l'ingérence dans les décisions
internes du parti. Cette ingérence peut se limiter au choix des
candidats pour les élections, mais il peut aussi arriver à
changer les statuts internes des partis. De plus, ce genre de financement est
néfaste pour la démocratie, car il ne garantie pas
l'égalité entre les partis politiques, et donc il est à
l'encontre du financement public. Il y a aussi le danger que les trafiquants de
drogue ou les organisations criminelles puissent intervenir dans les
décisions politiques, c'est pourquoi ce genre de financement a
été interdit. Même la France, qui a laissé,
à partir de 1988, aux entreprises privées le soin de donner des
fonds aux partis, a été obligée, suite aux scandales
financiers et à la corruption, de promulguer une autre loi en 1995 qui
interdit tout financement privé7(*).
Pourtant, l'interdiction des fonds privés
pose deux remarques : la première, le décalage entre le
droit et le fait social, puisque les fonds privés ne sont jamais loin de
la vie partisane. La deuxième remarque, c'est que ce genre de
financement suscite des rumeurs entre les hommes politiques, sans pour autant
disposer de preuves ni de documents pour les rendre crédibles. Et
même si certain pays ont interdit toute implication des fonds
privés dans le financement des partis politiques, ils connaissent encore
la présence de ce phénomène. Mais les règles de
transparence, et les mécanismes de contrôle adoptés par
l'Etat, pour suivre les comptes des partis, ont permis de lever le voile sur ce
phénomène, et de le sortir de son aspect secret, en
dévoilant certains scandales dans ce domaine.
Au Maroc, et dans les dernières
années, l'ingérence des fonds privés dans la vie partisane
est devenue une réalité concrète. La preuve : les
pressions exercées par le ministère de l'Intérieur,
à l'occasion de deux échéances électorales (les
élections municipales de 1992 et de 2003), sur certains candidats, parmi
lesquels, on trouve des anciens élus et des parlementaires qui
exerçaient encore leur fonction au Parlement, pour qu'ils retirent leur
candidature, à cause de leur implication dans le trafic de drogue.
Ce récit laisse certaines questions sans
réponses : pourquoi le ministère de l'Intérieure a
préféré seulement interdire leur candidature au lieu
d'engager des poursuites judicaires ? Et est-ce que cela ne constitue pas
une violation de la constitution, puisqu'il n'y a aucune poursuite judicaire,
ni aucune preuve qui prouve leur culpabilité ? Certains
observateurs ont remarqué que parmi ceux à qui ont a
empêché de se présenter, il y a ceux qui sont encoure des
parlementaires. Donc comment se fait-il qu'on soit éligible dans une
élection et inéligible dans une autre ? La même
logique adoptée par le ministère de l'Intérieur, on la
trouve aussi à l'occasion du contrôle des comptes d'un certain
nombre de collectivités locales, fait par le même ministère
et où au lieu de poursuivre les présumés coupables, il a
seulement brandi la menace des poursuites devant le Parlement8(*).
Au-delà du profil adopté par l'Etat,
le fait de parler de ce sujet, montre bien à quel point la drogue est
très présente dans la vie politique, surtout partisane. Ce qu'a
déjà révélé l'Observatoire
géopolitique des drogues (OGD) avant sa disparition en 1999 -
officiellement pour des raisons budgétaires- dans son rapport de 1993
et qui avait provoqué, certaines années, de très vives
réactions au Maroc. Dans ce rapport, l'OGD écrivait : «
En réalité, les narcotrafiquants ne défendent pas
d'idées révolutionnaires. Ils sont, au contraire, les
alliés objectifs des autorités. Dans les zones rurales, ils
incitent la population à soutenir les militants et les candidats des
partis de droite sous prétexte qu'ils sont favorables à la
culture du kif. Lors des campagnes électorales les trafiquants
fournissent les fonds nécessaires à l'achat des voix. Enfin, au
moment des consultations, le « petit personnel » des
réseaux (prostituées, petits revendeurs, transporteurs) est mis
au service des politiciens pour les distributions de tracts, le collage
d'affiches jusqu'au contrôle des bureaux de vote en passant par les
règlements de comptes avec les candidats adverses (...). Tant au niveau
local qu'au plan national, l'argent du trafic contribue au financement des
partis politiques ». Il y a aussi le témoignage accablant
de l'ancien ministre des Droits de l'Homme, Mohammed Ziane, avocat
célèbre et controversé, qui a déclaré
à la revue Al Majalla al Maghribia que le RNI, un des partis
administratifs longtemps dirigé par Ahmed Osman, beau-frère de
Hassan II et ancien Premier ministre, avait été
créé « grâce à l'argent de la
drogue »9(*).
Il faut noter que le rôle joué par
l'argent sale dans les élections marocaines est critique, puisqu'il
devient l'élément déterminant dans l'élaboration de
la carte électorale. Et du coup, il remplace d'autres moyens
utilisés avant (falsification des résultats, vol des
urnes, ...). Pourtant, ce phénomène pose un autre
problème, celui du comportement de l'Etat et de la justice. Car
même s'il y a à chaque échéance électorale
des plaintes dans ce sens qui condamnent l'utilisation de l'argent sale,
l'intervention de l'Etat ou de la justice est rare.
D- Le nouveau projet et la question
financière :
Face à cette situation critique du
financement des partis politiques où les frontières entre le
licite et l'illicite ne sont pas bien définies, les promoteurs de ce
projet de loi sur les partis politiques pensent trouver le remède, en
élargissant la participation de l'Etat au-delà des subventions
aux campagnes électorales, et en augmentant le contrôle sur la
comptabilité des partis. Portant une question demeure : Est-ce
qu'une loi peut remédier à tous les maux de financement des
partis politiques ? La réponse est évidemment non, puisque
les expériences montrent bien que la problématique du financement
existe toujours. C'est ce qu'on va voir à travers les
légalisations des pays démocratiques dans ce domaine1(*)0.
1- L'exemple des législations des pays
démocratiques :
Si l'expérience des Etats dans le domaine du
financement des partis politiques est multiple, l'objectif reste le
même : garantir l'équilibre entre le financement public et
privé, promouvoir l'équité entre les partis politiques,
endiguer la corruption, encourager la participation des citoyens dans le
processus politique.
A- Belgique :
Le législateur belge a imposé aux
partis politiques certaines conditions, afin de bénéficier de
financement :
- Etre représenté dans les deux chambres.
- Etre reconnu en tant que parti politique :
présenter des candidats aux mandats de députés et
sénateurs dans toutes les circonscriptions électorales d'une
communauté et d'une région.
- Le parti doit inclure dans ses statuts, son programme et
dans son action la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
Ce financement est composé d'une partie
forfaitaire : 5 millions de FB, et une partie variable : 50 FB par
chaque vote validé, qu'il soit de liste ou nominatif aux
élections législatives.
Pour le financement privé, le
législateur a limité les contributions des personnes physiques
à 20 000 FB ou sa contre valeur à un parti politique, une liste
ou un candidat. Et 80 000 FB ou sa contre valeur à l'ensemble des partis
politiques, des listes ou des candidats. La contribution des personnes morales
ou des associations est considérée comme illégale. Le
législateur a obligé les partis politiques à enregistrer
auprès de la Commission de Contrôle toute donation de 5000 FB et
plus. Cet enregistrement est confidentiel, sauf sur demande de la Commission
de Contrôle.
Pour les dépenses électorales, le
législateur a limité les dépenses maximales d'un parti
politique à 45 millions FB, et les allocations. Et les dépenses
des candidats à 500 000 FB majorés de 2 FB par électeur
inscrit en ce qui concerne les candidats sortants + 1, et 200 000 FB pour les
autres candidats. Ces dépenses électorales sont
contrôlées par la Commission de Contrôle, composée
majoritairement de la Chambre des Représentants et du Sénat, et
est présidée par les présidents. Dans le cas d'un rapport
hors délai, la Commission de Contrôle, peut pénaliser le
parti concerné par une suppression de donation de 1 à 4 mois. En
cas d'acceptation de dons illicites, c'est la réduction de la donation
jusqu'à concurrence du double du montant pendant x mois, et une amende
de 26 à 100 000 FB, voir même 200 000 FB1(*)1.
B - Allemagne :
En Allemagne, il y a un financement annuel des
partis politiques : 1 DM par vote, et 50 DM pour chaque DM reçu de
source privée. Mais il y a un certain seuil, le parti doit obtenir 5%
des votes lors de la plus récente élection nationale ou
européenne et doit obtenir 10% des votes dans la circonscription
électorale concernée. Le législateur allemand a
limité le financement public dans la limite globale de 230 millions DM.
Pour le financement privé, il n'y a aucun limite aux contributions, mais
sont considérées comme illégales les contributions en
provenance de : fondations politiques et groupes parlementaires, les ONG,
les entreprises dont plus de 50% des actions appartiennent à des
étrangers, les donations d'un étranger de plus de 1000 DM, les
donations faites dans le but d'obtenir un avantage économique ou
politique. Et pour plus de transparence, le législateur a exigé
de rapporter les donations de plus de 6000 DM, et un rapport annuel du
président du Parlement sur les finances de chaque parti politique.
Pour les dépenses électorales, il y
a une liste très précise des dépenses autorisées
des partis politiques, par contre, il n'y a pas de limite de dépenses
mais limitation facto à cause des revenus. Ces dépenses
électorales sont sous le contrôle du président du
Parlement, qui peut dans le cas des rapports et des auditions hors
délai, ne pas verser ou suspendre en tout ou en partie les subventions
annuelles au parti concerné. En cas de fonds obtenus
illégalement, la réduction du double de la somme de la
subvention1(*)2.
C - Canada :
Il n'y a pas de financement public en dehors des
campagnes électorales. Pour que les candidats bénéficient
des fonds de l'Etat, ils doivent être légalement élus
candidats officiels, avoir dépensé au moins 15% de la limite
autorisée, avoir 15% du vote exprimé. L'Etat alloue 50% du
maximum autorisé ou des dépenses réellement
effectuées. Pour les partis politiques, il faut remplir les conditions
suivantes :
- Avoir 50 candidats officiels lors de la dernière
élection générale.
- Avoir dépensé au moins 10% de la limite
maximum des dépenses.
L'Etat alloue 22,5% du total des dépenses
électorales telles que rapportées. Quant au financement
privé, il n'y a aucune limite aux contributions, seules les
contributions étrangères et anonymes sont
considérées comme des contributions illégales. Les
donations de plus de 100$ doivent être rapportées.
Pour les dépenses électorales, la
loi canadienne les définit comme : toute somme d'argent, dettes et
obligations contractées, valeurs commerciales de tout bien et service
rendu (sauf le travail volontaire).
Et il a limité les dépenses
électorales, premièrement par candidat, en fonction des votants
inscrits sur la liste électorale :
- Premier 15000, c'est 1,53$ par votant.
- Entre 15000 et 25000, c'est 79$ par votant.
- Au-dessus de 25000, c'est 40$ par votant.
Deuxièmement, par parti, c'est en fonction
du nombre de votants sur les listes électorales des circonscriptions
où ils ont des candidats : 54$ par votant.
Ces dépenses électorales sont
contrôlées par le commissaire des élections nommé
par le Président National des Elections, lequel est nommé par le
Parlement. En cas d'infraction, la loi impose des amendes, jusqu'à
1000$, ou emprisonnement jusqu'à un an.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les pays
ayant établi un financement public n'échappent pas aux
affaires.
2- Les scandales dans les pays ayant un financement
public1(*)3 :
A- Les Etats-Unis.
Si les Etats-Unis comme dans la plupart des pays,
les scandales sont à l'origine de la réglementation du
financement de la vie politique - c'est à la suite du Watergate que le
Congrès américain a adopté en 1974 l'Electoral Reform Act
qui fixait des plafonds aux dépenses des candidats au Congrès -
l'ampleur des budgets fait que les candidats recourent à des moyens de
financement contestables.
Les élections présidentielles
exigent des sommes considérables. Les partis et les candidats
n'hésitent pas quelquefois à accepter des ressources en
provenances douteuses : les entreprises étrangères, le
trafic d'armes, les sectes apportent des fonds par des moyens peu clairs ;
on a pu considérer que la Maison Blanche avait été
transformée en hôtel dont les recettes alimentent les caisses du
Président-candidat. Le Président Clinton a été mis
en cause lors de la dernière campagne de 1996. S'il a réussi
à accumuler des ressources à un niveau jamais atteint par un
candidat démocrate, une partie des dons émanaient
d'invités du palais présidentiel surnommé ironiquement Fat
Cat Hotel. Une filière américano asiatique, où certains
ont vu l'ombre de Pékin, a par ailleurs apporté des sommes
considérables à ces candidats.
B- L'Allemagne.
Elle est un des premiers pays
à avoir institué un financement public des partis. Dès
1959, le budget fédéral prévoit une dotation globale
versée aux partis politiques. Les modalités pratiques
d'attribution de la subvention publique seront progressivement affinées
et malgré l'ampleur des sommes versées, l'Allemagne n'est pas
épargnée par les scandales.
Pendant les années 1980, l'affaire Flick
bouscule les hommes politiques allemands et les oblige à revoir les
conditions de financement. Le point de départ de l'affaire est la vente
par le groupe d'une participation qu'il détenait sur
Mercedes-Benz-Dailmer AG. La vente s'élève à 2 milliards
de DM. La compagnie Flick a réinvesti cette somme dans le groupe
américain Grace et a demandé à bénéficier
d'un dégrèvement fiscal pour cette vente suivie d'un
réinvestissement à l'étranger. Les conditions d'obtention
de la remise d'impôt ne sont pas remplies mais le groupe
bénéficiera d'un avantage fiscal de 450 millions de DM. Le
problème s'est posé de savoir si cet avantage était la
contrepartie d'un financement des partis et plus particulièrement du
parti libéral, le FDP, dont étaient issus les deux ministres de
l'économie successifs de l'époque, Hans Friedrichs et Otto Van
Lambsdorf. Le comte Lambsdorf a dû démissionner. Il a
été traduit en correctionnelle ; de même, Barzel, le
président CDU du Bundestag, a dû quitter ses fonctions. Une
commission d'enquête a été constituée par Bundestag
pour examiner l'affaire. La crise a conduit le législateur allemand
à modifier certaines règles concernant le financement de la vie
politique.
C- L'Italie.
Elle disposait depuis 1974 d'une loi sur le
financement public des partis politiques. Malgré l'aide importante
apportée aux partis, l'Italie est certainement un des pays les plus
touchés par la corruption ; depuis des années, les
conditions de financement des partis et des campagnes y comportent une
dimension trouble. L'opération « Mani
pulite »confirme aux observateurs la gravité du mal qui ronge
la péninsule : depuis février 1992, les seuls magistrats
milanais ont enquêté sur environ 4000 personnes. 25000 avis
d'ouverture d'enquête judiciaire ont été émis dont
520 concernent des parlementaires. Les délits les plus souvent
constatés concernent le financement illicite des partis politiques -296
cas-, la corruption -207 cas-, la concussion -157 cas-, ou bien encore l'abus
de pouvoir -486 cas-.
Il faut aussi indiquer que le 31 octobre 1994,
parmi les 450 des personnes mises en cause et détenues
préventivement, se trouvait le propre frère de Silvio Berlusconi
qui était à l'époque devenu chef du gouvernement
après un profond changement politique. Il faut ajouter que 221 personnes
ont déjà été condamnées, 847 ont
été renvoyées devant un tribunal et sont en attente de
procès. On peut enfin relever qu'une dizaine de suicides ont
accompagné les enquêtes.
D- Ailleurs.
On ne saurait se polariser sur ces quelques pays.
La corruption, l'ambiguïté des relations entre l'argent et la
politique peuvent également être constatées dans des pays
de démocratie récente que dans ceux qui l'ont adoptée plus
anciennement.
L'ex-président du Brésil Fernando
Collor de Mellon a défrayé la chronique des affaires. En
Thaïlande, l'achat du vote des électeurs serait une pratique
fréquente. Sur 4260 plaintes enregistrées pendant la compagne
législative de 1996, 1970 seraient liées à des achats de
vote. En Espagne, l'ancien gouverneur de la banque national, Mariano Rubio,
personnalité très proche du pouvoir, est accusé
d'enrichissement illicite. Le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est
soupçonné d'avoir eu recours à des financements
illégaux. En Grèce, le scandale politico financier mettant en
cause le banquier Gerorges Koskotas éclabousse la gauche tandis que
l'ancien Premier ministre conservateur Mitsotakis est accusé de
corruption en 1994.
Font aussi la une de l'actualité, des
affaires, des scandales dans d'autres pays. En Belgique, le Vice-premier
ministre fédéral, Guy Coeme, et deux ministres de
l'exécutif Wallon, Guy Spitaels et Guy Mathot, socialistes francophones,
ont dû démissionner en janvier 1994 après avoir
été mis en cause dans une instruction sur l'achat par la Belgique
en 1988 d'hélicoptères italiens. L'affaire Agusta a pris depuis
une grande ampleur. En octobre 1994, le Premier ministre britannique John Major
a été obligé de se séparer de deux
secrétaires d'Etat soupçonnés d'avoir reçu des
fonds du propriétaire d'un grand magasin londonien.
3- L'exemple marocain :
Dans le quatrième chapitre consacré
au financement des partis politiques, le projet de loi a
déterminé les ressources de financement du parti politique, le
rôle de l'Etat dans le financement et les critères de financement,
les institutions et les mécanismes de contrôle de gestion, et les
conditions de suspension de financement auxquelles s'expose le parti
politique.
Dès le premier article de ce chapitre,
l'Etat a pris l'initiative d'encadrer juridiquement la question du financement
des partis politiques. Il considère les fonds des partis comme des fonds
publics et toute utilisation de l'argent du financement public pour des buts
autres que ceux de gestion des partis sont assimilés à un
détournement de deniers publics, et l'article 29 les a limités
dans :
- Les cotisations des membres du parti.
- Les aides et subventions de l'Etat.
- Les revenus liés aux activités
du parti.
- Les dons, legs et libéralités.
Donc, le projet de loi a clairement limité
les ressources d'un parti politique, et du coup toute ressource autre que celle
citée dans l'article 29, tombe dans l'illégalité. C'est
pourquoi dans l'article 31, le parti est obligé de ne pas recevoir aucun
don, legs ou libéralité, direct ou indirect à quelque
titre et sous quelque forme que ce soit, d'un Etat étranger ou d'une
personne morale de droit étranger ou d'un ressortissant étranger.
Pourtant, cet article soulève des remarques :
- Les ressources citées sont insuffisantes pour
financer les partis politiques, et certains cadres partisans proposent d'autres
issues, comme la possibilité d'avoir des crédits bancaires pour
faire face à certaines dépenses qui dépassent la
capacité financière du parti.
- Considérer les revenus liés aux
activités culturelles et sociales du parti parmi les ressources
importantes de financement du parti, c'est une question à revoir. Car
toutes ces activités culturelles ou sociales sont gratuites et à
but non lucratif. Leur but reste : la propagation de l'idéologie du
parti, et la cooptation des nouveaux adhérents et sympathisants.
- Si les trois premières ressources sont bien
définit, que peut on dire de la dernière ? Car rien
n'empêche dans cet article, des fonds en provenance des lobbys, des
trafiquants de drogue, ou des syndicats du crime, et même s'il y a des
limites dans ce sens, le problème est toujours posé du fait de
l'existence des prête-noms. Faut-il interdire aux partis politiques de
recevoir des dons ? Evidemment, non, puisqu'on ôte un droit aux
militants ou sympathisants fortunés la possibilité de payer pour
promouvoir leurs idées. Que faut-il faire ? Le législateur a
exigé dans l'article 32 que les dons au profit d'un parti, qui
dépasse 20000 DH doivent faire l'objet d'un chèque bancaire ou
postal1(*)4.
Et pour plus de transparence, le nouveau projet de
loi a imposé que tous les comptes des partis doivent être
arrêtés chaque année, et certifiés par un expert
comptable, inscrit sur le tableau de cette profession. Ces comptes annuels
doivent être publiés dans les trois mois qui suivent
l'année écoulée dans au moins deux journaux nationaux
(dont l'un au moins en arabe), les partis doivent les garder pendant dix ans.
Le ministre de l'Intérieur a donné deux ans aux
partis existants pour être en conformité avec la loi, une fois
qu'elle sera promulguée.
Pour que les partis politiques puissent faire
face aux dépenses des campagnes électorales de plus en plus
chères, l'Etat, et selon l'article 37, participe au financement de ces
campagnes, à l'occasion des élections législatives,
municipales, et professionnelles.
Ainsi qu'une participation annuelle sera
accordée pour aider les partis politiques dans les dépenses
courantes de leur gestion. Si les partis politiques ont apprécié
ce geste, ils reprochent à l'Etat, le fait qu'il alloue le montant de
l'aide selon les sièges, alors que les partis
préféreraient que le montant alloué à chacun soit
subordonné au nombre de voix obtenues. Leurs arguments : la
deuxième chambre est élue au suffrage indirect et n'atteste donc
pas la force relative d'un parti.
Cette subvention annuelle risque, selon l'article
41, de se perdre si le parti n'a pas réuni son congrès pendant
quatre ans. Si tous les partis approuvent cette disposition, certains la
critiquent. Certains cadres partisans proposent même, que la loi
interdise à tout secrétaire général d'effectuer
plus de deux mandats consécutifs à la tête de son parti.
Cette proposition fait grincer les dents des « leaders
historiques » qui s'accrochent à leurs sièges avec
férocité.
Le projet de loi a instauré une commission
présidée par un juge de la Cour des Comptes et composée
d'un juge de la Cour Suprême, d'un représentant de
l'Intérieur et d'un inspecteur des Finances, examine les dépenses
engagées au titre de la contribution de l'Etat dans le financement des
campagnes. Les résultats sont publiés au Bulletin Officiel. La
Cour des Comptes examine également les dépenses au titre du
financement annuel des partis politiques.
Pourtant, toutes ces dispositions n'ont pas
séduit les acteurs concernés, malgré l'enthousiasme que
devait provoquer le principe de transparence mobilisé par le projet de
texte de loi. L'effet escompté n'a pas eu lieu dans la mesure où
les divergences s'expriment en termes de critères
d'éligibilité au financement public (article36) et d'habilitation
de l'organisme chargé de contrôler les finances des partis
(article38). Certains partis, comme l'USFP pensant que le critère majeur
pour le financement des partis doit être « le nombre des voix
obtenues aux élections législatives et non pas uniquement le
nombre des députés et de conseillers, en raison de la
transhumance politique qui peut tout fausser ». Pour d'autres (PJD),
fixer un seuil minimal pour l'éligibilité à un tel
financement (5% à 10% des voix obtenues au niveau national) est plus
souhaitable. D'autre encore (PI) mettent l'accent sur l'organisme chargé
du contrôle des finances et désignent explicitement la Cour des
comptes. Le PPS propose d'élargir les critères
d'éligibilité au financement public, tel que « le
nombre d'élus nationaux et locaux, le nombre d'adhérents au
parti, l'implantation sur le territoire national et le nombre des locaux du
parti, la présence féminine dans les instances partisanes, les
activités menées par le parti... »1(*)5.
Conclusion :
Ainsi le projet de loi a imposé aux
formations politiques la tenue annuelle de leur comptabilité, et la
soumission de celle-ci au contrôle d'un expert. Le texte précis
que les fonds des formations politiques doivent provenir des droits
d'adhésion des militants, des dons et subventions ainsi que des revenus
liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales
en plus de l'aide de l'Etat. Les partis politiques sont, par ailleurs,
interdits de recevoir des aides financières - directes ou indirectes -
des collectivités locales, des institutions publiques et des
sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital.
Les partis politiques sont également interdits de recevoir des
subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays
étranger, d'une personne morale soumise à une loi
étrangère ou d'une personne n'ayant pas la nationalité
marocaine. L'Etat participe, par ailleurs, au financement des campagnes
électorales des partis politiques et leur accorde une aide annuelle pour
subvenir à leur gestion. Le montant de la subvention devrait être
fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des deux
chambres du Parlement. La subvention étatique est, cependant,
liée à la tenue des assises nationales des partis politiques.
Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son
congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide
annuelle de l'Etat.
Pourtant, l'effet escompté n'a pas eu lieu
malgré l'enthousiasme que devait provoquer le principe de transparence
mobilisé par le projet de texte de loi. Les partis politiques
suggèrent le principe d'une aide financière,
indépendamment des dotations électorales ou des subventions
accordées aux journaux. Un financement permanent abrogera (ou du moins
atténuera) la règle du «brouillard et de la
débrouillardise» qui a longtemps prévalu. Le but, selon le
Rassemblement national des indépendants (RNI), est d'éviter que
des groupes d'intérêts monopolisent le champ politique.
Mais
sur quelle base effectuer ce financement public? La plupart des partis parlent
du critère de la représentativité. Les expériences
étrangères montrent que c'est la proportionnalité qui est
la règle, et elle est calculée sur les voix ou sur les
sièges obtenus. Donc, exit les partis qui boycottent les
élections et qui n'ont aucun élu. Il reste que la transparence de
ce financement ne peut se baser uniquement sur l'activité
électorale. Le contribuable est dans le droit de connaître ce que
pèse chaque parti, c'est-à-dire le nombre d'adhérents,
surtout ceux qui payent leurs cotisations. A ce niveau, il risque d'y avoir
«de belles surprises». Car jusqu'à maintenant, les partis
revendiquent des chiffres plus au moins «fantaisistes». Il n'existe
pas encore de statistiques globales émanant d'un organisme
indépendant.
Naturellement, le critère de la
représentativité n'arrange pas tout le monde. Selon Omar Zidi du
Groupe socialiste unifié (GSU), le financement public doit se faire sur
la base de «programmes» comme c'est le cas pour certains ONG.
«C'est de cette façon que les partis seront des acteurs de
changement», soutient-il. A financement public permanent, contrôle
efficient. Presque tous les partis se disent prêts à faire
vérifier leurs comptes (le projet de loi les oblige à tenir une
comptabilité). Ils demandent cependant un contrôle impartial, que
seul le système judiciaire pourrait garantir. Ni le ministère de
l'Intérieur, ni même le Parlement ne devraient assumer cette
fonction, souligne-t-on. Le premier serait en même temps «juge et
partie». Le second est exposé aux risques d'influence partisane.
Sept décennies après l'apparition du premier
noyau embryonnaire d'une organisation politique nationale, dans les
années 30, le Maroc opte pour une loi, qui, au-delà de garantir
le libre exercice de l'action politique, compte y mettre de l'ordre. Un projet
jugé nécessaire par l'Etat.
Si le dahir du 15 novembre 1958, réglementant le droit
d'association, a institué le droit, il n'a pas pour autant
détailler toutes les exigences d'une vie partisane saine et efficace.
Si on connaissait la fonction des partis, leur définition précise
nous échappe, même si la Constitution de 1962 a confié aux
partis politiques un rôle «d'organisation et de
représentation des citoyens» ; il n'en demeure pas moins que la
notion de parti est restée, depuis lors, une notion vague. Il fallait
donc commencer par l'évidence. «Le parti politique -stipule le
premier article de l'avant-projet- est la convention par laquelle des personnes
physiques mettent en place une organisation permanente et à but non
lucratif (...) en vue de participer, par des voies, à la gestion des
affaires publiques». Ensuite, vient le rôle des partis. Reprenant
les dispositions constitutionnellement établies sur l'organisation
citoyenne et la représentativité nationale, l'article 3 y ajoute
«la formation des élites capables d'assumer des
responsabilités publiques et à l'animation du champ
politique». Désormais, il ne suffit plus d'avoir des
affinités partagées et des opinions communes, couplées
à un volontarisme «instantané» pour former un parti.
«La constitution des partis politiques ne peut se justifier -selon le
projet de loi- uniquement par la volonté de quelques personnes, mais
doit correspondre principalement à un besoin social et territorial en
profondeur». Pour ce faire, plus de 13 articles fixent les
modalités, les dispositions et autres conditions. D'où «une
déclaration signée par 1000 membres fondateurs répartis en
fonction de leur résidence effective, dans au moins la moitié des
régions du Royaume pour que le congrès constitutif du parti soit
valablement réuni».
Un parti, c'est aussi et surtout un programme. Longuement
décriés, sinon pour leur manque de visibilité, du moins
pour leurs programmes identiques, la plupart des partis n'auront plus le droit
de se dérober à cet impératif. La création d'un
parti appelle à la présentation d'un programme. En clair, et
selon l'article 20, les membres fondateurs doivent déposer, entre
autres, cinq exemplaires des projets de programme. En plus, l'article 21
stipule que : «tout parti politique doit avoir un programme et des statuts
écrits». Elaborer une feuille de route pour résorber les
problèmes des pays requiert le concours de toutes les composantes du
parti.
Or, une certaine hémorragie organisationnelle, devenue
presque endémique, empêche la majorité de nos partis de
l'apport d'une partie de ses élites. Montré de l'index, le
fonctionnement interne n'est pas toujours au diapason de ce postulat.
Marquée par une onde de choc -quasi permanente- la vie interne a
toujours été sujette à des remous, parfois sismiques,
à des scissions continues. D'où le remède :
démocratie interne. Cheval de bataille pour des militants mal à
l'aise ou en mal de majorité, d'une part, et question
perpétuellement ajournée, à raison ou à tort, la
démocratie se taille la part du lion dans la nouvelle loi. Les partis
sont ainsi: «appelés à être organisés et
administrés sur des bases et des principes démocratiques donnant
vocation à tous les membres de participer effectivement à
différents organes». Tout y est : mode d'organisation interne,
droits et devoirs des adhérents, tenue des congrès. Le projet
dresse, sans l'expliciter, un bilan négatif à ce propos.
En témoigne surtout l'accent porté sur la
représentativité interne : «c'est également sur des
bases et des principes démocratiques -lit-on dans la note de
présentation- que les statuts fixent le mode de choix et
d'accréditation des candidats aux différentes consultations
électorales». Un constat sans appel qui ne ménage personne :
il faut réformer les outils de la réforme que sont les partis.
Une transparence en appelle une autre: le financement.
Aléatoire ou occulte, l'argent de la politique est une autre zone
d'ombre dans la vie interne. Nerf de la démocratie, il n'est pas
toujours utilisé à bon escient, ni obtenu dans la transparence.
D'où la mise sur pied de mécanismes de contrôle des
justificatifs de dépenses au titre de l'aide accordée par l'Etat.
En contrepartie, les partis auront d'autres possibilités de financement
par l'Etat.
En cas de non-respect de ladite loi, des sanctions allant
jusqu'à la dissolution, sont prévues dans l'esprit du respect
même des exigences de l'Etat de droit. Les dispositions de l'article
4-entre autres- sont, à cet effet, très claires : «Est nulle
et de nul effet toute constitution de parti politique ayant pour but de porter
atteinte à la religion islamique, à la forme monarchique de
l'Etat ou à l'intégrité territoriale du Royaume ou qui, de
manière générale est fondée sur une cause ou en vue
d'un objectif contraire aux dispositions de la constitution ou fondée
sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale».
Jusqu'à l'écriture de ces lignes, ce
projet de loi relatif aux partis politiques n'a pas encore atterri au
Parlement. Mais entre temps, il est passé au Conseil de Gouvernement, et
l'Etat a pris en considération certaines critiques des partis
politiques. Et du coup, le nouveau projet de loi a remodelé ou
supprimé plusieurs dispositions, concernant les conditions de
constitution, de financement et de suspension.
Ainsi, le nouveau projet a fixé le nombre de
fondateurs à 300 au lieu de 1000. Il en va de même pour le nombre
de congressistes, ramené à 500, au lieu de 1500 requis dans
l'avant-projet initial. Le pouvoir de dissoudre ou suspendre un parti est
donné à la justice, au lieu du ministère de
l'Intérieur. Autre surprise de taille sera l'interdiction de la
transhumance des députés entre les groupes parlementaires.
Concernant le financement de l'action politique,
l'éligibilité à l'aide publique se fera en fonction de la
représentativité des partis à l'échelle nationale
et locale. Pour les petits partis qui n'atteindraient pas le pourcentage de
voix requis pour être éligibles, ils auraient la
possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix
atteigne le seuil d'éligibilité. Ils pourraient ensuite se
partager la subvention étatique. Toujours à propos du
financement, l'article 38 de l'avant-projet, stipulant qu'une commission
présidée par un juge de la Cour des comptes et composée
d'un juge de la Cour suprême, d'un représentant de
l'Intérieur et d'un inspecteur des finances examinerait les
dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de
l'Etat dans le financement des campagnes électorales, a
été modifiée et simplifiée. Seule la Cour des
comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors
des élections.
Maintenant, reste à savoir, quelle issue
trouvera ce projet de loi ? . Pour les optimistes, il y aura un vote
favorable. Le texte malgré ses défauts, est une avancée
dans le processus de réhabiliter le champ politique marocain. Pour le
camp des pessimistes, ce projet de loi doit être rejeté, car c'est
une loi liberticide, qui maintien la mainmise de l'Etat, et favorise
l'ingérence de l'Etat dans les affaires des partis politiques.
Annexes
Les partis du « mouvement
national » :
Elle réunissait
les cinq partis de l'opposition d'avant 1999. Les principaux font aujourd'hui
figure de « majorité » gouvernementale. Deux d'entre
eux sont des scissions successives de l'Istiqlal, le vieux parti nationaliste
aujourd'hui en perte de vitesse.
USFP, Union socialiste des forces
populaires : Parti socialiste né en 1975 d'une scission de l'UNFP,
qui a longtemps été le fer de lance de l'opposition au roi.
Première force politique marocaine depuis le début des
années 1990, vainqueur des législatives de 1997 (13,9 % des
voix et 57 sièges) et de celle de 2002 (50 sièges), malgré
un tassement. Son président Abderrahame Youssoufi a été
nommé Premier ministre en 1998. L'immobilisme gouvernemental depuis 1998
a beaucoup déçu et l'USFP a largement perdu contact avec sa base
militante et électorale. Lors du VIe congrès d'avril 2001 (le
précédent avait eu lieu en... 1989) de fortes divergences sont
apparues avec la CDT (Confédération démocratique du
travail), le second syndicat marocain traditionnellement lié au parti,
comme avec la Jeunesse socialiste, la branche jeunesse de l'USFP, de plus en
plus critique. Enfin, une faction du parti dite
« Fidélité à la démocratie » a
boycotté le congrès et réclame une monarchie
parlementaire.
L'Istiqlal
(« l'indépendance ») : parti nationaliste,
démocrate mais plutôt conservateur. C'est le grand mouvement de
libération arabo-islamiste fondé en 1943 par le militant
nationaliste Allal El Fassi (son dirigeant jusqu'en 1974). Il a
participé à des gouvernements dans les années 1970, 1960
et 1980, puis s'est allié à l'USFP la principale force de
l'opposition. Aux législatives de 2002, il a obtenu le deuxième
meilleur score avec 48 élus améliorant nettement ses positions
(32 députés en 1997). Depuis 1998, l'Istiqlal est dirigé
par Abbas el Fassi, qui s'est efforcé de démocratiser le
fonctionnement interne du parti, notamment en imposant un quota de 20 % de
femmes parmi les cadres, y compris au bureau politique. L'Istiqlal est le grand
vainqueur des municipales de 2003.
PPS, Parti du progrès et du
socialisme : petit parti de gauche, dirigé par Ali Yata de 1946
jusqu'à sa mort accidentelle en 1997, Ismaël Alaoui lui a
succédé. C'est l'héritier du Parti communiste marocain
fondé en 1943 et interdit en 1959. Le PPS a abandonné la doctrine
communiste en 1995. Il a obtenu 11 députés en 2002 (contre 9 en
1997).
GSU, la Gauche socialiste
unifiée. Parti né en juillet 2002 et regroupant quatre formations
nettement marquées à gauche : L'Organisation de l'Action
démocratique et populaire (OADP), les Démocrates
indépendants, le Mouvement pour la démocratie et
Potentialités de Gauche ont fondu en une seule structure partisane.
C'est la seule formation de gauche a prôner une réforme radicale
de la constitution dans un sens plus démocratique.
L'OADP, Organisation de l'action démocratique et
populaire, était un petit parti de gauche né au début des
années 1980 et issu du Mouvement du 23 mars (extrême gauche non
communiste). Il avait recueilli 8 % des voix en 1997, mais seulement 4
sièges. En 2002, il doit se contenter de 3 députés. L'OADP
soutenait le gouvernement Youssoufi, mais sans y participer. La direction de la
GSU est collégiale, l'ancien chef de l'OADP, Mohammed Bensaïd,
n'occupera que le poste honorifique de président.
UNFP, Union nationale des forces
populaires : tout petit parti centriste, héritier d'une scission de
gauche de l'Istiqlal fondé en 1959 par Mohamed Ben Barka, Abderrahim
Bouabid et Mohamed Basri. Il a été lui-même très
affaibli par le départ de son aile gauche qui a donné naissance
à l'USFP en 1974. N'est plus représenté au parlement.
Les partis du makhzen :
Ex-partis du wifak :
(ou wifaq, l'« entente » en arabe) qui regroupe la droite.
On les appelle aussi les « partis de l'administration »
(appelés ainsi car créés par le pouvoir à
l'époque d'Hassan II. Ils ont été créés
successivement, le nouveau éclipsant le précédant sans le
faire disparaître, d'où un émiettement qui permettait au
Palais de ratisser le plus large possible et de donner l'illusion d'un grand
pluralisme.
RNI, Rassemblement des
indépendants : parti de droite modéré,
créé de toute pièce par le Palais à la fin des
années 1970 et dirigé par Ahmed Osman beau-frère du roi
Hassan II. Le RNI qui représente la bourgeoisie industrielle et
commerçante a obtenu 41 sièges aux législatives de 2002
(contre 46 en 1997).
PND, Parti national
démocratique : né en 1980 d'une scission du RNI en de former
un nouveau gouvernement (novembre 1981) sur lequel s'est appuyé le
Palais pendant deux ans. Il a amélioré ses positions en
2002 : 12 députés (contre 10 en 1997).
UC, Union constitutionnelle :
parti de droite fondé par le Premier ministre Maati Bouabid, sur ordre
du Palais en 1983 afin d'élargir l'assise populaire du pouvoir lors des
élections de 1984. L'UC, dirigée par Mohamed Jalal Essaïd,
s'est effondré au législatives de 2002 : 16 sièges
(contre 50 sièges en 1997 et beaucoup plus à l'époque de
sa création). C'est presque le seul a toujours avoir eut un discours
néolibéral sur les questions économiques.
MDS, Mouvement démocratique et
social : parti de droite populiste né au printemps 1997 sous la
direction de Mohamed Harchane. Le MDS est le seul parti à ne pas avoir
voté le programme gouvernemental d'A. Youssoufi. Il a subi un rude
revers aux législative de 2002 : 7 sièges (contre 32 en
1997).
Nouveau dans le Jeu politique :
FFD, le Front des Forces
Démocratiques a été fondé en 1997. Son
secrétaire général, Thamy Khyari, a appartenu aux deux
gouvernements Youssoufi. Le logo de ce mouvement centriste représente un
olivier. Ses premières législatives ont été un
succès : 12 députés élus.
Forces Citoyennes : parti de
droite créé en 2001 par Abderrahim Lahjouji, un homme d'affaires
devenu célèbre grâce à son sens de la communication,
une sorte de Berlusconi à la marocaine, mais sans les succès
électoraux : 2 députés élu en 2002. Son chef
n'a même pas réussi à se faire élire à Anfa
où il se présentait.
PRD, le Parti de la réforme et
du développement, dirigé par Abderrahman El Cohen, est né
en 2001 à l'issue d'une scission au sein du Rassemblement national des
Indépendants (RNI). 3 députés élus en 2002.
PML, le Parti marocain libéral
est dirigé Mohamed Ziane. Le cheval de bataille de cette petite
formation nationaliste est la rétrocession de Sebta et Melilla au Maroc.
3 députés élus en 2002.
PED, Parti de l'environnement et du
développement : petit parti écologiste (2
députés élus en 2002).
Les partis berbéristes :
MP, Mouvement populaire, fondé
en 1957 par Mahjoubi Ahardane, son président actuel. Le roi
s'était appuyé sur cette formation pour contrer l'Istiqlal et
USFP. Il a subi un net revers aux législatives de 2002 : 27
députés (contre 40 élus en 1997).
MNP, Mouvement national
populaire : scission du MP, créée en 1991 par Mahjoubi
Ahardane après avoir été évincé de la
direction du MP. Avec 18 députés élus en 2002 (contre 19
en 1997), il conserve ses positions.
Le « réseau amazigh pour la
citoyenneté », nouvelle association issue de
l'association amazigh, Tamaynoute (créée en 1978) a
décidé de boycotter les élections de 2002. Ahmed Arahmouch
dirigeant du réseau (ex-vice président de Tamaynoute) estime
que : « Il ne peut pas y avoir de démocratie sans
amazighité dans la constitution ».
Les partis islamistes :
PJD, Parti de la justice et du
développement : un parti islamiste
« modéré », refusant la violence (mais qui
prône tout de même l'application, à terme, de la charia au
Maroc). C'est la première formation de l'opposition. Le PJD serait
même le première parti marocain s'il n'avait pas
cédé aux pressions du Palais vivant lui faire limiter son nombre
de candidats. Les législatives de 2002 ont été un grand
succès : 42 élus (contre 14 en 1997) alors qu'il n'a
été autorisé à présenter des candidats que
dans la moitié des circonscriptions. Depuis avril 2004, le PJD est
dirigé par Saâd Eddine Othmani (psychiatre et diplômé
de droit islamique né en 1956). Il a succédé à
Abdelkrim Khatib (né en 1920) et incarne la ligne officielle du parti
respectueuse de la sacralité du trône alaouite. Un autre courant
au sein du PDJ, animé par Mustapha Ramid refuse au contraire le principe
de sacralité du « commandeur des croyant », statut
sur lequel s'appuie le roi pour asseoir son pouvoir.
Hors du jeu politique :
Al Adl oual Ihssane (Justice et
Bienfaisance) dirigé par Cheikh Yassine, est la principale organisation
islamiste. Elle n'a pas été autorisée à se
transformer en parti politique et donc ne se présente pas aux
élections. Prenant à contre-pied les islamistes algériens
qui ont dérivé vers la violence, il mise sur une islamisation
progressive et en douceur de la société marocaine par le biais de
ses actions de bienfaisance. Son idéologie est rétrograde et
anti-démocratique (le nom de cette association peut aussi se transcrire
Al'Adl wa al Ihasan et se traduire « Justice et
spiritualité »). Nadia, la fille de Cheikh Yassine fait figure
de porte-parole du mouvement. Au début des années 1980, elle fut
la première femme à porter le foulard islamique à
l'université de Fès.
Extrême gauche :
PADS, Parti de l'Avant-garde
démocratique et socialiste : parti d'extrême gauche issu
d'une scission de l'USFP, non représenté au Parlement. Il n'a
participé depuis sa création en 1984 à aucune
échéance électorale. Un certain nombre de ses membres ont
été emprisonnés pour leurs appels au boycott des
élections de 1997. Il représente l'opposition radicale au
régime.
Nhej Ad-Democrati (La Voie
démocratique) : courrant orbitant autour de la revue du même
nom, fondée par d'ancien d'Ila Al Amam.
PROJET DE NOTE DE PRESENTATION
Dès les premières années de
l'indépendance, le Royaume du Maroc a opté pour la mise en place
d'un cadre juridique garantissant le libre exercice de l'action politique et
ce, par le biais du dahir du 15 novembre 1958 réglementant le droit
d'association.
Par la suite, la Constitution du 10 mars 1962, qui a
consacré définitivement le principe du multipartisme, a
conféré aux partis politiques un rang constitutionnel, en
disposant : « Les partis politiques concourent à
l'organisation et à la représentation des citoyens ».
Ce dispositif juridique a créé les conditions
favorables à l'animation du champ politique marocain et au
développement de l'action partisane.
Suite aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi
Mohammed VI, que Dieu L'assiste, relatives à la dynamisation de l'action
politique et à la rénovation du cadre juridique régissant
les partis, le dispositif législatif est appelé à
être réformé, dans l'objectif général de
consolider la démocratie et impulser le développement
socio-économique.
En ce sens, le Discours Royal, prononcé le 8 octobre
2004, à l'occasion de l'ouverture de la première session de la
troisième année législative, a illustré la ferme
Volonté Royale pour la mise à niveau du champ politique dans un
cadre de « légalité juridique » et de
« légitimité démocratique » :
« Aussi, avons-Nous jugé opportun de
focaliser Notre discours sur la nécessité de renforcer le
rôle des partis, en mettant en place un cadre législatif
rénové. Un cadre efficient, permettant au parti politique de
puiser sa légalité juridique dans sa légitimité
démocratique »
(Extrait du Discours Royal du 8 octobre 2004)
Le Souverain a également explicité, à
l'occasion de ce Discours, qui s'inscrit dans l'oeuvre de modernisation
institutionnelle et politique conduite par Sa Majesté le Roi, le sens
profond et les objectifs de ce nouveau cadre juridique :
« Ce cadre devrait favoriser
l'émergence de partis à même d'apporter des
réponses collectives, spécifiques et originales, à des
questions sociétales très larges plutôt que de chercher
à satisfaire des ambitions personnelles ou catégorielles
étriquées.(...) Il est susceptible également d'inciter les
partis politiques homogènes à se fédérer en
pôles forts et solides.(...) Ce projet de loi est de nature à
contribuer à la rationalisation, la rénovation et l'immunisation
du paysage politique national (...) Il traduit de surcroît, Notre
volonté de consolider la modernisation institutionnelle, et de veiller
à ce que la polarisation politique efficiente ne pâtisse d'un
multipartisme anarchique et débridé. »
(Extrait du Discours Royal du 8 octobre
2004)
La rationalisation et la modernisation soulignées par
le Souverain devant également concerner l'exigence du respect des
règles de démocratie et de transparence tant au niveau de la
création des partis et de leur programme qu'au niveau de leur
organisation et financement :
« De même, la création des
partis politiques, autant que leurs programmes, leurs modes de financement et
de gestion, ainsi que leur fonctionnement et leurs règlements
intérieurs doivent tous se conformer aux règles de
démocratie et de transparence ainsi qu'aux principes de la
primauté de la loi et du contrôle
judiciaire »
(Extrait du Discours Royal du 8 octobre
2004)
En outre, les Orientations Royales contenues dans ce Discours
ont souligné la nécessité d'un débat et d'une
concertation, aussi large que constructive, pour que ce projet de loi soit le
fruit d'un « consensus positif qui en rehausse la portée et la
valeur ».
L'élaboration d'un nouveau cadre législatif pour
les partis politiques a toujours été inscrite en tant que
priorité dans l'action de Sa Majesté le Roi, qui, à
plusieurs reprises, a expliqué l'importance d'une telle réforme
en soulignant le lien entre l'impératif de développement, de
démocratisation et de modernisation et le nécessaire
renforcement des partis politiques (Discours Royal du 13 octobre 2000)
En ce sens, Sa Majesté le Roi a aussi
précisé que la consolidation de la démocratie ne peut
aboutir qu'avec la présence de partis politiques réellement
représentatifs, capables d'encadrer le citoyen et de le
représenter, et d'impulser les énergies des jeunes dans le cadre
d'une saine émulation autour de programmes réalistes et tangibles
(Discours du Trône du 30 juillet 2003).
C'est à la lumière des Hautes Orientations
Royales que le présent projet de loi a été
élaboré dans l'objectif de mettre à la disposition des
partis politiques un cadre juridique rénové, susceptible aussi de
susciter l'intérêt des citoyens - notamment des jeunes - pour
l'action politique et favoriser ainsi l'émergence de nouvelles
élites politiques.
Ce projet est articulé autour des sept axes
suivants :
- Dispositions générales ;
- De la constitution des partis politiques ;
- Des statuts, de l'organisation et de l'administration des
partis politiques ;
- Du financement des partis politiques ;
- Des unions des partis politiques ;
- Des sanctions ;
- Dispositions transitoires.
I. DISPOSITIONS GENERALES
Tout en confirmant le principe de la liberté de
constitution des partis politiques, conformément à l'esprit de la
constitution et du Dahir du 15 novembre 1958 relatif au droit d'association, ce
projet de loi définit le parti politique et précise ses
missions.
Le projet trace ainsi le cadre dans lequel les partis
politiques sont appelés à oeuvrer pour concourir à
l'organisation et à la représentation des citoyens, en
contribuant à leur éducation politique et à leur
participation à la vie publique ainsi qu'à la formation des
élites et à l'animation du champ politique.
Conformément aux valeurs qui fondent l'identité
nationale, la cohésion sociale et la citoyenneté, le projet
inscrit toute création de parti politique dans le cadre de la
Constitution du Royaume. Est considérée de ce fait comme nulle,
de plein droit, toute constitution de parti politique fondée sur
une cause ou en vue d'un objet contraire à la Constitution, aux lois, ou
qui a pour but de porter atteinte à la religion islamique, au
régime monarchique ou à l'intégrité territoriale du
Royaume.
Est également interdite la constitution de parti
politique fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou
régionale, ou d'une manière générale, sur toute
base discriminatoire ou contraire aux droits humains.
Enfin, et dans l'objectif de contribuer à la
rationalisation et la moralisation de la vie partisane, le projet de loi
prévoit que le titulaire d'un mandat électoral, en cours, au sein
de l'une des deux chambres du Parlement, élu sur accréditation
d'un parti politique en activité, ne peut adhérer à un
autre parti politique qu'au terme de son mandat.
II. DE LA CONSTITUTION DES PARTIS POLITIQUES
La constitution d'un parti politique doit correspondre
à un besoin social et refléter un ancrage territorial qui
garantit que le but pour lequel il a été constitué pourra
être effectivement poursuivi.
Dans cet objectif, le projet de loi requiert, lors de
l'étape de constitution du parti politique, une déclaration
signée par 300 membres fondateurs répartis, en fonction de leur
résidence effective, dans au moins la moitié des
régions du Royaume, ainsi qu'un minimum de 500 personnes pour que le
congrès constitutif du parti soit valablement réuni.
La demande de constitution du parti politique étant par
ailleurs une question d'intérêt national, qui n'a pas vocation
à être gérée sur le plan local, le projet de loi
prévoit que le dépôt du dossier de constitution s'effectue
au siège du Ministère de l'Intérieur.
Ce dépôt est suivi d'une étude de
conformité du projet aux dispositions de la présente loi. Si le
projet ne répond pas aux conditions exigées, le Ministre de
l'Intérieur requiert du tribunal administratif de Rabat le rejet de la
demande de constitution du parti.
Si les conditions de constitution du parti répondent
aux dispositions de la loi, un extrait de la demande de constitution est
publié au BO, ouvrant ainsi un délai d'un an au cours duquel le
parti devra tenir son congrès constitutif afin d'adopter
définitivement son programme, ses statuts et son règlement
intérieur.
Le parti est réputé légalement
constitué dans les trente jours à compter de la date de
dépôt au ministère de l'intérieur d'un dossier
comprenant le procès verbal du congrès, accompagné de la
liste des congressistes, des instances dirigeantes, des programmes, des
statuts et du règlement intérieur définitivement
adoptés.
Une fois constitué, le parti politique acquiert la
capacité juridique lui permettant d'accomplir les actes autorisés
par la loi : ester en justice et administrer ses biens et ses ressources
financières ou encore s'engager dans une union ou
fédération avec d'autres partis politiques.
III. DES STATUTS, DE L'ORGANISATION ET DE
L'ADMINISTRATION DES PARTIS POLITIQUES
La création d'un parti politique appelle
désormais à la présentation d'un programme, de statuts et
d'un règlement intérieur écrits.
S'agissant des programmes, ils précisent les approches
de la formation politique vis-à-vis des questions intéressant la
collectivité. En effet, la responsabilité des partis politiques
devant les citoyens induit un droit de suivi et de regard de ces derniers
sur les engagements tels qu'ils sont mentionnés dans les programmes des
formations partisanes.
Concernant les statuts, le projet de loi consacre les
exigences de la démocratie interne. Le parti politique est ainsi
appelé à être organisé et administré selon
des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres
de participer à la direction des différents organes.
C'est également selon des principes
démocratiques que les partis politiques déterminent, dans leurs
statuts, le mode de choix et d'accréditation des candidats aux
différentes consultations électorales.
Par ailleurs, le projet de loi a opté
délibérément en faveur d'une
« discrimination positive » de nature à
encourager l'arrivée des femmes et des jeunes dans les instances
dirigeantes du parti. L'objectif étant de créer in fine les
conditions favorables pour que toutes les composantes du tissu social puissent
contribuer pleinement et activement à l'animation de la vie politique.
Sur le plan de l'organisation territoriale, le parti politique
doit disposer d'organes d'administration et de gestion au niveau national, et
peut également avoir des structures aux niveaux régional,
préfectoral, provincial ou local ; les statuts du parti
préciseront les attributions et la composition de chacun des
différents niveaux.
Enfin, et en vue de contribuer à l'amélioration
du fonctionnement interne, les statuts du parti prévoiront aussi un
organe chargé du contrôle des finances du parti et un organe
chargé de l'arbitrage.
IV. DU FINANCEMENT DES PARTIS
POLITIQUES
Vu l'importance de la question du financement dans le
fonctionnement des partis politiques, le projet de loi instaure de nouvelles
possibilités de financement par l'Etat. De même, pour favoriser la
transparence, il prévoit de nouvelles modalités de contrôle
des finances des partis politiques et précise le rôle de la Cour
des Comptes en la matière.
A cet effet, l'Etat continuera à participer au
financement des campagnes électorales organisées par les partis
pour les élections générales législatives et
communales, conformément aux dispositions de la loi 9-97 formant code
électoral.
L'Etat accordera en outre une subvention annuelle pour la
contribution à la couverture des frais de fonctionnement des partis
politiques ayant obtenu un minimum de 5% des suffrages exprimés.
Le montant global de cette subvention sera inscrit dans la loi
de finances. La répartition de ce montant se fera sur la base du nombre
de représentants et de conseillers au Parlement ainsi que du nombre de
voix obtenues lors des élections législatives
générales.
S'agissant des mécanismes de contrôle des
justificatifs des dépenses au titre de la subvention annuelle, le projet
de loi confère à la Cour des Comptes, le contrôle de la
gestion financière de la subvention.
Les subventions annuelles allouées par l'Etat pour la
couverture des frais de fonctionnement ne bénéficieront pas aux
partis politiques faisant l'objet d'une mesure de suspension ainsi qu'aux
partis qui n'auront pas tenu leur congrès durant quatre ans, et ce
jusqu'à la régularisation de leur situation.
V. DES UNIONS DE PARTIS POLITIQUES
Pour créer les conditions favorables au regroupement
des partis politiques et encourager ainsi à la polarisation du champ
politique, le projet de loi prévoit que les partis politiques
légalement constitués peuvent librement s'organiser en unions
dotées de la personnalité morale, en vue d'oeuvrer collectivement
à la réalisation d'objectifs communs.
A l'exception notamment des règles de constitution,
l'union de partis politiques reste soumise au même régime
juridique que les partis politiques.
L'Etat accorde aux unions de partis une subvention annuelle
pour la contribution à la couverture de frais de fonctionnement de
l'union et des partis politiques qui la composent. .
VI. DES SANCTIONS
Dans la continuité de l'esprit qui a toujours
présidé à l'élaboration des textes régissant
l'exercice des libertés fondamentales garanties par la constitution, le
projet de loi respecte les exigences de l'Etat de droit en confiant
à l'autorité judiciaire la prérogative de sanctionner les
violations éventuelles des dispositions de la présente loi. Que
ce soit pour la suspension, la dissolution ou la déclaration de
nullité, compétence est ainsi dévolue au tribunal
administratif de Rabat.
La dissolution par décret est prévu dans le seul
cas où le parti politique provoquerait à des manifestations
armées ou qui s'apparenterait à des groupes de combat ou milices
privées ou qui aurait pour but de porter atteinte à la religion
islamique, à l'intégrité du territoire national,
d'attenter à la forme monarchique de l'Etat ou de s'emparer du pouvoir
par la violence.
Le projet innove par ailleurs en instituant la
procédure de régularisation, mécanisme préalable
à toute procédure judiciaire, envisagé dans certains cas
pour éviter, dans la mesure du possible, le recours aux sanctions.
Ainsi, lorsque l'inobservation des dispositions de la loi porte sur des
questions de forme, le ministre de l'intérieur saisit les instances
dirigeantes aux fins de régularisation de la situation du parti. Et
c'est en l'absence de régularisation, dans le délai d'un mois,
que le tribunal administratif de Rabat peut ordonner la suspension du parti.
Cette suspension judiciaire peut aussi être
prononcée lorsque les activités d'un parti politique portent
atteinte à l'ordre public.
La suspension est ordonnée pour une
durée de un à quatre mois et peut être prolongée
d'une nouvelle durée qui ne peut excéder deux mois. Passé
ces délais, le parti recouvre tous ses droits à moins qu'une
demande en dissolution n'ait été formulée
entre-temps.
La dissolution, comme c'est le cas actuellement dans le dahir
du 15 novembre 1958, relatif au droit d'association, est également
prévue en cas de non-conformité à la loi, à la
demande de toute personne intéressée ou du ministère
public.
La nullité est constatée par le tribunal
administratif de Rabat lorsque la constitution du parti est fondée sur
une cause ou en vue d'un objet contraire à la Constitution ou aux lois,
ou qui a pour but de porter atteinte aux fondements de l'Etat (l'islam, la
monarchie, l'intégrité territoriale) ou serait fondée sur
des considérations religieuses, linguistiques ethniques, ou
régionales, ou sur toute autre base discriminatoire ou contraire aux
droits humains, et ce à la demande de toute personne
intéressée ou du ministère public.
Le tribunal peut ordonner à titre de mesure
conservatoire, et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et
l'interdiction de toute réunion des membres du parti.
Pour les peines privatives de liberté, le projet les a
prévu dans deux situations seulement : le cas de maintien ou de
reconstitution d'un parti politique dissous et le cas de réception de
fonds de pays étrangers en vue de la constitution ou du fonctionnement
d'un parti politique.
VII. DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Ces dispositions concernent les partis politiques existant
à la date de la promulgation de la loi sur les partis politiques. Un
délai de deux ans leur est accordé pour se conformer à ses
dispositions à l'exception de celles relatives à la constitution
initiale.
Dans ce même délai et pour
permettre aux partis politiques de mettre en harmonie leurs statuts et
règlements intérieurs avec les dispositions de la
présente loi, il est prévu la tenue d'un congrès
extraordinaire du parti.
PROJET DE LOI RELATIVE AUX PARTIS
POLITIQUES
TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES
ARTICLE PREMIER. - Le parti politique est
une organisation permanente et à but non lucratif, dotée de la
personnalité morale, instituée en vertu d'une convention entre
des personnes physiques, jouissant de leurs droits civils et
politiques et partageant les mêmes principes, en vue de
participer, par des voies démocratiques, à la gestion des
affaires publiques.
ARTICLE 2. - Les partis politiques se
constituent et exercent leurs activités en toute liberté
conformément à la Constitution du Royaume et aux dispositions de
la présente loi.
ARTICLE 3. - Les partis politiques
concourent à l'organisation et à la représentation des
citoyens. Ils contribuent à ce titre à l'éducation
politique et à la participation des citoyens à la vie publique,
à la formation des élites capables d'assumer des
responsabilités publiques et à l'animation du champ politique.
ARTICLE 4. - Est nulle et de nul effet
toute constitution de parti politique fondée sur une cause ou en
vue d'un objet contraire à la Constitution, aux lois, ou qui a pour but
de porter atteinte à la religion islamique, au régime
monarchique ou à l'intégrité territoriale du Royaume.
Est également nulle et de nul effet toute constitution
de parti politique fondée sur une base religieuse, linguistique,
ethnique ou régionale, ou d'une manière générale,
sur toute base discriminatoire ou contraire aux droits humains.
ARTICLE 5. - Les Marocains majeurs des deux
sexes peuvent adhérer librement à tout parti politique
légalement constitué.
Toutefois, le titulaire d'un mandat électoral en cours
au sein de l'une des deux chambres du Parlement, élu sur
accréditation d'un parti politique en activité, ne peut
adhérer à un autre parti politique qu'au terme de son mandat.
ARTICLE 6. - Les partis politiques ne
peuvent être ouverts :
1. 1- aux militaires de tous grades en activité de
service et aux agents de la force publique;
2. 2- aux magistrats, magistrats de la cour des comptes et
magistrats des cours régionales de comptes, aux juges communaux et
d'arrondissement ainsi que leurs suppléants ;
3. 3- aux agents d'autorité et auxiliaires
d'autorité;
4. 4- aux personnes autres que celles visées ci-dessus
qui sont exclus du bénéfice du droit syndical par le
décret n° 2-57-1465 du 15 rejeb 1377(5 février 1958) relatif
à l'exercice du droit syndical par les fonctionnaires, tel qu'il a
été modifié par le décret royal n° 010-66 du
27 joumada II 1386 (12 octobre 1966).
TITRE II : DE LA CONSTITUTION DES PARTIS
POLITIQUES
ARTICLE 7. - Les membres fondateurs et les
dirigeants d'un parti doivent être âgés de 23 ans
révolus et être inscrits sur les listes électorales
générales.
ARTICLE 8. -Les membres fondateurs d'un parti
politique déposent auprès du ministère de
l'intérieur, contre récépissé, un dossier
comprenant :
1. une déclaration de constitution du parti
portant les signatures légalisées de trois des membres
fondateurs et mentionnant :
- les nom, prénom, nationalité, date et lieu de
naissance, profession et domicile des signataires de la
déclaration ;
- les nom, identité visuelle et siège au Maroc
du parti ;
2. trois exemplaires des projets de
programme et des statuts ;
3. l'engagement écrit, sous forme de
déclarations individuelles, d'au moins 300 membres fondateurs pour tenir
le congrès constitutif du parti une année au plus à
compter de la date de publication au bulletin officiel d'un extrait de la
déclaration de constitution du parti.
Chaque déclaration individuelle, dûment
revêtue de la signature légalisée de son auteur, indiquera
ses nom, prénom, nationalité, date et lieu de naissance,
profession et domicile. Elle sera accompagnée d'une copie de la carte
d'identité nationale, ainsi que de l'attestation d'inscription sur les
listes électorales générales.
Les membres suscités doivent être répartis
en fonction de leur résidence effective dans au moins la moitié
des régions du Royaume, sans que leur nombre par région ne soit
inférieur à 5% du minimum de membres fondateurs requis par la
loi.
ARTICLE 9. - Si les conditions et
formalités de constitution du parti ne sont pas conformes aux
dispositions de la présente loi, le ministre de l'intérieur
requiert du tribunal administratif de Rabat, dans un délai de
quatre-vingt-dix jours, le rejet de la déclaration de constitution du
parti.
La saisine du tribunal administratif de Rabat est suspensive
de la procédure de constitution du parti.
ARTICLE 10. - Si les conditions et
formalités de constitution du parti sont conformes à la
présente loi, un extrait de la déclaration de constitution du
parti est publié au bulletin officiel, à l'initiative du ministre
de l'Intérieur, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date de
dépôt du dossier, ou les trente jours suivant la date du jugement
définitif déclarant les conditions et formalités de
constitution du parti conformes aux dispositions de la présente loi.
ARTICLE 11. - La déclaration de
constitution du parti devient sans objet en cas de non tenue du congrès
constitutif dans le délai d'une année au plus à compter
de la date de publication au bulletin officiel de l'extrait de la
déclaration de constitution du parti, prévue à l'article
10 de la présente loi.
ARTICLE 12. - La tenue du congrès
constitutif du parti doit faire l'objet d'une déclaration auprès
de l'autorité locale dont relève le lieu de la réunion,
soixante-douze heures au moins avant la date dudit congrès.
La déclaration, dûment signée par au moins
deux des membres fondateurs visés à l'article 8 - 1°
indiquera le jour, l'heure ainsi que le lieu de la réunion.
ARTICLE 13. - Pour être valablement
réuni, le congrès constitutif du parti politique doit
regrouper au moins 500 congressistes dont au moins les trois-quarts des membres
fondateurs visés à l'article 8-3°, répartis en
fonction de leur résidence effective dans au moins la moitié des
régions du Royaume, sans que leur nombre par région ne soit
inférieur à 5% du minimum des membres fondateurs requis.
Les conditions de validité de la tenue du
congrès constitutif sont attestées par procès verbal.
Le congrès constitutif adopte les statuts, le
règlement intérieur et le programme du parti, et procède
à l'élection des instances dirigeantes du parti.
ARTICLE 14. - A l'issue du congrès
constitutif, un mandataire du congrès dépose auprès du
ministère de l'intérieur, contre récépissé,
un dossier comportant le procès verbal du congrès,
accompagné de la liste des noms de l'ensemble des congressistes avec
leurs signatures et numéros de cartes d'identité nationale, de la
liste des membres des instances dirigeantes du parti, ainsi que trois
exemplaires des statuts, du règlement intérieur et du
programme adoptés.
ARTICLE 15. - Trente jours à compter
de la date du dépôt du dossier visé à l'article 14,
le parti est réputé légalement constitué sauf si
le ministre de l'intérieur ne demande au tribunal administratif de
Rabat, dans ce même délai et dans les conditions fixées
à l'article 53 de la présente loi, l'annulation de la
constitution du parti.
La saisine du tribunal administratif de Rabat, aux fins
d'annulation, est suspensive de toute activité du parti.
ARTICLE 16 - Le parti légalement constitué
peut ester en justice, acquérir à titre onéreux,
posséder et administrer
- ses ressources financières
- les biens meubles et immeubles nécessaires
à l'exercice de son activité et à la réalisation
de ses objectifs.
ARTICLE 17. - Toute modification de la
dénomination du parti, de ses statuts ou de son programme doit
être déclarée dans les mêmes conditions et formes
requises que pour sa constitution initiale.
ARTICLE 18 - Toute modification survenue
au niveau de l'identité visuelle du parti, de ses instances dirigeantes,
de son règlement intérieur ainsi que tout changement du
siège du parti doivent être communiqués au ministère
de l'intérieur, contre récépissé, dans un
délai de quinze jours.
ARTICLE 19. - Toute mise en place de
structures du parti au niveau régional, provincial, préfectoral
ou local doit faire l'objet d'une déclaration au siège de
l'autorité administrative locale compétente, contre
récépissé, dans un délai de quinze jours.
La déclaration, faite par un mandataire du parti, doit
mentionner les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, professions
et domiciles des dirigeants de ces structures, accompagnée des copies
certifiées conformes de leurs cartes d'identité nationale.
Toute modification survenue dans les structures
régionales, provinciales, préfectorales ou locales du parti doit
faire l'objet d'une déclaration dans les mêmes formes.
TITRE III : DES STATUTS, DE L'ORGANISATION ET DE
L'ADMINISTRATION DES PARTIS POLITIQUES
ARTICLE 20. - Tout parti politique est tenu d'avoir
un programme, des statuts et un règlement intérieur
écrits.
ARTICLE 21. - Le parti politique doit
être organisé et administré selon des principes
démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer
effectivement à la direction des différents organes.
Les statuts doivent prévoir le nombre proportionnel de
femmes et de jeunes devant siéger dans les instances dirigeantes du
parti.
ARTICLE 22. - Tout parti politique doit
disposer de structures organisationnelles nationales. Il peut également
disposer de structures au niveau régional, préfectoral,
provincial ou local.
ARTICLE 23. - Le mode de choix et
d'accréditation des candidats du parti aux différentes
consultations électorales doit être fondé sur des principes
démocratiques.
ARTICLE 24 - Les statuts fixent les règles
relatives au fonctionnement du parti et à son organisation
administrative et financière, conformément aux dispositions de
la présente loi.
Les statuts du parti doivent contenir notamment les mentions
et prévoir les organes suivants :
1- Nom et identité visuelle du parti,
2- Attributions et composition des différents organes,
1. 3- Droits et obligations des membres,
2. 4- Mode de choix et organes d'accréditation des
candidats du parti aux différentes consultations électorales,
3. 5- Périodicité des réunions des
instances,
4. 6- Conditions d'admission et de démission des
membres,
5. 7- Sanctions disciplinaires susceptibles d'être
appliquées aux membres ainsi que les motifs les justifiant et les
organes du parti auxquels il appartient de prononcer ces sanctions.
6. 8- Modalités d'adhésion à une union de
partis.
7. 9- Organe chargé du contrôle des finances du
parti. 10- Organe d'arbitrage.
ARTICLE 25. - Le règlement
intérieur du parti précise les modalités de fonctionnement
de chacun des organes du parti ainsi que les conditions et formes de
réunion de ces organes.
ARTICLE 26. - Nul ne peut être membre
de plus d'un parti politique en même temps.
ARTICLE 27. - Tout membre d'un parti
politique peut s'en retirer temporairement ou définitivement et en tout
temps, nonobstant toute clause contraire, à condition de satisfaire
à la procédure prévue à cet effet par les statuts
du parti.
TITRE IV : DU FINANCEMENT DES PARTIS
POLITIQUES
ARTICLE 28. - Les ressources
financières du parti proviennent :
- des cotisations de ses membres,
- des dons, legs et libéralités,
- des revenus liés à ses activités
sociales ou culturelles,
- des subventions de l'Etat.
ARTICLE 29. - L'Etat accorde aux partis
politiques ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés à
l'occasion des élections générales législatives une
subvention annuelle pour la contribution à la couverture de leurs frais
de fonctionnement. Le montant global de cette subvention est inscrit dans la
loi de finances.
ARTICLE 30. - Le parti ne peut recevoir
aucune subvention directe ou indirecte des collectivités locales, des
établissements publics ou des sociétés dont le capital est
détenu, en totalité ou en partie, par l'Etat, les
collectivités locales ou les établissements publics.
ARTICLE 31. - Le parti ne peut recevoir
aucun don, legs ou libéralité, directe ou indirecte, à
quelque titre et sous quelque forme que ce soit, d'un Etat étranger ou
d'une personne morale de droit étranger ou d'un ressortissant
étranger, ou d'une personne morale de droit marocain dont le capital est
détenu, en totalité ou en partie, par un ou plusieurs
étrangers.
ARTICLE 32. - Tout versement de sommes
d'argent au profit d'un parti politique doit se faire par chèque
bancaire ou chèque postal.
ARTICLE 33 - Les partis politiques doivent
tenir une comptabilité. Ils sont tenus de déposer leurs fonds, en
leur nom, auprès de l'établissement bancaire de leur choix.
ARTICLE 34. - Les comptes des partis sont
arrêtés annuellement. Ils sont certifiés par un expert
comptable inscrit à l'ordre des experts comptables attestant la
sincérité des comptes qu'il décrit.
Les états financiers et annexes doivent être
publiés dans un journal habilité à recevoir des annonces
légales.
Toutes les pièces comptables doivent être
conservées pendant dix ans à compter de leur date.
ARTICLE 35. - La répartition entre
les partis politiques du montant de la participation de l'Etat au titre de la
subvention annuelle est calculée sur la base :
1- du nombre de sièges de chaque parti politique au
Parlement, conformément à un état établi
annuellement par les présidents des deux Chambres, chacun en ce qui le
concerne, dans le mois qui suit la date d'ouverture de la session d'octobre
2- du nombre de voix obtenues par chaque parti politique aux
élections générales législatives.
Un état des montants alloués à chaque
parti est transmis à la Cour des comptes.
Les modalités de répartition et le mode de
versement de la subvention sont fixés par décret.
ARTICLE 36. - Les partis politiques
bénéficiaires de la subvention annuelle doivent justifier que les
montants reçus par eux ont été utilisés aux fins
pour lesquelles ils ont été accordés.
ARTICLE 37. - La Cour des Comptes est
chargée du contrôle des dépenses des partis politiques au
titre de la subvention annuelle pour la couverture de leurs frais de
fonctionnement.
A cet effet, les partis politiques adressent à la Cour
des Comptes, au plus tard le 31 mars de chaque année, un état
accompagné des pièces justificatives des dépenses au titre
de l'exercice écoulé.
ARTICLE 38. - Toute utilisation, en
totalité ou en partie, des aides financières de l'Etat, à
des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été
versées, est considérée comme détournement de
deniers publics, punissable à ce titre conformément à la
loi.
ARTICLE 39. - Le parti suspendu ne
bénéficie pas de la subvention annuelle prévue à
l'article 29 de la présente loi, au titre de la période durant
laquelle il a été suspendu.
ARTICLE 40. - Le parti qui ne réunit
pas son congrès durant quatre années perd son droit la subvention
annuelle prévue à l'article 29 de la présente loi.
Le parti recouvre le droit de bénéficier de
cette subvention à compter de la date de régularisation de sa
situation.
TITRE- V : DES UNIONS DE PARTIS
POLITIQUES
ARTICLE 41. - Les partis politiques
légalement constitués peuvent librement s'organiser en unions
dotées de la personnalité morale, en vue d'oeuvrer collectivement
à la réalisation d'objectifs communs.
ARTICLE 42. - L'adhésion d'un parti
politique à une union de partis doit être approuvée par
l'organe habilité à cet effet, et selon les modalités
prévues par les statuts du parti.
ARTICLE 43. - L'union de partis politiques
est soumise au même régime juridique que le parti politique, sous
réserve des dispositions du présent titre.
ARTICLE 44 - L'union de partis politiques
doit faire l'objet d'une déclaration auprès du ministère
de l'intérieur, contre récépissé, dans les trente
jours suivant la date de sa constitution.
La déclaration, dûment revêtue des
signatures des représentants des partis politiques, habilités
à cet effet par les statuts, doit indiquer les nom, identité
visuelle et siège de l'union.
Cette déclaration doit être accompagnée de
trois exemplaires des statuts, de la liste des dirigeants de l'union et
indiquer leur qualité dans l'union.
ARTICLE 45.- Toute adhésion ou retrait
d'un parti politique d'une union de partis doit être
déclaré au ministère de l'Intérieur, contre
récépissé, dans les quinze jours de sa survenance.
ARTICLE 46. - Toute modification survenue au
niveau du nom de l'union, de son identité visuelle, de son siège
ou de ses dirigeants doit être déclarée au ministère
de l'Intérieur, contre récépissé, dans un
délai de quinze jours.
ARTICLE 47. - L'Etat accorde aux unions de
partis politiques, dont les partis membres ont obtenu un total d'au moins 5%
des suffrages exprimés lors des élections
générales législatives, une subvention annuelle pour la
contribution à la couverture des frais de fonctionnement des partis qui
la composent, sur la base :
- du nombre total de sièges des partis de l'union au
Parlement ;
- - du nombre total de voix obtenues par
les partis de l'union aux élections générales
législatives L'union répartit le montant de cette subvention
selon les règle fixées par ses statuts.
A défaut de dispositions statutaires, ce montant est
réparti proportionnellement au nombre de sièges et de voix
obtenus par chaque parti.
ARTICLE 48. - L'Etat accorde aux unions de
partis politiques dont les candidats aux élections
générales législatives, directement
accrédités par l'union, ont obtenu un total d'au moins 5% des
suffrages exprimés, une subvention annuelle pour la contribution
à la couverture de leurs frais de fonctionnement, sur la base des
critères fixés à l'article 47 ci-dessus.
L'union répartit le montant de cette subvention selon
les règles fixées par ses statuts.
ARTICLE 49. - Les unions de partis adressent
à la Cour des Comptes un état des montants alloués
à chaque parti politique, conformément aux dispositions des
articles 47 et 48 ci-dessus.
TITRE- VI : DES SANCTIONS
ARTICLE 50. - Lorsque les activités
d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de
l'Intérieur requiert du président du tribunal administratif de
Rabat, statuant comme juge des référés, d'ordonner la
suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux.
Le tribunal administratif de Rabat statue sur la requête
du ministre de l'Intérieur dans un délai maximum de trois
jours.
ARTICLE 51. - La suspension du parti et la
fermeture provisoire de ses locaux sont ordonnés pour une durée
de un à quatre mois.
A la fin de ce délai, et à défaut de
demande de dissolution, le parti recouvre tous ses droits sauf si le ministre
de l'intérieur ne demande, dans les formes de l'article 50 ci-dessus,
la prorogation de la suspension et de la fermeture provisoire des locaux du
parti pour une durée qui ne peut dépasser deux mois.
ARTICLE 52. - En cas d'inobservation des
formalités de la présente loi, le ministre de l'Intérieur
saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la
situation du parti.
A défaut de régularisation dans le délai
d'un mois, le ministre de l'Intérieur demande la suspension du parti
dans les formes et conditions prévues par les articles 50 et 51
ci-dessus.
ARTICLE 53- Le tribunal administratif de
Rabat est compétent pour connaître des requêtes en
déclaration de nullité, prévues aux articles 4 et 15 de la
présente loi, ainsi que des requêtes en dissolution en cas de
non-conformité à la loi, à l'initiative de toute personne
intéressée ou du ministère public.
Le tribunal saisi peut ordonner à titre de mesure
conservatoire, et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et
l'interdiction de toute réunion des membres du parti.
ARTICLE 54.- Quiconque aura participé
au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte d'un parti
politique dissous conformément à la présente loi, est
passible d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 20.000
à 100.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement.
Les mêmes peines sont applicables aux personnes qui
auront favorisé la réunion des membres du parti dissous.
ARTICLE 55.- Sans préjudice de
l'application des dispositions de l'article 52 ci-dessus, est passible d'une
amende de 20.000 à 100.000 dirhams toute personne qui, en violation des
dispositions des articles 5, 6 et 26 a adhéré à un parti
ou accepté l'adhésion de personnes ne remplissant pas les
conditions prévues aux mêmes articles.
ARTICLE 56 - Est passible d'un emprisonnement
d'un à cinq ans et d'une amende de 10.000 à 50.000 dirhams
quiconque a reçu des fonds d'un Etat étranger, d'une personne
morale de droit étranger, d'un ressortissant étranger, ou d'une
personne morale de droit marocain, dont le capital est détenu, en
totalité ou en partie, par un ou plusieurs étrangers, en vue de
la constitution ou du fonctionnement d'un parti politique.
ARTICLE 57. - Sera dissous, par
décret, tout parti politique qui provoquerait à des
manifestations armées dans la rue, ou qui présenterait, par sa
forme et son organisation militaire ou paramilitaire, le caractère de
groupes de combat ou de milices privées ou qui aurait pour but de
s'emparer du pouvoir par la violence, de porter atteinte à la
religion islamique, au régime monarchique ou à
l'intégrité territoriale du Royaume.
ARTICLE 58. - Quiconque aura
participé au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte
d'un parti dissous conformément à l'article 57 ci-dessus, est
passible de la réclusion de 5 à 10 ans et d'une amende de 20 000
à 100 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement.
ARTICLE 59.- En cas de dissolution
spontanée, les biens du parti sont dévolus conformément
aux statuts. A défaut de règles statutaires relatives à la
dissolution, le congrès détermine les règles de la
liquidation.
Au cas où le congrès ne se prononce pas, le
tribunal de première instance de Rabat fixe les modalités de la
liquidation à la demande du procureur ou de toute personne
intéressée.
En cas de dissolution judiciaire ou administrative, la
décision de justice ou le décret de dissolution fixeront les
modalités de liquidation conformément aux dispositions
statutaires ou par dérogation à celles-ci.
TITRE- VII : DISPOSITIONS
TRANSITOIRES
ARTICLE 60. - A compter de sa publication au
bulletin officiel, la présente loi abroge et remplace toutes
dispositions législatives antérieures relatives aux partis
politiques et aux associations à caractère politique.
ARTICLE 61. - Les partis politiques
existants à la date de la publication au bulletin officiel de la
présente loi doivent se conformer, dans un délai de deux ans,
à ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la
constitution initiale. Cette mise en conformité a lieu au cours d'un
congrès extraordinaire du parti.
A l'issue de ce congrès, un mandataire du parti
dépose au ministère de l'intérieur un dossier comportant
le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des
noms de l'ensemble des congressistes avec leurs signatures et numéros
des cartes d'identité nationales, ainsi que trois exemplaires des
documents adoptés par le parti.
* * *
OUVRAGES :
- Ignace Dalle, Les trois Rois, La monarchie marocaine de
l'indépendance à nos jours, Fayard, 2004.
- Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une
espérance brisée, Maisonneuve et Larose, 2001.
- Bernard Cubertafond, Le système politique
marocain, L'Harmattan, 1997.
- Dominique Andolfatto, Les partis politiques, quelles
perspectives ?, L'Harmattan, 2001.
- Bertrand Badie, l'Etat Importé, l'occidentalisation
de l'ordre politique, Fayard, 1992.
- Mohamed Tozy, Monarchie et islam politique au Maroc,
Presses de science po, 2ème édition, 1999.
- Ouvrage collectif, Les régimes politiques
arabes,
- Ouvrage collectif, Dictionnaire de Politique, Le présent
en question, Larousse.
- John Waterbury, Le Commandeur des croyants, Imprimerie
des Presses universitaires de France, 1975.
- Faupin Hervé, le contrôle du financement de la
vie politique, partis et campagnes, LGDJ, 1998.
REVUES :
- Maria Angeles Lopez Plaza, « les femmes sur la
scène politique », Confluences
Méditerranée, n° 31, Automne 1999.
- Mouaad Rhandi, « La patte de
l'Intérieur », Le Journal Hebdomadaire, du 5 au 11 juin
2004.
- Nadia Hachimi Aloui, « le Maroc va-t-il vers
la « feuille de route » de
Bush ? », Le Journal Hebdomadaire, n° 143, du 17 au 23
janvier 2004.
- Omar Brouksy, « le défie de la
Gauche », n° 155, du 10 au 16 avril 2004.
- Omar Brouksy, « Une loi
éradicatrice », Le Journal Hebdomadaire, n°181, du 6
au 12 novembre 2004.
- « entretien avec Abdlatif
Agnouch », Le Journal Hebdomadaire, n° 181, du 6 au 12
novembre 2004.
- Karim Boukhari, « Le Roi a dit »,
Telquel, n°141.
- « Loi sur les partis : L'histoire d'un
projet mort-né », Telquel, n° 141.
- Ahmed R.Benchemsi, « Loi sur les partis:
étude de texte », Telquel, n°150,
- Ahmed R.Benchemsi et Driss Ksikse,
« réécrivons la constitution »,
Telquel, n° 173.
QUTIDIENS :
- le Matin, « projet du loi relative au partis
politiques », le24/11/2004.
- La Vie Economique, « les dispositions les
plus saillantes du projet », le 29/10/2004.
- L'Economiste, Nadia Lamlili « Les partis
politiques à l'Etat... », le 20/10/2004.
- al-Ahdat al-Maghribia, n° 2190, le25/01/2005
- al-Ahdat al-Maghribia, n° 2191, le26/01/2005
- el-Yasar el- Mohad,n° 66, du 15 à 21/09/2004.
-el-Yasar el- Mohad, Ali Karimi, « la
scène politique et partisan entre la logique sécuritaire et la
logique d'organisation », n° 75, du 17 à
23/01/2005.
- el-Yasar el- Mohad,n° 76, du 24 à 30/12/2004.
- Cahiers politiques, n° 67, le 01/2005.
- Itihad al-Ichtraki, Ahmed Mofid « projet
du loi sur les partis politiques : une étude
analytique », n° 7795, le 16/12/2004.
- Assahifa,n° 181, du 20 à 26/09/2004.
ARTICLES :
- Malika Zeghal, « Religion et politique au Maroc
aujourd'hui », novembre 2003, Institut Français des relations
internationales.
- Mohamed Tozy, Béatrice Hibou, «Les enjeux des
élections au Maroc»,
SITES INTERNET :
-www.atlasvista.info
-www.africatime.com
-www.albayan.ma
-www.laconscience.com
-www.lexpresse.fr
-www.monde-diplomatique.fr
* 1 - Bertrand Badie, l'Etat
Importé, l'occidentalisation de l'ordre politique, Fayard, 1992.
* 2 - Idem
* 3- Ignace Dalle, Le
règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisée,
Maisonneuve et Larose, 2001.
* 4 - John Waterbury, Le Commandeur
des croyants, Imprimerie des Presses universitaires de
France, 1975
* 5- Ignace Dalle, Le
règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance
brisé.,op.cite.
* 6 - John Waterbury, Le
Commandeur des croyants, op. cit.
* 7 -Telquel, version
électronique, n° non communique.
* 8 - Pierre Vermeren, Le
Maroc en transition, La Découverte, 2002.
* 9 - le Reporter, version
électronique du 29 novembre au 5 décembre 2001.
* 10- Telquel, n° 141, 16
juin 2005.
* 1 -Telquel, n°141, 16
juin 2005.
* 2 - le journal Hebdomadaire
du 5 au 11 juin 2004.
* 3 - Le Matin du Sahara et du
Maghreb, 29/10/2004, « check-up et mise à niveau
nécessaires et incontournables : Avant- projet de loi relatif
aux partis politiques".
* 4 -Dafaters Siyasi,
n°67, janvier 2005, Mohamad Elhali, « la constitutions
juridique des partis politiques au Maroc ».
* 5 - Mohamed Tozy,
Béatrice Hibou, «Les enjeux des élections au
Maroc». Source non communique.
* 6 -« Pourquoi
Driss jettou a été nommé Premier
ministre »,le Reporter, version électronique du 14
octobre 2002.
* 7 -« un
Premier ministre en dehors des partis », site de RFI, article de
Isabelle Broz publié le 10/12/2002.
* 8 -« L'avenir
compromis du gouvernement Jettou », Olfa Lamloum, courrier
International sur le site: africtime.com/maroc.
* 9 -« Tour de
vis sécuritaire au Maroc » Ali Sarafi, juillet 2003, le
Monde Diplomatique,p20.
* 10 - Ibid.
* 11 -« Le Maroc
va-t-il vers la « feuille de route » de
Bush ? », Nadia Hachimi Aloui, Journal
Hebdomadaire, n° 143, du 17 au 23 janvier 2004.
* 12 - Abdesselam el Ouazzani,
« L'avant-projet de loi sur les partis politiques : un
état des lieux »16 décembre 2004,
Libération, sur le site: www.conscience.com.
* 13 -Ibid.
* 14 - Ibid.
* 15 -Mohamed Boulamy, el
Yassar el Mohad. « Quel loi attende les partis politiques
marocain"? n°66, 15/21 Octobre 2004.
* 16 -la Vie
économique, « Les dispositions les plus saillantes du
projet », version électronique du 25 novembre
2004.
* 17 - Telquel ,« Loi
sur les partis : étude de texte », Ahmed Reda Benchamsi,
,n°150, 15 juin 2005.
18 - Grand festival de fantasia.
19 -Ibid,la Vie économique.
20- el-Ittihad Ichtraki, «L 'avant-projet du loi sur les
partis politiques : une étude analytique » Ahmed
Mofid n°7795,16 dec2004 .
21 - Ibid.el-ittahad
el-Ichtraki, op., cit.
22 -Ibid,Telquel, op., cit.
.
*
*
*
* 23 - Ibid. ,Telquel, op,
cit.
* 24 - Maria Angeles Lopez
Plaza, « les femmes sur la scène politique »,
Confluences Méditerranée, n° 31, Automne
1999.
* 25 -« Les
jeunes au Maroc : de la désaffection au
désenchantement », site Internet :
atlasvista.info.
* 26 -Ibid.
* 27 - Ahmed
R.Benchemsi, « Loi sur les partis: étude de
texte », Telquel, n°150,
* 28 - Ibid.
* 29 -Ibid, Telquel, op., cit.
* 30 - Journal Hebdomadaire,
« Entretien avec Abdellatif Agnouch », ,
n°181 du 6 au 12 novembre 2004.
* 31 - el yasar el
Mouhd,"L'avant-projet de loi sur les partis: une premier lecture", Ali
Karimy n°75, 17/23 décembre 2004.
* 32 - Abdesselam El
Ouazzani," L'avant-projet de loi sur les partis
politiques : un état des lieux",16 décembre
2004, sur le site Internet: www.laconscience.com.
* 33 - Assahifa,n°183, 3/9
Novembre 2004.
* 34 - Ibid.
* 35 - Ibid.
* 36 - Ibid.
* 37 - l'Economiste,
édition électronique du 20/10/2004, Nadia lamlili,
« Les partis politique à l'Etat :
« financez-nous, mais restez à
l'écart ». .
* 38 - Bernard Cubertafond,"
Le système politique marocain", L'Harmattan, 1997.
* 39 - Le journal Hebdomadaire,
« Le défi de la gauche »,O.B, , n° 155
du 10 au 16 avril 2004.
* 40 - Ibid.
* 41 - Ibid.
* 42 - Aziz Nahal,"Une
transition verrouiller", Confluences Méditerranée,
n°31, Automne 1999.
* 43 - Telquel,
« Réécrivons la constitution »,
Driss Ksikes et ARB, , n° 173, 15 juin 2004.
* 1 - Assahifa, n° 195, 1
fév. 2004, dossier « Les secrets de l'argent et des
partis ».
* 2 -Ibid.
* 3 - Ibid, Assahifa, op.cit.
* 4 - Ibid.
* 5- Ibid.
* 6 -Ibid.
* 7 - Telquel, Ahmed
R.Benchemsi, « Loi sur les partis: étude de
texte », n°150.
* 8 - Ibid, Assahifa, op.cit.
* 9 - Ibid, Ingnace Dalle,
op.cit.
* 10 - Table ronde organise par
l'UC sous le thème « Etude comparative des lois
relatives aux partis politiques » à Casablanca, le 29
juin 2004, avec la collaboration de l'Institut National Démocratique
NDI.
* 11 - Ibid.
* 12 - Ibid.
* 13-Faupin Hervé,"
le contrôle du financement de la vie politique, partis et
compagnes", LGDJ, 1998.
* 14 -Ibid.,Telquel, op. Cit.
* 15- Ibid, Abdesselam El
Ouazzani,op.cit.