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Le projet de loi sur les partis politiques au Maroc

( Télécharger le fichier original )
par Hassan Bentaleb
Université Montpellier 1 - Master recherche en science politique 2005
  

Disponible en mode multipage

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    UNIVERSITE DE MONTPELLIER I

    DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE

    MASTER RECHERCHE SCIENCE POLITIQUE

    SPECIALITE : GOUVERNANCE EN EUROPE DU SUD

    MEMOIRE DE MASTER :

    LE PROJET DE LOI SUR LES PARTIS POLITIQUES AU MAROC

    Réalisé par BENTALEB HASSAN,

    Sous la direction de Monsieur le professeur PAUL ALLIES.

    Montpellier

    September-2005

    Remerciements :

    Un grand merci à mon Directeur de mémoire, Monsieur Paul Allies, notamment pour avoir fait preuve de patience et de compréhension à mon égard.

    Je tiens, par ailleurs, à remercier, M. Salah Berrho, professeur de science politique à l'université de Marrakech, qui m'a inspiré l'idée de ce mémoire, M. Mohamed Kmo, le directeur du parti UC, les journalistes et les personnels d'archives de journaux al-Ahdat al-Magribia, le Matin, Assahifa, el-Yassar el-Mohad, le Journal Hédomadaire, al-Ayme, el-Itihad el-Ichtraki, ainsi que toutes les personnes rencontrées pour m'avoir consacré une partie de leurs temps et fourni toutes les informations indispensables à la bonne réalisation de ce travail. Je suis tout particulièrement reconnaissant envers Monsieur Ibrahim Hasnji pour avoir bien voulu relire les versions préliminaires, et pour ses commentaires très utiles.

    « Il faut que, par la disposition des choses,

    le pouvoir arrête le pouvoir »

    CHARLES DE MONTESQUIEU

    De l'esprit des lois, 1748

    SOMMAIRE :

    Introduction : ............................................................6

    I - le projet de loi sur les partis politiques: la genèse et le contenu........14

    A- La genèse et le contexte : ................................................. 15

    1- une défaillance législative concernant les partis politiques............. 18

    2- les élections de 2002 et le gouvernement Jettou. ......................... 20

    3- les attentats du 16 mai. ....................................................... 23

    4-le projet américain de « Grand Moyen-Orient »........................... 24

    B- Le nouveau projet de loi sur les partis politiques :..................... 26

    1- Le projet de loi : étude du texte............................................26

    1-1 - de la constitution des partis politiques............................ 30

    1-2 - de l'organisation et l'administration des partis politiques.......33

    1-3 - le rôle du ministère de l'Intérieur...................................36

    2- La réception du texte.........................................................39

    1-1 - la réaction des partis politiques.................................... 39

    1-2 - la question occulte : la reforme constitutionnelle.................43

    1-2-1 la réforme constitutionnelle : hier et aujourd'hui.................43

    1-2-2 ce qu'on reproche à la constitution............................... 45

    Conclusion :...................................................................50

    II - Le financement des partis politiques :.....................................51

    A- Le soutien de l'Etat aux partis politiques :..................................52

    1- les subventions aux groupes parlementaires...........................52

    2- La participation de l'Etat dans les campagnes.........................53

    B- Ressources propres aux partis politiques : .................................55

    1- les cotisations............................................................ 55

    2- « l'impôt partisan »....................................................... 56

    C- la problématique du financement au sein des partis politiques :......59

    1- la question de transparence..............................................59

    2- Le financement secret des partis politiques...........................61

    3- Le financement étranger des partis politiques........................63

    4- Les fonds privés et les partis politiques................................64

    D- Le nouveau projet et la question financière :..............................67

    1- l'exemple des législations des pays démocratiques................67  

    2- Les scandales dans les pays ayant un financement public..... 70

    3- L'exemple du Maroc...................................................72

    Conclusion :................................................................. 74

    Conclusion générale : ...............................................................75

    Annexe :...............................................................................77

    Annexe 1 :...................................................................78

    Annexe2 :....................................................................82

    Annexe3 :....................................................................88

    Bibliographie :..................................................................... 98

    Introduction

    « Je suis aimé par mon peuple(...). Si chaque fois qu'un parti tient son congrès,je me présentais dans la salle en disant : je me propose comme secrétaire ou président, je serai élu par ovation, à l'unanimité. »Hassan II. La Mémoire d'un roi.

    Tout travail de recherche passe par un effort préalable d'identification de l'objet d'étude, mais aussi par la proposition d'un concept permettant de saisir la réalité observée. Dans le cadre de notre recherche, il convient de s'arrêter sur les connotations du mot « parti politique » qui porte parfois des significations fortement contradictoires.

    Dans l'Occident, la phénomène partisane comme groupement plus ou moins organisé de personnes en vue de la conquête ou la conservation du pouvoir politique est née assez récemment, en même temps que le phénomène électoral (début XIX s), et se généralise avec l'accession des masses à la majorité politique (fin XIX - début XX s). Destinée à gérer la population électorale, elle s'est imposé comme agent d'intégration et agent de conflit, c'est-à-dire, l'intégration d'une collectivité désormais marquée par des solidarités politiques, liée par une commune citoyenneté, mais aussi par des croyances partagées. Conflit au sein d'une société divisée par des clivages et par le jeu de la libre concurrence pour le pouvoir1(*).

    Au pays du Sud, le phénomène partisan a émergée dans un autre contexte, celui de colonisation et la lutte pour l'indépendance, et du coup, le parti politique est perçu, en premier lieu comme élément de revendication de l'indépendance et de cristallisation des comportements nationaliste, au lieu de concourir pour le pouvoir. Après l'indépendance, la situation ne va guère changer, car si l'histoire occidentale a mêlé parti et conquête du pouvoir en synchronisant la formation des partis politiques et celle de la mobilisation électorale, la logique partisane, dans les pays du sud va répondre à d'autres considérations stratégiques, porteuses d'autres fonctions2(*).

    Dans ce cas du figure, le Maroc n'a pas fait l'exception. Il va connaître son premier parti en 1934, sous le protectorat français. Et après l'indépendance, il va opter pour le multipartisme et l'interdiction du parti unique. Les partis ont pour rôle, et selon l'article 3 de la constitution, le concoure à l'organisation et à la représentation des citoyens. Cela veut dire que le parti marocain est une organisation qui n'a pour but non pas la conquête du pouvoir par l'élection, mais est uniquement une machine de propagande et d'agitation. En effet, la monarchie Alaouite est la clé de voûte de système politique marocain. Son titulaire dispose, de par la lettre et la pratique constitutionnelle, de pouvoirs étendus. De ce fait, les partis toutes tendances confondues, doivent, s'ils veulent accéder au pouvoir, maintenir avant tout leur confiance en la personne du roi, et fournir les compétences nécessaires au fonctionnement de l'appareil d'Etat ; et d'autre part, servir de soupape de sécurité aux appétits et aux mécontentements. Ainsi, le parti marocain constitue une structure nécessaire mais non indispensable à l'expression de la diversité du peuple marocain dans le respect de son unité, incarnée par le roi, qui exprime l'unanimité. Pour comprendre comment on est arrivé à cette situation ? , Un retour en arrière s'impose.

    Dés les années trente, le Maroc va connaître la création de son premier parti politique : Kotlat el Amal el watani (comite d'action nationale. Il s'agit d'un regroupement des nationalistes qui veulent l'indépendance du pays. Ce parti va laisse place au Parti Istiqlal et PDI (Parti Démocratique d'Indépendance) de Hassan el Ouazzani, nationaliste modéré - « beaucoup trop », selon l'Istiqlal.

    A l'Indépendance, après l'écrasement de (PDI), le PI fait pratiquement le seul maître du jeu, à cote du Palais. Pourtant, le PI était profondément divisé et son influence ne s'exerçait-elle pas de manière uniforme sur l'ensemble du pays. Sa participation au pouvoir était susceptible de lui permettre d'unifier ses ranges et d'utiliser le prestige du roi pour étendre son autorité à l'ensemble du pays. Mais, Mohammed v est parvenu progressivement à le neutraliser et à le pousser à rompre sous l'effet de son poids. D'une part, en l'associant au pouvoir sans le lui abandonner et, d'autre part, en lui promettant la monarchie constitutionnelle sans la réaliser3(*).

    Entre temps, le prince Moulay Hassan, qui supportait déjà assez mal les Istiqlalient, leur prestige, leur influence auprès de feu Mohammed V, et fort soucieux d'une monarchie quasi hégémonique, va jouer « le pluralisme », et créa un nouveau parti : le MP (mouvement populaire), confié à deux hommes proches du Palais : le tandem Abdelkrim Khatib- Mahjoubi Aherdane. Et en même temps, Moulay Hassan a encourage la fronde au sein de l'Istiqlal, ce qui fini par paie par une scission du parti avec la constitution de l'Union national des Forces populaires (UNFP), qui va rapidement menacer à son tour, le pouvoir de la monarchie. John Waterbury a bien résumé cette période : « En 1956, l'Istiqlal était une force politique considérable, la plus considérable dont Mohammed V devait tenir compte. Le parti rassemblait incontestablement tous les nationalistes marocains. Un affrontement était inévitable entre le Palais et L'Istiqlal dans la mesure où le premier n'avait pas l'intention de restreindre ses pouvoirs - ni même de les définir- et le deuxième, tout en n'ayant pas de malveillances particulière envers le roi, voulait cependant limiter l'étendu de ses prérogatives. La monarchie resta sur la défensive pendant trois ans, observant prudemment la situation. Conservant soigneusement le contrôle de l'armée, de la police et de l'intérieur, elle poussait doucement l'Istiqlal à rompre sous l'effet de son poids. L'éclatement du parti ouvrit la voie à l'offensive royale et à la subordination progressive de toute l'activité gouvernementale au Palais. Les clans de l'élite, infortunés et impuissants, ont été les témoins de cette manoeuvre de lui opposer une résistance concertée. L'euphorie et les grands espoirs des premières années de l'indépendance se sont dissipés et les élites en sont venues à accepter le fait de leur « corruptibilité ». Cynisme et désillusion les poussent à rechercher les avantages du régime et les tactiques de division du Palais en sont grandement facilitées. »4(*).

    La création de l'UNFP s'est faite en deux temps : C'est la création au tout début de l'année 1959, sur l'initiative d'Aballah Ibrahim, Premier ministre depuis le 23 décembre1958, la Confédération nationale du parti de l'Istiqlal, avant que la rupture soit consommée avec le PI, et la naissance officielle de l'UNFP. Une fois représenté au gouvernement comme un groupement politique, l'UNFP dénoncerait la monopolisation du pouvoir par le trône5(*). A défaut d'empêcher l'arrestation de dirigeants de l'UNFP poursuivis pour offenses au roi et pour complot contre la vie du prince héritier Moulay Hassan, la détermination du gouvernement bloquait le système. Mais le leadership royal était désormais solidement assuré par l'avènement du pluripartisme.

    En mai 1960, le roi décidait de dissoudre le gouvernement et d'assumer lui-même les fonctions de président du Conseil, tout en prenant l'engagement solennel de promulguer une Constitution avant la fin 1962. La promesse devait être tenue par Hassan II, monté sur le trône en février 1962, à la mort de son père. Avec la constitution du 14 décembre 1962, la monarchie consacrait sa suprématie alors même qu'elle était réputée devenir « constitutionnelle ».

    En 1963, à l'occasion des premières élections dans l'histoire du pays, Hassan II et son conseillé Ahmed Réda Guédira imaginent le FDIC (front de défense des institutions constitutionnelles). Sans être un parti, le front regroupe le MP, le PDI et les libéraux. Un parti hétéroclite et brinquebalant qui prétend être un front royaliste dont le rôle est de contrecarrer le "démocratisme" du mouvement national. Il participera au gouvernement issu des législatives de 1963. Il en sort à égalité avec l'Istiqlal et l'UNFP, fournit ministres et députés, avant de retourner au néant, sa mission étant terminée. Hassan II peut d'autant mieux gouverner que les complots de 1963, dont l'élaboration n'a jamais été clairement établie, lui permettent de condamner la plupart des dirigeants de l'UNFP à la prison ou à l'exil.

    En 1965, Hassan II décrète l'état d'exception, le Parlement est dissout, le roi gouverne à lui seul. En ce milieu des années 1960, des milliers de militants et de jeunes, dont des dizaines de personnalités de gauche, ont déjà été soumis à la torture et connu les geôles du régime. Les morts se comptent par milliers. Figure de proue de l'opposition, Ben Barka a été enlevé et assassiné en France. Privés de leurs éléments les plus courageux ou les plus dynamiques, éliminés, emprisonnés ou exilés, les partis d'oppositions font le dos rond et sont contraints d'entrer dans un débat inégal avec le pouvoir puisque c'est lui qui en fixe les règles.

    Jusqu'en 1971, date du premier putsch militaire contre Hassan II, celui-ci cultive encore des rapports avec ce qui reste de la classe politique. A l'UNFP, sa source privilégiée reste Bouabid, avec qui les contacts se font directement, ou en passant par Mohamed Aouad, son ami et conseillé du roi. A l'Istiqlal, Hassan II traite avec M'hamed Boucetta (sa famille a une longue tradition de service du Makhzen) . Au long de cette période, un seul parti verra le jour, c'est le MPDC (mouvement populaire démocratique constitutionnelle) de Abdelkrim Khatib en 1965 après son coup de gueule suite à l'état d'exception décrété par Hassan II. Il s'agit d'une coquille vide maintenue sous contrôle, dont l'usage sera fait, des décennies plus tard, pour la création du PJD (parti de Justice et Développement). Aherdane prendra les rênes du Mouvement. Ce dernier connaîtra le même sort puisque le Mouvement Populaire sera scindé en deux partis. Le deuxième putsch de 1972 installe le pays dans une paranoïa sans précédent. Hassan II coupe les ponts avec Bouabid, soupçonné de connivence avec les putschistes. Bouabid lance une première Koutla avec l'Istiqlal pour essayer de faire face au Palais.

    En 1973, le complot avorté de Moulay Bouazza imputé à l'UNFP, met davantage la pression sur Bouabid, obligé de se délester de l'aile blanquiste incarné par le Fqih Basri. Une option qui allait se concrétiser, après une validation préalable auprès du Palais, par la création de l'USFP(l'union socialiste des forces populaires), qui pille son ancêtre l'UNFP et le réduit à un parti fantôme. En parallèle, Hassan II entreprend une démarche similaire auprès du PLS, l'ancien parti communiste de Ali Yata, prié de renier son aile gauchiste aux rêves révolutionnaires. C'est ainsi que Le PPS( parti de progrès et socialisme) est né en 1974 et, avec lui, comme le dit ce militant du parti, « une nouvelle histoire : celle du communisme monarchiste ».

    Ce définitif retour à la raison des socialistes, communistes et nationalistes ressemble bien à une capitulation. Hassan II en profite pour obtenir l'union national, sur la question Sahara. Ainsi, la participation de ces partis à la Chambre des Représentants en 1977 et 1984 sanctionne l'issue d'un processus de marginalisation et de satellisation. Une autre fois, on ne trouve mieux que Waterbury pour résume bien la situation : «le Roi, ne peut se permettre de laisser une faction devenir trop puissante mais, d'une autre cote, il ne souhaite la disparition d'aucune d'entre elles ; ce serait perdre quelques pions à manipuler et se priver d'éléments bien commodes pour donner du relief. De leur cote, les factions en sont venues à accepter le jeu, selon les règles du Roi. Elles se bornent à des « revendications positives » qui leur procurent les avantages marginaux d'un régime qu'aucune d'enter elles ne rejette complètement (...). La stagnation est le prix de ce jeu de bascule ; aucune faction isolée ne peut prendre à elle seule le risque d'une initiative hardie et elles sont incapables, ensemble, d'action concertée. Le rôle que le roi s'est choisi n'est pas de diriger mais d'orchestrer les évolutions du « Ballet national des thuriféraires »6(*).

    Dès 1976, c'est le retour à la normale. Le roi décide d'organiser des élections. Les législatives, tenues en 1977, crée la surprise : le premier parti (143 siège sur 260) n'est ni l'Istiqlal, ni l'USFP, ni même le fidèle MP. C'est plutôt ces SAP, candidats sans appartenance qui gagnent aussitôt le nom de « Ahrar ». Hassan II, qui désire créer une nouvelle classe politique, décide de transformer les SAP en parti qu'il confie à son Premier ministre Ahmed Osman, et ainsi le RNI (Rassemblement national des indépendants) est né. Avec ses 143 élus, le RNI ressemble à une baudruche dont le ventre menace d'exploser à tout moment. Lorsque l'équipe nationale de foot perd 5 à 1 face à l'Algérie, en décembre 1979, les élus RNI font bloc contre le budget du ministère de la jeunesse et des sports. Le Palais réalise que cette majorité devient menaçante.

    En 1981, le RNI subit ainsi une scission. Le PND (parti national de démocratie) voit le jour. Entre-temps, Hassan II entreprend, en 1983, la création de l'UC (l'union constitutionnelle). Comme pour le RNI, Hassan II, pour concrétiser son projet fait appel à son Premier ministre du moment, Maati Bouabid. Et comme le RNI ou le FDIC, hier, l'UC devient à son tour le parti numéro un du pays.

    Avec l'UC, le RNI, et accessoirement le PND, sans oublier le MP, Hassan II dispose de suffisamment de possibilités « démocratiques » pour tourner le dos à l'USFP, à l'Istiqlal, au PPS et à l'OADP (organisation d'action démocratique et populaire). Le roi est plus que jamais en position de force. C'est désormais Driss Basri(ex-ministre de l'intérieur), le nouvel homme à tout faire du Palais, qui garde les contacts avec les « opposants », qu'ils soient socialistes ou istiqlaliens. Basri voit chez lui les uns et les autres, pendant que le roi leur ferme sa porte.

    A partir de 1992, Hassan II entreprend un processus constitutionnel qui avait pour but la montée au pouvoir de l'opposition historique. En 1998, une année avant sa mort, Hassan II installe le gouvernement d'alternance sous la conduite de Abderrahmane Youssoufi, qu'a depuis accepté tous les compromis. Une attitude qui lui vaudra, à lui et à son parti, un discrédit populaire.

    Pour punir le seul parti (l'OADP) qui, sans rejeter la Constitution, ne la cautionnait pas pour autant, Driss Basri encourage passivement une scission interne qui allait aboutir à la création d'un nouveau parti : le PSD (le parti social démocrate). En parallèle, le vizir voit d'un bon oeil la fronde menée au sein du PPS par Thami Khyari et lui offre la possibilité, à son tour, de créer un parti : le FFD.

    A droit de l'échiquier politique, et à l'ombre de l'Alternance, Hassan II a toléré l'émergence de nouveaux partis. Le PJD, fruit d'une fusion entre les islamistes et le MPDC, et le MDS (mouvement démocratique et sociale) de Mahmoud Archane. Pour le RNI, il va continuer de jouer le rôle pour lequel il a été crée, basculant tantôt à droit, tantôt à gauche, défaisant facilement les coalitions, assumant ainsi le rôle du « centre » tel qu'il imagine par Hassan II. Deux partis sont restés sur le carreau dans cette nouvelle configuration royale : le PND et l'UC. Le premier souffre toujours de l'image brouillée qu'il traîne depuis l'époque Dlimi. Le deuxième est perdu depuis la disparition de Maati Bouabid et Abdellatif Semlali7(*).

    Avec l'arrive de Mohamed VI au pouvoir, et le limogeage de Driss Basri, les choses devenu plus complexe, car la chute de l'ancien ministre et ses hommes qu'il avait placés aux postes de responsabilité va entraîner l'ambiguïté de frontière entre les différents protagonistes du scène partisane. Avec l'Alternance, les partis du « mouvement national » (c'est à dire issu de l'Istiqlal historique), aux premiers rangs desquels l'USFP et l'Istiqlal, qui constituent l'armature des gouvernements d'alternance depuis 1998, on va assister à un remplacement du Makhzen historique. Le parti de Mehdi Ben Barka a battu en retraite et abandonné les projets de réformes importantes. Les dirigeants de l'USFP, empâtés par six années de gouvernance et de proximité avec le pouvoir, ont manifestement été cooptés par le Makhzen. C'est un néo-Makhzen qui en train de prendre la place du Makhzen défunt8(*).

    Cette situation sans équivoque, va discrédit la vie politique et délaisser les partis politique quel que soit leur tendance politique, c'est ce que va démontre le sondage publier par l'association Maroc 2010 à la veille des échéances électorales du 2002, sur les « perceptions des citoyens envers la vie politique du pays ». Le verdict est sans appelle : 3.7% et 8.7% se déclarent respectivement militants ou sympathisants d'un parti politique. 87.6% se situent en dehors des mouvances partisanes actuelles. 51.3% expliquent leur non-engagement partisan en déclarant que «  la politique ne leur dit rien »9(*).

    Face à cette situation désastreuse, le débat est lance. Toute la classe politique est unanime sur l'urgence d'une réhabilitation et d'une reforme du champ partisan. La première tentative était un projet de loi, en 2000, qui va être enterré, au profit de la préparation des élections 2002. Et tout le monde vécut heureux jusqu'au 16 mai 2003, où le Maroc se réveilla à la nécessité d'assainir, pour de bon, le champ politique10(*).

    Entre temps, c'est le Roi qui va prendre le relaie, on exprimant dans son discours, à l'ouverture de la troisième année législative de l'actuelle législature, d'élabore un texte de loi sur les partis politiques. Il estime que l'adoption de ce projet de loi pourrait réhabiliter et donner plus de crédibilité à l'action politique, démocratiser et assurer la transparence dans la gestion des partis politiques en vue de leur permettre de contribuer activement à la réussite du processus démocratique et de mettre fin à certaines pratiques qui nuisent à l'action politique et la vident de sa noble finalité. La classe politique dans sa majorité approuve la volonté royale, et dit prête à jouer le jeu de crédibilité et de transparence. Et comme a été prévu, un avant projet de loi relatif aux partis politiques a été soumis aux formations politiques.

    Cet avant-projet est constitué de 6 sections et 53 articles, concernant la constitution, la gestion et le financement des partis politiques. Dès le premier article, le projet de loi a tranché au sujet de l'idéologie partisane. Ainsi l'interdiction est claire de toute création de parti politique qui se ferait sur la base d'une idéologie religieuse, linguistique, ethnique ou régionale. Tombe également sous la coupe de la loi toute partie dont la création vise l'atteinte à la religion musulmane, à l'institution monarchique de l'Etat et à l'intégrité territoriale du Royaume.


    Le gouvernement pourrait également intervenir, par décret, pour la dissolution de tout parti politique qui inciterait à la révolte armée dans la rue ou qui viole l'une des dispositions déjà citées de la loi en terme de statut idéologique. La loi sur les partis prévoit des mesures répressives et moult sanctions pour tout contrevenant à ses dispositions.

    En terme d'organisation et de gestion interne des partis politiques, le projet de loi impose le principe d'élection pour la désignation de toutes les instances (locales, régionales ou nationales) des partis politiques.

    En terme de statuts purs, le projet de loi exige de tout parti, pour être reconnu en tant que tel, de disposer d'un minimum de 1000 membres fondateurs au lieu de 3000 initialement suggérés. Les partis politiques doivent par ailleurs être représenté au minimum au niveau de la moitié des régions que compte le territoire (16 au total) et de disposer dans chaque région où il est représenté de 5 % sur le total des membres fondateurs.


    La loi sur les partis interdit pour un militant d'appartenir à deux formations à la fois. Un phénomène très courant lors des consultations électorales où un partisan va demander des cautions à plusieurs partis en même temps pour s'assurer un maximum de chance d'élection.

    Le projet de loi sur les partis politiques, dans sa mouture finale, souligne la nécessité pour les partis politiques de fixer un quota de participation pour les femmes et les jeunes. Le principe du quota est ainsi acquis même si aucun pourcentage n'est fixé et qu'aucune mesure répressive n'est prévue en cas de violation par les partis politiques de cette disposition. Cela ouvre, néanmoins la porte à d'autres initiatives, notamment dans le cadre de la prochaine loi électorale.

    Le projet de loi impose ainsi aux formations politiques la tenue annuelle de leur comptabilité. Le texte précise que les fonds des formations politiques proviennent des droits d'adhésion des militants, les dons et subventions ainsi que les revenus liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales en plus de l'aide de l'Etat.


    Cette dernier participe, par ailleurs, au financement des campagnes électorales des partis politiques et leur accorde une aide annuelle pour aider à leur gestion. Le montant de la subvention devrait être fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des Deux chambres du Parlement.

    La subvention étatique est, cependant, reliée à la tenue des assises nationales des partis politiques. Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide annuelle de l'Etat.
    Les partis politiques sont, par ailleurs, interdites de recevoir des aides financières - directes ou indirectes - des collectivités locales, des institutions publiques et des sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital.

    Les partis politiques sont également interdits de recevoir des subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une personne ne portant pas la nationalité marocaine.

    Les partis, pour l'instant, commencent à peine à constituer les commissions chargées d'examiner le texte. Mais on relève déjà quelques réticences générales, et communes. Celle qui revient le plus souvent est la suivante : Les conditions qu'on pose à la création des partis politiques juge très difficile, voire impossibles à respecter sans tricher. S'il est vrai que la scène politique marocaine est pléthorique (26 partis agréés), est-ce une solution de la figer en l'état, en bloquant l'arrivée de nouvelles formations ? Ce serait considérer que les formations existantes sont suffisamment organisées, et crédibles, pour représenter efficacement les Marocains. Autre reproche général à cet avant-projet de loi : la création d'un parti y devient soumise à autorisation du ministère de l'Intérieur. À la moindre pièce manquante au dossier de constitution (vu le nombre de documents demandés, il est quasiment impossible qu'un dossier soit parfait), le ministère rejette la demande. Il s'agit, en somme, de reconduire le ministère de l'Intérieur en tant que force régalienne de contrôle.


    C'est encore plus évident, quand on voit que le ministère a aussi le droit de dissoudre un parti. Sans parler de ses modalités, le simple fait que cette possibilité lui soit offerte suscite une levée de boucliers générale. Et pose une question de fond : le ministère de l'Intérieur dispose- t- il de suffisamment de légitimité pour se poser en arbitre neutre de la vie politique ? Assurément non, vu son long passif de manipulation et de trucages électoraux.

    Si tout ce qui se rapporte, dans ce texte, au ministère de l'Intérieur suscite déjà l'opposition, la section concernant l'organisation financière des partis ne suscite, elle, que des applaudissements. Non sans une certaine critique. Appliquer la transparence financière la plus stricte (c'est ce que prévoient, en gros, les articles 29 à 41) n'ira pas sans de gros déchirements internes dans quasiment toutes les formations.

    Prochainement, tous les partis devront avoir rendu leur copie au ministère de l'Intérieur. Un des enjeux de ce premier round de consultations est, pour Moustafa Sahel et ses équipes, de recevoir des remarques et contre-propositions précises, plutôt que des avis généraux.

    Mais si aujourd'hui, la monarchie et les partis politique sont tous d'accorde sur la nécessite du la reforme, sont-t-ils tous d'accorde sur la conation du reforme ? En d'autre terme, les intérêts de la monarchie à travers cette loi, correspondent elles à celles des partis politiques ? Quelle forme va prendre-t-il ce reforme ? Quel rapport de force va traduit il ? Va -t-il exprime le compromis des intérêts ou leurs conflits ? Et avant tous cela, pourquoi ce débat est lance maintenant ? Dans quel contexte elle surgit ? Et pourquoi cet acharnement contre les partis politiques comme seules responsables de la crise politique ? Ce reforme va-il entraîne un reforme constitutionnel ? Suffit il d'une disposition juridique pour que la vie politique au Maroc trouve sa vitalité ? C'est à toutes ces questions qu'on va tenter d'apporter une réponse à travers cette mémoire.

    Notre hypothèse du départ, sera le pourquoi et le comment de ce nouveau texte de loi, c'est-à-dire, nous va tenter de répondre à trois questions : dans quel processus historique, politique et social s'inscrite ce projet de loi ? Quel sont les intérêts et les luttes en contradiction qui le traversent ? Et enfin, quelle traduction va prendre ?

    Nous pensons que un travail analytique concernant le texte de loi, en premier temps, peut nous fournirons des éléments de réponse, ainsi que une exploration des documents officiels (discours du Roi, travaux du concile du gouvernement, travaux des parlementaires).

    Cela dit, il convient maintenant d'exposer notre plan. Celui-ci comportera deux parties. La première s'intitulera « Le projet de loi sur les partis politiques: la genèse et le contenu ». Dans un chapitre premier, nous présenterons les conditions d'émergence de nouveau projet de loi. Dans un chapitre second, nous analyserons le contenu de texte à travers trois points : la constitution des partis politiques, leur organisation, et le rôle de ministère de l'Intérieur, avant de s'arrêter sur la relation enter ce texte et la réforme de la constitution. Notre deuxième partie s'intitulera « Le financement des partis politiques ». Nous consacrerons un premier chapitre aux grandes questions qui traversent le financement des partis politiques. Le second chapitre traitera le cas de Maroc et certains pays démocratiques face à ces questions, à travers leurs législations.  

    Reste à savoir quels intérêts peuvent avoir ce travail ? , Je pense, qu'au-delà d'un intérêt personnel, ce travail pose la question de changement politique par le haut, ainsi que le rôle des partis politique dans la réussite ou l'échec du processus démocratique dans les pays sous -développes.

    Premiere partie : la genèse et le contexte

    Dans son discours d'ouverture de la session parlementaire, le Roi a appelé à l'étude de la nouvelle loi sur les partis politiques. Une loi qui est appelée à réguler un champ politique en pleine effervescence, en pleine période de remises en cause. Dés lors, Tout le monde planche depuis plusieurs semaines sur le texte de l'avant-projet de loi sur les partis politiques. Que raconte ce texte tant attendu ? Comment est-il perçu et réceptionné ? Quelle substance va-t-il injecter dans la scène politique nationale ? Mais avant tous cela, comment ce texte est né et dans quel contexte ?

    A- La genèse :

    Dès l'an 2000, et sous le règne de l'Alternance, que l'idée d'élaborer une nouvelle loi sur les partis politiques a vu le jour. À la base, en avril 2001, le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi demanda à son ministre des Droits de l'Homme de travailler sur une proposition de loi régissant les partis politiques. Une commission interministérielle est créée pour superviser les propositions du département de Mohamed Aujjar. Elle regroupe des juristes du ministère des Droits de l'Homme, de la Justice, du ministère de la Communication, des représentants du ministère chargé des Relations avec le Parlement et des hauts fonctionnaires du secrétariat général du gouvernement. Le mot d'ordre d'Abderrahmane Youssoufi est clair : proposer une loi qui garantit la liberté de création de formations politiques, imposer la démocratie et exiger une gestion saine du patrimoine des partis politiques.

    Une première mouture est remise six mois plus tard. L'un des acteurs du projet a décrit cette première mouture comme étant « un copié collé de la loi sur les partis au Cambodge, amendée de quelques spécificités marocaines »1(*). Entre temps, la mouture en question va passer à la moulinette par le ministère de Intérieur qui greffe un certain nombre de clauses particulières : conditionner l'autorisation d'un parti à sa participation aux consultations électorales et imposer des quotas pour les moins ambitieux. Les partis existants étaient tenus de participer aux élections, d'ouvrir leur comptabilité au contrôle et de tenir leur congrès dans un délai maximal de quatre ans. Les nouveaux devaient, en outre, réunir un minimum de 1000 membres fondateurs et de 3000 congressistes accourus de tout le territoire.

    La commission ratifie la proposition de loi faite par le ministère des Droits de l'Homme et la remet au Premier ministre. Il était prévu que cette loi passe au Conseil des Ministres en septembre 2001, pour être présentée au Parlement, mais elle a été reportée, suite à la polémique qui était née sur la base des propositions du ministère de l'Intérieur. Le Premier ministre a été déçu, et le projet va être enterré, au profit de la préparation des élections 2002.

    En octobre 2001, Driss Jettou, le nouveau Premier ministre à la place de Youssoufi, demanda à son ministre des droits de l'Homme de ressortir la loi sur les partis politiques, des tiroirs, et de terminer le travail. Quelque mois plus tard, le ministre des droits de l'Homme est évincé. C'est le ministère de l'Intérieur qui va récupérer le projet. C'est Mohamed Boufous, directeur des collectivités locales, qui est chargé de remodeler la loi. Les artificiers du ministère de l'Intérieur ont pour mission de « sécuriser »le champ politique marocain2(*).

    Quelques mois plus tard, le Roi est monté au créneau et insiste sur la nécessité de la reforme. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le Souverain parle de la reforme. C'est ainsi que dès le 13 octobre 2000, à l'occasion de l'ouverture de la première session de la quatrième année législative, le Souverain souligna le lien entre l'impératif de développement, de démocratisation et de modernisation et le nécessaire renforcement des partis politiques :


    «La réalisation du développement, la démocratisation et la modernisation nécessitent l'amélioration et le renforcement des structures d'intermédiation et d'encadrement politique, que sont les partis politiques, les centrales syndicales, les associations et les médias, ainsi que l'élargissement de la participation à tous les niveaux, local, régional et national.
    Les organisations et les formations fondées sur la démocratie interne, le respect du
    droit à la différence, la compétence, la modernité, la rationalité et l'efficacité, gérées en tant qu'entités politiques capables de former des élites compétences, imbues des valeurs de l'efficience économique, de la solidarité sociale et de la moralisation de la vie publique et capables de vulgariser une saine éducation politique, de proposer des solutions et de concevoir des projets sociétaux, sont susceptibles de donner à la démocratie marocaine une nouvelle impulsion qui libère les énergies, ravive l'espoir et ouvre les horizons».

    Aussi dans le discours prononcé à l'occasion de l'ouverture de la première session de la cinquième année législative, le 12 octobre 2001, le Souverain avait émis le voeu que le projet de loi régissant les partis politiques permette une implication des élites nationales dans l'action politique »: L'esprit patriotique nous dicte d'oeuvrer pour qu'il y ait un seul gagnant, à savoir la démocratie marocaine, où toutes les sensibilités politiques nationales puissent trouver leur place véritable, dans un paysage politique sain. Aussi, et pour renforcer le rôle des partis politiques dans ce domaine, vous invitons-nous à accorder un intérêt particulier, au nouveau projet de loi régissant les partis. Notre voeu, en effet, est qu'il permette à toutes les élites nationales de s'impliquer dans l'action politique au sens noble du terme, et d'emprunter, à cet effet, le moyen d'expression idéal, que représentent les partis politiques».

    De nouveau, dans le discours du Trône du 30 juillet 2003, le Roi avait explicité le rôle des partis politiques en précisant que la consolidation de la démocratie ne peut aboutir qu'avec la présence de partis politiques réellement représentatifs, capables d'encadrer le citoyen et de le représenter, et d'impulser l'énergie des jeunes dans le cadre d'un sain émulation autour de programmes réalistes et tangibles en vue d'assurer la formation d'élites conscientes. A ce titre, le Souverain a souligné la nécessite d'adopter une loi relative aux partis politiques, définissant le cadre, clair et efficient, pour leur création et gestion ainsi que les règles d'exercice de leurs responsabilités : « Le raffermissement de la démocratie resterait incomplet en l'absence de partis politiques forts (...). Notre préoccupation sincère de réhabilitation de l'action politique au sens noble du terme, Nous amène à insister de nouveau sur la nécessité d'activer l'adoption d'une loi sur les partis, marquant ainsi notre ferme volonté de les doter de moyens efficients leur permettant d'assumer pleinement leur mission».

     Dans le discours du Trône du 30 juillet 2004, le Roi avait convié l'ensemble des parties concernées à s'atteler, dans un esprit de concertation, à l'élaboration d'une loi sur les partis politiques : « Persuadé que la réussite de toute réforme est tributaire de la mise à niveau des institutions et des acteurs concernés, il convient de s'atteler, dans un esprit de concertation, à l'élaboration d'une loi sur les partis politiques de manière à leur permettre de remplir pleinement leur mission constitutionnelle en matière de représentation et d'encadrement des citoyens, et de formation d'élites aptes à participer aux institutions démocratiques et à servir l'intérêt général. Ce faisant, les partis politiques se doivent de constituer un solide relais entre l'Etat et les citoyens dans des actions complémentaires aux initiatives de proximité des organisations de la société civile. Nous sommes, à cet effet, déterminé à renforcer les formations politiques et à réhabiliter l'action partisane sérieuse, de manière à permettre l'émergence d'un paysage politique fondé sur de puissants pôles aux visions différenciées et claires »3(*).

    Après ce dernier discours, les choses se précisent. Le ministère de l'Intérieur remet sa copie au lendemain de l'ouverture du Parlement. L'objectif : l'adoption de cette loi avant la fin de l'année. La question qui se pose est pourquoi un tel projet de loi sur les partis politiques est lancé à ce moment ? Dans quelle perspective historique, politique, et sociale s'inscrit-il ?

    B- Le contexte :

    On peut avancer quatre pistes :

    1- une défaillance législative concernant les partis politiques.

    2- les élections de 2002 et le gouvernement Jettou.

    3- les attentats du 16 mai.

    4- le projet américain « Grand Moyen-Orient ».

    1- Une défaillance législative concernant les partis politiques :

    Depuis l'indépendance, la création, l'organisation, le financement, la dissolution des partis politiques au Maroc sont régies par le biais du dahir du 15 novembre 1958, N° 1.58.376 réglementant le droit d'association. Ce dahir est constitué de quatre parties :

    1- la création des associations

    2- les associations reconnues d'utilité publique

    3- les fédérations et les confédérations des associations.

    4- les partis politiques et les associations politiques.

    Selon les dispositions de l'article1 concernant la première partie du dahir et l'article15 sur la quatrième partie, le parti politique est considéré comme une association où des personnes physiques partageant les mêmes principes, mettent en place une organisation permanente et à but non lucratif, dotée de la personnalité morale. Ces associations de personnes peuvent être créées sans autorisation, à condition qu'elles respectent les dispositions de l'article 5 du même dahir, c'est-à-dire :

    - Une demande de constitution du parti doit être adressée directement aux autorités administratives locales.

    - L'association doit avoir un statut clarifiant l'organisation et l'objectif de l'association.

    En plus, les partis politiques pour être considérés comme des associations exerçant une activité politique, ils doivent remplir certaines conditions :

    - Ils doivent être constitués de personnes ayant la nationalité marocaine et ouverts à tous les Marocains sans discrimination.

    - Ils doivent être créés et gérés par des fonds marocains.

    -Ils doivent avoir des statuts qui permettent aux membres de l'association de participer effectivement à la gestion de l'association.

    - Ils ne doivent pas être ouverts aux militaires en activité et aux agents de la force publique, aux magistrats, aux agents d'autorité et auxiliaires d'autorité.... Et toujours selon les dispositions du même dahir, il est considéré comme activité politique, tout activité directe ou indirecte impliquant la gestion des affaires publiques.

    Pourtant, on remarque que les articles de cette loi d'associations, et ses différents amendements et compléments - soit ceux du 10 avril 1973, ou ceux du 15 mai 2002- resteront des textes vagues, et n'ont pas réussi à élaborer un cadre juridique complet et équilibré, qui garantit d'une part, la liberté de constitutions des partis politiques, et d'autre part, le respect de l'institutionnalisation de cette constitution des partis, car l'improvisation et la non-responsabilité restent l'image donnée par les partis politiques, créés avant la loi ou après, même si on ne peut pas imputer la responsabilité de ces aspects négatifs aux seules dispositions de cette loi.

    Donc ce dahir 1.58.387 est incapable de résoudre la problématique de la représentation, cette incapacité peut être repérée à travers un diagnostic de comportements politiques des partis au moment de leur création et dans leurs pratiques dans les institutions constitutionnelles. Les personnes ne trouvent aucun problème à créer un parti, même s'ils n'ont pas des objectifs, ni de projets à défendre. Et c'est ce qui laisse la porte grande ouverte aux nouveaux venus, et à chaque élection législative, on voit la création d'un certain nombre de partis politiques. D'ailleurs, c'est ce qu'on a remarqué à l'occasion des élections législatives du 27 septembre 2002, puisqu'on a enregistré la participation de 26 partis politiques, 7 des ces partis on été créés à une date très proche de la date des élections, ce qui représente 27% des partis participant.

    Cette facilité du processus de création a complexifié les équilibres politiques des institutions constitutionnelles, soit au niveau des alliances au sein du gouvernement, soit au niveau du travail au sein des différents appareils du Parlement. Mais elle a aussi complexifié la tache des électeurs. Cette situation a créé la confusion, et a vidé l'action partisane de toute rationalité, et ouverte la voie à des comportements déviants. Un des aspects de ces comportements déviants : transhumance des parlementaires, qui caractérise le sixième (1997-2000) et le septième (2002-2006) mandat législatif4(*) (voir le tableau 1et 2 ) :

    Le parti politique

    Le nombre de partants

    Le nombre d'arrivants

    Le nombre de personnes

    G.S

    -6

    +5

    11

    PI

    -3

    +6

    9

    RNI

    -7

    +11

    18

     

    -6

    +2

    8

    MNP

    -0

    +2

    2

    UC

    -16

    +2

    18

    PD

    -7

    +4

    11

    PPS

    -4

    +5

    9

    OADP

    0

    +0

    0

    FFD

    -4

    +4

    8

    PJD

    0

    +5

    5

    Non-

    -5

    14

    19

     
     

    total

    118

    Tableau 1 : le nombre des parlementaires arrivants et partants

    Le parti politique

    Sièges gagnés

    Les sièges gagnés

    Les sièges perdus

    après la déduction

    Octobre02

    Octobre03

    Octobre02

    Octobre03

    USFP

    50

    0

    0

     

    0

    50

    PI

    48

    +5

    0

    0

    -1

    52

    RNI

    41

    +1

    +2

    -4

    -1

    39

    MP+MNP

    45

    +4

    +2

    0

    -4

    47

    UC

    16

    0

    +1

    -3

    0

    14

    PND

    12

    0

    0

    -2

    -2

    8

    PPS

    11

    0

    +2

    0

    0

    13

    FFD

    12

    +3

    0

    -1

    -5

    9

    MSD

    7

    0

    0

    -4

    -2

    1

    UD

    10

    +10

    +7

    0

    -1

    26

    PSD

    6

    0

    0

    -2

    0

    4

    ELAHD

    5

    0

    0

    0

    -2

    3

    PEC

    2

    0

    0

    -2

    0

    0

    PED

    2

    0

    0

    -2

    0

    0

    Tableau 2 : le nombre des sièges gagnés ou perdus par les partis politiques suite au transhumance des parlementaires.

    A ce phénomène de transhumance des parlementaires et ces effets négatifs sur la composition et le fonctionnement du Parlement, il faut ajouter un autre phénomène : le paradoxe entre les résultats des élections communales et les résultats des élections des conseillers.

    Aux élections communales de 1997, le PI a remporté 17,12% des siéges réservés aux communes, mais aux élections de la chambre des Conseillers, il n'aura que 8,64% des siéges. Par contre, le MDS n'obtient que 7,31%, et il va avoir 13,6% des sièges à la chambre des Conseillers.

    Tous ces symptômes qui traduisent l'état de faiblesse des partis politiques et leur désarroi, à cause de l'absence d'un cadre institutionnelle et juridique capable de les rationaliser, à poser l'importance et l'urgence d'une nouvelle loi qui remet en question la création et le fonctionnement des partis politiques.

    2- Les élections de 2002 et le gouvernement Jettou :

    Les élections législatives de septembre 2002 ont constitué à bien des égards une « première ». Ce sont les premières depuis la succession dynastique de juillet 1999, Mohamed VI succède à Hassan II; ce sont les premières organisées par un gouvernement de gauche réunissant l'USFP, PI, RNI, FFD, PPS, et PSD. Ce sont enfin, et c'est sans doute le plus important, les premières qui, depuis 1976, se sont déroulées sans la présence de Driss Basri, le célèbre ministre de l'Intérieur de feu Hassan II. C'est en effet Basri qui avait fait de la gestion contrôlée des élections non seulement l'une des préoccupations majeures, mais également l'une des clés de voûtes du système politique marocain5(*).

    Cinq semaines avant ces législatives, le Roi a invité les Marocains à se mobiliser afin de ne pas « rater ce rendez-vous essentiel avec la démocratie. Faute de cela, ajoute-t-il, nous nous trouverions en présence d'institutions tronquées et même hautement préjudiciables à la démocratie, faisant le nid du désespoir et la défection et attisant l'extrémisme et le maximalisme ». Ces législatives qui doivent désigner 295 députés au scrutin de liste, à la proportionnelle et en un seul tour et en dépit des appels au civisme et promesses de «transparence», les Marocains ont boudé les urnes. Près de la moitié des électeurs ont en effet choisi de s'abstenir, Le taux de participation enregistré pour ce premier scrutin depuis l'accession au trône du roi Mohammed VI n'est que de 52%, en baisse de 6 points sur celui de 1997... lequel, il est vrai, avait sans doute été révisé à la hausse par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Driss Basri. Les résultats définitifs des législatives, ont été annoncés le 1er octobre par Driss Jettou alors ministre de l'Intérieur, avaient placé en tête quatre familles politiques sur un échiquier parlementaire composé de vingt-deux formations. Dans l'ordre : les socialistes du Premier ministre sortant, les conservateurs de l'Istiqlal, les islamistes du PJD et deux partis populaires, que l'on disait proches des socialistes, mais s'étaient rapprochés ces derniers jours du pôle conservateur.

    Dès le lendemain de l'annonce des résultats, c'est une véritable guerre des tranchées que se livrèrent les deux premiers partis: l'USFP (50 sièges) et l'Istiqlal (48 sièges). Si l'Istiqlal n'a pas caché son rapprochement avec le PJD (42 sièges) - et cela, d'ailleurs, dès la campagne électorale et le jour du vote où ces deux partis se sont mutuellement rendus service - l'USFP a frappé fort, le dimanche 6 octobre, lorsqu'il a annoncé son alliance avec le RNI de Ahmed Osman (41 sièges). Du coup, les annonces d'alliances se sont accélérées donnant lieu à une sorte de match de ping pong où chaque camp compte les points qu'il marque au fur et à mesure.

    Le même jour (le dimanche 6 octobre), Abderrahmane Youssoufi, Premier ministre sortant et numéro un de l'USFP recevait, après le RNI, cinq autres partis. Le PPS de Moulay Smail Alaoui (11 sièges), le PSD de Aissa Ourdighi (6 sièges) et Al Ahd de Najib Ouazzani (5 sièges) qui avaient auparavant décidé de constituer un groupe parlementaire commun; puis le FFD de Thami Khiari (12 sièges) et enfin, l'UD de Bouazza Ikken (10 sièges). Tous les cinq rejoignaient le camp USFP-RNI. Ce qui fait un total de 135 sièges. La majorité étant de 163 sièges, il manquait à ce camp 28 siéges. Bien sûr, si les autres composantes de la mouvance berbère avaient rejoint ce camp, il n'y aurait plus eu de problèmes, le MP de Mohand Laenser (27 sièges) et le MNP de Mahjoubi Aherdane (18 sièges) qui ont été rejoints par le MDS de Mahmoud Archane (7 sièges) apportent un appui de 52 sièges. L'Istiqlal aurait alors été relégué dans l'opposition, aux cotés du PJD des islamistes.

    Mais l'Istiqlal réservait aussi son effet de manche. Le lendemain, lundi 7 octobre, il se réunissait avec le PJD, le MP et le MNP annonçant son alliance avec ces partis. Le camp de l'Istiqlal se retrouvait alors en possession de 142 sièges. Ce n'était pas non plus la majorité, mais c'était plus que ce qu'avait le camp USFP : 7 sièges de plus.


    Des sièges récupérables auprès des petits partis, certes, mais chaque camp en avait autant au service de l'autre. La partie n'était pas gagnée ni pour l'un ni pour l'autre. Surtout en ajoutant les sièges de la chambre des conseillers. Un casse-tête dans la mesure où la coalition la plus large rassemblait droite et islamistes, mais où le parti de tête, au sein duquel se choisit traditionnellement le Premier ministre, était socialiste. Le débat s'était, par ailleurs, vite porté sur les modalités de la participation du PJD au gouvernement.

    Pour beaucoup il n'y avait aucun doute : l'USFP socialiste, arrivé en tête, allait conduire un nouveau gouvernement. Le quotidien L'Economiste avait même titré en Une, le 1er octobre : «Youssoufi reconduit pour deux ans». Et si le parti de l'Istiqlal, de l'ancienne coalition gouvernementale, pouvait prétendre à diriger un gouvernement de droite, son leader, Abbas El Fassi, ministre de l'Emploi sortant, était empêtré dans une affaire d'emplois fictifs aux Emirats arabes unis, qui a écorné son image6(*). Entre un Youssoufi au bilan plutôt moyen, un El Fassi jugé ambitieux, des islamistes qui inquiètent et des partis du «centre» versatiles, il était effectivement difficile de composer un gouvernement solide. D'autant plus que la «transhumance» politique d'un parti à l'autre avait commencé dès le lendemain de l'annonce des résultats officiels. Le RNI, «centriste», serait ainsi passé de 41 sièges à 57. Une pratique dangereuse puisque le parti de tête n'avait que deux sièges d'avance.


    « Il y avait plusieurs inconvénients à cette situation », a expliqué une source proche du dossier, sous couvert de l'anonymat. « D'abord, un véritable blocage se profilait. Ensuite, il se posait un sérieux problème pour la constitution d'un gouvernement fort ». Cette même source a insisté sur la volonté royale de « mettre sur pied une équipe militante, un gouvernement de proximité, un commando au service du développement du pays » et souligne que le Roi a parlé de "l'engagement de toutes les sensibilités politiques". Le Roi a donc opté pour un homme de consensus, «au-dessus» des partis, comme la Constitution l'y autorise, puisqu'elle précise que «le Roi choisit le Premier ministre». Driss Jettou est apparu comme l'homme de la situation. Les dirigeants économiques lui font confiance, les partis politiques lui reconnaissent une capacité de travail et une rectitude au service de ses objectifs7(*).

    Mustapha Ramid du PJD va donner le coup d'envoi des réactions. Il a considéré que le choix royal "marque un recul". Les réactions de l'USFP et de l'Istiqlal sont fort attendues. Et depuis l'annonce de la formation de l'équipe du Premier ministre Driss Jettou, le 8 novembre, il ne se passe pas un jour sans que la presse indépendante n'affiche son scepticisme. Jamais la nomination d'un gouvernement au Maroc n'a suscité autant de tensions.


    Ce gouvernement Jettou est d'abord critiqué en raison de la lenteur de sa formation : plus d'un mois d'un processus «empreint d'une opacité en déphasage total avec les professions de foi de transparence du régime», selon l'hebdomadaire indépendant «Le Journal». La mission du nouveau Premier ministre, soutient «Le Journal», est «de verrouiller les ministères sensibles. En d'autres termes : nommer des technocrates ou imposer aux partis de recruter des technocrates pour les intégrer ensuite dans le gouvernement comme ministres partisans.» Le gouvernement de Driss Jettou est également critiqué en raison de sa nature jugée trop consensuelle, écartant «une quelconque velléité de rupture» pour le quotidien indépendant «Maroc le jour» ; ou méritant, selon l'hebdomadaire «Maroc-Hebdo» proche des milieux sécuritaires, d'être considéré comme «juste un lifting». Le quotidien «L'Economiste», proche des milieux d'affaires, ne cache pas son agacement face à l'absence d'une vraie alternance. Dans un éditorial virulent, il souligne que «le gouvernement enfin formé, c'est la déception qui se confirme. Les mêmes partis politiques, la même majorité élargie et encore un peu plus diluée. Pour la plupart les mêmes hommes. A quoi servait-il alors de faire des élections ? Apparemment, dans l'esprit de nos dirigeants, former un gouvernement est une question de partage. »

    Or le mécontentement de la presse fait en réalité écho à un mécontentement encore plus menaçant pour la cohésion du nouveau gouvernement, celui de la discorde au sein de la coalition gouvernementale. Selon l'hebdomadaire électronique francophone «L'Observateur», «aucune des formations politiques de la majorité actuelle n'échappe aux soubresauts post-constitution du gouvernement». L'hebdomadaire «La Vie économique» explicite les dessous du mécontentement : «On tire d'abord à boulets rouges sur la méthode utilisée» par les dirigeants des partis qui ont mené les négociations en vue de la formation du gouvernement. Ainsi, nombre de dirigeants de l'Union des forces socialistes (USFP) de l'ancien Premier ministre Youssoufi n'ont pas admis son obstination à mener «les négociations de manière trop personnelle, en mettant en confidence quelques rares proches et en tenant à l'écart le bureau politique» de sa formation, poursuit « La Vie économique ».


    Le parti nationaliste l'Istiqlal d'Abbès el-Fassi ne semble pas non plus sortir indemne de ces tractations. «La Vie économique» signale que le parti reproche à son dirigeant vétéran d'avoir accepté que deux des nouveaux ministres nommés dans le gouvernement Jettou «soient imposés au parti en tant que ministres istiqlaliens, alors qu'ils n'ont d'autre relation avec l'Istiqlal que d'ordre généalogique avec deux de ses dirigeants». Quant au Rassemblement national des indépendants (RNI, proche du Palais), le quotidien «Aujourd'hui le Maroc» rappelle qu'il est «secoué par une fronde interne liée au choix des ministres du partis ».


    Bref, «les leaders des partis politiques sont devenus les cibles d'accusations et d'offensives pour avoir avalisé des noms qui ne disposaient d'aucune popularité, même au sein de leurs fiefs», comme le résume le quotidien «L'Indépendant». D'où l'appel lancé par «La Vie économique» à «une véritable mise à niveau démocratique de [ces] partis», dans la mesure où leur crise actuelle est révélatrice de leur «déficit de démocratie interne, crise de légitimité des directions, faible renouvellement des élites partisanes, absence de débat d'idées et défaut d'ouverture sur la société et le monde de l'entreprise »8(*).

    3- Les attentats du 16 mai :

    Dans la nuit du 16 mai 2003, une série d'attentats suicide simultanée secoue Casablanca, faisant quarante-deux morts et une centaine de blessés. Le Maroc a basculé ce soir-là dans une violence aveugle dont les autorités commencent tout juste à mesurer les conséquences. Les premières retombées sont déjà là, bien palpables. Si c'est vrai sur le plan économique, c'est sur le plan sécuritaire que le changement apparaît le plus spectaculaire.

    Douze jours après les attentats, dans un bref discours lu d'un ton appliqué à la radio et à la télévision, le roi Mohammed VI a décrété « la fin de l'ère du laxisme ». « L'heure de vérité a sonné [pour] ceux qui exploitent la démocratie dans le but de porter atteinte à l'autorité de l'Etat », a-t-il dit. Et le souverain de dénoncer « certains milieux » accusés de faire un « mauvais usage de la liberté d'opinion » et de se cantonner « dans une opposition systématique aux orientations des pouvoirs publics ». Le roi n'a pas été plus précis, mais tout le monde a compris le message : les islamistes, toutes les tendances confondues, la presse indépendante, les organisations de défense des droits humains sont dans le collimateur du régime. Ils étaient de plus en plus mal vus ; ils seront désormais combattus sans s'embarrasser des moyens9(*). Si les partis politiques n'étaient pas mentionne, tout le monde sache que cela ne les dispense pas de leurs responsabilités. Plusieurs observateurs pensent que si l'islam politique se propage, et gagne de plus en plus des adhérents, ce que les partis politiques ont quitté le train et sont coupés de leurs bases. Cinq ans après l'espoir soulevé par l'« alternance » - l'alliance du trône et de la gauche pour « sauver le pays de la crise cardiaque », pour reprendre les mots de Hassan II, est retombé. La sanction est sévère pour la classe politique. Des socialistes aux nationalistes, de la droite à la gauche, tous les partis politiques « laïques » sont rejetés par les Marocains. Tous sans exception ont perdu leurs crédibilités et leurs raisons d'être1(*)0.

    Quelque jour après, et à l'occasion de discours du Trône, le Roi a estime qu'il est temps une loi sur les partis politiques. Le Roi pense que seule une telle loi peut mettre à niveau le champ politique, et redonne à la vie partisane sa force. Après ce discours les choses vont s'accélère. Le ministère de l'Intérieur va sortir des terroirs le projet de loi gèle depuis deux années.

    Portant, ce discours royal n'a rien de nouveau. Et ce n'est pas la premières fois que le Roi insiste sur une telle loi, d'où la question : Est-ce que cette nouvelle loi constitue une réponse à une nécessité sociale ? Ou s'agit-il d'un simple reflet d'un besoin extraordinaire impose par un contexte extraordinaire (les attentats de 16 mai) ?

    4- Le projet américain de grand Moyen Orient :

    En 2002, le président des Etats-Unis, G.W.Bush a lancé le programme « Millenium Challenge Account » (programme d'aide financière pour les pays en voie de développement). Il s'agit des fonds qui ont pour mission de récompenser les pays dont les gouvernements seront estimés être "des dirigeants justes, favorables à l'investissement étranger et instigateurs de projets pour satisfaire les besoins de base de la santé et de l'éducation". Elles seront réparties entre les pays en voie de développement qui respectent les trois grands critères : bonne gouvernance, ouverture sur l'investissement étranger, et indicateurs sociaux satisfaisants.

    Dans la première liste élaborée par les responsables du Fonds, le Maroc ne figure pas. Affichant des indicateurs de base (santé, éducation) en deçà des critères minima, il ne répond pas aux exigences américaines. A moins, si l'on s'en réfère à la définition des modes d'attribution, qu'il ne fasse un effort sur au moins un des trois grands critères. Ce sera celui de la bonne gouvernance, mesuré, entre autres, par le respect des libertés civiques et des droits politiques, mais là aussi le Maroc est sérieusement épinglé. Selon le rapport annuel de Freedom House, ONG chargée d'évaluer les droits politiques pour le MCA, "le droit des Marocains à changer démocratiquement leur gouvernement est limité". L'ONG revient aussi sur la concentration des pouvoirs "Non seulement la Constitution réserve au roi le pouvoir exécutif, mais elle lui accorde aussi un pouvoir religieux en sa qualité de commandeur des croyants". En se référant aux ministères de souveraineté, l'ONG rapporte : "Les ministères les plus importants ont toujours été dédiés aux alliés les plus fidèles du palais (...) Le roi peut dissoudre le Parlement à sa discrétion". Le rapport précise aussi : "Contrairement aux élections passées, le déroulement des élections de 2002 a été libre et transparent". Les rédacteurs du rapport relèvent aussi l'absence "remarquée" des islamistes des urnes, le manque de transparence dans la formation du nouveau gouvernement, pour souligner : "Politiquement, les choses ont peu changé". A ce niveau, il reste au Maroc à traduire le changement politique souhaité en réalité. Sur un groupe de 26 pays, le Maroc fait partie des six épinglés. Le Mali, le Népal et le Malawi sont toujours en avance sur le Royaume.

    Pour être éligible au programme, le Maroc a multiplie les gestes de séduction à l'égard des Etats Unis, en jouant la carte de l'ouverture politique. Et dans ce cadre que s'inscrit certain nombre d'actions entrepris par le pouvoir : c'est l'amnistie de quelque 25 prisonniers politiques, la réforme de la Moudawana, et la mise en place de l'instance « Equité et Réconciliation ». Pour le pouvoir marocain, il faut convaincre les Américains que le Maroc a besoin d'argent, que démocratie et misère ne peuvent cohabiter, et que les efforts entrepris par le Royaume sur la voie démocratique méritent bien une aide financière. Les besoins américains de crédibiliser aux yeux des opinions publiques, arabes comme américaine, leur politique étrangère centrée sur la démocratisation du monde arabe, se font pressants.

    Dès lors, les Marocains s'empressent de jouer la carte du "modèle démocratique". Pour cela, il aurait été profondément incohérent que le Royaume ne puisse pas bénéficier d'un fonds d'aide au développement, conditionné justement par les performances en matière de liberté politique, qui sera lancé cette année. D'autant que l'échec de l'intermédiation de Jacques Chirac en décembre dernier pour convaincre les Algériens de discuter avec les Marocains a définitivement montré que seul les Américains avaient un rôle à jouer dans le règlement du conflit du Sahara. Du fait de la précipitation, la stratégie de séduction à l'égard de l'oncle Sam devait donc passer inévitablement par des symboles forts1(*)1, et le projet de loi sur les partis politiques fait partie.

    C- Le nouveau projet de loi sur les partis politiques :

    1- Le projet de loi : étude de texte :

    Ce qui est proposé à toutes les parties concernées et intéressées se constitue donc du texte de loi (projet) et de son « paratexte » appelé ici « Projet de note de présentation » ; c'est-à-dire d'un texte qui se situe au « seuil » du texte de loi et qui n'en fait pas partie intégrante. A la limite, le projet de loi peut bien se passer de ce seuil, mais comme il a été prévu, il faut comprendre qu'il doit accomplir une fonction bien précise.

    Le terme « projet » traduit bien la prudence affichée par le législateur de cette loi. Une prudence qui s'explique par l'aspect provisoire de ce « produit juridique », en attendant qu'elle soit révisée à la lumière des critiques des partis politiques. La répétition du mot « projet » fonctionne ici à la fois comme un élément propre à atténuer l'exclusivité de l'initiative prise par le ministère de l'Intérieur pour élaborer cette loi, et comme un appel aux acteurs de la scène politique à enrichir ou compléter cette version. Il est vrai que le souci de dissiper tout malentendu pèse de son poids sur ce projet présenté comme une « offre » provisoire dont la valeur doit se mesurer à l'aune de l'exigence de la « demande » de la classe politique.

    Pourtant, l'offre et la demande n'appartiennent pas à la même sphère de compétence et ne partagent pas les mêmes présupposés. L'offre provient du ministère de l'Intérieur, responsable de la sécurité, de la stabilité et de la quiétude des citoyens ; par contre, la demande représente ceux qui luttent pour plus de droit et de liberté publique. On est en face d'une confrontation entre deux logiques fondées sur des normes et des valeurs spécifiques à ces deux sphères1(*)2.

    Ce « paratexte » est fondé sur une logique binaire : une introduction générale, suivie de la présentation des six axes autour desquels s'articule l'avant projet de loi. En tant que « paratexte », le « projet de note de présentation » représente l'esprit de la loi qu'il faut parcourir avant d'atteindre le texte de projet de loi sur les partis politiques. Ce faisant, cet espace fonctionne comme une entrée vers la nature de la motivation de la genèse de cette loi, l'esprit qui alimente les chapitres et les articles qui le composent1(*)3.

    L'introduction tourne autour du changement dans la continuité, c'est-à-dire que, l'importante modernisation et le changement des instruments institutionnels que le Maroc connaît actuellement, ne veulent pas dire, qu'il va sacrifier pour autant, les acquis capitalisés depuis l'indépendance. Le présent a apporté des innovations avec le nouveau règne, mais sur un fonds de continuité et ce, en focalisant sur des indices qui portent la marque du temps : « Dès les premières années de l'indépendance » ; « Par la suite, la Constitution de 1962 qui a consacré définitivement le principe du multipartisme » ; « En ce sens, le Discours Royal, prononcé le 8 octobre 2004. ». Donc, de 1956 à 2004, le Maroc a tracé une ligne droite de « libre exercice de l'action politique ». Cette ligne droite est appelée à connaître une nouvelle orientation à partir de 2004, année qui « illustre la ferme volonté Royale pour la mise à niveau du champ politique dans un cadre de « légalité juridique » et de « légitimité démocratique ». Trois séquences du discours Royal du 8 octobre 2004 sont citées pour illustrer cette ferme volonté de modernisation institutionnelle conçue dans le cadre d'une éthique politique dont les termes sont : rationalisation, transparence, démocratie, homogénéité et pôles forts et solides.

    Donc l'année 2004 inaugure une novelle orientation quant à la gestion du dossier relatif à la réorganisation du champ politique marocain, sans aucune rupture avec les pratiques du passé. Il s'agit du couronnement d'un processus évolutif, c'est pourquoi l'usage du flash-back à travers les discours royaux visant la réhabilitation du champ partisan, dès le début de l'année 2000 : « C'est ainsi que dès le 13 octobre 2000, à l'occasion de l'ouverture de la première session parlementaire de la quatrième année législative, le Souverain avait souligné le lien entre l'impératif de développement, de démocratisation et de modernisation et le nécessaire renforcement des partis politiques ». A partir de ce constat, le « projet de note de présentation » va mobiliser trois nouvelles séquences du discours royal1(*)4 :

    - La première, c'est le discours du 13 octobre 2000, qui se focalise sur la mise à niveau( organisation,encadrement, efficacité, solidarité, moralisation) des structures d'intermédiation, notamment les partis politiques, acteurs indispensables à tout transition démocratique.

    - La seconde séquence, tirée du discours royal du 12 octobre 2001, et exprime le voeu royal de mettre en avant un projet de loi sur les partis politiques.

    - La troisième séquence, c'est le discours du Trône du 30 juillet 2003, qui revient sur le projet de loi pour en souligner non seulement la nécessité d'urgence. Il s'agit donc, de concrétiser le voeu royal, et de le mettre en oeuvre.

    Après ce détour à travers le passé tout récent, « le projet de note de présentation » revient, de nouveau, au discours royal du Trône de 30 juillet 2004 où le Roi consacre tout un passage à la question du projet de loi sur les partis politiques, et invite l'ensemble de la classe politique à participer à l'élaboration de cette loi. Ainsi, la première partie du « projet de note de présentation » est bouclé, en légitimant et en normalisant l'unilatéralisme ayant marqué l'élaboration de ce cadre juridique : « Ainsi, c'est à la lumière des Hautes orientations Royales que le présent projet de loi a été élaboré dans l'objectif de mettre à la disposition des partis politiques un cadre juridique rénové ».

    Maintenant, qu'en est -il de la deuxième partie du « projet de note de présentation » ? . Il s'agit d'une paraphrase de six chapitres qui compose l'avant-projet de loi. Une synthèse est prévue pour chacun des chapitres, avec de temps à autre, un bref commentaire. Donc, il s'agit bien d'une partie descriptive du contenu du projet de loi, qui met en relief les principes de base qui encadrent les dispositions juridiques. Celles-ci sont conçues autour de :

    - La conformité : « Conformément aux valeurs qui fondent l'identité nationale et la cohésion sociale », « conformément à l'esprit de la constitution et du Dahir du 15 novembre 1958 relatif au droit d'association ».

    - La continuité : « Dans la continuité de l'esprit qui a toujours présidé à l'élaboration des textes régissant l'exercice des libertés fondamentales garanties par la constitution ».

    Si ces dispositions confirment la conformité et la continuité, elles sont conçues également par rapport :

    - A l'urgence du traitement des questions fondamentales qu'elles légifèrent et qui motivent justement l'élaboration de cette loi, notamment la gestion financière transparente par les partis politiques : « Vu l'importance de la question du financement dans le fonctionnement des partis ( ) ».

    - A la refonte des valeurs éthiques dont les partis politiques doivent être la traduction lors de la création d'un parti politique : « La création d'un parti politique ne peut se justifier uniquement par la volonté de quelques personnes, mais doit correspondre principalement à un besoin social et à une base électorale significative ( ) ».

    - A l'exigence du respect de « la question de l'intérêt national qui n'a pas vocation à être gérée sur le plan local ».

    Qu'en est-il maintenant du texte constituant l'avant-projet de loi sur les partis politiques dans son interaction avec la position des acteurs invités à se prononcer là-dessus ? . Composé de 6 titres, cet avant projet contient 53 articles répartis comme suit :

    Titre 1 : Dispositions générales (06 articles)

    Ce titre, émaillé par un référentiel conceptuel et théorique afférent à la démocratie et aux libertés publiques, définit :

     Ce que le parti politique « est » (= « convention » ),

     Ses fonctions (représentation, organisation, éducation, formation et animation),

     Sa finalité : participer à la gestion des affaires publiques,

     Ce qu'il ne doit pas faire : porter atteinte à l'islam, à la patrie et à la monarchie, ni être fondé sur les bases religieuses, linguistiques, ethniques ou régionales. ;

     L'âge et le sexe des adhérents,

     La classe d'individus n'ayant pas droit à l'adhésion aux partis politiques.

    Titre 2 : De la constitution des partis politiques (14 articles)

    Ce titre précise

     Les conditions obligatoires pour constituer un parti politique (besoin de la société, représentation territoriale, une base électorale significative),

     L'identité des membres fondateurs,

     Les formalités relatives au dépôt du dossier y afférent,

     Délai de réponse et de régularisation,

     Les modalités constitutives du parti politique ainsi que des unions ou fédérations de partis politiques.

    Titre 3 : Des statuts, de l'organisation et de l'administration des partis politiques (08 articles)

    Il est précisé dans ce titre que le parti politique doit disposer :

     D'un programme et de statuts écrits relatifs explicitant les modalités de fonctionnement,

     D'une organisation et gestion démocratique,

     De structures organisationnelles au niveau national, régional et local.

    Titre 4 : Du financement des partis politiques (13 articles),

    Ce titre détermine :

     Les ressources de financement du parti politique,

     Le rôle de l'Etat dans le financement et les critères de financement,

     Les institutions et les mécanismes de contrôles de gestion,

     Les conditions de suspension de financement auxquelles s'expose le parti politique.

    Titre 5 : Des sanctions (10 articles)

    Sont précisés dans ce titre :

     Les causes donnant lieu à des sanctions,

     La nature de la sanction (suspension, dissolution)

     Les délais des sanctions,

     Les conditions de dissolution du parti politique,

     Les peines,

     Les instances chargées de cette mission.

    Titre 6 : Dispositions transitoires (02 articles)

    Ce titre fixe les délais de conformité et d'harmonisation avec les nouvelles dispositions de la présente loi en ce qui concerne les partis existants avec la promulgation de cette loi. La loi sur les partis prévoit des mesures répressives et moult sanctions pour tout contrevenant à ses dispositions.

    1- 1 De la constitution des partis politiques :

    Dans la législation marocaine, pour créer un nouveau parti, il suffisait selon le Dahir de 1958, le dépôt d'une déclaration aux autorités locales. Cette déclaration doit mentionner le nom du parti, la liste de l'état civil des membres de bureau gestionnaire du parti, leurs fonctions dans le parti, des photocopies de leur carte d'identité nationale, les sièges du parti, ainsi que le statut interne du parti.

    Au dépôt de déclaration, les autorités locales donnent immédiatement un reçu. Cette procédure va être changée, puisque les autorités ne vont désormais donner qu'un reçu provisoire, avant de donner après un certain temps un reçu définitif. Cette procédure administrative va devenir une réalité juridique, avec les amendements de loi de libertés publiques, en 2002.

    Quant au nouveau projet de loi, pour que la demande de constitution d'un parti politique soit recevable, il faille engager un véritable parcours du combattant et satisfaire un grand nombre de conditions souvent difficiles à réunir. Il faut d'abord réunir pas moins de 1000 membres fondateurs issus d'au moins la moitié des régions du Royaume, soit 8 sur 16 (dans la première mouture, c'était 8 sur 10). De plus, il faut au moins 50 membres fondateurs (soit 5%) par région1(*)5.


    Ensuite, il faut être de nationalité marocaine, être inscrit sur les listes électorales et être établi de manière permanente au Maroc. Ce qui signifie que les Marocains ayant acquis leur nationalité par naturalisation ne peuvent pas être membres fondateurs d'un parti politique. Ainsi que les Marocains non- résidants au Maroc, puisque ces derniers ont une résidence permanente à l'étranger. Certains pensent que cela serait jeter la suspicion et l'opprobre sur ces Marocains qui voudraient exercer leurs droits constitutionnels. De plus, comment peut-on légitimement agir de la sorte, alors que des Marocains naturalisés à l'étranger (en France, en Belgique, au Canada et ailleurs) peuvent devenir parlementaires et ministres1(*)6.

    Enfin, la liste de ces 1000 membres doit contenir les informations suivantes sur chacun d'entre eux : nom et prénom, nationalité, âge, profession, adresse, en plus d'un extrait du casier judiciaire, d'une photocopie de la carte d'identité nationale, d'un certificat de résidence et d'une attestation d'inscription sur les listes électorales. Cependant, alors que la version de 2001 exigeait des membres fondateurs, dans le cadre de la moralisation de la vie politique, d'être en règle avec l'administration des impôts et la CNSS, la version actuelle les en dispense. Cette déclaration écrite doit être déposée auprès du ministère de l'Intérieur. Cela signifie 1000 signatures légalisées accompagnées de 1000 casiers judiciaires, 1000 certificats de résidence, et 1000 attestations d'inscription sur les listes électorales. C'est-à-dire au moins 4000 démarches administratives à effectuer. Et quand on connaît l'administration marocaine, on comprend pourquoi les partis accusent le ministère de l'Intérieur de leur compliquer la tâche. L'argument de ce dernier ("il faut être un minimum impliqué, quand on prétend créer un parti politique") est inconcevable, car rien ne sera plus facile que de refuser la création d'un parti sous prétexte qu'il manque un document à son dossier de constitution1(*)7.

    Dans son article 13, le nouveau projet stipule qu'un congrès constitutif de parti est déclaré valable, s'il réunit au moins 1500 congressistes. De plus, ce congrès doit adopter les statuts du parti, son règlement intérieur, son programme et élire ses instances dirigeantes.

    Pourtant, ce chiffre pose le problème de la pertinence ? . On sait par expérience, que de nombreux partis organisent des congrès de 2 500 à 3 000 congressistes, mais qui tiennent plus des « moussems »1(*)8 que des congrès1(*)9. Un nombre aussi élevé pose des problèmes d'intendance et rend le débat pratiquement impossible. Si on sait bien que les congressistes sont des représentants de leurs branches partisanes, et que le congrès constitutif est le moment où l'on adopte les statuts, le règlement intérieur et le programme du parti, et on procède à l'élection des instances dirigeantes du parti, donc si chaque congressiste prend la parole pour exprimer son opinion, ou demande la clarification de certains points de l'ordre du jour, les travaux du congrès peuvent durer dans le temps, à tel point que mettre fin à ces travaux relèverait de l'impossible. D'autre part, tout cela coûte de l'argent et s'ajoute aux dépenses de l'organisation, ce qui va pousser les partis à consacrer tout leur budget à l'organisation de congrès au détriment du financement de la vie du parti2(*)0.

    Il faut bien souligner qu'à ce stade, le parti est encore en phase de création, ce qui veut dire que son implantation et la propagation de ses idées ne sont pas encore faites, et qu'il manque encore des adhérents. Et donc, toute la difficulté réside dans la capacité à réunir ce nombre de congressistes qui partagent les mêmes convictions idéologiques, les mêmes programmes, et les principes du parti. Et si ce n'est pas le cas, le congrès constitutif, et ce grand nombre de congressistes pouvant devenir une sorte de congrès clientéliste réuniront des gens qui ne partagent pas en principe la culture et les croyances du parti, mais ils se sont réunis afin de rendre un service en attendant une récompense2(*)1.

    De plus, « est nulle et de nul effet toute constitution de parti politique ayant pour but de porter atteinte à la religion islamique, à la forme monarchique de l'État ou à l'intégrité territoriale du royaume ou qui, de manière générale, est fondée sur une cause ou en vue d'un objectif contraire aux dispositions de la Constitution, ou fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale ». Certains pensent que la formulation est floue, et ouvre la voie à de multiples interprétations arbitraires. Surtout quand c'est au ministère de l'Intérieur d'apprécier s'il y a "atteinte" ou pas. Si l'islam constitue l'un des fondements de l'identité nationale, et si la monarchie reste une demande populaire à l'unanimité, ainsi que l'intégrité territoriale, ce que personne ne remet en cause, il reste à clarifier certains points comme : qu'est-ce qu'un "objectif contraire à la Constitution? ». Est-ce que cela signifie-t-il que critiquer la Constitution ou réclamer son amendement est interdit ? Et ceux qui contestent l'article 19 ? Et ceux qui demandent l'abandon du bicaméralisme ? Que signifie un parti "fondé sur une base religieuse? , Et que peut on dire donc de PJD ?. Certes, la problématique n'est pas nouvelle, et le parti islamiste y a répondu dès sa création en affirmant que ses statuts "ne se basaient pas sur la religion islamique"2(*)2.

    Donc cette loi est censée clarifier ces triptyques sacrés pour éviter toute fausse interprétation qui puisse avoir des conséquences très grave sur le processus démocratique au Maroc. Il faut aussi remarquer que le manque de clarté touche d'autres notions comme la notion « d'ordre public » qu'on lit dans l'article 42. Cet article stipule que si les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur peut ordonner, par décision motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux. Que signifie «l'ordre public » ? Le projet de loi ne donne aucune précision, et laisse cette notion entourée de généralités et de mystère. Ce qui laisse le champ libre au ministre de l'Intérieur de dissoudre ou de suspendre les partis politiques pour atteinte à l'ordre public. Cette liberté accordée au ministre de l'Intérieur pourrait déboucher sur des abus de pouvoir.

    1-2 De l'organisation et de l'administration des partis politiques :  


    En ce qui concerne l'organisation des partis politiques, le projet de loi exige dans l'article 22 que le parti politique doit être organisé et administré sur des bases et des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer effectivement à la direction des différents organes.


    Les statuts doivent être conçus en conséquence et permettre la désignation de l'ensemble des organes par voie élective.

    Si l'ensemble des partis n'a pas trop protesté contre cet article, par peur d'être accusés par leurs propres militants de refuser la démocratie interne, pourtant, cette disposition - si elle passe en l'état - risque de bouleverser l'un des fondements de la vie partisane marocaine : les cooptations2(*)3. Ca peut être le cas de l'organisation interne du parti de l'Istiqlal, qui peut se retrouver complètement bouleversée, car les « inspecteurs » nommés par le bureau exécutif ou le secrétaire général pour être le relais et l'outil de contrôle, c'est-à-dire ses "yeux" dans les provinces, risquent de n'avoir plus de raison d'être. Ce serait une révolution culturelle au sein du parti.


    Les partis politiques doivent également prévoir un nombre proportionnel de femmes et de jeunes devant siéger dans les instances dirigeantes du parti. Sujet de toutes les joutes oratoires politiques et rarement objet de véritables programmes, la jeunesse marocaine et les femmes hantent tous les discours, jamais exécutés. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un phénomène totalement nouveau au Maroc, puisqu'on trouve régulièrement, à l'occasion de chaque échéance électorale une présence et un discours sur les jeunes et les femme, pourtant, cela a permis de donner une dimension médiatique importante.

    En ce qui concerne la problématique des femmes et leur adhésion à la politique, toutes les tendances politiques manifestent leurs encouragements, et font de la candidature féminine un objet de concurrence entre eux. Pourtant, le nombre de candidatures féminines depuis les élections de 1992 n'a pas augmenté, et les femmes engagées politiquement ne sont pas suffisamment soutenues, ni mises en avant par leur parti. A cela, le rôle des femmes dans les partis est mineur et déterminé. Le principe d'égalité n'est pas appliqué, et leur présence aux organes centraux quasi inexistante, à l'exception de quelques rares partis. Cette situation des femmes révèle, selon Maria Angeles Lopez, « une carence dans le fonctionnement interne des partis, et un désintérêt pour la promotion de l'élément féminin en leur sein, réduisant son rôle à celui d'un simple appui pour les partis »2(*)4.

    Et même si la réforme politique entreprise par le Maroc a revitalisé la cause des femmes, les résultats globaux indiquent que cette cause répond plus à une prise de position politique qu'à des objectifs réels. On n'assiste pas à une intégration significative des femmes dans le jeu politique, de même que leurs revendications n'ont pas été assumées dans les lignes générales des programmes des partis, à l'exception de quelques rares cas.

    Si la situation des femmes est telle, le cas des jeunes n'est pas meilleur. Les partis et leurs dirigeants reconnaissent aisément qu'entre les politiques et les jeunes, c'est une longue histoire d'incompréhension, de désenchantement et de désillusion. « C'est vrai les jeunes n'ont plus confiance. L'un des enjeux principaux des prochaines élections est de gagner la confiance des électeurs, arriver à les sortir de leur sinistrose qui est la conséquence directe de plus de 20 ans de dévoiement démocratique. Et la jeunesse de ce pays a été pleinement affectée par ces pratiques », affirme Nabil Ben Abdallah, membre du bureau politique du PPS et ancien président de la Jeunesse Socialiste.


    Depuis bien longtemps, les jeunes ont appris à ne plus faire confiance à leurs élus et à tourner le dos à la politique. « Tous les mêmes, ils ne cherchent que leurs propres intérêts », est l'un des arguments qui revient le plus souvent dans la bouche des jeunes pour expliquer leur désaffection de la sphère politique. A qui en incombé la responsabilité? Question récurrente aux réponses multiples et diffuses où se mêle à la fois l'image de partis discrédités aux yeux des jeunes, une politique autrefois sécuritaire où engagement rimait avec enfermement et une absence d'idéal de plus en plus marquée. Le dirigeant usfpéiste Driss Lachgar est plutôt prompt à le reconnaître. Les ponts de communication entre les formations partisanes et la jeunesse sont dans un bien mauvais état. « Il faut apprendre à accepter la critique et à se remettre en cause. Il s'agit surtout d'apprendre à écouter les jeunes et ce pour reprendre langue avec eux », explique Nabil Ben Abdallah avant d'ajouter que « les partis ne peuvent plus réagir comme dans les années 1960 ou 70 où une simple idée, un simple slogan suffisait pour mobiliser. Il faut trouver le message adéquat à l'adresse de ces jeunes qui vivent des problèmes concrets et qui attendent des réponses concrètes »2(*)5.


    Les organisations de jeunesse, proches ou dépendantes des partis, leur ont-elles apporté des réponses? Pas si sûr au regard des préoccupations de ces structures destinées à accueillir des jeunes militants. Les organisations de jeunesse se sont transformées en contre-pouvoir de ces partis dont pourtant elles relèvent. Leurs revendications, de la réforme de la Constitution à celles des politiques publiques, ont très peu à voir avec les préoccupations d'une jeunesse dont de larges franges ne pensent plus qu'à partir. « La mésentente entre les partis et leurs organisations de jeunesse existe. C'est même devenu un phénomène de mode que de faire de l'opposition à sa propre famille politique. Que penser de ces organisations de gauche qui sont prêtes à faire alliance avec les jeunes de Al Adl Oua Al Ihssane?», soupire un dirigeant de la Koutla2(*)6.

    Ceux qui s'insurgent contre cette disposition mettent en avant les complications qu'elle induira, lors des élections desdites instances. Pour honorer les quotas, il faudra répartir les candidats aux postes de responsabilités en collèges différents, et donc procéder à des élections distinctes. Mais le prétexte technique n'est pas suffisant pour écarter l'idée, car si cela a bien marché pour le Parlement, pourquoi pas pour les partis ? Du côté de ceux qui approuvent la politique des quotas, on regrette que cet article n'ait pas donné plus de précision. D'abord, la définition de l'âge en dessous duquel on est considéré comme "jeune". Ensuite, par mesure d'homogénéité, la fixation d'un quota minimum de jeunes et de femmes pour tous les partis. Certains proposent le pourcentage de 10 % pour commencer, par contre, d'autres proposent 50%.


    Au niveau de l'organisation des partis politiques sur le plan national, l'article 23 impose que tout parti politique doive disposer de structures organisationnelles nationales, avec des prolongements au niveau régional, provincial ou préfectoral et local. Pour Ahmed Benchmsi, cet article mériterait d'être rédigé avec plus de précision, car pour lui le « Et » ou « ou » cité dans le texte reste ambigu. Car si c'est le « et » qui l'emporte, cela induit pour un parti l'obligation de disposer de quelque chose comme 1500 bureaux à travers le royaume, alors qu'on savait que même les grands partis n'en ont pas plus de 300. Donc, encore une disposition qui donne plus de pouvoir au ministre de l'Intérieur pour bloquer un parti en invoquant le motif qu'il est hors la loi2(*)7.

    Parmi les nouveautés de ce projet de loi, c'est l'initiative d'instaurer une démocratie à l'intérieur des partis politiques. Dans l'article 24, Le mode de choix et d'accréditation des candidats du parti aux différentes consultations électorales doit être fondée sur des bases et des principes démocratiques. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Qu'avant d'être candidat d'un parti, il faudra remporter un scrutin interne, comme dans les primaires américaines ? Ce qui va éliminer d'office la pratique bien connue de la vente des "accréditations". Si les partis gardent le silence pour l'instant, et n'osent pas trop protester, d'une manière ou d'une autre, à un moment ou un autre, ils le feront, car les accréditations rapportent beaucoup d'argent aux partis, et permettent de parachuter à la dernière minute les "candidats" dans des circonscriptions que les états-majors partisans pensent gagner d'avance. Les militants, eux, détestent cette pratique, qui contrarie leurs ambitions. Luttes internes en perspective.

    1-3 Le rôle du ministère de l'Intérieur :

    Parmi les points qui ont suscité de très fortes réactions des partis politiques, c'est la présence quasi hégémonique du ministère de l'Intérieur, et la marginalisation de la justice. Sur les 53 articles qui constituent les corps de ce projet de loi, le « ministère de l'Intérieur » a été cité 16 fois, contre une présence timide et marginale de la justice, qui a été cité seulement 3 fois2(*)8. Le ministre de l'Intérieur a les prérogatives suivantes :

    - « Les membres fondateurs d'un parti politique déposent auprès du ministère de l'Intérieur un dossier... ».

    - « le ministre de l'Intérieur saisit les personnes citées à l'article 8 (1er alinéa) dans les soixante jours suivant la date du dépôt de la demande de constitution, aux fins de régularisation de leur dossier (...).
    A défaut de régularisation dans le délai prescrit, le ministre de l'Intérieur prend une décision motivée de rejet de la demande de constitution du parti. ».

    - « Si les conditions de constitution du parti sont conformes à la présente loi, un extrait de la demande de constitution du parti est publié au Bulletin Officiel, à l'initiative du ministre de l'Intérieur »

    - «A l'issue du congrès constitutif, un mandataire du congrès dépose auprès du ministère de l'Intérieur un dossier comportant le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des noms de l'ensemble des congressistes ».

    - « Trente jours à compter de la date de ce dépôt, le parti est réputé légalement constitué sauf si le ministre de l'Intérieur ne propose la régularisation de la constitution du parti ».

    - « Tout changement survenu au niveau des instances dirigeantes du parti, ainsi que toute modification d'adresse du siège du parti doivent être communiqués au ministère de l'Intérieur dans un délai de sept jours ».

    - « Les unions ou fédérations de partis doivent faire l'objet d'une déclaration auprès du ministère de l'Intérieur ».

    - « L'état et les pièces justificatives des dépenses au titre de la participation de l'Etat au financement des campagnes électorales générales communales ou législatives sont examinées par une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée de : (...) un représentant du ministère de l'Intérieur... ».

    -« Lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur ordonne, par décision motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux ».

    -« La suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux sont ordonnées pour une durée de un à quatre mois.
    A la fin de ce délai, et à défaut de demande de dissolution, le parti recouvre tous ses droits sauf si le ministre de l'intérieur n'ordonne, dans les formes de l'article 42 ci-dessus, la prorogation de la suspension et de la fermeture provisoire des locaux du parti pour une durée qui ne peut dépasser deux mois ».

    -« En cas d'inobservation des formalités de la présente loi, le ministre de l'Intérieur saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la situation du parti.
    A défaut de régularisation dans le délai d'un mois, le ministre de l'Intérieur ordonne la suspension du parti dans les formes et conditions prévues par les articles 42 et 43 ci-dessus ».

    Cette présence si fort du ministère de l'Intérieur laisse pense que les prometteurs de ce texte croient que le ministère dispose de suffisamment de légitimité pour se poser en arbitre neutre de la vie politique, et comme si la scène politique était pacifiée et que l'État se situait indiscutablement au-dessus du jeu partisan. Pourtant, pour certains, rien n'est plus faux, vu son long passif de manipulations et de trucages électoraux.


    Le nouveau projet de loi va permettre donc au ministère de l'Intérieur de redevenir« mère des ministères », à qui seul revient le contrôle de la scène politique, en jouant le rôle qu'il avait joué auparavant, c'est-à-dire, créer des nouveaux partis, réactiver les partis moribonds, et coopter les partis politiques qui ne joue pas le jeu du pouvoir2(*)9.

    Par contre, d'autres pensent, que le rôle du ministère de l'Intérieur dans le processus de constitution et de fonctionnement des partis politiques ne constitue pas un problème, puisque d'une part, le projet fait introduire le citoyen qui peut à tout moment dénoncer un parti qui se met contre les lois fondamentales du pays ; droit que bénéficie aussi le procureur du roi3(*)0. Cette intrusion peut avoir lieu aussi bien pour la suspension que pour la dissolution. Et d'autre parte, on oublie souvent qu'au Maroc, le ministère de l'Intérieur ne fait pas partie d'un gouvernement, mais c'est un ministère dit de « souveraineté » qui relève constitutionnellement du domaine réservé du roi, et donc ce ministère est une autorité indépendante relevant directement du Roi.

    Face à cette présence hégémonique du ministère de l'Intérieur, la justice n'a qu'un rôle secondaire, voir inexistant, puisque à travers les articles du projet de loi, la justice joue des rôles mineurs3(*)1:

    -« Lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur ordonne, par décision motivée, la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux.
    Cette décision est notifiée aux intéressés. Elle ne peut être contestée que devant le tribunal administratif de Rabat.

    -« Le tribunal de première instance de Rabat est compétent pour connaître des requêtes en déclaration de nullité, prévues aux articles 4 et 15 de la présente loi, ainsi que des requêtes en dissolution en cas de non-conformité à la loi, à l'initiative de toute personne intéressée ou du ministère public ».

    -« En cas de dissolution spontanée, les biens du parti sont dévolus conformément aux statuts. A défaut de règles statutaires relatives à la dissolution, le congrès détermine les règles de la liquidation. Au cas où le congrès ne se prononce pas, le tribunal de première instance de Rabat fixe les modalités de la liquidation à la demande du procureur ou de toute personne intéressée. En cas de dissolution judiciaire ou administrative, la décision de justice ou le décret de dissolution fixeront les modalités de liquidation conformément aux dispositions statutaires ou par dérogation à celles-ci ».  

    2- La réception du texte.

    2-1 - Réactions des partis politiques vis-à-vis du projet de loi :

    Passons maintenant au volet relatif à la réception de cet avant projet de loi par la classe politique. Le premier constat est que cette mouture a provoqué et provoque encore un grand débat. Comme on peut le remarquer, la presse écrite et les deux chaînes de la télévision lui consacrent une place importante. Il est aisé de suivre (via la presse quotidienne et hebdomadaire et les émissions télévisées) le débit des interviews, les déclarations, les prises de position, les évaluations d'experts en la matière. Il se ne passe pas un jour sans que cette question ne soit soulevée. Ce constat d'effervescence, qui marque une participation active, s'explique certainement par le degré de frustration capitalisée par les acteurs concernés directement par cette loi ainsi que par l'opinion publique soucieuse à juste titre des gains politiques potentiels qu'elle peut se procurer réellement suite à la mise en place des nouvelles dispositions législatives.

    Bien évidemment, à ce jour, les partis politiques ne se sont pas encore prononcés officiellement sur cette question, sauf l'USFP et PI, qui ont envoyé un mémorandum au ministre de l'Intérieur ainsi que certains partis qui ont publié leur position dans leurs journaux. Quoique émises à titre personnel, les réactions suscitées jusqu'à présent par la publication-invitation de l'avant-projet de loi permettent de cerner de manière prospective la modulation aspectuelle de l'état de la réponse. On peut résumer la situation actuelle relative à ce que pourra être la réponse à venir d'une manière très économique et à la fois élégante3(*)2. Il s'agit de trois types de réponses :

    - le oui,

    - le oui, mais,

    - le non.

    Cette représentation aspectuelle de la réponse s'articule autour de positions qui oscillent entre le négatif et le positif avec une variante intermédiaire constituée à la fois du positif et du négatif. Il faut donc s'attendre à ce que certains acteurs politiques acceptent cette livraison législative sans réserves ; que d'autres tout en l'acceptant ne manqueront pas de souligner leur désaccord par rapport aux dispositions qu'ils jugeront négatives ; Et d'autres encore qui, pour des raisons stratégiques et/ou idéologiques, vont la rejeter. De même, par conséquent, il faut prévoir tous les amendements que les partis apporteront à ledit projet de loi, pour remédier aux insuffisances constatées ou aux dispositions qui ne répondent pas aux attentes en termes de libertés publiques et politiques, d'idéal démocratique et de respect de l'Etat de droit. .

    L'argument selon lequel l'élaboration de ce projet s'imposait et que « ce texte est inspiré par la volonté de réhabilitation de l'action partisane et s'inscrit dans l'option d'édification de l'Etat de droit et de la démocratie », émane des principaux partis, aussi bien de la majorité que de l'opposition. Mais c'est aussi à partir de ce présupposé, apparemment accepté, que le débat va prendre la mesure du « oui, mais » ou du « non ». Ce sont effectivement les questions relatives à la « réhabilitation », à « l'Etat de droit » et à la « démocratie », qui constituent le point de départ des évaluations produites sur le projet de loi.

    Pour ce qui est de la réhabilitation, quand elle n'est pas affirmée clairement comme c'est le cas pour certains membres de la gauche unifiée, elle reste implicite dans le discours des partis de la majorité ou simplement évoquée latéralement par le président du groupe parlementaire de l'USFP, Driss Lchgar, élu à la Chambre des représentants et membre de son Bureau politique, qui a déclaré à l'hebdomadaire Assahifa3(*)3, en substance, que le principal responsable de la défiguration de la dynamique partisane était l'Etat qui a combattu les vrais partis politiques. Cette donne montre clairement que la « réhabilitation » relève plutôt d'une approche systémique qui lie ladite crise actuelle à l'environnement socio-économique et politique, aux choix stratégiques du pouvoir et à la nature des règles constitutionnelles légiférant l'espace public.

    Si une réhabilitation devait se faire, elle concerne donc aussi bien l'Etat que la société et non exclusivement les partis politiques. Tel est le point de vue de Moustafa Msdad, l'un des membres du bureau de la gauche socialiste unifiée. En d'autres termes, il s'agit de la réhabilitation de l'ensemble des acteurs de la scène politique nationale et des instruments juridiques y afférents3(*)4.

    Tout aussi significative est l'exigence du respect de l'Etat de droit et de la démocratie. Le titre II du projet de loi expose les conditions de la constitution des partis politiques. L'article 8 exige parmi ses alinéas notamment « une déclaration écrite, portant la signature d'au moins 1000 membres fondateurs. » En général, ce chiffre est jugé trop élevé voir exagéré. A ce propos, la position de certains partis de la majorité et de l'opposition est régit par la logique du marchandage très inégal3(*)5. Bref, ils ne critiquent pas le principe mais demandent une réduction (ex : PJD propose 150 à 200 ; PPS : 500). Cependant, à la lumière du principe consacré par la Constitution, loi fondamentale du Royaume, la principale critique de l'OMDH porte sur ces dispositions parce qu'elles sont en « violation flagrante avec le principe de l'égalité de tous devant la loi ». Ceux qui sont contre comme le Parti de l'avant-garde socialiste (PADS - extrême gauche) disent que «c'est une aberration» car cela encouragera le phénomène «du remplissage». D'autres partis traditionnels soutiennent que le Maroc n'a pas besoin de nouvelles formations, mais plutôt de pôles politiques. A ce jour, on estime le nombre de partis à 34, dont 26 se sont présentés aux élections. «C'est trop», disent les représentants du pôle haraki (MP, MNP, UD). «Il faut établir des critères pour arrêter ce foisonnement. Certains partis naissent uniquement pour profiter des subventions. Le temps est venu d'encourager les regroupements», soutient Saïd Ameskane, du Mouvement populaire (MP). Moins tranchant, Saâd Eddine El Othamni du Parti justice et développement (PJD) pense que le parti doit justifier d'une représentativité nationale pour être constitué3(*)6. «Demander un millier d'adhésions est peut-être exagéré, mais l'idée est valable», dit-il. Les partis sont juridiquement assimilés aux associations puisqu'ils sont tous les deux régis par la loi de 1958, amendée il y a deux ans. «Mais, dans la pratique, un parti ne peut être assimilé à une association car il représente l'opinion publique», argumente Larbi Messari de l'Istiqlal. Et d'ajouter: «Pour qu'il y ait une représentativité nationale, on peut envisager que les fondateurs proviennent de la moitié des régions au minimum»3(*)7.


    Personne ne remet en cause le principe de la liberté de création. Ce qui est demandé, c'est l'institution de «garde-fous». «Nous ne pouvons pas enlever à un parti le droit d'être créé. En revanche, nous pouvons réguler à travers le financement», explique Ali Belhaj, de l'Alliance des libertés (ADL). Selon lui, c'est au niveau du Parlement qu'on peut imposer un seuil minimum (loi électorale et règlement intérieur).

    C'est aussi à partir de ce principe que se trouve rejeté l'article 6 selon lequel tout naturalisé marocain depuis moins de 5 ans ne peut créer ni un parti politique ni être membre fondateur d'un parti. Le parti de l'Istiqlal, qui n'en pense pas moins, préfère par l'intermédiaire, de l'un des membres de son comité exécutif, d'affirmer que trois membres fondateurs suffisent. La règle consiste ici à défendre farouchement les libertés.

    C'est encore au nom de la liberté et de la démocratie que le système de l'autorisation des partis politiques tel qu'il est présenté dans cet avant-projet de loi déclenche la foudre des opposants. Le président de l'AMDH affirme que les dispositions proposées « permettent d'assurer la domination totale du ministère de l'Intérieur sur les partis ». « Ce texte ne peut en aucun cas favoriser une vie partisane démocratique ». Par contre, le président du groupe parlementaire de l'USFP, ne s'inquiète point de cette omniprésence du ministère de l'Intérieur dans la mesure où le recours à la justice reste de toute manière ouvert en cas de décisions jugées contraires à la loi. Parmi les solutions médianes proposées pour « éviter que l'Intérieur n'ait un pouvoir discrétionnaire pour interpréter la loi », celle du PPS : il est question de créer une « Commission des partis politiques » présentée comme une instance présidée par « le président du Conseil constitutionnel et composée d'un magistrat de la Cour des comptes, d'un membre du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), d'un représentant du ministère de la Justice et d'un représentant du ministère de l'Intérieur ». Cette option réduirait le rôle du ministère de l'Intérieur aux démarches administratives et lui barrerait la route « des appréciations politiques ».

    Le problème de la balkanisation suscite le même clivage de positions antagonistes. Le niveau des principes fondamentaux des libertés devant être respectés obligatoirement ne recouvre pas le niveau où s'expriment les craintes du « multipartisme anarchique et pléthorique ». Ce qui veut dire qu'au moment où l'un tente de restreindre l'effet de balkanisation, l'autre rappelle les principes de base de la démocratie en dehors des enjeux stratégiques.

    A ce propos, la divergence de position est très nette. Mais la situation n'est pas en fait sans issue. Il suffit, sans doute, de changer la façon de poser le problème pour trouver la solution qui satisfasse tout le monde. Les défenseurs des droits de l'Homme ont certes raison de tenir à leurs principes, mais les stratèges de la politique n'ont pas tort non plus quand ils pensent mettre fin à cette balkanisation.

    Le projet de loi prévoit un seuil de 5 % des voix pour pouvoir être représenté au Parlement.. Contrairement à la majorité de la classe politique, le RNI, l'USFP, le PJD et l'Istiqlal restent favorables à la barre des 5 %. Ils savent qu'ils bénéficieront de la disparition des petites formations.

    Dans les démocraties occidentales qui constituent des modèles dont on peut s'inspirer, les partis n'accèdent pas tous au Parlement. Il existe des règles législatives, « par exemple, seuil électoral minimal de voix exprimées au niveau national ; 5% en Allemagne et 10% en Turquie », « critères d'éligibilité au financement public des partis » qui rendent plus équitable la liberté du jeu électoral sans pour autant pénaliser ceux qui ne désirent pas prendre le chemin des urnes. Il est clair aussi que la future loi sur les partis politiques implique de facto la révision de la copie dont nous disposons actuellement sur le système électoral.

    Comme on pouvait s'y attendre, c'est autour de la question de la « la suspension et de la dissolution d'un parti » que la position des acteurs politiques est identique : le rejet unanime des articles 42 à 45 qui se fait au nom de la démocratie présuppose que de telles décisions relèvent non pas de l'administration ou du pouvoir exécutif, mais qu'elles sont du ressort exclusif de la justice, notamment du « juge constitutionnel (Conseil constitutionnel) ». D'où, logiquement, la demande de révision de la Constitution pour un rôle plus déterminant du juge constitutionnel. Quant à l'AMDH, le texte proposé est inacceptable parce qu'il pénalise les partis qui « ne participent pas aux élections pour des raisons politiques (boycott) ou qui sont de création récente ». Mieux, cet « avant-projet est destiné de toute évidence beaucoup plus aux partis existants, pour les domestiquer, qu'à ceux qui seront créés à l'avenir, s'il s'en crée, étant donné les conditions très contraignantes pour la constitution des nouveaux partis ».

    Pourtant, une question demeure : A quoi sert des partis politiques forts et homogènes, si on savait que les élections n'ont aucune légitimité, puisque le palais passe des accords avec les partis politiques avant les élections, car les élections ne doivent pas imposer la carte politique marocaine. Si on savait que le gouvernement n'a pas les moyens juridiques et politiques pour pouvoir mener une véritable politique d'Etat. Si on savait que le gouvernement ne peut pas être responsable devant le Roi, puisque c'est lui nomme le Premier ministre et, sur proposition de celui-ci « nomme les autres membres du gouvernement. Il peut mettre fin à leurs fonctions. Il met fin aux fonctions du gouvernement, soit à son initiative, soit du fait de la démission du Gouvernement " (article 24 de la Constitution) ? Aujourd'hui se pose avec plus d'acuité la question de la réforme de la Constitution, car tout réforme de la scène politique marocaine passe par la constitution.  

    2-2 La question occulte : la reforme constitutionnelle.

    Pendant longtemps, la revendication des réformes constitutionnelles a constitué la trame d'une évolution politique et historique chargée de rebondissements. Elle était menée essentiellement par les partis de gauche. Ceux dits de droite étaient, en quelque sorte, des "suivistes".

    2-2-1 La réforme constitutionnelle : hier et aujourd'hui.

    Dans son discours du trône, le 18 novembre 1956, Mohamed V avait annoncé son intention de réunir une « assemblée constituante pour élaborer une constitution dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle, arabe, musulmane et démocratique », et le 3 novembre 1960, il institua par dahir, une assemblée consultative de 78 membres, appelée Conseil Constitutionnel. Cette initiative va échouer notamment du fait de la non-participation de l'UNFP et du syndicat UMT, importantes forces de gauche qui exigèrent une vraie constituante. Par contre le PI ne va à aucun moment, et ce, dès 1956, remettre en cause le principe de sa participation aux organes de substitution à la représentation élective que la monarchie s'est efforcée de promouvoir, que ce soit le Conseil consultatif présidé par Mehdi Ben Barka, ou le Conseil constitutionnel préside par Allal el-Fassi. Fort de sa position hégémonique, le PI n'accorde qu'une importance limitée à la question de la rédaction de la Constitution et de son adoption3(*)8.

    Une fois, Hassan II fut intronisé le 3 mars 1961 comme nouveau roi, il va se libérer de Conseil Constitutionnel, juge comme organe ambigu et embarrassant, et promulgua, le 2 juin 1961, un dahir constituant une loi fondamentale pour le royaume du Maroc. Et dans le secret, avec quelques conseillers, élabora lui-même une constitution relativement libérale (multipartisme ; bicaméralisme inégalitaire ; élection des membres de la chambre des représentants au suffrage universel direct ; et des libertés publiques reconnues) qui sera adoptée le 7 décembre 1962 à une très forte majorité.

    Dès 1970, le Roi Hassan II fait adopter par référendum une autre Constitution jugée cette fois comme la plus autoritaire de toutes les Constitutions marocaines. La même année, un Parlement, boycotté par tous les partis politiques, est mis en place. Commence alors un bras de fer entre la monarchie d'une part et les partis issus du Mouvement national de l'autre. Au centre de ce rapport de force, la réforme constitutionnelle.

    Dés1984, l'USFP va présenter au roi Hassan II l'un des premiers mémorandums. A l'époque, cette formation fustigeait l'engagement du Maroc dans un programme d'ajustement structurel dont les conséquences, sur le plan social, se manifesteront très rapidement. La volonté de réforme était plus économique que politique. Plus tard, en 1989, la tenue du Vème congrès de l'USFP était l'occasion pour cette formation de réclamer une réforme constitutionnelle. Au coeur de celle-ci, les statuts du gouvernement et du Parlement. Des prérogatives royales, il n'était guère question. Rééquilibrer le pouvoir Exécutif et Législatif était la principale demande de cette formation et ce, à travers deux objectifs constitutionnels très liés : Renforcer le statut du Premier ministre, ses pouvoirs, le champ de son action, en assurant en même temps une légitimité populaire plus avérée. Une légitimité qui passe par l'élection de la Chambre des représentants au suffrage universel direct.

    La fin des années1980 et le début des années 90 sont marqués par un bouleversement international profond : chute du mur de Berlin, déclin de l'idéologie communiste, écroulement du bloc communiste. C'est le moment qui sera choisi par l'USFP et l'Istiqlal pour présenter au roi Hassan II un manifeste dans lequel ils revendiquent des réformes constitutionnelles. Ils réitèrent les mêmes revendications, mais proposèrent également la création d'un Conseil constitutionnel, en remplacement de la cour constitutionnelle, et une affirmation explicite des droits de l'Homme tels qu'universellement reconnus. Ils exigent pour le Premier ministre un statut plus autonome et des pouvoirs plus larges. L'essentiel de ces demandes a été retenu dans la constitution révisée en 1992. Le roi préparait, de ce fait, la mise en place d'un vieux rêve : l'alternance politique, mais qu'il mènerait lui-même. Voire qu'il octroierait à ses propres conditions. Mais il échoue dans un premier temps, en 1993. Il décide alors de poursuivre le bras de fer avec l'USFP et l'Istiqlal. Et pour confiner la revendication loin de la question de la séparation des pouvoirs, il annonce l'imminence d'une réforme constitutionnelle portant sur le bicaméralisme. Il invite ainsi ces partis à réfléchir sur le statut des deux Chambres, retient certaines de leurs propositions, et soumet un nouveau projet de constitution au peuple, en 1996. Cette fois, tous les partis, à l'exception de l'OADP, y adhèrent.

    Pourtant, la crédibilité de ses demandes de réforme constitutionnelle contraste avec la perte de légitimité de ces mêmes demandes par la gauche gouvernementale. L'USFP s'est décrédibilisé sur le sujet en utilisant la réforme de la Constitution comme moyen de négociation avec la monarchie alors que celle-ci doit être l'Objet de la négociation. Soutirer des postes gouvernementaux en menaçant de revendiquer une réforme constitutionnelle revient à dévaloriser celle-ci3(*)9.


    Dans cette lutte engagée par les partis de gauche, pour instaurer une réforme constitutionnelle, ce n'est qu'à partir de 1996 que les partis de droite, dits de l'administration, formés essentiellement par la mouvance populaire, le RNI et l'Union constitutionnelle, ont été de simples "suivistes". Et les quelques "réformettes" qu'ils avaient proposées, particulièrement dans le courant des années 1990, ne portaient pas sur la conception du pouvoir, notamment sur la question de la séparation des pouvoirs.

    En 1994, et après l'échec de la première tentative d'alternance, la publication des mémorandums est une pratique politique largement admise, le panorama politique étant déjà structuré en deux pôles : la Koutla et l'Entente (Wifak). Ce dernier regroupe justement les partis de droite, dont les revendications d'une réforme constitutionnelle étaient focalisées sur des thèmes politiquement secondaires, comme le droit de vote des émigrés marocains, la régionalisation, le statut de la deuxième Chambre, etc. L'on se souvient que, concernant cette dernière question, le mémorandum du Wifak, à un an de la révision constitutionnelle de 1996, avait tout simplement proposé que la future Chambre des conseillers marocains s'inspire du modèle français. En ce sens, l'action de ces partis avait davantage l'allure d'une stratégie d'équilibre politique assez conjoncturelle, face à la présence de la Koutla, que d'une véritable volonté de réformer la Constitution. "La raison en est simple : les partis de l'Entente n'étaient pas dans une logique de rapport de force avec la monarchie, contrairement à ceux de la Koutla", estime un politologue4(*)0.

    Aujourd'hui seules des formations de gauche non gouvernementales, qui regroupent Fidélité à la Démocratie, le PADS, Annahj Addimocrati, le CNI et la GSU continuent d'exprimer une telle revendication, et faisant de la réforme constitutionnelle le coeur des leurs revendications.

    Le dernier épisode de cette série d'actions menées pour une reforme constitutionnelle est le texte publié par Mustapha Ramid, l'ex-président du groupe parlementaire du PJD. Pour Ramid, tout débat sur la réforme constitutionnelle au Maroc se doit prendre en considération un triptyque de base : islam, monarchie et démocratie.

    Pour l'islam, Ramid pense que toute réforme constitutionnelle ou politique se doit d'être fondée essentiellement sur la religion de la nation. Mais cet Etat islamique doit refléter la libre volonté de la nation islamique et le consensus aussi bien des individus que des groupes. Si Ramid accepte la monarchie comme forme de gouvernement, il pense qu'il faut remettre en question les attributions royales législatives et exécutives, ainsi que le statut du Roi comme commandeur des croyants. Pour la démocratie, l'ex-président, voit que la démocratie peut être un mécanisme institutionnel, même dans un pays islamique. Mais l'usage sera différent. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il nie les principes de la démocratie comme la liberté d'expression, la séparation des pouvoirs, la garantie de la liberté d'opinion, et autres libertés et droits conformes aux préceptes et aux finalités de l'islam4(*)1.

    2-2-2 Ce qu'on reproche à la constitution:

    Au terme des différentes constitutions (1962, 1970, 1972) et des reformes constitutionnelles octroyées (1980, 1992, 1996), deux corpus se côtoient. L'un représente la tradition makhzénienne, l'autre une certaine « modernité ». Dans la première tradition, il y a ce que certains analystes appellent la « supra-constitution » ou le noyau dur de l'édifice constitutionnel. Il s'agit de l'article 19, 35 et 72, touchant au domaine du pouvoir royal. Ce noyau demeure le même, parce qu'on ne peut pas y toucher, au risque d'ébranler tout le système bâti au cours de la période post-indépendance. Conformément à cette «  supra-constitution », le roi est, à la fois, arbitre, commandeur des croyants et chef de l'Etat4(*)2.

    Le roi comme arbitre :

    Le roi est un arbitre actif. Il a tous les moyens nécessaires pour exclure tout joueur ne respectant pas les règles du jeu qui sont floues et informelles relevant de la qa'ida (règle de conduite). Le roi tient cette fonction de son titre religieux d'arrière- petit-fils du Prophète. Le recours à l'arbitrage royal permet de consolider le champ traditionnel du commandeur des croyants. Ce commandeur est un père protecteur de « ses enfants faibles ». On s'adresse à lui, au besoin, pour demander réparation, pardon, etc. Il est aussi le chef, le Guide suprême, exerçant un pouvoir profane et un pouvoir sacré.

    Le champ d'arbitrage permet au chef religieux d'être au-dessus de tous les groupes et donc de hisser la monarchie au sommet de la pyramide de contrôle. Ce champ est associé au champ traditionnel du commandeur des croyants

    Le roi comme commandeur des croyants :

    Ce champ se caractérise par l'inexistence de médiateurs entre le commandeur des croyants et la communauté des musulmans. En tant que commandeur des croyants, le monarque est le premier «  Alim » du pays (savant en sciences religieuses), ce qui signifie la centralité et l'unité du pouvoir. Cette centralité est consacrée constitutionnellement. L'article 19 donne au chef religieux un pouvoir général d'action et d'interprétation s'imposant à tous parce qu'il est de nature supérieure et sacrée. Il intervient quand sont mis en cause l'Etat, l'unité de la nation, l'islam, la constitution, les droits et libertés des « citoyens », groupes et collectivités, etc. Ainsi, le roi a les mains libres pour juger et apprécier en toute latitude ces différentes circonstances.

    Le roi comme chef d'Etat :

    Le commandeur des croyants est chef de l'Etat. Il est chef suprême des forces armées. Il nomme aux postes civils et militaires, accrédite les ambassadeurs, signe et ratifie les traités. Il nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, les autres ministres ; il met fin à leurs fonctions. Il promulgue la loi. Il préside le Conseil des ministres, le Conseil supérieur de l'enseignement, le Conseil du plan, le Conseil supérieur des magistratures par dahir, il nomme les hauts fonctionnaires civils et militaires et les magistrats, exerce le droit de grâce et nomme le président de la Haute Cour. Les jugements sont rendus et exécutés en son nom. Le contenu de ses messages ne peut faire l'objet d'aucun débat. L'immunité parlementaire est levée si des opinions exprimées par des députés manifestent un manque de respect à l'égard du roi, ou une remise en cause du régime politique ou l'islam. Le chef d'Etat peut en tant que souverain, par simple dahir ou discours, dissoudre une institution, neutraliser une loi quelconque. Il contrôle et verrouille la production normative à toutes les étapes. L'institution monarchique centralise l'essentiel des pouvoirs et contrôle largement le processus décisionnel. Une distribution équitable des pouvoirs entre les différents acteurs politiques fait toujours défaut.

    Face à cette hégémonie royale, et la présence quasi écrasant de l'institution royale dans le paysage politique marocaine, certains partis politiques pensent que la réhabilitation du champ politique passe par la réforme de la constitution, puisqu'il est la clé de voûte de système politique marocain. Pour eux, il ne suffit pas de promulgue une loi sur les partis politiques pour que la scène partisane trouve sa vitalité. Il faut d'abord que la constitution, source de toute loi, soit réforme.

    En premier lieu cette réforme doit concerne les pouvoirs royaux, la relation entre le Roi et le Premier ministre, les relations avec le gouvernement, et enfin le Parlement.

    Que propose donc ces acteurs politiques ? Il faut d'abord souligne que ces propositions ne sont pas homogènes, et que chaque parti a sa propre vision des choses, ce qui n'empêche pas que sur certains points, il y a convergences des points du vu4(*)3.

    En ce qui concerne les pouvoirs du Roi, une première tendance propose de réécrire le début de l'article 19 comme suit : "le roi, Amir al Mouminine, représentant de la nation, symbole de son unité, assure par son arbitrage la garantie de la pérennité et de la continuité de l'état", le reste de l'article peut reste sans changements.

    Une deuxième tendance est encore moins conciliante à l'égard des "superpouvoirs" royaux. Selon elle, il faudraitabord ôter son caractère "sacré" à la personne royale, puis, cela fait, scinder sa fonction religieuse du reste de l'article 19. Une fois Imarat al Mouminine isolée, il faudrait la définir avec précision, de manière à la restreindre au champ religieux. Ainsi, le roi ne pourrait plus se prévaloir de son titre religieux pour faire passer des décisions politiques - ce que Hassan II a fait régulièrement, substituant une source de légitimité à une autre dès qu'il était en panne d'arguments.

    Une troisième tendance va encore plus loin. Oui, l'article 19 devrait être réduit à la seule fonction religieuse du roi. Mais il devrait être réécrit ainsi : "Le roi porte seul le titre d'Amir al Mouminine et représente une autorité symbolique en matière de fatwas". Cette même tendance estime que le roi devrait être "représentant de l'état" (même raisonnement que la seconde tendance, contreseing des dahirs inclus), et que "sa fonction centrale est l'arbitrage" (même raisonnement que la première tendance). Par ailleurs, cette troisième tendance, détailler les fonctions du roi : il serait ainsi commandant suprême des forces armées royales (article 30, qu'il faudrait déplacer ici), de même qu'il aurait la possibilité de dissoudre le gouvernement et le Parlement (dont il inaugurerait les sessions) et de décréter l'état d'exception (contresigné, puisqu'il s'agirait d'un dahir, par le Premier ministre). Il accorderait aussi le droit de grâce (à ne pas confondre avec les lois d'amnistie, qui devraient être votées par le Parlement) et délivrerait, enfin, des discours à la nation (mais seulement après que leur contenu a été entendu, et pourquoi pas validé par le conseil des ministres). L'avantage de lister des fonctions aussi précises, c'est que toute interprétation abusive des pouvoirs royaux deviendrait, de jure, exclue.

    Une quatrième tendance clôt le débat sur les pouvoirs du roi. Et prend à contre-pied les 3 autres puisque pour elle, non seulement Imarat al Mouminine devrait être citée dans un article qui lui soit propre, mais en plus, elle devrait passer du statut de fonction royale à celui de "structure de pouvoir globale et intégrée, et présidée par le roi". Dans cette structure, on intégrerait Majliss al Ouléma (assemblée des docteurs de la loi religieuse), Majliss al Ifta'e (assemblée - à créer - proposant les fatwas) et d'autres instances, auxquelles il faudrait réfléchir. Toutes ces instances auraient en commun d'être indépendantes des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

    Une cinquième tendance émerge, et elle est isolée de toutes les autres, car jugée bien trop radicale. Sur le fond, elle est d'accord avec les autres sur le diagnostic : telles qu'ils sont formulés aujourd'hui dans la Constitution, les concepts d'Imarat al Mouminine et de sacralité font du roi un acteur intouchable de la scène politique, ce qui est inacceptable puisqu'il en est un acteur autant que les autres. Il faudrait donc supprimer la sacralité, point final.

    En ce qui concerne la relation entre le Roi et son Premier ministre, il y a une première tendance qui propose que le roi nomme comme Premier ministre celui qu'a la majorité parlementaire. Une deuxième tendance propose avec certain nuancée que le roi nomme comme Premier ministre, celui qui dispose d'une majorité parlementaire. Par contre, une troisième tendance, propose que le roi nomme le Premier ministre après consultation avec les partis politiques disposant d'une majorité au Parlement. Une quatrième tendance propose, quant à elle, que le roi nomme comme Premier ministre celui choisi parmi les personnalités appartenant aux partis représentés au Parlement.

    En ce qui concerne les relations avec le gouvernement, certains proposent une répartition claire des taches entre les deux conseils (du gouvernement et des ministres) de manière à abolir la dualité qui existe, à accélérer les procédures et à renforcer les attributions du Premier ministre. Il s'agirait de préserver au roi ses attributions de chef de l'état (représentation à l'étranger, commandement de l'armée, etc.) et de transférer l'essentiel de ses prérogatives en tant que chef de l'exécutif (validation des projets de lois, questions sectorielles, etc.), au conseil du gouvernement. Ce dernier devrait également nommer les hauts représentants de l'état chargés d'appliquer les orientations gouvernementales (ambassadeurs, walis, gouverneurs, secrétaires généraux des ministères, directeur de la police, etc.). Tant que le conseil des ministres servirait essentiellement à informer le roi des principales options gouvernementales, à solliciter ses orientations (à titre indicatif) et aussi, très important, à tenir le gouvernement informé de la teneur des discours royaux à la nation - discours que le roi ne pourrait délivrer qu'après avoir obtenu l'aval du gouvernement.

    Une deuxième tendance tient plus compte des rapports de force actuels. Tout en admettant la nécessité de consacrer, dans la Constitution, un article aux attributions du conseil du gouvernement, elle le voit mal se substituer à l'autre conseil, dirigé par le chef de l'état, et dont l'importance resterait décisive. Ainsi, les questions exceptionnelles ayant trait à la souveraineté (état de siège, déclaration de guerre, projet de révision de la Constitution, dissolution du Parlement) devraient rester du ressort exclusif du roi. Et même des questions dites " de politique générale " (à déterminer) ne devraient pas être délibérées hors du conseil des ministres. Cette tendance tolère que des décrets (et non des dahirs royaux) soient exclusivement soumis au conseil du gouvernement. Quant aux nominations, elle va même plus loin et concède au Premier ministre la possibilité de nommer directement (c'est-à-dire sans validation royale) les directeurs centraux des administrations publiques. Objectif de cette tendance : responsabiliser le Premier ministre tout en préservant les équilibres macro-politiques.

    Reste enfin les relations avec le Parlement. Toutes les tendances sont pour que le Maroc soit doté d'un Parlement fort et efficace. Concernant la deuxième chambre, l'unique solution viable (proposée à l'unanimité) serait d'en faire "un conseil national, regroupant les représentants des régions". En étant réduite à "un rôle consultatif", cette assemblée pourrait être complémentaire à la première chambre, les fonctions exécutives des élus régionaux étant exercées dans les assemblées régionales.
    Concernant sa fonction première, celle d'émettre des lois, l'article 56 serait réécrit ainsi : "L'ordre du jour de la première chambre comporte la discussion des propositions de lois qui en proviennent et des projets de lois déposés par le gouvernement". Plus question d'une autorisation préalable de l'exécutif ni d'une "priorité" qui reléguerait les propositions des parlementaires au second plan. Si cette formulation ne passe pas, on accorderait au moins "une fois par mois à la première chambre le soin d'établir un ordre du jour libre ».

    Concernant la fonction de contrôle et d'enquête de la première chambre, on propose (toujours à l'unanimité) des amendements ciblés et concrets. La chambre pourrait "interroger les acteurs publics de son choix". C'est-à-dire, notamment, ceux qui dépendent du Palais (comme le Haut commissariat au Plan ou les fondations sociales). Elle pourrait aussi "nommer des commissions de contrôle ponctuelles". Quant aux traditionnelles commissions d'enquête, la première chambre aurait la latitude d'en "solliciter la création par un vote du tiers de ses membres" (au lieu de la majorité requise aujourd'hui).

    Pour donner encore plus de poids au Parlement face à l'exécutif, il faudrait lui permettre d'agir plus efficacement sur les finances de l'état. Aujourd'hui, les élus valident la loi de finances, qui détaille le budget annuel prévisionnel de l'état. Mais une fois l'année budgétaire écoulée, ils sont censés, aussi, vérifier si l'argent a bien été dépensé comme prévu. Quant à l'immunité parlementaire, dont profitent de multiples élus indélicats, il est possible d'en atténuer la portée sans en toucher le principe (universel). Pour ce faire, la solution serait que l'arrestation d'un député continue à nécessiter une autorisation préalable du Parlement... mais qu'un député puisse être librement poursuivi par la justice en cas de malversations. Une peine pourrait même être prononcée contre lui, mais elle resterait en suspens jusqu'à ce que l'autorisation tombe... ou qu'il ne soit pas réélu.

    Maintenant, la balle est dans le camp de l'institution monarchique. Pourtant, rien ne permettre de dire, pour l'instant, que la réforme de la constitution constitue une priorité, même s'il paraît que selon certaines sources que des conseillers du Roi sont en train de plancher sur une réforme constitutionnelle. Si le Roi hésite encore, c'est parce que cela aboutirait à une réduction de ses pouvoirs, au bénéfice de la classe politique. Vu l'état de cette dernière, le Maroc n'est pas prêt à un tel bouleversement.

    Si tel est l'argument officiel, certains pensent qu'il n'est pas dénué de pertinence. Un rééquilibrage des pouvoirs bénéficierait en effet à des partis pas très portés sur la démocratie et qui n'ont que peu de compétences à proposer. Il est tout aussi vrai que le Palais est plus doué que les partis pour dénicher de bons profils, et les placer aux commandes exécutives du pays.

    Conclusion :

    Pour le ministre de l'Intérieur, le premier tour des consultations vient de s'achève. Cet avant-projet de loi n'est qu'une première mouture, pour engager le débat et sonder les avis des partis politiques. Mais le verdict est sévère. Les partis ont fait l'unanimité contre lui, incitant l'Intérieur à revoir sa copie.

    En effet, ce projet a été considérer comme liberticide, et certains points ont fait l'unanimité des partis politiques majorité comme opposition et des organisations des droits de l'homme comme les articles 42 et 45 relatifs à la suspension et à la dissolution des partis politiques, qui attribuaient ce pouvoir à l'administration. Et les articles 8 et 13 qui exigeant 1 000 membres fondateurs et un minimum de 1500 congressistes pour qu'un parti puisse être constitué ont été également décriés par les responsables politiques. Avec ces dispositions et bien d'autres les partis craindrent une loi qui ferait de toute tentative de création de parti une entreprise titanesque. Mais, ce que ils craignent le plus c'est l'emprise de l'Etat sur les partis ce qui reviendrait à les affaiblir, donc à les décrédibiliser davantage. Face à ces critiques, le ministre de l'Intérieur a affirme que toutes ces considérations vont être prises en compte dans la mouture définitive et que ce projet de loi va subir des remodelages et des retouches.

    Quelles sont alors les retouches apportées au projet de loi sur les partis ? La grande nouvelle, qui devrait soulager les partis, est que le pouvoir de dissolution ou de suspension d'un parti est donné à la Justice, au lieu du ministère de l'Intérieur. Si le principe de la liberté de constitution des partis n'est pas totalement adopté, le nouveau projet en assouplit les conditions, fixant le nombre de fondateurs à 300 au lieu de 1 000 comme le prévoyait la première mouture. Il en va de même pour le nombre de congressistes, ramené à 500, chiffre autrement plus raisonnable que les 1 500 requis dans l'avant-projet initial, ce qui aurait posé des problèmes logistiques et matériels pour les petits partis.

    Concernant le financement de l'action politique, l'éligibilité à l'aide publique se fera en fonction de la représentativité des partis à l'échelle nationale et locale. Pour les petits partis qui n'atteindraient pas le pourcentage de voix requis pour être éligibles, ils auraient la possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix atteigne le seuil d'éligibilité. Ils pourraient ensuite se partager la subvention étatique. Cette disposition a été remodelée afin de ne pas léser les partis politiques à la représentativité électorale limitée mais au rayonnement intellectuel important.
    Toujours à propos du financement, l'article 38 de l'avant-projet, stipulant qu'une commission présidée par un juge de la Cour des comptes et composée d'un juge de la Cour suprême, d'un représentant de l'Intérieur et d'un inspecteur des finances examinerait les dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de l'Etat dans le financement des campagnes électorales, a été modifiée et simplifiée. Seule la Cour des comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors des élections.

    De ces quelques exemples ressort la volonté de l'Etat de normaliser le champ politique tout en gardant un minimum de conditions. L'acte de constituer un parti n'est pas entièrement libre de toute entrave ; il n'en demeure pas moins que le ministère de l'Intérieur n'a plus le pouvoir discrétionnaire de juger des intentions d'un groupe de personnes désireux de se constituer en parti politique. Si la nouvelle mouture est adoptée, toutes les personnes qui satisfont aux conditions de la loi pourraient avoir un parti, même si leur acceptation des fondamentaux n'est que formelle. Auquel cas, il appartiendrait à la justice d'en juger.

    Deuxième partie : Le financement des partis politiques.

    Souvent considéré comme sujet tabou, le financement des partis politiques a toujours été entouré de secrets et des zones d'ombre. Du financement secret au financement étranger en passant par l'argent de la drogue, l'argent des partis n'a pas cessé de susciter la polémique.

    Si l'Etat, et dès 1986, alloue chaque année une somme de 20 millions DH comme aide aux partis politiques, la question de la réglementation et de la transparence n'est pas encore acquise.

    Avec le nouveau projet de loi, l'Etat veut mettre de l'ordre dans la comptabilité des partis, et encourage la transparence de leur financement. L'Etat va donc participer au financement des campagnes électorales des partis politiques et leur accorder une aide annuelle pour aider à leur gestion. Le montant de la subvention devrait être fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des deux chambres du Parlement. Ces subventions étatiques sont cependant soumises à la tenue des assises nationales des partis politiques. Ces derniers sont , par ailleurs, interdits de recevoir des aides financières- directes ou indirectes - des collectivités locales, des institutions publiques et des sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital, ainsi que toutes subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une personne ne portant pas la nationalité marocaine.

    Donc avant d'analyser les dispositifs de ce nouveau projet de loi concernant le volet financement, et le comparer avec les législations d'autres pays, on va essayer de décrire la situation actuelle de financement des partis politiques marocains, à savoir : les ressources des partis, les subventions de l'Etat, la question de la transparence.


    A- le soutien de l'Etat aux partis politiques.

    Dès1986, et suite à une lettre royale, l'Etat alloue chaque année une somme de 20 millions DH, comme aide aux partis politiques, aux syndicats, et à la presse. Il s'agit des subventions en faveur des groupes parlementaires, de l'aide à la presse et à l'organisation des campagnes électorales. Pour bénéficier de ce soutien, l'Etat a défini deux critères comme conditions obligatoires que chaque parti politique doit remplir :

    1 - la participation aux élections.

    2 - avoir des parlementaires, puisque le nombre de parlementaires définit la somme que chaque parti va recevoir.

    1-Les subventions aux groupes parlementaires :

    Même si leur existence n'est pas expressément reconnue par la constitution qui n'évoque les partis politiques que dans article 3, les groupes parlementaires jouent un rôle essentiel au sein du parlement. C'est la raison pour laquelle ils bénéficient d'un certain nombre de facilités et moyens nécessaires à leur fonctionnement. Des locaux leur sont affectés à l'intérieur du parlement, des frais de fonctionnement font l'objet d'une prise en charge partielle par le budget de chaque chambre. L'aide versée est proportionnelle au nombre de parlementaires inscrits dans chaque groupe. En outre, il faut relever que les membres des groupes parlementaires versent une cotisation à leur parti. Et dans la mesure ou les liens sont étroits entre les partis politiques et les groupes parlementaires, les divers moyens dont bénéficient ces derniers peuvent être considérés comme des facilités dont bénéficient indirectement les partis politiques.

    Au Maroc, l'article 51, le règlement intérieur du Parlement, donne aux groupes parlementaires, le droit de disposer des moyens matériels et humains à l'intérieur du Parlement (bureaux, organisme administrative...) pour la gestion de leurs affaires. Il donne aussi le droit aux groupes parlementaires de choisir leurs fonctionnaires, soit parmi les fonctionnaires du Parlement, ou à l'extérieur, avec l'accord du président du Conseil des représentants. Le nombre de ces fonctionnaires n'obéit pas à une règle écrite, mais l'habitude fait que chaque groupe obtient un maximum de fonctionnaires qui peut aboutir à 12 personnes, et chaque fois qu'un groupe a plus de 12 parlementaires, il a le droit d'ajouter un fonctionnaire. Ces fonctionnaires obéissent à un ordre hiérarchique. On trouve au sommet, le chargé des études, suivit d'un conseiller, d'un adjoint administratif supérieur, un adjoint administratif, et enfin un secrétaire, et un auxiliaire. Le président du groupe a le grand pouvoir sur ces fonctionnaires. Il peut faire appel à des fonctionnaires du Parlement, ou faire appel à d'autres fonctionnaires provenant d'autres administrations. Il a aussi la possibilité de signer des contrats avec d'autres cadres hors de l'enceinte du Parlement et hors de la fonction publique. Souvent, ces critères restent des règles formelles, on ne les respecte pas. En effet, les présidents des groupes dans leur pratique, choissent des personnes proches, et d'autres embauchent des cadres et des militants de leur parti.

    2- La participation de l'Etat au financement des compagnes électorales 

    La participation de l'Etat au financement des compagnes électorales constitue une autre forme de subvention en faveur des partis politiques. Il se différencie des autres subventions par son aspect occasionnel, puisqu'il est attribué à chaque échéance électorale. Cette échéance a été limitée, selon la constitution de 1996, à 5 ans pour les élections parlementaires et à 6 ans pour les élections municipales.

    La participation de l'Etat prend la forme d'une somme d'argent définit pour chaque échéance électorale. Il est distribué selon les résultats électoraux ou à partir d'une somme limitée aux voix obtenues.

    En Grande-Bretagne et en Suisse, il n'existe aucune participation de l'Etat au financement des compagnes électorales, sauf que les partis britanniques peuvent bénéficier de la gratuité des courriers destinés à la propagande électorale, ainsi que les salles publiques, afin de faire leurs meetings électoraux. A l'inverse, en Italie, le remboursement des partis politique, à l'occasion des élections législatives, européennes et régionales, et les référendums populaires reste la seule forme de soutien public à l'égard des partis politiques italiens. En Espagne, le gouvernement prend en charge les dépenses des compagnes électorales, à chaque élection nationale, municipale, ou européenne. Les sommes accordées aux partis politiques, à l'occasion des élections législatives, prennent en compte le nombre de sièges et de voix obtenus. La loi espagnole possède aussi des dispositions avantageuses réservées au financement des publicités électorales.

    Au Maroc, le soutien donné par l'Etat, ne peut être considéré comme un soutien aux élections, mais un soutien aux partis politiques, pour faire face aux dépenses des compagnes électorales. C'est pour cette raison que les candidats ne bénéficient pas de soutien, et surtout les candidats indépendants.

    Ce soutien public n'englobe pas toutes les échéances électorales, il se limite aux élections municipales et législatives et exclut les élections législatives de la deuxième chambre, ainsi que les élections partielles destinées à remplir une chaise parlementaire vide à cause du décès de son propriétaire, ou suite à l'annulation des résultats d'un district électoral.

    Ce soutien a été organisé selon les dispositifs du décret n° 2.92.721 du 28 septembre 1992, et ce sont les mêmes dispositifs que le code des élections va raffermir : l'Etat participe au financement des campagnes conduites par les partis politiques participant aux élections municipales ou législatives.

    Cette participation de l'Etat est destinée aux dépenses concernant l'affichage, les documents électoraux, et les rassemblements électoraux. La somme totale accordée par l'Etat est définie par décret fait par le Premier ministre, selon une proposition du ministre de l'Intérieur, de la Justice, et des Finances à l'occasion de chaque échéance électorale. Mais d'autres parties sont aussi consultées à l'image de la commission nationale des élections et jouent un rôle capital dans la définition de la somme allouée aux partis.

    La distribution de cette subvention est le travail d'une commission spéciale qui doit respecter certains critères définis par l'article 27 du décret 2.92.721, à propos du nombre de candidats, le nombre de voix, et enfin le nombre de sièges gagnés par chaque parti politique. Il faut souligner que la distribution de la subvention selon le chapitre 4 du même décret se fait en quatre étapes : la première, limitée à 20% de la subvention, est distribuée avant la fin de la date de déposition de candidatures, ce qui veut dire que chaque parti voulant participer aux élections peut bénéficier de subvention sans tenir compte de son implantation géographique, ni de sa représentation au Parlement ou dans d'autres institutions représentatives. Ce même parti à le droit de se retirer de l'élection avant même sa fin, et personne n'a le droit de l'obliger à rester, ni même de l'obliger à rendre les sommes qu'il a bénéficiées, puisqu'il n'y a pas une loi qui pénalise ce genre de comportement. Ce qui laisse les portes grandes ouvertes aux partis qui veulent seulement bénéficier de subventions sans pour autant participer à l'élection.

    Après la fin de la déposition des candidatures, les partis politiques bénéficient du deuxième volet de la subvention limitée à 30% de soutien. Le critère de distribution est le nombre de candidats de chaque parti. En réalité, cette étape transforme les partis politiques en « entreprises politiques », avec la vente des accréditations sans s'intéresser aux siéges.

    Si 50% de la somme des subventions se distribue avant la participation effective des partis au scrutin, la deuxième moitié (50%) se distribue après les élections selon deux critères :

    - le premier concernant les sièges gagnés par chaque parti politique (25%).

    - le deuxième concernant les voix obtenues sans compter les voix des candidats qui n'ont pas passé la barre 5% des voix (25%).

    Cette procédure va être changée avec les élections de septembre 2002, puisque le nouveau critère pour avoir de subvention sera (50%) des voix et (50%) des siéges, avec annulation de toute possibilité pour les partis politiques de bénéficier de soutien avant le scrutin, sauf des crédits accordés à certains partis politiques.

    En jetant un coup d'oeil aux décisions du Premier ministre prises avant les élections législatives et municipales de 1992 et 1993, on trouve que les sommes dépensées par l'Etat est de 120 millions de DH (60 millions pour chacune). Cette somme va atteindre le chiffre de 210 millions DH, pour les élections municipales de 1997, et 120 millions DH pour les élections législatives. Ce qui veut dire que les élections législatives de 1997 ont coûté autant que les élections législatives et municipales de 1992 et 1993 réunies.

    B - Ressources propres aux partis politiques :

    1 - Les cotisations :

    Les cotisations constituent une ressource spécifique des formations politiques. Elles sont même un élément fondamental puisque c'est en principe leur versement qui permet d'obtenir la qualité de membre d'un parti. Soulignons seulement ici que les cotisations, c'est-à-dire « les sommes versées pour adhérer à un parti ou un groupement politique » sont spécifiques aux partis et qu'elles donnent droit à y jouer un rôle. Elles ne sont pas, pour l'essentiel, soumises à des règles particulières. Leur régime est comparable à celui des dons.

    Au Maroc, les cotisations ne constituent pas une source importante de financement du fait de leurs caractères minimalistes, et de la difficulté pour en obtenir. Les partis les récupèrent avec souplesse afin de ne pas gêner les adhérents. Et les exemples sur la scène politique marocaine sont abondants. L'un des responsable de l'OADP, (avant qu'il intègre le GSU) précise que « la question financière constitue un vrai problème pour l'organisation, je pense que le fait d'avoir comme adhérents que des catégories sociales populaires et défavorisées(...) explique bien ce phénomène ». Un responsable du PS brosse le même tableau : « les cotisations sont toujours irrégulières ». Et un autre responsable de même parti ajoute « pour nous le handicap c'est le refus de 95% des adhérents à verser leur cotisation,(...)certains pensent que le parti à des fonds secrets, et ils ignorent que si le parti fonctionne, c'est grâce aux dons des membres du bureau politique ».

    Certains rapports financiers publiés par certains partis politiques, à l'occasion de leur congrès, montrent bien cette situation. L'USFP montre, dans l'un des ces rapports, qu'entre 1989 et 2000, les cotisations vont atteindre 210.405 DH, et si on prend on compte la totalité des recettes durant la même période qui sont de 26.742.147 DH, cela veut dire que les cotisations ne représentent que 0.79% de la totalité des recettes. Et dans l'année qui suivit, elles vont représenter 0.54% de la totalité des recettes qui atteindront 3018200 DH. Pour le FFD, dans son rapport financier pour la période 1997/2000, publié à l'occasion de son premier congrès en avril 2001, il ne mentionne en aucun cas les abonnements des membres du parti, il parle plutôt des dons des membres et des sympathisants, et il a limité ces dons à 85000 DH, ce qui représente 3.71% des recettes (2.288.242.00). Si on calcule la part de ces cotisations par rapport aux recettes et dépenses des partis politiques, on trouve que les partis ont du mal à remplir leurs activités avec ces cotisations. Prenons l'exemple de l'USFP, il se trouve que les abonnements des ses membres n'arrivent pas à remplir les dépenses de n'importe quel secteur parallèle du parti, que ce soit le secteur féminin ou de la jeunesse du parti dont leurs dépenses ont atteint 271.489 DH pour le premier, et 3.090.525 DH pour le second.

    Du fait de l'insignifiance des ces cotisations dans le financement des partis, les partis politiques n'ont pas élaboré de statuts pour ces cotisations, ni pour les cartes d'adhésions. Mais des partis (ex : PI) exigent les cotisations avant de délivrer les cartes d'adhérents. Mais c'est loin d'être la tendance et selon un ancien responsable de MP : « dans notre parti, on a pas un statut interne qui oblige les membres du parti à payer leurs cotisations » avant d'ajouter qu'il y n'a pas de cartes d'adhésions. Cette situation hors norme non seulement prive les partis des cotisations mais rend aussi difficile la possibilité de savoir le nombre d'adhérents.

    Cette situation problématique va se complexifier, puisqu'on assiste à un certain changement de rôles. C'est le parti qui maintenant est obligé d'attribuer des revenus à ses adhérents, ce que Daniel Kaksi désigne sous le terme de « les indemnités de la lutte partisane ». Pour certains, l'action politique est devenue une source de rente et d'enrichissement1(*). Tous ces chiffres et données montrent bien le rôle très limité des cotisations dans le financement des partis, et expliquent aussi la grande tendance chez les partis politiques de compter soit sur le financement illégal, ou soit sur le financement de l'Etat, ce qui pose la question de leur capacité à garder leur indépendance.

    2- La participation des parlementaires ou « l'impôt partisan » :

    Parmi les ressources des partis politiques, on peut citer les mandats des élus. L'élu donne un pourcentage de son salaire à son parti du fait que c'est grâce au parti qu'il a pu avoir cette fonction, et donc c'est au nom du parti qu'il exerce cette fonction.

    A partir de ce constat, la participation des élus est considérée comme « un impôt sur le revenu » partisan versé au parti. Cette participation reconnue mondialement comme une règle partisane est devenue une ressource importante pour les partis politiques du fait de la baisse des cotisations des adhérents.

    Au Maroc, les parlementaires obéissent à un régime financier spécial caractérisé par la limitation d'une somme de participation unique. Mais, même si les partis politiques ont approuvé dans leurs statuts internes ce principe, la limitation varie d'un parti à l'autre.

    Le statut interne de l'USFP oblige les usfpistes qui exercent des fonctions officielles au sein d'une institution représentative, de participer avec une partie de leurs salaires. Et il a laissé le soin au bureau politique de déterminer cette somme, limitée entre 4000,00 DH pour les parlementaires et 8000,00 DH pour les ministres. Le MP a limite cette somme à 1500,00 DH pour chaque parlementaire, et pour l'UC, cette somme a été limitée à 1000,00 DH pour chaque parlementaire. Pour les dirigeants de ces deux partis, il ne s'agit que d'une participation symbolique.

    Cette participation des parlementaires a atteint, chez le PJD, 2500 DH, avant de devenir après les élections de 2002, une sorte d'obligation, puisque chaque parlementaire est obligé de signer une charte, dans laquelle il promet de donner une somme mensuelle de 3000 DH au parti, sur le plan central, et 3000 DH au secrétariat local. Pour le PI, cette somme est de 2500 DH (5000 DH pour les ministères), et pour le RNI, 2000 DH pour les parlementaires, et 3000 DH pour les ministres. Reste à savoir que la grosse somme demandée par un parti, c'est l'OA, puisque cette somme atteint 7000 DH pour chaque parlementaire.

    La relation financière entre les représentants et les partis varie selon qu'on fasse partie des «  partis du mouvement national » ou « les partis d'administration ». Dans ces derniers, cette relation est de nature fragile, pour deux raisons : la première, la fragilité structurale de ces partis, la deuxième, c'est que un grand nombre de ces représentants n'ont l'accréditation qu'après avoir donné une somme d'argent au parti, dans le cadre de ce qu'on appelle « l'achat d'accréditations ». Il faut noter que cette relation financière ne concerne pas toutes les responsabilités exercées par les représentants du parti, au sein des institutions représentatives ou non- représentatives, pourtant, cette relation même si imposée par les statuts internes, elle n'est pas très respectée. Le paiement des sommes prévues est irrégulier, voir même inexistant.

    Le FFD loue le rôle joué par ses parlementaires dans le support des charges du parti et un responsable déclare : « la participation de notre groupe parlementaire ne réside pas seulement dans les sommes données au parti, mais aussi le bénévolat militant, et la prise en charge des dépenses imprévues, et les charges des activités au niveau national et local, ainsi que le soutien apporté à notre journal ». D'autres partis se plaignent du refus de leurs parlementaires de respecter leurs obligations. Le responsable financier du MP a déclaré que « la participation des parlementaires qui est une importante ressource du parti, est devenue quasi inexistante, nos parlementaires n'ont participé qu'une seule fois depuis 1993, avec une somme de 1500,00 DH, pour chaque représentant ».

    Et même si la participation des parlementaires reste primordiale dans le budget de l'USFP, puisque la part du groupe gouvernemental a atteint 2,687,000 DH, en 1999 et 2000, soit 0,01% des recettes du parti entre 1989 et 2000, et la part des représentants, pour la même période a atteint 43% tandis que la participation des conseillers était de 4% pour la période de 1997 et 2000, cela n'a pas empêche l'ex-trésorerie du parti de critiquer le non-respect des représentants sur leurs engagements financiers, surtout que ces dernières années, le parti a connu une sorte de rébellion des parlementaires, qui ont exigé : Premièrement, la réduction de leur participation de 4000,00 DH à 2500,00 DH. Deuxièmement, un refus de donner leur participation pour une certaine période. On remarque le même phénomène chez le RNI, puisque seulement trois parlementaires sur 106, paieront leurs participations. Certains pensent que ce comportement des parlementaires trouve son origine dans le sentiment que le parti ne donne rien en contrepartie de ces participations financières. Najbe El Ouzzani (ex-responsable de MP) a révélé : « les parlementaires de notre parti argumentent leur refus de donner régulièrement les participations mensuelles, par le fait que le parti n'a fournit aucun soutien lors des élections, seulement des tracts que les candidats n'utilisent souvent pas ; pour les autres dépenses, c'est au candidat de se débrouiller seul ». Et dans le cas déjà évoqué de l'USFP et la rébellion de ses parlementaires, on trouve le sentiment approuvé par ces parlementaires d'être éloignés dans la prise de décision, et le fait de rien savoir sur l'utilisation de leur argent. Mais certains dirigeants du parti affirment que la position adoptée par ces parlementaires a un objectif : rapporter des gains sur le plan organisationnel, surtout que cette position est adoptée à un moment de forte tension : les préparations du 6ème congrès du parti.

    L'incapacité des parlementaires à honorer leurs engagements devant leur parti, touche aussi les ministres. C'est ce qu'un rapport financier, exposé à l'une des sessions du comité central de l'USFP, a critiqué fortement. Et c'est la même critique qui va se reproduire à l'occasion du 6ème congrès, évoqué plus haut. On note le même cas chez le RNI, selon des sources internes, seuls, deux ministres donnent leurs participations.

    Pourtant, certains partis ont relevé le défi. Au sein du PPS, la participation de ses parlementaires est régulière. Selon certains responsables du parti, les ministres versent directement leurs salaires d'élus à la caisse du parti, et se contentent du salaire de la fonction qu'ils occupaient avant dans la vie civile. Ce qui pourrait être exceptionnel dans la vie politique marocaine, si cette information s'avère vraie.

    Le PJD, à son tour, connaît le même phénomène. Il faut noter qu'à l'occasion des élections de 2002, certains candidats ont été rejetés, du fait qu'ils ont tardé à verser leurs participations au parti. Pourtant, ce retard est d^u à une sorte de protestation contre le montant de cette participation, jugé trop lourd, ce qui a poussé l'administration du parti à revoir sa position.

    Ce genre de financement du parti, pose selon les observateurs, trois problèmes :

    1- la volonté des parlementaires d'avoir seuls le droit de limiter le pourcentage de leurs participations.

    2- la volonté de guider l'ensemble de la vie partisane, ainsi que le droit de contrôler la dépense de leurs argents, et la manière de sa distribution sur les activités et les domaines d'action du parti.

    3- la prise en compte dans la limitation du pourcentage de leurs participations, de ce qu'ils dépensent dans leurs circonscriptions électorales puisque leur réussite au parlement dépend, en premier lieu, du soutien des électeurs.

    Certains parlementaires profitent de ce dernier point, pour se désengager de leurs engagements vis-à-vis du parti. La réalité de la vie parlementaire marocaine montre bien qu'un parlementaire, une fois les élections gagnées, il coupe les liens avec ses électeurs2(*).

    .

    C- La problématique du financement au sein des partis politiques 

    1- Financement des partis et la question de la transparence.

     

    La question de la transparence dans la gestion du financement des partis est très importante du fait que l'argent attribué aux partis doit être dépensé selon les objectifs désignés. C'est pour cette raison que certain pays ont élaboré des lois concernant la transparence financière. Comme le cas de la France, avec la loi du 11 mars 1988, ainsi que la loi du 29 janvier 1993, concernant « la lutte contre la corruption et la transparence de la vie économique et les marchés publics ».

    Au Maroc, l'absence d'une telle loi, rend la gestion financière des partis politiques obscure. En effet, Cette absence de transparence se pose à plusieurs niveaux. Le plus important, c'est  l'ignorance totale des membres des partis du patrimoine de leurs partis, et le manque de rapports financiers annuels réservés à la gestion financière des partis. Personne ne connaît exactement la liste des biens ou les comptes bancaires des partis politiques, ni les moyens de leur financement, ni la liste de leurs sponsors, ainsi que les domaines où l'on dépense cet argent, ni les rétributions des personnels des partis politiques... Si le Dahir des libertés publiques a donné à chaque parti, en plus d'acquérir les cotisations des membres du parti, le droit d'achat et vente comme n'importe quelle personne naturelle, les partis ont pu se procurer des sièges sociaux centraux ou provinciales, des journaux, des revues et des imprimeries, ainsi que des comptes banquiers. Souvent les partis politiques ne déclarent pas ces biens, et du coup, les membres du parti, et parfois même des dirigeants ne savent rien sur ces biens.

    Cette question des biens pose un autre problème, celui de l'enregistrement, puisque souvent ces biens sont enregistrés au nom du secrétaire général du parti, ou au nom de délégué du parti sur le plan local (pour les biens locaux). Et en d'autres cas mais limités, au nom d'un membre fondateur ou membre du bureau politique. On trouve même - mais c'est très rare- les biens du parti prendre la forme d'une société anonyme où les membres du bureau politique sont des actionnaires. Les biens de presse du parti sont aussi enregistrés au nom du secrétaire général du parti, ainsi que les comptes bancaires du parti (si ce parti a un compte bancaire). Donc, dans tous les cas les biens du parti sont enregistrés non au nom du parti, mais au nom des personnes.

    Cette méthode d'enregistrement des biens partisans a suscité des tensions dans de nombreux partis. Pour certains, si cette méthode existe, c'est pour une raison : garder les biens du parti contre les scissionnistes qui réclamaient ces biens comme leurs droits partisans. C'est pourquoi ce dispositif est devenu une loi reconnue au sein de tous les partis politiques, au point que les scissionnistes ne réclament plus le partage des biens, puisqu'ils savent déjà qu'ils sont enregistrés au nom d'autres adhérents influents. Et ces mêmes scissionnistes reproduisent la même procédure, quand ils constitueront leur propre parti politique.

    Pourtant, ce phénomène n'est pas récent. Si on prend l'exemple du PI, on voit qu'à un certain moment de son histoire -l'époque du protectorat- où le parti vit dans la clandestinité, les biens du parti ont été enregistrés au nom du président du parti. Après, c'est au nom du secrétaire général après la disparition du statut de président avec la mort de Allal El Fassi. A partir de l'indépendance, le parti va connaître une série de départs collectifs de ses militants - soit suite à la scission, ou soit pour adhérer à d'autres partis, ou soit un retrait de l'action politique. Ces départs vont se distinguer par des séries de dérobades des biens du parti, ce qui va pousser le parti a enregistré ses biens au nom de son secrétaire général, avec l'obligation pour ce dernier, de signer un autre document qui montre que ces biens sont la propriété du parti.

    Les problèmes posés par les biens matériels sont aussi posés par les biens moraux, et ça concerne exclusivement le nom du parti en cas de scission. Dans les années 2001/2002, trois affaires ont été exposées devant la justice, pour le même motif : qui a le droit de garder le nom du parti ? . Dans la première affaire, la justice a décidé que le nom du parti restait au profit du plaignant qui n'était ni d'autre que le secrétaire général de l'USFP, contre certains membres du parti, qui ont essayé en 2001 de déposer une demande pour faire leur congrès au nom du parti. Dans le deuxième cas, la justice a donné raison aux personnes incriminées, qui sont les membres de bureau politique du parti CS, qui ont destitué, après un congrès exceptionnel, le fondateur du parti, ainsi que son secrétaire général. Le troisième cas, ce qui était désigné comme « l'affaire El Chabiba El Itihadia et l' USFP »- il s'agit d'une réunion du comite central de Chabiba tenue par le secrétaire général de l'USFP, sans le feu vert du bureau national de Chabiba. La justice n'a pas encore tranché dans cette affaire. Pour certains, cette problématique trouve sa source dans les statuts internes des partis politiques, puisque ces statuts proclament le président, ou le secrétaire général, comme le représentant juridique du parti. C'est pourquoi chaque fois qu'il y a scission au sein du parti, chaque clan réclame le nom du parti. D'ailleurs, la justice considère le droit du nom revient à la personne au nom duquel le parti a été enregistré, même si les dissidents sont nombreux. C'est le cas en 1983, avec certains dissidents de l'USFP, et qui ont gardé le même nom pendant 10 ans, mais en fin de compte, ils ont changé le nom de leur parti en PADS. Le même scénario va se reproduire en 2001, avec d'autres dissidents de l'USFP, et qui ont fini après une année de changer le nom du leur parti en CNU3(*).

    A ce problème de déclaration des biens du parti, il faut ajouter l'absence des rapports comptables. Si les statuts internes des partis politiques insistent sur l'obligation d'exposer les rapports financiers à chaque session devant les instances du parti : comités centraux, conseil national...durant toute l'année, la pratique des partis ne corresponde pas à ces dispositifs. Seulement, il reste le congrès national comme l'unique occasion pour exposer ces rapports mais certains partis ne se plient pas à cette obligation.

    En 2001, sept partis politiques ont fait leur congrès. Sur ces sept partis, seulement quatre vont exposer leurs rapports financiers (USFP, FFD, PSD, RNI), et sur ces quatre, deux vont publier ces rapports à travers leur presse. Et sur sept partis, un seul a publié le rapport financier réservé aux recettes et dépenses de congrès, lors de sa tenue (FFD). Il faut ajouter que sur ces sept partis, deux ont formulé un rapport sur une période longue (l'USFP, 1989/2000, l'RNI, 1984/2000), ce qui rend le contrôle de ces rapports difficiles, voir même impossibles. Certains parlent même d'une méthode préméditée par les dirigeants des partis politiques pour entraver tout contrôle, voir même le rendre impossible. Et même si ces rapports ont été publiés à temps, on remarque qu'ils se limitent à décrire les dépenses et les recettes, sans rentrer dans les détails.

    Ce manque de transparence et ce grand secret qui entoure la question financière chez les partis politiques ne peuvent pas trouver leur unique explication dans la volonté des partis de cacher les trous de leurs rapports, mais dans une sorte de culture adoptée par toute la classe politique, et qui devenait un objet structurant du champ politique. C'est « la politique secrète », comme la qualifie un certain chercheur marocain, et c'est ce que va affirmer Ahmed Elmsyoi, l'un des dirigeants de l'UC : « il existe une culture du secret chez tous les partis politiques marocains, puisque la totalité des militants dans les partis ne savent rien sur le financement de leur parti, le principe chez les dirigeants : c'est cultiver le mystère afin que personne ne sachet notre vraie force ou faiblesse »4(*) .

    2- Le financement secret de la vie partisane au Maroc :

    S'il n'existait pas de financement public global, ni de réglementations du financement avant la lettre royale de 1986, il serait cependant excessif de prétendre que rien n'existait jusqu'à cette date. Ce qui veut dire que la décision de subvention publique aux partis politiques, dès 1986, n'est qu'une reconnaissance publique de la part de l'Etat de ce qui a été un soutien secret. Si ce soutien n'a pas concerné tous les partis, il a toutefois concerné au moins la majorité.

    Ce soutien secret de l'Etat est resté longtemps comme matière de discussion entre les intéressés du champ politique, sans pouvoir pour autant le prouver avec des documents ou preuves matérielles. Ce sont ces mêmes discussions qui ont nourri la polémique entre les partis dits « nationaux démocratiques » et « les partis du Makhzen », où les premiers taxent les derniers de bénéficier de soutien financier et logistique secret de l'Etat. Cette situation forte longtemps mystérieuse, commence à s'élucider avec le changement politique qu'a connu le champ politique marocain, notamment avec l'émergence d'une presse indépendante qui a pu transgresser les murs du silence qui entourent les partis politiques, ainsi que l'Etat. Du coup, ce qui était rumeurs à certain moment, est devenu des données relatées par des acteurs politiques, eux-mêmes étaient témoins ou acteurs dans l'affaire.

    C'est dans ce sens que Mohamed Eljabri raconte qu'en 1977, lorsqu'il était membre de bureau politique de l'USFP : « avant le départ de la compagne électorale -les élections de 1977- j'ai rendu visite à Abdraheme Bouabid, et il m'a dit en souriant : Drisse Basri m'a rendu visite avec une valise de 120 millions centimes, il a dit que c'est pour soutenir notre parti dans sa campagne, je lui explique que je ne peux pas accepter cette valise et qu'aussi le parti ne peut accepter de telles choses, et s'il y a une vraie volonté d'aider le parti dans le financement de sa campagne électorale, que ça soit par décret. Du coup, le ministre de l'Intérieur est parti avec sa valise». Eljabri ajoute : « après quelques jours, je suis repassé chez Bouabid, et j'ai su que le ministre de l'Intérieur a rendu visite à Elyajgi, et il a laissé la valise de 120 millions centimes chez lui. Bouabid a décidé de garder la valise jusqu'à la fin des élections, et après il va voir comment la rendre à son propriétaire, et il a chargé Lahbabi de cette affaire. La valise est restée donc chez Lahbabi qui dépose la somme dans la banque, jusqu'à l'adoption d'un décret de soutien public aux partis politiques. A ce moment, le bureau politique a décidé que cette somme est légale, et donc l'utiliser dans l'achat de son siége de Rabat ». Eljabri poursuivit : « c'est ça l'histoire de la décision de l'Etat de soutenir les partis politiques dans leurs compagnes électorales, c'est clair que le but de la valise offert à l'USFP n'est pas la préparation de terrain devant la décision de soutien public, mais un pas parmi d'autres pour coopter le parti contre l'honnêteté des élections. Et les autres pas sont : la proposition d'un accord préalable sur les résultats des élections, et l'exigence de l'abandon de la candidature de Bouabid à Agadir ».

    Si ce « témoignage » montre bien que la décision de l'Etat de soutenir publiquement les partis politiques n'est qu'une reconnaissance d'une réalité qui a existé déjà, d'autres témoignages vont confirmer cette réalité, en insistant sur le fait de recevoir des aides de l'Etat, à une époque où ces aides sont considérées comme illégales. Parmi ces témoignages, celle de Abdallah El Kadri, le secrétaire général du PND. Il dit qu'à l'époque où il était secrétaire général du parti, il a reçu 2,5 millions DH, comme don de Hassan II, avant d'ajouter que son parti va être honoré une deuxième fois avec un don royale de 1 million DH.

    Ces deux témoignages montrent aussi les positions des partis politiques à l'égard de ce soutien. Si les partis de gauche le refusent et le considèrent comme moyen de corrompre les partis, comme le témoigne les propos de Bouabid, les partis de droite, à l'inverse, le considère comme un honneur, voire même de la «  baraka ».

    Mais il faut relativiser ces positions puisqu'on trouve dans le témoignage d'El Jabri que El Yazghi a accepté de garder la valise, ce qui permet de parler de pluralité des positions au sein d'un même parti politique. La rareté de ces témoignes montrent bien le grand secret qui entoure ce sujet, soit de la part de l'Etat, ou soit par les partis politiques eux-mêmes. Certains pensent que cela revient au fait que la révélation de ces secrets, peut avoir des effets néfastes sur la vie politique, et spécialement pour la vie partisane. Pour d'autre « la culture du secret » qui domine le champ politique marocain enchaîne encore les acteurs politiques et ne leur permet pas de telle révélation. Si parfois il y a eu des révélations, c'est pour des règlements de compte, à cause des conflits partisans. Mais, dans ce cas on reproche à ces révélations leur manque de pertinence, du fait que le révélateur mélange l'information avec sa propre interprétation5(*).

    Il faut ajouter que le soutien secret de l'Etat aux partis politiques peut prendre d'autres formes qui allient le licite à l'illicite. Parmi ces formes :

    -les dons, les cadeaux, et les récompenses offertes directement au membre de l'élite politique (permis de pêche, facilité bancaire...).

    - la création d'un grand nombre de conseils, de circonscriptions électorales, et différents comités afin d'offrir des postes à l'élite politique. C'est ce qui explique la très forte inflation institutionnelle que vit le Maroc, et qui pose la question sur l'utilité de ces institutions, puisqu'on note souvent l'existence, par exemple, des conseils consultatifs privés de cadres juridiques et de compétences précises, parfois même, on trouve des conseils qui font la même chose. Ce qui montre clairement que leur création répond à des objectifs politiques prémédités qu'à autre chose.

    - La participation des cadres des partis, dans des recherches, des activités, des études. Pourtant, des preuves solides montrent que le choix de ces cadres a été fait sur leur appartenance partisane que sur leur savoir-faire académique.

    - Le silence de l'Etat sur les transgressions commises par les partis politiques dans la gestion des institutions publiques.

    - La primauté donnée à un certains nombres d'entrepreneurs, de professions libérales, et bureaux d'études, dans des opérations commerciales ou boursières, à cause de leurs appartenances partisanes.

    - Le bénéfice des crédits, avec des taux de remboursement réduit, ce qui explique pourquoi les noms de certains responsables politiques figurent dans les rapports de contrôle des instituons publiques.

    3- Le financement étranger dans la vie partisane :

    Selon le Dahir des libertés publiques de 1958, les partis politiques comme les associations à caractères politiques sont obligées d'être constitués et de fonctionner avec des fonds purement nationaux. Et tout parti ou association à caractères politiques ne respectant pas cette clause, est puni d'un à cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 20.000 à 100.000DH.

    Pourtant, la vie partisane et politique a connu l'intrusion des fonds étrangers. Et même si ce sujet est une zone grise pleine de polémiques, d'approximations, de mystères et de légendes, il est peu contestable que certains candidats et partis aient fait appel à des ressources en provenance de l'étranger pour assurer leurs activités politiques. Il n'est pas possible de ne pas envisager de telles recettes. Le chercheur marocain, Aballah Saaf, envisage ces recettes dans la vie politique marocaine, pour deux raisons :

    - L'existence des liens forts entre certains partis politiques marocains et deux organisations mondiales : les mouvements communistes, et les mouvements de libérations arabes. Certaines sections de ces mouvements ont lutté avec le mouvement national et progressiste marocaine, et elles se sont soutenues matériellement et moralement.

    - Deuxième raison, la situation politique des partis marocains de gauche, dans les années noires de répression « les années de plomb ». Privé de moyens d'action et menace dans leur existence, au moment même où l'Etat verse des sommes colossales à des partis fantômes (partis de Makhzen), la possibilité d'accepter des fonds en provenance des mouvements amis peut être compris dans une logique de légitime défense, et de combler les déficits financiers.

    Après, la situation a évolué dans un autre sens, et du coup, ces fonds étrangers vont devenir inadmissibles par les militants. C'est dans ce sens que le témoignage de Fqih El Basri est utile pour confirmer l'existence de ces liens financiers entre certains partis politiques marocains et certains pays étrangers. Fqih El Basri raconte dans sa biographie : « on ne peut pas oublier le service rendu par Ben Bella, le président algérien à l'époque pour nous aider à acheter une imprimerie pour notre parti, et il n a pas hésité à nous rendre service ». Fqih El Basri, à une autre occasion, a donné plus de détails : « à propos de l'imprimerie et la maison d'édition, je suis parti chez Ben Bella, et il m'a dit est ce que 200 millions ça suffirait ? (...) Et je crois que cette somme de la part de nos frères algériens n'est qu'une réponse au navire d'armes envoyé de notre part à la révolution algérienne ».

    Ce qui ressort de ce témoignage de Fqih El Basri, c'est qu'il parle de l'aide à partir de contexte de la coopération et la coordination entre certains mouvements nationaux et le mouvement de libération nationale algérienne. Et donc l'Algérie, selon Fqih El Basri et d'autres résistants, ne peut être considérée comme un pays étranger. A ce témoignage, il faut ajouter le témoignage d'un membre du MP qui évoque la question des fonds étrangers reçus par son parti, dans les années quatre-vingts dix, en provenance de pays du Golf. Et même si ce témoignage confirme les rumeurs à propos des liens financiers entre des partis politiques marocains -surtout ceux désignés comme des partis du Makhzen- et certains pays du Golf, il reste à prouver ces liens, surtout que les concernés refusent tout commentaire. Et d'autre part, ce témoignage arrive à un moment où le témoin quitte son parti après un conflit, ce qui touche la crédibilité de ce témoignage, et donne l'occasion à ces adversaires d'attribuer son témoignage comme calomnie à l'encontre du parti.

    Pourtant, la vie politique marocaine ne manque pas de ce genre de liens, comme le cas de l'UNFP, avec certain pays et mouvements politiques du Maghreb et du Machrek. Et le cas de certains partis de Droite marocaine avec des pays du Golf. Ainsi que le cas du PPS avec le mouvement communiste international. Et même si le PPS ne cache pas ces liens politiques et idéologiques, surtout avec l'URSS, reste que les témoignages et les documents qui prouvent ces liens financiers sont très faibles.

    Les dirigeants du PPS insistent sur leur indépendance financière vis-à-vis de ce mouvement, car ils savaient déjà que c'est illégal. Et aussi parce qu'ils craignent que l'Etat exploite ce motif pour dissoudre le parti. En sachant que l'Etat a déjà dissout le parti deux fois. La première fois : quand il avait encore le nom de Parti Communiste Marocain avec comme motif son incompatibilité avec la religion musulmane ! Et la deuxième : quand il change de nom pour devenir PPS. Cette fois, parce qu'il représente un danger pour le régime monarchique en place.

    Pourtant, les rumeurs à propos de ce genre de financement concernent trop les mouvements islamistes marocains, puisque dans les dernières années, ces mouvements ont été le plus soupçonnés d'avoir reçu des fonds étrangers, surtout de l'Arabie Saoudite, de l'Iran, et de tous les pays et des organisations désignées sous le nom de « l'international islamiste ». Mais on retourne au point de départ, puisque au-delà de la négation des ces mouvements et de l'affirmation de leur indépendance vis-à-vis de l'étranger, il n'y a pas de documents et chiffres accablants6(*).

    4- Les fonds privés et les partis politiques :

    La position des pays à l'égard du financement privé est différente, entre ceux qui ont permis aux partis politiques de recevoir des fonds privés, soit de la part des entreprises privées, ou soit des individus. Et ceux qui ont interdit cette possibilité. Le Maroc a choisi cette dernière option. Dans l'article 6 du Dahir de libertés publiques, le législateur a limité les ressources financières des partis politiques dans les cotisations de ses membres qui cotisent d'un seul coup, à condition de ne pas dépasser les 250 DH. L'objectif de cette interdiction, c'est la crainte que l'indépendance des partis politiques devienne objet de chantage.

    Le danger du financement privé des partis politiques réside dans la relation de soumission qui peut être créée entre les partis et les donateurs, surtout que ces derniers ont une certaine tendance à l'ingérence dans les décisions internes du parti. Cette ingérence peut se limiter au choix des candidats pour les élections, mais il peut aussi arriver à changer les statuts internes des partis. De plus, ce genre de financement est néfaste pour la démocratie, car il ne garantie pas l'égalité entre les partis politiques, et donc il est à l'encontre du financement public. Il y a aussi le danger que les trafiquants de drogue ou les organisations criminelles puissent intervenir dans les décisions politiques, c'est pourquoi ce genre de financement a été interdit. Même la France, qui a laissé, à partir de 1988, aux entreprises privées le soin de donner des fonds aux partis, a été obligée, suite aux scandales financiers et à la corruption, de promulguer une autre loi en 1995 qui interdit tout financement privé7(*).

    Pourtant, l'interdiction des fonds privés pose deux remarques : la première, le décalage entre le droit et le fait social, puisque les fonds privés ne sont jamais loin de la vie partisane. La deuxième remarque, c'est que ce genre de financement suscite des rumeurs entre les hommes politiques, sans pour autant disposer de preuves ni de documents pour les rendre crédibles. Et même si certain pays ont interdit toute implication des fonds privés dans le financement des partis politiques, ils connaissent encore la présence de ce phénomène. Mais les règles de transparence, et les mécanismes de contrôle adoptés par l'Etat, pour suivre les comptes des partis, ont permis de lever le voile sur ce phénomène, et de le sortir de son aspect secret, en dévoilant certains scandales dans ce domaine.

    Au Maroc, et dans les dernières années, l'ingérence des fonds privés dans la vie partisane est devenue une réalité concrète. La preuve : les pressions exercées par le ministère de l'Intérieur, à l'occasion de deux échéances électorales (les élections municipales de 1992 et de 2003), sur certains candidats, parmi lesquels, on trouve des anciens élus et des parlementaires qui exerçaient encore leur fonction au Parlement, pour qu'ils retirent leur candidature, à cause de leur implication dans le trafic de drogue.

    Ce récit laisse certaines questions sans réponses : pourquoi le ministère de l'Intérieure a préféré seulement interdire leur candidature au lieu d'engager des poursuites judicaires ? Et est-ce que cela ne constitue pas une violation de la constitution, puisqu'il n'y a aucune poursuite judicaire, ni aucune preuve qui prouve leur culpabilité ? Certains observateurs ont remarqué que parmi ceux à qui ont a empêché de se présenter, il y a ceux qui sont encoure des parlementaires. Donc comment se fait-il qu'on soit éligible dans une élection et inéligible dans une autre ? La même logique adoptée par le ministère de l'Intérieur, on la trouve aussi à l'occasion du contrôle des comptes d'un certain nombre de collectivités locales, fait par le même ministère et où au lieu de poursuivre les présumés coupables, il a seulement brandi la menace des poursuites devant le Parlement8(*).

    Au-delà du profil adopté par l'Etat, le fait de parler de ce sujet, montre bien à quel point la drogue est très présente dans la vie politique, surtout partisane. Ce qu'a déjà révélé l'Observatoire géopolitique des drogues (OGD) avant sa disparition en 1999 - officiellement pour des raisons budgétaires- dans son rapport de 1993 et qui avait provoqué, certaines années, de très vives réactions au Maroc. Dans ce rapport, l'OGD écrivait : « En réalité, les narcotrafiquants ne défendent pas d'idées révolutionnaires. Ils sont, au contraire, les alliés objectifs des autorités. Dans les zones rurales, ils incitent la population à soutenir les militants et les candidats des partis de droite sous prétexte qu'ils sont favorables à la culture du kif. Lors des campagnes électorales les trafiquants fournissent les fonds nécessaires à l'achat des voix. Enfin, au moment des consultations, le « petit personnel » des réseaux (prostituées, petits revendeurs, transporteurs) est mis au service des politiciens pour les distributions de tracts, le collage d'affiches jusqu'au contrôle des bureaux de vote en passant par les règlements de comptes avec les candidats adverses (...). Tant au niveau local qu'au plan national, l'argent du trafic contribue au financement des partis politiques ». Il y a aussi le témoignage accablant de l'ancien ministre des Droits de l'Homme, Mohammed Ziane, avocat célèbre et controversé, qui a déclaré à la revue Al Majalla al Maghribia que le RNI, un des partis administratifs longtemps dirigé par Ahmed Osman, beau-frère de Hassan II et ancien Premier ministre, avait été créé « grâce à l'argent de la drogue »9(*).

     

    Il faut noter que le rôle joué par l'argent sale dans les élections marocaines est critique, puisqu'il devient l'élément déterminant dans l'élaboration de la carte électorale. Et du coup, il remplace d'autres moyens utilisés avant (falsification des résultats, vol des urnes, ...). Pourtant, ce phénomène pose un autre problème, celui du comportement de l'Etat et de la justice. Car même s'il y a à chaque échéance électorale des plaintes dans ce sens qui condamnent l'utilisation de l'argent sale, l'intervention de l'Etat ou de la justice est rare.

    D- Le nouveau projet et la question financière :

    Face à cette situation critique du financement des partis politiques où les frontières entre le licite et l'illicite ne sont pas bien définies, les promoteurs de ce projet de loi sur les partis politiques pensent trouver le remède, en élargissant la participation de l'Etat au-delà des subventions aux campagnes électorales, et en augmentant le contrôle sur la comptabilité des partis. Portant une question demeure : Est-ce qu'une loi peut remédier à tous les maux de financement des partis politiques ? La réponse est évidemment non, puisque les expériences montrent bien que la problématique du financement existe toujours. C'est ce qu'on va voir à travers les légalisations des pays démocratiques dans ce domaine1(*)0.

    1- L'exemple des législations des pays démocratiques :

    Si l'expérience des Etats dans le domaine du financement des partis politiques est multiple, l'objectif reste le même : garantir l'équilibre entre le financement public et privé, promouvoir l'équité entre les partis politiques, endiguer la corruption, encourager la participation des citoyens dans le processus politique.

    A- Belgique :

    Le législateur belge a imposé aux partis politiques certaines conditions, afin de bénéficier de financement :

    - Etre représenté dans les deux chambres.

    - Etre reconnu en tant que parti politique : présenter des candidats aux mandats de députés et sénateurs dans toutes les circonscriptions électorales d'une communauté et d'une région.

    - Le parti doit inclure dans ses statuts, son programme et dans son action la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

    Ce financement est composé d'une partie forfaitaire : 5 millions de FB, et une partie variable : 50 FB par chaque vote validé, qu'il soit de liste ou nominatif aux élections législatives.

    Pour le financement privé, le législateur a limité les contributions des personnes physiques à 20 000 FB ou sa contre valeur à un parti politique, une liste ou un candidat. Et 80 000 FB ou sa contre valeur à l'ensemble des partis politiques, des listes ou des candidats. La contribution des personnes morales ou des associations est considérée comme illégale. Le législateur a obligé les partis politiques à enregistrer auprès de la Commission de Contrôle toute donation de 5000 FB et plus. Cet enregistrement est confidentiel, sauf sur demande de la Commission de Contrôle.

    Pour les dépenses électorales, le législateur a limité les dépenses maximales d'un parti politique à 45 millions FB, et les allocations. Et les dépenses des candidats à 500 000 FB majorés de 2 FB par électeur inscrit en ce qui concerne les candidats sortants + 1, et 200 000 FB pour les autres candidats. Ces dépenses électorales sont contrôlées par la Commission de Contrôle, composée majoritairement de la Chambre des Représentants et du Sénat, et est présidée par les présidents. Dans le cas d'un rapport hors délai, la Commission de Contrôle, peut pénaliser le parti concerné par une suppression de donation de 1 à 4 mois. En cas d'acceptation de dons illicites, c'est la réduction de la donation jusqu'à concurrence du double du montant pendant x mois, et une amende de 26 à 100 000 FB, voir même 200 000 FB1(*)1.

    B - Allemagne :

    En Allemagne, il y a un financement annuel des partis politiques : 1 DM par vote, et 50 DM pour chaque DM reçu de source privée. Mais il y a un certain seuil, le parti doit obtenir 5% des votes lors de la plus récente élection nationale ou européenne et doit obtenir 10% des votes dans la circonscription électorale concernée. Le législateur allemand a limité le financement public dans la limite globale de 230 millions DM. Pour le financement privé, il n'y a aucun limite aux contributions, mais sont considérées comme illégales les contributions en provenance de : fondations politiques et groupes parlementaires, les ONG, les entreprises dont plus de 50% des actions appartiennent à des étrangers, les donations d'un étranger de plus de 1000 DM, les donations faites dans le but d'obtenir un avantage économique ou politique. Et pour plus de transparence, le législateur a exigé de rapporter les donations de plus de 6000 DM, et un rapport annuel du président du Parlement sur les finances de chaque parti politique.

    Pour les dépenses électorales, il y a une liste très précise des dépenses autorisées des partis politiques, par contre, il n'y a pas de limite de dépenses mais limitation facto à cause des revenus. Ces dépenses électorales sont sous le contrôle du président du Parlement, qui peut dans le cas des rapports et des auditions hors délai, ne pas verser ou suspendre en tout ou en partie les subventions annuelles au parti concerné. En cas de fonds obtenus illégalement, la réduction du double de la somme de la subvention1(*)2.

    C - Canada :

    Il n'y a pas de financement public en dehors des campagnes électorales. Pour que les candidats bénéficient des fonds de l'Etat, ils doivent être légalement élus candidats officiels, avoir dépensé au moins 15% de la limite autorisée, avoir 15% du vote exprimé. L'Etat alloue 50% du maximum autorisé ou des dépenses réellement effectuées. Pour les partis politiques, il faut remplir les conditions suivantes :

    - Avoir 50 candidats officiels lors de la dernière élection générale.

    - Avoir dépensé au moins 10% de la limite maximum des dépenses.

    L'Etat alloue 22,5% du total des dépenses électorales telles que rapportées. Quant au financement privé, il n'y a aucune limite aux contributions, seules les contributions étrangères et anonymes sont considérées comme des contributions illégales. Les donations de plus de 100$ doivent être rapportées.

    Pour les dépenses électorales, la loi canadienne les définit comme : toute somme d'argent, dettes et obligations contractées, valeurs commerciales de tout bien et service rendu (sauf le travail volontaire).

    Et il a limité les dépenses électorales, premièrement par candidat, en fonction des votants inscrits sur la liste électorale :

    - Premier 15000, c'est 1,53$ par votant.

    - Entre 15000 et 25000, c'est 79$ par votant.

    - Au-dessus de 25000, c'est 40$ par votant.

    Deuxièmement, par parti, c'est en fonction du nombre de votants sur les listes électorales des circonscriptions où ils ont des candidats : 54$ par votant.

    Ces dépenses électorales sont contrôlées par le commissaire des élections nommé par le Président National des Elections, lequel est nommé par le Parlement. En cas d'infraction, la loi impose des amendes, jusqu'à 1000$, ou emprisonnement jusqu'à un an.

    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les pays ayant établi un financement public n'échappent pas aux affaires.

    2- Les scandales dans les pays ayant un financement public1(*)3 :

    A- Les Etats-Unis.

    Si les Etats-Unis comme dans la plupart des pays, les scandales sont à l'origine de la réglementation du financement de la vie politique - c'est à la suite du Watergate que le Congrès américain a adopté en 1974 l'Electoral Reform Act qui fixait des plafonds aux dépenses des candidats au Congrès - l'ampleur des budgets fait que les candidats recourent à des moyens de financement contestables.

    Les élections présidentielles exigent des sommes considérables. Les partis et les candidats n'hésitent pas quelquefois à accepter des ressources en provenances douteuses : les entreprises étrangères, le trafic d'armes, les sectes apportent des fonds par des moyens peu clairs ; on a pu considérer que la Maison Blanche avait été transformée en hôtel dont les recettes alimentent les caisses du Président-candidat. Le Président Clinton a été mis en cause lors de la dernière campagne de 1996. S'il a réussi à accumuler des ressources à un niveau jamais atteint par un candidat démocrate, une partie des dons émanaient d'invités du palais présidentiel surnommé ironiquement Fat Cat Hotel. Une filière américano asiatique, où certains ont vu l'ombre de Pékin, a par ailleurs apporté des sommes considérables à ces candidats.

    B- L'Allemagne.

    Elle est un des premiers pays à avoir institué un financement public des partis. Dès 1959, le budget fédéral prévoit une dotation globale versée aux partis politiques. Les modalités pratiques d'attribution de la subvention publique seront progressivement affinées et malgré l'ampleur des sommes versées, l'Allemagne n'est pas épargnée par les scandales.

    Pendant les années 1980, l'affaire Flick bouscule les hommes politiques allemands et les oblige à revoir les conditions de financement. Le point de départ de l'affaire est la vente par le groupe d'une participation qu'il détenait sur Mercedes-Benz-Dailmer AG. La vente s'élève à 2 milliards de DM. La compagnie Flick a réinvesti cette somme dans le groupe américain Grace et a demandé à bénéficier d'un dégrèvement fiscal pour cette vente suivie d'un réinvestissement à l'étranger. Les conditions d'obtention de la remise d'impôt ne sont pas remplies mais le groupe bénéficiera d'un avantage fiscal de 450 millions de DM. Le problème s'est posé de savoir si cet avantage était la contrepartie d'un financement des partis et plus particulièrement du parti libéral, le FDP, dont étaient issus les deux ministres de l'économie successifs de l'époque, Hans Friedrichs et Otto Van Lambsdorf. Le comte Lambsdorf a dû démissionner. Il a été traduit en correctionnelle ; de même, Barzel, le président CDU du Bundestag, a dû quitter ses fonctions. Une commission d'enquête a été constituée par Bundestag pour examiner l'affaire. La crise a conduit le législateur allemand à modifier certaines règles concernant le financement de la vie politique.

    C- L'Italie.

    Elle disposait depuis 1974 d'une loi sur le financement public des partis politiques. Malgré l'aide importante apportée aux partis, l'Italie est certainement un des pays les plus touchés par la corruption ; depuis des années, les conditions de financement des partis et des campagnes y comportent une dimension trouble. L'opération « Mani pulite »confirme aux observateurs la gravité du mal qui ronge la péninsule : depuis février 1992, les seuls magistrats milanais ont enquêté sur environ 4000 personnes. 25000 avis d'ouverture d'enquête judiciaire ont été émis dont 520 concernent des parlementaires. Les délits les plus souvent constatés concernent le financement illicite des partis politiques -296 cas-, la corruption -207 cas-, la concussion -157 cas-, ou bien encore l'abus de pouvoir -486 cas-.

    Il faut aussi indiquer que le 31 octobre 1994, parmi les 450 des personnes mises en cause et détenues préventivement, se trouvait le propre frère de Silvio Berlusconi qui était à l'époque devenu chef du gouvernement après un profond changement politique. Il faut ajouter que 221 personnes ont déjà été condamnées, 847 ont été renvoyées devant un tribunal et sont en attente de procès. On peut enfin relever qu'une dizaine de suicides ont accompagné les enquêtes.

    D- Ailleurs.

    On ne saurait se polariser sur ces quelques pays. La corruption, l'ambiguïté des relations entre l'argent et la politique peuvent également être constatées dans des pays de démocratie récente que dans ceux qui l'ont adoptée plus anciennement.

    L'ex-président du Brésil Fernando Collor de Mellon a défrayé la chronique des affaires. En Thaïlande, l'achat du vote des électeurs serait une pratique fréquente. Sur 4260 plaintes enregistrées pendant la compagne législative de 1996, 1970 seraient liées à des achats de vote. En Espagne, l'ancien gouverneur de la banque national, Mariano Rubio, personnalité très proche du pouvoir, est accusé d'enrichissement illicite. Le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) est soupçonné d'avoir eu recours à des financements illégaux. En Grèce, le scandale politico financier mettant en cause le banquier Gerorges Koskotas éclabousse la gauche tandis que l'ancien Premier ministre conservateur Mitsotakis est accusé de corruption en 1994.

    Font aussi la une de l'actualité, des affaires, des scandales dans d'autres pays. En Belgique, le Vice-premier ministre fédéral, Guy Coeme, et deux ministres de l'exécutif Wallon, Guy Spitaels et Guy Mathot, socialistes francophones, ont dû démissionner en janvier 1994 après avoir été mis en cause dans une instruction sur l'achat par la Belgique en 1988 d'hélicoptères italiens. L'affaire Agusta a pris depuis une grande ampleur. En octobre 1994, le Premier ministre britannique John Major a été obligé de se séparer de deux secrétaires d'Etat soupçonnés d'avoir reçu des fonds du propriétaire d'un grand magasin londonien.

    3- L'exemple marocain :

    Dans le quatrième chapitre consacré au financement des partis politiques, le projet de loi a déterminé les ressources de financement du parti politique, le rôle de l'Etat dans le financement et les critères de financement, les institutions et les mécanismes de contrôle de gestion, et les conditions de suspension de financement auxquelles s'expose le parti politique.

    Dès le premier article de ce chapitre, l'Etat a pris l'initiative d'encadrer juridiquement la question du financement des partis politiques. Il considère les fonds des partis comme des fonds publics et toute utilisation de l'argent du financement public pour des buts autres que ceux de gestion des partis sont assimilés à un détournement de deniers publics, et l'article 29 les a limités dans :

    - Les cotisations des membres du parti.

    - Les aides et subventions de l'Etat.

    - Les revenus liés aux activités du parti.

    - Les dons, legs et libéralités.

    Donc, le projet de loi a clairement limité les ressources d'un parti politique, et du coup toute ressource autre que celle citée dans l'article 29, tombe dans l'illégalité. C'est pourquoi dans l'article 31, le parti est obligé de ne pas recevoir aucun don, legs ou libéralité, direct ou indirect à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger ou d'un ressortissant étranger. Pourtant, cet article soulève des remarques :

    - Les ressources citées sont insuffisantes pour financer les partis politiques, et certains cadres partisans proposent d'autres issues, comme la possibilité d'avoir des crédits bancaires pour faire face à certaines dépenses qui dépassent la capacité financière du parti.

    - Considérer les revenus liés aux activités culturelles et sociales du parti parmi les ressources importantes de financement du parti, c'est une question à revoir. Car toutes ces activités culturelles ou sociales sont gratuites et à but non lucratif. Leur but reste : la propagation de l'idéologie du parti, et la cooptation des nouveaux adhérents et sympathisants.

    - Si les trois premières ressources sont bien définit, que peut on dire de la dernière ? Car rien n'empêche dans cet article, des fonds en provenance des lobbys, des trafiquants de drogue, ou des syndicats du crime, et même s'il y a des limites dans ce sens, le problème est toujours posé du fait de l'existence des prête-noms. Faut-il interdire aux partis politiques de recevoir des dons ? Evidemment, non, puisqu'on ôte un droit aux militants ou sympathisants fortunés la possibilité de payer pour promouvoir leurs idées. Que faut-il faire ? Le législateur a exigé dans l'article 32 que les dons au profit d'un parti, qui dépasse 20000 DH doivent faire l'objet d'un chèque bancaire ou postal1(*)4.

    Et pour plus de transparence, le nouveau projet de loi a imposé que tous les comptes des partis doivent être arrêtés chaque année, et certifiés par un expert comptable, inscrit sur le tableau de cette profession. Ces comptes annuels doivent être publiés dans les trois mois qui suivent l'année écoulée dans au moins deux journaux nationaux (dont l'un au moins en arabe), les partis doivent les garder pendant dix ans.

    Le ministre de l'Intérieur a donné deux ans aux partis existants pour être en conformité avec la loi, une fois qu'elle sera promulguée.


    Pour que les partis politiques puissent faire face aux dépenses des campagnes électorales de plus en plus chères, l'Etat, et selon l'article 37, participe au financement de ces campagnes, à l'occasion des élections législatives, municipales, et professionnelles.

    Ainsi qu'une participation annuelle sera accordée pour aider les partis politiques dans les dépenses courantes de leur gestion. Si les partis politiques ont apprécié ce geste, ils reprochent à l'Etat, le fait qu'il alloue le montant de l'aide selon les sièges, alors que les partis préféreraient que le montant alloué à chacun soit subordonné au nombre de voix obtenues. Leurs arguments : la deuxième chambre est élue au suffrage indirect et n'atteste donc pas la force relative d'un parti.

    Cette subvention annuelle risque, selon l'article 41, de se perdre si le parti n'a pas réuni son congrès pendant quatre ans. Si tous les partis approuvent cette disposition, certains la critiquent. Certains cadres partisans proposent même, que la loi interdise à tout secrétaire général d'effectuer plus de deux mandats consécutifs à la tête de son parti. Cette proposition fait grincer les dents des « leaders historiques » qui s'accrochent à leurs sièges avec férocité.

    Le projet de loi a instauré une commission présidée par un juge de la Cour des Comptes et composée d'un juge de la Cour Suprême, d'un représentant de l'Intérieur et d'un inspecteur des Finances, examine les dépenses engagées au titre de la contribution de l'Etat dans le financement des campagnes. Les résultats sont publiés au Bulletin Officiel. La Cour des Comptes examine également les dépenses au titre du financement annuel des partis politiques.


    Pourtant, toutes ces dispositions n'ont pas séduit les acteurs concernés, malgré l'enthousiasme que devait provoquer le principe de transparence mobilisé par le projet de texte de loi. L'effet escompté n'a pas eu lieu dans la mesure où les divergences s'expriment en termes de critères d'éligibilité au financement public (article36) et d'habilitation de l'organisme chargé de contrôler les finances des partis (article38). Certains partis, comme l'USFP pensant que le critère majeur pour le financement des partis doit être « le nombre des voix obtenues aux élections législatives et non pas uniquement le nombre des députés et de conseillers, en raison de la transhumance politique qui peut tout fausser ». Pour d'autres (PJD), fixer un seuil minimal pour l'éligibilité à un tel financement (5% à 10% des voix obtenues au niveau national) est plus souhaitable. D'autre encore (PI) mettent l'accent sur l'organisme chargé du contrôle des finances et désignent explicitement la Cour des comptes. Le PPS propose d'élargir les critères d'éligibilité au financement public, tel que « le nombre d'élus nationaux et locaux, le nombre d'adhérents au parti, l'implantation sur le territoire national et le nombre des locaux du parti, la présence féminine dans les instances partisanes, les activités menées par le parti... »1(*)5.

    Conclusion :

    Ainsi le projet de loi a imposé aux formations politiques la tenue annuelle de leur comptabilité, et la soumission de celle-ci au contrôle d'un expert. Le texte précis que les fonds des formations politiques doivent provenir des droits d'adhésion des militants, des dons et subventions ainsi que des revenus liés à l'organisation d'activités culturelles et sociales en plus de l'aide de l'Etat. Les partis politiques sont, par ailleurs, interdits de recevoir des aides financières - directes ou indirectes - des collectivités locales, des institutions publiques et des sociétés où l'Etat dispose d'une participation au capital. Les partis politiques sont également interdits de recevoir des subventions ou aides de quelque forme que ce soit provenant d'un pays étranger, d'une personne morale soumise à une loi étrangère ou d'une personne n'ayant pas la nationalité marocaine. L'Etat participe, par ailleurs, au financement des campagnes électorales des partis politiques et leur accorde une aide annuelle pour subvenir à leur gestion. Le montant de la subvention devrait être fixé en proportion avec le poids de chaque parti au sein des deux chambres du Parlement. La subvention étatique est, cependant, liée à la tenue des assises nationales des partis politiques. Ainsi, en vertu de la loi, toute formation qui n'aura pas tenu son congrès dans un délai de 4 ans se verra privée de l'aide annuelle de l'Etat.

    Pourtant, l'effet escompté n'a pas eu lieu malgré l'enthousiasme que devait provoquer le principe de transparence mobilisé par le projet de texte de loi. Les partis politiques suggèrent le principe d'une aide financière, indépendamment des dotations électorales ou des subventions accordées aux journaux. Un financement permanent abrogera (ou du moins atténuera) la règle du «brouillard et de la débrouillardise» qui a longtemps prévalu. Le but, selon le Rassemblement national des indépendants (RNI), est d'éviter que des groupes d'intérêts monopolisent le champ politique.
    Mais sur quelle base effectuer ce financement public? La plupart des partis parlent du critère de la représentativité. Les expériences étrangères montrent que c'est la proportionnalité qui est la règle, et elle est calculée sur les voix ou sur les sièges obtenus. Donc, exit les partis qui boycottent les élections et qui n'ont aucun élu. Il reste que la transparence de ce financement ne peut se baser uniquement sur l'activité électorale. Le contribuable est dans le droit de connaître ce que pèse chaque parti, c'est-à-dire le nombre d'adhérents, surtout ceux qui payent leurs cotisations. A ce niveau, il risque d'y avoir «de belles surprises». Car jusqu'à maintenant, les partis revendiquent des chiffres plus au moins «fantaisistes». Il n'existe pas encore de statistiques globales émanant d'un organisme indépendant.


    Naturellement, le critère de la représentativité n'arrange pas tout le monde. Selon Omar Zidi du Groupe socialiste unifié (GSU), le financement public doit se faire sur la base de «programmes» comme c'est le cas pour certains ONG. «C'est de cette façon que les partis seront des acteurs de changement», soutient-il. A financement public permanent, contrôle efficient. Presque tous les partis se disent prêts à faire vérifier leurs comptes (le projet de loi les oblige à tenir une comptabilité). Ils demandent cependant un contrôle impartial, que seul le système judiciaire pourrait garantir. Ni le ministère de l'Intérieur, ni même le Parlement ne devraient assumer cette fonction, souligne-t-on. Le premier serait en même temps «juge et partie». Le second est exposé aux risques d'influence partisane.

    Conclusion

    Sept décennies après l'apparition du premier noyau embryonnaire d'une organisation politique nationale, dans les années 30, le Maroc opte pour une loi, qui, au-delà de garantir le libre exercice de l'action politique, compte y mettre de l'ordre. Un projet jugé nécessaire par l'Etat.

    Si le dahir du 15 novembre 1958, réglementant le droit d'association, a institué le droit, il n'a pas pour autant détailler toutes les exigences d'une vie partisane saine et efficace. Si on connaissait la fonction des partis, leur définition précise nous échappe, même si la Constitution de 1962 a confié aux partis politiques un rôle «d'organisation et de représentation des citoyens» ; il n'en demeure pas moins que la notion de parti est restée, depuis lors, une notion vague. Il fallait donc commencer par l'évidence. «Le parti politique -stipule le premier article de l'avant-projet- est la convention par laquelle des personnes physiques mettent en place une organisation permanente et à but non lucratif (...) en vue de participer, par des voies, à la gestion des affaires publiques». Ensuite, vient le rôle des partis. Reprenant les dispositions constitutionnellement établies sur l'organisation citoyenne et la représentativité nationale, l'article 3 y ajoute «la formation des élites capables d'assumer des responsabilités publiques et à l'animation du champ politique». Désormais, il ne suffit plus d'avoir des affinités partagées et des opinions communes, couplées à un volontarisme «instantané» pour former un parti. «La constitution des partis politiques ne peut se justifier -selon le projet de loi- uniquement par la volonté de quelques personnes, mais doit correspondre principalement à un besoin social et territorial en profondeur». Pour ce faire, plus de 13 articles fixent les modalités, les dispositions et autres conditions. D'où «une déclaration signée par 1000 membres fondateurs répartis en fonction de leur résidence effective, dans au moins la moitié des régions du Royaume pour que le congrès constitutif du parti soit valablement réuni».

    Un parti, c'est aussi et surtout un programme. Longuement décriés, sinon pour leur manque de visibilité, du moins pour leurs programmes identiques, la plupart des partis n'auront plus le droit de se dérober à cet impératif. La création d'un parti appelle à la présentation d'un programme. En clair, et selon l'article 20, les membres fondateurs doivent déposer, entre autres, cinq exemplaires des projets de programme. En plus, l'article 21 stipule que : «tout parti politique doit avoir un programme et des statuts écrits». Elaborer une feuille de route pour résorber les problèmes des pays requiert le concours de toutes les composantes du parti.

    Or, une certaine hémorragie organisationnelle, devenue presque endémique, empêche la majorité de nos partis de l'apport d'une partie de ses élites. Montré de l'index, le fonctionnement interne n'est pas toujours au diapason de ce postulat. Marquée par une onde de choc -quasi permanente- la vie interne a toujours été sujette à des remous, parfois sismiques, à des scissions continues. D'où le remède : démocratie interne. Cheval de bataille pour des militants mal à l'aise ou en mal de majorité, d'une part, et question perpétuellement ajournée, à raison ou à tort, la démocratie se taille la part du lion dans la nouvelle loi. Les partis sont ainsi: «appelés à être organisés et administrés sur des bases et des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer effectivement à différents organes». Tout y est : mode d'organisation interne, droits et devoirs des adhérents, tenue des congrès. Le projet dresse, sans l'expliciter, un bilan négatif à ce propos.

    En témoigne surtout l'accent porté sur la représentativité interne : «c'est également sur des bases et des principes démocratiques -lit-on dans la note de présentation- que les statuts fixent le mode de choix et d'accréditation des candidats aux différentes consultations électorales». Un constat sans appel qui ne ménage personne : il faut réformer les outils de la réforme que sont les partis.

    Une transparence en appelle une autre: le financement. Aléatoire ou occulte, l'argent de la politique est une autre zone d'ombre dans la vie interne. Nerf de la démocratie, il n'est pas toujours utilisé à bon escient, ni obtenu dans la transparence. D'où la mise sur pied de mécanismes de contrôle des justificatifs de dépenses au titre de l'aide accordée par l'Etat. En contrepartie, les partis auront d'autres possibilités de financement par l'Etat.

    En cas de non-respect de ladite loi, des sanctions allant jusqu'à la dissolution, sont prévues dans l'esprit du respect même des exigences de l'Etat de droit. Les dispositions de l'article 4-entre autres- sont, à cet effet, très claires : «Est nulle et de nul effet toute constitution de parti politique ayant pour but de porter atteinte à la religion islamique, à la forme monarchique de l'Etat ou à l'intégrité territoriale du Royaume ou qui, de manière générale est fondée sur une cause ou en vue d'un objectif contraire aux dispositions de la constitution ou fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale».

    Jusqu'à l'écriture de ces lignes, ce projet de loi relatif aux partis politiques n'a pas encore atterri au Parlement. Mais entre temps, il est passé au Conseil de Gouvernement, et l'Etat a pris en considération certaines critiques des partis politiques. Et du coup, le nouveau projet de loi a remodelé ou supprimé plusieurs dispositions, concernant les conditions de constitution, de financement et de suspension.

    Ainsi, le nouveau projet a fixé le nombre de fondateurs à 300 au lieu de 1000. Il en va de même pour le nombre de congressistes, ramené à 500, au lieu de 1500 requis dans l'avant-projet initial. Le pouvoir de dissoudre ou suspendre un parti est donné à la justice, au lieu du ministère de l'Intérieur. Autre surprise de taille sera l'interdiction de la transhumance des députés entre les groupes parlementaires.

    Concernant le financement de l'action politique, l'éligibilité à l'aide publique se fera en fonction de la représentativité des partis à l'échelle nationale et locale. Pour les petits partis qui n'atteindraient pas le pourcentage de voix requis pour être éligibles, ils auraient la possibilité de nouer des alliances afin que la somme de leurs voix atteigne le seuil d'éligibilité. Ils pourraient ensuite se partager la subvention étatique. Toujours à propos du financement, l'article 38 de l'avant-projet, stipulant qu'une commission présidée par un juge de la Cour des comptes et composée d'un juge de la Cour suprême, d'un représentant de l'Intérieur et d'un inspecteur des finances examinerait les dépenses que les partis engageraient au titre de la contribution de l'Etat dans le financement des campagnes électorales, a été modifiée et simplifiée. Seule la Cour des comptes pourra contrôler les dépenses faites par les partis lors des élections.

    Maintenant, reste à savoir, quelle issue trouvera ce projet de loi ? . Pour les optimistes, il y aura un vote favorable. Le texte malgré ses défauts, est une avancée dans le processus de réhabiliter le champ politique marocain. Pour le camp des pessimistes, ce projet de loi doit être rejeté, car c'est une loi liberticide, qui maintien la mainmise de l'Etat, et favorise l'ingérence de l'Etat dans les affaires des partis politiques.

    Annexes

    Annexe 1

    Les partis du « mouvement national » :

    Elle réunissait les cinq partis de l'opposition d'avant 1999. Les principaux font aujourd'hui figure de « majorité » gouvernementale. Deux d'entre eux sont des scissions successives de l'Istiqlal, le vieux parti nationaliste aujourd'hui en perte de vitesse.

    USFP, Union socialiste des forces populaires : Parti socialiste né en 1975 d'une scission de l'UNFP, qui a longtemps été le fer de lance de l'opposition au roi. Première force politique marocaine depuis le début des années 1990, vainqueur des législatives de 1997 (13,9 % des voix et 57 sièges) et de celle de 2002 (50 sièges), malgré un tassement. Son président Abderrahame Youssoufi a été nommé Premier ministre en 1998. L'immobilisme gouvernemental depuis 1998 a beaucoup déçu et l'USFP a largement perdu contact avec sa base militante et électorale. Lors du VIe congrès d'avril 2001 (le précédent avait eu lieu en... 1989) de fortes divergences sont apparues avec la CDT (Confédération démocratique du travail), le second syndicat marocain traditionnellement lié au parti, comme avec la Jeunesse socialiste, la branche jeunesse de l'USFP, de plus en plus critique. Enfin, une faction du parti dite « Fidélité à la démocratie » a boycotté le congrès et réclame une monarchie parlementaire.

    L'Istiqlal (« l'indépendance ») : parti nationaliste, démocrate mais plutôt conservateur. C'est le grand mouvement de libération arabo-islamiste fondé en 1943 par le militant nationaliste Allal El Fassi (son dirigeant jusqu'en 1974). Il a participé à des gouvernements dans les années 1970, 1960 et 1980, puis s'est allié à l'USFP la principale force de l'opposition. Aux législatives de 2002, il a obtenu le deuxième meilleur score avec 48 élus améliorant nettement ses positions (32 députés en 1997). Depuis 1998, l'Istiqlal est dirigé par Abbas el Fassi, qui s'est efforcé de démocratiser le fonctionnement interne du parti, notamment en imposant un quota de 20 % de femmes parmi les cadres, y compris au bureau politique. L'Istiqlal est le grand vainqueur des municipales de 2003.

    PPS, Parti du progrès et du socialisme : petit parti de gauche, dirigé par Ali Yata de 1946 jusqu'à sa mort accidentelle en 1997, Ismaël Alaoui lui a succédé. C'est l'héritier du Parti communiste marocain fondé en 1943 et interdit en 1959. Le PPS a abandonné la doctrine communiste en 1995. Il a obtenu 11 députés en 2002 (contre 9 en 1997).

    GSU, la Gauche socialiste unifiée. Parti né en juillet 2002 et regroupant quatre formations nettement marquées à gauche : L'Organisation de l'Action démocratique et populaire (OADP), les Démocrates indépendants, le Mouvement pour la démocratie et Potentialités de Gauche ont fondu en une seule structure partisane. C'est la seule formation de gauche a prôner une réforme radicale de la constitution dans un sens plus démocratique. L'OADP, Organisation de l'action démocratique et populaire, était un petit parti de gauche né au début des années 1980 et issu du Mouvement du 23 mars (extrême gauche non communiste). Il avait recueilli 8 % des voix en 1997, mais seulement 4 sièges. En 2002, il doit se contenter de 3 députés. L'OADP soutenait le gouvernement Youssoufi, mais sans y participer. La direction de la GSU est collégiale, l'ancien chef de l'OADP, Mohammed Bensaïd, n'occupera que le poste honorifique de président.

    UNFP, Union nationale des forces populaires : tout petit parti centriste, héritier d'une scission de gauche de l'Istiqlal fondé en 1959 par Mohamed Ben Barka, Abderrahim Bouabid et Mohamed Basri. Il a été lui-même très affaibli par le départ de son aile gauche qui a donné naissance à l'USFP en 1974. N'est plus représenté au parlement.

    Les partis du makhzen :

    Ex-partis du wifak : (ou wifaq, l'« entente » en arabe) qui regroupe la droite. On les appelle aussi les « partis de l'administration » (appelés ainsi car créés par le pouvoir à l'époque d'Hassan II. Ils ont été créés successivement, le nouveau éclipsant le précédant sans le faire disparaître, d'où un émiettement qui permettait au Palais de ratisser le plus large possible et de donner l'illusion d'un grand pluralisme.

    RNI, Rassemblement des indépendants : parti de droite modéré, créé de toute pièce par le Palais à la fin des années 1970 et dirigé par Ahmed Osman beau-frère du roi Hassan II. Le RNI qui représente la bourgeoisie industrielle et commerçante a obtenu 41 sièges aux législatives de 2002 (contre 46 en 1997).

    PND, Parti national démocratique : né en 1980 d'une scission du RNI en de former un nouveau gouvernement (novembre 1981) sur lequel s'est appuyé le Palais pendant deux ans. Il a amélioré ses positions en 2002 : 12 députés (contre 10 en 1997).

    UC, Union constitutionnelle : parti de droite fondé par le Premier ministre Maati Bouabid, sur ordre du Palais en 1983 afin d'élargir l'assise populaire du pouvoir lors des élections de 1984. L'UC, dirigée par Mohamed Jalal Essaïd, s'est effondré au législatives de 2002 : 16 sièges (contre 50 sièges en 1997 et beaucoup plus à l'époque de sa création). C'est presque le seul a toujours avoir eut un discours néolibéral sur les questions économiques.

    MDS, Mouvement démocratique et social : parti de droite populiste né au printemps 1997 sous la direction de Mohamed Harchane. Le MDS est le seul parti à ne pas avoir voté le programme gouvernemental d'A. Youssoufi. Il a subi un rude revers aux législative de 2002 : 7 sièges (contre 32 en 1997).

    Nouveau dans le Jeu politique :

    FFD, le Front des Forces Démocratiques a été fondé en 1997. Son secrétaire général, Thamy Khyari, a appartenu aux deux gouvernements Youssoufi. Le logo de ce mouvement centriste représente un olivier. Ses premières législatives ont été un succès : 12 députés élus.

    Forces Citoyennes : parti de droite créé en 2001 par Abderrahim Lahjouji, un homme d'affaires devenu célèbre grâce à son sens de la communication, une sorte de Berlusconi à la marocaine, mais sans les succès électoraux : 2 députés élu en 2002. Son chef n'a même pas réussi à se faire élire à Anfa où il se présentait.

    PRD, le Parti de la réforme et du développement, dirigé par Abderrahman El Cohen, est né en 2001 à l'issue d'une scission au sein du Rassemblement national des Indépendants (RNI). 3 députés élus en 2002.

    PML, le Parti marocain libéral est dirigé Mohamed Ziane. Le cheval de bataille de cette petite formation nationaliste est la rétrocession de Sebta et Melilla au Maroc. 3 députés élus en 2002.

    PED, Parti de l'environnement et du développement : petit parti écologiste (2 députés élus en 2002).

    Les partis berbéristes :

    MP, Mouvement populaire, fondé en 1957 par Mahjoubi Ahardane, son président actuel. Le roi s'était appuyé sur cette formation pour contrer l'Istiqlal et USFP. Il a subi un net revers aux législatives de 2002 : 27 députés (contre 40 élus en 1997).

    MNP, Mouvement national populaire : scission du MP, créée en 1991 par Mahjoubi Ahardane après avoir été évincé de la direction du MP. Avec 18 députés élus en 2002 (contre 19 en 1997), il conserve ses positions.

    Le « réseau amazigh pour la citoyenneté », nouvelle association issue de l'association amazigh, Tamaynoute (créée en 1978) a décidé de boycotter les élections de 2002. Ahmed Arahmouch dirigeant du réseau (ex-vice président de Tamaynoute) estime que : « Il ne peut pas y avoir de démocratie sans amazighité dans la constitution ».

    Les partis islamistes :

    PJD, Parti de la justice et du développement : un parti islamiste « modéré », refusant la violence (mais qui prône tout de même l'application, à terme, de la charia au Maroc). C'est la première formation de l'opposition. Le PJD serait même le première parti marocain s'il n'avait pas cédé aux pressions du Palais vivant lui faire limiter son nombre de candidats. Les législatives de 2002 ont été un grand succès : 42 élus (contre 14 en 1997) alors qu'il n'a été autorisé à présenter des candidats que dans la moitié des circonscriptions. Depuis avril 2004, le PJD est dirigé par Saâd Eddine Othmani (psychiatre et diplômé de droit islamique né en 1956). Il a succédé à Abdelkrim Khatib (né en 1920) et incarne la ligne officielle du parti respectueuse de la sacralité du trône alaouite. Un autre courant au sein du PDJ, animé par Mustapha Ramid refuse au contraire le principe de sacralité du « commandeur des croyant », statut sur lequel s'appuie le roi pour asseoir son pouvoir.

    Hors du jeu politique :

    Al Adl oual Ihssane (Justice et Bienfaisance) dirigé par Cheikh Yassine, est la principale organisation islamiste. Elle n'a pas été autorisée à se transformer en parti politique et donc ne se présente pas aux élections. Prenant à contre-pied les islamistes algériens qui ont dérivé vers la violence, il mise sur une islamisation progressive et en douceur de la société marocaine par le biais de ses actions de bienfaisance. Son idéologie est rétrograde et anti-démocratique (le nom de cette association peut aussi se transcrire Al'Adl wa al Ihasan et se traduire « Justice et spiritualité »). Nadia, la fille de Cheikh Yassine fait figure de porte-parole du mouvement. Au début des années 1980, elle fut la première femme à porter le foulard islamique à l'université de Fès.

    Extrême gauche :

    PADS, Parti de l'Avant-garde démocratique et socialiste : parti d'extrême gauche issu d'une scission de l'USFP, non représenté au Parlement. Il n'a participé depuis sa création en 1984 à aucune échéance électorale. Un certain nombre de ses membres ont été emprisonnés pour leurs appels au boycott des élections de 1997. Il représente l'opposition radicale au régime.

    Nhej Ad-Democrati (La Voie démocratique) : courrant orbitant autour de la revue du même nom, fondée par d'ancien d'Ila Al Amam.

    Annexe 2

    PROJET DE NOTE DE PRESENTATION

    Dès les premières années de l'indépendance, le Royaume du Maroc a opté pour la mise en place d'un cadre juridique garantissant le libre exercice de l'action politique et ce, par le biais du dahir du 15 novembre 1958 réglementant le droit d'association.

    Par la suite, la Constitution du 10 mars 1962, qui a consacré définitivement le principe du multipartisme, a conféré aux partis politiques un rang constitutionnel, en disposant : « Les partis politiques concourent à l'organisation et à la représentation des citoyens ».

    Ce dispositif juridique a créé les conditions favorables à l'animation du champ politique marocain et au développement de l'action partisane.

    Suite aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, relatives à la dynamisation de l'action politique et à la rénovation du cadre juridique régissant les partis, le dispositif législatif est appelé à être réformé, dans l'objectif général de consolider la démocratie et impulser le développement socio-économique.

    En ce sens, le Discours Royal, prononcé le 8 octobre 2004, à l'occasion de l'ouverture de la première session de la troisième année législative, a illustré la ferme Volonté Royale pour la mise à niveau du champ politique dans un cadre de « légalité juridique » et de « légitimité démocratique » :

    « Aussi, avons-Nous jugé opportun de focaliser Notre discours sur la nécessité de renforcer le rôle des partis, en mettant en place un cadre législatif rénové. Un cadre efficient, permettant au parti politique de puiser sa légalité juridique dans sa légitimité démocratique »

    (Extrait du Discours Royal du 8 octobre 2004)

    Le Souverain a également explicité, à l'occasion de ce Discours, qui s'inscrit dans l'oeuvre de modernisation institutionnelle et politique conduite par Sa Majesté le Roi, le sens profond et les objectifs de ce nouveau cadre juridique :

    « Ce cadre devrait favoriser l'émergence de partis à même d'apporter des réponses collectives, spécifiques et originales, à des questions sociétales très larges plutôt que de chercher à satisfaire des ambitions personnelles ou catégorielles étriquées.(...) Il est susceptible également d'inciter les partis politiques homogènes à se fédérer en pôles forts et solides.(...) Ce projet de loi est de nature à contribuer à la rationalisation, la rénovation et l'immunisation du paysage politique national (...) Il traduit de surcroît, Notre volonté de consolider la modernisation institutionnelle, et de veiller à ce que la polarisation politique efficiente ne pâtisse d'un multipartisme anarchique et débridé. »

    (Extrait du Discours Royal du 8 octobre 2004)

    La rationalisation et la modernisation soulignées par le Souverain devant également concerner l'exigence du respect des règles de démocratie et de transparence tant au niveau de la création des partis et de leur programme qu'au niveau de leur organisation et financement :

    «  De même, la création des partis politiques, autant que leurs programmes, leurs modes de financement et de gestion, ainsi que leur fonctionnement et leurs règlements intérieurs doivent tous se conformer aux règles de démocratie et de transparence ainsi qu'aux principes de la primauté de la loi et du contrôle judiciaire »

    (Extrait du Discours Royal du 8 octobre 2004)

    En outre, les Orientations Royales contenues dans ce Discours ont souligné la nécessité d'un débat et d'une concertation, aussi large que constructive, pour que ce projet de loi soit le fruit d'un « consensus positif qui en rehausse la portée et la valeur ».

    L'élaboration d'un nouveau cadre législatif pour les partis politiques a toujours été inscrite en tant que priorité dans l'action de Sa Majesté le Roi, qui, à plusieurs reprises, a expliqué l'importance d'une telle réforme en soulignant le lien entre l'impératif de développement, de démocratisation et de modernisation  et le nécessaire renforcement des partis politiques (Discours Royal du 13 octobre 2000)

    En ce sens, Sa Majesté le Roi a aussi précisé que la consolidation de la démocratie ne peut aboutir qu'avec la présence de partis politiques réellement représentatifs, capables d'encadrer le citoyen et de le représenter, et d'impulser les énergies des jeunes dans le cadre d'une saine émulation autour de programmes réalistes et tangibles (Discours du Trône du 30 juillet 2003).

    C'est à la lumière des Hautes Orientations Royales que le présent projet de loi a été élaboré dans l'objectif de mettre à la disposition des partis politiques un cadre juridique rénové, susceptible aussi de susciter l'intérêt des citoyens - notamment des jeunes - pour l'action politique et favoriser ainsi l'émergence de nouvelles élites politiques.

    Ce projet est articulé autour des sept axes suivants :

    - Dispositions générales ;

    - De la constitution des partis politiques ;

    - Des statuts, de l'organisation et de l'administration des partis politiques ;

    - Du financement des partis politiques ;

    - Des unions des partis politiques ;

    - Des sanctions ;

    - Dispositions transitoires.

    I. DISPOSITIONS GENERALES

    Tout en confirmant le principe de la liberté de constitution des partis politiques, conformément à l'esprit de la constitution et du Dahir du 15 novembre 1958 relatif au droit d'association, ce projet de loi définit le parti politique et précise ses missions.

    Le projet trace ainsi le cadre dans lequel les partis politiques sont appelés à oeuvrer pour concourir à l'organisation et à la représentation des citoyens, en contribuant à leur éducation politique et à leur participation à la vie publique ainsi qu'à la formation des élites et à l'animation du champ politique.

    Conformément aux valeurs qui fondent l'identité nationale, la cohésion sociale et la citoyenneté, le projet inscrit toute création de parti politique dans le cadre de la Constitution du Royaume. Est considérée de ce fait comme nulle, de plein droit, toute constitution de parti politique fondée sur une cause ou en vue d'un objet contraire à la Constitution, aux lois, ou qui a pour but de porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l'intégrité territoriale du Royaume.

    Est également interdite la constitution de parti politique fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale, ou d'une manière générale, sur toute base discriminatoire ou contraire aux droits humains.

    Enfin, et dans l'objectif de contribuer à la rationalisation et la moralisation de la vie partisane, le projet de loi prévoit que le titulaire d'un mandat électoral, en cours, au sein de l'une des deux chambres du Parlement, élu sur accréditation d'un parti politique en activité, ne peut adhérer à un autre parti politique qu'au terme de son mandat.

    II. DE LA CONSTITUTION DES PARTIS POLITIQUES

    La constitution d'un parti politique doit correspondre à un besoin social et refléter un ancrage territorial qui garantit que le but pour lequel il a été constitué pourra être effectivement poursuivi.

    Dans cet objectif, le projet de loi requiert, lors de l'étape de constitution du parti politique, une déclaration signée par 300 membres fondateurs répartis, en fonction de leur résidence effective, dans au moins la moitié des régions du Royaume, ainsi qu'un minimum de 500 personnes pour que le congrès constitutif du parti soit valablement réuni.

    La demande de constitution du parti politique étant par ailleurs une question d'intérêt national, qui n'a pas vocation à être gérée sur le plan local, le projet de loi prévoit que le dépôt du dossier de constitution s'effectue au siège du Ministère de l'Intérieur.

    Ce dépôt est suivi d'une étude de conformité du projet aux dispositions de la présente loi. Si le projet ne répond pas aux conditions exigées, le Ministre de l'Intérieur requiert du tribunal administratif de Rabat le rejet de la demande de constitution du parti.

    Si les conditions de constitution du parti répondent aux dispositions de la loi, un extrait de la demande de constitution est publié au BO, ouvrant ainsi un délai d'un an au cours duquel le parti devra tenir son congrès constitutif afin d'adopter définitivement son programme, ses statuts et son règlement intérieur.

    Le parti est réputé légalement constitué dans les trente jours à compter de la date de dépôt au ministère de l'intérieur d'un dossier comprenant le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des congressistes, des instances dirigeantes, des programmes, des statuts et du règlement intérieur définitivement adoptés.

    Une fois constitué, le parti politique acquiert la capacité juridique lui permettant d'accomplir les actes autorisés par la loi : ester en justice et administrer ses biens et ses ressources financières ou encore s'engager dans une union ou fédération avec d'autres partis politiques.

    III. DES STATUTS, DE L'ORGANISATION ET DE L'ADMINISTRATION DES PARTIS POLITIQUES

    La création d'un parti politique appelle désormais à la présentation d'un programme, de statuts et d'un règlement intérieur écrits.

    S'agissant des programmes, ils précisent les approches de la formation politique vis-à-vis des questions intéressant la collectivité. En effet, la responsabilité des partis politiques devant les citoyens induit un droit de suivi et de regard de ces derniers sur les engagements tels qu'ils sont mentionnés dans les programmes des formations partisanes.

    Concernant les statuts, le projet de loi consacre les exigences de la démocratie interne. Le parti politique est ainsi appelé à être organisé et administré selon des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer à la direction des différents organes.

    C'est également selon des principes démocratiques que les partis politiques déterminent, dans leurs statuts, le mode de choix et d'accréditation des candidats aux différentes consultations électorales.

    Par ailleurs, le projet de loi a opté délibérément en faveur d'une « discrimination positive » de nature à encourager l'arrivée des femmes et des jeunes dans les instances dirigeantes du parti. L'objectif étant de créer in fine les conditions favorables pour que toutes les composantes du tissu social puissent contribuer pleinement et activement à l'animation de la vie politique.

    Sur le plan de l'organisation territoriale, le parti politique doit disposer d'organes d'administration et de gestion au niveau national, et peut également avoir des structures aux niveaux  régional, préfectoral, provincial ou local ; les statuts du parti préciseront les attributions et la composition de chacun des différents niveaux.

    Enfin, et en vue de contribuer à l'amélioration du fonctionnement interne, les statuts du parti prévoiront aussi un organe chargé du contrôle des finances du parti et un organe chargé de l'arbitrage.

    IV. DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

    Vu l'importance de la question du financement dans le fonctionnement des partis politiques, le projet de loi instaure de nouvelles possibilités de financement par l'Etat. De même, pour favoriser la transparence, il prévoit de nouvelles modalités de contrôle des finances des partis politiques et précise le rôle de la Cour des Comptes en la matière.

    A cet effet, l'Etat continuera à participer au financement des campagnes électorales organisées par les partis pour les élections générales législatives et communales, conformément aux dispositions de la loi 9-97 formant code électoral.

    L'Etat accordera en outre une subvention annuelle pour la contribution à la couverture des frais de fonctionnement des partis politiques ayant obtenu un minimum de 5% des suffrages exprimés.

    Le montant global de cette subvention sera inscrit dans la loi de finances. La répartition de ce montant se fera sur la base du nombre de représentants et de conseillers au Parlement ainsi que du nombre de voix obtenues lors des élections législatives générales.

    S'agissant des mécanismes de contrôle des justificatifs des dépenses au titre de la subvention annuelle, le projet de loi confère à la Cour des Comptes, le contrôle de la gestion financière de la subvention.

    Les subventions annuelles allouées par l'Etat pour la couverture des frais de fonctionnement ne bénéficieront pas aux partis politiques faisant l'objet d'une mesure de suspension ainsi qu'aux partis qui n'auront pas tenu leur congrès durant quatre ans, et ce jusqu'à la régularisation de leur situation.

    V. DES UNIONS DE PARTIS POLITIQUES

    Pour créer les conditions favorables au regroupement des partis politiques et encourager ainsi à la polarisation du champ politique, le projet de loi prévoit que les partis politiques légalement constitués peuvent librement s'organiser en unions dotées de la personnalité morale, en vue d'oeuvrer collectivement à la réalisation d'objectifs communs.

    A l'exception notamment des règles de constitution, l'union de partis politiques reste soumise au même régime juridique que les partis politiques.

    L'Etat accorde aux unions de partis une subvention annuelle pour la contribution à la couverture de frais de fonctionnement de l'union et des partis politiques qui la composent. .

    VI. DES SANCTIONS

    Dans la continuité de l'esprit qui a toujours présidé à l'élaboration des textes régissant l'exercice des libertés fondamentales garanties par la constitution, le projet de loi respecte les exigences de l'Etat de droit en confiant à l'autorité judiciaire la prérogative de sanctionner les violations éventuelles des dispositions de la présente loi. Que ce soit pour la suspension, la dissolution ou la déclaration de nullité, compétence est ainsi dévolue au tribunal administratif de Rabat.

    La dissolution par décret est prévu dans le seul cas où le parti politique provoquerait à des manifestations armées ou qui s'apparenterait à des groupes de combat ou milices privées ou qui aurait pour but de porter atteinte à la religion islamique, à l'intégrité du territoire national, d'attenter à la forme monarchique de l'Etat ou de s'emparer du pouvoir par la violence.

    Le projet innove par ailleurs en instituant la procédure de régularisation, mécanisme préalable à toute procédure judiciaire, envisagé dans certains cas pour éviter, dans la mesure du possible, le recours aux sanctions. Ainsi, lorsque l'inobservation des dispositions de la loi porte sur des questions de forme, le ministre de l'intérieur saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la situation du parti. Et c'est en l'absence de régularisation, dans le délai d'un mois, que le tribunal administratif de Rabat peut ordonner la suspension du parti.

    Cette suspension judiciaire peut aussi être prononcée lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public.

    La suspension est ordonnée pour une durée de un à quatre mois et peut être prolongée d'une nouvelle durée qui ne peut excéder deux mois. Passé ces délais, le parti recouvre tous ses droits à moins qu'une demande en dissolution n'ait été formulée entre-temps.

    La dissolution, comme c'est le cas actuellement dans le dahir du 15 novembre 1958, relatif au droit d'association, est également prévue en cas de non-conformité à la loi, à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public.

    La nullité est constatée par le tribunal administratif de Rabat lorsque la constitution du parti est fondée sur une cause ou en vue d'un objet contraire à la Constitution ou aux lois, ou qui a pour but de porter atteinte aux fondements de l'Etat (l'islam, la monarchie, l'intégrité territoriale) ou serait fondée sur des considérations religieuses, linguistiques ethniques, ou régionales, ou sur toute autre base discriminatoire ou contraire aux droits humains, et ce à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public.

    Le tribunal peut ordonner à titre de mesure conservatoire, et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et l'interdiction de toute réunion des membres du parti. 

    Pour les peines privatives de liberté, le projet les a prévu dans deux situations  seulement : le cas de maintien ou de reconstitution d'un parti politique dissous et le cas de réception de fonds de pays étrangers en vue de la constitution ou du fonctionnement d'un parti politique.

    VII. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

    Ces dispositions concernent les partis politiques existant à la date de la promulgation de la loi sur les partis politiques. Un délai de deux ans leur est accordé pour se conformer à ses dispositions à l'exception de celles relatives à la constitution initiale.

    Dans ce même délai et pour permettre  aux partis politiques de mettre en harmonie leurs statuts et règlements intérieurs avec les dispositions de la présente loi, il est prévu la tenue d'un congrès extraordinaire du parti.

    Annexe 3

    PROJET DE LOI RELATIVE AUX PARTIS POLITIQUES

    TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

    ARTICLE PREMIER. - Le parti politique est une organisation permanente et à but non lucratif, dotée de la personnalité morale, instituée en vertu d'une convention entre des personnes physiques, jouissant de leurs droits civils et politiques et partageant les mêmes principes, en vue de participer, par des voies démocratiques, à la gestion des affaires publiques.

    ARTICLE 2. - Les partis politiques se constituent et exercent leurs activités en toute liberté conformément à la Constitution du Royaume et aux dispositions de la présente loi.

    ARTICLE 3. - Les partis politiques concourent à l'organisation et à la représentation des citoyens. Ils contribuent à ce titre à l'éducation politique et à la participation des citoyens à la vie publique, à la formation des élites capables d'assumer des responsabilités publiques et à l'animation du champ politique.

    ARTICLE 4. - Est nulle et de nul effet toute constitution de parti politique fondée sur une cause ou en vue d'un objet contraire à la Constitution, aux lois, ou qui a pour but de porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l'intégrité territoriale du Royaume.

    Est également nulle et de nul effet toute constitution de parti politique fondée sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale, ou d'une manière générale, sur toute base discriminatoire ou contraire aux droits humains.

    ARTICLE 5. - Les Marocains majeurs des deux sexes peuvent adhérer librement à tout parti politique légalement constitué.

    Toutefois, le titulaire d'un mandat électoral en cours au sein de l'une des deux chambres du Parlement, élu sur accréditation d'un parti politique en activité, ne peut adhérer à un autre parti politique qu'au terme de son mandat.

    ARTICLE 6. - Les partis politiques ne peuvent être ouverts :

    1. 1- aux militaires de tous grades en activité de service et aux agents de la force publique;

    2. 2- aux magistrats, magistrats de la cour des comptes et magistrats des cours régionales de comptes, aux juges communaux et d'arrondissement ainsi que leurs suppléants ;

    3. 3- aux agents d'autorité et auxiliaires d'autorité;

    4. 4- aux personnes autres que celles visées ci-dessus qui sont exclus du bénéfice du droit syndical par le décret n° 2-57-1465 du 15 rejeb 1377(5 février 1958) relatif à l'exercice du droit syndical par les fonctionnaires, tel qu'il a été modifié par le décret royal n° 010-66 du 27 joumada II 1386 (12 octobre 1966).

    TITRE II : DE LA CONSTITUTION DES PARTIS POLITIQUES

    ARTICLE 7. - Les membres fondateurs et les dirigeants d'un parti doivent être âgés de 23 ans révolus et être inscrits sur les listes électorales générales.

    ARTICLE 8. -Les membres fondateurs d'un parti politique déposent auprès du ministère de l'intérieur, contre récépissé, un dossier comprenant :

    1. une déclaration de constitution du parti portant les signatures légalisées de trois des membres fondateurs et mentionnant :

    - les nom, prénom, nationalité, date et lieu de naissance, profession et domicile des signataires de la déclaration ;

    - les nom, identité visuelle et siège au Maroc du parti ;

    2. trois exemplaires des projets de programme et des statuts ;  

    3. l'engagement écrit, sous forme de déclarations individuelles, d'au moins 300 membres fondateurs pour tenir le congrès constitutif du parti une année au plus à compter de la date de publication au bulletin officiel d'un extrait de la déclaration de constitution du parti.

    Chaque déclaration individuelle, dûment revêtue de la signature légalisée de son auteur, indiquera ses nom, prénom, nationalité, date et lieu de naissance, profession et domicile. Elle sera accompagnée d'une copie de la carte d'identité nationale, ainsi que de l'attestation d'inscription sur les listes électorales générales.

    Les membres suscités doivent être répartis en fonction de leur résidence effective dans au moins la moitié des régions du Royaume, sans que leur nombre par région ne soit inférieur à 5% du minimum de membres fondateurs requis par la loi.

    ARTICLE 9. - Si les conditions et formalités de constitution du parti ne sont pas conformes aux dispositions de la présente loi, le ministre de l'intérieur requiert du tribunal administratif de Rabat, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, le rejet de la déclaration de constitution du parti.

    La saisine du tribunal administratif de Rabat est suspensive de la procédure de constitution du parti.

    ARTICLE 10. - Si les conditions et formalités de constitution du parti sont conformes à la présente loi, un extrait de la déclaration de constitution du parti est publié au bulletin officiel, à l'initiative du ministre de l'Intérieur, dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date de dépôt du dossier, ou les trente jours suivant la date du jugement définitif déclarant les conditions et formalités de constitution du parti conformes aux dispositions de la présente loi.

    ARTICLE 11. - La déclaration de constitution du parti devient sans objet en cas de non tenue du congrès constitutif dans le délai d'une année au plus à compter de la date de publication au bulletin officiel de l'extrait de la déclaration de constitution du parti, prévue à l'article 10 de la présente loi.

    ARTICLE 12. - La tenue du congrès constitutif du parti doit faire l'objet d'une déclaration auprès de l'autorité locale dont relève le lieu de la réunion, soixante-douze heures au moins avant la date dudit congrès.

    La déclaration, dûment signée par au moins deux des membres fondateurs visés à l'article 8 - 1° indiquera le jour, l'heure ainsi que le lieu de la réunion.

    ARTICLE 13. - Pour être valablement réuni,  le congrès constitutif du parti politique doit regrouper au moins 500 congressistes dont au moins les trois-quarts des membres fondateurs visés à l'article 8-3°, répartis en fonction de leur résidence effective dans au moins la moitié des régions du Royaume, sans que leur nombre par région ne soit inférieur à 5% du minimum des membres fondateurs requis.

    Les conditions de validité de la tenue du congrès constitutif sont attestées par procès verbal.

    Le congrès constitutif adopte les statuts, le règlement intérieur et le programme du parti, et procède à l'élection des instances dirigeantes du parti.

    ARTICLE 14. - A l'issue du congrès constitutif, un mandataire du congrès dépose auprès du ministère de l'intérieur, contre récépissé, un dossier comportant le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des noms de l'ensemble des congressistes avec leurs signatures et numéros de cartes d'identité nationale, de la liste des membres des instances dirigeantes du parti, ainsi que trois exemplaires des statuts, du règlement intérieur et du programme adoptés.

    ARTICLE 15. - Trente jours à compter de la date du dépôt du dossier visé à l'article 14, le parti est réputé légalement constitué sauf si le ministre de l'intérieur ne demande au tribunal administratif de Rabat, dans ce même délai et dans les conditions fixées à l'article 53 de la présente loi, l'annulation de la constitution du parti.

    La saisine du tribunal administratif de Rabat, aux fins d'annulation, est suspensive de toute activité du parti. 

    ARTICLE 16 - Le parti légalement constitué peut ester en justice, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer 

    - ses ressources financières

    - les biens meubles et immeubles nécessaires à l'exercice de son activité et à la réalisation de ses objectifs.

    ARTICLE 17. - Toute modification de la dénomination du parti, de ses statuts ou de son programme doit être déclarée dans les mêmes conditions et formes requises que pour sa constitution initiale. 

    ARTICLE 18 - Toute modification survenue au niveau de l'identité visuelle du parti, de ses instances dirigeantes, de son règlement intérieur ainsi que tout changement du siège du parti doivent être communiqués au ministère de l'intérieur, contre récépissé, dans un délai de quinze jours.

    ARTICLE 19. - Toute mise en place de structures du parti au niveau régional, provincial, préfectoral ou local doit faire l'objet d'une déclaration au siège de l'autorité administrative locale compétente, contre récépissé, dans un délai de quinze jours.

    La déclaration, faite par un mandataire du parti, doit mentionner les noms, prénoms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des dirigeants de ces structures, accompagnée des copies certifiées conformes de leurs cartes d'identité nationale.

    Toute modification survenue dans les structures régionales, provinciales, préfectorales ou locales du parti doit faire l'objet d'une déclaration dans les mêmes formes.

    TITRE III : DES STATUTS, DE L'ORGANISATION ET DE L'ADMINISTRATION DES PARTIS POLITIQUES

    ARTICLE 20. - Tout parti politique est tenu d'avoir un programme, des statuts et un règlement intérieur écrits. 

    ARTICLE 21. - Le parti politique doit être organisé et administré selon des principes démocratiques donnant vocation à tous les membres de participer effectivement à la direction des différents organes.

    Les statuts doivent prévoir le nombre proportionnel de femmes et de jeunes devant siéger dans les instances dirigeantes du parti.

    ARTICLE 22. - Tout parti politique doit disposer de structures organisationnelles nationales. Il peut également disposer de structures au niveau régional, préfectoral, provincial ou local.

    ARTICLE 23. - Le mode de choix et d'accréditation des candidats du parti aux différentes consultations électorales doit être fondé sur des principes démocratiques. 

    ARTICLE 24 - Les statuts fixent les règles relatives au fonctionnement du parti et à son organisation administrative et financière, conformément aux dispositions de la présente loi.

    Les statuts du parti doivent contenir notamment les mentions et prévoir les organes suivants :

    1- Nom et identité visuelle du parti,

    2- Attributions et composition des différents organes,

    1. 3- Droits et obligations des membres,

    2. 4- Mode de choix et organes d'accréditation des candidats du parti aux différentes consultations électorales,

    3. 5- Périodicité des réunions des instances,

    4. 6- Conditions d'admission et de démission des membres,

    5. 7- Sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux membres ainsi que les motifs les justifiant et les organes du parti auxquels il appartient de prononcer ces sanctions. 

    6. 8- Modalités d'adhésion à une union de partis.

    7. 9- Organe chargé du contrôle des finances du parti. 10- Organe d'arbitrage.

    ARTICLE 25. - Le règlement intérieur du parti précise les modalités de fonctionnement de chacun des organes du parti ainsi que les conditions et formes de réunion de ces organes.

    ARTICLE 26. - Nul ne peut être membre de plus d'un parti politique en même temps.

    ARTICLE 27. - Tout membre d'un parti politique peut s'en retirer temporairement ou définitivement et en tout temps, nonobstant toute clause contraire, à condition de satisfaire à la procédure prévue à cet effet par les statuts du parti.

    TITRE IV : DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

    ARTICLE 28. - Les ressources financières du parti proviennent :

    - des cotisations de ses membres,

    - des dons, legs et libéralités,

    - des revenus liés à ses activités sociales ou culturelles,

    - des subventions de l'Etat.

    ARTICLE 29. - L'Etat accorde aux partis politiques ayant obtenu au moins 5% des suffrages exprimés à l'occasion des élections générales législatives une subvention annuelle pour la contribution à la couverture de leurs frais de fonctionnement. Le montant global de cette subvention est inscrit dans la loi de finances.

    ARTICLE 30. - Le parti ne peut recevoir aucune subvention directe ou indirecte des collectivités locales, des établissements publics ou des sociétés dont le capital est détenu, en totalité ou en partie, par l'Etat, les collectivités locales ou les établissements publics.

    ARTICLE 31. - Le parti ne peut recevoir aucun don, legs ou libéralité, directe ou indirecte, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger ou d'un ressortissant étranger, ou d'une personne morale de droit marocain dont le capital est détenu, en totalité ou en partie, par un ou plusieurs étrangers.

    ARTICLE 32. - Tout versement de sommes d'argent au profit d'un parti politique doit se faire par chèque bancaire ou chèque postal.

    ARTICLE 33 - Les partis politiques doivent tenir une comptabilité. Ils sont tenus de déposer leurs fonds, en leur nom, auprès de l'établissement bancaire de leur choix.

    ARTICLE 34. - Les comptes des partis sont arrêtés annuellement. Ils sont certifiés par un expert comptable inscrit à l'ordre des experts comptables attestant la sincérité des comptes qu'il décrit.

    Les états financiers et annexes doivent être publiés dans un journal habilité à recevoir des annonces légales.

    Toutes les pièces comptables doivent être conservées pendant dix ans à compter de leur date.

    ARTICLE 35. - La répartition entre les partis politiques du montant de la participation de l'Etat au titre de la subvention annuelle est calculée sur la base :

    1- du nombre de sièges de chaque parti politique au Parlement, conformément à un état établi annuellement par les présidents des deux Chambres, chacun en ce qui le concerne, dans le mois qui suit la date d'ouverture de la session d'octobre

    2- du nombre de voix obtenues par chaque parti politique aux élections générales législatives.

    Un état des montants alloués à chaque parti est transmis à la Cour des comptes.

    Les modalités de répartition et le mode de versement de la subvention sont fixés par décret.

    ARTICLE 36. - Les partis politiques bénéficiaires de la subvention annuelle doivent justifier que les montants reçus par eux ont été utilisés aux fins pour lesquelles ils ont été accordés.

    ARTICLE 37. - La Cour des Comptes est chargée du contrôle des dépenses des partis politiques au titre de la subvention annuelle pour la couverture de leurs frais de fonctionnement.

    A cet effet, les partis politiques adressent à la Cour des Comptes, au plus tard le 31 mars de chaque année, un état accompagné des pièces justificatives des dépenses au titre de l'exercice écoulé.

    ARTICLE 38. - Toute utilisation, en totalité ou en partie, des aides financières de l'Etat, à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été versées, est considérée comme détournement de deniers publics, punissable à ce titre conformément à la loi.

    ARTICLE 39. - Le parti suspendu ne bénéficie pas de la subvention annuelle prévue à l'article 29 de la présente loi, au titre de la période durant laquelle il a été suspendu.

    ARTICLE 40. - Le parti qui ne réunit pas son congrès durant quatre années perd son droit la subvention annuelle prévue à l'article 29 de la présente loi.

    Le parti recouvre le droit de bénéficier de cette subvention à compter de la date de régularisation de sa situation.

    TITRE- V : DES UNIONS DE PARTIS POLITIQUES

    ARTICLE 41. -  Les partis politiques légalement constitués peuvent librement s'organiser en unions dotées de la personnalité morale, en vue d'oeuvrer collectivement à la réalisation d'objectifs communs.

    ARTICLE 42. - L'adhésion d'un parti politique à une union de partis doit être approuvée par l'organe habilité à cet effet, et selon les modalités prévues par les statuts du parti.

    ARTICLE 43. - L'union de partis politiques est soumise au même régime juridique que le parti politique, sous réserve des dispositions du présent titre. ARTICLE 44 - L'union de partis politiques doit faire l'objet d'une déclaration auprès du ministère de l'intérieur, contre récépissé, dans les trente jours suivant la date de sa constitution.

    La déclaration, dûment revêtue des signatures des représentants des partis politiques, habilités à cet effet par les statuts, doit indiquer les nom, identité visuelle et siège de l'union.

    Cette déclaration doit être accompagnée de trois exemplaires des statuts, de la liste des dirigeants de l'union et indiquer leur qualité dans l'union.

    ARTICLE 45.- Toute adhésion ou retrait d'un parti politique d'une union de partis doit être déclaré au ministère de l'Intérieur, contre récépissé, dans les quinze jours de sa survenance.

    ARTICLE 46. - Toute modification survenue au niveau du nom de l'union, de son identité visuelle, de son siège ou de ses dirigeants doit être déclarée au ministère de l'Intérieur, contre récépissé, dans un délai de quinze jours.

    ARTICLE 47. - L'Etat accorde aux unions de partis politiques, dont les partis membres ont obtenu un total d'au moins 5% des suffrages exprimés lors des élections générales législatives, une subvention annuelle pour la contribution à la couverture des frais de fonctionnement des partis qui la composent, sur la base :

    - du nombre total de sièges des partis de l'union au Parlement ;

    - - du nombre total de voix obtenues par les partis de l'union aux élections générales législatives L'union répartit le montant de cette subvention selon les règle fixées par ses statuts.

    A défaut de dispositions statutaires, ce montant est réparti proportionnellement au nombre de sièges et de voix obtenus par chaque parti.

    ARTICLE 48. - L'Etat accorde aux unions de partis politiques dont les candidats aux élections générales législatives, directement accrédités par l'union, ont obtenu un total d'au moins 5% des suffrages exprimés, une subvention annuelle pour la contribution à la couverture de leurs frais de fonctionnement, sur la base des critères fixés à l'article 47 ci-dessus.

    L'union répartit le montant de cette subvention selon les règles fixées par ses statuts.

    ARTICLE 49. - Les unions de partis adressent à la Cour des Comptes un état des montants alloués à chaque parti politique, conformément aux dispositions des articles 47 et 48 ci-dessus.

    TITRE- VI : DES SANCTIONS

    ARTICLE 50. - Lorsque les activités d'un parti politique portent atteinte à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur requiert du président du tribunal administratif de Rabat, statuant comme juge des référés, d'ordonner la suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux.

    Le tribunal administratif de Rabat statue sur la requête du ministre de l'Intérieur dans un délai maximum de trois jours.

    ARTICLE 51. - La suspension du parti et la fermeture provisoire de ses locaux sont ordonnés pour une durée de un à quatre mois.

    A la fin de ce délai, et à défaut de demande de dissolution, le parti recouvre tous ses droits sauf si le ministre de l'intérieur ne demande, dans les formes de l'article 50 ci-dessus, la prorogation de la suspension et de la fermeture provisoire des locaux du parti pour une durée qui ne peut dépasser deux mois.

    ARTICLE 52. - En cas d'inobservation des formalités de la présente loi, le ministre de l'Intérieur saisit les instances dirigeantes aux fins de régularisation de la situation du parti.

    A défaut de régularisation dans le délai d'un mois, le ministre de l'Intérieur demande la suspension du parti dans les formes et conditions prévues par les articles 50 et 51 ci-dessus.

    ARTICLE 53- Le tribunal administratif de Rabat est compétent pour connaître des requêtes en déclaration de nullité, prévues aux articles 4 et 15 de la présente loi, ainsi que des requêtes en dissolution en cas de non-conformité à la loi, à l'initiative de toute personne intéressée ou du ministère public.

    Le tribunal saisi peut ordonner à titre de mesure conservatoire, et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et l'interdiction de toute réunion des membres du parti. 

    ARTICLE 54.- Quiconque aura participé au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte d'un parti politique dissous conformément à la présente loi, est passible d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 20.000 à 100.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement.

    Les mêmes peines sont applicables aux personnes qui auront favorisé la réunion des membres du parti dissous.

    ARTICLE 55.- Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 52 ci-dessus, est passible d'une amende de 20.000 à 100.000 dirhams toute personne qui, en violation des dispositions des articles 5, 6 et 26 a adhéré à un parti ou accepté l'adhésion de personnes ne remplissant pas les conditions prévues aux mêmes articles.

    ARTICLE 56 - Est passible d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 10.000 à 50.000 dirhams quiconque a reçu des fonds d'un Etat étranger, d'une personne morale de droit étranger, d'un ressortissant étranger, ou d'une personne morale de droit marocain, dont le capital est détenu, en totalité ou en partie, par un ou plusieurs étrangers, en vue de la constitution ou du fonctionnement d'un parti politique.

    ARTICLE 57. - Sera dissous, par décret, tout parti politique qui provoquerait à des manifestations armées dans la rue, ou qui présenterait, par sa forme et son organisation militaire ou paramilitaire, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ou qui aurait pour but de s'emparer du pouvoir par la violence, de porter atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l'intégrité territoriale du Royaume.

    ARTICLE 58. - Quiconque aura participé au maintien ou à la reconstitution directe ou indirecte d'un parti dissous conformément à l'article 57 ci-dessus, est passible de la réclusion de 5 à 10 ans et d'une amende de 20 000 à 100 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement.

    ARTICLE 59.- En cas de dissolution spontanée, les biens du parti sont dévolus conformément aux statuts. A défaut de règles statutaires relatives à la dissolution, le congrès détermine les règles de la liquidation.

    Au cas où le congrès ne se prononce pas, le tribunal de première instance de Rabat fixe les modalités de la liquidation à la demande du procureur ou de toute personne intéressée.

    En cas de dissolution judiciaire ou administrative, la décision de justice ou le décret de dissolution fixeront les modalités de liquidation conformément aux dispositions statutaires ou par dérogation à celles-ci.

    TITRE- VII : DISPOSITIONS TRANSITOIRES

    ARTICLE 60. - A compter de sa publication au bulletin officiel, la présente loi abroge et remplace toutes dispositions législatives antérieures relatives aux partis politiques et aux associations à caractère politique.

    ARTICLE 61. - Les partis politiques existants à la date de la publication au bulletin officiel de la présente loi doivent se conformer, dans un délai de deux ans, à ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la constitution initiale. Cette mise en conformité a lieu au cours d'un congrès extraordinaire du parti.

    A l'issue de ce congrès, un mandataire du parti dépose au ministère de l'intérieur un dossier comportant le procès verbal du congrès, accompagné de la liste des noms de l'ensemble des congressistes avec leurs signatures et numéros des cartes d'identité nationales, ainsi que trois exemplaires des documents adoptés par le parti.

    * * *

    BIBLIOGRAPHIE :

    OUVRAGES :

    - Ignace Dalle, Les trois Rois, La monarchie marocaine de l'indépendance à nos jours, Fayard, 2004.

    - Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisée, Maisonneuve et Larose, 2001.

    - Bernard Cubertafond, Le système politique marocain, L'Harmattan, 1997.

    - Dominique Andolfatto, Les partis politiques, quelles perspectives ?, L'Harmattan, 2001.

    - Bertrand Badie, l'Etat Importé, l'occidentalisation de l'ordre politique, Fayard, 1992.

    - Mohamed Tozy, Monarchie et islam politique au Maroc, Presses de science po, 2ème édition, 1999.

    - Ouvrage collectif, Les régimes politiques arabes,

    - Ouvrage collectif, Dictionnaire de Politique, Le présent en question, Larousse.

    - John Waterbury, Le Commandeur des croyants, Imprimerie des Presses universitaires de France, 1975.

    - Faupin Hervé, le contrôle du financement de la vie politique, partis et campagnes, LGDJ, 1998.

    REVUES :

    - Maria Angeles Lopez Plaza, «  les femmes sur la scène politique », Confluences Méditerranée, n° 31, Automne 1999.

    - Mouaad Rhandi, « La patte de l'Intérieur », Le Journal Hebdomadaire, du 5 au 11 juin 2004.

    - Nadia Hachimi Aloui, « le Maroc va-t-il vers la « feuille de route » de Bush ? », Le Journal Hebdomadaire, n° 143, du 17 au 23 janvier 2004.

    - Omar Brouksy, « le défie de la Gauche », n° 155, du 10 au 16 avril 2004.

    - Omar Brouksy, « Une loi éradicatrice », Le Journal Hebdomadaire, n°181, du 6 au 12 novembre 2004.

    - « entretien avec Abdlatif Agnouch », Le Journal Hebdomadaire, n° 181, du 6 au 12 novembre 2004.

    - Karim Boukhari, « Le Roi a dit », Telquel, n°141.

    - « Loi sur les partis : L'histoire d'un projet mort-né », Telquel, n° 141.

    - Ahmed R.Benchemsi, « Loi sur les partis: étude de texte », Telquel, n°150,

    - Ahmed R.Benchemsi et Driss Ksikse, « réécrivons la constitution », Telquel, n° 173.

    QUTIDIENS :

    - le Matin, « projet du loi relative au partis politiques », le24/11/2004.

    - La Vie Economique, « les dispositions les plus saillantes du projet », le 29/10/2004.

    - L'Economiste, Nadia Lamlili « Les partis politiques à l'Etat... », le 20/10/2004.

    - al-Ahdat al-Maghribia, n° 2190, le25/01/2005

    - al-Ahdat al-Maghribia, n° 2191, le26/01/2005

    - el-Yasar el- Mohad,n° 66, du 15 à 21/09/2004.

    -el-Yasar el- Mohad, Ali Karimi, « la scène politique et partisan entre la logique sécuritaire et la logique d'organisation », n° 75, du 17 à 23/01/2005.

    - el-Yasar el- Mohad,n° 76, du 24 à 30/12/2004.

    - Cahiers politiques, n° 67, le 01/2005.

    - Itihad al-Ichtraki, Ahmed Mofid « projet du loi sur les partis politiques : une étude analytique », n° 7795, le 16/12/2004.

    - Assahifa,n° 181, du 20 à 26/09/2004.

    ARTICLES :

    - Malika Zeghal, « Religion et politique au Maroc aujourd'hui », novembre 2003, Institut Français des relations internationales.

    - Mohamed Tozy, Béatrice Hibou, «Les enjeux des élections au Maroc»,

    SITES INTERNET :

    -www.atlasvista.info

    -www.africatime.com

    -www.albayan.ma

    -www.laconscience.com

    -www.lexpresse.fr

    -www.monde-diplomatique.fr

    * 1 - Bertrand Badie, l'Etat Importé, l'occidentalisation de l'ordre politique, Fayard, 1992.

    * 2 - Idem

    * 3- Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisée, Maisonneuve et Larose, 2001.

    * 4 - John Waterbury, Le Commandeur des croyants, Imprimerie des Presses universitaires de France, 1975

    * 5- Ignace Dalle, Le règne de Hassan II 1961-1999, Une espérance brisé.,op.cite.

    * 6 - John Waterbury, Le Commandeur des croyants, op. cit.

    * 7 -Telquel, version électronique, n° non communique.

    * 8 - Pierre Vermeren, Le Maroc en transition, La Découverte, 2002.

    * 9 - le Reporter, version électronique du 29 novembre au 5 décembre 2001.

    * 10- Telquel, n° 141, 16 juin 2005.

    * 1 -Telquel, n°141, 16 juin 2005.

    * 2 - le journal Hebdomadaire du 5 au 11 juin 2004.

    * 3 - Le Matin du Sahara et du Maghreb, 29/10/2004, « check-up et mise à niveau nécessaires et incontournables : Avant- projet de loi relatif aux partis politiques".

    * 4 -Dafaters Siyasi, n°67, janvier 2005, Mohamad Elhali, « la constitutions juridique des partis politiques au Maroc ».

    * 5 - Mohamed Tozy, Béatrice Hibou, «Les enjeux des élections au Maroc». Source non communique.

    * 6 -« Pourquoi Driss jettou a été nommé Premier ministre »,le Reporter, version électronique du 14 octobre 2002.

    * 7 -« un Premier ministre en dehors des partis », site de RFI, article de Isabelle Broz publié le 10/12/2002.

    * 8 -« L'avenir compromis du gouvernement Jettou », Olfa Lamloum, courrier International sur le site: africtime.com/maroc.

    * 9 -« Tour de vis sécuritaire au Maroc » Ali Sarafi, juillet 2003, le Monde Diplomatique,p20.

    * 10 - Ibid.

    * 11 -« Le Maroc va-t-il vers la « feuille de route » de Bush ? », Nadia Hachimi Aloui, Journal Hebdomadaire, n° 143, du 17 au 23 janvier 2004.

    * 12 - Abdesselam el Ouazzani, « L'avant-projet de loi sur les partis politiques : un état des lieux »16 décembre 2004, Libération, sur le site: www.conscience.com.

    * 13 -Ibid.

    * 14 - Ibid.

    * 15 -Mohamed Boulamy, el Yassar el Mohad. « Quel loi attende les partis politiques marocain"?   n°66, 15/21 Octobre 2004.

    * 16 -la Vie économique, « Les dispositions les plus saillantes du projet », version électronique du 25 novembre 2004.

    * 17 - Telquel ,« Loi sur les partis : étude de texte », Ahmed Reda Benchamsi, ,n°150, 15 juin 2005.

    18 - Grand festival de fantasia. 19 -Ibid,la Vie économique. 20- el-Ittihad Ichtraki, «L 'avant-projet du loi sur les partis politiques : une étude analytique » Ahmed Mofid n°7795,16 dec2004 . 21 - Ibid.el-ittahad el-Ichtraki, op., cit. 22 -Ibid,Telquel, op., cit. .

    *

    *

    *

    * 23 - Ibid. ,Telquel, op, cit.

    * 24 - Maria Angeles Lopez Plaza, «  les femmes sur la scène politique », Confluences Méditerranée, n° 31, Automne 1999.

    * 25 -« Les jeunes au Maroc : de la désaffection au désenchantement », site Internet : atlasvista.info.

    * 26 -Ibid.

    * 27 - Ahmed R.Benchemsi, « Loi sur les partis: étude de texte », Telquel, n°150,

    * 28 - Ibid.

    * 29 -Ibid, Telquel, op., cit.

    * 30 - Journal Hebdomadaire, « Entretien avec Abdellatif Agnouch », , n°181 du 6 au 12 novembre 2004.

    * 31 - el yasar el Mouhd,"L'avant-projet de loi sur les partis: une premier lecture", Ali Karimy n°75, 17/23 décembre 2004.  

    * 32 - Abdesselam El Ouazzani," L'avant-projet de loi sur les partis politiques : un état des lieux",16 décembre 2004, sur le site Internet: www.laconscience.com.

    * 33 - Assahifa,n°183, 3/9 Novembre 2004.

    * 34 - Ibid.

    * 35 - Ibid.

    * 36 - Ibid.

    * 37 - l'Economiste, édition électronique du 20/10/2004, Nadia lamlili, « Les partis politique à l'Etat : « financez-nous, mais restez à l'écart ». .

    * 38 - Bernard Cubertafond," Le système politique marocain", L'Harmattan, 1997.

    * 39 - Le journal Hebdomadaire, « Le défi de la gauche »,O.B, , n° 155 du 10 au 16 avril 2004.

    * 40 - Ibid.

    * 41 - Ibid.

    * 42 - Aziz Nahal,"Une transition verrouiller", Confluences Méditerranée, n°31, Automne 1999.

    * 43 - Telquel, « Réécrivons la constitution », Driss Ksikes et ARB, , n° 173, 15 juin 2004.

    * 1 - Assahifa, n° 195, 1 fév. 2004, dossier « Les secrets de l'argent et des partis ».

    * 2 -Ibid.

    * 3 - Ibid, Assahifa, op.cit.

    * 4 - Ibid.

    * 5- Ibid.

    * 6 -Ibid.

    * 7 - Telquel, Ahmed R.Benchemsi, « Loi sur les partis: étude de texte », n°150.

    * 8 - Ibid, Assahifa, op.cit.

    * 9 - Ibid, Ingnace Dalle, op.cit.

    * 10 - Table ronde organise par l'UC sous le thème « Etude comparative des lois relatives aux partis politiques » à Casablanca, le 29 juin 2004, avec la collaboration de l'Institut National Démocratique NDI.

    * 11 - Ibid.

    * 12 - Ibid.

    * 13-Faupin Hervé," le contrôle du financement de la vie politique, partis et compagnes", LGDJ, 1998.

    * 14 -Ibid.,Telquel, op. Cit.

    * 15- Ibid, Abdesselam El Ouazzani,op.cit.






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