Comment augmenter la demande de soins des pauvres( Télécharger le fichier original )par Dosseh Aglè Djadou Université d'Auvergne (Cerdi) - Master Professionnel "Economie du développement dans les pays en développement et en transition 2006 |
2.2/ Augmenter la demande de soins des pauvres en agissant sur la distanceLes mesures portant sur la distance sont variées et des effets positifs sur la demande de soins des pauvres sont le plus souvent rapportés. Une intervention mise en place à l'ouest du Nigéria avec les syndicats de transporteurs vise à mettre à disposition de la population et en particulier, les malades, un moyen de transport fiable et à prix abordable (Shebu, Ikeh et Kuna, 1997). Un fonds initial en faveur du carburant a été mis en place avec l'aide de contributions provenant des usagers. Les chauffeurs ont été formés au respect des passagers en se passant de fumer, parler à haute voix et la nécessité d'avoir la patience. En Sierra Léonne, un projet similaire a fourni des radio-téléphones pour appeler les voitures en cas d'urgence obstétrique pour transporter les femmes à l'hôpital (Samal et Seneh, 1997). Ces deux interventions peuvent aussi avoir le mérite non seulement d'améliorer l'accès aux soins des pauvres, mais aussi de changer leur comportement dans la mesure où elles colportent certains aspects sociaux (ne pas fumer, la patience, ne pas parler à haute voix, le respect des passagers). Une évaluation a abouti à la conclusion selon laquelle ces interventions ont de façon substantielle fait augmenter le nombre de femmes enceintes fréquentant les centres de santé. Toujours pour supprimer les barrières à la demande de soins des pauvres constituées par la distance, d'autres interventions ont été réalisées ailleurs. Il s'agit d'établir des maisons d'attente de maternité à proximité des hôpitaux de district10(*). Ce type d'intervention a été mis en oeuvre au Zimbabwe, en Ethiopie, au Ghana et en République Démocratique du Congo. Dans les deux premiers pays, les interventions ont conduit à une forte utilisation des centres de santé à laquelle est associée un faible taux de complication des accouchements (Poovan, Kifle, et kwast, 1990 ; van Roosmalen et van Wiechen, 1998). Par contre dans les deux derniers pays, ce même type d'intervention a eu des impacts moins positifs. La raison est que les infrastructures sont localisées dans des endroits déserts et manquent de bons équipements pour faire la cuisine (Hildebrandt, 1996 et Post, 1997). Ces études mettent de plus en plus l'accent sur la nécessité de consulter les communautés sur une intervention potentielle avant de faire tout investissement. Le but de cette consultation est de s'assurer de l'appropriation et du bien fondé des interventions par les pauvres pour augmenter la demande de soins. 2.3/ Augmenter la demande de soins des pauvres en agissant sur la qualité des soinsLa qualité des soins de santé est un élément déterminant de la demande de soins de santé et plus particulièrement dans le choix entre un centre de santé moderne et la médecine traditionnelle d'une part et entres structures publiques et privées d'autre part. Toute chose égale par ailleurs, en assurant la qualité des soins dans les centres de santé modernes, la demande de soins dans ces structures ou la fréquentation de ces structures de soins peut substantiellement augmenter. Pour assurer la qualité des soins dans ces structures de santé, les réformes en matière de politique sanitaire peuvent porter sur l'amélioration de la disponibilité et l'accessibilité de médicaments, la formation du personnel de santé sur les protocoles thérapeutiques, le renforcement de la capacité de gestion et sur l'amélioration de la capacité managériale (Mukesh et Randall, 2000). 2.3.1/ La disponibilité et l'accessibilité des médicaments.Les médicaments sont des facteurs importants au bon fonctionnement des centres de santé. Les patients perçoivent la disponibilité de médicaments dans une structure sanitaire comme un indicateur de qualité. Malgré le progrès substantiel pour augmenter l'accès aux médicaments essentiels pour la population, une partie importante de la population mondiale (plus du tiers de la population mondiale et plus de la moitié dans les zones les plus pauvres d'Afrique et d'Asie) continue de souffrir d'un accès limité aux médicaments essentiels (WHO, 2000). Une grande partie des dépenses de santé des ménages est constituée par les dépenses en médicament (WHO, 2002). On peut donc comprendre que pour les ménages pauvres, les dépenses de santé ne deviennent insupportables et contribuent de façon substantielle à réduire leur demande de soins de santé et à recourir à d'autres types de structure de soin. Comment peut on accroître l'accès aux médicaments aux pauvres? Il existe une solution classique qui consiste à subventionner les médicaments destinés à un groupe cible de la population (les pauvres). Les médicaments ont un taux de co-paiement élevé, mais des exemptions et des exceptions ponctuelles sont accordées à certains groupes cibles (Gilson, Russell et Buse, 1995). Ces groupes sont souvent larges et, en pratique, les patients plutôt que les services sont exempts des frais des médicaments, ce qui cause à long terme des problèmes au niveau de la soutenabilité des subventions. En effet, une femme enceinte qui a bénéficié de médicaments gratuits peut les redistribuer aux membres d'autres familles ou bien les leur en vendre. Les plans de financement communautaires du fait qu'ils colportent le phénomène de hasard moral limitent l'effet des subventions pour les personnes pauvres (Attim, 1999 ; Bennett, Creese et Monasch, 1998 ; Gilson et autres, 2001). L'expérience montre que la réussite d'un programme d'exemption dépend dans une large mesure de l'existence du fonctionnement d'un mécanisme de financement pour compenser les pertes de revenus issu de la subvention des médicaments (Bitran et Giedion, 2003). Les dispenses accordées aux pauvres apparaissent plus réussies à travers les systèmes de carte dont la distribution effective aux personnes pauvres a nécessité l'implication des autorités (Gilson, Russell et Buse, 1995). Toutefois, dans plusieurs cas, les systèmes d'exemption n'ont pas donné les résultats escomptés. C'est l'une des raisons pour lesquelles, le Ghana est en train de remplacer les systèmes d'exemption par des modèles d'assurance maladie qui offrent des subventions aux membres pauvres. Une autre manière de cibler les médicaments aux pauvres est de s'assurer que les populations dans les zones démunies ont reçu une allocation de ressources destinées à l'achat de médicaments qui correspondent à leurs besoins. Cette technique de financement11(*), bien que, utilisée pour financer certaines dépenses courantes dans des pays comme le Ghana et la Tanzanie demeurent encore non appliquée au budget de médicaments. Améliorer l'accessibilité des médicaments aux pauvres peut aussi passer par une politique cohérente de prix qui assure des prix abordables pour les médicaments. Cette idée est à la base de l'initiative de Bamako qui prévoit le recours aux médicaments essentiels génériques. Ces médicaments ont la particularité d'être moins chers du fait que ce sont des médicaments qui ne sont plus sous l'emprise des brevets. En conséquence, ces médicaments sont exempts des coûts de recherche qui sont liés à leur fabrication ; ce qui contribue substantiellement à réduire leur prix de vente. Les politiques pharmaceutiques nationales doivent donc privilégier l'amélioration de l'accès aux médicaments génériques qui à un prix faible ont une même efficacité thérapeutique que les princeps. Ceci est un grand atout pour les pauvres dont le pouvoir d'achat s'améliore. Un autre outil pour contrôler le prix des médicaments et de les rendre plus accessibles est l'établissement d'une liste de médicaments essentiels, couplé à une politique rationnelle d'approvisionnement (Laing, Hogerzeil et Ross-Degnan, 2001). Assurer l'accessibilité des médicaments pour les pauvres entraîne des implications importantes. En effet, les pauvres recourent à l'automédication plus que les riches (Ching, 1995 ; Gilson et autres 2001). Le recours à l'automédication compromet les bénéfices potentiels issus de l'amélioration de l'accès aux médicaments pour les pauvres. L'éducation à la santé et la construction d'une confiance entre prescripteurs et patients, doivent accompagner toute politique sanitaire pharmaceutique pour faire face à ces problèmes (Oliveira-Cruz, Hanson et Mills, 2001). * 10 Aucune étude n'a été faite par rapport à ce type d'intervention pour déterminer les possibilités de sélection adverse qui peuvent provenir de l'utilisation de ces infrastructures par certains types de femmes. * 11 Cette technique est appelée Needs-based Geographical Ressource Allocation |
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