Conclusion générale du mémoire
Ce travail nous aura montré que l'adoption est un vaste
chantier à explorer. Le thème de l'intégration des
adolescents adoptés d'origine étrangère l'est encore plus.
L'adoption n'est pas un phénomène familial anodin, il peut poser
des difficultés aux jeunes et aux familles concernées. Même
si l'adoption est un acte d'amour et de désir d'enfant, il est certain
que les adolescents se poseront toujours des questions sur leur
identité, sur leurs racines ; même s'ils n'en parlent pas.
C'est quelque chose de tellement personnel que cela peut même devenir
tabou parfois.
Notre travail nous a donc permis de comprendre le
phénomène de l'adoption, à travers le regard des
adolescents adoptés au Québec, à Montréal. Nous
avons pu ainsi entrer dans le vécu même des adolescents
adoptés, comprendre comment ils ressentaient la notion d'abandon, qui a
un sens fort au niveau sociologique et psychologique.
Une des questions principales du mémoire était
du connaître les facteurs qui favorisent, qui aident l'adolescent
à s'intégrer. Est-ce le fait d'appartenir à une
association d'aide à l'adoption ou une association autre ? Est-ce
le fait de rechercher et de trouver ses origines qui permet de faire le
« deuil » de son enfance, de son adolescence, afin de
commencer sa propre vie ?
Comme nous l'avons dit longuement dans ce mémoire,
l'adolescence peut être une période confuse pour certains jeunes.
Ceux qui ont été adopté ont des besoins particuliers en
terme de création de leur identité et d'équilibre entre
leur besoin d'encadrement et de liberté. Ils doivent composer avec des
sentiments de rejet et d'abandon et ils ont besoin de se réapproprier
leurs racines. Lors de demande de retrouvailles, nous avons vu que des parents
adoptifs ouverts et compréhensifs, qui ne se sentent pas remis en
question par la démarche de leur adolescent, peuvent aider beaucoup
celui-ci à trouver son chemin. Avec cette aide, les adolescents
adoptés peuvent franchir cette étape cruciale de leur vie aussi
bien que les adolescents qui n'ont pas été adoptés. Ils
peuvent même forger des liens familiaux encore plus forts qui
continueront de nourrir leurs relations futures.
Les enfants adoptés à l'étranger ne font
pas exception aux autres enfants adoptés de façon interne (au
Québec). Ils ont eux aussi à assumer l'expérience de perte
et de deuil que représente la rupture définitive avec leur
famille biologique (en cas d'adoption fermée). Il a de plus la perte de
la culture d'origine, mais nous avons vu que de nombreux adolescents
s'intéressent à cette partie, et entament des recherches sur le
pays, ou sur leur famille biologique. Les adolescents adoptés doivent
donc apprendre à vivre avec ce qu'ils sont, leur passé, leur
histoire, et leur vie au sein de leur famille adoptive, au sein de la
société québécoise.
Tout au long de la partie analytique de ce mémoire,
nous avons apporté des réponses aux hypothèses que nous
nous étions posés. Il y a différents
éléments qui favorisent l'intégration et la
création d'identité des adolescents adoptés.
Nous avons pu voir que le contexte familial est très
important pour le développement des adolescents adoptés, afin de
favoriser leur intégration au sein de la société
québécoise. Le danger pour les parents adoptifs est d'avoir le
sentiment d'avoir « sauvé » leur enfant de la
misère de son pays en l'adoptant. Il ne faut pas que l'adoption soit
fait comme un geste humanitaire car cela provoque bien souvent des
problèmes entre les parents et l'enfant adopté. Le
non-intéressement des parents pour la culture d'origine de l'adolescent
est perçu comme une négation d'eux-mêmes.
L'intérêt porté à la culture d'origine et sur
l'adolescent est très important pour son développement et son
estime personnelle. Les relations qu'entretient l'adolescent avec ses parents
peuvent se refléter dans les relations qu'il aura avec la
société en général.
L'implication familiale dans le milieu de l'adoption peut
être importante pour l'intégration sociale et familiale des
adolescents. Les adolescents dont les parents sont actifs dans le milieu de
l'adoption ont moins de difficultés que les autres à parler de
leur adoption. Pour résumer, le plus le milieu familial est
ouvert au sujet de l'adoption, et plus l'adolescent sera à
l'aise avec cela. Par exemple, le fait d'appartenir à une famille
nombreuse où tous les enfants ont été adoptés aide
à l'intégration et au sentiment d'être bien. Les relations
familiales élargies sont elles aussi importantes. En particulier
lorsqu'un conflit éclate dans la famille à cause de l'adoption de
l'adolescent. Celui-ci peut ressentir une forte culpabilité, et une
honte par rapport à son adoption.
Une des hypothèses du mémoire était de
vérifier si le comportement des adolescents vis-à-vis de
l'adoption avait un impact sur l'adolescent et son intégration.
D'après ces entretiens, nous pouvons dire que les adolescents
perçoivent de façon positive d'avoir été mis
tôt au courant de leur adoption. Le dialogue parent enfant est
extrêmement important dans les relations familiales. Il l'est encore plus
dans le cas d'une adoption internationale de surcroît.
L'intégration familiale de l'adolescent sera largement
favorisée si les parents adoptifs ont toujours abordé la question
de l'adoption, et su répondre aux différents questionnements de
l'adolescent. Plus de la moitié des adolescents ayant fait l'entretien
ont confié que le fait de savoir qu'ils avaient été
adoptés les a aidé à se développer et
s'intégrer. L'adoption dans le secret n'en aurait été que
plus lourde à porter.
C'est pourquoi les adolescents adoptés reconnaissent
majoritairement que le fait d'avoir toujours su qu'ils avaient
été adoptés les a aidé à se construire et
à s'intégrer dans la société ; car ils
savaient qui ils étaient.
Nous pouvons aussi dire que des activités de
post-adoption permettent l'intégration sociale des adolescents, qui
appartiennent ainsi à un groupe. Ils ne sont plus différents mais
compléments d'un groupe qui a besoin d'eux pendant les matchs de soccer
par exemple, ou pendant une réunion avec d'autres adoptés.
L'activité sportive ou culturelle peut aussi être
le moyen de découvrir de façon ludique sa culture d'origine.
Pratiquer une activité en lien avec sa culture d'origine peut être
facteur de création d'identité et d'intégration au sein
d'un groupe ethnique.
Nous avons aussi vu que certains adolescents ont
véritablement connu le racisme, qui peut être un frein à
leur intégration au Québec. Certains d'entres eux ont
déjà été rejetés, de part leur couleur de
peau. Ces rejets peuvent donc parfois expliquer le type d'identité
créée par l'adolescent. Il façonne son identité
selon ses expériences de relations sociales. C'est pourquoi l'accueil
des personnes d'origines étrangères est très important
pour l'intégration. La société a un vrai rôle dans
cela.
Nous pouvons dire que certains adolescents adoptés
peuvent avoir des problèmes d'intégration par rapport aux autres
adolescents. Le fait de venir d'ailleurs, d'un autre pays que le Québec
ajoute une question au mystère de l'adoption. Ce qui explique la
nécessité qu'ils éprouvent à retrouver leurs
origines. Cependant, ce besoin de savoir qui l'on est, d'où l'on vient
s'exprime différemment selon le caractère de l'adolescent, son
milieu d'accueil, ses parents adoptifs, etc.
Le facteur des origines étrangères est un
élément important dans l'intégration d'un adolescent. Les
adolescents adoptés doivent savoir combattre cela et avancer.
Les adolescents adoptés ont donc relativement une
bonne intégration au Québec. Mais cela n'est pas sans mal. Ils
vivent le rejet des autres (école, vie de quartier, activités
extra-scolaires), des enfants comme des adultes. L'adolescent doit plus que
jamais se battre contre les préjugés sur les étrangers qui
perdurent au Québec. L'adolescent doit apprendre à concilier sa
double identité, québécoise et d'origine. Certains auront
besoin de faire des démarches de retrouvailles, pour mettre un visage
sur leur famille d'origine. D'autres préféreront garder ces
images dans leur imaginaire et se contentent du roman familial qu'ils se sont
inventés.
Au-delà des réponses apportées à
la problématique, ce travail m'aura beaucoup apporté. Les
entretiens, se sont avérés très enrichissants pour moi, et
pour les adolescents aussi. Ce fût des échanges très
intéressants, tant sur le plan du travail social, car j'ai pu voir quels
étaient les besoins de ces adolescents, tant sur le plan humains car les
échanges étaient vraiment très intéressants.
Ces entretiens ont de plus permis de « rendre
service » aux adolescents, car certains ne connaissaient pas les
services de post-adoption de Montréal. J'ai ainsi pu, à la fin de
l'entretien, répondre à leurs questions et les orienter vers le
service adéquat quand il y avait un besoin. Ce mémoire m'aura
permis, d'une certaine manière, de faire un pas dans le travail
social, puisque j'ai pu aider certains adolescents en demande de services
spécifiques dans le domaine de l'adoption.
J'ai malgré tout conscience que ces entretiens ne
reflètent peut-être pas la réalité des adolescents
d'origine étrangère, car ce n'est qu'un petit échantillon
(quatorze adolescents) qui a répondu à l'appel de cette
recherche. Peut-être que les adolescents mal intégrés et
ayant des problèmes familiaux ne désirent pas témoigner de
tout ceci. Cependant, les entretiens effectués ont permis de
représenter différentes catégories d'adolescents. Ils
peuvent se diviser en trois groupes ; comme nous l'avons souligné
pour les stratégies identitaires. Il y a les adolescents qui se sentent
québécois à part entière, et se perçoivent
même comme « blancs », de même façon que
leurs parents. Ce groupe ne s'intéresse pas vraiment à son pays
d'origine. Ils ne se sentent pas concernés par leur culture d'origine et
n'éprouvent pas le besoin de faire des retrouvailles. Le second groupe
est plus partagé dans une double identité assumée. Ils
assument la culture québécoise qu'ils ont en eux, mais aussi la
partie plus mystérieuse de leur pays d'origine, qu'ils ne
renient pas. Avoir cette double identité les fait sentir citoyen du
monde, ils appartiennent à plusieurs cultures et en sont fiers. Enfin le
dernier groupe, le plus minoritaire, se sent plutôt appartenir à
la culture de leur pays d'origine. Dans ces cas-là, il peut y avoir des
problèmes d'attachement avec la famille d'accueil de part les
questionnements qui se posent.
Pour répondre à la question de
l'intégration, celle-ci se manifeste de façon crescendo
selon le groupe identitaire d'appartenance. On pourra dire que plus
l'adolescent sent appartenir à sa culture d'origine, et moins il sera
intégré. Cela s'explique par le manque qu'il éprouve
vis-à-vis de son pays et de sa famille biologique. Alors que le premier
groupe se verra assez bien intégré de part son
désintéressement à son pays d'origine et son
investissement dans sa vie québécoise.
Il convient d'insister sur le fait que la couleur de peau aura
posé des difficultés à certains adolescents. La plupart
d'entre eux ont déjà ressenti et vécu le racisme à
leur âge. On peut donc imagine ce qui les attend durant leur vie
d'adulte. Sauront-ils gérer cela au quotidien, avec leur propre famille,
leurs propres enfants ? Nous pourrions proposer comme sujet d'ouverture la
construction de la propre famille de l'individu adopté. Quels types de
familles les personnes adoptées privilégient-elles ?
Ont-elles désirés des enfants ? De quelles manières
ont-elles eu ces enfants ?
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