L'Organisation des Nations Unies face aux conflits armés en Afrique: Contribution à une culture de prévention( Télécharger le fichier original )par Franck Armel O. Afoukou Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Diplome de fin de formation au Cycle I de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature du Bénin 2005 |
Deuxième partieVERS UNE CULTURE DE PREVENTION DES CONFLITS ARMESA ujourd'hui, l'idée d'une prévention des conflits armés s'impose comme une nécessité, notamment en Afrique. La communauté internationale semble avoir acquit la conviction et la preuve qu'il vaut mieux prévenir les conflits que d'essayer d'y mettre fin ou d'en atténuer les manifestations. L'orientation vers la prévention est importante au sein des Nations Unies, si l'Organisation compte encore jouer un rôle dans le maintien de la paix et redorer son blason. C'est compte tenu de cela que le Secrétaire général de l'Organisation a émis l'idée de faire de la prévention des conflits, la pierre angulaire du système de sécurité collective des Nations Unies au XXIè siècle59(*). Cette proposition représente un pas essentiel vers l'enracinement d'une véritable culture de prévention des conflits armés. La culture de prévention peut être considérée comme un mode d'action qui sera omniprésent dans la stratégie des conflits et qui consistera à détecter, aussitôt que possible, toute menace à la paix et à la sécurité internationales et à prendre des mesures adéquates afin d'empêcher tout recours aux armes. Divers mécanismes peuvent permettre à l'Organisation mondiale de prévenir les conflits armés (Chapitre I). Toutefois, pour que la paix soit durable, nous explorerons des approches en vue d'une meilleure prévention (Chapitre II). CHAPITRE I : LES MECANISMES DE PREVENTION DES CONFLITS ARMES
L'ONU a développé certains mécanismes de prévention des conflits armés. Le plus ancien est celui de la diplomatie classique mise au service de la prévention des conflits (Section I). Le concept plus récent de consolidation de la paix promu par M. Boutros BOUTROS-GHALI dans son rapport Agenda pour la paix, englobe également des mécanismes pratiques susceptibles de contribuer à la prévention des conflits armés dans un contexte post-conflit (Section II).
SECTION I : LA DIPLOMATIE PREVENTIVELa diplomatie préventive est conçue comme la plus souhaitable et la plus efficace utilisation de la diplomatie dans le but « ... d'éviter que des différends ne surgissent entre les parties, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible60(*) ». Sa mise en oeuvre (§2) suppose que soient obtenues à temps des informations sur les risques de conflits (§1). Paragraphe I : L'information : socle de la diplomatie préventiveA la base de la prévention, se trouve l'information. Mais sa collecte (A) n'est pas une fin en soi. Elle doit se fonder sur le souci majeur d'alerter rapidement la communauté internationale (B). Elle consiste en un regroupement d'une masse de données. Ces dernières doivent porter aussi bien sur les tendances économiques et sociales que sur les évènements politiques pouvant susciter de dangereuses tensions61(*). C'est pour satisfaire à la recommandation du Conseil de sécurité de donner la priorité aux activités préventives que le Département des Affaires Politiques (DPA) a été mis en place au sein du Secrétariat. La collecte d'informations est aujourd'hui sa fonction principale. Il est organisé de manière à « ...suivre l'évolution politique dans le monde, pour pouvoir repérer très tôt les risques de conflits et analyser les possibilités d'actions préventives62(*) ». Le DPA témoigne du consensus autour de l'idée que c'est au Secrétaire général qu'incombe la direction principale de la diplomatie préventive et de la collecte d'informations sur les conflits naissants et à venir. Une politique préventive suppose, en effet, que l'on dispose à temps d'une information fiable pour avoir une vue d'ensemble sur les situations porteuses de conflits. Les informations proviennent pour la plupart de divers organismes des Nations Unies, des autres Organisations internationales et des canaux de renseignement des Etats membres - avec les réserves nécessaires quant à leur fiabilité ou leur sélectivité. Il convient de remarquer ici qu'aucune collaboration avec des organismes non gouvernementaux n'est explicitement prévue63(*) afin d'obtenir un son de cloche autre que celui émis officiellement. Pourtant, « Les ONG sont souvent les premières à savoir ce qui se passe dans les zones de crises et à agir, et disposent souvent d'une montagne d'informations sur les circonstances et les griefs donnant lieu à une explosion de violence64(*) ». L'idéal serait alors de croiser les informations de diverses sources, qu'elles soient gouvernementales ou non, en vue d'une meilleure prévention. Une fois collectées, les informations sont analysées au sein d'un dispositif d'alerte rapide. Le système d'alerte rapide permet un véritable travail de synthèse des données pertinentes afin d'aboutir à un tableau d'indicateurs qui, tels les feus de signalisation, passeraient à l'orange en cas de menace pour la paix et la sécurité internationales65(*). C'est une sorte d'intégration des informations au sein d'une procédure opérationnelle permettant à la fois d'isoler des indicateurs précis, de déterminer un seuil à partir duquel un conflit est imminent, de préparer un plan d'action réaliste et, enfin , d'aboutir à la saisine d'un organe de décision66(*). Le dispositif d'alerte rapide est au coeur de la diplomatie préventive. C'est un véritable moyen de veille au service de la prévention des conflits. L'alerte peut être précoce ou ultime. Elle est précoce lorsqu'elle est déclenchée au tout premier stade d'un conflit c'est-à-dire dès les premiers bouleversements annonciateurs d'un conflit potentiel. Elle est ultime lorsque l'éclatement du conflit est imminent. Il est toujours préférable de déclencher l'alerte de manière précoce. « Le bon sens et la sagesse mais aussi, et en particulier, l'expérience pratique montrent clairement que les efforts déployés pour prévenir les conflits violents ont le maximum de chances de porter leurs fruits si les zones potentielles à problèmes sont identifiées et prises en charge à un stade précoce67(*) ».
L'intérêt accordé à la prévention étant récent au sein de la communauté internationale, il convient de remarquer que l'ONU ne dispose pas encore d'une capacité globale d'alerte rapide en matière de prévention des conflits armés68(*). La création d'un Centre d'Alerte Rapide est donc à encourager au sein du Secrétariat69(*). Par ailleurs, l'alerte rapide doit nécessairement déboucher sur une action tout aussi prompte. La Commission Carnegie l'a si bien soulignée lorsqu'elle indique que : « La prévention des conflits meurtriers est moins une question d'alerte précoce que de réaction précoce70(*) ». Malheureusement, l'ONU ne dispose pas non plus d'un mécanisme d'action rapide ; ce qui compromet l'efficacité de l'alerte rapide. Il est essentiel d'intervenir à temps pour réussir la prévention. En pratique, l'alerte rapide conduit à la mise en oeuvre de mesures permettant d'éliminer ou de juguler les risques de conflits armés. * 59 Kofi A. ANNAN : Prévention des conflits armés, op. cit. p.11 * 60 Boutros BOUTROS-GHALI : Agenda pour la paix, op. cit. p.48 * 61 Boutros BOUTROS-GHALI : Agenda pour la paix, op. cit. p.50 * 62 Ibidem p.14 * 63 Cf. Hervé CASSAN : L'ONU et la diplomatie des conflits. Séminaire à l'Institut des Hautes Etudes Internationales (HEI) Genève, semestre d'hiver 2004-2005. Document inédit. * 64 Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers : La prévention des conflits meurtriers : Résumé du Rapport final, Washington DC, Commission Carnegie, 1997 * 65 Olivier PAYE : Les nouveaux outils de la paix in L'ONU dans tous ses états, op. cit. p.104 * 66 Au sein du système des Nations Unies, le Secrétaire général déclenche l'alerte en faisant recours à l'article 99 de la Charte qui lui confère la prérogative d' « ...attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. » Le Conseil économique et social le peut également sur la base de l'article 65 en fournissant au Conseil de sécurité des informations sur des situations d'ordre économique et social qui risquent de constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales. Un Etat membre peut également attirer l'attention du Conseil sur toute situation susceptible de menacer la paix conformément à l'article 35 §1 de la Charte. * 67 Joao de Deus PINHEIRO : Consolidation de la paix et prévention des conflits en Afrique, Bruxelles, UE, mars 1999, p.6 * 68 Cf. Hervé CASSAN : L'ONU et la diplomatie des conflits, op. cit. * 69 Ibidem * 70 Commission Carnegie sur la prévention des conflits meurtriers, op. cit. |
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