RODIN 2000 ET RODIN IN LEWES
DE LA CONCEPTION A LA REALISATION D'UN PROJET
CULTUREL
PREMIERE PHASE: DE LA DECOUVERTE D'UNE HISTOIRE A LA
CONCEPTION D'UN PROJET.
Au début des années 90, John May, journaliste et
écrivain habitant à Lewes, commença à faire des
recherches sur Le Baiser, après avoir découvert que
cette célèbre statue de Rodin aurait appartenu à un
habitant de Lewes, et serait restée dans la ville pendant longtemps.
Au début de ses recherches, la première
idée de John était de transformer Lewes House, l'ancien lieu de
residence du Baiser, en un centre culturel et historique, sans envisager de
faire revenir Le Baiser à Lewes. Il se trouve que l'ancienne
propriété de Warren appartient au District Council,
équivalent du Conseil Général pour Lewes et ses
environs.
Le président (Chief Executive) du District Council,
John Crawford, fut tout de suite intéressé par l'histoire de la
statue, et accepta en 1992 de prêter une salle de Lewes House pour
l'organisation d'une mini-exposition d'anciennes coupures de journaux et autres
archives relatant la venue du Baiser à Lewes et les
événements qui suivirent. La raison de cette exposition
était le lancement de presse du livre de David Sox qui raconte
l'histoire de Lewes House, de Warren, de son partenaire et de leur passion pour
l'art ; livre intitulé "Bachelors of the Art". C'est John May qui
arrangea ce lancement après avoir entendu parler du livre, et il invita
pour l'occasion les descendants des gens qui avaient habité à
Lewes House.
A cette époque la ville de Lewes commença donc
à redécouvrir que Le Baiser avait séjourné
à Lewes et appartenu à de riches mécènes, et des
personnes furent même légèrement choqués par
certains détails de l'histoire d'après John May. Néanmoins
John commençait à réunir de plus en plus d'information sur
la présence du Baiser à Lewes, et la ville
elle-même commençait à (re)découvrir cette
histoire.
Grâce à l'appui renouvelé de John Crawford
auprès du District Council, il fut possible pendant l'été
1994 d'organiser à Lewes House une exposition de travaux
étudiants en art du College (lycée) de Lewes et de sculpteurs
locaux, inspirés par la sculpture d'Auguste Rodin, dans une salle de
réunion du Council non-utilisée à cette période de
l'année. Cela fut un succès médiatique, surtout dans la
presse éducative et la télévision locale, et John May
écrivit un article dans le supplément couleur de l'édition
du Samedi du Telegraph, un quotidien national à gros tirage - le
lectorat est estimé à trois millions. Cette couverture
médiatique confirma l'intérêt que l'histoire pouvait
présenter à un niveau national, et par la même encouragea
le District Council à supporter John May. Les premiers
événements organisés à Lewes House, au budget peu
important, avaient étaient financés par le District Council, dans
le cadre de son programme d'action artistique et culturelle (Arts Program).
Depuis le début John May et John Crawford avaient
l'intention d'organiser un projet culturel sur Rodin, et sur son rapport avec
Lewes, incarné par Le Baiser, et après avoir
préparé le terrain, il leur fallait à présent
définir ce projet d'une part, et rassembler l'argent nécessaire
à sa réalisation d'autre part. Dans le cadre des
festivités du millénaire, un fonds special a été
rassemblé au niveau national par l'Arts Council of England grâce
à une loterie spéciale, le Millenium Lottery Fund, pour
subventionner des projets culturels sur l'ensemble du territoire. John Crawford
pensa qu'il faudrait solliciter une aide financière pour une
célébration du millénaire à Lewes. Afin de
présenter un projet susceptible d'obtenir une subvention du
Millenium Lottery Fund, John May eu idée de Lewes Town of
Sculpture (ville de la sculpture), inspirée par la disposition
géographique de la ville, étalée sur une colline en haut
de laquelle se trouve un château médiéval, qui semble une
sculpture, et entourée d'autres collines (appelées les Sussex
Downs). De plus beaucoup d'artistes résident à Lewes, et la ville
est réputée pour son architecture et en particulier la
qualité du travail de la pierre.
Bien que le projet de John May n'ait pas été
retenu par le Millenium Lottery Fund , l'idée enthousiasma les
organisateurs du festival d'arts annuel de Lewes, "Artwave",
subventionné presque en totalité par le District Council ;
et ils décidèrent pour l'édition 1994 d'orienter le
festival sur la sculpture. Ils organisèrent une randonnée des
sculptures (Sculpture Trail), c'est-à-dire une randonnée
autour de quinze sculptures disposées dans la campagne. Le District
Council, à l'occasion du festival, commanda à un sculpteur local,
John Skelton, un bas relief portant l'inscription Rodin 2000, qui fut
apposé à l'entrée de l'écurie de Lewes House
où Le Baiser avait été entreposé si
longtemps. Tout cela ajouta de la publicité autour de Lewes et de
l'histoire du Baiser, et l'idée d'un projet Rodin 2000
commençait à prendre forme.
A ce stade, peu de personnes étaient impliquées
dans le projet: John May, John Crawford, et la responsable des archives du
District Council, dont les recherches aidaient grandement le travail de John
May.
C'est à ce moment qu'ils eurent idée de ramener
Le Baiser à Lewes, inspirés par le projet Lewes Town
of Sculpture, et John May décida de contacter la Tate Gallery. Il
entra en relation avec Sandy Nairne, le vice-président de la Tate
Gallery, en charge notamment des activités décentralisées
comme les Tate Galleries de St Ives en Cornouailles, ou de Liverpool.
L'idée de ramener Le Baiser à Lewes intéressa
Sandy Nairne. Il soumit à John May une liste des exigences
particulières qu'un tel projet impliquait, par exemple les aspects
pratiques comme le transport, les assurances, la sécurité. John
May réalisa qu'il aurait besoin de trouver beaucoup d'appui pour mettre
en oeuvre le projet comme il le souhaitait.
Il décida alors de contacter la Fondation Henry Moore,
qui est une des plus importantes fondations de sculpture du monde, et mit la
Fondation au courant de son projet. Les membres de la Fondation
décidèrent de participer à cette aventure, et leur
expertise et expérience des divers aspects d'une exposition de
sculpture, en particulier la mise en place et la conservation des oeuvres,
furent des atouts capitaux pour gérer les aspects pratiques du projet.
La Fondation décida en outre d'accorder à l'exposition une aide
financière, qui ne serait versée qu'une fois la mise en oeuvre de
l'exposition commencée.
A cette même période, par l'intermédiaire
de la personne chargée du programme culturel du District Council, John
May fut introduit à Ann Elliot, qui allait devenir la commissaire de
l'exposition Rodin in Lewes. Depuis plus de 30 ans Ann organise des
expositions dans plusieurs pays, et est considérée par les
professionnels de la culture en Grande-Bretagne comme une experte en sculpture
du XXème siècle. John fit en même temps la connaissance de
Lianne Jarrett, qui entretient de nombreux contacts dans la presse artistique
et a elle-même travaillé pour des musées et mis en oeuvre
des expositions. Lianne deviendrait l'attachée de presse de
l'exposition.
Bien que la Tate Gallery semble d'accord pour prêter
Le Baiser à la ville de Lewes, elle souhaitait que cela se
fasse à l'occasion d'une exposition assez importante autour de la
statue. John May, dont la passion pour Rodin est à l'origine du projet,
décida de rassembler d'autres sculptures de Rodin autour du
Baiser. Il prit contact avec le musée Victoria & Albert de
Londres qui détient quelques sculptures de Rodin. Le musée
accepta de prêter des oeuvres pour les exposer à Lewes sans trop
de problème, du moment que les conditions requises par la Tate Gallery
pour la mise en oeuvre de l'exposition étaient remplies. Le Musée
Rodin de Paris était évidemment l'autre institution à
solliciter pour cette exposition. Le Musée Rodin fut plus difficile
à convaincre, car il était un peu réticent à
prêter des oeuvres pour une exposition dans une ville de province en
Angleterre qu'il ne connaissait pas et pour laquelle il avait peu
d'intérêt. La liaison avec le Musée Rodin fut grandement
facilitée grâce à l'action de Catherine Ferbos Nabov, une
amie de Ann Elliot travaillant au British Council de Paris et parlant
couramment le Français. John May dut aller à Paris à sept
reprises, parfois accompagné de Ann Elliot, pour entamer une
conversation avec la direction du Musée sur un éventuel
prêt d'oeuvres. La démarche restant officieuse à ce stade
du projet, les frais de déplacement ou autres restaient à la
charge de John ou Ann, qui heureusement ont des amis qui sont installés
à Paris.
Donc à cette époque, en 1996, le projet se
dessinait de plus en plus, et de plus en plus de gens y prenaient part,
apportant leur aide et leur compétence.
Dr Tom Flynn, maître de conférences à
l'Université du Sussex et spécialiste d'Henry Moore, entendit
parler du projet Rodin 2000 par la Fondation, et eut l'idée
d'organiser le colloque Rodin in Britain qui a lieu au mois de
Septembre 1999. Les recherches qu'il a menées sur le rapport entre la
sculpture et le corps furent des sources d'information et d'inspiration pour
John May, qui lui permirent de définir plus précisément le
thème sous-jacent à l'exposition (Rodin et la sculpture des
couples entrelacés) et le choix des oeuvres exposées.
A ce stade John May restait l'ingénieur principal du
projet, et rendait compte de la progression de son travail au District Council
régulièrement. D'autre part plusieurs personnes acceptaient
bénévolement de le conseiller et de l'aider.
En Décembre 1997 la Tate Gallery donna son accord
officiel au prêt du Baiser pour une exposition à Lewes,
et Lianne Jarrett eu l'idée de contacter les médias à
cette occasion. Le prêt de la statue fut mentionné au journal
télévisé de la chaîne publique BBC, ce qui
représente une très bonne première publicité pour
le projet.
A ce stade de son développement, le projet acquit une
nouvelle dimension dans la redécouverte du futur lieu d'exposition. John
May et son "équipe" avaient l'intention de situer l'exposition dans la
mairie de Lewes (Town Hall), car c'est dans cet endroit que la statue avait
était révélée aux habitants de Lewes, et ce
bâtiment à l'architecture exceptionnelle est un lieu parfait pour
une exposition d'art. Assez étrangement le Town Hall n'appartenait plus
au Town Council (Conseil Municipal), mais avait été
racheté par le District Council dix ans auparavant. C'est-à-dire
que le District Council louait le Town Hall au Town Council.
A cause de cette situation assez particulière, de
nouvelles difficultés surgirent, car le District et le Town Councils
sont deux structures indépendantes, qui à ce moment là ne
semblaient pas enclines à coopérer. De plus, pour que
l'exposition ait lieu, il fallait l'accord préalable de la National
Museums and Galleries Commission, (une commission indépendante
émanant de l'Arts Council, à peu près équivalente
à la Direction des Musées de France), sur le respect des normes
de sécurité et sur les conditions générales
d'exposition. La commission, qui vint à Lewes pour inspecter le lieu
d'exposition, put constater que la salle du Town Hall ou l'exposition devait
avoir lieu (Assembly Room) était en mauvais état et
nécessitait une rénovation, ce qui était créait un
problème structurel et financier qui semblait compromettre
l'exposition.
Malgré l'amorce d'annonce publique de l'exposition et
une première couverture médiatique encourageante sur le retour du
Baiser à Lewes, la pression semblait de plus en plus forte en 1998,
presque un an avant l'inauguration, prévue pour Juin 1999. Il fallait
à présent mettre en oeuvre l'exposition de façon
concrète, et jamais un événement culturel de cette ampleur
et de ce coût n'avait été réalisé à
Lewes.
Finalement, le District Council décida de céder
le Town Hall au Town Council, ce qui rapprocha les deux autorités et
amena un nouveau partenaire au projet. Mais cela n'arrangeait pas les choses:
le Town Council n'avait aucune expérience en matière de projet
culturel, et se contenta au début de donner un peu d'argent à
John May pour qu'il puisse intensifier la mise en oeuvre du projet,. Ce stade
du projet était d'après John May très difficile, car bien
qu'il reçoive beaucoup d'appui et d'encouragement, de nombreuses
personnes semblaient ne plus y croire. Un autre problème était
que soudainement le District Council dut réduire le budget de son
programme culturel (Arts Program), et dut arrêter de financer le travail
de John May pour l'instant. Cela confirma l'idée de John May que le
District Council à lui tout seul ne pourrait financer entièrement
la réalisation de son projet.
A ce moment il apparaissait indispensable d'organiser une
structure capable d'entreprendre la mise en oeuvre de l'exposition, de
rassembler les fonds nécessaires à sa réalisation, et qui
agirait en collaboration avec le District et le Town Councils.
Paul Myles, un habitant de Lewes et directeur de PM
Trading, une entreprise de construction spécialisée dans les
structures en métal, avait été contacté à
l'origine pour renforcer les sols de l'Assembly Room qui devraient supporter le
poids du Baiser - plus de 3 tonnes - et superviser les autres travaux de
rénovation du lieu d'exposition. Vu son expérience d'homme
d'affaire et de chef d'entreprise, combinée à un authentique
intérêt dans les arts, John May lui proposa alors de former une
organisation chargée de mettre en oeuvre le projet et d'en trouver le
financement, en collaboration avec les autorités locales.
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