2. RÔLE DE L'ETAT EN RÉGION
En considérant les situations successives des vingt
dernières années, brièvement résumées
ci-dessus, force est d'observer que l'Etat garde un rôle
prééminent dans le domaine culturel en France . On peut
penser au discours de Robert Pesce à l'Assemblée nationale le 24
juin 1984 quand il dénonça, en cas de trop large transfert de
compétences de l'Etat vers les collectivités, le risque
"d'atomisation de la politique culturelle nationale, donc son effondrement"
(Moulinier, 1995, 166). Ce qui l'amenait à conclure : "Il est
indispensable d'avoir une politique nationale pour faire face à l'enjeu
des multinationales" (id.), réflexion d'actualité à
l'heure de la mondialisation.
Dans la logique des compétences
décentralisées, et d'un rapprochement de la décision entre
les citoyens et les élus, l'Etat tente de ne pas exercer ses
prérogatives de manière arbitraire - Guy Saez rappelle que "les
artistes et les autres professionnels de la culture, tout comme les
responsables locaux, ont manifesté leur accord pour que l'Etat continue
de veiller à la qualité des activités culturelles en
France" (Moulinier, 1995, Préface). De plus l'Etat s'applique à
partager les missions comme les charges et préfère
"développer les politiques contractuelles avec les élus, la
déconcentration, la concertation avec les collectivités,
plutôt que d'opérer des transferts massifs de compétences"
(Moulinier, 1995, 164). La réalité persiste à
démontrer que, soit de la part des régions elles-mêmes -
quelquefois très peu motivées -, soit de la part de l'Etat et de
ses services déconcentrés - peu enclins à négocier
leur gestion dans un contexte de politique locale -, la décentralisation
de l'action culturelle entraîne des applications modestes et rarement de
longue haleine.
De cette façon, même si le principe du "partage
puis du transfert des services déconcentrés de l'Etat" (Delcamp,
1994, 161) est celui qui a été retenu pour la
décentralisation française, ce principe est loin de s'appliquer
au domaine culturel. On peut penser à l'article de Patrick Baleynaud en
1991, "La culture, l'oubliée de la décentralisation? " ; Pierre
Moulinier va même jusqu'à demander "La décentralisation,
une idée dépassée ? " (Moulinier, 1995, 226-231).
Ainsi, le rapport sur la décentralisation culturelle
commandé par Jack Lang à René Rizzardo a donné lieu
à des propositions qui "ont fait jusqu'à présent long feu
et n'ont guère suscité autre chose que des discussions sans
lendemain" (id., 237). Des responsables du ministère de la Culture
estiment que même si l'échelon régional "est sans doute le
mieux à même d'exercer plus de fonctions culturelles, [...] sa
vocation à la mission plutôt qu'à la gestion, la faiblesse
de ses ressources financières autant que la difficulté qu'il a
à se dessiner un profil culturel n'incitent pas à lui confier des
responsabilités accrues" (id., 236). Quant au secrétariat d'Etat
au Patrimoine et à la Décentralisation, créé en
2000, il semble avoir pour mission prioritaire de conforter la logique de la
déconcentration - plus que celle de la décentralisation -
renforcée depuis déjà plusieurs années - notamment,
redéploiement des moyens financiers et humains de l'échelon
central vers les DRAC.
Les DRAC continuent donc de fonctionner comme les structures
les plus appropriées à prendre en compte et à concilier
les objectifs nationaux avec les contextes régionaux, à articuler
les compétences verticales - de l'Etat...- et les approches
territoriales -...vers les régions et les autres collectivités
territoriales. Cette situation a amené à définir les DRAC
comme les "ensembliers de la politique culturelle" (Saez, in
Moulinier, 1995, Préface) capables d'organiser une "mise en
cohérence" (Allier, Négrier et alii, 1994, 80-83) du partenariat
Etat/Région qui puisse harmoniser les compétences respectives.
Il est à noter que cette politique contractuelle est
nécessaire aussi bien à l'Etat - dont les moyens financiers ne
sont plus en expansion - qu'aux Régions - dont la jeunesse
institutionnelle appelle un besoin de reconnaissance et de professionnalisation
: "l'Etat ne peut guère se passer de l'appui des collectivités
territoriales, tandis que ces dernières ne peuvent se passer de l'Etat
qui valorise leur effort culturel" (Moulinier, 1995, 228).
Par ailleurs, la coopération entre collectivités
publiques renvoie à un enjeu de territorialisation des politiques
culturelles et d'aménagement culturel du territoire, d'autant plus que
le ministère de la Culture est présent à l'échelon
régional, "niveau territorial de l'aménagement et de la
planification" (Thuriot, 1999, 34; cf. article 59, alinéa 3, de la loi
de décentralisation du 2 mars 1982).
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