Mission et déroulement du stage
Comme on me l'avait indiqué, mon stage concernait la
mise en scène de La Tempête.
Daniel Mesguich a évidemment ses propres assistants qui
travaillent avec lui depuis très longtemps. Xavier Maurel a traduit
La Tempête avec Daniel Mesguich, et a participé à
la mise en scène : il figure d'ailleurs sur l'affiche du spectacle
en tant que collaborateur artistique. Il y a aussi Alison Hornus qui est
l'assistante à la mise en scène : elle note le travail
effectué en répétition-indications scéniques, etc.-
et organise les emplois du temps.
En ce qui me concerne, ainsi que les autres stagiaires, il
s'est donc agi d'un stage d'"observation non participante". Ce n'en fut pas
moins enrichissant : j'ai pu suivre la façon de travailler de
Daniel Mesguich lorsqu'il met en scène du théâtre. Le fait
d'assister à la mise en scène dans le sens passif de "regarder"a
donc beaucoup amélioré ma perception et ma compréhension
du milieu théâtral professionnel.
Les premiers jours des répétitions furent
consacrés aux lectures du texte "à la table"; ce n'est
qu'après avoir assimilé et maîtrisé les mots et le
sens que l'on s'attaque à l'art dramatique en répétant
vraiment les scènes.
Les lectures et répétitions avaient lieu dans un
premier temps en salle Escande-du nom d'un ancien administrateur-:une grande
salle au sous-sol où la scénographie est
matérialisée par des chaises ou des traces au sol. C'est
là qu'on peut régler et peaufiner le jeu des acteurs, les
émotions, les déplacements. Puis peu à peu on
répète de plus en plus sur le plateau, c'est-à-dire la
salle Richelieu où la pièce sera vraiment
représentée, une des plus belles salle de Paris, à
l'italienne, rouge et or, qui date de 1790 : ici on essaye d'adapter le travail
fait en salle Escande face à la réalité de cet espace
scénique et face à la technique, importante sur ce spectacle.
Les horaires étant peu contraignant j'ai eu la chance
de pouvoir assister à la plupart de mes cours pendant le stage.
Le travail du metteur en scène
Le metteur en scène , bien qu'absent de la
représentation, a un rôle central dans l'élaboration de la
pièce.
Daniel Mesguich a une attitude très littéraire
par rapport au texte : il cherche la symbolique, l'intelligence du texte.
Il analyse plusieurs possibilités d'interpréter le texte, et son
analyse est toujours très poussée. D'autre part la poésie
du langage est importante : elle amène de la beauté au texte
et Daniel Mesguich le rappelle constamment : La Tempête est
un long poème et cet aspect du texte ne doit pas être
négligé. Le metteur en scène "représente" donc son
interprétation personnelle du texte. Pour cela il s'appuie sur le jeu
des acteurs: il leur explique son idée pour qu'ils puissent la dire.
C'est lui qui leur indique l'intention à exprimer et l'intonation
à prendre, l'arrière-plan psychologique du personnage. Chaque
réplique est travaillée en détail, surtout lors des
lectures, depuis la simple prononciation des mots jusqu'à leur
portée symbolique et émotionnelle. Il faut aussi régler
les positions, déplacements et gestes des acteurs, qui peuvent signifier
quelque chose, symboliser une idée du metteur en scène. Il faut
aussi veiller à répartir les acteurs dans l'espace
scénique de manière équilibrée et
esthétique, et cette part de travail "physique" est proche d'un travail
de chorégraphe. Daniel Mesguich le reconnaît d'ailleurs et
envisage l'idée d'être aidé d'un chorégraphe de
métier.
La compréhension et le plaisir du public sont
très importants pour Daniel Mesguich :il insiste pour que le texte
soit dit clairement, que le sens en soit le moins hermétique possible-
on part du principe que personne ne connaît La Tempête. La
pièce doit avoir un rythme soutenu, éviter la monotonie et les
longueurs, et Daniel Mesguich souhaite des ruptures fréquentes dans
l'art dramatique, dans les mots, dans les gestes. De plus il demande souvent
que l'on accélère le rythme de la pièce, notamment
lorsqu'il "briefe" les acteurs après les filages, car la pièce
est très longue et il faut en quelque sorte la "condenser" pour en tirer
plus d'énergie. L'obsession de la vitesse restera constante jusqu'aux
derniers filages.
Le sens doit être le plus clair possible certes, mais il
faut préserver le côté fantastique et baroque de La
Tempête, et cela se voit à travers les effets spéciaux
notamment.
Daniel Mesguich est omniprésent dans le processus de
création de La Tempête, mais ses choix ne sont pas
arbitraires: il écoute et prend en compte les nombreuses suggestions des
acteurs ou de ses collaborateurs/assistants. Il dit lui-même que
l'idée de départ n'est pas toujours la bonne, il accepte la
coopération et les conseils de la part de l'équipe. Ce qui
crée une ambiance propre à la richesse et au partage
d'idées. A tel point qu'on peut dire que la pièce revêt
l'aspect d'une création collective, néanmoins toujours
supervisée par le metteur en scène.
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