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Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale

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par Désiré Yirsob Dabire
Université de Genève - DEA de droit international public 2006
  

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CHAPITRE 2 :

L'INTERVENTION DES ETATS DANS LE

FONCTIONNEMENT DE LA COUR

Les Etats restent des acteurs incontournables dans l'activité de la Cour Pénale Internationale. Leur concours est indispensable. Dans chaque phase de son activité, la Cour Pénale Internationale, aura besoin de la collaboration des Etats83(*) (section 1).

Pour ce faire, il faut d'abord que la compétence de la Cour soit acceptée, soit par l'Etat national de l'auteur ou de la victime du crime, soit par l'Etat sur le territoire duquel celui-ci a été commis. C'est la condition sine qua non.84(*) Cette acceptation est soit générale et permanente, c'est le cas pour les Etats parties au Statut. Elle peut être aussi ad hoc : c'est l'hypothèse où le ou les Etats impliqués, non parties au Statut de Rome, n'acceptent la compétence de la Cour que pour la seule affaire en cause. A défaut de telles reconnaissances, la Cour est impuissante, sauf si elle est saisie de cette affaire par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du chapitre VII de la Charte.

Une fois sa compétence fondée, la Cour peut ensuite déclencher son action répressive. Là encore il est important pour la Cour d'obtenir la collaboration des Etats. Celle-ci peut intervenir sur la base de différents fondements et se manifester de plusieurs manières (section 2).

Section 1 : La Cour et les Etats : une coopération nécessaire

La mission assignée à la Cour ainsi que sa vocation à devenir universelle donnent une grande importance aux relations qu'elle entretient avec les Etats, relations qui se résument sous le terme de « coopération ». La nature conventionnelle du Statut de Rome rend obligatoire cette coopération pour les Etats parties.85(*) Cependant, la participation des Etats non parties au Statut peut s'avérer cruciale dans certains cas, et la Cour peut donc être amenée à entretenir avec ces derniers des rapports non moins importants.

Deux situations peuvent ainsi être observées pour les Etats devant la Cour. Soit ils sont parties au Statut et, dans ce cas, soumis aux obligations définies aux articles 86 et suivants (paragraphe 1); soit ils ne le sont pas, auquel cas, leurs obligations sont, non pas sensiblement différentes en théorie, mais ont un autre fondement que le Statut (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L' « obligation générale de coopérer » 86(*)

Le fonctionnement efficace de la Cour dépendra pour beaucoup de la coopération que vont lui apporter les Etats parties et particulièrement ceux qui seront impliqués dans ses enquêtes. Ceux-ci sont les premiers destinataires de cette obligation, d'où l'importance des dispositions du Statut qui régissent cet aspect.

Que comporte cette notion (A) et qu'elle est sa portée pour les Etats parties au Statut de Rome (B) ?

A- La notion de coopération

Un juge sans le concours d'une force de police est un homme démuni. Autant le juge pénal étatique a besoin des services de police dans son action, autant le juge international doit avoir recours à une force policière pour l'appuyer dans sa tâche. La différence fondamentale qui existe entre ces deux juges est que, le premier a à sa disposition une telle force mais pas le second. En effet, il n'existe pas encore (hélas !) de police internationale autonome sur laquelle pourrait s'appuyer le juge pénal international et sur laquelle il pourrait exercer une autorité. Seules existent les unités de police nationales des Etats. En outre, la Cour dispose de pouvoirs propres limités pour mener des enquêtes et est donc tributaire de l'assistance et de la coopération des Etats. De par son mode de création conventionnel, elle ne bénéficie qu'extraordinairement du soutien d'une résolution du Conseil de sécurité liant tous les Etats, et leur assistance est bien sûr fonction leur volonté de coopérer avec la Cour. En effet, malgré l'obligation qu'ont les Etats membres d'assister la Cour en cas de besoin, ceux-ci ont en pratique une relative87(*) marge de manoeuvre dans la fourniture effective d'une assistance sérieuse et ont même le pouvoir reconnu de ne pas apporter cet appui. Il est par conséquent important de savoir ce que contient la notion de coopération, qui est définie comme la participation à une oeuvre commune, la collaboration dans sa réalisation.88(*) Cette collaboration peut être nécessaire à plusieurs stades de l'activité de la Cour.

Lors des négociations de Rome, la question se posait de savoir si les devoirs et obligations des Etats devaient être fixées dans les moindres détails par le Statut ou s'ils seraient « an uncertain variable, subject to the will of circumstance of a particular state »89(*), c'est-à-dire si le soin serait laissé à chaque Etat de définir les modalités de sa coopération avec la Cour en fonction de ses réalités juridico institutionnelles. C'est la solution intermédiaire qui a été finalement retenue. En effet, le Statut se contente de fixer les grandes lignes de cette obligation de coopérer, tout en laissant le choix à chaque Etat de préciser, dans ses textes nationaux d'application, les aspects pratiques de cette assistance à la Cour. Les Etats parties sont en effet libres dans le choix des moyens à mettre en oeuvre pour donner effet aux demandes de coopération de la Cour. La souveraineté des Etats est de ce fait préservée et leur consentement plus facile à obtenir.

B- La nature et l'étendue de l'obligation de coopérer pour les Etats parties

La coopération se présente t-elle comme un ensemble d'obligations contenues dans le Statut, ou s'apprécie t-elle aussi au-delà de celui-ci ?

L'obligation de coopération pour les Etats membres est avant tout de nature conventionnelle. Elle obéit donc aux règles applicables aux traités90(*), et s'interprète en fonction des buts et objectifs fixés par le traité qu'est le Statut de Rome, et auxquels les Etats membres doivent se conformer. Par conséquent, l'obligation de coopérer s'apprécie certes sur la base des articles 86 et suivants du Statut, mais aussi par rapport à toutes les dispositions de celui-ci91(*), que les parties ont l'obligation d'exécuter de bonne foi92(*). En outre, l'exécution de bonne foi, qui s'interprète assez largement, permet d'affirmer que l'obligation de coopération contient, en plus des dispositions du Statut, des devoirs contenus dans le droit international général. Seul le bon fonctionnement de la Cour doit être pris en compte et par delà, la réalisation des objectifs qu'elle vise, la répression des crimes internationaux, pour laquelle les Etats sont d'ailleurs les premiers responsables93(*). Cette obligation peut aussi résulter d'une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, lorsque celui-ci saisit la Cour en vertu du chapitre VII de la Charte. En effet, lorsque le Conseil de sécurité use de ce pouvoir de saisine de la Cour, pouvoir reconnu à l'article 13(b) du Statut, tous les Etats membres de l'ONU - parties ou non - ont l'obligation de coopérer avec la Cour parce qu'ils sont liés par les décisions prises en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies94(*).

L'obligation de coopération est ensuite générale et s'applique à tous les organes de l'Etat. Le droit national fixe les détails formels et la Cour ne s'y intéresse que très ponctuellement. Toujours est-il que le droit national des Etats parties doit être en harmonie - et non forcement uniforme - avec les dispositions du Statut, notamment dans les mesures de mise en oeuvre.

* 83 LATTANZI F., « Compétence de la Cour Pénale Internationale et consentement des Etats », précité note 68, pp. 425- 444.

* 84 Cf. article 12 du Statut. A moins de la saisine par le conseil de sécurité qui agirait en vertu du chapitre VII de la charte des nations Unies. Il faudrait pour ce faire que la situation en cause rentre dans les conditions de l'article 39.

* 85 Les Etats parties ont ratifié le Statut, donnant ainsi leur accord pour coopérer avec la Cour, comme l'exigent les dispositions de ce Statut.

* 86 Intitulé de l'article 86. Les chapitres IX et X contiennent l'essentiel des obligations des Etats parties envers la Cour.

* 87 Il est en effet des situations pour lesquelles les Etats peuvent ne pas répondre favorablement aux demandes de coopération de la Cour. Cf. Chapitre 3.

* 88 REY-DEBOVE J. et REY A. (dir.), Le petit Robert, Paris, Dictionnaire le Robert, 2002, p. 543.

* 89 MOCHOCHOKO P., « International cooperation and judicial assistance », in LEE S. R., The ICC, the making of the Rome statute. Issues, negociations, results, Kluwer law international, The Hague, London, Boston, 1999, p. 306.

* 90 Ces règles sont essentiellement celles de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.

* 91 Le Statut n'admet aucune réserve à ses dispositions (art. 120). La ratification de la Convention de Rome entraîne donc une acceptation intégrale du Statut par l'Etat.

* 92 Conformément à l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.

* 93 Le préambule du Statut reconnaît les Etats comme responsables de la répression des crimes internationaux dont ceux qui figurent dans ses dispositions. Cf. le préambule du Statut alinéa 6.

* 94 Cet avis ne fait pas l'unanimité, certains estiment en effet que l'obligation de coopérer n'existe à l'égard des Etats non parties que sur la base d'un accord séparé entre ces derniers et la Cour. V. par exemple LAUCCI C., « Compétence et complémentarité dans le Statut de la future Cour Pénale Internationale », précité note 54, p. 141.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus