Le rôle et la place des états dans le fonctionnement de la cour pénale internationale( Télécharger le fichier original )par Désiré Yirsob Dabire Université de Genève - DEA de droit international public 2006 |
Paragraphe 2 : La CPI, produit d'un compromis international entreles Etats 35(*)Comme il a été souligné dans les développements précédents, la reprise des travaux de la CDI intervenue à l'initiative de Trinidad et Tobago en 1989, et l'impulsion des tribunaux ad hoc de 1993 et 1994 36(*), sont les derniers évènements qui ont permis l'aboutissement de l'idée de la création de la Cour, lors de la conférence diplomatique des plénipotentiaires qui s'est tenue à Rome du 15 Juin au 17 Juillet 199837(*). Un peu plus d'un mois a donc été nécessaire à la Conférence pour examiner le texte du Statut soumis aux Etats, et surtout pour surmonter les divergences de points de vue afin de parvenir à un accord sur le texte fondamental de la future juridiction internationale. Le projet initial du Statut comportait une multitude de clauses sur lesquelles les avis divergeaient sensiblement. En effet, l'assentiment de tous les participants était loin d'être trouvé sur des sujets particulièrement sensibles, et qui ont depuis le début fait l'objet d'importantes réflexions. Ces sujets étaient pour l'essentiel relatifs à la définition des crimes relevant de la compétence de la Cour, les qualités pour déclencher l'exercice des poursuites, les relations avec le Conseil de sécurité de l'ONU, les règles de base de procédure et enfin le mode de financement de la Cour38(*). Ces sujets constituaient les plus importants, et il était indispensable pour les Etats de trouver un terrain d'entente pour que la CPI puisse voir le jour. Il était nécessaire de réussir là où d'autres tentatives avaient échoué par le passé. Le mois de négociation prévu pour la conférence s'est avéré presqu'insuffisant pour aplanir les divergences entre Etats, tant les kyrielles de propositions achoppaient les unes sur les autres. Il a fallu en dernier ressort, une proposition du président de la conférence, qui a su habilement concilier l'essentiel des suggestions et offrir aux participants ce qui a été appelé le « Package deal »39(*) . Cette technique a été salutaire puisqu'elle a permis à la conférence de s'achever sur la note la plus positive qui pouvait être espérée : l'adoption du texte définitif du Statut. Sur 160 Etats présents, 120 ont voté pour, 7 contre40(*) et 21 se sont abstenus41(*). Quatre ans plus tard, le Statut entrait en vigueur le 1er juillet 2002, après que 10 nouveaux Etats aient déposé en même temps leurs instruments de ratification, permettant ainsi d'atteindre les soixante ratifications nécessaires en vertu de l'article 126 du Statut. La volonté des Etats est d'autant plus sensible, lorsqu'on sait que nombre d'entre eux ont dû modifier sensiblement leur législation nationale, pour être en conformité avec les dispositions du texte du Statut et permettre ainsi sa ratification. Le compromis international s'observe en outre dans la composition de la Cour. Les juges qui la composent sont issus en effet des divers horizons et de divers systèmes juridiques de la communauté des Etats42(*). La Cour Pénale Internationale est donc une réalité aujourd'hui. Il s'agit maintenant de lui assurer une bonne insertion dans le système international, et surtout un bon fonctionnement. * 35 Cf. note 11. * 36 Le TPIY et le TPIR ont en effet été considérés comme ayant « servi de laboratoire au Statut de la CPI adopté en 1998 ». Cf. DAVID E., Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 775. * 37 Il faut également mentionner la fin de la guerre froide et des tensions Est/ Ouest, qui a permis à l'ONU de travailler plus efficacement. De plus, il convient de ne pas négliger l'action des ONG telles que la Commission Internationale de Juristes ou l'Association Internationale de Droit Pénal, dont les travaux ont été très bénéfiques aux différents travaux préparatoires. V. sur cette question l'historique des travaux de l'AIDP pour l'élaboration d'un projet de code pénal international, BASSIOUNI Ch., Projet de code pénal international, précité note 29, (introduction de BOUGAT P.), p.7 ; LEONETTI C., « La contribution des Organisations non gouvernementales dans la création du Statut de Rome », in CHIAVARIO M. (dir.), La justice pénale internationale entre passé et avenir, Paris, Dalloz, 2003, pp. 141- 152. Certains auteurs s'inquiètent par contre de la place reconnue aux ONG qui serait trop importante parce que celles-ci sont presqu'au même rang que les Etats devant la Cour. V. les interrogations de SUR S., « Vers une Cour pénale internationale : La convention de Rome entre les ONG et le Conseil de Sécurité », in Revue Générale de Droit International Public, vol. 103, Paris, Pedone, 1999, pp. 29-45. * 38 BAZELAIRE J-P. et CRETIN T., La justice pénale internationale, Paris, P.U.F., 2000, p. 62. * 39 Voir également les développements détaillés sur les négociations internes de la conférence. BASSIOUNI Ch., « Etudes historiques : 1919-1998 », in Nouvelles Etudes Pénales, précité note 33, pp. 32-42. * 40 Dont deux membres du Conseil de sécurité : les Etats-Unis et la Chine. * 41 Ce sont majoritairement des Etats arabes. * 42 Les juges ont en effet été élus au sein de différents groupes d'Etats formant une région spécifique. Ainsi il ya des juges représentant les États d'Europe occidentale et autres États (WEOG), les États d'Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), les États asiatiques, les États d'Afrique, les pays d'Europe de l'Est. Cf. www.icc-cpi.int . |
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