Dieudonné KALUBA DIBWA
LA SAISINE DU JUGE CONSTITUTIONNEL ET DU JUGE
ADMINISTRATIF SUPREME EN DROIT PUBLIC CONGOLAIS
Lecture critique de certaines décisions de la
Cour suprême de justice avant la Constitution du 18 février
2006
Editions Eucalyptus
B.P.1562 KINSHASA 1
2006
A la mémoire d'André KALUBA DIBWA, mon
père, pour avoir guidé mes premiers pas sur les sentiers ardus du
savoir ;
A ma mère, Marie-Jeanne NGONDU MFUAMBA KUDIMINA,
pour toutes les larmes d'encouragement qu'elle n'a cessé de
verser ;
A Angèle MUJANGI BOWA, ma chère et tendre
épouse et co-auteur, pour le rôle d'aiguillon qu'elle joue en
temps de détresse et de répit ;
A mes enfants, pour toutes les privations dues à la
solitude intellectuelle.
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
B.A.C.S.J. : Bulletin des Arrêts de la Cour
Suprême de Justice.
C.N.S. : Conférence Nationale Souveraine.
C.O.C.J. : Code de l'organisation et de compétence
judiciaires qu'il résulte de l'Ordonnance-loi n° 82/020
du 31 mars 1982.
Coll. : Collection.
C.S.J. : Cour Suprême de Justice.
C.P.C. : Code de Procédure Civile.
C.P.P. : Code de Procédure Pénale.
D.E.A. : Diplôme d'Etudes Approfondies.
D.E.S : Droit et Société.
D.E.S. : Diplôme d'Etudes Supérieures.
D.I.N. : Droit et Idées Nouvelles.
H.C.R.-P.T. : Haut Conseil de la
République-Parlement de transition.
J.O. : Journal Officiel de la République
démocratique du Congo.
L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence.
M.E.S. : Mouvements et Enjeux Sociaux.
M.P.R. : Mouvement Populaire de la Révolution.
P.U.A.M. : Presses Universitaires d'Aix-Marseille
P.U.F. : Presses Universitaires de France
P.U.Lg : Presses Universitaires de Liège.
P.U.Z. : Presses Universitaires du Zaïre.
R.D.J.A. : Recherches et Documentation Juridiques
Africaines.
UNAZA : Université Nationale du Zaïre ex
Lovanium.
UNIKIN : Université de Kinshasa ex Lovanium.
AVANT-PROPOS
Nous sacrifions ici à la
tradition académique qui veut qu'en liminaire d'un travail scientifique
couronnant un cycle d'études universitaires, l'auteur s'acquitte du
devoir agréable de remercier toutes les personnalités ayant
concouru à sa réalisation. Le présent ouvrage est donc un
extrait abrégé et corrigé de la dissertation de
diplôme d'études supérieures en droit public défendu
devant la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa et
reçu avec grande distinction.
Aussi, l'auteur de la présente étude
s'empresse-t-il de remercier du fond du coeur le professeur Bonaventure BIBOMBE
MWAMBA qui en avait accepté la direction malgré ses nombreuses
tâches. Ce travail lui doit la qualité des avis
éclairés et des recommandations pertinentes qui lui ont permis de
prendre forme. Les défauts inhérents à ce type de travail
incombent néanmoins à l'auteur qui en reste ainsi seul
responsable.
Cette page d'avant-propos lui offre
toutefois l'occasion de solliciter l'indulgence de ceux qui le liront. Ils ont
eux aussi le droit scientifique de le critiquer. Au demeurant, sans la
critique, les travaux scientifiques ressembleraient à des
fétiches nimbés d'un halo de sainteté infranchissable et,
de ce fait, relèveraient de la dogmatique stalinienne.
Le savoir scientifique étant une construction
collective par essence, l'auteur n'omet pas de citer l'apport combien important
des professeurs qui l'ont formé en droit public en l'occurrence, les
professeurs KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, Evariste BOSHAB Mabudj-ma-Bilenga,
Clément KABANGE NTABALA, Félix VUNDUAWE te PEMAKO, Edouard MPONGO
BOKAKO BAUTOLINGA, Auguste MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO, Célestin NGUYANDILA
MALENGANA, NDESHYO RURIHOSE et Gervais NTIRUMENYERWA MUCHOKO KIMONYO pour leur
disponibilité et leur volonté affirmée pour le former
à la recherche de haut niveau.
Le Doyen Greg BAKANDEJA wa MPUNGU mérite une mention
spéciale; nous ne saurons oublier le bienfait que constitue ce courage
par le temps orageux que traverse la République démocratique du
Congo.
Enfin, nos remerciements les plus
sincères à tous nos collègues du D.E.S. en Droit Public,
particulièrement à Messieurs Jean-Louis ESAMBO KANGASHE,
Corneille YAMBU-a-NGOY, Aubain MINAKU NDJALA NDJOKU, Noël BOTAKILE
BATANGA, Jean MBOKO Dj'ANDIMA, KADIMA MUKADI, Crispin MBAMBU wa CIZUBU, BOKONA
WIPA BONZALY, Léon ODIMULA LOFUNGUSO etc.... pour le sourire
d'encouragement qu'ils nous ont adressé au moment du
découragement.
Merci à tous nos amis qui nous encouragé
à publier les résultats de nos recherches.
Merci aussi à tous ceux dont le nom ne figurerait pas
ici à cause de l'oubli qu'entraîne la hantise de la page blanche
alors qu'ils occupent les hauteurs de notre pensée bien aimante.
L'Auteur.
INTRODUCTION
L'Etat de droit comme tout Etat
d'abord se caractérise par une normativité à laquelle il
se soumet lui-même afin de garantir sa propre survie mais l'Etat de
droit, en plus, se cristallise autour de la notion de respect des normes
garantissant les libertés fondamentales des citoyens. Ce respect serait
illusoire sans la garantie d'une sanction juridique de la violation de ces
libertés. Aussi, le système juridique moderne est-il parfait par
l'institution d'un juge constitutionnel sanctionnant en l'occurrence
l'irrespect de la volonté constituante. L'étude de ce juge tout
comme celle du juge administratif est plus qu'utile par ce temps d'attente
d'installation de la Cour constitutionnelle et du Conseil d'Etat.
La saisine d'une juridiction ou d'un juge est l'acte par
lequel une personne (physique ou morale) fait déclencher l'instruction
d'une affaire. C'est également l'acte à travers lequel un litige
est soumis à une juridiction aux fins que celle-ci y applique son
activité jusqu'à son épuisement1(*) suivant des formalités
variables2(*).
Au niveau de la Cour Suprême de Justice, la saisine du
juge constitutionnel ou administratif ne se déroule pas comme devant
d'autres juridictions. Il importe ainsi, de présenter la
problématique du sujet, son intérêt et sa limitation avant
d'indiquer la méthodologie suivie et l'ébauche du plan.
1. PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
La Cour Suprême de Justice considère la saisine
comme un moyen d'ordre public susceptible d'être soulevé
même d'office entraînant pour excès de pouvoir, la cassation
sans renvoi, telle l'absence totale de la saisine d'une juridiction par rapport
à une infraction ou à une partie qui fut néanmoins
condamnée3(*).
Il est essentiel de faire constater d'emblée que
l'expression « moyen » pose problème dans la mesure
où il désigne l'argument de fait ou de droit articulé en
soutènement d'une action ou d'une défense en justice. Dire que
la saisine est un moyen d'ordre public n'est vrai que dans la mesure où
la Haute Cour entend par moyen la notion d'exception d'ordre public. Dès
lors, il est plus orthodoxe de parler d'exception de non saisine, car la
saisine en elle-même ne constitue qu'une étape de la
procédure qui ne saurait aucunement être confondue avec les
exceptions que les parties peuvent soulever à propos d'un ou plusieurs
de ses aspects.
La saisine doit être ainsi considérée
comme la principale clef qui ouvre la porte de la procédure quelque soit
la matière qui est soumise à un juge ou à une
autorité publique quelconque. En effet, un juge non saisi ne saurait
rendre une décision juridiquement valide car sa non saisine constitue un
empêchement pour ainsi dire dirimant sur le chemin de
l'élaboration de la décision.
Le principe dispositif en matière de procédure
empêche réellement le juge de trancher des questions qui ne lui
sont pas soumises par les parties ; du reste, il ne peut le faire que dans
la mesure de cette saisine et dans la mesure de ce que la loi permet4(*).
La jurisprudence de la haute Cour relève que la saisine
doit se limiter uniquement à l'examen de l'action5(*) ; elle ne peut être
outrepassée par le juge6(*), mais il est tout de même permis qu'elle soit
étendue à une demande additionnelle formulée dans les
conclusions des parties7(*).
En termes plus concis, le juge ne peut statuer ni ultra ni infra petita.
La saisine est considérée par la jurisprudence
comme un principe général de droit alors que ce dernier s'entend
« des idées de base diffuses dans le droit, les notions et les
solutions d'allure principielle en quoi se résume le droit d'un pays ou
d'une époque ».8(*)
La définition consacrant « les principes
juridiques qui sont reçus dans la législation de la plupart des
peuples de haute civilisation » est récusée
pour des raisons évidentes d'a priori et d'imprécision.9(*)
Aussi, la Haute Cour a-t-elle, dans un arrêt
récent rejoignant sa jurisprudence constante sur la question de notre
étude, arrêté que « viole l'article
1er de l'ordonnance du 14 mai 1886 consacrant notamment
l'application des principes généraux de droit, dont celui
prescrivant au juge de vider sa saisine, le juge d'appel qui a omis de donner
suite aux réquisitions du ministère public, après avoir
dit son appel recevable et fondé, étant donné que, en
omettant de prononcer la condamnation du prévenu tel que l'avait requis
le ministère public, le juge d'appel n'a pas définitivement
statué sur celui-ci »10(*).
Il est donc expressément acquis que la saisine dans
l'entendement de la Cour suprême de Justice est une notion cardinale de
procédure qui implique entre autres effets de procédure qu'elle
est d'ordre public11(*),
que le juge est tenu de vider sa saisine12(*), sans aller au-delà 13(*)ou en deçà de
celle-ci14(*).
Une abondante jurisprudence de la Haute Cour montre en effet
que celle-ci a toujours été sévère en ce qui
concerne la question de saisine des juges de fond.
Il s'ensuit que l'étendue de la saisine d'une
juridiction est déterminée soit par l'exploit introductif
d'instance soit par les demandes additionnelles et reconventionnelles contenues
dans les conclusions des parties. C'est à propos que l'on affirme que le
juge en matière civile, administrative ou constitutionnelle n'a pouvoir
juridictionnel que dans la mesure de sa saisine dont l'étendue est
limitée justement par la demande en justice et les défenses qui
lui sont faites.
Au niveau de la Cour
Suprême de Justice en effet, l'exploit introductif d'instance est, dans
toutes les procédures, soit l'oeuvre des parties, par voie de
requête, soit celle du Ministère Public par voie de
réquisitoire15(*).
La requête peut être entendue comme une demande
adressée à une autorité compétente ou à
celle qui a le pouvoir de décision16(*).
Le réquisitoire quant à lui est, au niveau de la
Cour suprême de Justice, une pièce de procédure
écrite par laquelle, le Ministère Public saisit le juge. Par
lui, le Ministère Public peut décider, à la fin de
l'instruction, de la suite qu'il entend donner au dossier17(*). Devant les juridictions de
jugement18(*), le
réquisitoire est présenté oralement, mais il est
écrit et constitue une pièce de procédure qui intervient
en cours de procès après la saisine du juge qui est
réalisée par la citation donnée au prévenu ou la
citation directe donnée à la requête de la victime de
l'infraction poursuivie19(*).
A la Cour suprême de Justice, la requête peut
être introduite par les parties ou le Ministère Public ; mais
à l'instar de tout acte introductif d'instance, elle est soumise au
respect d'un certain nombre d'exigences de forme.
Il est utile de préciser que si d'ordinaire la
procédure devant les juridictions inférieures n'est pas
formaliste, au niveau de la Cour suprême de justice, elle est très
formaliste.
En effet, le droit judicaire qui est en droit fil du droit
belge d'avant la reforme de 1972 est un droit processuel non formaliste car
fondé sur l'adage pas de nullité sans grief aujourd'hui
consacré par la disposition de l'article 28 du code de procédure
civile ainsi qu'il résulte du décret du 7 mars 1960 tel que
modifié à ce jour.
La Haute Cour est sévère
en ce qui concerne le non respect des formes prescrites pour l'accomplissement
d'un acte de procédure, cela en vertu du rôle régulateur de
la jurisprudence que le Constituant lui a confié. A ce propos, le
Constituant congolais dispose qu' « en cas de renvoi,
après cassation, les cours et tribunaux civils et militaires sont tenus
de se conformer à l'arrêt de la Cour suprême de Justice sur
le point de droit qui a été jugé »20(*).
Il est entendu que cette disposition
unique de la Constitution ne saurait asseoir toute l'autorité morale des
arrêts de la Haute Cour qui s'imposent aux juges inférieurs
déjà comme source intellectuelle de leur raisonnement.
Ainsi en dehors de toute exception
légale, aucune personne (physique ou morale) ne peut signer une
requête adressée à la Haute Cour sous peine
d'irrecevabilité de l'exploit qui est ainsi nul.
Aussi a-t-il été
jugé qu'est irrecevable la requête introduite directement à
la Haute Cour sans l'entremise d'un avocat21(*). Cette jurisprudence de la Haute Cour est
demeurée constante car, de même, en cas de cassation en
matière civile, la requête introductive d'instance doit être
signée par un avocat porteur de procuration spéciale.22(*)
Une telle question d'importance
jurisprudentielle évidente ne peut manquer d'intérêt dans
une étude consacrée au droit public congolais, car, pour
reprendre la pensée de Jean ROCHE et André POUILLE, la saisine du
juge constitutionnel et du juge administratif suprême lorsqu'elle
aboutit, consiste à pouvoir obtenir de ces derniers l'annulation ou la
non application d'un acte inconstitutionnel ou illégal, la
réparation pécuniaire du préjudice subi et
éventuellement, la condamnation pénale de l'agent public23(*).
2. INTERET ET DELIMITATION DU SUJET
La présente étude portant sur « la
saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit
congolais » se veut une réflexion sur la manière dont
la Haute Cour a été saisie en matière constitutionnelle et
administrative et sur les réponses qu'elle a réservées
à toutes ces sollicitations.
Les débats auxquels les arrêts RA 266, 320 et
R.Const. 06/TSR ainsi que les avis RL 09 et 10 de la Haute Cour ont
donné lieu aussi bien dans la classe politique qu'au niveau de
l'élite intellectuelle, méritent qu'on y consacre une
réflexion susceptible de situer la question de l'indépendance du
juge congolais en rapport à la manière dont la Cour Suprême
de Justice a eu à trancher certains litiges soumis à son
appréciation.
De là découle l'intérêt de la
présente étude qui se situe dans une perspective tendant à
dégager, de manière scientifique et
désintéressée, le degré de rigueur et
d'impartialité des magistrats de la Haute Cour dans la réception
des différentes requêtes qui furent ou sont encore portées
devant eux ainsi que les limites légales de la saisine du Juge de la
Haute Cour congolaise au regard du thème sous examen.
Cette question implique celle que pose le professeur Philippe
ARDANT à savoir : à qui sera confié le pouvoir de
déclencher le contrôle de la constitutionnalité de la
loi ? Qui pourra saisir l'organe compétent ?24(*)
L'ouverture de la saisine peut être démocratique
ou plutôt trop étroite. Chacune de ces solutions offre des
avantages qui ne sont pas toujours compensés par les
bénéfices techniques car l'ouverture plus ou moins grande de la
saisine du juge constitutionnel peut entamer l'autorité et la
majesté de la loi. Cependant l'on peut s'interroger sur la
véracité d'un tel dogme lorsque l'on se rappelle que plusieurs
pays d'Afrique noire ont ouvert la saisine de ce juge sans entraîner ni
une ruée effrénée vers la justice constitutionnelle ni
l'émasculation de la majesté de la loi.25(*)
Faute d'analyser ici et maintenant tous ces cas, il nous a
paru opportun, dans le cadre restreint de cette étude, de
n'étudier que certaines affaires qui, par les circonstances de leur
examen d'une part, et l'objet sur lequel elles portent d'autre part, avaient
non seulement suscité une forte controverse sur le plan juridique et
politique, mais aussi attiré l'attention des chercheurs. Toutefois, il
faut préciser que pour illustrer une notion ou une question
spéciale, il sera fait abondamment référence aux
arrêts rendus par la Cour Suprême de justice sur les questions de
droit étudiées.
Somme toute, le choix de ces arrêts et avis ne peut
paraître qu'arbitraire26(*) au regard du thème étudié, mais
il se situe dans une perspective plus globale, celle de voir la
République démocratique du Congo devenir, à travers une
justice constitutionnelle et administrative suprême réellement
indépendante, un véritable Etat de droit27(*).
En effet, l'indépendance des juges ressortit aux
garanties juridictionnelles des droits et libertés des citoyens dont
l'étude relève du droit public. L'Etat de droit, entendu au sens
de Jacques CHEVALLIER, comme « un Etat qui, dans ses rapports avec
ses sujets, se soumet à un régime de droit : dans
un tel Etat, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par
l'ordre juridique en vigueur, tandis que les administrés disposent de
voies de recours juridictionnelles contre les abus qu'il est susceptible de
commettre », constitue donc la trame de fond ou le cadre
épistémologique de cette étude.28(*) L'Etat de droit est donc aux
antipodes de la conception patrimoniale du pouvoir où le souverain
était personnellement le propriétaire du pouvoir et des moyens
du pouvoir.29(*)
A propos, l'effet de mode qu'installe l'Etat de droit issu
tout au moins du mouvement constitutionnel des Conférences Nationales
en Afrique noire entraîne, aux dires de Jean du Bois de GAUDUSSON, que
« les débats politiques sont portés sur le terrain du
droit ; la référence aux normes et à la
légalité est devenue une condition de la légitimité
vis-à-vis tant de l'opinion publique intérieure que de la
communauté internationale.(...) Ainsi que l'ont montré des
épisodes récents de la vie politique au Bénin, au Niger,
à Madagascar, la politique est à son tour saisie par le droit et
les juridictions ».30(*)
Il reste entendu que cette étude passe sous silence des
notions aussi importantes que la définition des juges constitutionnel et
administratif, l'analyse de leurs compétences, leur répartition
ainsi que les arrêts rendus par eux pris dans les aspects relatifs
à l'exécution. S'agissant d'une étude destinée aux
publicistes de haut niveau, il nous a paru superfétatoire de revenir sur
ces notions capitales qui pourraient cependant faire l'objet d'une
étude ultérieure plus fouillée.
La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême constitue une des garanties de protection des droits et
libertés fondamentaux par la justice31(*) ; il s'agira de voir de quelle manière
cette protection est assurée par le juge suprême congolais. Les
libertés publiques proclamées généralement par le
constituant et organisées éventuellement par le
législateur ordinaire peuvent être souvent méconnues ou
violées par l'autorité administrative. Un régime de droit
positif de libertés publiques doit donc comporter des garanties. Les
constitutions organisent souvent elles-mêmes les « garanties de
droits ».32(*)
L'inquiétude articulée avec humour par le
professeur Evariste BOSHAB nous paraît fondée à ce niveau
car, « longtemps sous la coupe du Parti-Etat, affaibli par une longue
tradition de dépendance, rendu indigent par la
rémunération de misère qu'il perçoit de
manière irrégulière, suffit-il qu'une disposition
constitutionnelle le déclare indépendant, pour que le juge
retrouve, comme par enchantement, l'esprit et les réflexes de cette
indépendance ? »33(*)
Il s'agit ici de voir comment se met en branle cette garantie
de droit au niveau de la saisine de l'organe juridictionnel chargé de la
mission de dire le droit et de sauvegarder les libertés publiques. Mais
pour donner la consistance à la chose (Forma dat esse rei),
comme diraient les scholastiques, il est utile d'indiquer déjà
le cheminement méthodologique suivi.
3. METHODOLOGIE
Les connaissances scientifiques couvrent
plusieurs domaines du savoir et sont acquises grâce à
l'utilisation des méthodes34(*) et techniques35(*) d'investigation propres à chaque
discipline36(*).
La question que nous nous proposons
d'étudier ici relève sans aucun doute du droit public37(*). Mais en cette discipline,
qu'est-ce que la méthode ? Le droit public dispose-t-il d'une
méthode susceptible de résoudre cette question ?
Laquelle ?
Nous savons déjà qu'en nous
occupant des phénomènes politiques, objet de la science politique
et du droit constitutionnel qui les étudient respectivement d'une
manière dynamique et statique, nous sommes amené à
utiliser des méthodes c'est-à-dire ainsi que le disent PINTO et
GRAWITZ, « un ensemble des opérations intellectuelles par
lesquelles une discipline cherche à atteindre des vérités
qu'elle poursuit, les démontre et les
vérifie »38(*).
Indispensable, la méthode n'est
pas, pour autant, unique. Marie-Anne COHENDET précise qu'en droit public
une méthode de travail n'existe pas. Et quand même elle
existerait, ajoute-t-elle, elle risquerait fort de se muer en un dogme
scélerosant la pensée39(*). Toutefois, le droit public concernant plus largement
l'élaboration des normes et l'organisation des institutions politiques
et administratives, il implique parfois des analyses qui font recours aux
méthodes et techniques d'investigation proches de plusieurs disciplines
scientifiques dites sciences sociales et en particulier de la science
politique.
La démarche du publiciste sera
exégétique nourrie de l'apport de l'approche
jurisprudentielle40(*).
Celle-ci donnera vie à la traditionnelle analyse des textes qui
n'échappe pas à la pertinente remarque de Dominique TURPIN
relative à ce qu'il appelle l'obsession textuelle saisie comme
l'état primitif de l'évolution du droit constitutionnel.41(*)
Il ne s'agit pas de se détacher du
texte mais plutôt de lui donner le sens que lui confère l'apport
des dimensions factuelles. Le travail de l'exégèse n'est-il pas
aussi celui de rechercher le fondement qui est toujours et déjà
préjuridique ou métajuridique?42(*) Qui mieux que le juge pourrait saisir ces dimensions
insoupçonnées du texte de loi qu'il s'agit
d'interpréter ?43(*)
Le doyen DUGUIT répond en opinant
que « en fait, la production spontanée du droit n'est jamais
arrêtée, (et) que le juge est absolument libre dans son
appréciation et qu'il ne peut pas être entravé et
gêné par ce que l'on prétend avoir été la
pensée réelle, quoique non exprimée, du
législateur »44(*).
Cet exposé des outils conceptuels
nous permet de fonder le choix méthodologique que nous assumons dans
cette étude.
Le sujet lui-même au demeurant
commande cette approche qui s'inscrit dans la trame du droit constitutionnel
contemporain dont le caractère jurisprudentiel45(*) est de plus en plus
marqué même si en République démocratique du Congo
des pas balbutiants sont encore à compter sur ce plan46(*). La traversée toute
récente du désert qu'était le monolithisme politique peut
expliquer le développement timide de la jurisprudence de la Haute Cour
dans le champ considéré.
Nous pensons qu'il y a quelque
mérite à ajouter au crédit des magistrats de la Haute Cour
qui, malgré les conditions de travail pénibles, ont
réussi, sur un si court parcours, à rendre quelques arrêts
dont le caractère hésitant n'échappe pas cependant
à tout chercheur averti. Le rôle à jouer par cette haute
juridiction est capital. Indubitablement, comme le professent Martine VIALLET
et Didier MAUS, sans un droit stable et simple, organisé autour d'une
justice indépendante et efficace, il ne peut exister ni croissance
économique ni progrès social.47(*)
Ce diagnostic cruel mais sincère
indique l'enjeu d'une justice constitutionnelle et administrative efficace et
son rôle dans l'érection d'un Etat de droit en République
démocratique du Congo. Il ne s'agit pas du seul levier de cet Etat de
droit que nous entendons construire en République démocratique du
Congo, mais assurément de l'un des plus importants d'entre tous.
Il s'agira de tenter à partir de
quelques cas bien choisis de théoriser suffisamment la notion de saisine
de la Haute Cour en matière constitutionnelle et administrative. Cette
tâche ardue trouve cependant quelque facilité à travers le
plan que nous nous proposons de suivre.
4. EBAUCHE DU PLAN
Les développements qui vont suivre porteront, d'une
part, sur les modalités de la saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit congolais, et d'autre part, sur l'analyse
jurisprudentielle de la saisine de ces juges et les réponses que ceux-ci
avaient réservées à ces requêtes. Dans la
conclusion, il sera question de dégager par cette analyse, le
degré d'indépendance des magistrats de la Haute Cour dans un pays
où la force des armes venait, il y a peu, d'avoir le dessus sur la force
de la loi.
CHAPITRE I : DES MODALITES DE LA SAISINE DU JUGE
CONSTITUTIONNEL ET DU JUGE ADMINISTRATIF SUPREME EN DROIT CONGOLAIS
Etudier les modalités de la saisine de la Haute Cour
peut paraître abrupt si nous ne touchons pas un mot sur le cadre
conceptuel de la question elle-même.
Il est utile de savoir que le thème central dans lequel
s'inscrit cette question spéciale de saisine est celui du contrôle
juridictionnel des actes des gouvernants. Ceux-ci peuvent relever du pouvoir
législatif ou du pouvoir exécutif. Le contrôle de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi est
érigé contre l'arbitraire du législateur tandis que le
contrôle de légalité l'est à l'encontre des actes
des autorités administratives.
Cette question centrale que nous n'aborderons pas ici touche
à la réflexion générale sur l'Etat de droit qui est
fondé de nos jours sur la notion de constitution dont la
suprématie doit être garantie notamment par le contrôle
juridictionnel. Ne pouvant pas tout aborder, la présente étude
s'attellera à l'analyse de la seule question de saisine pour les raisons
déjà invoquées ci-dessus. Par ailleurs, elle est assez
abordée dans les études récentes des publicistes
congolais.48(*)
Les modalités de la saisine du juge constitutionnel et
du juge administratif suprême seront analysées en quatre points,
à savoir : les cas d'ouverture de la procédure, les
conditions de recevabilité, la forme de la demande et les
compétences spéciales.
SECTION 1 : LES CAS D'OUVERTURE DE LA
PROCEDURE
Les cas d'ouverture de la procédure sont distincts
selon qu'il s'agit du juge constitutionnel ou du juge administratif
suprême.
§.1. LES RECOURS DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL
L'ouverture de la procédure devant le juge
constitutionnel peut concerner le recours en appréciation de la
constitutionnalité, le recours en interprétation de la
constitution, la contestation électorale et référendaire
ainsi que la consultation préalable.
A. EN MATIERE DE RECOURS EN APPRECIATION DE LA
CONSTITUTIONNALITE DES LOIS ET DES ACTES AYANT FORCE DE LOI
Le Procureur Général de la République
peut, d'office ou à la demande soit du Président de la
République, soit du Bureau du Parlement, soit encore des juridictions de
jugement, par requête, saisir la Cour Suprême de Justice d'un
recours en appréciation de la constitutionnalité des
lois49(*).
Le Président de la République peut, lorsqu'il
constate qu'une loi ou un acte législatif émanant du Parlement
est contraire à la constitution, demander au Procureur
Général de la République de saisir la Haute Cour en vue
d'obtenir d'elle l'appréciation de la constitutionnalité de cette
loi.
La compétence de formuler pareille demande est aussi
reconnue au Bureau du Parlement au terme de l'article 131 de l'Ordonnance-loi
n°82/017 du 31 mars 1982 réglant la procédure applicable
devant la Cour suprême de justice. Le caractère bicaméral
du parlement institué par la Constitution de transition semble cependant
poser le problème de la succession au « Bureau du Conseil
Législatif » dont parle expressis verbis la
procédure devant la Cour suprême de Justice. Nous estimons que ce
bureau est subrogé dans ses droits et obligations par les deux bureaux
du Sénat comme celui de l'Assemblée nationale. De toute
façon, il est utile de constater que le projet de constitution de la
République démocratique du Congo a réglé cette
question en attribuant la compétence de saisir la Cour constitutionnelle
et au Président de l'Assemblée Nationale et au Président
du Sénat50(*).
De même, les Cours et tribunaux peuvent eux aussi
demander au Procureur Général de la République d'agir par
voie de requête pour saisir la Cour Suprême de Justice en cette
même matière lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité
est soulevée devant eux pour les lois et les actes du Président
de la République ayant force de loi.
Cette règle prévue à l'article 131 de
l'Ordonnance-loi déjà invoquée a reçu une
consécration constitutionnelle dans l'article 162 du projet de
constitution de la République démocratique du Congo. Cette
écriture marque du point de vue formel une avancée car, à
bien lire le prescrit de cette disposition constitutionnelle, il
s'évince que le projet de constitution vient d'enlever au juge ordinaire
le pouvoir d'appréciation qu'il détenait en matière
d'exception d'inconstitutionnalité. En effet, dans le texte
susévoqué, le juge a la latitude d'apprécier le bien
fondé d'une exception soulevé devant lui. Dans le projet de
constitution, il ne peut que surseoir et saisir, toutes affaires cessantes, la
Cour constitutionnelle.
L'autre avantage sur le plan de la procédure est qu'il
est enlevé aux parties le droit qu'elles avaient de former un appel
dilatoire contre le jugement avant dire droit retenant une exception
d'inconstitutionnalité et renvoyant la connaissance de la cause à
la Cour suprême de justice, toutes sections réunies.
Toutefois, sans que cela soit l'objet direct de la
présente étude, il faut reconnaître que l'écriture
de l'article 162 dudit projet ne nous semble pas correcte tant elle retrace
quatre dispositions dont trois affirment des normes identiques sur la
compétence de la Cour constitutionnelle en cas d'exception
d'inconstitutionnalité tandis que la norme contenue dans le
deuxième alinéa affirme que toute personne peut saisir la Cour
constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte
législatif ou réglementaire.51(*) Il y a là violation de la règle
d'emplacement judicieux des normes dans la technique législative. Le
constituant à venir ouvre la saisine aux particuliers en matière
d'appréciation de la constitutionnalité des actes
législatifs et réglementaires. Une telle consécration
constitutionnelle d'une avancée notable en matière de protection
des droits de l'homme et donc d'érection de l'Etat de droit ne
méritait pas d'être diluée dans une formulation sujette
à caution.52(*)
B. EN MATIERE DE RECOURS EN INTERPRETATION DE LA
CONSTITUTION
Le Procureur Général de la République
peut, soit à la demande du Président de la République,
soit à celle du Bureau du Parlement ou encore à celle de toute
juridiction de jugement, saisir par voie de requête la Cour Suprême
de Justice d'un recours en interprétation de la constitution53(*).
En cette matière, trois cas donnent lieu à
l'ouverture de la procédure devant le juge constitutionnel, à
savoir :
- la demande du Président de la
République ;
- la demande du Bureau du Parlement ;
- la demande de toute juridiction de jugement.
Le recours en interprétation de la constitution
émanant de la juridiction de jugement n'est ouvert que lorsqu'une
disposition qualifiée d'obscure doit être appliquée
à un litige dont elle est saisie.
Le projet de constitution de la République
démocratique du Congo innove en la matière en édictant
clairement que la Cour constitutionnelle connaît des recours en
interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la
République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du
Président de l'Assemblée Nationale, d'un dixième des
membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de province et
des présidents des Assemblées provinciales.54(*)
Cette disposition constitutionnelle appelle de notre part une
appréciation favorable en termes d'avancée de la
démocratisation de la saisine du juge constitutionnel. Si
désormais la minorité politique au parlement dispose d'une arme
dont elle ne s'empêchera guère l'utilisation, il reste
néanmoins l'anomalie que la saisine ne soit pas ouverte au Premier
Ministre. L'ouverture faite au Gouvernement en tant qu'institution ne
règle pas la question capitale des modalités d'expression de
cette dernière. Par quel quorum et quelle majorité, une telle
décision devrait-elle passer ?
L'algèbre politique devrait pousser le constituant
à ouvrir la saisine au Premier Ministre qui, aux termes de l'article 91
dudit projet, est le Chef du Gouvernement. Par ailleurs, ceci n'est pas
conforme au mouvement constitutionnel africain ni même à la
logique qui voudrait que le Chef de l'Etat et le Premier Ministre, étant
tous deux justiciables de la Cour constitutionnelle, soient de même
investis de la qualité d'agir devant elle.55(*)
Du point de vue politique, il nous paraît atypique que
le Chef de la majorité parlementaire ne dispose pas d'une arme qu'il
n'hésiterait pas à employer contre le Président de la
République dans l'hypothèse de cohabitation des majorités
politiques ou même dans l'hypothèse fort récurrente
chez-nous de gouvernements de coalition en l'absence d'une majorité
homogène bien dessinée. Du reste, il est surprenant qu'en
matière d'examen de la constitutionnalité, l'article 160 du
projet de constitution lui ait attribué la compétence de saisine
qu'il lui dénie pour ce qui est de l'interprétation de la
même constitution. D'ailleurs, la représentation proportionnelle
qui semble recueillir les suffrages de plusieurs acteurs politiques n'a-t-elle
pas comme inconvénient politique majeur de favoriser
l'émiettement de l'expression de la volonté populaire dans le
pays ?
C. EN MATIERE DE CONTESTATION ELECTORALE
La Cour Suprême de Justice veille à la
régularité de l'élection du Président de la
République et à celle des élections des parlementaires.
Le projet de constitution de la République
démocratique du Congo n'innove pas en cette matière car il
édicte simplement que la Cour constitutionnelle juge du contentieux des
élections présidentielles, législatives ainsi que du
référendum56(*).
L'Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour
suprême de justice prévoit que la Cour Suprême de Justice
soit saisie, par requête du Procureur Général de la
République, lequel doit être préalablement saisi des
réclamations formulées à cet effet lorsqu'il s'agit de
l'élection présidentielle. De même, en ce qui concerne les
élections parlementaires, le candidat malheureux ou évincé
peut saisir la Cour Suprême de Justice de toute réclamation
éventuelle relative à la régularité des
élections57(*)auxquelles il a intérêt.
C'est aussi le cas pour les actes du parlement refusant la
validation des pouvoirs ou constatant la démission d'office d'un
parlementaire58(*).
La jurisprudence congolaise en matière de contestation
électorale est presque nulle.59(*) C'est ici le lieu de relativiser les propos à
notre sens excessifs de MATADI NENGA GAMANDA selon lesquels « comme
juge de recours électoraux, elle (la Cour suprême de justice) n'a
réellement siégé dans aucune affaire bien que le registre
indique l'enrôlement de 270 affaires, toutes enregistrées en 1977,
année au cours de laquelle avaient été organisées
les élections des membres du Bureau politique du M.P.R., des
assemblées provinciales et communales ».60(*)
Non seulement qu'en la date évoquée furent
organisées des élections législatives à la suite du
discours de démocratisation du 1er juillet 1977 mais aussi
et surtout la raison du non traitement des recours ainsi enrôlés
doit être recherchée dans l'idée de droit que
secrétait le système monopartisan. Derrière le refus de
poursuivre les causes ainsi enrôlées par les candidats malheureux
aux élections législatives, se profile, à notre avis,
toute la problématique de la conception du pouvoir en Afrique noire
postcoloniale dont la sacralisation en fait un mystère auréolant
les actes du pouvoir quel qu'il soit d'un halo de sainteté qui
empèche du moins en théorie toute contestation.61(*)
D. EN MATIERE DE CONSULTATION
La loi offre la possibilité à toute
autorité habilitée à prendre un acte législatif ou
administratif ou même à l'autorité qui a pris l'initiative
de la consultation, de saisir la section de législation de la Haute Cour
pour solliciter ses avis consultatifs sur les projets ou propositions des lois
qui lui sont soumis ainsi que sur des difficultés
d'interprétation des textes62(*).
Il importe toutefois de préciser qu'en sa section de
législation, la Cour Suprême de Justice agit plutôt comme
conseiller des autorités publiques qui se proposent de prendre des actes
juridiques par voie d'avis et ne saurait être techniquement pris pour
juge car là elle n'exerce pas une activité juridictionnelle, elle
ne tranche pas. Mais en raison de l'importance de la question de la saisine
soulevée à l'occasion de certains avis de cette section de la
Haute Cour, il nous a paru indispensable d'étudier en second chapitre de
ce travail ces avis au plan de la question sous examen.
Siégeant comme conseiller
des autorités exécutives, le juge de la section de
législation présente les avantages de la technostructure et les
inconvénients du juge qui s'occupent des questions politiques.
Ces autorités sont
notamment, le Président de la République, le Président de
l'Assemblée nationale ou celui du Sénat, les Ministres et les
Gouverneurs de Province63(*).
E. EN MATIERE REFERENDAIRE (ARTICLE 150 ALINEA 2 DE LA
CONSTITUTION)
Le référendum tel que la
constitution l'a envisagé peut bien être constituant ou
législatif. Il suffit seulement qu'il y ait référendum
pour que la Haute Cour voie sa saisine s'ouvrir aux différents litiges
susceptibles de naître à l'occasion de l'organisation et du
déroulement de cette institution de participation politique des citoyens
à la vie de la Nation.
Cette catégorie de contentieux recouvre en effet
plusieurs cas d'ouverture. Le contentieux référendaire peut
s'ouvrir à toute personne intéressée à la
procédure du référendum chaque fois qu'il y a vice ou
cause de nullité sur les listes électorales ou sur les
opérations du vote référendaire proprement dit.
La loi n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation
du référendum constitutionnel en République
démocratique du Congo64(*) ouvre, en ses articles 48 et suivants, un contentieux
référendaire dont la compétence est attribuée
à la Cour suprême de justice. Elle est saisie par voie de
requête de partis politiques, association, Procureur
Général de la République ou toute personne
intéressée65(*).
§.2. LES RECOURS OUVERTS DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF
SUPREME
Plusieurs cas d'ouverture de la procédure devant le
Juge Administratif Suprême seront analysés, suivant les
matières ci-après : le recours en annulation et le recours
de pleine juridiction ainsi que le recours en indemnité pour
préjudice exceptionnel. Il va sans dire que cette classification est
celle qu'adopte le législateur congolais suivant en cela la doctrine
française la plus en vue66(*).
A. LE RECOURS EN ANNULATION
Tout particulier justifiant qu'un acte, une décision ou
un règlement d'une autorité administrative centrale entrepris lui
fait grief et qu'il a été pris en violation des formes soit
substantielles, soit prescrites à peine de nullité ou qu'il y a
eu excès ou détournement de pouvoir, peut introduire une
requête en annulation devant la Cour Suprême de Justice67(*).
De même, l'appel des décisions rendues par les
Cours d'Appel sur recours en annulation formés à l'issue d'une
violation de la loi contre les actes, règlements et décisions des
autorités administratives provinciales et locales est soumis à
l'appréciation de la section administrative de la Cour Suprême de
Justice68(*).
Il en est ainsi de l'appel de l'action en réparation
causée par un acte, un règlement ou une décision
illégale introduite en même temps que la demande en annulation au
niveau de la Cour d'appel siégeant comme juge administratif du premier
degré.69(*)
B. LE RECOURS DE PLEINE JURIDICTION
Le droit administratif congolais offre la possibilité
à tout plaideur qui peut justifier d'un droit lésé par un
acte administratif d'en obtenir à la fois et l'annulation et la
réparation.
Le juge administratif saisi en cette matière se
comportera comme en matière d'annulation des actes administratifs sauf
qu'il allouera des dommages et intérêts consécutivement
à l'annulation de l'acte incriminé qui aura ainsi causé
préjudice au requérant.
C'est ainsi qu'aux termes de l'arrêt R.A. 235 du 19
février 1993 dit arrêt Témoins de Jéhovah de la
Cour suprême de Justice, section administrative, la République
avait été condamnée à payer au titre des dommages
et intérêts la somme de un milliard de zaïres après
que la décision administrative d'expropriation des immeubles de
l'a.s.b.l. Témoins de Jéhovah ait été
annulée suivant arrêt rendu le 2 novembre 199070(*).
Pour sa part, l'arrêt R.A. 266 du 8 janvier 1993, outre
le tollé doctrinal qu'il a soulevé en son temps, est la parfaite
illustration du contentieux de pleine juridiction en droit congolais car la
Haute Cour avait non seulement annulé l'ordonnance présidentielle
n°86-086 du 12 mars 1986 mais condamné la République
à payer à l'a.s.b.l. Témoins de Jéhovah la somme de
zaïres vingt mille au titre de dommages et intérêts71(*).
C. LE RECOURS EN INDEMNITE POUR DOMMAGE EXCEPTIONNEL (ARTICLE
94 C.P.C.S.J.)
Tout comme en matière de recours en annulation, la
procédure d'indemnité pour réparation d'un dommage
exceptionnel, est ouverte à tout particulier lorsque celui-ci estime
avoir subi un dommage exceptionnel résultant d'une mesure prise ou
ordonnée par les autorités de la République, des provinces
ou des collectivités locales, et qu'il n'existe aucune juridiction
compétente pour connaître de sa demande en réparation du
préjudice subi.
La question que semble poser cette disposition légale
nous parait être celle de la définition d'un dommage exceptionnel.
Si la notion de dommage est clairement circonscrite en droit, la notion de
dommage exceptionnel emprunte en revanche les allures de la quadrature du
cercle. Qu'est-ce qui serait exceptionnel ? La hauteur du préjudice
ne saurait à elle seule suffire à imprimer ce caractère
à un dommage tant les tribunaux ordinaires allouent presque
journellement des dommages et intérêts énormes en
réparation des préjudices évalués par eux comme
immenses.
Il nous semble que ce serait
pourtant le cas des préjudices causés par des mesures politiques
dont la nature juridique rend justement et le juge civil et le juge
administratif incompétents. L'expropriation des maisons des
Ouest-africains relèverait de cette catégorie car en
réalité aucune décision administrative de
l'autorité n'existe de sorte qu'il est difficile de l'attaquer en
annulation faute d'instrumentum.72(*)
Le particulier ainsi lésé peut introduire par
voie de requête, une demande d'indemnité auprès de la Cour
Suprême de Justice73(*).
Les idées étant fixées sur les cas
d'ouverture de la procédure, il importe d'examiner à
présent les conditions de recevabilité de la requête
introduite soit devant le juge constitutionnel, soit devant le juge
administratif suprême.
SECTION 2 : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DE LA
REQUETE
Les conditions de recevabilité de la requête
seront examinées selon que celle-ci est introduite devant le juge
constitutionnel ou le juge administratif suprême, en tenant compte des
conditions à la fois générales et particulières.
Il faut d'emblée dire que les conditions
générales sont celles que doit remplir toute requête
introduite devant la haute Cour quelque soit la matière dans laquelle
elle serait appelée à intervenir, sa composition et le
degré de juridiction au niveau duquel elle se situerait.
§.1. LES CONDITIONS GENERALES DE RECEVABILITE DE LA
REQUETE INTRODUITE DEVANT LA COUR SUPREME DE JUSTICE
Au nombre de ces conditions figurent la forme de la demande,
les mentions obligatoires que doit comporter la requête, les
éléments du mémoire ainsi que les nombres de copies et
l'élection de domicile pour le requérant.
Il importe à ce niveau de les analyser une à une
pour enfin voir comment elles justifient la recevabilité de la
requête.
A. DE LA FORME DE LA DEMANDE
Selon l'article 1er de la Procédure devant
la Cour Suprême de Justice, celle-ci est saisie par voie de requête
ou de réquisitoire du Ministère Public déposé au
greffe.
La loi impose que la requête introduite soit
signée par un Avocat inscrit au Barreau près la Cour
Suprême de Justice, sauf en matière administrative ou si elle est
l'oeuvre du Ministère Public. Celle-ci est datée74(*).
B. DES MENTIONS OBLIGATOIRES
La requête doit obligatoirement et sous peine de
nullité, mentionner :
- le nom, éventuellement les prénoms, la
qualité et demeure ou siège de la partie
requérante ;
- l'objet de la demande ;
- les noms, prénoms, qualité et demeure ou
siège de la partie adverse et ;
- l'inventaire des pièces formant le dossier75(*).
C. DES ELEMENTS DU MEMOIRE
Pour être recevable, le mémoire doit être
signé par un Avocat inscrit au Barreau près la Cour Suprême
de Justice, sauf en matière administrative ou s'il émane du
Ministère Public. Ce mémoire est daté et comporte les
mentions ci-après :
- les noms et prénoms, éventuellement, la
qualité et la demeure ou le siège de la partie
concluante ;
- les moyens complémentaires à la requête
ou les exceptions et les moyens opposés à la requête et aux
mémoires
- les références du rôle d'inscription de
la cause et ;
- l'inventaire des pièces format le dossier au
greffe76(*).
Les éléments du
mémoire constituent, à n'en point douter, le contenu tandis que
le mémoire lui-même joue le rôle de contenant surtout que la
procédure devant la haute Cour est écrite et accessoirement
orale.
D. DU NOMBRE DES COPIES ET DE L'ELECTION DE DOMICILE
Pour être recevable, la requête ou le
mémoire produits devant la Cour Suprême de Justice doivent
être accompagnés de deux copies signées par l'Avocat ou en
matière administrative, par la partie elle - même, ainsi que
d'autant d'exemplaires qu'il y a des parties désignées à
la décision entreprise77(*).
Les parties doivent, sauf en matière administrative,
dans la requête introductive ou dans le mémoire en réponse
déposé au greffe, faire élection de domicile au Cabinet
d'un Avocat à la Cour Suprême de Justice78(*).
Cette exigence qui semble être légitime du fait
que les parties aux procédures pendantes devant la Haute Cour sont
souvent éloignées du siège de celle-ci dont le ressort est
le territoire national, pose quand même le problème juridique de
sa cohérence avec l'ordre juridique tout en entier.
Les parties au procès d'interprétation de la
Constitution et celles en instance de contrôle de
constitutionnalité des lois tant a priori qu'a
posteriori sont sans conteste des autorités publiques dont
l'élection de domicile nous parait non seulement superflue mais surtout
sujette à caution.
En effet, il est utile d'élire domicile lorsque son
domicile réel est situé loin du lieu où un acte doit
être accompli. Dans le cas qui nous occupe, les autorités
publiques qui sollicitent une interprétation de la Constitution ou un
contrôle de la constitutionnalité des lois ont leur siège
à Kinshasa. Il s'agit en sus des institutions politiques que le
Constituant lui-même a logées à Kinshasa à
l'exception des cours et tribunaux qui sont essaimés à travers la
République.
Comment dès lors peuvent-elles élire domicile
encore que techniquement elles se limitent à adresser des
requêtes ou des jugements ou arrêts avant dire droit au Procureur
Général de la République, pour ce qui est du
contrôle de constitutionnalité des lois ou d'interprétation
de la Constitution ?
L'argument tranchant est que le Code de la famille qui dispose
sur la matière d'élection de domicile ne concerne que les
personnes physiques, les personnes morales même celles de droit
privé restant régies quant à cette question par le droit
commercial ou la loi sur les associations sans but lucratif qui
réglementent alors leur siège social et non leur domicile entendu
comme le lieu du principal établissement d'une personne et le
siège de ses intérêts essentiels79(*).
Cette exigence légale nous semble parfaitement
justifiée lorsqu'il s'agit des particuliers et dans les seules
matières où ceux-ci peuvent intervenir. Or, les particuliers sont
loin d'ester en justice en cette matière. Dès lors, il est
excessif, comme le laisse croire l'avocat général de la
République KATUALA KABA KASHALA que le Président de la
République aurait dû recourir aux services d'un avocat à la
Cour suprême de justice et donc d'élire domicile au cabinet de ce
dernier pour que sa requête formée sur base de l'article 121
alinéa 2 de la Constitution soit reçue.80(*)
Nous prolongerons la critique au point réservé
à cette formalité procédurale.
§.2. LES CONDITIONS PARTICULIERES DE RECEVABILITE DE
LA REQUETE
Les conditions particulières de recevabilité
seront appréciées tant devant le juge constitutionnel que devant
le Juge Administratif Suprême, suivant la juridiction, les
formalités substantielles à réaliser, les délais
à respecter et les compétences spéciales de la Cour.
A. LA FORME DE LA DEMANDE
Il y a lieu de distinguer l'hypothèse de l'initiative
devant le juge constitutionnel de celle enclenchée devant le Juge
Administratif.
I.L'INITIATIVE DE LA DEMANDE DEVANT LE JUGE
CONSTITUTIONNEL
Devant le juge constitutionnel, l'initiative de la demande est
reconnue, selon les cas, au Président de la République, au Bureau
du Parlement, aux Cours et Tribunaux, au Procureur Général de la
République, et à titre exceptionnel selon l'article 131 de la
Constitution de la Transition du 04 avril 2003, aux Parlementaires.
1. L'INITIATIVE EMANANT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Selon les dispositions des articles 131 et 132 de l'ordonnance
- loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure
devant la Cour Suprême de Justice, le Président de la
République peut, lorsqu'il constate, à travers les lois et
règlements intérieurs du Parlement, des dispositions
jugées par lui comme étant inconstitutionnelles, prendre
l'initiative de procéder par voie de recours en appréciation de
la constitutionnalité.
Il en est de même lorsqu'il se décide de
déclencher la procédure d'interprétation de la
constitution. Mais la loi précise qu'il doit, pour cela, adresser une
demande au Procureur Général de la République.
Toutefois, avant la promulgation d'une
loi, la Constitution de la Transition offre au Président de la
République, lorsque celle-ci contient des dispositions jugées par
lui, comme étant non conformes à la Constitution, la
possibilité de saisir directement la Cour Suprême de Justice d'un
recours tendant à faire déclarer celles-ci conformes ou non
à la Constitution, et cela, par voie d'arrêt81(*). Ici, le législateur
congolais semble s'être aligné sur le constituant
français82(*)
Mais, il convient de relever que, dans ce cas précis,
la requête du Président de la République ne peut se faire
que dans le strict respect de la procédure applicable par devant la Cour
Suprême de Justice, c'est-à-dire que sa requête peut
être signée par un Avocat exerçant son ministère
près cette Cour83(*).
D'emblée, nous pouvons constater que la Cour
suprême n'a pas adopté le point de vue de l'avocat
général de la République KATUALA KABA KASHALA.
Nous approuvons la Haute Cour sur ce point précis car,
le Président de la République agissant sur pied de l'article 121
de la Constitution par exemple ne saurait être valablement soumis au
prescrit de l'article 2 de la procédure devant la Cour suprême de
Justice. En vertu de la hiérarchie des sources des normes juridiques, il
est patent que le Constituant disposant que la Cour suprême de Justice
est saisie par le Chef de l'Etat, ce dernier qui est une institution soit
obligée de recourir aux services d'un Avocat.
Du reste, il faut combiner cet article 2 de la
procédure devant la Cour suprême de Justice avec les pertinentes
dispositions de l'Ordonnance-loi organique du Barreau pour se convaincre que
les règles qui imposent le recours obligatoire à un avocat
à la Cour suprême de Justice ne sont d'application qu'en
matière de cassation. L'extension qui en est faite en toutes autres
matières de la compétence de la Haute Cour nous parait
dénuée de toute base légale.
Cette question semble soulever cependant le problème
tranché récemment par la Haute Cour qui est celle du monopole de
représentation des parties par les avocats près cette
Cour84(*). Les avocats
à la Cour suprême n'ont de monopole obligatoire de
représentation des parties qu'en matière de cassation aux termes
de l'article 103 de l'Ordonnance-loi n°79/028 du 28 septembre 1979 portant
organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps
des mandataires de l'Etat.
A notre avis, la confusion serait partie de
l'interprétation intéressée de l'article 2 du code de
procédure devant la Cour suprême de Justice qui dispose tout
simplement que « la requête introductive doit être
signée par un avocat à la Cour suprême de
justice ». Signer une requête n'emporte aucune
représentation de la partie. La signature de la requête
relève des actes de postulation et non de la comparution des parties qui
pose le problème de la représentation.
S'agissant d'une procédure écrite et sans partie
opposée, nous ne voyons pas pourquoi la représentation de
l'avocat serait indispensable. C'est ainsi, qu'à notre avis, le
débat du monopole brisé ou non des avocats près la Haute
Cour est mal posé par les commentateurs de tout bord de l'arrêt RR
302.
De même, ce débat a l'inconvénient majeur
d'être posé par des protagonistes de l'un ou l'autre barreau qui
semblent s'intéresser à leurs intérêts
professionnels plutôt qu'à une interprétation
désintéressée de la Loi.
2. L'INITIATIVE EMANANT DU BUREAU DU PARLEMENT
La Constitution de la Transition indique clairement que, le
Bureau de l'Assemblée nationale et celui du Sénat peuvent,
distinctement, initier un recours en appréciation de la
constitutionnalité des lois et des actes du Président de la
République ayant force de loi, en adressant une demande au Procureur
Général de la République.
Cette initiative leur est aussi reconnue dans les mêmes
conditions lorsqu'ils veulent solliciter de la Haute Cour une
interprétation précise d'une disposition constitutionnelle.
3. L'INITIATIVE DES COURS ET TRIBUNAUX
Les Cours et Tribunaux peuvent, dans l'hypothèse
où une exception d'inconstitutionnalité contre une loi ou un acte
législatif, est soulevée devant eux soit d'office, soit par l'une
des parties au procès, ou encore par le Ministère Public, initier
un recours en appréciation de la constitutionnalité devant la
Haute Cour. Ils le peuvent aussi lorsqu'une disposition qualifiée
d'obscure doit être appliquée à un litige dont ils sont
saisis.
Mais dans les deux cas, ils formulent
une demande précise au Procureur Général de la
République, seule autorité habilitée à saisir la
Cour Suprême de Justice. Nous pensons qu'en cette hypothèse,
à la demande à adresser au Procureur général de la
République, il devra être joint une copie de la décision
avant dire droit établissant la nécessité de cette
interprétation.
4. L'INITIATIVE DU PROCUREUR GENERAL DE LA REPUBLIQUE
Le Procureur Général de la République
peut, d'office, prendre directement l'initiative de saisir la Haute Cour par
voie de recours en appréciation de la constitutionnalité des
lois, des actes législatifs et des actes du Président de la
République ayant force de loi.
Mais la loi spécifie qu'en matière de recours en
interprétation de la constitution, le Procureur Général de
la République ne peut déclencher cette procédure
qu'à la demande, soit du Président de la République, soit
du Bureau du Parlement, soit encore des Cours et Tribunaux.
Selon MABANGA MONGA MABANGA, c'est en vertu des dispositions
de l'article 6, alinéa 1 du code d'Organisation et de Compétence
Judiciaires que le législateur a permis au Procureur
Général de la République de déclencher la
procédure de contrôle de constitutionnalité lorsqu'il
estime que la loi ou l'acte législatif dont lui et ses subalternes sont
appelés à veiller à l'application est entaché
d'inconstitutionnalité85(*).
Le Procureur Général de la République
dispose aussi de l'initiative de saisir la Cour Suprême de Justice en
matière de contestation électorale, spécialement en ce qui
concerne l'élection du Président de la République, mais
uniquement en considération des réclamations qui lui sont
adressées et ce, dans le délai de huit jours.
Cette procédure est modifiée par la loi
électorale en vigueur depuis 2006.
5. LES PARLEMENTAIRES
En cas de contestation électorale pour les
élections parlementaires, ou pour les actes législatifs refusant
la validation des pouvoirs ou constatant la démission d'office d'un
parlementaire, la loi accorde au parlementaire ou au candidat
lésé la possibilité de saisir directement la Cour
Suprême de Justice de ses réclamations.
Par ailleurs, la Constitution de la Transition précise
en son article 131 qu'avant la promulgation d'une loi par le Président
de la République, et lorsqu'il existe dans ladite loi des dispositions
jugées non conformes à la Constitution, au moins le
dixième des députés ou le dixième des
sénateurs peuvent saisir la Cour Suprême de Justice, par voie de
requête, en vue de faire déclarer ladite loi non conforme à
la Constitution. En doctrine cependant, l'on peut noter que les recours
constitutionnels ouverts aux députés contre les actes
législatifs visent en réalité à protéger la
minorité parlementaire contre les excès et l'arbitraire de la
majorité politique qui légifère86(*). Du point de vue politique, si
des membres de la majorité saisissaient le juge constitutionnel pour
censurer une loi à laquelle ils sont théoriquement sensés
avoir adhéré, il y aurait indubitablement rupture de confiance
dans la majorité du fait de ce manque de discipline nécessaire
à la survie d'un parti.87(*)
Cette disposition constitutionnelle déroge quelque peu
au principe érigé par les articles 131 et 132 du texte sur la
procédure devant la Cour Suprême de Justice, laquelle subordonne
pareille démarche à la requête du Procureur
Général de la République.
C'est dans ce sens que par leur recours
daté du 11 mars 2004 et déposé au greffe de la Cour
Suprême de Justice, le 12 mars 2004, les honorables députés
KAZADI NANSHA BOLOWA, Jean MUBANGA KABOBELA, Alphonse LUPUMBA KAMANDA, Bruno
MUKADI et Flory SEKELAY ont sollicité l'examen de la conformité
à la Constitution de la Transition de la loi portant organisation et
fonctionnement des partis politiques. L'histoire dira plus tard quelles auront
été les motivations réelles en soutènement du
recours ainsi formé. Le silence qui l'a entouré et le peu
d'intérêt que l'arrêt intervenu en cette cause a
suscité en doctrine sont surprenants. Le juge constitutionnel a
décrété l'irrecevabilité du recours formé
par ces députés pour cause d'insuffisance du quorum exigé
par la constitution.
Nous étudierons cette décision un peu plus
loin.
II. L'INITIATIVE DEVANT LE JUGE
ADMINISTRATIF SUPREME
Devant le juge administratif suprême, l'initiative de la
procédure revient aux particuliers, et cela, dans les trois
hypothèses suivantes :
1. EN CAS DE RECOURS EN ANNULATION
Le Particulier est autorisé à saisir le Juge
Administratif Suprême lorsqu'il estime que l'acte, la décision ou
le règlement pris par une autorité centrale lui fait grief et
qu'il a été pris en violation des formes, soit substantielles,
soit prescrites à peine de nullité, ou qu'il y a eu excès
ou détournement de pouvoir88(*).
2. EN CAS D'APPEL SUR DECISION RENDUE PAR LA COUR
D'APPEL EN ANNULATION
L'appel contre une décision rendue par la Cour d'Appel
sur recours en annulation formé pour violation de la loi contre les
actes, règlements et décisions des autorités
administratives, provinciales et locales relève de l'initiative du
particulier.
3. EN CAS DE RECOURS DE PLEINE JURIDICTION
Le recours de pleine juridiction ou de plein
contentieux s'entend de celui qui peut être formé par le
particulier en vue d'obtenir à la fois et l'annulation de l'acte
administratif unilatéral causant grief et la réparation des
suites dommageables de cet acte. La jurisprudence congolaise de la Haute
juridiction révèle de nombreux cas de plein contentieux en
l'occurrence la célèbre affaire Témoins de Jéhovah
que nous analyserons un peu plus loin.
4. EN CAS DE RECOURS EN INDEMNITE POUR DOMMAGE
EXCEPTIONNEL
Le particulier peut aussi saisir directement la Cour
Suprême de Justice en sa section administrative d'une demande
d'indemnité relative à la réparation d'un dommage
exceptionnel, matériel ou moral, résultant d'une mesure prise ou
ordonnée par les autorités de la République ou des
entités locales.
A la question de savoir ce qu'est un dommage exceptionnel, le
professeur KABANGE NTABALA répond par une explication théorique
du principe ainsi que du fondement de la réparation qu'il peut
entraîner.89(*)
Félix VUNDOWE, en revanche, opinait déjà en 1969 que
« d'après les travaux préparatoires de la constitution,
il s'agit des dommages résultant des faits de guerre, de troubles, de
mutineries et de rebellions n'entraînant pas la responsabilité
établie de l'administration, car elle pourrait invoquer la force
majeure. Cette disposition a été inspirée par les
événements qui ont perturbé la vie du Congo-Kinshasa
depuis son indépendance. Des Belges, installés au Congo et
victimes de dommages de cette nature, avaient saisi le Conseil d'Etat belge de
demandes d'indemnités qui ont été, bien entendu,
rejetées »90(*)
Si la jurisprudence congolaise d'avant l'indépendance
issue du Conseil d'Etat belge qui avait son ressort étendu jusque chez
nous indique des décisions de rejet des recours en indemnité sur
la base de la théorie de la souveraineté, celle d'après
1960 ne présente pas un seul cas de recours en indemnité pour
dommage exceptionnel.
L'explication à donner à cette situation serait,
à notre avis, que la nature subsidiaire de ce recours qui est technique
car exigeant un recours préalable91(*) comme tout contentieux d'annulation ne permet pas
toujours le recours fréquent à ce mode de saisine. Toutefois, il
faut redouter que dans les jours à venir il y ait une recrudescence de
telles procédures inspirées aux victimes de la guerre qui a
sévi longtemps dans notre pays.
B. LES AUTORITES OU LES PERSONNES COMPETENTES POUR SAISIR LE
JUGE CONSTITUTIONNEL OU LE JUGE ADMINISTRATIF SUPREME
L'examen de la question relative à la saisine du juge
constitutionnel sera suivi de celui du Juge Administratif Suprême.
En droit congolais, le juge constitutionnel ou le Juge
Administratif Suprême peut être saisi, sous réserve du
strict respect de la procédure devant la Cour Suprême de Justice,
soit par le Président de la République, soit par les
parlementaires, soit par le Procureur Général de la
République ou encore par les particuliers.
I. LES AUTORITES HABILITEES A SAISIR LE JUGE
CONSTITUTIONNEL
Sont compétents pour saisir le Juge Constitutionnel, le
Président de la République, les Parlementaires et le Procureur
Général de la République.
1. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Quoique le Président de la République ait
l'initiative de déclencher la procédure de recours en
appréciation de la constitutionnalité ou de recours en
interprétation de la constitution, ou encore de contestation
électorale en cas de réclamation sur l'élection
présidentielle, la seule hypothèse qui accorde la
possibilité de saisir directement la Cour Suprême de Justice,
c'est celle qui consiste à faire déclarer une loi non conforme
à la Constitution avant sa promulgation92(*).
Mais, le Président de la
République ne peut saisir directement le juge constitutionnel que par le
Ministère d'un Avocat près la Cour Suprême de
Justice93(*). Cette
affirmation excessive manque de base dans la loi sur le barreau dont l'article
103 ne consacre le monopole de représentation aux avocats près la
Cour Suprême de Justice qu'en matière de cassation, et elle ne
semble pas avoir reçu l'approbation de la jurisprudence qui est
fixée depuis l'arrêt R.R. 302 rendu entre Minocongo et Socimex et
le Tribunal de Paix de Matadi. Sans les puissants appuis de la loi et de la
jurisprudence, l'opinion de l'avocat général de la
République KATUALA KABA KASHALA est demeurée isolée et
erronée.
2. LES PARLEMENTAIRES
L'article 131 de la Constitution de la Transition donne droit
aux parlementaires, c'est-à-dire au moins le dixième des
députés ou le dixième des sénateurs, de saisir le
juge constitutionnel pour faire déclarer une loi non conforme à
la Constitution avant sa promulgation par le Chef de l'Etat.
Il s'agit d'une avancée démocratique dans les
mécanismes de protection politique de la minorité mais dans le
contexte politique des composantes et entités issues du Dialogue
intercongolais, cette disposition peut donner lieu à des abus de tout
genre. Et la Cour suprême de justice dans sa configuration actuelle
n'offre nullement une garantie suffisante contre de tels abus surtout
lorsqu'ils sont le fait de la composante qui a nommé lesdits
magistrats.
A l'instar de la précédente hypothèse,
les parlementaires ne peuvent saisir la Cour que par requête dûment
signée par un Avocat près la Cour Suprême de Justice.
En dehors de cette hypothèse, les parlementaires ou les
candidats parlementaires peuvent, lorsqu'ils veulent formuler des
réclamations en matière d'élections législatives,
saisir la Cour Suprême de Justice dans les formes
susévoquées.
Il en est de même lorsqu'il y a des contestations pour
les élections des parlementaires, ou des recours dirigés contre
les actes du parlement refusant la validation des pouvoirs ou constatant la
démission d'office d'un parlementaire.
3. LE PROCUREUR GENERAL DE LA REPUBLIQUE
Le Procureur Général de la République
est, faut-il le rappeler, la seule autorité habilitée à
saisir, par voie de requête, la Cour Suprême de Justice en
matière de recours en appréciation de la
constitutionnalité, de recours en interprétation de la
Constitution et de contestation électorale de l'élection du
Président de la République.
Cette requête constitue l'acte introductif d'instance
susceptible de saisir la cour94(*).
La loi ne prévoit aucun délai spécifique
pour saisir la Cour Suprême de Justice en matière de recours en
appréciation de la constitutionnalité et de recours en
interprétation de la constitution ainsi qu'en matière de
consultation. Cette situation se justifie par le fait que ce recours peut
être initié à tout moment.
Par contre, avant la promulgation d'une loi par le
Président de la République, la Constitution de la Transition
accorde un délai de six jours francs à celui-ci, ainsi qu'au
dixième au moins des députés ou des sénateurs la
possibilité de saisir la Cour Suprême de Justice pour faire
déclarer ladite loi conforme ou non à la Constitution.
En ce qui concerne la saisine de la Cour Suprême de
Justice sur les contestations relatives à l'élection du
Président de la République, cette saisine doit avoir lieu dans la
quinzaine à dater des opérations électorales95(*).
Ce délai est porté à trente jours qui
suivent la proclamation des résultats lorsqu'il s'agit des
élections des parlementaires96(*).
II. LES PERSONNES QUALIFIEES POUR
SAISIR LE JUGE ADMINISTRATIF SUPREME
La loi reconnaît implicitement à d'autres
autorités administratives disposant du pouvoir réglementaire, la
possibilité de consulter la Haute Cour97(*). Cette consultation est préalable mais elle
peut être soit a posteriori lorsqu'elle consiste à obtenir une
interprétation d'un texte légal ou réglementaire, soit a
priori, avant la prise d'une loi ou d'un acte réglementaire.
C'est dans ce sens que par requête n°
CAB/P/AN/KLB-NK/MK1244/04 du 02 août 2004, reçue au greffe de la
Cour Suprême de Justice le 05 août 2004, le Président de
l'Assemblée Nationale, agissant en vertu des dispositions de l'article
115 et suivants de l'ordonnance - loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative
à la procédure applicable devant la Cour Suprême de
Justice, a sollicité de celle-ci un avis consultatif sur le sens
à donner à l'assassinat politique, aux fins de savoir s'il s'agit
d'une infraction de nature politique susceptible d'en faire
bénéficier aux auteurs du bénéfice de l'amnistie,
en vue de permettre aux membres des l'Assemblée nationale de voter en
pleine connaissance de cause et de ses conséquences, le projet de loi
relatif à l'amnistie.
En son assemblée mixte tenue le 19 Août 2004, la
Cour Suprême de Justice relève qu'elle n'est pas compétente
pour examiner la requête qui lui a été
présentée motif pris de ce que le Président de
l'Assemblée Nationale a sollicité non pas « un avis
consultatif » conformément aux articles 159 du code de
l'organisation et de compétence judiciaires et 115 et suivants de
l'ordonnance - loi 082-017 du 31 Mars 1982, mais plutôt « un
avis sur les opinions et les discussions de l'assassinat politique encore en
discussion et de clarifier le sens et les effets relatifs à
l'application d'une loi qui sera votée ».
En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la
Cour suprême de justice se limite en matière d'avis consultatif
à vérifier la légalité de l'acte à prendre
et sa conformité aux principes constitutionnels et aux principes
généraux du droit. Telle est la substance de l'avis R.L. 10
donnée par la Haute Cour le 25 Août 2004.
Dans l'étude du délai de la saisine du juge
administratif suprême, il convient de distinguer deux délais
particuliers en ce qui concerne le recours administratif d'une part, et le
recours juridictionnel de l'autre.
Le recours administratif est une réclamation
préalable faite auprès de l'autorité compétente,
tendant à voir rapporter ou modifier l'acte entrepris. Cette
réclamation constitue un recours gracieux lorsqu'elle est faite devant
l'autorité qui a pris l'acte contesté ; elle est un recours
hiérarchique lorsque la réclamation est portée
auprès de l'autorité hiérarchiquement supérieure
à celle qui a pris l'acte entrepris.
Le délai pour introduire valablement un recours
administratif est de trois mois à dater de la publication faite
personnellement au particulier lésé98(*).
Il en est de même en
matière de recours de pleine juridiction99(*).
Le recours juridictionnel, par contre, est celui qui est
initié devant la Cour après le rejet total ou partiel du recours
administratif par l'autorité compétente.
Il doit être introduit dans les trois mois à
dater du rejet de la réclamation faite auprès de
l'autorité qui a pris l'acte entrepris ou de l'autorité
hiérarchiquement supérieure à celle-ci ; le
défaut de décision de l'administration après trois mois
à dater du jour du dépôt à la poste du pli
recommandé, le récépissé ainsi que la copie de la
réclamation et de la décision de rejet faisant foi100(*).
C. LES COMPETENCES SPECIALES DU JUGE CONSTITUTIONEL ET DU
JUGE ADMINISTRATIF SUPREME
Celles-ci diffèrent selon qu'il s'agit du juge
constitutionnel ou du juge administratif suprême.
I. LES COMPETENCES SPECIALES DU JUGE CONSTITUTIONNEL
Les compétences spéciales de la Cour
Suprême de Justice diffèrent selon qu'elle est saisie en
matières de recours e appréciation de la
constitutionnalité, de recours en interprétation de la
constitution, de contestation électorale ou en matière de
consultation.
Elle est ainsi saisie, toutes sections réunies, dans
les premiers cas, et en section de législation dans le dernier cas.
1. LA SAISINE DE LA COUR, TOUTES SECTIONS REUNIES
La Cour Suprême de Justice est saisie toutes sections
réunies, en matières de recours en appréciation de la
constitutionnalité des lois, des règlements intérieurs du
Parlement et des actes du Président de la République ayant force
de loi101(*). Il en est
de même en matière de recours en interprétation de la
Constitution102(*) et de
contestation électorale103(*).
2. LA SAISINE DE LA SECTION DE LEGISLATION DE LA COUR
SUPREME DE JUSTICE
En matière de consultation sur les projets ou
propositions de lois ou d'actes réglementaires qui lui sont soumis ainsi
que sur des difficultés d'interprétation des textes, seule la
section de législation de la Cour Suprême de Justice est
compétente104(*).
Pareille requête est examinée en assemblée
mixte comprenant les magistrats de la Cour Suprême de Justice et du
Parquet Général de la République. L'avis qui en
découle est signé par le premier Président de la Cour
Suprême de Justice, le Procureur Général de la
République et le Greffier du siège105(*).
II. LES COMPETENCES SPECIALES DU JUGE
ADMINISTRATIF SUPREME
En matière de recours en annulation ou de recours de
pleine juridiction, seule la section administrative de la Cour Suprême de
Justice est saisie106(*). Celle-ci est composée d'une seule chambre,
comprenant trois juges107(*).
III. LES FORMALITES
A REMPLIR DEVANT LA COUR SUPREME DE JUSTICE
La procédure devant la Cour Suprême de Justice
est contraignante en ce qui concerne le ministère d'un Avocat inscrit au
Barreau près cette Cour et l'introduction de la cause ainsi que le
caractère spécial de sa publicité. Aussi, la
présente étude s'attelera-t-elle à l'analyse du
ministère de l'Avocat près la haute Cour qui doit connaître
une reforme du fait de l'éclatement de cette haute juridiction en trois
juridictions différentes. Tout au plus, il faudra un barreau près
la Cour de cassation et un autre près le Conseil d'Etat.
1. LE MINISTERE DE L'AVOCAT PRES LA COUR SUPREME DE JUSTICE
DEVANT LE JUGE CONSTITUTIONNEL
L'article 2 de la procédure devant la Cour
Suprême de Justice rend obligatoire le ministère d'un Avocat
près cette Cour pour saisir valablement celle-ci d'un recours en
appréciation de la constitutionnalité, d'un recours en
interprétation de la constitution, d'une contestation électorale
ou d'une consultation.
Ainsi, en dehors des exceptions établies par le
législateur lui-même, aucune autre personne physique ou morale ne
peut signer une requête adressée à la Haute Cour. C'est
dans ce sens qu'est irrecevable la requête introduite directement par le
demandeur sans l'entremise d'un Avocat108(*).
Nous renvoyons le lecteur aux critiques que nous portons
déjà à cette affirmation de la jurisprudence qui reste
valable, à nos yeux, pour ce qui est de la cassation, le
législateur ne pouvant se contredire.
2. L'INTRODUCTION DE LA CAUSE ET LA PUBLICITE DEVANT LE JUGE
ADMINISTRATIF SUPREME
En matière de recours en annulation et de recours de
pleine juridiction, la loi prévoit qu'au delà des mentions
obligatoires de la requête, celle-ci devra contenir un exposé des
faits et des moyens109(*).
Les moyens dont parle la loi s'entendent des arguments tant de
fait que de droit qu'un plaideur doit articuler à l'étai de sa
demande ou de sa défense. Ceux-ci doivent du reste être
exposés de manière claire pour écarter ainsi l'application
de l'irrecevabilité qu'encourrait une demande obscure ou confuse.
L'obscurité du libellé (obscuri libelli) est
sanctionnée par l'irrecevabilité de la demande ou par le non
fondement lorsqu'il s'agit d'une défense ainsi mal assurée.
De plus, la loi spécifie que les requêtes
portées au rôle de la section administrative seront, à la
diligence du greffier, transmises au Journal Officiel dans les quinze jours de
leur réception en vue de leur publication par extrait, ou suivant
d'autres modalités fixées par la Cour110(*).
La jurisprudence de la Haute Cour arrête, unanimement,
que le dépôt au greffe aux fins de publication ainsi que la
consignation des frais pour ce faire constituent une preuve de la satisfaction
de cette exigence, les négligences et lenteurs de l'Administration ne
pouvant nuire aux particuliers111(*).
CHAPITRE II : ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE ET DE
LA DOCTRINE ACTUELLES EN MATIERE DE SAISINE DU JUGE CONSTITUTIONNEL ET DU JUGE
ADMINISTRATIF SUPREME EN DROIT CONGOLAIS
En droit congolais, la saisine de la Cour Suprême de
Justice est réglementée par la Constitution du 04 avril 2003 dans
ses articles 121 alinéa 2, et 150 soutenus par l'ordonnance - loi °
82/017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour
Suprême de Justice, spécialement en ses articles 1 à 13, 76
et suivants. Le code de l'Organisation et de la compétence judiciaires
dispose aussi sur la saisine de la Haute Cour au travers de ses articles 149,
159 et 160.
En matière constitutionnelle, les autorités
publiques indiquées par la loi peuvent, à la diligence du
Procureur Général de la République, agissant par voie de
requête, saisir la Cour suprême de justice. En contentieux
administratif, en revanche, la partie intéressée n'a pas besoin
des diligences du Procureur Général de la République de
même qu'elle n'est pas obligée de recourir à la
représentation par un Avocat près ladite juridiction.
L'importance de la matière et les limites
spatio-temporelles de notre étude nous ont amené à
examiner la saisine du juge constitutionnel séparément de celle
du juge administratif suprême.
SECTION 1 : DE LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE
DE LA COUR SUPREME DE JUSTICE
Deux affaires récentes ont particulièrement
retenu notre attention. Il s'agit de l'avis RL 09 du 20 janvier 2004 et de
l'Arrêt R. Const. 06/TSR du 24 mars 2004.
§.1. L'AVIS CONSULTATIF R.L. 09 DU 20 JANVIER
2004
A. ENONCE DU PROBLEME
A la suite des difficultés rencontrées à
propos de l'interprétation des dispositions des articles 76 et 94 de la
Constitution de la Transition par la classe politique congolaise, le
Président de la République avait, en date du 23 décembre
2003, introduit une requête devant la Cour Suprême de Justice, aux
fins d'obtenir de la Haute Cour un avis éclairé sur le sens
à donner aux articles suscités112(*).
B. COMMENTAIRES
Ils porteront sur le mode de saisine, la position de la Haute
Cour ainsi que la controverse qui s'en est suivie.
I. MODE DE SAISINE OPERE PAR LE REQUERANT
Usant de ses prérogatives constitutionnelles et
légales, le requérant a fondé son action sur l'article 150
alinéa 1er de la Constitution de la Transition ainsi que sur
l'article 159 du Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires
qui disposent successivement que « sans préjudice des autres
compétences qui lui sont reconnues par la présente Constitution
ou par les lois de la République, la Cour Suprême de Justice
connaît, par voie d'action et par voie d'exception, de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi ainsi que
des recours en interprétation de la Constitution de la
Transition ».
De même, « la Section de Législation de
la Cour Suprême de Justice donne des avis consultatifs sur les projets ou
propositions des lois ou d'actes réglementaires qui lui sont soumis
ainsi que sur les difficultés d'interprétation des
textes ».
Il faudra en tout état de cause se rappeler qu'il est
essentiel que le requérant précise laquelle des sections de la
Haute Cour sera saisie de sa requête à moins de considérer
qu'il appartient à cette dernière de trancher cette question de
procédure pourtant capitale. Or, ceci nous paraît inadmissible
pour des raisons qu'il nous appartiendra d'élucider plus loin.
Il est cependant important de relever in casu sub specie
que le requérant n'a pas apporté des indications
précises quant à l'«organe », en
l'occurrence la Section de Législation de la Haute Cour pour
« une interprétation exacte »113(*) des articles 76 et 94 de la
Constitution controversés. Il s'est adressé à la Cour
suprême de Justice sans autre forme de précision quant à la
section de cette dernière qui serait compétente.
II. POSITION DE LA COUR SUPREME DE
JUSTICE A PROPOS DE CE MODE DE SAISINE
L'interprétation des dispositions invoquées par
le requérant pour asseoir, sur le plan juridique, la saisine, a
amené la Cour Suprême de Justice à déclarer que la
section de Législation de celle-ci était l'organe
compétent pour statuer à cet effet.
A la suite du requérant, la Cour Suprême de
Justice a, dans son avis RL 09 du 20 janvier 2004, estimé que,
conformément à l'article 159 du Code de l'Organisation et de la
Compétence Judiciaires, la « Section de législation de
la Cour Suprême de Justice donne des avis consultatifs notamment sur les
difficultés d'interprétation des textes ».
Aussi, la Haute Cour a-t-elle conclu que le fait pour le
requérant de solliciter « un avis éclairé sur
les articles 76 et 94 de la Constitution » était conforme aux
prescrits de l'article 159 précité114(*). Pour cette juridiction, la
Section de Législation était valablement saisie pour
connaître la requête sous RL 09 dont l'interprétation
démontrait que le Président de la République avait agi
uniquement sur base de l'article 159 susévoqué115(*). Cette position de la Cour
a donné lieu à une forte controverse.
1. CONTROVERSE SUR LA POSITION DE LA COUR SUPREME DE
JUSTICE
La summa divisio de cette controverse peut
se résumer de la manière qui suit :
- les tenants de la thèse de la saisine conforme au
droit ;
- les tenants de la thèse de l'action mal
orientée.
2. LA THESE DE LA SAISINE FAITE DE BON DROIT
Les tenants de cette thèse se fondent d'une part sur
l'interprétation littérale de l'article 159 du Code de
l'organisation et de la compétence judiciaires et d'autre part sur la
souplesse de l'effet juridique d'un avis.
En effet, par l'interprétation littérale de
l'article 159 susvisé, les tenants de la thèse invoquée,
en intelligence avec l'avis de la Cour Suprême de Justice soutiennent que
l'interprétation des textes telle qu'évoquée ici est
d'ordre général. Elle concerne aussi les dispositions
constitutionnelles dans la mesure où la Constitution, bien que loi
fondamentale, demeure un texte juridique.
Les partisans de cette thèse116(*)soulignent que l'article 159
du Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires prévoit
la possibilité d'un avis consultatif pour deux catégories de
textes. D'une part, il reprend les projets de lois ou des règlements,
et d'autre part, il fait état des « textes » dont
les utilisateurs ont des difficultés d'interprétation. Pour eux,
la teneur de la requête du 23 décembre 2003 qui a sollicité
« l'interprétation exacte des articles 76 et 94 de la
Constitution » résulte de la reproduction manifeste du terme
« interprétation » dans l'article 159
précité.
Ils épousent ainsi l'interprétation de ce
dernier en tablant sur l'article 115 de l'Ordonnance - loi n° 82-017
relative à la procédure devant la Cour Suprême de
Justice117(*) en
soutenant qu'il établit encore une fois la dichotomie.
En effet, concernant l'autorité habilitée
à saisir la Section de Législation de la Cour Suprême de
Justice, l'article 115 dispose qu'il s'agit d'abord de l'autorité
habilitée à prendre l'acte législatif ou
réglementaire ; ensuite, il est question de
l'autorité «qui a pris l'initiative de la
consultation».
Aussi, la thèse de l'action diligentée de bon
droit estime-t-elle que la loi ne précise pas le genre de texte à
soumettre à consultation, que ce texte soit constitutionnel ou
pas.
En outre, les partisans de la souplesse de l'effet juridique
d'un avis minimisent l'effet juridique recherché par le requérant
e soutenant qu'il s'agissait d'un simple avis et non d'un arrêt
obligatoire. Cette thèse se fonde sur l'article 123 alinéa 3 de
l'ordonnance - loi n° 82-017 relative à la procédure devant
la Cour Suprême de Justice qui dispose que « l'avis ne lie pas
l'autorité requérante de même qu'il ne met pas obstacle
à toute action ultérieure contre l'acte pour cause
d'illégalité ou d'inconstitutionnalité.
Aussi, contraindre le requérant à ne recourir
qu'à la procédure d'interprétation de la constitution par
la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies, limiterait
les autres possibilités juridiques pourtant consacrées118(*).
Par ailleurs, en cas de recours en interprétation de la
constitution, la Cour Suprême de Justice statue par voie d'arrêt
dont l'effet juridique est fondé sur l'article 134 de l'ordonnance - loi
portant procédure devant elle. Les effets juridiques de cette
disposition, notamment l'abrogation de plein droit de certains actes
déclarés non conformes n'ont pas été soustraits par
le requérant119(*).
Cette thèse n'est pas partagée par ceux des
auteurs qui soutiennent que l'action ouverte par la requête du
Président de la République a été mal
orientée. Il faut dire d'emblée que cette controverse doctrinale
est issue des débats oraux et n'a pas la précision du support
écrit.
3. LA THESE DE L'ACTION MAL ORIENTEE
Les défenseurs de cette thèse120(*) qui sont des
spécialistes patentés ou des praticiens chevronnés
présentent généralement un commentaire simple axé
sur les points ci-après :
- obscuri libelli de la requête
- compétence de la Cour Suprême de Justice,
toutes sections réunies, en interprétation de la Constitution et
incompétence de la Section de Législation.
a) LE MOYEN TIRE DE L'OBSCURI LIBELLI DE LA REQUETE
Pour asseoir leur argumentaire, les tenants de l'action mal
orientée évoquent le moyen tiré de l'obscuri libelli de la
requête entendu ici comme une inintelligence dans le libellé d'une
requête. Par ce fait, ils juxtaposent le
« concerne » de la requête à la
« conclusion » de celle-ci pour démonter la
contradiction fondamentale entre les deux, entraînant la
conséquence de l'irrecevabilité de la requête.
En effet, le « concerne » de la
requête fait état d'un avis consultatif tandis que la
« conclusion » mentionne clairement une demande en
interprétation des dispositions constitutionnelles par la Cour
Suprême de Justice.
L'interprétation de la Constitution étant du
ressort de la Cour Suprême de Justice, toutes sections réunies,
l'action a donc été mal orientée.
b) DE LA COMPETENCE DE LA COUR SUPREME DE JUSTICE, TOUTES
SECTIONS REUNIES
Etant donné qu'il est question d'interpréter les
dispositions constitutionnelles, la procédure requise
impérativement est celle prévue spécifiquement par les
articles 131 à 135 de l'Ordonnance-loi n° 82-017 relative à
la procédure devant la Cour Suprême de Justice.
Aussi, la Cour Suprême de Justice devait-elle statuer,
toutes sections réunies, après avoir été saisie par
Le Procureur Général de la République notamment à
la demande du Président de la République tel que le prescrit
l'article 132 de l'Ordonnance-loi précitée121(*). Le Professeur MPONGO
BOKAKO estime quant à lui que la section de législation de la
Cour suprême de justice ne peut statuer que sur des projets d'actes
législatifs ou réglementaires122(*).
c) NOTRE POINT DE VUE
Dans la bataille d'opinions émises sur la saisine de la
Cour Suprême de Justice par le Président de la République,
le 23 décembre 2003, nous ne partageons pas l'avis de ceux qui pensent
que l'interprétation d'une disposition constitutionnelle est l'apanage
de la seule section de législation de la Haute Cour.
En effet, la section de législation ne s'occupe que de
l'examen de projets d'actes législatifs ou réglementaires. Or,
dans le cas sous examen, la constitution actuelle qu'il s'agissait d'expliquer
alors au Chef de l'Etat n'est plus un projet, mais un texte existant sur le
plan juridique et non susceptible d'être interprété par la
seule section de législation, mais plutôt par la Cour
Suprême de Justice siégeant toutes sections réunies. Cette
irrégularité pose le sérieux problème de la
compétence de la Haute Cour sur la question soumise à son
appréciation.
En droit français, le Conseil Constitutionnel agit en
cette matière tantôt comme autorité constitutionnelle,
tantôt comme juge électoral, tantôt comme juge
constitutionnel123(*).
En tant qu'acte introductif d'instance, la requête du 23
décembre 2003 devait, surtout que la saisine est
considérée par la Haute Cour comme un moyen d'ordre public,
répondre dans sa phase active à un certain nombre d'exigences
formelles et légales sous peine d'irrecevabilité124(*).
C'est ici qu'il convient de souligner que la Cour a, en
fragilisant sa rigueur de forme, commis une erreur jurisprudentielle.
Ce pouvoir sui generis que la Cour
Suprême de Justice vient d'octroyer au Chef de l'Etat en matière
de saisine constitue une nouvelle exception à la saisine de la Cour
Suprême de Justice et un revirement jurisprudentiel sans
précédent dans une République Démocratique du Congo
qui se cherche en matière de construction d'un Etat de droit.125(*).
Par ailleurs, même dans l'hypothèse où il
y a lieu de combiner l'article 159 du Code de l'Organisation et de la
Compétence Judiciaires avec les articles 131 à 135 de la
procédure devant la Cour Suprême de Justice, le principe
séculaire « specialia generalibus
derogant» peut être de mise in specie. En
effet, les deux derniers articles constituent des dispositions spéciales
et dérogatoires en cas notamment d'un recours en interprétation
de la Constitution. Ils ont, de ce fait, primauté sur la disposition
générale qu'est l'article 159 du Code de l'Organisation de la
Compétence Judiciaires.126(*)
La Cour Suprême de Justice devrait, par ses arrêts
de principe pertinents, contribuer à l'éclaircissement de ce flou
artistique, en sus de l'oeuvre législative attendue du Parlement
à cet effet. Cette exigence est respectée en Droit
français où le Conseil d'Etat doit interpréter des
dispositions obscures, ambiguës, contradictoires ou simplement
imprécises.
Dans presque tous les cas, « le Conseil s'efforce
d'adopter l'interprétation la plus raisonnable et la plus
équilibrée, celle qui donne un sens utile sans pour autant
s'écarter de la lettre du texte. Il arrive, cependant, qu'il opte pour
une interprétation plus audacieuse, lui réservant de très
larges possibilités d'appréciation discrétionnaire, quitte
à revenir quelques années plus tard à une
interprétation plus proche du texte. C'est ainsi que le Conseil avait
interprété les articles 39, 44 et 45 comme subordonnant la
validité des amendements à ce que d'une part, ils ne
dépassent pas « par leur objet ou leur portée, les
limites inhérentes à l'exercice du droit
d'amendement ». Ces limites, à vrai dire, n'étaient
prévues par aucun texte. Le Conseil constitutionnel a modifié sa
jurisprudence et, adoptant une position plus mesurée, maintient
naturellement l'exigence d'un lien avec le texte mais ne fait plus état
du respect des limites inhérentes au droit
d'amendement »127(*).
Dominique ROUSSEAU réserve des développements
fort intéressants à l'évolution de la justice
constitutionnelle en France. Par cette démarche volontariste ou
stratégique, écrit-il, le Conseil ouvre à son
contrôle de la constitutionnalité des lois, une étendue
potentiellement illimitée lui permettant de s'imposer progressivement
comme l'institution clé de la Ve République128(*). En est-il de même de
son collègue congolais ?
§.2. L'ARRET R.CONST.06/TSR. DU 24 MARS 2004
A. ENONCE DU PROBLEME
En date du 11 mars 2004, les honorables députés
KAZADI NANSHABOLOWA, Jean MUBANGA KABOBELA, Alphonse LUPUMBA KAMONDA, Bruno
MUKADI et Flory SEKELAY ont sollicité l'examen de la conformité
à la Constitution de la Transition de la loi portant organisation et
fonctionnement des partis politiques.
B. COMMENTAIRES
Enrôlée sous R.CONST.06/TSR, la requête du
23 décembre 2003 émanant d'une poignée des parlementaires
a donné lieu à un arrêt de principe de la Cour
Suprême de Justice, qu'il convient de commenter avant de donner notre
position.
I. MODE DE SAISINE
Le mode de saisine pratiqué par les
parlementaires n'appelle nullement de commentaires particuliers dans la mesure
où ils ont agi par voie de requête prévue à
l'article 131 de la Constitution de la transition.
L'étude de cet arrêt
présente néanmoins un intérêt majeur car il s'agit
du premier antécédent jurisprudentiel du recours formé par
les députés contre une loi dont ils n'ont pu empêcher
l'adoption au niveau de l'Assemblée Nationale. De ce point de vue, l'on
peut apprécier l'efficacité de ce moyen de contrôle
exercé par une minorité politique pendant la période de
transition. La logique caporaliste des composantes semble émasculer
l'efficacité d'une telle procédure.
Il reste à voir si cette
requête a répondu aux exigences de forme et de fond portées
par l'Ordonnance-loi relative à la procédure devant la Cour
suprême de justice.
II. POSITION DE LA COUR
Dans son arrêt R.CONST. 06/TSR du 24 mars 2004, la Cour
Suprême de Justice relève que « s'agissant de la
recevabilité du recours en appréciation de la conformité
d'une loi à la constitution, l'article 131 de cette loi fondamentale
pose deux conditions aux députés désireux d'engager cette
procédure, à savoir :
a. Le recours doit être formé par un nombre
de députés au moins égal au dixième des membres de
l'Assemblée Nationale
b. Le recours doit être introduit dans le
délai de six jours francs qui suivent son adoption
définitive.
Elle constate en outre que dans l'espèce
examinée, « aucune de ces deux conditions n'a
été respectée » en ce que d'une part,
« le recours du 11 mars a été introduit au-delà
de six jours francs fixés par l'article 131 de la Constitution, et qu'il
a été signé d'autre part par cinq députés
sur les cinq cent que comprend l'Assemblée
Nationale ».
Aussi, la Haute Cour, toutes sections réunies et
siégeant en matière d'appréciation de la conformité
des lois à la constitution, a-t-elle déclaré irrecevable
le recours introduit par les requérants pour non respect des conditions
fixées par l'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003.
III. NOTRE POINT DE
VUE
L'article 131 de la Constitution du 4 avril 2003 dispose que
« la Cour Suprême de Justice peut être saisie d'un
recours visant à faire déclarer une loi non conforme à la
Constitution de la Transition notamment par un nombre de députés
au moins égal au dixième des membres de l'Assemblée
Nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption
définitive ».
De cette disposition, il découle que tout recours
soumis à l'appréciation de la Cour en cette matière, doit
répondre aux trois conditions non alternatives suivantes, à
savoir :
- la signature du recours par un dixième au moins des
membres de l'Assemblée Nationale ;
- l'adoption définitive d'une loi par
l'Assemblée Nationale et ;
- le respect du délai de six jours francs courant
à partir de l'adoption de loi.
Dans l'espèce examinée, il ressort qu'aucune de
ces conditions n'a été respectée par les
représentants, et que c'est à bon droit que la Cour Suprême
de Justice s'était déclarée incompétente pour
examiner une telle requête.
L'examen de ces deux cas nous a permis de relever que dans
l'arrêt R.Const 06/TSR, la Cour Suprême de Justice a
été autant rigoureuse qu'impartiale alors que dans l'avis
consultatif R.L. 09 du 20 janvier 2004, elle nous a paru moins courageuse.
Il faut préciser d'emblée que les notions de
courage et de vertu ressortissent du langage moral. Mais la justice n'est-elle
pas finalement une question éthique ? La symbolique de la justice
n'est-elle pas deux plateaux soutenus au milieu par un glaive
c'est-à-dire le fait et le droit soutenus par la puissance publique
(l'imperium) ? Lorsque au mépris de cette logique de justice le
droit est dit, il n'est pas rare de constater qu'il est contesté et
méprisé à son tour perdant ainsi son caractère
normatif au seul profit de son apparat autoritaire.
Nous ne pouvons pas perdre de vue aussi un aspect pratique
susceptible de constituer une tentative d'explication rationnelle de cet
état de choses. En effet, il n'est pas inutile de constater que la
quasi-totalité de nos hauts magistrats sont des juristes de haut niveau
oeuvrant depuis vingt-cinq ans, en moyenne, dans le domaine de droit
privé et judiciaire sans avoir eu à trancher des matières
de droit public du reste rares devant les juridictions inférieures dont
ils proviennent.
La création des tribunaux administratifs dans la
constitution du 18 février 2006 est de nature à exiger une
spécialisation académique et professionnelle des magistrats
siégeant en ces matières délicates.
SECTION 2 : DE LA JURISPRUDENCE EN MATIERE DE
CONTENTIEUX ADMINISTRATIF SUPREME
A l'instar de la jurisprudence constitutionnelle, deux
affaires portées devant la section administrative de la Cour
Suprême de Justice ont retenu notre attention. Il s'agit de
l'Arrêt RA. 266 du 8 janvier 1993 et de l'Arrêt R.A. 320 du 21
août 1996. Il s'agit de les étudier ici une après
l'autre.
§.1. L'ARRÊT R.A. 266 DU 08 JANVIER 1993
A. ENONCE DU PROBLEME
Par sa requête reçue le 16 juillet 1991 au greffe
de la Cour Suprême de Justice, l'ASBL « Les Témoins
de Jéhovah », sollicitait de la Haute Cour, l'annulation de
l'Ordonnance n° 86-086 du 12 mars 1986 prise par le Président de la
République et abrogeant l'Ordonnance n° 124 du 30 avril 1980 ayant
accordé la personnalité civile à cette association.
B. COMMENTAIRES
L'examen de la position de la Cour Suprême de Justice
sur la recevabilité de la requête sera suivi de l'analyse
doctrinale en vue de déboucher sur notre point de vue relativement
à l'argumentaire développé par la Haute Cour.
I. POSITION DE LA COUR SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE
Dans son arrêt R.A. 266 rendu le 08 janvier 1993, la
Cour Suprême de Justice, section administrative, soutient qu'elle se
trouve régulièrement saisie dès lors que d'une part, la
requérante a agi en justice dans le délai requis et que
l'ordonnance incriminée ne lui avait jamais été
notifiée, et d'autre part, qu'il n'y avait aucune preuve de sa
publication au Journal Officiel129(*).
De même, elle conteste la régularité de la
signification de l'ordonnance attaquée qui aurait été
faite au Représentant Légal des « Témoins de
Jéhovah » étant donné que la dite ordonnance
entrait en vigueur le 12 mars 1986, date de sa signature et qu'à partir
de cette date, la requérante avait juridiquement cessé
d'exister.
La Haute Cour relève également que la
République Démocratique du Congo qui avait, « pourtant
été régulièrement notifiée de la
requête en annulation susvisée et de la date d'audience, n'a pas
pris de mémoire en réponse pour contredire cette
prétention tout comme elle n'a pas comparu à l'audience du 30
décembre 1992 à laquelle la cause fut instruite pour faire ses
observations, date d'audience qui lui était notifiée ».
Il s'ensuit, conclut la Cour, qu'introduite « dans
ces conditions, cette requête sera reçue ».
Tel est le point de vue de la Haute Cour qui ne semble pas
réunir les suffrages de la doctrine congolaise.
II. POSITION DE LA DOCTRINE
La position de la Cour Suprême de Justice en rapport
avec cette affaire a longtemps divisé les dirigeants politiques de
l'époque ainsi que l'élite intellectuelle notamment après
l'adoption par la Conférence Nationale Souveraine le 4 Août 1992
de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la
période de la Transition.
Cette controverse portait non pas sur la
régularité de la saisine de la Haute Cour mais sur la valeur
juridique de l'Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à
la période de la Transition, Acte considéré par la Cour
comme abrogeant la constitution du 24 juin 1967130(*). Cette discussion doctrinale
a perdu de l'intérêt au motif que le constituant
déjà en 1994 reconnaissait la validité au texte
constitutionnel querellé et le fusionnait avec celui portant Acte
Harmonisé de la Transition.131(*)
III. NOTRE
POSITION
L'arrêt R.A. 266 du 08 janvier 1993 constitue en
matière de saisine du juge administratif suprême, une
avancée significative dans l'ordre juridique congolais, dans la mesure
où elle met en exergue l'indépendance de la Haute Cour en
République Démocratique du Congo à travers un
contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant
force des lois par voie d'incidence132(*) dans un régime monolithique.
En effet, hormis la régularité du mode et des
conditions de saisine requis par le texte organisant la procédure devant
la Cour suprême de justice, il s'était agi d'un recours en
annulation pour violation de la loi contre un acte ou une décision d'une
autorité administrative centrale et cet arrêt constitue un
« iota » dans le désert de la jurisprudence
administrative congolaise.
La querelle qu'elle avait soulevée sur le plan
politique a abouti à une reculade spectaculaire de la Cour Suprême
de Justice notamment dans l'arrêt suivant.
§.2. L'ARRET R.A. 320 DU 21 AOUT 1996
La présentation du problème sera suivie de la
position adoptée par la Cour Suprême de Justice et de notre point
de vue.
A. ENONCE DU PROBLEME
Par leur requête du 26 janvier 1995, USOR et
Alliés, TSHISEKEDI wa MULUMBA et consorts, avaient sollicité
« l'annulation pour violation des dispositions légales,
excès et détournement de pouvoir, et partant pour
illégalité des ordonnances présidentielles n° 94/039
du 16 juin 1994 et n° 94/042 du 6 juillet 1994 pour respectivement
investiture d'un Premier Ministre en la personne de Monsieur KENGO wa DONDO, et
nomination des membres de son gouvernement, prises en application des actes,
décisions et règlements illégaux du HCR/PT, aile FPC et
apparentés et de son Bureau relatifs à la présentation et
à l'élection du Premier Ministre de la Transition et à
l'investiture du Premier Ministre ».
Au-delà du caractère étendu de l'objet de
cette requête, l'on peut simplement retenir qu'il s'agit d'un recours en
annulation formé contre l'ordonnance de nomination de Monsieur KENGO wa
DONDO en ce qu'elle se fonde sur des actes du HCR-PT jugés
illégaux par les requérants.
B. COMMENTAIRES
Les commentaires de cet arrêt
passeront par l'étude du mode de saisine utilisé par les
requérants, la position de la Haute Cour qui sera suivie de notre
position.
I. MODE DE SAISINE
La haute Cour a été saisie
dans la cause sous examen par requête en annulation des ordonnances
formées tant par des personnes morales que par la personne physique
Etienne TSHISEKEDI wa MULUMBA. De ce point de vue, il n'apparaît pas
utile de consacrer des commentaires particuliers à ce mode de saisine.
Toutefois, il est intéressant de
constater que la haute Cour qui s'est déclarée
incompétente n'a pas réglé du même coup le
problème juridique de la représentation en justice de la
requérante Usor et
Alliés dont le statut juridique, à nos yeux, est
sujet à caution. Il suffit de se rappeler que la notion de
« famille politique » ou celle de « regroupement
politique » établies respectivement par la Constitution du 4
avril 1994 et la loi organisant les partis politiques ne sont pas synonymes de
personnalité civile.133(*)
II. POSITION DE LA HAUTE COUR
Saisie aux fins d'annuler les ordonnances
présidentielles n° 94/039 du 16 juin 1994 et n° 94/042 du 6
juillet 1994, la Cour Suprême de Justice, section administrative
s'était déclarée, dans son Arrêt RA. 320 du 21
août 1996, incompétente pour connaître du litige
déféré devant elle en vertu de l'article 87 alinéa
3 de l'Ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982.
Pour la Cour, « les actes et procédures
intervenus pour la désignation, la présentation et l'investiture
d'un Premier Ministre sont des actes législatifs dont le
législateur a, de manière volontaire et expresse,
décidé de soustraire de la compétente du pouvoir
judiciaire, en vertu du principe de la séparation des
pouvoirs ».
III. NOTRE
POSITION
Dans cet arrêt, la Cour Suprême de Justice,
section administrative qui a évoqué le principe de sa souveraine
appréciation des litiges portés devant elle 134(*), s'était
déclarée incompétente de connaître, de
contrôler et d'annuler les actes législatifs pris par le HCR/PT,
institution séparée constitutionnellement d'elle.
La motivation de la Haute Cour consacre ainsi le principe de
l'inattaquabilité des actes de gouvernement (actes législatifs)
ayant pour effet de donner au pays, dans une situation de crise, un
gouvernement de transition. Le revirement spectaculaire de la jurisprudence de
la Cour Suprême de Justice par rapport à celle consacrée
dans l'arrêt R.A. 266 porte un coup dur au courage et à la
capacité des magistrats de cette juridiction de tenir haut la main le
flambeau de l'indépendance de la magistrature qu'ils ont pourtant
allumé une année auparavant.
Cet arrêt présente néanmoins un
intérêt théorique évident car il consacre la
définition jurisprudentielle en droit congolais de la notion d'acte de
gouvernement.
Nous pouvons regretter toutefois que la Cour Suprême de
Justice ait semblé établir une synonymie entre acte de
gouvernement et acte législatif de sorte que cette façon de
raisonner confine l'arrêt examiné dans une ambiguïté
quant à la base légale de l'incompétence
déclinée par la Haute Cour. Si la Cour Suprême est trop
regardante en ce qui concerne les erreurs de motivation des décisions
juridictionnelles des juges inférieurs, elle ne nous semble pas
s'être préoccupée de cette exigence en ce qui la regarde
elle-même. Quis custodiat custodem ?
En doctrine française par exemple, par acte de
gouvernement, il est entendu « un acte politique relatif, soit aux
relations entre les pouvoirs publics (dissolution de
l'Assemblée, recours à l'article 16 de la Constitution de 1958)
soit, aux rapports internationaux (protection diplomatique) ». Les
professeurs AVRIL et GICQUEL nous apprennent que l'acte de gouvernement est une
survivance de la raison d'Etat et que cette catégorie d'actes
résiduels bénéficie d'immunité
juridictionnelle135(*).
L'acte législatif, en revanche, est entendu comme un
acte voté par le parlement selon la procédure législative
établie par la Constitution. Cette définition ne prend en charge
que le critère formel et organique et laisse pourtant de
côté un nombre d'actes pris par le Président de la
République dans le domaine réservé à la loi. Le
critère matériel joint à celui formel et organique nous
fonde à dire qu'en définitive l'acte législatif est une
loi au sens matériel ou organique.
Des lors, il nous parait aberrant que la Cour ait
utilisé les deux terminologies dans le même arrêt car l'acte
de gouvernement , selon d'autres auteurs français, constitue une
« qualification à prétention explicative donnée
à certains actes de l'Administration, dont les juridictions tant
administratives que judiciaires se refusent à connaître et qui,
soit intéressent les relations du Gouvernement et du parlement, soit
mettent directement en cause l'appréciation de la conduite des relations
internationales de l'Etat ».136(*) Cette seconde définition montre que la notion
a une origine jurisprudentielle en France alors qu'en droit congolais elle tire
son fondement de l'article 87 alinéa 3 de la procédure devant la
Cour Suprême de Justice.
Se prononçant sur une telle notion que le droit
congolais ne connaît que par une citation à la disposition
légale vantée, la Haute Cour aurait du rechercher sa
signification en droit de famille romano-germanique, ancêtre du
nôtre. Quoiqu'il en soit, il est évident qu'en ce qu'elles
portent nomination d'un Premier Ministre dont les conditions de
désignation sont constitutionnellement fixées, les ordonnances du
Chef de l'Etat entreprises par le recours sont restées parfaitement des
actes administratifs susceptibles d'un recours en annulation pour excès
de pouvoir.
Sans une étude plus poussée sur la question,
l'on peut d'emblée constater que dans un arrêt ultérieur,
la haute Cour, s'appuyant sur les dispositions de l'article 87 alinéa 2
de l'Ordonnance-loi susvisée, s'est déclarée
incompétente au motif que l'acte déféré avait un
caractère politique et qu'il rentrait dans le cadre de la politique du
gouvernement visant l'assainissement des moeurs au sein de la magistrature, et
le meilleur fonctionnement de l'un de trois pouvoirs de l'Etat. C'est ce qui
ressort de l'arrêt R.A.459 du 26 septembre 2001 rendu dans la cause qui
opposait les magistrats révoqués par et au décret
n°144 du 6 novembre 1999.
La Cour estime que le décret entrepris relève de
la catégorie des actes de gouvernement et échappe ainsi au
contrôle juridictionnel car étant relatif à la conduite de
la politique de la Nation menée par le Gouvernement ou le
Président de la République. Cet arrêt qui ne
présente aucun intérêt sur le plan de la question de
saisine de la Haute Cour mérite d'être examiné toutefois en
ce qu'il étend et reprécise le champ d'application de la notion
d'acte de gouvernement. Cependant, l'argumentaire développé par
la Cour afin d'écarter le décret présidentiel de son
examen ne saurait techniquement résister à la critique.
En effet, le Chef de l'Etat, auteur de l'acte querellé,
était en même temps chef du gouvernement et à ce titre, il
conduisait la politique de la Nation qu'il avait par ailleurs définie.
Il était donc habilité à prendre deux catégories
d'actes juridiques, dont certains touchaient à la politique, et d'autres
dont le caractère administratif ne pouvait faire l'ombre du moindre
doute.
Il nous semble osé de penser qu'un acte de
révocation d'un magistrat, enchâssé dans des règles
constitutionnelles et légales strictes puisse faire partie des actes de
mise en oeuvre de la politique de la Nation encore que tous les actes
administratifs peuvent être, de ce point de vue, des actes de mise en
oeuvre d'une politique. Par ailleurs, la consécration des droits et
libertés des citoyens par la Constitution et les lois de la
République devrait limiter l'action des gouvernants vis-à-vis des
particuliers et le contrôle juridictionnel devrait servir à les
protéger contre l'arbitraire du pouvoir en vue de sauvegarder les
équilibres nécessaires entre le pouvoir et les citoyens137(*).
Le professeur Clément KABANGE NTABALA opine du reste
que les actes du Président de la République ne devraient pas
violer notamment les droits et libertés des citoyens, sauf en cas des
circonstances exceptionnelles qui sont elles-mêmes
conditionnées.138(*) Dans le cas d'espèce, la compétence du
Chef de l'Etat était liée par l'existence d'un cadre juridique
régissant le statut des magistrats, en l'occurrence l'Ordonnance-loi
n° 88-056 du 29 septembre 1988 portant statut des magistrats.
La Cour suprême de justice devrait éviter de se
réfugier derrière une notion comme celle « de pouvoir
autonome du pouvoir exécutif » dont les contours ne sont
in specie définis.
Les tâtonnements pour trouver une base légale
justificative de la décision d'incompétence de la Haute Cour dans
cet arrêt comme dans l'arrêt TSHISEKEDI et USOR et Alliés
indiquent que la Haute Juridiction n'a pas fait beaucoup de progrès dans
le sens de la protection des droits des particuliers vis-à-vis du
pouvoir et donc de l'érection de l'Etat de droit.
Enfin, pour être acte de gouvernement, l'acte qui
prétend recouvrer cette appellation ne doit-il pas être pris
régulièrement ? Et de ce point de vue, il sied de constater
tout simplement que l'acte de gouvernement est avant tout un acte
gouvernemental c'est-à-dire un acte du pouvoir exécutif et
à cet égard, soumis au contrôle juridictionnel. Une
interprétation extensive de la notion d'acte de gouvernement est de
nature à ne pas protéger suffisamment les droits et
libertés des citoyens dans la mesure où cette protection est
incompatible avec une extension du champ sémantique de la notion sous
étude.
Il reste le problème à notre avis de la
formulation de cette disposition légale elle-même, car il est
tentant de refuser cet effort de théorisation au motif que la Haute
Cour apprécie seule ceux des actes législatifs qui
échappent à son contrôle de même que les actes de
gouvernement dont la définition légale n'est pas donnée.
C'est cette part d'arbitraire qui a été à la base de la
controverse dont l'intérêt scientifique reste attaché
à cette notion fondamentale du droit administratif.
Dans le flou, il est permis de penser que la Haute Cour qui
est composée des hommes dont les convictions politiques à
l'époque surtout ne faisaient l'ombre d'aucun mystère avait la
latitude de voguer à souhait sur les eaux fangeuses de
l'imprécision. Aussi, est-il discutable de ne pas discuter sa
décision d'incompétence. Ce risque inhérent à
l'arbitraire du comportement linguistique du législateur n'est pas
écarté même à ce jour où la Haute Cour
traîne les stigmates d'une justice pilotée par les magistrats dont
le clientélisme politique des composantes issues de l'Accord global et
inclusif de Sun City reste à craindre.
CONCLUSION
La constitution de la transition a fait de la Cour
Suprême de Justice une juridiction à la fois constitutionnelle,
administrative et judiciaire139(*).
En tant que juge constitutionnel, la Cour Suprême de
Justice connaît par voie d'action et par voie d'exception, de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi, ainsi que
des recours en interprétation de la constitution de la transition ;
de même qu'elle juge des contentieux des élections
présidentielles et législatives, ainsi que du
référendum140(*). Mais au terme de l'article 131 de la même
constitution, la Haute Cour peut être saisie par un recours visant
à faire déclarer une loi non conforme à la constitution de
la Transition.
Comme Juge Administratif Suprême, la Cour Suprême
de Justice connaît des recours en annulation des actes et
décisions des autorités centrales de la République et
donne des avis sur les projets ou propositions de loi ou d'actes
réglementaires dont elle est saisie141(*).
Dans l'un ou l'autre cas, la Cour Suprême de Justice est
saisie soit, par le Procureur Général de la République,
agissant d'office, ou à la demande des autorités prévues
par la loi, soit par les parties, conformément aux dispositions de
l'article 2 de l'ordonnance - loi n° 82-017 du 31 mars 1982.
De manière générale, « la Cour
Suprême de Justice a toujours frappé d'irrecevabilité toute
requête à laquelle n'ont pas été jointes les
pièces requises et qui la place dans l'impossibilité d'exercer
son contrôle. Elle a toujours sanctionné l'absence des
renseignements nécessaires pour individualiser le défendeur
notamment ; le défaut de signature de la requête, son
dépôt tardif, l'insuffisance du nombre de ses
exemplaires »142(*) ou le non respect des exigences légales
formelles.
Le formalisme juridique a amené la Haute Cour à
se déclarer soit incompétente de connaître les litiges
soumis devant elle (R.L. 010 et RA. 320) ou à décréter
l'irrecevabilité de la requête introduite devant elle (R.
CONST.06/TSR).
Ce formalisme est contraignant en
matière constitutionnelle en ce que toute requête doit être
l'oeuvre du Procureur Général de la République,
conformément aux dispositions des articles 131 et suivants de
l'ordonnance - loi relative à la procédure devant la Cour
Suprême de Justice.
Aussi, est-il souhaitable que ce texte soit
révisé notamment en ses articles 2, 3 et suivants pour rendre
souples les conditions de saisine de la Haute Cour en matière
d'interprétation de la constitution et de la constitutionnalité
des lois et des actes ayant force de loi. Il faut, à l'instar des
certaines constitutions africaines, que soit élargie la saisine du juge
constitutionnel notamment aux particuliers, de sorte que ces derniers soient
à même de se référer à celui-ci chaque fois
que leurs droits et libertés sont mis en cause par une loi ou un acte
ayant force de loi143(*).
Pour ce qui est de la présente étude, nous avons
remarqué que le rigorisme et l'impartialité de la Haute Cour
étaient fonction non seulement de l'objet sur lequel portait la
requête, mais aussi sur les enjeux politiques dictés par les
contingences de la transition politique en République
Démocratique du Congo. Ce qui a justifié tantôt un
formalisme outrancier, tantôt une modération qui s'apparente
à un manque du courage dans l'oeuvre jurisprudentielle de la Haute
Cour.
Mais en sacrifiant les formalités essentielles à
l'exercice de son pouvoir en faveur des considérations politiques, la
Cour Suprême de Justice risque de voir demain, son noble corps
politisé, son oeuvre de qualité contestée et son
indépendance bafouée.144(*) Mais, ceci pourrait poser une autre question, plus
cruciale celle-là, d'intégrer la justice elle-même dans le
cadre d'un Etat de droit qui reste à construire. Le professeur
Clément KABANGE NTABALA ne voit-il pas que « au bout du
compte, le plus important est de constater que le projet de constitution a
surtout pris en considération les aspirations du peuple en
alliant (...) les deux points de vue, et en mettant l'accent sur
l'autonomie des entités de base qui doivent désormais se prendre
en charge et s'auto-gérer, le tout dans un ensemble communautaire
cohérent, uni et solidaire ».145(*) Mais là gît une
autre question dont les horizons restent à scruter.
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47ème année, numéro spécial, Kinshasa,
10 mars 2006.
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Décision conjointe n°001/D.C./AN/SEN/05 du 17 juin
2005 portant prolongation de la durée de la transition, in Journal
Officiel, 46ème année, 1ère
partie, numéro spécial, Kinshasa, 20 juin 2005.
Notice biographique
Dieudonné KALUBA DIBWA, né le 4
février 1966 à Mbujimayi (République démocratique
du Congo), est titulaire d'une licence et d'un diplôme d'études
supérieures en Droit public de l'Université de Kinshasa. Il est
Avocat près la Cour d'Appel de Kinshasa/Gombe et Assistant à la
Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa. Il prépare
une thèse en droit du contentieux constitutionnel.
* 1 CORNU (G),
Vocabulaire juridique, Quadrige/ PUF, Paris, 2003, p.810
* 2 KATUALA KABA KASHALA,
« Une nouvelle exception à la saisine de la Cour Suprême
de Justice telle qu'organisée à l'article 2 du Code de sa
procédure », in Revue juridique justice, science et
paix, n° spécial, Juin 2004, Kinshasa, p.7
* 3 CS.J., 3 avril 1974,
B.A.C.S.J., 1975, p.9 ou Revue Juridique du Zaïre,
Kinshasa, 1976, p.64
* 4 RUBBENS (A.), Droit
judiciaire zaïrois, Tome II, Kinshasa, PUZ, 1978, p.
* 5 CSJ., 6 août 1980,
RP 310
* 6 CSJ., 22 janvier 1975, RC
95, B.A.C.S.J., 1976, p.9.
* 7 CSJ., 19 mars 1980, RC
74.
* 8 RENARD (C.) et HENSENNE
(J.), Source du droit et méthodologie juridique, Liège,
P.U.Lg, 1972, p.46.
* 9 MUSHIGO A GAZANGA
GINGOMBE (R.), Les principes généraux du droit et leurs
applications devant la Cour Suprême de Justice, Louvain-la-Neuve,
Bruylant-Academia, p. 29.
* 10 CSJ, 8 mars 1997, R.P.
1502, Affaire Jean et Karine STALAKIS contre TUMBA MATAMBA et
Société générale de marketing Sprl, in
B.A.C.S.J., 2003, p.229. Pour des études plus
détaillées sur la question, Voy. MUSHIGO A GAZANGA GINGOMBE (R.),
op.cit., p.27.
* 11 CSJ, 24 mars 1971,
Ministère public et M.Antoine contre M. Jean in Revue
juridique du Zaïre, 1971, p.117 ; CSJ, 3 avril 1974, R.P.
142, in B.A.C.S.J., 1975, p.69. Selon cette jurisprudence, en
effet, la question de saisine est un moyen d'ordre public à soulever
d'office, entraînant pour excès de pouvoir, cassation sans
renvoi.
* 12 CSJ, R.C.57, 15 mai
1974, in B.A.C.S.J., 1975, p.157 qui arrête que
« le fait de ne pas statuer à l'égard d'une partie au
procès est une violation du principe général du droit
selon lequel le juge saisi d'un litige doit vider sa saisine à
l'égard de toutes les parties au procès ».
* 13 CSJ, RC 201, 29
août 1979, in B.A.C.S.J., 1984, p.246 qui arrête
que « statue ultra petita ou outrepasse sa saisine le juge d'appel
qui statue sur une action en dommages et intérêts pour rupture
abusive du contrat de travail alors qu'il est saisi de l'action en dommages et
intérêts pour dénonciation calomnieuse ».
* 14 CSJ, R.P.232, 5 juillet
1983 in DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire
général de la jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, Kinshasa, éditions C.P.D.Z., 1990, p.218, n°24 qui
arrête que « statue infra petita et ne vide pas sa saisine le
juge d'appel qui, saisi de l'appel du prévenu, a omis de faire citer
à la cause la personne condamnée au premier degré en
qualité de civilement responsable ».
* 15 Art.2 de l'Ordonnance -
Loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant
la Cour suprême de Justice, in Journal Officiel, n°7 du
1er avril 1982, p.11.
* 16 KATUALA KABA KASHALA,
Op. Cit., p.8
* 17 GUINCHARD (S) et
MONTAGNIER (G), Lexique de termes juridiques, 8ème
éd. Dalloz, Paris, 1990, p.430
* 18 Il faut préciser
que l'expression « juridictions de jugement » est
impropre en droit congolais qui ignore les juridictions d'instruction. La
dichotomie devient dès lors superficielle mais l'expression
littéraire a son charme auquel nous succombons de temps en temps.
* 19 Article 57 du code de
procédure pénale ainsi qu'il résulte du décret du 6
août 1959 tel que modifié à ce jour.
* 20 Article 150
alinéa 3 in fine de la Constitution de la transition in Journal
Officiel, 44ème année, numéro
spécial, 5 avril 2003, p.39.
* 21 CS.J, 6 février
1974, RC 77, B.A.C.S.J., 1975, p.40
* 22 CSJ, R.C. 2, 6 avril
1970 in Revue congolaise de droit, 1971, II, p.9. Il faut
préciser tout de suite que cet arrêt traduit une position
surannée car l'article 107 de l'Ordonnance-loi n°79-028 du 28
septembre 1979 portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs
judiciaires et du corps des mandataires de l'Etat dispose clairement que les
avocats près la Cour suprême de Justice représentent devant
elle les parties sans avoir à justifier d'une procuration
spéciale ; toutefois, cette jurisprudence s'applique devant les
autres juridictions surtout en matière d'exercice des voies de
recours.
* 23 ROCHE (J) et POUILLE
(A), Libertés publiques, 12ème
édition, Coll. Mémentos Droit Public/Science politique,
Paris, Dalloz, 1997, p.58.
* 24 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris,
8ème édition, L.G.D.J., 1996, p.103, n° 76.
* 25 Par exemple, les
Constitution de la République du Bénin du 11 décembre
1990, article 122 ; de la République du Burundi du 13 mars 1992,
article 153 ; de la République du Cap-Vert du 14 février
1981 révisée le 4 septembre 1992, article 305 ; de la
République du Congo, article 148 et de la République gabonaise du
26 mars 1991, articles 83 et suivants.
* 26 Etymologiquement,
arbitrari ne signifie-t-il pas juger ? ; de ce point de vue,
nous assumons le fait que nous avons jugé et il ne pouvait en être
autrement.
* 27 Lire dans ce sens,
ESAMBO KANGASHE (J.-L.), « Regard sur l'Etat de droit dans la
constitution du 4 avril 2003 » in Revue juridique, justice,
science et Paix, n° 001 Septembre, Kinshasa, 2004, pp. 36-37.
Voyez pour un état des lieux de la question de la justice en R.D.Congo,
Evariste BOSHAB, La misère de la justice et justice de la
misère en République démocratique du Congo,in
Revue de la Recherche juridique, Droit prospectif,
n°XXIII-74, 23ème année, 74ème
numéro, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 1998-3, pp.1163-1184.
Cette perspective est aussi celle adoptée par la belle thèse de
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en
République démocratique du Congo. Contribution à une
théorie de réforme, Kinshasa, D.I.N., 2001.
* 28 CHEVALLIER (J.),
L'Etat de droit, 2ème édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994, p.12. Voy. aussi LAVROFF (D. G.),
Les grandes étapes de la pensée politique, Paris,
Dalloz, 1993, 499 pages, spécialement les pages consacrées
à la pensée de Friedrich HAYEK qui élabore le cadre
philosophique géniteur et explicateur de la notion d'Etat de droit dans
une conception libérale (pp.466-490).
* 29 ARDANT (P.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris,
8ème édition, L.G.D.J., 1996, p.24, n° 4.
* 30 DE GAUDUSSON (J.du
Bois) et alii, Les constitutions africaines publiées en langue
française, Tome 1, Paris, La documentation
française, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.11(introduction).
* 31 MWILANYA WILONDJA (N.),
Les mécanismes congolais de protection et de promotion des droits de
l'homme,Tome 1, Kinshasa, éditions AGAPAO, 2004, pp.135 et s.
* 32 COLLIARD (C.-A.),
Libertés publiques, 7ème édition,
Paris, Dalloz, 1998, p.141.
* 33 BOSHAB (E.), La
misère de la justice et justice de la misère en République
démocratique du Congo, op.cit., p.1169.
* 34 RONGERE (P.),
Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p.18 qui
dit que la méthode est « une procédure
particulière appliquée à l'un ou l'autre des stades de la
recherche ».
* 35 MULUMBATI NGASHA,
Manuel de sociologie général, Lubumbashi,
éditions Africa, 1980, p. 20 qui définit la technique comme
« un outil à la disposition de la recherche et
organisé par la méthode dans ce but ».
* 36 SHOMBA KINYAMBA (S.),
Méthodologie de la recherche scientifique. Parcours et les moyens
d'y parvenir, Kinshasa, éditions M.E.S., 2005, p.19.
* 37 ULPIEN,
Digeste, Livre I, Titre 1, F.R.I., &2 définit le droit
public comme ad statum rei romanae spectat par opposition au droit
privé qui est ad singulorum utilitatem pertinet, cité
par Emile LAMY, Le droit privé. Introduction à l'étude
du Droit écrit et du Droit coutumier zaïrois, Kinshasa,
P.U.Z., 1975, p.57.
* 38 PINTO(R.) et GRAWITZ(
M.), Méthodes des sciences sociales, Paris,
4ème éd. DALLOZ, 1971, p. 289.
* 39 COHENDET (M.-A.),
Droit Public. Méthodes de travail, 3ème
édition, Paris, Montchrestien, 1998, p.13.
* 40 LAMY (E.),
op.cit, p.245 va jusqu'à ériger cette approche en
méthode jurisprudentielle.
* 41 TURPIN (D), Droit
constitutionnel, Paris, PUF, 1998, p.
* 42 DAILLIER (P.)et PELLET
(A.), Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2002, pp.98-107 ont
rédigé des belles pages qui font un bel état de ce
débat qui relève en fait de la philosophie du droit mais à
l'occasion de l'étude du fondement du droit international. Tel n'est
pas notre sujet.
* 43 PESCATORE (P.),
Introduction à la science du droit, Luxembourg, Centre
Universitaire de l'Etat, 1978, pp. 331 et suivantes professe
que « la méthode exégétique est
essentiellement historique, c'est-à-dire, à l'instar du
théologien qui recherche à travers le texte, la volonté
divine, le juriste recherche la volonté du législateur. En effet,
par la force des choses, la loi n'est qu'une expression sommaire et elliptique
des volontés du législateur. Cette intention, on la
découvre, en première ligne, dans l'histoire du texte
(c'est-à-dire dans les travaux préparatoires) et, en seconde
ligne, dans l'histoire de l'époque qui a vu la genèse de la
loi ».
* 44 DUGUIT (L.),
Traité de droit constitutionnel, tome I, 3ème
édition, 5 volumes, 1923-1927,réimprimé 1972 , p.177.
* 45 NTUMBA LUABA LUMU
(A.D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
Editions Universitaires Africaines, 2005, p.12. Voy. aussi HEYMANN-DOAT (A.),
Libertés publiques et droits de l'homme,
6ème édition, Paris, L.G.D.J., 2000, 304 pages qui
adopte l'approche jurisprudentielle pour théoriser le droit
constitutionnel des libertés publiques.
* 46 MABANGA MONGA MABANGA,
Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions
Universitaires Africaines, 1999, n'en dénombre que deux en
matière constitutionnelle et trois autres qu'il qualifie de
« jurisprudence constitutionnelle incidente » au point que
son préfacier, le professeur NTUMBA LUABA LUMU, dit ironiquement que
deux hirondelles ne font pas le printemps.
* 47 VIALLET (M.) et MAUS
(D.), Avant-propos in DE GAUDUSSON (J. du Bois), Les constitutions
africaines publiées en langue française, op.cit., p.8.
* 48 Lire notamment KAMUKUNY
MUKINAY (A.), Le contrôle des actes des actes des gouvernants en
droit congolais, Mémoire de D.E.S. en Droit public, Faculté
de Droit, UNIKIN, 2003.
* 49 Article 131 de
l'ordonnance - loi n° 82/017 du 31 mars 1982.
* 50 Projet de constitution de
la République démocratique du Congo, articles 160 et 161.
* 51 Article 162 du projet de
constitution de la République démocratique du Congo.
* 52 Lire les commentaires
pertinents de MUKADI BONYI, Projet de constitution de la République
démocratique du Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa,
CRDS, 2005, 93 pages.
* 53 Article 132 de
l'Ordonnance-loi ° 82/017 du 31 mars 1982
* 54 Article 161 du projet de
constitution de la République démocratique du Congo.
* 55 Comparer les Constitution
du Congo, article 147 ; du Gabon, article 85 ; du Burkina Faso,
article 157.
* 56 Article 161 alinéa
2 du projet de constitution de la République démocratique du
Congo.
* 57 Article 138 de
l'Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour suprême
de justice sous examen.
* 58 Affaire R.C.E. 001/96 du
4 février 1996 MUTIRI MUYONGO contre HCR-PT
* 59 L'affaire MUTIRI
MUYONGO enrôlée sous RCE 001/96 est la seule connue de tous les
praticiens du droit en matière électorale. Le bâtonnier
national honoraire MATADIWAMBA KAMBA MUTU, conseil du demandeur, expose avec
son humour habituel que « de mémoire d'avocat, (...) le 4
février 1997, la Cour Suprême de Justice a jugé l'exclusion
du député MUTIRI comme contraire à la Constitution et
à la loi électorale, car un critère
d'éligibilité venait d'être introduit en cours de mandat
par le HCR-PT, à savoir la notion de nationalité
douteuse » in MATADIWAMBA KAMBA MUTU, « De
l'originalité du procès en cassation » in Revue
juridique, justice, science et paix, numéro spécial,
Kinshasa, juin 2004, p.66. Nous devons à la justice de dire que le
contentieux électoral devrait être théoriquement fourni au
niveau des Cours d'appel pour ce qui est des mandats électifs locaux,
mais les trente deux ans de mobutisme triomphant par sa structure même de
gestion et de conception étaient inhibiteurs de toutes
velléités contestataires. Contester le choix opéré
par le Parti n'est-il pas synonyme après tout de manquer de discipline
et finalement du respect au Chef qui incarnait le Parti-Etat ? Dans ces
conditions, qu'est-ce que le contentieux électoral ? Pour reprendre
l'heureuse formule du professeur NTUMBA LUABA LUMU, « la longue
saison sèche du monopartisme, surtout au stade hypertrophique du
Parti-Etat, n'a-t-elle pas été finalement la source des
paralysies, pesanteurs, inhibitions et inerties qui ont vidé l'Afrique
de toute vitalité, la transformant en véritable
zombie » ?
Le professeur VUNDUAWE te PEMAKO, Questions approfondies
de contentieux administratif et constitutionnel en République
démocratique du Congo, Cours de D.E.A/D.E.S., 2003-2005,
inédit, Université de Kinshasa, Faculté de droit, DEA de
Droit Public, fait état de l'affaire MAHAMBA devant le Conseil d'Etat
de Belgique comme héritage du droit colonial belge de 1958 à
1963.
* 60 MATADI NENGA GAMANDA,
La question du pouvoir judiciaire en République démocratique
du Congo. Contribution à une théorie de réforme, in
Revue de Droit africain, n°15, juillet 2000, RDJA
a.s.b.l, Bruxelles, p.372.
* 61 KAMTO (M.), Pouvoir et
Droit en Afrique noire, Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans
les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, L.G.D.J., 1987, 545 pages,
spécialement pp. 69-107.
* 62 Article 149 du Code de
l'organisation et de la compétence judiciaires.
* 63 Article 150
alinéa 4 de la Constitution de la transition et articles 149 et suivants
du Code de l'organisation et de la compétence judicaires.
* 64 Journal Officiel,
44ème année, numéro spécial, Kinshasa,
25 juin 2005.
* 65 Article 49 alinéa 3
de la Loi n°05/010 du 22 juin 2005 portant organisation du
référendum constitutionnel en République
démocratique du Congo.
* 66 Voir René CHAPUS,
Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, coll. Domat
droit public, 12ème édition, 2006.
* 67 Article 87 de
l'Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour suprême de
justice.
* 68 Idem, articles 91 à
93.
* 69 Idem, article 94.
* 70 CSJ, R.A. 235, 19
février 1993, in B.A.C.S.J., 2003, pp.82-86.
* 71 CSJ, RA 266, 8 janvier
1993, in B.A.C.S.J., 2003, pp.78-82.
* 72 Voy. Pour les
détails sur cette question, KAZA DUNIA, Procès des maisons
des Ouest-africains au Congo vus à travers la critique de la
leçon juridique du mois de décembre 2001. Jurisprudence
commentée de la Cour d'Appel de Kinshasa/Gombe de Kabumbu M'binga Bantu,
Premier Président, Kinshasa, Editions BUTSHIANA, 2003, 35 pages.
* 73 Article 95 du même
texte.
* 74 Article 3 du texte sous
examen
* 75 Article 2 alinéa
3
* 76 Article 3
* 77 Article 4 du texte
susévoqué
* 78 Article 5 de
l'Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour suprême de
justice.
* 79 Code la Famille, article
161.
* 80 KATUALA KABA KASHALA,
« Une nouvelle exception à la saisine de la Cour suprême
de justice telle qu'organisée à l'article 2 du Code de sa
Procédure » in Revue juridique Justice, Science et
Paix, ibidem, p.10.
* 81 Article 131 alinéa
1 point 1 de la constitution du 04 avril 2003, in Journal
officiel n° spécial du 5 avril 2003, p.34
* 82 Lire, pour les
détails, DUBOUIS (L.) et PEISER (G.), Droit Public,
16ème édition, coll. Mémentos, Paris,
Dalloz, 2003, pp.87-89.
* 83 KATUALA KABA KASHALA,
op.cit., p.8
* 84C.S.J., 4 mai 2000, RR
302 MINOCONGO Sprl contre Socimex, le Tribunal de Paix de Matadi et le
Procureur Général de la République in Revue de
droit africain, numéro 16, octobre 2000, R.D.J.A., Bruxelles,
pp. 536-551. Lire les commentaires de Maître WASENDA N'SONGO et ceux de
Vincent KANGULUMBA BAMBI MUTANGA et Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI dans la
même revue.
* 85 MABANGA MONGA MABANGA,
Le contentieux constitutionnel congolais, Kinshasa, Editions
Universitaires Africaines, 1999, p.61.
* 86 ERGEC (R.),
Introduction au droit public. Tome 1, le système
institutionnel, 2ème édition, Bruxelles, Story
Scientia, 1994, pp.154 et s.
* 87 Lire avec
intérêt TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris,
P.U.F., 1997, p.503 sur les développements qu'il fait à propos du
rôle régulateur du Conseil constitutionnel ,
« rôle renforcé avec l'alternance de 1981 en agissant
comme une sorte de frein sur le balancier politique, rappelant à travers
son contrôle dû à l'inflation législative qu'une
certaine continuité constitutionnelle l'emportait sur les
bouleversements partisans, changement de majorité ne signifiant pas
changement de régime » et pendant les cohabitations 1986-1988
et 1993-1995, le Conseil constitutionnel a eu à
« départager plusieurs lectures contradictoires de la
Constitution » ; VELU (J.), Droit public, tome 1,
Le statut des gouvernants(I), Bruxelles, Bruylant, 1986,
pp.211-266.
* 88 Articles 94 et suivants de
l'ordonnance-loi du 31 mars 1982.
* 89 KABANGE NTABALA (C.),
Droit administratif, tome 1, Kinshasa, Université de Kinshasa,
Imprimerie Vina, 1997, pp.213-216.
* 90 VUNDOWE (F.),
L'organisation judiciaire du Congo-Kinshasa en matière
administrative, in Revue Juridique et politique,
Indépendance et Coopération, n°4,
23ème année, octobre-décembre 1969, Paris,
L.G.D.J., 1969, p.938.
* 91 KABANGE NTABALA (C.),
Op. Cit., p.214.
* 92 Article 131 alinéa
1er de la Constitution du 04 avril 2003.
* 93 Article 3 de l'ordonnance
- loi n° 82-017 du 31 mars 1982.
* 94 KATUALA KABA KASHALA,
op.cit., p.8
* 95 Article 136 alinéa
3 de l'ordonnance - loi n° 82/017 du 31 mars 1982.
* 96 Idem, Article 137.
* 97 Idem, Article 78.
* 98 Article 88 de l'ordonnance
- loi sous examen.
* 99 Article 96 alinéa
1.
* 100 Article 96 alinéa
2. Pour les détails, voir le livre de MUSHIGO-A-GAZANGA GINGOMBE (R.),
Le contentieux administratif dans le système juridique de la
République démocratique du Congo, Louvain-la-neuve,
Academia-Bruylant, 2004. pp.51-58.
* 101 Article 131 du texte
susévoqué.
* 102 Article 132.
* 103 Article 137.
* 104 Articles 115-118.
* 105 Article 121.
* 106 Article 77 de
l'ordonnance - loi n° 82-017 du 31 mars 1982.
* 107 Article 78.
* 108 Article 3 du même
texte.
* 109 Article 76.
* 110 Article 77 de la
même législation.
* 111 C.S.J. R.P. 30, 3 mai
1972, in B.A.C.S.J., 1973, p.52. Cet arrêt est
reproduit par l'arrêt RA 278 du 21 décembre 1995,
Archidiocèse de Kinshasa contre la République du Zaïre, in
B.A.C.S.J., 2003, pp.139-142.
* 112 Voir la requête du
Président de la République du 23 décembre 2003,
inédit, p.1
* 113 L'expression
« interprétation exacte de la constitution »
mérite d'être précisée dans la mesure où elle
peut expliquer en bonne partie l'argumentaire de telle ou telle autre
thèse. Interpréter un texte, c'est donner son sens exact par
rapport au contexte de son élaboration. En droit public,
l'interprétation ne consiste pas seulement à dégager le
sens exact d'un texte qui serait peu clair, mais aussi, à en
déterminer la portée, c'est- à-dire le champ
d'application temporaire, spatial et juridique, ainsi que l'éventuelle
supériorité vis-à-vis d'autres normes. Lire dans ce sens,
GUINCHARD (S) et MONTAGNIER (G), op.cit. p.281
* 114 Avis consultatif de la
Cour Suprême de Justice n° RL 09 du 20 janvier 2004, inédit,
p.2
* 115 Idem
* 116 Notamment les
professeurs KABANGE NTABALA MWALIM et LUZOLO BAMBI LESSA de la Faculté
de Droit de l'Université de Kinshasa. Il s'agit des avis verbaux
donnés à l'occasion des conférences données
à la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa.
* 117 Cet article dispose
en effet que la section de législation de la Cour Suprême de
Justice est saisie par requête de l'autorité habilitée
à prendre l'acte législatif ou réglementaire ou de celle
qui a pris l'initiative de la consultation.
* 118 Pour cette
thèse, le requérant n'a cherché qu'à obtenir un
éclairage juridique sans être totalement lié. Son attitude
après l'avis de la Haute Cour est d'ailleurs contraire à cet
avis. Il a recouru à cette procédure qui lui paraissait simple
par rapport à la procédure d'interprétation de la
constitution.
* 119 Cet
article dispose que « tout acte déclaré non
conforme à la constitution est abrogé de plein droit.
L'inconstitutionnalité d'une ou de plusieurs dispositions d'un acte
n'entraîne pas nécessairement l'abrogation de tout
acte ».
* 120 Ce point de vue est
soutenu par les Professeurs Félix VUNDUAWE te PEMAKO et Edouard MPONGO
BOKAKO BAUTOLINGA de la Faculté de Droit de l'Université de
Kinshasa et le Bâtonnier National honoraire MATADIWAMBA KAMBA MUTU du
Barreau près la Cour Suprême de Justice. Il s'agit des avis
donnés verbalement à l'occasion des conférences
organisées à l'Université de Kinshasa.
* 121 MABANGA MONGA MABANGA,
op.cit., p.38.
* 122 Cité par MABANGA
MONGA MABANGA, op.cit., p.36.
* 123 Lire dans ce sens, JAN
(P), La saisine du juge constitutionnel, Paris, L.G.D.J.,1999,
p.709
* 124 Article 3 de
l'Ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982
* 125 Lire dans ce sens,
ESAMBO (J.L.), op.cit., p.p. 26-37
* 126 Lire notre avis
émis au moment des faits in KALUBA DIBWA (D.),
« Interprétation des articles 76 et 94 de la
Constitution » in LE PHARE N°2266
du 3 février 2004 et in LE
POTENTIEL N°3038 du 4 février
2004.
* 127 PACTET (P) et
MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), Droit constitutionnel, 23 éd., A.
Collin, Paris, 2004, p.528
* 128 ROUSSEAU (D.), Droit
du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, coll. Domat droit
public, 6ème édition, 2001, p.69.
* 129 Arrêt R.A. 266 du
08 janvier 1993, inédit, p.1
* 130 VUNDUAWE-te-PEMAKO,
« Réflexion sur la validité de l'Acte portant
disposition constitutionnelles relatives à la période de la
Transition au regard du compromis politique global et l'arrêt R.A. 226 de
la Cour Suprême de Justice », in le Soft de Finances
n° 127 du 30 mars 1993, p.1
* 131 Acte constitutionnel de
la transition in Journal Officiel, n° spécial,
avril 1994.
* 132 DJELO EMPENGE OSAKO,
Droit constitutionnel et institutions politiques, polycopié,
Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 1986-1987, p.207.
* 133 Voir notamment
l'article 78 de l'Acte constitutionnel de la transition qui consacre la notion
de famille politique.
* 134 Les alinéas 2
et 3 de l'article 87 de l'ordonnance - loi n° 82-017 du 31 mars 1982
indiquent clairement que la Cour apprécie souverainement quels sont les
actes du gouvernement qui échappent à son contrôle d'une
part, et d'autre part, elle ne contrôle pas les actes
législatifs.
* 135 AVRIL (P) et GICQUEL
(J), Lexique de droit constitutionnel,
Paris, PUF, 1998, p.7.
* 136 GUILLIEN(R) et VINCENT
(J), Lexique de termes juridiques, Paris, Dalloz, 1985, p.8.
* 137 KABANGE NTABALA (C.),
Droit administratif, Kinshasa, Imprimerie Vina, p.120 ; DUVERGER
(M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, coll.
Thémis, Paris, P.U.F., 1962, pp. 222-223.
* 138 KABANGE NTABALA (C.),
op.cit., p.120.
* 139 La présente
étude ne concerne que les deux premiers aspects de juridiction à
savoir l'aspect juridictionnel constitutionnel et l'aspect juridictionnel
administratif.
* 140 Article 150,
alinéa 1 et 2.
* 141 Article 150,
alinéa 3 et 4.
* 142 KATUALA KABA KASHALA,
op.cit. p.9
* 143 KALUBA DIBWA, Le
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force
de loi en droit positif congolais in Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe,
n°02/2006, pp.1-17.
* 144 KATUALA KABA KASHALA.,
op.cit., p.11
* 145 KABANGE NTABALA (C.),
Droit administratif, tome III, Genèse et évolution
de l'organisation territoriale, politique et administrative en
République démocratique du Congo, de l'Etat indépendant du
Congo à nos jours et perspectives d'avenir, Kinshasa,
Université de Kinshasa, 2001, p.272.
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