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Du principe de non-refoulement face au défi de l’immigration clandestine dans le bassin méditerranéen


par Du Congo Bakunzi
Université libre des pays des grands lacs  - Licence en Droit 2022
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DES GRANDS LACS « ULPGL-Goma »

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES

B.P : 368 Goma

DU PRINCIPE DE NON-REFOULEMENT FACE AU DÉFI DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE DANS LE BASSIN MÉDITERRANÉEN.

Par BAKUNZI REX-DAVID du Congo

MÉMOIRE DE FIN DE CYCLE

Présenté en vue de l'obtention du diplôme de Licence en Droit

Filière : Sciences juridiques

Option : Droit public.

Directeur : Prof. Dr TUNAMSIFU SHRAMBERE Philippe

Encadreur : CT. MUGOMBOZI AKONKWA Félicité

Session décembre 2022

DECLARATION

Numéro matricule : 15076

J'atteste que ce travail « Du principe de non-refoulement face au défi de l'immigration clandestine dans le bassin méditerranéen», est personnel, cite systématiquement toute source utilisée entre guillemets et ne comporte pas de plagiat.

Décembre 2022

RÉSUMÉ

La migration est aussi vielle que l'humanité. Ces deux dernières décennies ont été caractérisées par des afflux massifs des migrants africains poussés et motivés par le rêve européen prenant des embarcations de fortune pour traverser la Méditerranée. Dans cette aventure périlleuse, nombreux sont ceux qui périssent en mer, les plus chanceux arrivent à destination, certains sont refoulés en Afrique et d'autres sont bloqués sur les côtes méditerranéennes où ils sont soumis à des traitements inhumains et dégradants. Pourtant, l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme pose le principe de la libre circulation des personnes. Cette étude s'intéresse à la protection des migrants en situation irrégulière face au principe de non-refoulement ainsi qu'à la chance de réussite d'une action en justice en cas d'un traitement inhumain.

Pour aborder cette situation, nous avons fait recours aux méthodes exégétiques, historiques et comparatives mais aussi à la technique documentaire.

Au regard de cette approche, cette étude est arrivée aux résultats selon lesquels les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d'asile et tous les autres ressortissants d'un pays tiers bénéficieraient de la protection liée au principe de non-refoulement consacré par la convention de 1951. En cas des graves violations des droits de l'homme, les victimes ont la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) afin que les États responsables répondent de leurs actes.

Ainsi, cette étude recommande aux Etats de respecter les droits fondamentaux des migrants et de ne pas les refoulés des quelques manières que ce soit sur les frontières des territoires où leur vie serait menacée.

ABSTRACT

Migration is as old as humanity. The last two decades have been characterised by massive influxes of African migrants driven and motivated by the European dream of taking makeshift boats to cross the Mediterranean. In this perilous adventure, many perish at sea, the luckiest arrive at their destination, some are repressed in Africa and others are stuck on the Mediterranean coasts where they are subjected to inhuman and degrading treatment. However, Article 13 of the Universal Declaration of Human Rights lays down the principle of the free movement of persons. This study focusses on the protection of irregular migrants from the principle of non-refoulement as well as the chance of successful legal action in the event of inhumane treatment.

To address this situation, we used exegetical, historical and comparative methods but also documentary technique.

In view of this approach, this study came to the results that irregular migrants, asylum seekers and all other third-country nationals benefit from the protection related to the principle of non-refoulement enshrined in the 1951 Convention. In the event of serious human rights violations, victims have the opportunity to apply to the European Court of Human Rights (ECHR) so that the responsible States can respond for their actions.

Thus, this study recommends that States respect the fundamental rights of migrants and not repress them in a few ways whatsoever on the borders of territories where their lives would be threatened.

ÉPIGRAPHE

« Nous sommes tous immigrés, il n'y a que le lieu de naissance qui change »

MAURICE KAMTODÉDICACE

A notre tendre mère qui nous a mis au monde ;

A nos frères, soeurs et amis qui nous ont toujours soutenus ;

A tous les migrants en situation irrégulière dans le monde victimes des traitements inhumains et dégradants du fait de leur statut ;

A tous ceux qui luttent pour la défense des droits des migrants.

IN MEMORIAM

 

A titre posthume ;

A toi mon regretté père BAKUNZI BAKE Philippe, que la terre de nos ancêtres a arraché sitôt, de là où tu es, sache que ta semence a porté des fruits.

A ma chère tante BANKUNZI Bernadette qui nous a quitté à mi-chemin de notre parcours universitaire, j'aurai aimé que tu sois là pour voir le résultat de tes conseils.

Que vos âmes reposent en paix,

 

???                                                         

REMERCIEMENTS

Au terme de notre travail, nous nous devons d'exprimer vivement nos sentiments de gratitude à l'endroit de tous ceux qui ont, d'une façon ou d'une autre, contribué à sa réalisation.

Nos remerciements s'adressent avant tout au bon Dieu, Maitre des temps et des circonstances qui nous a non seulement donné la vie jusqu'à ce jour, mais aussi la force et le courage de terminer le présent travail.

Nos sincères remerciements s'adressent au corps professoral de la Faculté de Droit de l'Université Libre des Pays des Grands-Lacs pour nous avoir donné un enseignement de qualité dont ce travail est le fruit. Plus particulièrement, notre profonde estime va à l'endroit du Professeur Docteur TUNAMSIFU Philippe et de la Cheffe de Travaux MUGOMBOZI AKONKWA Félicité qui, malgré leurs multiples occupations, ont accepté d'assurer respectivement la direction et l'encadrement de la présente dissertation et ont donné le meilleur d'eux-mêmes en nous prodiguant des conseils et remarques qui nous ont permis d'aller jusqu'au bout de notre recherche.

Qu'il nous soit permis à cette occasion, de remercier nos parents qui, en plus de l'encouragement, amour et affection, ont consenti beaucoup de sacrifices pour nous permettre de finir la rédaction de ce travail.

Nous ne pouvons pas passer sous silence du considérable soutien et encouragement de nos frères et soeurs ainsi que les autres amis qui nous ont généreusement soutenus en nous prêtant assistance et encouragement.

Que toute notre famille, tout celui qui, d'une manière ou d'une autre, a contribué de près ou de loin à notre formation et dont le nom n'a pas été cité sur cette page, tous nos camarades avec qui nous venons de passer cinq années à l'ULPGL-Goma, trouvent ici la preuve de notre indéfectible attachement.

BAKUNZI REX-DAVID Du Congo

PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS

CourEDH

Cour Européenne des droits de l'Homme 

CIJ 

Cour internationale de Justice 

CJUE 

Cour de Justice de l'Union européenne 

CEDH

Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

TFUE

Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne

DUDH 

Déclaration universelle des droits de l'homme 

HCR 

Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

OIM 

Organisation internationale pour les migrations 

ONU 

Organisation des Nations Unies 

Op. Cit.

opere citato (dans l'ouvrage cité)

p.

Page

PIDCP 

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PIDESC 

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 

CADHP

Charte africaine des droits de l'homme et des peuples

UE 

Union Européenne

INTRODUCTION

I. ETAT DE LA QUESTION

Notre monde est un monde de migrations. Depuis l'aube de l'humanité, il s'est produit des déplacements de personnes d'un pays à l'autre ou d'un continent à l'autre, parfois pour un temps, parfois pour toujours et ce, pour de nombreuses raisons. 

L'immigration a de nombreuses causes sociales qui poussent les migrants à partir, c'est le cas par exemple des conflits armés, la pauvreté ou les catastrophes naturelles. Ces facteurs de migrations internationales sont catégorisés en effets push (vie meilleure), effets pull (guerre et violations des droits de l'homme), et network (moyens de communication modernes).1(*)

Selon le rapport de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM)2(*), en 2020, le nombre de migrants dans le monde était d'environ 281 millions de personnes, soit 51 millions de plus qu'en 2010, 128 millions de plus qu'en 1990 et plus de trois fois plus qu'en 1970.  Quant à la proportion de migrants au sein de la population mondiale, elle s'eleve à 3,6 % en 2020.

D'autres chiffres sont plus alarmants et concernent la migration contrainte. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il y a environ 79,5 millions de personnes déracinées à travers le monde à la fin de 2019, parmi lesquelles 26 millions de réfugiés, 4,2 millions de demandeurs d'asile et plus de 45,7 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. De plus, chaque année, plus de 5 millions de personnes franchissent illégalement des frontières internationales.3(*)

Sur les chemins de la migration illégale, la Méditerranée est toujours l'étape la plus dangereuse du monde, ce qui lui doit le surnom du grand cimetière marin.

Au cours de deux précédentes décennies, soit de 2000 à 2020, plus 44500 personnes (hommes, femmes et enfants) ont périt en mer suite au naufrage, un nombre auquel il faudrait ajouter tous ceux qui ont sombré sans témoins, dans des naufrages qui n'ont laissé aucun survivant et donc aucun décompte.4(*)

Dans cette aventure périlleuse, certains sont les plus chanceux et arrivent à destination. Cependant ils ne sont toujours pas bien accueillis, plusieurs pays européens ont durcit leurs politiques afin d'endiguer ce phénomène migratoire, pour éviter au vieux continent une prochaine surpopulation mais aussi des éventuelles attaques terroristes.

Au nom de l'accord signé entre l'UE et le Maroc, accord sur la lutte contre le trafic des migrants, plusieurs milliers des migrants se voient être renfloués vers la frontière Algérienne et Mauritanienne. En menant cette politique, le Maroc entend dissuader les migrants de poursuivre leur route vers l'Europe.5(*)Pourtant plusieurs textes internationaux consacrent les principes de la liberté de circulation et du non refoulement.

La recherche scientifique ne peut progresser que dans la mesure où les chercheurs assimilent les oeuvres de leurs prédécesseurs et s'exposent à l'illusion de découvrir ce que d'autres chercheurs ont depuis longtemps.

Nous nous sommes inspiré des certaines oeuvres antérieures qui traitent sur la répression du terrorisme international et la lutte contre le terrorisme en Droit international. L'exploitation de ces travaux nous permettra de dégager l'originalité de notre travail.

Mariette Amandine Fleur GNAMBA dans son analyse sur Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public s'interroge sur le droit applicable en mer, qui protège les migrants en situation irrégulière. Dans sa conclusion, il démontre que le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime est au carrefour de diverses branches du droit international public : droit de la mer, lutte contre la criminalité transnationale organisée, droit des réfugiés et droit international des droits de l'homme. Celles-ci constituent un régime juridique hétérogène fragilisé par une pratique sécuritaire des États au détriment des droits de l'homme.6(*)

Le professeur Azzouz Kerdoun, dans son étude sur l'immigration irrégulière dans l'espace euro-mediteranéen et la protection de droit fondamentaux, est arrivée au résultat selon lequel qu'Il est difficile de supprimer la pression migratoire, voire impossible de la réguler et de la maîtriser unilatéralement, mais il est possible, à partir d'initiatives multilatérales et en coopération, de lutter contre le phénomène.7(*)

L'OIM, s'interrogeant sur le traitement des migrants clandestins dans les pays d'accueil, est abouti à la conclusion selon laquelle, les migrants doivent être assimilés aux nationaux en ce qui concernent leurs droits.8(*)

Laura Thompson, s'intéresse sur les conséquences de la protection des droits des migrants sur la souveraineté étatique, dans sa conclusion, l'auteur trouve que la protection et le respect des droits des tous les individus y compris les migrants ne sont certainement pas une violation du droit souverain d'un État d'établir les politiques migratoires.9(*)

Alice Chaix, se questionnant sur le traitement extraterritorial des demandes des statuts des réfugiés , a démontré que ce dernier ne peut pas littéralement constituer un acte de refoulement au sens de l'article 33 alinéa 1 de la convention relatf au statut des réfugiés.10(*)

En revanche, notre étude converge avec les études antérieures en ce sens qu'elle ne s'intéresse pas seulement à la protection des droits fondamentaux des migrants elle s'intéresse beaucoup plus de l'application du principe de non-refoulement à l'égard de la situation des migrants en situation irrégulière sur le territoire Européen, mais aussi sur la protection juridiques et juridictionnelles des migrants refoulés.

II. PROBLEMATIQUE

L'immigration est aussi vieille que l'Humanité et est une partie intégrante de son Histoire. L'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme pose le principe de liberté de circulation des personnes.11(*) C'est pourquoi plusieurs personnes se déplacent et n'ont pas peur de s'établir en dehors de leur pays d'origine.

Durant notre époque contemporaine, la migration a connu des moments forts surtout au sortir de la seconde guerre mondiale car les pays Européens avaient besoin de main d'oeuvre pour leur reconstruction. Par exemple des pays comme l'Espagne, le Portugal et l'Italie sont passés du statut de pays d'émigration à celui d'immigration.12(*) 

L'immigration des jeunes africains n'est pas un phénomène nouveau. Tant que les pays occidentaux trouvaient leur compte dans cette main d'oeuvre bon marché, il n'y avait pas de dénonciation. La dénonciation n'a réellement commencé que lorsque l'Europe elle-même a connu la crise et cherche des moyens pour venir à bout du chômage des jeunes occidentaux.

Au fil des années les politiques migratoires ont commencé à être durcies pour aboutir à un verrouillage des frontières. D'un autre côté, des pays Africains jadis stables ont sombré dans des perturbations socio-économiques et politiques.13(*)

De cette situation découle le désir des jeunes de se rendre en Europe massivement et coûte que coûte. En témoigne le phénomène auquel nous assistons depuis fin 2005 à la côte méditerranéenne, des jeunes poussés et motivés par le fantasme de l'Eldorado Européen prenant des embarcations de fortune pour se rendre en Espagne.14(*)

Comme nous l'avions déjà évoqué dans cette aventure périlleuse, nombreux sont ceux qui périssent en mer, les plus chanceux arrivent à destination mais plusieurs sont refoulés avant même d'arriver en Europe. 

Les Etats européens renforcent la surveillance des frontières pour tenter d'empêcher l'entrée de migrants sur leur territoire. Les migrants, y compris les demandeurs d'asile, qui parviennent malgré tout à entrer de façon irrégulière dans les Etats membres du Conseil de l'Europe y sont souvent considérés comme des délinquants et enfermés dans des centres s'apparentant à des prisons, pour être ensuite expulsés dès que possible, même vers des pays où ils risquent la persécution et la torture. Pourtant, quitter un pays et entrer dans un autre sans disposer des autorisations ou documents requis n'est pas un acte criminel et le droit international reconnaît aussi aux migrants en situation irrégulière un certain nombre de droits, qui doivent être respectés.15(*) Ce paradoxe  nous amène à nous poser les  questions suivantes :

1. Est-ce que les migrants en situation irrégulière bénéficient-ils de la protection liée au principe de non-refoulement consacré par l'article 33 de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés ?

2. Au regard des mécanismes de protection des migrants, quelles sont les chances de réussite d'une action en justice en cas de violation de leurs droits ?

C'est en deux questions dont les réponses constitueront l'ossature de notre  réflexion.

III. HYPOTHESES DU TRAVAIL

· Aux termes de la directive 2011/95/UE du parlement européen et du conseil, les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d'asile et tous les autres ressortissants d'un pays tiers bénéficieraient de la protection liée au principe de non-refoulement consacré par la convention de 1951.16(*)

· Les migrants en situation irrégulière dans le bassin méditerranéen qui auraient subit des graves violations des droits de l'homme pourraient traduire en justice les États responsables de ces affres, en saisissant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) autant qu'ils sont en Europe ou en Afrique.

IV. CHOIX ET INTERET DU SUJET

L'analyse du principe de non-refoulement face à l'immigration clandestine dans le bassin méditerranéen présente un intérêt à apprécier sur un triple point de vue : notamment sur le plan scientifique ; sur le plan communautaire et enfin sur le plan personnel.

Sur le plan scientifique, cette étude présente un intérêt indéniable pour avoir analyser le principe de non-refoulement au regard du phénomène de l'immigration clandestine, principe qui est de base applicable pour le statut des seuls réfugiés. Ce travail contribue tant soit peu à une théorie existante relative à l'immigration et ouvre ainsi les postes de recherche à tous ceux qui voudraient enrichir la thématique.

Sur le plan juridique, ce travail analyse les mécanismes juridiques et judiciaires de poursuite des responsables présumés auteurs des violations des droits de l'homme des immigrants en situation irrégulière.

Sur le plan communautaire, ce travail apporte des solutions sur la gestion du phénomène migratoire dans le bassin méditerranéen par les États et apporte aussi des orientations sur la défense des droits des migrants aux migrants et aux associations de protection des droits de l'homme.

Sur le plan personnel, ce travail nous permet d'approfondir notre connaissance en matière de la protection des droits de l'homme.

V. METHODES ET TECHNIQUE UTILISEES

Tout travail scientifique suppose l'application des méthodes mais aussi des techniques pour arriver à un résultat donné.17(*)

A. Méthodes

La méthode est définie comme étant un ensemble d'opérations intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les démontrer et les vérifier.18(*)

En vue de bien assoir notre travail, nous allons recourir aux méthodes exégétiques, comparatives et historiques.

La méthode exégétique est celle qui permet d'analyser et interpréter les textes légaux. Cette méthode juridique nous permettra, dans le cadre de notre travail, d'analyser les dispositions de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

La méthode comparative quant à elle, permet de comparer les situations similaires. Elle consiste à chercher les différences et les ressemblances existant entre les situations qui font l'objet de la comparaison, en interprétant la signification de ces ressemblances et ces différences.19(*) Cette approche comparative nous permettra de différencier le concept de l'immigration clandestine ou illégale à d'autres concepts voisins.

La méthode historique consiste à éclairer un texte en le replaçant dans le contexte de sa genèse. Le contexte historique est constitué essentiellement des événements historiques qui ont conduit à l'adoption du texte, des dispositions antérieures au texte à interpréter, en quelque sorte faire l'histoire de sa filiation.20(*) Cette méthode historique nous permettra de comprendre l'origine de l'immigration clandestine et son évolution dans les deux décennies 2000-2020.

B. Technique

La technique est un moyen d'atteindre un but, mais qui se situe au niveau des faits ou des étapes pratiques.21(*) Elle est définie comme celle qui procède à l'exploitation des documents écrits, visuels, ou audio-visuels, ouvrages, articles de revues ou des journaux, documents électroniques, articles de presse, documents officiels et privé.22(*) Ainsi nous ferons usage de la technique documentaire, qui nous facilitera la récolte des données se rapportant à notre étude et cela à travers les ouvrages, sites internet, revues et autres documents pour autant qu'ils nous donnent de plus amples informations sur le sujet.

VI. DELIMITATION DU SUJET

Pour bien cerner notre travail, nous l'avons limité dans le temps, dans l'espace mais aussi dans le domaine.

Dans le temps, cette étude couvrira les deux dernières décennies c'est-à-dire la période allant de 2000 à 2020.

Dans l'espace, le phénomène migratoire dans le bassin méditerranéen s'avère être le champ spatial de notre étude.

Dans le domaine, notre étude s'intéresse aux droits humains, branche du DIP.

VII. ANNONCE DU PLAN

En plus de l'introduction générale et la conclusion, le présent travail s'articule autour de deux chapitres.

Le premier chapitre qui porte sur l'immigration clandestine et l'application du principe de non-refoulement qui sera abordé en deux sections dont les considérations théoriques et les causes de l'immigration clandestine (I) l'application du principe de non-refoulement au regard de l'immigration clandestine (II).

Le second chapitre quant à lui traite des mécanismes de protection des droits des migrants. Il sera aussi subdivisé en deux sections à savoir : la protection juridique des migrants à travers le droit de l'homme (I) la protection judicaire des migrants (II).

Chapitre 1. L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT

Dans ce présent chapitre nous allons tout d'abord présenter les considérations théoriques et conceptuelles autour de la migration et l'historique de l'immigration clandestine (I) en suite nous ferons l'analyse de l'application du principe de non refoulement au regard de l'immigration clandestine (II).

Section I. LES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET LES CAUSES DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Dans cette section, il sera question de définir le concept migration ainsi d'autres concepts voisins (Paragraphe 1) mais aussi nous ferons une étude sur les causes des migrations pour bien comprendre ce phénomène (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. LES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET CONCEPTUELLES

Dans ce paragraphe nous allons essayer de définir ce qu'est la notion de la migration (A) ainsi que d'autres concepts voisins à elle (B).

A. LA MIGRATION

L'organisation internationale pour les migrations (OIM), dans son glossaire de la migration, définit celle-ci comme le « déplacement d'une personne ou d'un groupe de personnes, soit entre pays, soit dans un pays entre deux lieux situés sur son territoire »23(*)La notion de migration englobe tous les types de mouvements de population impliquant un changement du lieu de résidence habituelle, quelles que soient leur cause, leur composition, leur durée, incluant ainsi notamment les mouvements des travailleurs, des réfugiés, des personnes déplacées ou déracinées.24(*)

On classe les migrations du point de vue de la cause, du lieu et de la nature juridique.25(*)

1. CLASSIFICATION DE SELON LES CAUSES

Dans la classification des migrations selon leurs causes, nous distinguons la migration spontanée et la migration forcée.

a) La migration spontanée

Elle consiste en un déplacement d'une personne ou d'un groupe de personnes qui élaborent et mettent en oeuvre leurs plans de migration sans assistance externe. La migration spontanée est généralement provoquée par des facteurs d'attraction et de répulsion et est caractérisée par l'absence d'assistance étatique ou tout autre type d'assistance, internationale ou nationale. Elle est volontaire.26(*) Le caractère volontaire de la migration spontanée est la caractéristique essentielle ce qui nous permet de la distinguer de la migration forcée.

b) La migration forcée

C'est un terme généralement utilisé pour décrire le mouvement non volontaire de personnes, causé notamment par la crainte de persécutions, par des situations de conflit armé, de troubles internes, de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme. La notion de migration forcée comprend le mouvement des réfugiés et des personnes déplacées (à l'intérieur ou à l'extérieur de leur pays).27(*)

2. CLASSIFICATION SELON LE LIEU

Dans la classification des migrations selon le lieu, nous distinguons 2 types des migrations il s'agit de la migration interne et de la migration internationale.

a) La migration interne

La migration est interne lorsqu'elle consiste en un mouvement de personnes d'une région d'un pays à une autre afin d'y établir une nouvelle résidence. Cette migration peut être provisoire ou permanente. Les migrants internes se déplacent mais restent dans leur pays d'origine, par exemple dans le cas d'une migration rurale-urbaine.28(*)

b) La migration internationale

La migration est dite internationale lorsqu'elle consiste en un mouvement de personnes qui quittent leur pays d'origine ou de résidence habituelle pour s'établir de manière permanente ou temporaire dans un autre pays. Une frontière internationale est par conséquent franchie.29(*)

3. LA CLASSIFICATION SELON LA NATURE JURIDIQUE

Dans le cadre de la classification selon la nature juridique des migrations, nous distinguons la migration régulière et la migration irrégulière.

a) La migration régulière

La migration régulière c'est une migration internationale effectuée en conformité avec le cadre légal du pays d'origine, de transit et de destination.30(*)

b) La migration irrégulière ou illégale

La migration irrégulière c'est une migration internationale contrevenant au cadre légal du pays d'origine, de transit ou de destination. Il n'y a pas de définition universellement acceptée de la migration irrégulière.

Dans la perspective du pays de destination, il s'agit de l'entrée, du séjour et du travail illégal dans le pays, impliquant que le migrant n'a pas les autorisations nécessaires ou les documents requis selon la loi d'immigration pour entrer, résider et travailler dans le pays en question.

Dans la perspective du pays d'origine, l'irrégularité s'avère par exemple lorsqu'une personne franchit une frontière internationale sans un passeport ou document de voyage valide, ou ne remplit pas les exigences administratives pour quitter le pays. Il y a cependant une tendance à restreindre l'usage de terme « migration illégale » aux cas de traite des personnes et au trafic illicite de migrants31(*)

La commission européenne dans son glossaire 2.0 définit la migration illégale ou irrégulière comme une « migration à l'aide de moyens irréguliers ou illégaux, sans documents valables ou en possession de faux documents »32(*)

En Haute-mer, il n'existe pas de migration irrégulière. Pour que l'immigration irrégulière soit constituée, il faut se trouver sur la partie terrestre du territoire d'un État.33(*)

C'est pourquoi le terme d'immigration irrégulière est rejeté par plusieurs auteurs et plusieurs institutions internationales car il n'est pas illégal de quitter son pays mais le séjour peut être illégal au plan administratif. L'immigration est illégale par référence à la loi migratoire de l'État concerné. Elle inclut les personnes qui franchissent ses frontières au mépris de la loi et ceux qui dépassent la durée de leur séjour accordé27( *). Concernant les demandeurs d'asile, pendant l'examen de leur demande, leur situation n'est pas illégale mais si leur demande est rejetée elle le redevient34(*)

Les institutions et les États font un lien entre l'immigration et le droit pénal. Tandis que les Organisations internationales parlent d'immigration irrégulière pour mettre l'accent sur le fait que l'immigration ainsi considérée n'est irrégulière que du fait des lois migratoires de l'État d'entrée, et non l'immigration en elle-même.35(*)

C'est pourquoi nous choisirons d'employer pour ce mémoire le terme d'immigration irrégulière conformément à l'idée que l'immigration n'est pas une infraction en soi car toute personne a le droit de quitter tout pays. Elle n'est irrégulière qu'en lien avec le droit national.

B. LES CONCEPTS VOISINS DE LA MIGRATION

Dans ce présent point, nous aborderons la notion de l'immigration et l'émigration (1) et celui du migrant (2)

1. IMMIGRATION

Le mot  immigration vient du latin migratio qui signifie « passage d'un lieu à l'autre ».36(*)

L'immigration est définie comme l'action de se rendre dans un État dont on ne possède pas la nationalité avec l'intention de s'y installer.37(*)

2. EMIGRATION

L'émigration quant à elle est l'action de quitter son État de résidence pour s'installer dans un État étranger.38(*)

Le droit international reconnaît à chacun le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et n'admet sa restriction que dans des circonstances exceptionnelles. Ce droit au départ ne s'accompagne d'aucun droit d'entrer sur le territoire d'un État autre que l'État d'origine.39(*)

Paragraphe 2. LES CAUSES DES MIGRATIONS

Assurément, l'histoire de l'humanité est marquée par les mouvements migratoires. Les motivations des migrations ont été et sont encore aussi variées que différenciées. 
S'interroger sur les causes et les effets des flux migratoires auxquels nous sommes confrontés actuellement implique de prendre en compte le sens de l'évolution globale dans lequel le présent se situe.

Dans ce deuxième point nous allons d'abord présenter l'évolution historique de la migration (A) ensuite présenter les différentes causes des migrations (B).

A. ÉVOLUTION HISTORIQUE DE LA MIGRATION

L'immigration est aussi vielle que l'humanité, néanmoins Dans l'histoire moderne des phénomènes migratoires, on distingue 4 phases40(*) à savoir :

· De 1500 à 1800, c'est la période de l'essor commercial de l'Europe, qui stimule les contacts et les flux migratoires vers l'Amérique, l'Afrique et l'Asie.

· De 1800 à la première Guerre Mondiale, c'est la période du développement industriel, qui provoque le déplacement d'environ 50 millions d'européens vers les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle Zélande. Ce sont surtout des Italiens et des Anglais, mais aussi des Espagnols, des Portugais, des Norvégiens, des Suédois. C'est également la période des migrations internes des zones rurales vers les centres industriels.

· De 1915 à 1945, après un temps d'arrêt dû à la guerre, les flux migratoires sont composés principalement d'européens qui se réfugient en Amérique.

· De 1945 à nos jours, les migrations deviennent un phénomène global. De plus en plus de pays sont concernés. Les déplacements se mondialisent. D'où la thèse selon laquelle on serait en train de passer d'un modèle résidentiel à un modèle néo-nomade.41(*)

B. LES CAUSES DE DES MIGRATIONS

Il y a toutes sortes d'explications à la base des processus migratoires, dont l'importance varie selon les périodes et selon les zones géographiques de départ et d'arrivée.

Ces explicationssont d'ordre économique, démographique, politique, économique, culturel, politique, familial.42(*)

1) Causes économiques

Sous cette angle, les différences entre le Nord et le Sud mettent enévidence la persistance de la pauvreté dans les pays du Sud, qui pousse de nombreusespersonnes à chercher du travail dans les pays du Nord. La recherche d'un travail figure parmiles motivations les plus fréquentes des demandes de permis de séjour (35 % en Italie).43(*)

2) Causes démographiques

Parmi les causes les plus évidentes, il y a la pressiondémographique, bien que cette cause ne soit pas nécessairement toujours la plus importante.Il suffit de penser, par exemple, que la tranche d'âge qui produit le plus de migrants (entre 20et 30 ans), est stable dans les pays développés, alors qu'elle est en augmentation constantedans les pays en voie de développement.Ainsi, en 1970, il y avait 153 millions de jeunes dans les pays du Nord, contre 395 millionsdans les pays du Sud. En 2010, ces jeunes seront 175 millions dans les pays du Nord, contreprès d'un milliard (973 millions) dans les pays du Sud. Si nous nous limitons à l'Europe et àl'Afrique, les jeunes européens étaient 66 millions en 1970 et leur nombre ne changera quasipas d'ici 2010, alors que les jeunes africains passeront de 56 millions à 192 millions.44(*)

3) Causes politiques

C'est également un facteur d'émigration important. De nombreusespersonnes fuient des pays en proie à la guerre, des régimes dictatoriaux ou à cause depersécutions raciales (ethniques).Rappelons qu'il y a actuellement 20 millions de réfugiéspolitiques dans le monde.45(*)

4) Causes culturelles

L'augmentation des moyens de communications entre pays lointainscrée des phénomènes d'attraction : le mode de vie occidental que nous appelons la "culture occidentale" est perçu comme plus sécurisant que le mode de vie dans le pays d'origine.Cette valorisation de modèles stimule l'émigration vers le monde occidental.46(*)

5) Causes familiales

Le regroupement familial est un élément important dans les mouvements migratoires. Par exemple en Italie, il constitue 18 % des demandes et concerne les conjoints, les enfants, les parents ou d'autres collatéraux. Le besoin de reconstruire un noyau familial est un facteur décisif dans la formation des flux migratoires.47(*)

Section II. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT AU REGARD DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Dans cette section il sera question de présenter le contenu du principe de non refoulement (1) et analyser son application au regard de la situation de l'immigration clandestine (2).

Paragraphe 1. LE CONTENU DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT

Pour étudier le principe de non refoulement, il convient de rappeler sa base juridique et sa définition (A). Son caractère coutumier sera également étudié (B).

A. DE LA BASE JURIDIQUE ET DE LA DEFINITION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT

La principale base juridique du principe de non-refoulement est l'article 33 de la convention sur les réfugiés de 1951 qui dispose qu'aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.48(*)

Une autre base du principe est l'article 3.1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui dispose qu'aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.49(*)

Le refoulement est selon le glossaire de la commission européenne en 2012 le « renvoi d'un individu de quelque manière que ce soit par un État vers le territoire d'un autre État où il pourrait être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ; ou bien où il pourrait être victime de torture ».50(*)A contrario, le non-refoulement est, selon le même glossaire, le « principe fondamental du droit des réfugiés interdisant aux États d'éloigner ou de refouler, de quelque manière que ce soit, un réfugié vers des pays ou territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée ».51(*)

Le champ d'application du principe de non-refoulement est donc intrinsèquement lié à la définition du réfugié. Ainsi, le principe ne s'applique pas aux personnes qui restent dans leur pays de résidence. Les obligations tirées du principe de non-refoulement sont principalement négatives. La condition la plus importante est l'effet du refoulement, c'est-à-dire mettre en danger les personnes concernées et les exposer à des risques de mort ou de torture.52(*)

La Cour européenne des droits de l'homme en fait une application jurisprudentielle avec l'arrêt Hirsi Jamaa du 2 février 2012.53(*)

Les faits de l'affaire sont les suivants : un groupe de 200 personnes quittent la Lybie à bord de 3 embarcations dans le but de rejoindre les côtes italiennes. Le 6 mai 2009, les embarcations furent approchées par 3 navires italiens à 35 milles marins au sud de Lampedusa. Les occupants furent transférés sur les navires italiens et reconduits à Tripoli contre leur gré. Parmi les 200 migrants, 11 ressortissants somaliens et 13 ressortissants érythréens ont saisi la CEDH d'une requête le 26 mai 2009 en vertu de l'article 34 de la convention EDH. Ils allèguent que leur transfert vers la Lybie par les autorités italiennes avait violé les articles 3 de la CEDH et 4 du Protocole n°4 et ils dénonçaient l'absence d'un recours conforme à l'article 13 de la convention.La Cour a estimé que l'Italie avait sous son contrôle continu en droit et en fait les requérants. Ensuite, en se référant à la situation en Lybie depuis 2010, les juges ont estimé que le risque de torture et de mauvais traitements systématiques engageait la responsabilité des autorités italiennes. D'ailleurs en 1989, l'article 3 de la convention EDH avait déjà trouvé une application jurisprudentielle dans l'affaire Soering.54(*)

Monsieur Soering, ressortissant allemand, était détenu en Angleterre en attendant son extradition vers l'État de Virginie aux États-Unis d'Amérique où il y était accusé de meurtre. Il risquait d'être condamné à la peine capitale et donc de subir le « syndrome du couloir de la mort ». Selon la Cour, ce syndrome représente un traitement dégradant. Cet arrêt instaure le principe selon lequel en présence de motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le livre à un État, y courra un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la responsabilité de l'État qui l'expulse sera engagée à raison d'un acte exposant autrui à des traitements prohibés par l'article 3.55(*)

La Cour a donné raison aux requérants parce qu'il y a effectivement violation de l'article 3 de la CEDH du fait de leur expulsion et du risque de subir de mauvais traitements et d'être rapatriés. Elle a ainsi condamné l'Italie pour avoir reconduit en Libye des migrants somaliens et érythréens interceptés en mer.56(*)

Les exceptions au principe de non-refoulement sont rares et très réglementées. L'État n'a aucun devoir, aucune obligation de concéder l'asile à personne. En réalité, il s'agit d'un droit de l'État à accorder l'asile à l'individu et non pas d'un droit de l'individu à l'asile. Cependant, l'individu ne peut être renvoyé et refoulé que selon des conditions bien précises dans la convention de Genève sur les réfugiés. Le principe de non-refoulement n'est pas une obligation d'accepter le débarquement. Mais en pratique il force les États à accorder un accès, même temporaire, à leurs territoires pour les procédures d'identification.57(*)

Mais à quels États toutes ces règles concernant le principe de non-refoulement s'appliquent-elles ? Autrement dit le principe de non-refoulement est-il de nature coutumière et donc d'application universelle ?

B. LE CARACTERE COUTUMIER DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT

La question du caractère coutumier du principe de non refoulement est importante car elle permet de savoir si les États non parties à la Convention sont astreints à son respect. Sur ce point, deux thèses s'affrontent : la thèse du caractère non coutumier (1) et la thèse dominante selon laquelle le principe fait partie du droit coutumier international (2). 

1) La thèse du caractère non coutumier du principe de non refoulement

La première école est celle de James Hathaway selon laquelle, le principe de non refoulement n'a pas rang de principe coutumier en droit international mais la pratique internationale. L'autre école qui jurisprudentielle se fonde sur le principe selon lequel qu'il n'y a pas de consensus général sur la nature coutumière du principe de non refoulement.58(*)

Pour qu'il y ait coutume en droit international, il faut deux éléments : l'existence d'une pratique ayant une certaine récurrence et l'opinio juris c'est-à-dire la conviction d'appliquer le droit. Selon James Hathaway, ces deux éléments manquent pour que le principe de non refoulement soit considéré comme un principe coutumier.59(*)

Le camp du caractère coutumier prend pour appui la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice dans son arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.60(*)Dans cet arrêt, la Cour affirme que lorsqu'un État ne respecte pas une règle reconnue et se défend en invoquant des exceptions à cette règle, cela confirme la force de la norme elle-même. Ainsi, la pratique des États peut être vue comme renforçant la force légale de la norme. Aussi, la CIJ précise que la pratique des États signifie qu'elle doit être généralisée et non strictement universelle.61(*)

2) La thèse du caractère coutumier du principe de non refoulement

Le camp du caractère coutumier se base également sur le Protocole de 1967 à la convention sur les réfugiés spécifiquement sur son article 1 (1) qui dispose que « Les États parties au présent Protocole s'engagent à appliquer aux réfugiés, tels qu'ils sont définis ci-après, les articles 2 à 34 inclus de la Convention » donc l'article 33 de la convention sur les réfugiés qui est la base juridique du principe de non-refoulement.62(*)

Il est admis dans la pratique internationale que le principe de non refoulement est coutumier. Selon le glossaire de l'UE sur la migration,« le principe de non-refoulement fait partie du droit international coutumier et est, de ce fait, obligatoire pour tous les États, qu'ils soient ou non signataires de la Convention de Genève de 1951 ». Aussi, le comité exécutif du HCR dans sa conclusion n°25 de 1982 l'a confirmé également.

Paragraphe 2. APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT AU REGARD DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Face aux flux migratoires croissants et dans un climat marqué par la lutte antiterroriste, la politique des Etats en Europe est marquée par un durcissement en matière d'asile.Les États sont alors tentés au nom de la sécurité nationale de limiter les entrées sur le territoire.

Le principe de non-refoulement interdit cependant à un Etat de renvoyer un individu dans un pays s'il existe un risque que cet individu soit soumis à une persécution, torture ou traitements dégradants en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.63(*)

Si l'importance de ce principe n'est pas contestée, le caractère absolu de cette interdiction diffère en droit international d'asile et en droit international des droits de l'homme.

Cette différence est perceptible à la lecture du texte de la Convention de Genève de 1951 qui prévoit à son article 33(2) une exception en présence « de raisons sérieuses de (...) considérer [le réfugié] comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ».64(*)

En droit international des droits de l'homme, on constate une prohibition absolue du refoulement s'il existe un risque de mauvais traitements ou de torture, ce qui ne pas cas en droit d'asile.65(*)

Certains dénoncent une dichotomie entre les deux branches de droit.66(*)L'appréhension de ce principe en droit de l'UE est particulière, en ce qu'elle semble adopter les deux approches.

L'affaire C-391/16 au sujet de validité de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette Directive, constitue à cet égard une opportunité pour clarifier la position du droit de l'UE.67(*) Cette affaire concerne trois questions préjudicielles traitées conjointement en ce qui concerne la validité des paragraphes 4, 5 et 6 de l'article 14 de la directive qui concernent les cas de révocation et de refus du statut de réfugié lorsqu'un individu représente une menace pour la sécurité nationale ou pour la sociétéde l'Etat. Les juridictions de renvoi soulèvent la question de la validité de la directive en ce qu'elle introduirait une nouvelle forme d'exclusion du statut de réfugié non prévue par la Convention de Genève et serait ainsi contraire au droit de l'UE qui pose que la politique commune en matière d'asile doit être conforme à cette Convention.

Les conclusions rendues le 21 juin 2018 par l'avocat général Melchior Wathelet, qui affirme la validité de la directive, ouvraient la voie à une position européenne alignée sur le modèle suivi par les juridictions de droits de l'homme.

La question se pose alors de déterminer l'apport des conclusions de l'avocat général concernant la compréhension du principe de non-refoulement en droit de l'UE et comment cette approche se positionne par rapport à celle suivie par la Cour européenne des droits de l'homme. La comparaison entre ces deux ordres juridiques est importante en raison de leur connexion. En effet, si la Convention européenne des droits de l'homme ne lie pas directement l'Union européenne, tous les Etats membres sont également parties à cette Convention.

Les États parties à la CEDH peuvent être tenus responsables pour un acte commis dans le cadre de l'application du droit de l'UE.68(*)

A plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l'homme est venue bouleverser la politique commune européenne en matière d'asile.69(*)

Si le principe de non-refoulement fait l'objet d'une compréhension initiale contradictoireen droit de l'UE contrairement à la position ferme de la CourEDH (A), les conclusions de l'avocat général ouvrent la voie à une interprétation de la directive 2011/95 alignée sur la jurisprudence de cette dernière (B).

A. LE PRINCIPE DE NON-REFOULEMENT : LA FERMETE DE LA COUREDH CONTRE L'APPROCHE CONTRADICTOIRE DU DROIT DE L'UNION EUROPEENNE

L'affaire en cause se présente comme l'opportunité idéale afin de clarifier la position du droit de l'UE sur le principe de non-refoulement, marquée par une certaine confusion (1) contrairement à l'approche de la CourEDH qui a réaffirmé au cours de sa jurisprudence la nature non-dérogeable de ce principe (2).

1. De la nécessité d'une clarification de la nature du principe de non-refoulement en droit de l'UE

Si le principe de non-refoulement est ancré en droit primaire et secondaire européen, la lecture de ces textes révèle une contradiction concernant la compréhension de ce principe. 

Aux termes de l'article 78 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne relatif à la politique commune en matière d'asile, qui fait référence à l'obligation de respecter le principe de non-refoulement, pose que cette politique doit être conforme à la Convention de Genève de 1951. Or la Convention de Genève admet à l'article 33(2) deux exceptions à ce principe reprises par l'article 21(2) de la directive. Cependant, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à son article 19(2) n'admet aucune dérogation à ce principe en cas de risque de peine de mort, torture ou mauvais traitements.

Cette confusion est également renforcée en raison d'une jurisprudence antérieure floue de la Cour de Justice. En effet dans son arrêt H.T (C-373/13), la Cour de Justice semble adoucir le caractère absolu de ce principe, en proclamant notamment à son paragraphe 72 que les conséquences de la directive 2004/83 remplacée par la directive en cause étaient potentiellement drastiques (...) puisque le demandeur d'asile est alors susceptible d'être renvoyé vers un pays où il pourrait courir un risque de persécution.70(*)

Cette contradiction était déjà relevée par Pieter BOELES71(*)qui souligne cependant que l'article 21 de la directive laisse la possibilité d'une interprétation conforme aux droits de l'homme. En effet, le second paragraphe de cet article précise que les Etats Membres ne peuvent refouler que lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu de leurs obligations internationales. Or, celles-ci incluent notamment le respect de la jurisprudence de la CourEDH qui protège également les individus contre le refoulement.72(*)

2. La nature non-dérogeable du principe de non refoulement en cas de risque de torture et mauvais traitements devant la cour de Strasbourg

Si la Convention européenne des droits de l'homme ne contient pas de référence à ce principe, c'est la CourEDH qui au cours de sa jurisprudence l'a fait découler de l'article 3, qui prohibe la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette interdiction trouve sa source dans l'arrêt Soering.

La Cour a réaffirmé cette interdiction dans l'arrêt Chahal contre Royaume Uni en proclamant que, bien qu'il appartienne aux Etats de réguler l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-nationaux, ils ne peuvent procéder au refoulement « s'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on l'expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'article 3 de la Convention »73(*)

La Cour a démontré de façon constante au cours de sa jurisprudence qu'aucune justification ne pourrait être admise pour déroger à ce principe si le refoulement emporte la violation de l'article 3. Dans l'arrêt précédemment mentionné, bien que la Convention de Genève trouvât application et qu'en application de l'article 33(2) de celle-ci l'individu ne pouvait se prévaloir de la protection contre le non-refoulement, la Cour a réaffirmé le caractère absolu de l'article 3. Celle-ci proclame que « l'interdiction des mauvais traitements énoncée à l'article 3 est tout aussi absolue en matière d'expulsion.

Si l'on remarque ainsi une certaine divergence des positions de la CourEDH et du droit de l'UE, les conclusions de l'avocat général apportent une confirmation opportune de la nature absolue du principe de non-refoulement.

B. VERS UNE CONVERGENCE DE LA COMPREHENSION DU PRINCIPE DE NON-REFOULEMENT EN DROIT DE L'UE ET DANS LE SYSTEME DE LA CourEDH

L'avocat général dans ses conclusions affirme la nature non dérogeable du principe de non-refoulement, s'alignant ainsi sur la position de la Cour de Strasbourg, ainsi nous ferons la lecture de la directive à la lumière des obligations en matière de droit de l'homme (1) et propose une nouvelle interprétation des dispositions litigieuses de la directive respectueuse de ce principe (2).  

1. Une lecture de la directive 2011/95/UE à la lumière des obligations en matière de droit de l'Homme

L'avocat général dans ses conclusions, plutôt que de s'appuyer sur l'article 78 TFUE qui prévoit que la politique commune en matière d'asile doit être conforme à la Convention de Genève, opère une lecture de la directive alignée sur l'approche envisagée par la CourEDH. 

L'avocat général se réfère au renvoi de l'article 21 de la directive aux obligations internationales pour souligner le caractère absolu du principe de non-refoulement. Il note l'évolution décisive de la protection des droits de l'homme depuis l'adoption de la Convention de Genève qui exclut toute exception à ce principe paragraphe 61 de ses conclusions que « la faculté de déroger au principe de non-refoulement prévue à l'article 33, paragraphe 2, de la convention de Genève et à l'article 21, paragraphe 2, de la directive 2011/95 ne représente plus qu'une possibilité théorique dans le chef des États membres, dont la mise en pratique est désormais interdite au nom de la protection des droits fondamentaux ». Distinguant l'article 21 des dispositions litigieuses de l'article 14 de la directive, il précise que ces dernières régissent l'hypothèse où un réfugié constitue une menace pour la sécurité ou la société d'un Etat Membre mais dont le refoulement ne peut être mis en oeuvre au risque de violer les obligations applicables en matière de droits de l'homme.74(*) 

Si l'hypothèse de l'expulsion du réfugié est ainsi écartée au nom du respect des droits de l'homme, l'avocat général estime que les dispositions de l'article 14 ouvrent une autre possibilité pour l'Etat face à un individu représentant une menace pour la sécurité nationale : celle de le priver de son statut de réfugié et donc des droits découlant de ce statut.

2. La distinction entre qualité et statut de réfugié comme alternative au refoulement

La possibilité de refouler un réfugié constituant un danger pour la sécurité nationale ou la société de l'Etat membre est exclue si l'on suit le raisonnement de l'avocat général. Cependant celui-ci propose une nouvelle interprétation des paragraphes 4 et 5 de l'article 14. Il soutient que la directive est conforme au droit européen si la distinction est faite entre « statut » et « qualité » de réfugié.

Se basant sur une interprétation systématique et téléologique de la directive 2011/95, il estime que les paragraphes 4 et 5 de l'article 14 ont pour conséquence de priver l'individu concerné du statut de réfugié et non pas de la qualité de réfugié. L'enjeu de cette distinction réside dans les droits attachés à ce statut. Ainsi, seule la personne jouissant du statut de réfugié pourra bénéficier des droits découlant du chapitre VII de la directive. La personne dont ce statut a été refusé car elle constitue une menace pour la sécurité nationale ou pour la société est alors seulement titulaire en vertu de l'article 14(6) des droits découlant de la Convention de Genève dont la jouissance ne dépend pas de la régularité du séjour.75(*) 

Cette distinction a le mérite d'exclure la violation du principe de non-refoulement et semble refléter l'approche telle que recommandée par le HCR. Ce dernier avait en effet préconisé que le terme « statut octroyé à un réfugié » soit interprété comme se référant à l'asile accordé par l'État plutôt qu'au statut au sens de l'article 1A (2) de la Convention de Genève, désignant alors la qualité de réfugié.76(*)

La directive offrirait un degré de protection du réfugié progressif dépendant du lien entre le réfugié et l'Etat d'accueil. Cette « gradation » se retrouve dans la Convention de Genève comme le fait remarquer le HCR dans ses commentaires.77(*)

Ainsi, la Cour (grande chambre) après examen de l'article 14, paragraphes 4 à 6, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dans son arrêt du 14 mai 201978(*), s'était penché sur les conclusions de l'avocat général WHATELET en disant qu'ellen'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de ces dispositions au regard de l'article 78, paragraphe 1, TFUE et de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cette décision vient ainsi clarifier la position européenne concernant le caractère absolu du principe de non-refoulement. 

Chapitre 2. LES MECANISMES DE LA PROTECTION DES MIGRANTS CLANDESTINS

Après avoir analysé le principe de non refoulement au regard de l'immigration irrégulière, l'étude de la protection des migrations clandestins s'avère nécessaire. Dans ce présent chapitre il sera question de présenter les mécanismes de protection juridique (I) et judiciaire (II) des migrants clandestins.

Section 1. LA PROTECTION JURIDIQUE

Le droit international des droits de l'Homme constitue un régime commun universel pour toute personne quel que soit son statut juridique.

Les droits de l'Homme sont des droits universels, inaliénables et imprescriptibles. Ils s'appliquent à tout être humain et par conséquence aux migrants (1). Et ceux-ci bénéficient aussi d'un régime protecteur spécifique contre leur trafic (2).

Paragraphe 1. PROTECTION À TRAVERS LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME

Les migrants ne disposent pas d'instruments de protection spécifiques. Ils sont protégés par les instruments généraux en matière de protection des droits de l'homme qui doivent être appliqués sans discrimination (A). Mais cette universalité théorique est contrariée par leur exclusion de certaines catégories de droits (B).

A. UNE APPLICATION SANS DISCRIMINATION DES DROITS DE L'HOMME

La non-discrimination est le principe en matière d'application des droits de l'Homme basé sur leur caractère universel (1). Ils sont également extrêmement variés (2).

1. Des droits universels

Le préambule de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme (DUDH) affirme « que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».79(*)

L'article 2 de la DUDH dispose en outre que « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »..80(*)

De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.81(*)

La Cour interaméricaine des droits de l'Homme dans un avis daté du 17 septembre 2003 a affirmé que le droit à la non-discrimination et le droit à légalité sont des principes de jus cogens applicables à tous les résidents quelle que soit leur nationalité. Le traitement des réfugiés et des demandeurs d'asile doit suivre les standards internationaux et doit être accordé sans considération pour la nationalité.82(*)

Les États ont donc l'obligation de respecter leurs engagements internationaux en matière de droits de l'Homme selon la jurisprudence Barcelona Traction.83(*)

2. Des droits variés

Les droits de l'Homme ne sont pas contenus dans un seul document. La protection juridique des migrants au niveau des droits de l'homme est très étoffée. En effet, ce corpus se compose de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ; de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille du 18 décembre 1990 ; de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 7 janvier 1966 ; de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006 ; de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989; de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979

Toutes ces conventions internationales sont complétées par des conventions régionales. Il s'agit de la Convention européenne des droits de l'Homme ; de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples ; de la Convention américaine des droits de l'Homme ; de la Charte arabe des droits de l'Homme ; et la déclaration des droits de l'ASEAN (Association des nations d'Asie du sud-est).

Le droit à la vie est le premier droit fondamental auquel les migrants ont accès. Il astreint les États à s'abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, et à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction.84(*)

L'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en effet que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie »85(*).

De nombreuses conventions internationales ont repris cette disposition dont la CEDH86(*), la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples87(*)et la Convention américaine des droits de l'Homme.88(*)

Cette obligation a été confirmée en jurisprudence par l'arrêt de la CourEDH Osman c. Royaume Uni.89(*)Les États ont donc l'obligation de préserver la vie humaine en mer ce qui justifie l'obligation d'assistance.90(*)

L'arrêt de la CourEDH L.C.B contre Royaume Uni a précisé que « la première phrase de l'article 2, § 1, astreint l'État non seulement à s'abstenir de provoquer lamort de manière volontaire et irrégulière mais aussi à prendre les mesuresnécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction  »91(*).

B. UNE UNIVERSALITÉ CONTRARIÉE PAR L'EXCLUSION DES MIGRANTS DE CERTAINES CATÉGORIES DE DROITS

Les distinctions contre les migrants sont possibles et prévues par les textes dans certains cas mais elles doivent être justifiées de manière objective92(*) et le but recherché doit être légitime. Ainsi, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) réserve certains droits aux nationaux (1) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) rend relative la jouissance des droits économiques (2).

1. Des droits civils et politiques réservés en priorité aux nationaux

Le PIDCP comporte plusieurs restrictions vis-à-vis des non nationaux. Il s'agit des droits politiques, des droits à la liberté de mouvement, et des garanties relatives à l'expulsion.L'article 25 réserve les droits politiques aux citoyens uniquement. En effet, «Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables: 

a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis; 

b) De voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs; 

c) D'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays ».93(*)

Sont donc exclus les migrants non-citoyens de l'État en question.

Aussi, les migrants irréguliers observent des limitations à leurs déplacements. L'article 12 (1) dispose que« Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence ». Les migrants irréguliers ne peuvent pas en principe selon cette disposition se déplacer librement.

En outre concernant l'expulsion, l'article 13 dispose qu'« Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d'un État partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi ».94(*) La garantie du droit à une décision préalable n'est accordée formellement qu'au migrant légal. L'article 16 de la convention sur les réfugiés précitée n'accorde le droit d'accès aux tribunaux qu'aux réfugiés. Mais le statut de réfugié est déclaratoire. On peut donc y voir une certaine protection sur cette base même si elle est assez précaire pour les migrants irréguliers.

Le bénéfice des droits économiques est beaucoup plus relatif encore.

2. Unbénéfice des droits économiques relatif

L'article 2 (3) du PIDESC, octroie une marge de manoeuvre importante aux pays en voie de développement pour réaliser ces droits. Il dispose en effet, que « Les pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits de l'homme et de leur économie nationale, peuvent déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent Pacte à des non-ressortissants ».

La jouissance des droits économiques est donc relative dans les pays en voie en développement. Cette disposition permet à ces pays de se protéger derrière leur faible situation économique pour écarter les migrants du bénéfice de ces droits. Cependant, les autres droits doivent leur être obligatoirement garantis.

Paragraphe 2. LA PROTECTION A TRAVERS LE DROIT PENAL INTERNATIONAL

Le droit pénal international est défini comme l'ensemble des règles du droit pénal relatives aux infractions présentantun élément d'extranéité ainsi qu'aux crimes internationaux95(*)

Nous choisissons cette expression en opposition au droit international pénal qui, lui, a trait ensemble des règles du droit international public, pour l'essentielconventionnel, portant sur l'incrimination et la répression des crimes internationaux (Idem)  qui sont commis par des individus et qui sont poursuivis par des juridictions internationales répressives. Les infractions de cette section sont punies par des juridictions nationales.

Le trafic de migrants est une infraction universelle (A) complétée par la criminalisation d'autres types de criminalité transnationale (B).

A. LA CRIMINALISATION UNIVERSELLE DU TRAFIC DE MIGRANTS

Par manque de voies légales pour se déplacer, les migrants font l'objet de trafic. Il est fait obligation aux États de criminaliser le trafic de migrants (1) sur la base du régime juridique international en vigueur (2).

1. Les bases juridiques de la lutte contre le trafic de migrants

Le trafic de migrants est défini à l'article 3 (a) du Protocole de Palerme sur le trafic illicite de migrants par terre, air et mer.96(*) Il s'agit du « fait d'assurer, afin d'en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un avantage matériel, l'entrée illégale dans un État partie d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État  ».97(*)

Selon le même article, l'entrée illégale est définie comme le « franchissement de frontières alors que les conditions nécessaires à l'entrée légale dans l'État d'accueil ne sont pas satisfaisantes ».98(*)

Les termes utilisés en anglais pour qualifier le trafic de migrants sont très différents. Il convient donc de les distinguer avant d'aller plus loin. Il y a une différence de terminologie entre l'anglais et le français sur cette question.

En effet, le « trafic de migrants » se dit `smuggling' en anglais, tandis que le « trafic d'êtres humains » correspond au `traficking' en anglais.99(*)Le trafic implique donc des personnes consentantes. Certaines personnes n'ont de contrôle ni sur leur voyage ni sur leur futur dans le pays de destination, il s'agit de la traite. Celle-ci est définie à l'article 3 (a) du protocole sur la traite des personnes (le transport par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation).

Il n'y a toutefois pas d'immunité totale pour les victimes du trafic. Il existe bel et bien une obligation pour les États de ne pas entamer de poursuites judiciaires à l'encontre des migrants victimes du trafic (Article 5 protocole), mais une autre disposition, l'article 6 (4) vient en porte-à-faux. Il dispose qu' « aucune disposition du présent Protocole n'empêche un État Partie de prendre des mesures contre une personne dont les actes constituent, dans sondroit interne, une infraction ». Les migrants peuvent être alors poursuivis pour avoir enfreint les règles migratoires de l'État concerné.100(*)

Les textes obligent les États à criminaliser le trafic de migrants et les modalités de leurs compétences en la matière.

2. Les modalités concrètes de la lutte contre le trafic de migrants

Le protocole de Palerme oblige les États parties à incriminer et punir le trafic de migrants (Article 3). Pour les États parties au protocole et à la convention donc, une obligation de criminaliser le trafic sur leur territoire s'impose. Selon l'article 6 :

1. Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou autre avantage matériel, Au trafic illicite de migrants. Lorsque les actes ont été commis afin de permettre le trafic illicite de migrants.

Les États doivent également punir les actes aidant à la commission de l'infraction c'est-à-dire la « fabrication d'un document de voyage ou d'identité frauduleux »; le « fait de procurer, de fournir ou de posséder un tel document » ; le « fait de permettre à une personne, qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent, de demeurer dans l'État concerné, sans satisfaire aux conditions nécessaires au séjour légal dans ledit État, par les moyens mentionnés ».

La tentative est également punie c'est-à-dire le « fait de tenter de commettre une infraction établie conformément au paragraphe 1 du présent article » de même que la complicité, le « fait de se rendre complice » d'une infraction établie par les dispositions précédentes.

Les traitements humains et dégradants sont mentionnés par le fait de mettre en danger ou de risquer de mettre en danger la vie ou la sécurité des migrants concernés ou au traitement inhumain ou dégradant de ces migrants, y compris pour l'exploitation.

La mise en application de la répression exige l'entrée illégale dans un État partie. La tentative d'entrée illégale peut servir en haute mer. La criminalisation ne s'applique qu'aux infractions transnationales selon l'article 4 du Protocole. Elle vise les trafiquants seulement mais il n'existe pas d'immunité pour les migrants en cas de violation des règles d'immigration.101(*)

En effet selon l'article 6 alinéa 4 du protocole, « Aucune disposition du présent Protocole n'empêche un État Partie de prendre des mesures contre une personne dont les actes constituent, dans son droit interne, une infraction.

Les éléments du crime sont le mens rea et l'actus reus. Le mens rea signifie que le trafic doit avoir été commis pour obtenir un bénéfice financier ou matériel. L'actus reus consiste à participer activement dans le trafic en fournissant les documents frauduleux ou avoir physiquement fait traverser les frontières aux migrants.102(*)

L'ONUDC a schématisé cette définition comme suit. Il s'agit du fait d'assurer l'entrée illégale d'une personne dans un État dont elle n'est pas ressortissante pour en tirer profit.103(*) De manière préventive également, l'article 10 du Protocole encourage l'échange d'informations entre États qui se trouvent dans une zone couramment utilisée pour le trafic de migrants.

Après avoir décrit les obligations des États ci-dessus, il faut maintenant se pencher sur les titres de compétences que détiennent les États en fonction des différentes zones maritimes.

Il faut distinguer les zones sous souveraineté (eaux intérieures et mer territoriale) et les zones maritimes sous juridiction (zone contiguë et zone économique exclusive). Dans les zones sous souveraineté, celle-ci est absolue tandis que dans les zones sous juridiction, cette souveraineté est relative et n'est exercée que dans une optique précise. Au-delà des zones présentées se trouve la haute mer.

En premier lieu, la haute mer est un espace situé au-delà de la mer territoriale et de la zone contigüe au-delà donc de 24 mille marins. Sa définition par l'article 86 de la Convention de Montego Bay est négative : la haute mer comporte toutes les parties de la mer qui ne sont pas inclues dans la zone économique exclusive, dans la mer territoriale ou les eaux intérieures ou les eaux archipélagiques. Dans la zone économique exclusive, la liberté de navigation s'applique.104(*)

En principe, en matière de trafic de migrants, seul l'État de pavillon est compétent. L'État qui souhaite intervenir doit demander l'autorisation à l'État de pavillon105(*)

Seuls les navires de guerre de l'État de pavillon peuvent interférer avec le mouvement d'un navire. Le fondement est la règle de la territorialité qui donne à l'État de pavillon une compétence plénière et exclusive sur les navires qui battent son pavillon.L'arrêt de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus en 1927 a affirmé qu'« aucun État ne peut exercer des actes de juridiction quelconque sur des navires étrangers ».106(*)

Les bases juridiques de la loi de pavillon sont multiples et nombreuses. Il y a en effet la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer en son article 6 reprises par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 en ses articles 87, 92, et 92.1. L'État de pavillon exerce une souveraineté entière et exclusive sur les navires battant son pavillon et régit les domaines de la navigation, de la pêche et en matière de protection du milieu marin. Cette compétence exclusive de l'État de pavillon est consacrée par la CIJ dans l'arrêt Détroit de Corfou du 9 avril 1949.107(*)

En matière d'interdiction et de répression de la traite des esclaves, seul l'État de pavillon est compétent pour juger les coupables108(*)

Le trafic de migrants n'est pas envisagé par la convention de Montego Bay ; elle ne permet donc pas de droits de visite spécifiques.109(*)Il faut l'autorisation de l'État de pavillon.

Cependant, un titre de compétence peut être exercé par l'État côtier dans une circonstance particulière : la poursuite chaude. En effet, seul l'État côtier face à un navire intercepté suite à une poursuite chaude dispose d'une base juridique pour poursuivre le trafic. Le droit de poursuite chaude est un transfert en haute mer des compétences de police.

B. LA PROTECTION CONTRE LES AUTRES TYPES DE CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE

Le trafic de migrants n'est pas le seul type de criminalité transnationale dont peuvent être victimes les migrants irréguliers. Leur situation précaire les expose à la traite de personnes (1) et à l'esclavage (2) qui sont interdits par les instruments internationaux.

1. La protection contre la traite des personnes

La convention criminalisant la traite des personnes est le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants, adopté le 15 novembre 2000. Son article 3(a) définit la traite comme «le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes ».110(*)

La traite a un objet donc plus général par rapport au trafic de migrants. La traite a pour principal but l'exploitation de la personne concernée.

Des inquiétudes sont tout de même à signaler sur le traitement par les États des personnes qui sont dans une situation de trafic de migrants et celles qui sont dans une situation de traite de personnes. Dans le protocole sur le trafic de migrants, le terme victime n'apparait qu'une seule fois à l'article 15 (2) « Conformément à l'article 31 de la Convention, les États Parties coopèrent dans le domaine de l'information afin d'empêcher que les migrants potentiels ne deviennent victimes de groupes criminels organisés »111(*)

Tandis, que le protocole sur la traite des personnes accorde tout un titre II à la « Protection des victimes de la traite des personnes ». Cette différence de traitement entre les deux catégories de personnes montre que la priorité des États se concentre sur la violation de leurs lois migratoires et non sur la protection des migrants cibles de trafic.

2. La protection contre l'esclavage

De nombreux textes internationaux prohibent l'esclavage. Il s'agit en priorité de la Convention de 1926 relative à l'esclavageet la Convention de 1956 relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage.

L'article 8 du PIDCP prohibe également l'esclavage en ces termes : 

1. Nul ne sera tenu en esclavage; l'esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdits. 

2. Nul ne sera tenu en servitude.

Les droits de l'Homme ne sont pas cependant applicables sans discrimination aucune. Des exceptions sont prévues mais selon des critères stricts.

La criminalité transnationale organisée dans toutes ses formes est punie au niveau international. Mais il n'existe pas d'immunité totale pour les migrants dans le cadre du trafic illicite de migrants.

Section II. LA PROTECTION JUDICIAIRE

Comme nous venons de le voir ci-haut, le migrant en situation irrégulière comme tout autre être humain a des droits liés à sa personne que l'on doit respecter en tout temps. Néanmoins plusieurs États d'accueil des migrants et même certains États de transit à l'instar de la Libye ne cessent de bafouer les droits de ceux-ci en les soumettant à des traitements inhumains et dégradants sous prétexte de décourager le phénomène migratoire en Europe.

L'article 34 de la CEDH garantit le droit de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une requête individuelle en cas de violation des droits de l'homme.

Dans cette section nous allons voir par quels mécanismes un individu peut saisir la CourEDH (Paragraphe 1) et nous ferons ensuite une analyse jurisprudentielle d'un arrêt rendu par la CourEDH sur les traitements inhumains et dégradants à l'encontre des migrants (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. LA REQUÊTE AUPRÈS DE LA CEDH

Aux termes de l'article 34 de la CEDH qui dispose que :

La Cour peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles. Les Hautes Parties contractantes s'engagent à n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace de ce droit.112(*)

La Cour a décrit le droit de saisine par un individu comme l'une des « clés de voûte du mécanisme » de sauvegarde des droits de l'homme et considère qu'il est une garantie fondamentale de l'efficacité de la CEDH. Ce droit est néanmoins soumis à un ensemble de conditions. En vertu des articles 32, 34 et 35 de la CEDH, les requérants doivent être victimes d'une violation des droits reconnus dans cette convention et ne peuvent saisir la Cour qu'après avoir épuisé toutes les voies de recours internes et dans un certain délai. La CourEDH a produit une vaste jurisprudence sur les critères de recevabilité d'une requête individuelle auprès d'elle.

Dans ce paragraphe nous essaierons deux réponses à deux principales questions : Quelles sont les conditions préalables pour qu'un migrant puisse saisir la CourEDH ? (A) Est-ce qu'un migrant peut solliciter les mesures provisoires ? (B).

A. CONDITIONS PRÉALABLES POUR SAISIR LA CourEDH

Tous les requérants, y compris les migrants, sont soumis aux conditions définies par la CEDH et par la CourEDH en ce qui concerne la compétence de la Cour et la recevabilité de leur requête.

En vertu de l'article 32 de la CEDH, la Cour est compétente pour statuer sur « toutes les questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention et de ses protocoles ». De plus, s'il existe un doute à ce sujet, elle est compétente pour décider elle-même et régler le différend.

1. Le statut du requérant et la notion de victime

Pour qu'un individu puisse saisir la CourEDH, il doit être une victime d'une violation des droits garantis par la CEDH (a) ou soit l'individu peut être une victime potentielle (b).

a) Le requérant doit être une victime

En vertu de l'article 34 de la CEDH, toute personne qui saisit la Cour d'une requête doit être victime d'une violation des droits garantis par la Convention. Ce point soulève la question suivante : qui peut être considéré comme une victime au sens de l'article 34 ?

La Cour a établi que la notion de victime est un concept autonome, ce qui autorise une interprétation téléologique, en opposition à une interprétation littérale. La CourEDH n'est donc pas liée par les définitions et les dispositions réglementaires internes et devrait interpréter la notion de victime sans formalisme excessif, à la lumière des conditions de vie d'aujourd'hui et en tenant compte du fait que le statut de victime peut, dans certains cas, être lié au bien-fondé de la cause.113(*)

Il ressort de ce qui précède que l'interprétation souple de la notion de victime a permis à la CourEDH de développer sa jurisprudence de façon à reconnaître le statut requis pour les victimes directes et les victimes indirectes.114(*)

Les « victimes directes » désignent en toute logique les requérants directement concernés par l'acte ou l'omission qui a prétendument porté atteinte aux droits qui leur sont garantis par la Convention, dans la mesure où ils n'étaient pas, ne serait-ce qu'en partie, responsables de cette violation.115(*)

Les « victimes indirectes » désignent les personnes qui prétendent avoir un lien particulier et personnel avec la victime directe. La CourEDH a par exemple accepté une requête déposée par la femme d'une victime pour allégation de violation de l'article 2 de la CEDH, ainsi que celle de la mère d'une personne dont la disparition, en raison d'une garde à vue, avait prétendument porté atteinte à l'article 3 de la CEDH.116(*)

Par ailleurs, seule une personne vivante soit la victime elle-même, soit une personne agissant en son nom est autorisée à saisir la Cour d'une requête. La Cour a ainsi conclu que le grief d'une personne décédée était irrecevable bien que formulé par un représentant. Cela étant, si la victime décède après avoir présenté sa requête, la Cour peut accepter que des membres de la famille suffisamment impliqués poursuivent la procédure. Elle considère que, dans certains cas, la protection des droits de l'homme lui impose de poursuivre l'examen du grief au lieu de rayer l'affaire du rôle automatiquement, indépendamment du décès du premier requérant.117(*)

Enfin, le statut de victime doit être justifié pendant toute la durée de la procédure. Si, à un moment donné, les autorités nationales prennent des mesures pour reconnaître expressément la violation et la redresser, le requérant perd son statut.

A titre d'exemple dans l'affaire Burdov c. Russie, 7 mai 2002, paragraphe 30 : « La Cour rappelle qu'il appartient en premier lieu aux autorités nationales de redresser une violation alléguée de la Convention. A cet égard, la question de savoir si un requérant peut se prétendre victime du manquement allégué se pose à tous les stades de la procédure au regard de la Convention. »118(*)

b) Le requérant peut être une victime potentielle

La CourEDH a souligné que le critère d'incidence directe de la violation ne peut pas être appliqué de façon stricte et mécanique. Elle a donc défini la notion de « victime potentielle » et reconnu, au cas par cas, le statut requis de victime à des personnes qui n'étaient pas victimes d'une violation directe, mais seulement des victimes potentielles.119(*)

Le développement de cette notion revêt une importance particulière pour les migrants. Ainsi qu'il est expliqué ci-dessous, le droit à un recours effectif en cas d'éloignement doit avoir un effet suspensif, le but étant d'assurer une protection effective contre les risques auxquels le requérant pourrait être exposé dans le pays de destination, notamment contre les violations de l'article 3 de la CEDH. La CourEDH a ainsi conclu au caractère hypothétique de violations de la CEDH en cas d'éloignement du requérant, du fait qu'il pourrait être victime de torture et de mauvais traitements, d'un procès non équitable, d'une détention arbitraire ou d'une violation de son droit à la vie familiale par exemple.

2. Obligation d'épuiser les voies de recours internes

La règle concernant l'épuisement des voies de recours internes, qui est un principe du droit international coutumier, est inscrite dans la jurisprudence de la CIJ ainsi que dans de nombreux instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Dans la CEDH, cette règle est expressément prévue à l'article 35 § 1 : « [l]a Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus ».120(*)

Dans l'affaire A, B et C c. Irlande, la CourEDH a expliqué que « [ces voies de recours internes] doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l'effectivité et l'accessibilité voulues ; il incombe à l'Etat défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies. »121(*)

Cette obligation s'explique d'une part par le rôle subsidiaire joué par la CourEDH et d'autre part par la nécessité de donner aux juridictions internes la possibilité de prévenir ou de redresser la violation avant qu'une procédure soit engagée au niveau international. Elle est également liée au fait que les Etats sont tenus de fournir un recours effectif, conformément à l'article 13 de la CEDH. La CourEDH considère qu'il s'agit d'un principe fondamental et d'un aspect indispensable du système de protection de la CEDH.122(*)

A l'instar de la notion de victime, la règle de l'épuisement des voies de recours internes doit être appliquée sans formalisme excessif et interprétée avec souplesse, à la lumière des circonstances propres à chaque cause. Par exemple, la CourEDH a estimé qu'il serait excessif d'exiger d'un requérant qu'il utilise les voies de recours internes que même la plus haute juridiction de l'Etat concerné n'a pas jugé obligatoires. De plus, le fait d'imposer au requérant l'utilisation d'une voie de recours qui constitue un obstacle disproportionné et porte atteinte au droit de saisir la CourEDH d'une requête a aussi été considéré comme excessif.123(*)

En outre, pour que la règle s'applique, les voies de recours internes doivent être disponibles et accessibles en théorie comme en pratique.124(*)

3. Le délai de six mois

L'article 35 § 1 de la CEDH prévoit également un délai limite pour introduire une re- quête. Cet article établit que pour être recevable, la requête doit être déposée « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ».125(*) Sur ce sujet également, la CourEDH a développé une abondante jurisprudence en interprétant et en précisant cette obligation temporelle.

Cette règle trouve sa justification dans la promotion de la sécurité du droit et dans la nécessité de ne pas laisser l'incertitude s'installer pendant des périodes déraisonnable- ment longues. Ainsi, tandis qu'une période de six mois est jugée suffisante pour que le requérant puisse décider de la pertinence de saisir la CEDH et des arguments à présenter, ce délai permet également un examen juste des faits, que l'écoulement du temps rendrait plus difficile et moins sûr pour les autorités comme pour les autres personnes concernées.126(*)

La règle des six mois suppose qu'une juridiction interne ait rendu une décision définitive concernant les doléances du requérant au regard de l'objet de son grief. Le délai court à partir du moment où la décision passe en force de chose jugée. Par ailleurs, la CourEDH a établi que seules comptent les voies de recours normales et effectives afin d'éviter que le requérant ne soit tenté de contourner le délai limite en portant des griefs abusifs devant des organes inappropriés. De même, les pourvois en révision ou les recours extraordinaires ne sont pas pris en compte et ne permettent pas, en principe, de prolonger le délai de six mois, à moins qu'aucun autre recours n'ait été disponible.127(*)

La CourEDH a établi que le délai court à compter du jour suivant la date à laquelle la décision définitive a été rendue publique ou a été communiquée au requérant ou à son représentant.128(*)

Quant à la date d'introduction de la requête, l'article 47 § 5 du règlement de la Cour (entré en vigueur le 1er mai 2012) énonce que : « Aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention, la requête est en règle générale réputée introduite à la date de la première communication du requérant exposant - même sommairement - son objet, à condition qu'un formulaire de requête dûment rempli ait été soumis dans les délais fixés par la Cour. Si elle l'estime justifié, la Cour peut toutefois décider de retenir une autre date ».129(*)

4. La requête ne doit pas être essentiellement la même qu'une autre requête déjà soumise à la CREDH ou à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement

Cette règle, qui figure à l'article 35 § 2 de la CEDH, signifie qu'une requête qui est essentiellement identique à une autre et qui ne contient pas de faits ou d'éléments nouveaux sera déclarée irrecevable. La CourEDH a établi qu'une requête sera considérée comme essentiellement identique à une autre lorsque les faits, le grief et les parties concernées sont les mêmes. Pour entrer dans le champ d'application de l'article 35 § 2 de la CEDH, les autres procédures internationales doivent revêtir un caractère public, international, judiciaire et indépendant.130(*)

Ces règles ont pour objet d'éviter les affaires redondantes et la multiplication des procédures internationales portant sur une même affaire.131(*)

B. LES MESURES PROVISOIRES

L'article 39 § 1 du règlement de la CourEDH dispose que « la chambre ou, le cas échéant, son président peuvent, soit à la demande d'une partie ou de toute autre personne intéressée, soit d'office, indiquer aux parties toute mesure provisoire qu'ils estiment devoir être adoptée dans l'intérêt des parties ou du bon déroulement de la procédure ».132(*)

Aussi les Etats sont-ils tenus de prendre les mesures urgentes et provisoires indiquées par la Cour à la demande du requérant afin d'éviter la réalisation d'un « risque imminent de dommage irréparable » pendant l'examen de la cause.133(*)

En général, ces mesures provisoires concernent des situations relevant des articles 2 et 3 de la CEDH, qui mettent la vie du requérant en danger ou qui l'exposent à des mauvais traitements, notamment des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants. Beaucoup plus rarement, les mesures provisoires visent à protéger le droit au respect de la vie familiale, qui est garanti par l'article 8 de la CEDH. Les mesures de ce type présentent donc un intérêt tout particulier pour les migrants, s'agissant notamment du non-refoulement, car une grande majorité des mesures ordonnées par la CourEDH concerne la suspension de décisions d'éloignement ou d'extradition.

Les mesures provisoires sont demandées et présentées par écrit. Chaque demande est traitée en priorité et examinée individuellement, à moins qu'elle ne soit manifestement infondée ou qu'elle ne vise à ralentir la procédure. Les décisions prises par la CourEDH en matière de mesures provisoires ne sont pas susceptibles de recours. Cela étant, toute personne éloignée vers un autre Etat membre à la suite du rejet de sa demande de mesure provisoire peut introduire une nouvelle demande contre le pays de destination. En outre, les ordonnances prononcées en vertu de l'article 39 du règlement sont de durée variable et peuvent être levées à tout moment par la CourEDH.134(*)

De plus, la CourEDH a établi qu'au vu des questions en jeu et en présence d'un risque réel de dommage grave et irréversible, une mesure provisoire sollicitée pour empêcher l'exécution d'une décision d'extradition ou d'éloignement a force juridique contraignante sur l'Etat concerné. Par conséquent, les autorités qui ne prennent pas toutes les dispositions raisonnables pour se conformer à une mesure ordonnée par la CourEDH en vertu d'une procédure tirée de l'article 39 de son règlement commettent une violation de l'article 34 de la CEDH. Il incombe à la CourEDH de vérifier que les Etats appliquent les mesures provisoires.

Il convient de noter que le simple fait qu'une demande ait été déposée en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour ne suffit pas à engager la suspension d'une procédure d'extradition ou d'éloignement. L'exécution de la procédure ne sera suspendue que sur décision de la Cour.

A titre d'exemple, dans l'affaire Al-Moayad c. Allemagne, requête no 35865/03, décision, 20 février 2007, paragraphes 122 et suivants, la Cour précise qu'une demande de mesures provisoires ne suffit pas à suspendre l'exécution d'une décision d'extradition.135(*)

Paragraphe 2. ANALYSE DE L'AFFAIRE KHLAFIA ET AUTRES c. ITALIE

Dans l'arrêt commenté, la Cour européenne des droits de l'homme condamne l'Italie pour avoir détenu irrégulièrement des migrants tunisiens à Lampedusa, dans des conditions inhumaines et dégradantes, avant d'avoir organisé illégalement leur expulsion collective.

Nous allons présenter les faits et les prétentions des parties ainsi que l'appréciation de la cour (A) ensuite nous présenterons notre réflexion personnelle sur cette affaire (B).

A. PRÉSENTATION DES FAITS ET LES ARGUMENTS DES PARTIES

Comme nous l'avions déjà évoqué dans la partie introductive de ce présent paragraphe, dans ce premier point, pour la bonne compréhension de l'affaire, nous allons présenter comment les faits s'étaient déroulés (1) et les arguments qu'avaient avancé les parties au cours du procès (2).

1. Les faits

Les requérants sont nés respectivement en 1983, 1987 et 1988. M. Khlaifia (le « premier requérant ») réside à Om Laarass (Tunisie) ; MM. Tabal et Sfar (les « deuxième et troisième requérants ») résident à El Mahdia (Tunisie).136(*)

Les 16 et 17 septembre 2011 - respectivement pour le premier et pour les deuxième et troisième d'entre eux -, les requérants quittèrent avec d'autres personnes la Tunisie à bord d'embarcations de fortune dans le but de rejoindre les côtes italiennes. Après plusieurs heures de navigation, les embarcations furent interceptées par les garde-côtes italiens, qui les escortèrent jusqu'au port de l'île de Lampedusa. Les requérants arrivèrent sur l'île les 17 et 18 septembre 2011 respectivement.137(*) Ils furent transférés au Centre d'accueil initial et d'hébergement (Centro di Soccorso e Prima Accoglienza - ci-après, le « CSPA ») sis à Contrada Imbriacola où, après leur avoir prodigué les premiers secours, les autorités procédèrent à leur identification.

Ils furent ensuite installés dans un secteur du centre réservé aux Tunisiens adultes. Les requérants affirment avoir été accueillis dans des espaces surpeuplés et sales et avoir été obligés à dormir à même le sol en raison de la pénurie de lits disponibles et de la mauvaise qualité des matelas. Les repas étaient consommés à l'extérieur, assis par terre. Le centre était surveillé en permanence par les forces de l'ordre, si bien que tout contact avec l'extérieur était impossible.138(*)

Les requérants restèrent dans le centre d'accueil jusqu'au 20 septembre, où une violente révolte éclata parmi les migrants. Les lieux furent ravagés par un incendie, et les requérants furent transportés au parc des sports de Lampedusa pour y passer la nuit. À l'aube du 21 septembre, ils parvinrent avec d'autres migrants à tromper la surveillance des forces de l'ordre et à rejoindre le village de Lampedusa. De là, ils entamèrent, avec 1 800 autres migrants environ, des manifestations de protestation dans les rues de l'île. Interpellés par la police, les requérants furent reconduits d'abord dans le centre d'accueil puis à l'aéroport de Lampedusa.139(*)

Le matin du 22 septembre 2011, les requérants furent embarqués dans des avions à destination de Palerme. Une fois débarqués, ils furent transférés à bord de navires amarrés dans le port de la ville. Le premier requérant monta sur le « Vincent », avec 190 personnes environ, tandis que le deuxième et le troisième requérants furent conduits à bord du navire « Audace », avec 150 personnes environ.140(*)

Selon la version des requérants, sur chaque navire l'ensemble des migrants fut regroupé dans les salons-restaurants, l'accès aux cabines étant interdit. Les requérants affirment avoir dormi par terre et attendu plusieurs heures pour pouvoir utiliser les toilettes. Ils pouvaient sortir sur les balcons des navires deux fois par jour pendant quelques minutes seulement. Les requérants affirment avoir été insultés et maltraités par les policiers qui les surveillaient en permanence et n'avoir reçu aucune information de la part des autorités141(*).Ils restèrent à bord des navires jusqu'aux 27 et 29 septembre respectivement, dates auxquelles ils furent transportés à l'aéroport de Palerme dans le but d'être rapatriés.142(*) Une fois Arrivés à l'aéroport de Tunis, les requérants furent libérés.143(*)

Préalablement à leur expulsion, ils avaient rencontré le consul tunisien qui se contenta d'enregistrer leurs données d'état civil, conformément aux accords italo-tunisiens conclus en avril 2011.

A l'appui de leur requête, les requérants invoquent la violation, par l'Italie :

· de l'article 3 de la C.E.D.H, se plaignant de leurs conditions de détention dans le CSPA et sur les navires ;

· de l'article 5, §1 de la C.E.D.H., garantissant le droit à la liberté et à la sûreté) ;

· de l'article 5, §2 de la C.E.D.H., relatif au droit de connaître les raisons de sa privation de liberté dans le plus court délai ;

· de l'article 13 C.E.D.H., lu en combinaison avec les articles précités, en affirmant n'avoir disposé d'aucun recours interne effectif pour dénoncer la violation de leurs droits ;

· de l'article 4 du Protocole n°4, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, estimant avoir fait l'objet d'une expulsion collective, ce qui est interdit par cette disposition.144(*)

La Cour répond un à un aux arguments développés par les requérants.

2. La réaction de la cours à l'égard des arguments des parties

a) Sur la violation alléguée de l'article 5, §1 de la C.E.D.H.

Les requérants affirment avoir été détenus irrégulièrement. Le gouvernement italien conteste la recevabilité de cette prétention, arguant que les requérant n'avaient été ni arrêtés, ni détenus, mais simplement « secourus » en mer et conduits à Lampedusa pour « les assister et pour leur sûreté physique ».Ils soutiennent aussi, quant à eux, que même si les CSPA sont, d'après la loi italienne, des « structures d'accueil » et non des lieux de détention, il faut estimer, in concreto, qu'ils ont été privés de leur liberté au sein du CSPA ainsi que sur les navires amarrés à Palerme, dans la mesure où il leur était interdit de s'éloigner de ces structures, et qu'ils étaient constamment surveillés par les forces de police.145(*)

La Cour donne raison aux requérants, estimant que les conditions auxquelles les requérants étaient soumis s'apparentaient à une détention et à une privation de liberté, se basant à la fois sur le fait que le gouvernement italien n'avait pas contesté l'affirmation des requérants selon laquelle ils ne pouvaient s'éloigner des structures et étaient constamment surveillés, sur un rapport de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) et sur le rapport de la commission extraordinaire du Sénat italien qui faisait était d'une « rétention prolongée » dans les centres d'accueil de Lampedusa. La Cour estime donc que l'article 5, §1 de la C.E.D.H. est bien applicable, ratione materiae, au cas d'espèce.146(*)

Quant au fond, la Cour rappelle que l'une des exceptions au droit à la liberté, énoncée à l'alinéa f) de l'article 5, §1, permet aux Etats de restreindre cette liberté dans le cadre du contrôle de l'immigration.147(*)

La Cour rappelle également le fait que le seul fait qu'une procédure d'expulsion ou d'extradition soit en cours ne peut suffire à justifier une privation de liberté au sens de l'article 5, §1, f) de la Convention.

Elle insiste en outre sur le fait que la privation de liberté doit être régulière, et qu'elle doit avoir une base légale en droit interne (c'est la « prééminence du droit »), que la loi soit prévisible et respecte le principe de sécurité juridique et que, dès lors, les conditions de la privation de liberté soient clairement définies.148(*) Elle rappelle enfin, au §65, que « la privation de liberté est une mesure si grave qu'elle ne se justifie que lorsque d'autres mesures, moins sévères, ont été considérées et jugées insuffisantes pour sauvegarder l'intérêt personnel ou public exigeant la détention. Il ne suffit pas que la privation de liberté soit conforme au droit national, encore faut-il qu'elle soit nécessaire dans les circonstances de l'espèce ».149(*)

Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour constate que la loi italienne ne prévoit pas expressément la rétention de migrants qui sont placés dans un CSPA, certainement lorsque, comme en l'espèce, aucune décision formelle de placement en rétention n'a été adoptée à leur encontre. En outre, la Cour relève que la commission extraordinaire du Sénat italien avait constaté des situations de rétention prolongée sans aucune mesure juridique ou administrative. La Cour en conclut donc que la privation de liberté litigieuse était dépourvue de base légale en droit italien.Pour la Cour, l'existence d'un accord bilatéral entre l'Italie et la Tunisie en vue de la facilitation du rapatriement des ressortissants tunisiens dans leur pays d'origine ne peut donner à la détention des requérants la base légale qui lui fait défaut, dans la mesure où le contenu de cet accord n'avait pas été rendu public.150(*)

Concluant à l'absence de base légale de la détention, la Cour se dispense logiquement d'en examiner la proportionnalité.151(*)

b) Sur la violation alléguée de l'article 5, §2 de la C.E.D.H.

La Cour rappelle que cet article énonce une garantie élémentaire pour toute personne arrêtée : elle a le droit de savoir pourquoi.Elle constate, en l'espèce, que l'Etat italien s'est contenté de donner aux requérants de simples informations quant au statut juridique d'un migrant, qu'il ne leur a donné aucun document officiel indiquant les motifs de faits et de droits justifiant la détention (les décrets de refoulement ne constituant pas un palliatif acceptable à une décision de détention en bonne et due forme). La Cour conclut que l'information fournie aux requérants était incomplète et qu'elle ne leur a pas été donnée « dans le plus court délai ». Elle conclut donc à la violation de l'article 5, §2 de la C.E.D.H.152(*)

c) Sur la violation alléguée de l'article 5, §4 de la C.E.D.H.

Si les requérants reconnaissent qu'ils ont pu introduire un recours contre les décrets de refoulement, ils affirment, par contre, ne pas avoir eu la possibilité de contester la légalité de leur rétention, aucune décision de privation de liberté ne leur ayant été notifiée et, dès lors, aucun recours juridictionnel ne pouvant être introduit.La Cour rappelle que l'article 5, §4 de la C.E.D.H. reconnaît aux personnes détenues le

droit d'introduire un recours pour faire contrôler le respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « légalité », au sens de la Convention, de leur privation de liberté, (...) sous l'angle non seulement du droit interne, mais aussi de la Convention, des principes généraux qu'elle consacre, et du but des restrictions qu'autorise l'article 5, §1.153(*)

Elle rappelle incidemment que ce contrôle doit avoir lieu avant que les intéressés soient renvoyés dans leur pays d'origine.154(*)

En l'espèce, la Cour considère que, vu le fait que les requérants n'avaient même pas été informés des raisons de leur privation de liberté, leur droit à faire contrôler la légalité de leur détention était « entièrement vidé de sa substance » . Elle conclut donc à la violation de l'article 5, §4 de la C.E.D.H.155(*)

d) Sur la violation alléguée de l'article 3 de la C.E.D.H.

Répondant à la prétention des requérants, selon laquelle l'Italie avait violé l'article 3 C.E.D.H. au vu des conditions d'accueil déplorable dans le CSPA et sur les navires, la Cour commence par rappeler les principes gouvernant sa jurisprudence relative à l'article 3 C.E.D.H. et à l'exigence du « seuil minimum de gravité ».156(*) Elle explique que, si les mesures privatives de liberté à elles seules, s'accompagnant « inévitablement de souffrance et d'humiliation »157(*), n'emportent pas à elles seules violation de l'article 3 C.E.D.H., les Etats doivent s'assurer que les personnes détenues le soient dans des conditions respectueuses de la dignité humaine. Elle rappelle également que, si les Etats ont le « droit indéniable de contrôler (...) l'entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire »158(*), ils doivent avoir égard au respect de l'article 3 de la C.E.D.H.  La Cour rappelle que la surpopulation dans un centre de détention ou une prison peut, si elle atteint un certain niveau, suffire à emporter violation de l'article 3 C.E.D.H.

Elle rappelle également que « d'autres aspects des conditions de détention étaient à prendre en compte dans l'examen du respect de cette disposition ».159(*)

Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour commence par rappeler qu'elle est bien consciente que, en 2011, l'île de Lampedusa a dû faire face à une « situation exceptionnelle »160(*) et affirme qu'elle ne « sous-estime » pas les problèmes rencontrés par les Etats lors de « vagues d'immigration exceptionnelles ». Cependant, la Cour rappelle avec force que « ces facteurs ne peuvent (...) pas exonérer l'Etat défendeur de son obligation de garantir que toute personne qui, comme les requérants, vient à être privée de sa liberté puisse jouir de conditions compatibles avec le respect de sa dignité humaine ».161(*)

Pour savoir si les requérants ont été victimes d'une violation de l'article 3 C.E.D.H., la Cour examine séparément les conditions d'accueil dans le CSPA et celles à bord des navires amarrés à Palerme.

Concernant les conditions d'accueil dans le CSPA, la Cour note que les requérants se plaignent de problèmes graves de surpeuplement, d'hygiène, et de manque de contact avec l'extérieur. La Cour constate que leurs déclarations « sont corroborées par les rapports de la commission extraordinaire du Sénat et d'Amnesty International ».162(*) Dès lors, la Cour « n'a pas de raison de douter de la véridicité de ces constats, opérés par une institution de l'Etat défendeur lui-même. Elle rappelle également avoir souvent attaché de l'importance aux informations contenues dans les rapports récents provenant d'associations internationales indépendantes de défense des droits de l'homme telles qu'Amnesty International ».163(*) La Cour se réfère encore au rapport de l'APCE ainsi qu'à « l'inquiétude » exprimée par Médecins sans frontières et par la Croix Rouges quant aux conditions sanitaires dans les centres d'accueil.164(*)Enfin, même si les requérants n'ont pas séjourné plus que quelques jours dans le CSPA, la Cour « ne perd (...) pas de vue que les requérants, qui venaient d'affronter un voyage dangereux en mer, se trouvaient dans une situation de vulnérabilité ».165(*)

Elle conclut à une violation de l'article 3 de la C.E.D.H. à cause des conditions d'accueil des requérants dans le CSPA.

Concernant les conditions d'accueil à bord des navires amarrés à Palerme, par contre, la Cour affirme que la situation dans laquelle se trouvaient les requérants ne rencontrait pas le seuil de gravité suffisant que pour emporter violation de l'article 3 de la C.E.D.H. La Cour constate en effet que les requérants avaient accès à de la nourriture adéquate, qu'ils dormaient dans des cabines dotées de linge ou sur des sièges convertibles, qu'ils étaient assistés par du personnel sanitaire, etc. ...

e) Sur la violation alléguée de l'article 4 du Protocole n°4 à la Convention

Les requérants affirment avoir été expulsés de manière collective, sur la seule base de leur origine, sans aucune considération de leurs situations individuelles, et sans aucun examen de leur situation personnelle. Ils invoquent le fait que les décrets de refoulement étaient totalement standardisées, que les procédures d'éloignement mises en route étaient sommaires et avaient comme unique but celui d'identifier leur nationalité. S'appuyant sur les critères dégagés par la Cour pour déterminer quelles circonstances peuvent être qualifiées d'expulsion collective, notamment dans ses arrêts Hirsi Jamaa et autres c. Italie et Conka c. Belgique, les requérants mettent en avant le grand nombre de Tunisiens ayant connu le même sort qu'eux, le libellé identique et standardisé des décrets de refoulement, l'annonce ministérielle de telles mesures de refoulement, la difficulté d'accès à un avocat.166(*)

La Cour observe en l'espèce que les requérants ont fait l'objet de décrets de refoulement individuels, rédigés dans des termes identiques (à part leur identité respective). La Cour rappelle que « le fait que plusieurs étrangers fassent l'objet de décisions semblables ne permet pas en soi de conclure à l'existence d'une expulsion collective lorsque chaque intéressé a pu individuellement exposer devant les autorités compétentes les arguments qui s'opposaient à son expulsion ».167(*) Pour autant, constatant l'absence de référence à la situation personnelle des requérants, l'absence de document prouvant qu'un entretien individuel avait été réalisé, le grand nombre de Tunisiens dans le même cas, l'existence d'un accord bilatéral entre l'Italie et la Tunisie simplifiant les procédures pour rapatrier les Tunisiens, etc. ..., la Cour conclut que l'éloignement des requérants a revêtu un caractère collectif contraire à l'article 4 du Protocole n°4 à la C.E.D.H.

f) Sur la violation alléguée de l'article 13 de la Convention, combiné avec les articles 3 et 5 de la Convention et avec l'article 4 du Protocole n°4

La Cour constate que les requérants n'ont eu la possibilité que de contester les décrets de refoulement devant le juge de paix italien. Ces recours ne servent qu'à contester la légalité de leur rapatriement vers la Tunisie, et ne permettaient pas aux requérants de contester les conditions d'accueil dans le CSPA ou à bord des navires amarrés à Palerme. La Cour conclut donc à une violation de l'article 13 combiné avec l'article 3 de la Convention. Elle conclut également à la violation de l'article 13 de la C.E.D.H. combiné avec l'article 4 du Protocole n°4 en ce que les requérants n'ont pu utilement contester leur expulsion sous l'angle de son caractère collectif, vu que les décrets de refoulement indiquaient clairement que le recours devant le juge de paix ne présentait aucun caractère suspensif168(*)

B. RÉFLEXION PERSONNELLE

L'arrêt commenté présente un grand intérêt dans le sens où c'est la première affaire à ne las respecter le principe d'épuisement des voies de recours internes avant la saisine de la Cour étant donné que les requérants avaient été expulsés et renvoyés dans leur pays d'origine avant même d'être entendu par le juge italien.

A ce jour, la Cour européenne des droits de l'homme n'a conclu à la violation de l'article 4 du Protocole n°4 que dans cinq affaires169(*): Conka c. Belgique du 5 février 2002, Hirsi Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012, Géorgie c. Russie du 3 juillet 2014, Sharifi et autres c. Italie et Grèce du 21 octobre 2014, et Khlaifia et autres c. Italie qui est l'affaire sous examen.

Il est intéressant de constater que, dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l'homme admet une conception relativement large de la notion d'expulsion collective, qu'elle étend ici à des cas où des ressortissants d'Etats tiers avaient bien reçu des décrets de refoulement individuels, mais rédigés dans des termes identiques, sans motivation individuelle, et sans référence à la situation personnelle des intéressés. La Cour a noté que même si en l'espèce les requérants avaient fait l'objet d'une procédure d'identification, contrairement aux migrants dans l'affaire Hirsi Jamaa et autres, une telle procédure ne suffisait pas à exclure l'existence d'une expulsion collective.

Il faut noter que la violation de l'article 4 du Protocole n°4 à la C.E.D.H. a été votée par cinq voix contre deux. Dans leur opinion partiellement dissidente, les juges Sajo et Vucinic considèrent que, dans l'arrêt commenté, la Cour européenne des droits de l'homme s'écarte de sa jurisprudence classique relative aux expulsions collectives. Insistant sur le fait qu'il est extrêmement rare pour la Cour de prononcer une violation de l'article 4 du Protocole n°4, ils regrettent que la Cour étende le concept d'expulsion collective au-delà de sa signification classique, et volontairement restreinte, du droit international. Ils expliquent que, avant l'arrêt commenté, la Cour avait identifié deux cas précis où il pouvait être question d'expulsion collective : soit, comme dans les arrêts Conka c. Belgique et Géorgie c. Russie, les individus faisant l'objet de l'expulsion avaient été identifiés sur base de leur appartenance à un groupe déterminé ; soit, comme dans les arrêts Hirsi et Sharifi, un groupe de personnes avait fait l'objet d'une mesure d'expulsion sans aucune considération personnelle pour les individus faisant partie du groupe. Les juges Sajo et Vucinci rappellent a contrario que, dans l'arrêt M.A. c. Chypre, la Cour n'avait pas conclu à la violation de l'article 4 du Protocole n°4, dans la mesure où les ressortissants faisaient l'objet de la mesure d'expulsion avaient reçu des ordres d'expulsion identiques.170(*)

Au travers des cinq affaires dans lesquelles la violation de l'article 4 du Protocole n°4 a été prononcée, l'on peut retrouver le fil rouge de la jurisprudence de la Cour en la matière. Pour qu'il s'agisse d'une expulsion collective prohibée par l'article 4 du Protocole n°4, plusieurs indices/critères doivent être mobilisés : instructions données par l'administration ; automaticité des refoulements (cf. Sharifi) ; décisions d'expulsion stéréotypées, rédigées en termes identiques, sans référence à la situation personnelle des intéressés ; etc. ...

Le rappel de l'interdiction des expulsions collectives par la Cour européenne des droits de l'homme et l'extension de la notion à des circonstances semblables à l'espèce commentée interviennent à point nommé, à l'heure où certains responsables politiques importants n'hésitent plus à tenter de réhabiliter les politiques de « push-back »

Dans l'espèce commentée, la Cour européenne des droits de l'homme affirme que les conditions d'accueil dans le CSPA constituent un traitement inhumain et dégradant. Certes, il s'agit ici d'une situation particulière : la Cour a affirmé que, contrairement à ce que tentait de démontrer le gouvernement italien, les requérants se trouvaient dans une situation détention ; en outre, le CSPA est situé à Lampedusa, l'un des points d'entrée principaux des migrants en Italie et, dès lors, lieu de haute pression migratoire.

Cependant, la Cour transcende le cas d'espèce qui lui était soumis en affirmant clairement des balises devant entourer le contrôle, tant le sien que celui des juges nationaux, des violations alléguées de l'article 3 de la C.E.D.H. en ce qui concerne les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, singulièrement en Italie. Si elle rappelle que les mauvais traitements doivent atteindre un seuil minimum de gravité pour tomber sous le coup de l'article 3 de la C.E.D.H., elle affirme également que la surpopulation (en l'espèce, dans un centre d'accueil) peut constituer l'élément central à prendre en compte dans l'analyse de la violation alléguée de l'article 3 de la C.E.D.H.

La Cour affirme qu'elle est consciente de la « situation exceptionnelle » à laquelle est confrontée l'Italie, et singulièrement l'île de Lampedusa. Le nombre très élevé de ressortissants de pays tiers débarquant sur certaines îles italiennes a provoqué un état d'urgence difficile à gérer. Mais, si la Cour « ne sous-estime pas » ces problèmes, elle affirme clairement qu'ils ne peuvent servir de justification à des défaillances en termes d'accueil qui conduiraient au non-respect de la dignité humaine des personnes.171(*)

L'arrêt est également intéressant dans l'analyse qu'il fait de la situation vécue par les requérants en Italie. La Cour utilise les rapports internationaux corroborant les déclarations des requérants pour considérer que les conditions qu'ils décrivent sont conformes à la réalité. Il s'agit d'un raisonnement intéressant pour le praticien, qui est souvent confronté aux arguments classiques de l'Office des étrangers, selon lesquels la seule invocation de rapports internationaux ne peut suffire à établir une violation de cet article. En l'espèce, la Cour conclut sans détour à une violation de l'article 3 de la C.E.D.H. en ce qui concerne les conditions d'accueil au CSPA, se basant à la fois sur les déclarations des requérants et sur les rapports internationaux corroborant ces dernières. Elle profite également de l'espèce commentée pour rappeler que, certes, s'il existe des profils particulièrement vulnérables dont il faut évidemment tenir compte, il existe également une vulnérabilité inhérente au fait d'être demandeur d'asile172(*) dont il faut tenir compte dans l'analyse du risque allégué de violation de l'article 3 de la C.E.D.H.

Le raisonnement tenu par la Cour dans son arrêt peut être transposé aux nombreux cas de transfert vers l'Italie, depuis la Belgique, en application du Règlement Dublin III. Malgré la situation difficile en Italie, l'Etat belge continue de prendre des décisions de transfert de demandeurs d'asile vers l'Italie en application de ce règlement. Dans de nombreux arrêts, le Conseil du contentieux des étrangers a suspendu et annulé des décisions de transfert Dublin vers l'Italie. Selon la jurisprudence du C.C.E., qui fait le lien entre les jurisprudences Tarakhel c. Suisse et AME c. Pays-Bas de la Cour européenne des droits de l'homme, si tout renvoi Dublin vers l'Italie ne constitue pas un traitement inhumain et dégradant contraire à l'article 3 de la C.E.D.H. (sauf, conformément à Tarakhel, en cas de particulière vulnérabilité et sans garanties individuelles d'accueil), la situation délicate et évolutive en Italie suppose un examen rigoureux de la situation de l'accueil à l'arrivée en Italie et une grande prudence des autorités.

À défaut, le transfert doit être suspendu, ou même annulé. Dans sa jurisprudence, le C.C.E. utilise les rapports internationaux à sa disposition pour établir un défaut de motivation formelle des décisions prises par l'Office des étrangers et critiquer la lecture parcellaire faite par les autorités de ces différents rapports. Le C.C.E. suspend ou annule les décisions de transfert Dublin vers l'Italie pour défaut de motivation formelle, mais sans réellement se prononcer sur l'existence d'un risque de violation de l'article 3 de la C.E.D.H. en cas de renvoi vers l'Italie. La Cour européenne des droits de l'homme, dans l'espèce commentée, montre une autre voie au juge national : il est possible d'utiliser les informations figurant dans des rapports internationaux pour conclure à une violation de l'article 3 de la C.E.D.H., et pas uniquement à un défaut de motivation formelle. Si la jurisprudence du C.C.E. allait davantage dans ce sens, des balises plus claires seraient posées à l'action de l'Office des étrangers dans le cas des renvois Dublin vers l'Italie.

Cependant bien que la cour avait donné une décision en faveur des requérants en condamnant l'Italie pour avoir détenu irrégulièrement des migrants tunisiens à Lampedusa, dans des conditions inhumaines et dégradantes, avant d'avoir organisé illégalement leur expulsion collective, le problème se pose sur le sort des requérants quant au manque des mesures provisoires dans cette affaire, on se demande si après l'exécution de la décision de la Cour, si les requérants vont-ils rester en Tunisie ou leur vie est menacée ou ils seront accueillis en Italie. Cela nous montre donc la faiblesse de cet arrêt dans le sens où il ne semble pas avoir réellement résolu le problème sous examen.

Certains auteurs pensent que dans l'espèce la qualification de l'expulsion collective pourrait être interprétée du traitement extraterritorial des demandes d'asile ce qui n'est pas une violation du principe de non refoulement.173(*) Selon eux, les Etats ne sont pas obligés de traiter les demandes d'asile que sur le territoire des pays d'accueil des migrants, s'il y a impossibilité ils peuvent le faire ailleurs ou soit dans le pays d'origine des migrants d'où la théorie du traitement extraterritorial des demandes d'asile.174(*) En application de cette théorie, le 14 avril 2022 le Royaume-Uni avait signé un accord avec le Rwanda pour envoyer au Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement dans sur son territoire.175(*)

CONCLUSION

Cette étude avait pour but d'apporter une contribution à la résolution des problèmes liés à l'application du principe de non-refoulement face au défi de l'immigration clandestine dans le bassin méditerranéen, pour y arriver, nous avons fait recours à la méthode exégétique, historique et comparative ainsi que la technique documentaire.

Nous avons compris que l'immigration clandestine n'est pas un phénomène nouveau, elle est aussi vielle que l'humanité. Cependant depuis quelques années des milliers d'africains ne cessent de prendre des embarcations de fortune pour traverser la Méditerranée à la recherche d'une vie meilleure en Europe.

Actuellement, suite à la recrudescence du nombre des migrants clandestins en Europe qui ne cesse de se multiplier et à la crainte du terrorisme, d'un mixage de culture et d'une éventuelle surpopulation du vieux continent, plusieurs pays européens à l'instar de l'Italie et de l'Espagne ont durci leurs politiques migratoires qui tendent vers une quasi-fermeture de ses frontières aux migrants venues par voie maritime.

En analysant la législation européenne sur la matière et sommes aboutis au résultat selon lequel les migrants clandestins bien qu'ils soient en situation irrégulière, bénéficient de la même protection liée au statut de la Convention de Genève de 1951 garantie en son article 33.

Malheureusement certains pays européens au nom de la souveraineté étatique et de la sécurité nationale signent des accords bilatéraux avec des pays africains dans le but de bloquer les migrants sur les côtes méditerranéennes en Afrique pour qu'ils ne rejoignent pas l'Europe ce qui est une violation du principe de la liberté de circulation.

Le premier chapitre de notre travail a porté sur l'immigration clandestine et l'application du principe de non-refoulement, ici il était question de présenter les considérations théoriques sur l'immigration clandestine et ses causes et étudier les mécanismes d'application du principe de non-refoulement au regard de l'immigration illégale.

Le second chapitre quant à lui a traité des mécanismes de protection des droits des migrants. Il a été question de voir comment les migrants sont protégés à travers le droit de l'homme et d'étudier les mécanismes de protection judicaire des migrants.

A l'issue de nos analyses, nous avons trouvé qu'aux termes de la directive 2011/95/UE du parlement européen et du conseil, les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d'asile et tous les autres ressortissants d'un pays tiers bénéficieraient de la protection liée au principe de non-refoulement consacré par la convention de 1951.Mais en pratique certains Etats de l'union continuent à procéder au refoulement en masse des migrants qui se retrouvent en situation irrégulière dans leurs territoires.

Nous sommes aboutis aux résultats selon lesquels les migrants en situation irrégulière dans le bassin méditerranéen qui auraient subit des graves violations des droits de l'homme ont la possibilité de traduire en justice les États responsables de ces affres, en saisissant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) autant qu'ils sont en Europe ou en Afrique.La Cour Européenne, saisie par les victimes ou les ONG qui les représentent a déjà rendu plusieurs décisions qui condamnent les Etats pour avoir violé les droits des migrants.

Notre recherche s'est limitée à l'analyse du principe de non refoulement face au défi de l'immigration clandestine dans le bassin méditerranéen et des mécanismes de protection juridique et judiciaire des migrants.En termes de suggestions, nous recommandons aux Etats Européens de : 

· Reconnaître d'emblée qu'il existe un nombre important de personnes qui ont un urgent besoin de protection. Cela implique d'admettre que les migrations de fuite sont causées par des situations de conflits et de guerres et par l'existence de régimes politiques oppressifs où les droits humains sont bafoués. En bout de ligne, c'est reconnaître la légitimité des demandes d'asile.

· Éviter les discours alarmistes qui véhiculent de fausses impressions. Les discours politiques devraient se fonder davantage sur les analyses et conclusions scientifiques. En particulier, les notions d'invasion et de menace ne devraient pas avoir leur place dans le discours publique.

· Reconnaître les effets positifs de l'immigration, y compris l'immigration des réfugiés puisque les études démontrent que les réfugiés admis dans les pays ne constituent pas un fardeau économique pour la société.

· Redonner à la convention de Genève tout son poids en matière de droit d'asile. Le principe de non-refoulement est particulièrement important et les mesures comme l'interception, visant à empêcher les migrants de s'approcher des frontières, doivent être reconnues pour ce qu'elles sont, à savoir des accrocs à la Convention.

· Permettre aux réfugiés de s'intégrer sur le marché de travail. Les camps ou abris temporaires sont inutilement coûteux, stigmatisent les migrants et les empêchent de s'occuper d'eux-mêmes.

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5. ARTICLES ET RAPPORTS

ANTOINEA., L'accord entre le Rwanda et le Royaume-Uni est-il compatible avec le droit international ?, in Cairn Info, 2020, pp. Y-X.

BOELESP., « Non-refoulement: Is part of the EU's Qualification Directive Invalid? », In European Law Analysis, 2017. pp. Y-X.

BROLANC., « An Analysis of the Human Smuggling Trade and the Protocol Against the Smuggling of Migrants by Land, Air and Sea (2000) from a Refugee Protection Perspective », International Journal of Refugee Law, 2002. pp. Y-X.

DUBUISE., le cimetière marin, in Le Temps, Paris, 2018, disponible sur : https://www.letemps.ch/grand-format/cimetiere-marin-mediterraneepp. Y-X.

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KERDOUNA., l'immigration irrégulière dans l'espace euro-mediteranéen et la protection de droit fondamentaux, In Revue québécoise de droit international, Québec, 2019, disponible sur : https://www.erudit.org/fr/revues/rqdi/2018-v31-n1-rqdi04909/1065028ar/ pp. Y-X.

KITMUND., le Maroc gère le flux des indésirables, in Prin Droit, Paris, 2011, disponible sur : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2011-1-page-28.htm

MESSINEOF., « Non-refoulement Obligations in Public International Law: Towards a New Protection Status » In SatvinderJuss (ed), Research Companion to Migration Theory and Policy, Ashgate, 2013. pp. Y-X.

MINKJ., « EU Asylum Law and Human Rights Protection: Revisiting the Principle of Non-Refoulement and the Prohibition of Torture and Other Forms of I|I-Treatment», In European Journal of Migration and Law, 2012. pp. Y-X.

NERIK., Le droit international face aux nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer, in Revue Québécoise de droit international, volume 26-1,2013. pp. Y-X.

OBOKATAT., « The Legal Framework Concerning the Smuggling of Migrants at Sea under the UN Protocol on the Smuggling of Migrants by Land, Sea and Air » dans Bernard Ryan et ValsamisMitsilegas, Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff Publishers, 2010. pp. Y-X.

O'BRIENK., « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », In the Australian National University Paper, 2015. pp. Y-X.

OIM, État de la migration dans le monde 2022, Disponible sur : https://worldmigrationreport.iom.int/wmr-2022-interactive/?lang=FR pp. Y-X.

ONUDC, Cadre d'action international pour l'application du Protocole relatif au trafic illicite de migrants, 2013. pp. Y-X.

PISONG., Immigration un débat biaisé in Population et société, Paris, 2010, disponible sur : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19140/472.fr.pdf, consulté le 24 septembre 2022 pp. Y-X.

RODENS., « Turning their Back on the Law ? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », In the Australian National University Paper, 2013. pp. Y-X.

TABLE DES MATIERES

DECLARATION i

RÉSUMÉ ii

ABSTRACT ii

ÉPIGRAPHE iii

DÉDICACE iii

IN MEMORIAM v

REMERCIEMENTS vi

PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS vii

INTRODUCTION 1

I. ETAT DE LA QUESTION 1

II. PROBLEMATIQUE 4

III. HYPOTHESES DU TRAVAIL 5

IV. CHOIX ET INTERET DU SUJET 6

V. METHODES ET TECHNIQUE UTILISEES 7

VI. DELIMITATION DU SUJET 8

VII. ANNONCE DU PLAN 9

Chapitre 1. L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT 10

Section I. LES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET LES CAUSES DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 10

Paragraphe 1. LES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET CONCEPTUELLES 10

Paragraphe 2. LES CAUSES DES MIGRATIONS 15

Section II. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT AU REGARD DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 17

Paragraphe 1. LE CONTENU DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT 17

Paragraphe 2. APPLICATION DU PRINCIPE DE NON REFOULEMENT AU REGARD DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE 21

Chapitre 2. LES MECANISMES DE LA PROTECTION DES MIGRANTS CLANDESTINS 29

Section 1. LA PROTECTION JURIDIQUE 29

Paragraphe 1. PROTECTION À TRAVERS LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L'HOMME 29

Paragraphe 2. LA PROTECTION A TRAVERS LE DROIT PENAL INTERNATIONAL 34

Section II. LA PROTECTION JUDICIAIRE 40

Paragraphe 1. LA REQUÊTE AUPRÈS DE LA CEDH 40

Paragraphe 2. ANALYSE DE L'AFFAIRE KHLAFIA ET AUTRES c. ITALIE 48

CONCLUSION 61

BIBLIOGRAPHIE 64

TABLE DES MATIERES 68

* 1M. KAMTO, Migrations de Masse in Institut du droit international, Paris, 2017, p. 25.

* 2 OIM, État de la migration dans le monde 2022, Disponible sur : https://worldmigrationreport.iom.int/wmr-2022-interactive/?lang=FR , consulté le 8 juillet 2022.

* 3K. NERI, Le droit international face aux nouveaux défis de l'immigration clandestine en mer, in Revue Québécoise de droit international, volume 26-1,2013, p. 66-89

* 4E. DUBUIS, le cimetière marin, in Le Temps, Paris, 2018, disponible sur : https://www.letemps.ch/grand-format/cimetiere-marin-mediterranee, consulté le 8 juillet 2022.

* 5D. KITMUN, le Maroc gère le flux des indésirables, in Prin Droit, Paris, 2011, pp 28-31, disponible sur : https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2011-1-page-28.htm, consulté le 8 juillet 2022.

* 6M. GNAMBA, Le régime de l'immigration irrégulière par voie maritime en droit international public, Mémoire de Master, inédit, Faculté de Droit, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, 2017, p.63.

* 7A. KERDOUN, l'immigration irrégulière dans l'espace euro-mediteranéen et la protection de droit fondamentaux, In Revue québécoise de droit international, Québec, 2019 pp 91-118 disponible sur : https://www.erudit.org/fr/revues/rqdi/2018-v31-n1-rqdi04909/1065028ar/, consulté le 8 juillet 2022.

* 8OIM, Migrations et protection des droits de l'homme, Genève, 2005, p. 150.

* 9 L. THOMPSON, La protection des droits des migrants et la souveraineté de l'État,In Annuaire des Nations Unies, 2015, pp. 12-22.

* 10A. CHAIX, La portée et limites du principe de non refoulement de l'article 33 de la convention relatif au statut des réfugiés dans le contexte du traitement extraterritorial des demandes des statuts de réfugié, Mémoire de Master, inédit, Faculté des études supérieures, Université de Montréal, 2021, p.79.

* 11Article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

* 12 A. KERDOUN, Op. Cit, p. 12.

* 13Idem.

* 14Idem.

* 15 A. KERDOUN, Op. Cit, p. 12.

* 16Le point e de la Directive 2011/95/UE du parlement européen et du conseil qui dispose, Strasbourg, 2011, qui prévoit que : la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride. Disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32011L0095, consulté le 8 Juillet 2022.

* 17 M. COHENDET, Droit public, Méthode de travail, 3e édition, Paris, Montchrestien, 1998, p. 12.

* 18 M. GRAWITZ, Op. Cit., p. 301.

* 19 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Méthodologie juridique, Kigali, Pallloti-Presse, 2013, p. 49.

* 20Idem.

* 21 M. GRAWITZ, Op. Cit., p. 301.

* 22 P. TUNAMSIFU SHIRAMBERE, Op. Cit., p. 33.

* 23 R. PERRUCHOUD, Glossaire de la migration, Organisation internationale pour les migrations (OIM), 2007, p. 49.

* 24Idem.

* 25Idem.

* 26 R. PERRUCHOUD, OP. Cit., p. 49.

* 27Idem.

* 28Idem.

* 29 R. PERRUCHOUD, OP. Cit., p. 51.

* 30Idem.

* 31Idem.

* 32COMMISSION EUROPÉENNE, Glossaire 2.0 sur l'asile et les migrations, un outil pour une meilleure comparabilité, 2012, p. 102.

* 33E. DERENNE, Le trafic illicite de migrants en mer méditerranée: une menace criminelle sous contrôle, Mémoire pour le Diplôme d'Université en Master II, Paris, Université Panthéon-Assas (Paris II), 2013, p. 9.

* 34 C. DAUVERGNE, « On Being Illegal » In Making People Illegal: What Globalization Means for Migration and Law, Cambridge: Cambridge University Press, 2008, p. 11.

* 35Idem.

* 36G. PISON, Immigration un débat biaisé in Population et société, Paris, 2010, p. 56, disponible sur : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19140/472.fr.pdf, consulté le 24 septembre 2022

* 37Idem.

* 38G. PISON, Immigration un débat biaisé in Population et société, Paris, 2010, p. 56, disponible sur : https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19140/472.fr.pdf, consulté le 24 septembre 2022

* 39Ibidem, p. 78.

* 40 M. KAMTO, Op.Cit., p. 37.

* 41M. KAMTO, Op.Cit., p. 37.

* 42Idem.

* 43Idem.

* 44Ibidem, p. 31.

* 45 M. KAMTO, Op.Cit., p. 37.

* 46Ibidem, p. 39.

* 47Idem.

* 48 Article 33 de la Convention de Genève sur les réfugiés 1951.

* 49 Article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1987.

* 50COMMISSION EUROPÉENNE, Glossaire 2.0 sur l'asile et les migrations, Un outil pour une meilleure comparabilité, p. 165.

* 51COMMISSION EUROPÉENNE, op. cit., p. 165.

* 52S. RODEN, « Turning their Back on the Law ? The Legality of the Coalition's Maritime Interdiction and Return Policy », In, the Australian National University Paper, 2013, p.a6.

* 53K. O'BRIEN, « Refugees on the High Seas: International Refugee Law Solutions to a Law of the Sea Problem », In the Australian National University Paper, 2015, p. 16.

* 54CourEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 2012.

* 55CourEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, 2012.

* 56Idem.

* 57K. O'BRIEN, op. Cit, p.731.

* 58B. MILTNER, « Irregular Maritime Migration: Refugee Protection Issues in Rescue and Interception », In Fordham International Law Journal, vol. 30, 2006, p.27.

* 59Idem.

* 60CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua contre États-Unis), 1986.

* 61F. MESSINEO, « Non-refoulement Obligations in Public International Law: Towards a New Protection Status » In Satvinder Juss (ed), Research Companion to Migration Theory and Policy, Ashgate, 2013, p.17.

* 62 Article 1 du Protocole à la convention sur les réfugiés de 1967.

* 63Article 33 de la Convention de Genève de 1951.

* 64Article 33 de la Convention de Genève de 1951.

* 65F. MESSINEO, Art. Cit., p. 25.

* 66J. MINK, « EU Asylum Law and Human Rights Protection: Revisiting the Principle of Non-Refoulement and the Prohibition of Torture and Other Forms of I|I-Treatment», In European Journal of Migration and Law, 2012, pp. 130-131.

* 67 CEDH, Arrêt C-391/16 au sujet de validité de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, 2016.

* 68CourEDH, requête n°45036/98,Bosphorus Hava Yollari Turizm Ve Ticaret Anonim Sirketi v. Ireland &8154-155, 2005.

* 69 CourEDH, requête n°30696/09, MSS et autres contre Belgique du 21 janvier 2011

* 70CJUE, aff. C-373/13,H.T. c/ Land Baden-Wurttember, 24 juin 2015, § 72.

* 71 P. BOELES, « Non-refoulement: Is part of the EU's Qualification Directive Invalid? », In European Law Analysis, 2017.

* 72Idem.

* 73 CourEDH, requête n°22414/93, Chahal c. Royaume-Uni, 1996, §§ 73-74.

* 74 CEDH, requête C-391/16 au sujet de validité de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, 2016.

* 75CEDH, requête C-391/16 au sujet de validité de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, 2016.

* 76 HCR, «Reception Standards For Asylum Seekers In the European Union», 2000, pp.5-6, accessible sur http://www.unhcr.org/protection/operations/43662ddb2/reception-standards et consulté le 20 octobre 2022

* 77 J. HATHAWAY, Rights of Refugees under International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2005 p. 278.

* 78CourEDH, arrêt C-334/19 au sujet de validité de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, 2019, disponible sur : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=214042&pageIndex=0&do et consulté le 23 octobre 2022.

* 79Préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme 1948.

* 80 Article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

* 81Idem

* 82D. WEISSBRODT, « The Protection of Non-Citizens in International Human Rights Law » In International Migration Law: Developing Paradigms and Key Challenges, The Hague, T.M.C. ASSER PRESS, 2007, p.228.

* 83CIJ, Affaire de la Barcelona Traction Light and Power Company Limited (Belgique c Espagne), 1970.

* 84K. NERI, Op. Cit., p. 132.

* 85 L'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966.

* 86 Voir l'article 2 de la CEDH qui dispose que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

* 87 Voir l'article 4 de la CADHP qui dispose que la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit.

* 88 Voir l'article 4 de la CADH qui dispose que toute personne a droit au respect de sa vie. Ce droit doit être protégé par la loi, et en général à partir de la conception. Nul ne peut être privé arbitrairement de la vie.).

* 89CourEDH , Osman c. Royaume Uni, 1998.

* 90K. NERI, Op. Cit., p. 132.

* 91CourEDH, L.C.B. c. Royaume-Uni, 1998.

* 92J. FITZPATRICK, « The Human Rights of Migrants » dansAleinikoff, T. A. & Chetail, V., eds., Migration and International Legal Norms, The Hague: T.M.C. Asser Press, 2003, p.172.

* 93 L'article 15 du Pacte international retatif aux droits civils et politique.

* 94L'article 15 du Pacte international retatif aux droits civils et politique.

* 95S. GUINCHARD et T. DEBARD, Lexique des termes juridiquesop. cit., p. 823.

* 96Article 3 du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, ouvert à signature à Palerme le 12 décembre 2000.

* 97Idem.

* 98Idem.

* 99S. GUGGISBERG, « Le trafic illicite de migrants en mer » In Efthymios D. PAPASTAVRIDIS and Kimberley N. TRAPP (dir.), La criminalité en mer, Martinus Nijhoff / Académie de Droit International de la Haye, 2014, p. 243.

* 100T. OBOKATA, « The Legal Framework Concerning the Smuggling of Migrants at Sea under the UN Protocol on the Smuggling of Migrants by Land, Sea and Air » dans Bernard Ryan et Valsamis Mitsilegas, Extraterritorial Immigration Control. Legal Challenges, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p.156.

* 101S. GUGGISBERG, Op. Cit., p. 248.

* 102C. BROLAN, « An Analysis of the Human Smuggling Trade and the Protocol Against the Smuggling of Migrants by Land, Air and Sea (2000) from a Refugee Protection Perspective », International Journal of Refugee Law, (2002), p. 584.

* 103ONUDC, Cadre d'action international pour l'application du Protocole relatif au trafic illicite de migrants, 2013, p. 4.

* 104 S. GUGGISBERG, Op. Cit., p. 265.

* 105 Voir l'article 8 du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention contre la criminalité transnationale organisée, Palerme le 12 décembre 2000.

* 106Ludivine RICHEFEU, Op. Cit., p. 164.

* 107COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, Détroit de Corfou, 1949.

* 108 A. DUMOUCHEL, Les atteintes à la sûreté en Haute-mer, Mémoire pour le Master recherche Relations internationales Option Sécurité et Défense, Paris, Université Panthéon-Assas-Paris II, 2008, p.75.

* 109Idem

* 110 Voir l'article 3, Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée adopté le 15 novembre 2000

* 111Ibdem, Article 15.

* 112 Voir l'article 34 de la CEDH

* 113 Y. KTISTAKIS, la protection des migrants au titre de la convention européenne des droits de l'homme et de la charte sociale européenne, Paris, Conseil de l'Europe, 2014, p. 114 disponible sur : https://rm.coe.int/16806f140a

* 114Y. KTISTAKIS, la protection des migrants au titre de la convention européenne des droits de l'homme et de la charte sociale européenne, Paris, Conseil de l'Europe, 2014, p. 114 disponible sur : https://rm.coe.int/16806f140a

* 115Idem.

* 116Idem.

* 117Ibidem, 214.

* 118CourEDH, requite 12345/54, Burdov c. Russie, 2OO2.

* 119 Y. KTISTAKIS, Op. Cit., p. 224.

* 120 Voir l'article 35 de la CEDH.

* 121 CourEDH, requête 25579 de l'affaire A, B et C c. Irlande, 2006

* 122 Voir article 13 de la CEDH.

* 123 Y. KTISTAKIS, Op.Cit., p.225

* 124Idem.

* 125 Article 35 de la Convention européenne des droits de l'homme, Rome, 1953.

* 126Idem.

* 127 Article 35 de la Convention européenne des droits de l'homme, Rome, 1953.

* 128Idem.

* 129 Article 27 du règlement de la CourEDH, 2012.

* 130 Article 35 du règlement de la CourEDH, 2012

* 131Idem.

* 132 Règlement de la CourEDH, 2012, Article 27.

* 133Idem.

* 134Ibidem, Article 35

* 135 CourEDH, requête no 35865/03 dans l'affaire Al-Moayad c. Allemagne, 2007.

* 136 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 5.

* 137 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 6.

* 138Ibidem, pt. 8.

* 139Ibidem, pt. 9.

* 140Ibidem, pt. 10.

* 141Ibidem, pt. 11.

* 142 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 15.

* 143Ibidem, pt. 16.

* 144Ibidem, pt. 24.

* 145 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 10.

* 146Ibidem, pt. 35.

* 147 CourEDH, req. n°13229/03, Saadi c. Royaume-Uni, 2008, pt. 43.

* 148 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 65.

* 149Idem.

* 150 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 68.

* 151Idem.

* 152Ibidem, pt. 70.

* 153Ibidem, pt. 70.

* 154Ibidem, pt. 97.

* 155CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 100.

* 156Ibidem, pt. 117.

* 157Ibidem, pt. 118.

* 158Ibidem, pt. 119.

* 159Ibidem, pt. 123.

* 160Ibidem, pt. 124.

* 161Ibidem, pt. 128.

* 162CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 130.

* 163Ibidem, pt. 132.

* 164Ibidem, pt. 133.

* 165Ibidem, pt. 135.

* 166 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 139.

* 167Ibidem, pt. 154.

* 168Ibidem, pt. 164.

* 169A. CHAIX, Op. Cit., p.22  

* 170A. CHAIX, Op. Cit., p.70.

* 171 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 139.

* 172 CourEDH, requête 16483/12, Khlaifia et autres c. Italie, 2015, pt. 135.

* 173 A. CHAIX, Op. Cit., p. 79.

* 174Ibidem, p. 87.

* 175 A. ANTOINE, L'accord entre le Rwanda et le Royaume-Uni est-il compatible avec le droit international ?, in Cairn Info, 2020, p. 10.






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