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La contribution de la coopération décentralisée au processus du développement local au Tchad: le cas du jumelage entre les villes de Moundou (Tchad) et de Poitiers (France)


par Christian ALLANDIGUIM REOUMBAYE
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2013
  

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B. Une dynamique urbaine difficile à maîtriser

La ville de Moundou connait une forte dynamique urbaine au point de phagocyter même certains villages voisins, les raisons dermographiques peuvent justifier cela.

? Une population croissante, jeune et paupérisée

La région du Logone Occidental, dans le découpage actuel, est la plus petite région administrative du pays avec une superficie d'environ huit mille (8.000) km2. Par contre c'est

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la région qui a la plus forte densité de population, environ 100ha/km2. Selon les données du rapport provisoire du deuxième recensement général de la population et de l'habitat de 2009 (RGPH2), le taux national d'urbanisation est de 21,7%, celui de la région du Logone Occidental est de 23,9%, deuxième taux après celui de la région du Borkou (34,4%). Le chef-lieu de la région Moundou a vu sa population tripler en vingt (20) ans ; elle est passée de 50.000 habitants dans les années 1980 à 187.000 habitants en 2010.

Depuis plus de deux décennies, certaines zones de la région du Logone Occidental (département de Ngourkousso) sont confrontées à la rareté de terres agricoles. Un phénomène de migration à la recherche de terres de culture s'est installé dans ces zones. Bien que la région soit très petite par sa taille, son dynamisme économique attire les populations d'autres contrées du pays qui viennent s'y installer. Etant donné que ces nouveaux venus ne sont pas des migrants temporaires, ils recherchent des espaces pour une installation durable aussi bien pour les activités agro-pastorales que pour le négoce. Les conflits agriculteurs-éleveurs,

souvent meurtriers, ont pris des dimensions inégalées nulle part dans le pays, menaçant
ainsi de manière durable la paix sociale.

Peuplée d'environ 187.000 habitants1 en 2010, Moundou a connu au fil des années une croissance démographique rapide. Cette croissance de la population s'est accompagnée d'une demande croissante de terrains à bâtir. Il en résulte, une expansion spatiale considérable à l'origine de la phagocytose de certains villages avec son corollaire d'insécurité foncière, ponctuée de nouveaux rapports entre les acteurs de la ville.

Figure 5: Evolution de la population de Moundou et tendance de 1964 - 2025

Source : Association Ngaoubourandi

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D'après les résultats définitifs du RGPH, le taux de croissance moyenne au Tchad est de 3.6% alors que la population de 1995-2009 a doublé. Elle est passée respectivement de 99 530 à 172 54436 habitants tandis que les infrastructures nécessaires pour sa prise en charge n'ont pas augmenté, à titre d'exemple : l'absence totale des logements sociaux, système d'adduction d'eau potable limité, pourtant, la ville connait une dynamique très perceptible tant spatiale que démographique.

Vu les statistiques existantes, la population active est estimée à 45% pour un taux de chômage estimatif aussi de 15%. Ce taux fait abstraction du secteur privé tchadien composé d'un secteur informel large et dynamique et d'un secteur formel embryonnaire et englobe des actifs comme les domestiques, les commerçants ambulants et occasionnels, les pousseurs, les cireurs, les menuisiers, les maçons occasionnels, les chauffeurs de véhicules et moto-taxis.

Selon les données du dernier RGPH2, la ville dénombre dans la tranche de 0 à 14 ans révolus, 66 702 âmes pour une population totale de 150 155 habitants37, c'est pratiquement la moitié de la population locale avec au total un effectif de jeunes à 24 ans dénombrée à 33 397 âmes. Le constat qui se dégage une fois de plus de ces chiffres est que la population de Moundou est très jeune. Une population assez jeune dans une région ou le taux de pauvreté est estime à 34.4% soit 1.8% de la population pauvre et 2.9% de la population nationale, ou on déduit à 34% le nombre des locataires, et à 18% le nombre des personnes logées gratuitement avec 60%38 de ménage vivant dans des conditions précaires.

Une population jeune fait appel à un certain nombre de mesure à prendre pour constituer une main d'oeuvre efficace à la construction de la ville. En plus, la ville de Moundou est confrontée aux énormes déficits d'approvisionnement en eau potable.

? Une urbanisation mal conçue

Les projets de développement de la commune ont été réalisés sans prêter attention aux besoins des habitants de la ville qui n'ont pas été au préalable mis au courant de ces réalisations. C'est ainsi que certains habitants affirment qu'ils n'ont ni été informés ni consultés au préalable avant la détermination du nouveau périmètre de la ville et des constructions des infrastructures comme le cas du lycée de la forêt de Koutou.

36 Estimation pour 2012 selon RGPH2

37 Selon le RGPH2 de 2009.

38 Données de l'INSSED

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En effet, pour les techniciens de la délégation rencontrés, la gestion de l'urbanisation et donc du foncier a été conçue disent -ils pour être simple car les textes et les procédures sont assez claires pour les gestionnaires. Cependant, le manque d'un plan d'ensemble pour la ville, la volonté de certains gestionnaires d'évoluer dans le flou, le tout couplé à la mauvaise gestion des ressources humaines à l'échelle nationale a fini par rendre plus que complexe, de nos jours, la gestion du foncier à Moundou.

Une dynamique spatiale difficile à maitriser

L'urbanisation de la ville de Moundou s'est faite au début, par tache d'huile avant de s'opérer vers les années 2000 de façon tentaculaire. De l'avis des personnes âgées et des personnes ressources rencontrées dans le cadre de cette étude, cinq grandes étapes peuvent être retenues en ce qui concerne l'urbanisation de la ville.

? La première étape a concerné la ville originelle: 1930 - 1960

Elle a consisté pour l'administration coloniale à entreprendre des simples travaux de restructuration surtout dans les quartiers autochtones. Ce qui a donné lieu à l'éviction desdits quartiers au profit du quartier administratif d'aujourd'hui. Cette première étape consacre la ville qui s'étend des berges du Logone à l'Avenue Ngarta Tombalbaye. Il s'agit ni plus ni moins de l'urbanisme que nous pouvons qualifier de colonial. C'est donc sur cette lancée coloniale motivée par le souci de contrôler aussi mieux que possible la population locale par l'organisation de l'espace, que les actuels quartiers comme Baguirmi, Haoussa, Bornou, Mbomia, Guelkoura, une partie de Quinze ans et une autre de Doyon (Cotontchad) ont pu être restructurés. L'irrégularité des rues dans ces quartiers démontre le caractère non planifié des actions urbanistiques qui y ont été entreprises. Cette tranche de l'urbanisation coloniale représente une aire de 296,8 ha. Les autres portions de la ville comme le site abritant la Cotontchad et les villas de l'huilerie ont été restructurées juste après 1960 notamment dans les années 61 et 62.

? La deuxième étape a concerné la tranche délimitée par l'Avenue Ngarta et l'Avenue Négor: 1965 - 1985

Regroupant aujourd'hui les quartiers Mbombaya, Dombao et Djarabé, cette tranche de la ville a bénéficié des techniques urbanistiques modernes. On peut dire que c'est la vraie période de la naissance des aménagements fonciers prenant en compte le minimum possible des besoins présents et futurs de la ville. Il s'agit en fait d'un urbanisme assisté. En effet, grâce au SMUH

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(Secrétariat des Missions d'Urbanisme et d'Habitat) la tranche a fait l'objet d'une étude préalable à base de photographies aériennes, ce qui a permis de déterminer la vocation des terres et penser à leur habitabilité et leur usage à caractère public. La régularité des rues qui la sillonnent et la localisation des réserves foncières à la charge de l'administration locale démontrent le sérieux qui a accompagné les travaux techniques liés à cet aménagement de la tranche concernée. Si l'administration coloniale a pu contenir l'occupation anarchique de l'espace par les hommes, lequel espace a été restructuré à ce dessein, ce phénomène a véritablement commencé à Moundou notamment au cours de la deuxième période de l'urbanisation que nous venons de décrire. Il a été marqué par l'afflux massif des hommes ayant fuit N'Djaména à cause des événements de 1979.

? La troisième étape s'est intéressée à l'interfluve du plateau intérieur délimité par l'Avenue Négor et la voie de contournement : 1985 - 1990

L'assistance technique étant arrêtée alors que l'installation anarchique de la population prenait le pas sur l'investissement urbain, l'administration locale chargée de la gestion foncière et de l'aménagement urbain se devait de s'assumer en dépit des entraves d'ordre technique, matériel, financier et humain.

C'est ainsi que les agents de l'Etat instruits de l'expérience de l'urbanisme assisté de 1965 ont pris en main les aménagements fonciers à Moundou. C'était en fait l'époque d'une vie difficile caractérisée par l'insécurité généralisée qu'entretenait l'implacable dictature de Hissène Habré. Une période de vie difficile parce que les populations meurtries des campagnes ont été poussées à un exode vers Moundou tantôt pour leur sécurité, tantôt dans l'espoir de décrocher de l'emploi rémunéré dans les usines de la place, quitte à être embauché comme simple manoeuvre. Ce phénomène, a fini par conforter sinon imprimer une vitesse à l'occupation anarchique des terrains urbains selon les gestionnaires de la cité et autres personnes ressources rencontrées. L'administration foncière et domaniale étouffée, n'avait plus d'autres possibilités que de procéder par des essaims de morceaux de villes dans l'espace quitte à les recoller par un plan d'arpentage après. Toute porte à admettre que les aménagements fonciers ne visaient pas autre chose que la délimitation ou l'endiguement des occupations anarchiques du domaine privé de l'Etat par des rues.

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? La quatrième étape: 1990 - 2000

Elle a été marquée par l'aube d'une urbanisation vraiment anarchique avançant sur la base du non-respect des lois de la République. C'était l'époque d'un véritable télescopage entre la vision coutumière de la terre comme mère nourricière, comme lien entre les vivants et les morts et la vision libérale qui prend la terre uniquement comme bien marchand en milieu urbain et périurbain. Cette étape qui a consacré l'existence officielle des nouveaux quartiers comme Doumbeur, Dokab et une partie de Djarabé a préparé le terrain à l'anarchie totale dans l'urbanisation où tout devient compliqué tant dans la mise en oeuvre des instruments d'urbanisme opérationnel que ceux de contrôle de l'urbanisme. Elle a donc consacré l'étalement de la ville, de la voie de contournement à la zone inondable qui nourrit la ville en produits maraîchers et qui sert de trait d'union entre le lac Wey et le lac Taaba.

? La cinquième étape: 2000 - 2011

C'est la période des spéculations foncières ouverte à Moundou et ses environs. Une période de prévarication généralisée dans l'administration foncière et domaniale dont les services techniques sont « submergés » par la charge de travail et donc des demandes, à telle enseigne que pour les agents du cadastre, il n'y a plus d'horaires de travail, de jours ouvrables et non ouvrables. On assiste ainsi à des lotissements la nuit grâce à l'éclairage des phares des véhicules.

Bref, jusqu'à ce jour des litiges à caractère répétitif sur le foncier entre population et les responsables de services déconcentrés de l'Etat et les autorités traditionnelles, et entre les populations elles mêmes.

Il faut remarquer que la délimitation du périmètre urbain reste toujours contestée par le pouvoir traditionnel.

En somme, durant tout ce premier chapitre, nous avons fait une présentation sommaire de notre zone d'études qu'est la commune de Moundou.

Un constat se dégage, la ville de Moundou présente un visage contrasté des facteurs de son épanouissement socio-économique, culturel et humain. De par sa position géographique, Moundou bénéficie d'un milieu naturel favorable pour les activités agro-pastorales et pour l'implantation des industries. Sa position charnière entre le Nord et le Sud profond, mais aussi sa proximité avec la ville camerounaise de N'Gaoundéré lui permet de jouer un rôle crucial dans des échanges internes et externes attirant ainsi des nombreux investisseurs.

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Mais la ville connait aussi des sérieux problèmes dus à la situation de paupérisation de sa population et aux autres aléas climatiques telles les inondations.

Jusqu'ici nous avons focalisé notre analyse sur la situation géographique de la ville de Moundou. Le second chapitre à l'inverse sera consacré au cadre institutionnel et réglementaire du jumelage Moundou-Poitiers.

CHAPITRE II : CADRE INSTITUTIONNEL ET REGLEMENTAIRE

DU JUMELAGE MOUNDOU-POITIERS

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En vue de bien mener cette étude, il semble au tant plus précieux de présenter le cadre institutionnel et réglementaire qui régit la coopération décentralisée entre la ville de Moundou et celle de Poitiers. Cette démarche nous amènera à faire un rappel historique et l'état actuel du processus de décentralisation et ses implications avec le jumelage et le développement local.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo