I- OBJECTIFS ET MISSIONS DE L'EIFORCES
Le maillage administratif en Afrique en général
et au Cameroun en particulier n'est pas densifié dans les
périphéries. L'Etat à travers son appareil administratif
et sécuritaire est plus représenté dans les centres
urbains au détriment des périphéries. La présence
squelettique des organes étatiques dans ces zones profite à
l'émergence d'autres acteurs. Ces acteurs contestent le monopole de
l'Etat et envisagent se substituer à ce dernier. Ils s'en prennent aux
administrateurs sécuritaires et aux populations5. Ces agents
de la dilatation sécuritaire se livrent à plusieurs formes de
banditisme remettant l'ordre étatique en cause. Lorsque l'Etat
décide de voler au secours des populations victimes de ces entrepreneurs
par le canal de la police et de la gendarmerie son action n'a pas l'effet
désiré. Pour la simple raison que ces administrateurs rencontrent
des difficultés d'ordres stratégiques, opérationnelles et
tactiques car ils font face à une nouvelle forme de menace. Cette
situation pose le problème d'un réajustement capacitaire des
forces de Police et Gendarmerie. Le décideur répond à ce
besoin en créant l'EIFORCES. En créant cette structure le
décideur veut résoudre plusieurs problèmes et atteindre
des objectifs pluriels.
A- Objectifs de l'EIFORCES
L'Etat du Cameroun en créant l'EIFORCES fait de cette
structure un instrument d'opérationnalisation de sa politique
sécuritaire nationale et internationale. Ceci se traduit à
travers les attentes de l'Etat à l'égard de cette structure. De
façon globale, l'EIFORCES poursuit trois objectifs
spécifiquement, à savoir : contribuer au renforcement de la
stabilité régionale, améliorer la gouvernance
sécuritaire des pays africains, et enfin Promouvoir des
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standards communs au sein des forces de Police et de
Gendarmerie destinées aux opérations de paix dans le cadre des
missions onusiennes et de l'Union Africaine (UA)6.
1- La Contribution au renforcement de la
stabilité régionale
La création de l'école internationale d'Awae
survient à une période fortement crisogene en Afrique. Le
continent noir plus particulièrement sa zone subsaharienne est sujette
à plusieurs problèmes sécuritaires. En effet, les
événements internationaux à savoir : la chute du mur de
Berlin, la crise économique de la fin des années 1980, la mise en
place des programmes d'ajustements structurels et la réouverture
démocratique ont cassé la dynamique progressiste des Etats
africains7. Au lendemain de cette crise les Etats africains sont
soumis aux exigences des instances de Bretton Woods. Les programmes
d'ajustements structurels vont être à l'origine de plusieurs
licenciements, la fermeture de plusieurs structures publiques et du
désengagement de l'Etat dans la gestion des structures privées.
Cette situation donne lieu à une paupérisation d'envergure
nourrissant un sentiment d'abandon des Etats auprès de la population.
La réouverture démocratique de 1990 donne lieu
à une cristallisation de la violence dans plusieurs Etats africains. Le
passage du monolithisme pour le multipartisme s'effectue dans un environnement
hautement sensible et crisogene. Face à la montée en puissance
que génère ce changement de paradigme gouvernemental, les Etats
africains se retrouvent dans l'incapacité d'assurer la
sécurité intérieure de leurs espaces territoriaux.
L'impuissance capacitaire des forces sécuritaires africaines permet
l'installation d'un banditisme interétatique ralentissant le processus
de croissant du continent8.
Cette prise d'otage du continent par les problèmes
sécuritaires nécessite la conception d'un instrument salvateur.
Le Cameroun en harmonie avec sa doctrine internationale donne naissance
à cet instrument9. Il s'agit de l'école internationale
de sécurité d'Awae qui hérite de la lourde
responsabilité de renforcer la stabilité sur le continent
à travers les formations et les recherches qu'elle dispense et effectue
dans le domaine de la sécurité. Grâce à la
production de la note de conjoncture de l'EIFORCES des administrations ont un
support pédagogique qui les assiste dans la lutte contre
l'insécurité.
6 AIE, Catalogue des formations, p. 2.
7 P. Hugon, " L'économie des conflits en
Afrique ", Revue internationale et stratégique n°43, 2001,
p. 10.
8 Pokam, Le Cameroun à l'épreuve de
l'insécurité, p. 25.
9 Y. A. Chouala, La politique extérieure
du Cameroun : Doctrine, acteurs, processus et dynamique régionales,
Paris, Karthala, 2014, p. 27.
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2- L'amélioration la gouvernance
sécuritaire
En amorçant le processus démocratique en Afrique
en 1990, les observateurs nationaux et internationaux de la scène
politique accordent beaucoup d'espoir à ce souffle nouveau.
Malheureusement, cet espoir dure le temps d'un rêve car, au lendemain de
l'ouverture démocratique, le continent fait face à une pluie de
crises. Entre une situation économique en lambeau et la montée en
puissance des crises internes, le continent vit un XXe siècle
particulièrement chaotique10. Les Etats d'Afrique
subsahariennes vivent des crises intérieures provoquant des vastes
mouvements migratoires. Ces déplacements de populations des Etats en
crise vers des terres relativement en paix produisent une
régionalisation de violence.
La régionalisation de la violence en Afrique profite
des faiblesses des programmes politiques de sécurisation frontaliers,
ces programmes sont inopérants. La porosité des frontières
africaines ouvre les portes à l'entreprenariat criminel11.
Les acteurs de cette criminalité remettent en cause le pacte social
à l'origine de l'émergence de l'Etat. Cette contestation de
l'hégémonie étatique suscite une remise en cause des
politiques de gouvernance sécuritaire en Afrique12. Cette
remise en cause passe par un réajustement des politiques
sécuritaires. Le Cameroun fidèle à ses idéaux de
solidarité internationale et de libération de l'Afrique met sur
pied un instrument pour la reconquête de l'hégémon
étatique.
La création de l'école d'Awae obéit
à la logique d'améliorer la gouvernance sécuritaire au
plan national et international13. Cette vision est observable dans
le catalogue des formations qu'offre ce centre. Les forces de
sécurité camerounaises et africaines ont présenté
des lacunes dans la gestion des crises sécuritaires. Ces lacunes
étaient le résultat d'un manque d'actualisation des codes
opérationnels face aux nouveaux défis sécuritaires
émergeant dans la décennie 2000. Après un passage à
l'EIFORCES, les officiers supérieurs de Gendarmerie et les hauts
fonctionnaires de Police sont aptes à plusieurs missions, à
savoir : planifier et commander une opération de « Police »
dans le cadre national et international14. Grace à cet
outillage pédagogique, les acteurs sécuritaires deviennent des
piliers dans le processus de gouvernance sécuritaire en apportant des
solutions propices aux problèmes sécuritaires.
10 I. Mouiche, S. Kale, Gouvernance et
sécurité en Afrique subsaharienne francophone : entre corruption
politique et défis sécuritaires, Addis Abeba, UPEACE, 2015,
p. 3.
11 Ibid.
12 E. R. Diemissene Baya, " L'EIFORCES comme
structure de réponse aux besoins de formation en opérations de
soutien à la paix multidimensionnelles de l'Afrique centrale CEEAC ",
Master Professionnel en Stratégie, Défense,
Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes,
Université de Yaoundé II, 2015, p. 4.
13 AIE, Pour la paix, la sécurité et la
stabilité en Afrique et dans le monde, p. 3.
14 AIE, catalogue des formations, p. 7.
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L'EIFORCES offre également des séminaires ou
ateliers aux civils et aux agents de polices spécifiques dans le but de
donner à des participants des éléments essentiels pour
servir comme cadres au sein des structures de génération ou de
gestion de mission de paix. Ces séminaires intègrent un niveau
théorique et pratique. A titre illustratif, l'on peut évoquer le
séminaire de lutte contre le terrorisme. Ce dernier se tient durant deux
semaines. Il est ouvert aux civils, Policiers et Gendarmes. Les participants
ressortent avec des capacités renforcées dans le domaine du
renseignement prévisionnel15. Ce savoir nouveau devrait aider
la chaine de commandement à pouvoir anticiper sur les activités
terroristes.
Après la présentation du point concernant
l'amélioration de la gouvernance sécuritaire. La réflexion
suivante est axée sur la promotion des standards communs au sein des
forces de Police et Gendarmerie par l'EIFORCES.
3- La promotion des standards communs au sein des
forces de Police et Gendarmerie destinées aux opérations de Paix
dans le cadre de missions onusiennes et de l'Union Africaine (UA)
Lors de la rencontre des leaders politiques de la
Communauté économique des Etats
de l'Afrique Centrale du 31 juillet 199216, les
Etats membres ont pris la résolution de développer la
coopération avec les institutions de formation
spécialisées dans le domaine de la prévention des conflits
et la conduite des opérations de Maintien de la Paix. Cette
résolution fait suite aux nombreuses lacunes rencontrées par les
forces de défense et de sécurité de la sous-région
dans l'encadrement des conflits dans cette partie du continent et ailleurs. Ces
lacunes dérivent de la non-harmonisation des méthodes
d'encadrement sécuritaire entre les éléments de la Police
et de la Gendarmerie formant la composante police lors des missions de maintien
et de soutien à la paix des Nations Unies.
Au regard de l'importance des composantes polices dans les
missions de Maintien de la Paix onusienne, il devient nécessaire de
mettre à jour le format stratégique, tactique et opératif
de ces éléments. La gendarmerie qui fait partie de la composante
police est un corps spécifique. Elle remplit à la fois deux
missions, sécurité et défense17. Elle a un
langage opérationnel diffèrent de celui de la police. Cette
divergence opérationnelle constitue un frein dans l'accomplissement des
missions des composantes polices dans les missions onusiennes. Ayant fait le
constat, l'Etat du Cameroun décide de créer l'EIFORCES pour
résoudre ce problème de non-harmonisation des standards communs
au sein des forces de Police et de Gendarmerie.
15 AIE, catalogue des formations, p. 4.
16 M. Mutoy," Coopérer pour la paix en
Afrique centrale, Genève", UNIDIR, n° 35, 2003, p. 27.
17 Décret n° 2001/181 du 25 juillet
portant organisation de la gendarmerie nationale, Article 2.
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L'Ecole Internationale des Forces de Sécurité
camerounaise se positionne comme cette structure qui harmonise la langue
opérationnelle des éléments de Police et Gendarmerie pour
constituer la composante police destinée aux OMP. Ceci à travers
les enseignements qu'elle dispense conjointement aux administrateurs
sécuritaires de la police et de la gendarmerie. Lors de leur passage
à l'école d'Awae les policiers et gendarmes sont remodelés
stratégiquement, tactiquement et opérationnellement aux standards
des Nations-Unies 18 . Grâce aux enseignements de l'EIFORCES,
un commandant Tchadien peut être à la tête d'une composante
police camerounaise lors d'une mission de Maintien de la Paix et qu'il ne
rencontre pas des difficultés à communiquer tactiquement avec sa
troupe19.
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