III. L'IMPORTANCE DES VESTIGES COLONIAUX POUR UN
PEUPLE
Les vestiges du passé sont indispensables pour
un peuple à deux niveaux, d'abord, ils sont une source indéniable
de perpétuation de la mémoire collective ; ensuite ils sont un
vecteur de développement économique. Les vestiges coloniaux
n'échappent pas à cette logique.
1. Les vestiges coloniaux : Support matériel de
mémoire collective
Les vestiges ou monuments historiques sont une
cicatrice, une preuve palpable d'un fait historique. Ce sont les artefacts qui
stimulent la mémoire3. Ceux-ci permettent aux personnes ayant
vécu un certain nombre de faits liés à eux de s'en
rappeler. C'est pour cela que Nkengmo Esther B. affirme que « les
monuments sont des constructions destinées à perpétuer le
souvenir des hommes et des événements
1 Casciato De Maristella,
et Emilie D'orgeix, Architecture modernes, l'émergence d'un
patrimoine, Wavre, édition Mardaga, 2012, p.7.
2 Yves Aurélien Kana
Donfack, "Evolution de l'habitat ...p.169.
3 Alain Sinou, « le
patrimoine architectural et urbain en Afrique : un état des lieux
à l'échelle continentale », in Les villes africaines et
leurs patrimoines, Paris, Riveneuve, octobre 2011, p.167.
124
qui ont marqué l'histoire d'un pays, ou
même des oeuvres modestes qui ont acquis avec le temps la valeur d'un
témoignage historique1 ».
Pris dans ce sens, les vestiges permettent donc
d'éviter par exemple les conflits intergénérationnels sur
le plan historique parce que, chaque fois que les parents parlent ou expliquent
un fait lié à la colonisation, ils prennent à
témoins ces éléments palpables qui sont des preuves
irréfutables. L'histoire du café arabica à Dschang est
palpable, aux yeux des jeunes, non pas à travers les caféiers qui
malheureusement n'existent presque plus, mais plutôt à travers
l'usine de café encore en place malgré son état de
décrépitude. La rigueur et l'exactitude allemandes dans le
travail ne se raconteront plus comme des mythes et légendes après
un siècle, mais plutôt avec des constructions allemandes au
Kamerun2 en général et à Dschang en
particulier. L'importance et l'ancienneté de la ville de Dschang ne se
raconteront pas seulement dans les documents écrits mais s'expliqueront
aussi et surtout avec les constructions monumentales existantes à
Dschang qu'on ne retrouve par exemple pas à Bafoussam3,
l'actuelle Chef-lieu de la région de l'ouest. Ainsi, Njokou Ngomedje a
totalement raison quand elle affirme : « autant que des documents oraux et
écrits, ces édifices sont des socles permettant de conserver et
de raconter le passé des peuples, ce sont des supports de communications
historiques4 ».
La mission Sacré-Coeur de Dschang par exemple,
en tant que première mission catholique à l'ouest, a amené
Dschang à être une région de vieille
chrétienté5 et comme le dirait le père Goustan
le Bayon « Dschang deviendra la mère, la grand-
1 Esther Bernadette S.
Nkengmo, « Musées et Monuments historiques de la ville de
Yaoundé : Etude comparative et problèmes de conservation »,
Mémoire de maîtrise en Histoire, Université de
Yaoundé, septembre 1986, p56.
2 Appellation allemande de
Cameroun
3Lire à ce propos
Jean Marie Tchinda, « Grandeur, Décadence et Renaissance d'une
ville camerounaise : Dschang (1903-2007) », Université de Dschang,
Mémoire de Master en Histoire, 2008/2009,
4 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les monuments... p.1
5 M.
Tegomo-Nguetsé, Le diocèse de Bafoussam, contribution
à l'histoire du centenaire de l'Eglise Catholique au Cameroun,
Bafoussam, 1984, (Inedit), cité par Lemegne, « La Mission
Catholique Sacré-Coeur de Dschang : 1910-1990 », Mémoire de
DIPES II en Histoire, ENS Université de Yaoundé I, 2002-2003,
p.26.
125
mère et l'arrière grand-mère de
toutes les paroisses des diocèses de Nkongsamba et de
Bafoussam1 ». L'importance de cette mission doit donc
être sue non seulement par les populations de la ville de Dschang en
particulier, mais surtout par les chrétiens catholiques en
général.
En plus, ces témoins du passé sont des
portes ouvertes pour de nouvelles recherches ou pour l'avancement de la
recherche. Autrement dit, les différentes infrastructures coloniales
peuvent permettre aux différentes disciplines de cerner davantage la vie
politique, économique et sociale de la zone ou du pays pendant la
colonisation. La régie d'électricité de Dschang fera par
exemple l'objet, pour les ingénieurs, de l'étude de la
capacité technique et technologique de cette époque et donc, de
la capacité d'extension ou de couverture énergétique dont
bénéficiait la ville de Dschang. Les géographes et les
hydrologues en particulier vont étudier le débit d'eau du lac
municipal qui alimentait cette régie de production
d'électricité et par conséquent, vont connaitre les
variations climatiques pendant la période étudiée. Nous
pouvons donc conclure avec Jacques Souliliou en approuvant que la perte de ce
patrimoine [colonial] constituerait un dommage irréparable pour la
mémoire collective des jeunes générations de l'Afrique
contemporaine2. En outre, Ces vestiges coloniaux peuvent même
contribuer au développement économique de la ville de
Dschang.
|