2. L'inaction de l'homme
Elle est surtout liée à la
méconnaissance de l'histoire de la région à la fois par
les autorités ou l'élite et par la population. Cette inaction se
manifeste par la négligence, elle-même due à l'ignorance de
l'importance des vestiges coloniaux qui font désormais partie du
patrimoine culturel du Cameroun. Parlant de la ville de Yaoundé, Esther
Ngomedje affirme que « la négligence des monuments est liée
au manque de culture historique de la majorité de la population ... on
s'interroge sur la gestion de l'acquis colonial et le management de ceux que
les Camerounais eux-mêmes produisent. Cela entraîne la perte d'une
indicative et informative de l'histoire.1 ». Les
citoyens originaires ou résidant dans la ville de Dschang ne se rendent
pas compte qu'en détruisant ou en laissant se détruire les traces
de la présence coloniale, ils participent eux-mêmes à la
destruction ou à l'effacement de l'histoire.
3. La non application de la politique culturelle
« Seule une politique culturelle innovatrice et
ambitieuse peut permettre au Cameroun de jouer un rôle dans l'histoire,
de graver ses empreintes indélébiles sur les murs du
temps2 », cette réflexion d'Augustin Kontchou Kouomegni,
préfacier des états généraux de la culture, nous
impose à reconnaitre que c'est la planification permanente et dynamique
qui donne de la valeur à la politique culturelle d'un pays. Cette
dernière se planifie à court, à moyen et à long
terme. Mouasso Ruth définit la planification comme un processus qui
permet d'identifier les objectifs à atteindre et les moyens les plus
avantageux pour les réaliser3. C'est de cette politique
qu'est généralement issu le plan de développement de la
culture d'un pays. Ledit plan est ce
1 Edith Njokou Ngomedje,
« L'histoire à travers les monuments cachés de
Yaoundé 1887-1963 », Mémoire de Maîtrise en Histoire,
Université de Yaoundé, septembre 2002, p.154.
2 Ministère de
l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats
Généraux de
la Culture du 23 au 26 Août 1991 à
Yaoundé, Yaounde, Imprimerie nationale, 1992, p.5.
3 Ruth Mouasso, «
Elaboration du processus de plan de développement touristique du
littoral touristique du Cameroun », Mémoire de Maitrise en Loisir,
Culture et tourisme, Université de Quebec, Février 1999,
p.14
122
document de référence qui, en indiquant
les orientations du développement de la culture nationale
débouche sur un programme d'action. Dans notre pays, il n'existe pas une
politique culturelle réelle qui nous permet de nous projeter dans le
futur. Le problème, à notre avis, se trouve dans l'application ou
l'exécution des projets culturels élaborés par la nation
camerounaise. A regarder de près, on se rend compte qu'une politique
culturelle existait bien du temps de la République Unie du
Cameroun1. En plus, en République du Cameroun, il y a eu du
23 au 26 Août 1991 au Palais des Congrès à Yaoundé
les Etats Généraux de la Culture camerounaise2 dont
l'objectif était de donner un nouveau dessein culturel au Cameroun.
Hélas, Nous n'avons pas aujourd'hui les objectifs à atteindre
dans deux, cinq ou dix ans. Tout au plus, il y a quelques lois
promulguées par le Président de la République du Cameroun
comme celle n°2013/003 du 18 avril 2013 régissant le patrimoine
culturel au Cameroun, mais la non application de celles-ci rend la protection
stagnante.
Ainsi, le Ministère des Arts et de la Culture
dans son fonctionnement, ne soufre d'aucun problème juridique. Tout le
problème se pose au niveau de l'application des lois. L'Organisation du
Ministère des Arts et de la Culture, principalement au niveau de la
gestion du patrimoine culturel immobilier, montre à suffisance que les
lois ne brillent pas par leur absence au Cameroun. (Voir annexe
n°7)
Il ressort clairement de ce constat que l'absence
d'une politique culturelle réelle et ambitieuse constitue la cause
directe des autres problèmes à l'instar des problèmes
financiers et de la corruption. Puisqu'il n'y a pas d'objectif précis,
certaines autorités peuvent détourner les fonds consacrés
à la réhabilitation du patrimoine culturel vers d'autres secteurs
qu'ils estiment prioritaires. Il n'y a donc pas de volonté politique
véritablement portée vers la protection de ce
patrimoine.
Au regard de ce qui précède, on
s'accorde à reconnaitre que les facteurs favorables à la
détérioration des vestiges coloniaux sus-cités, que sont
les aléas
1 Lire J.C Bahoken et
Engelbert Atangana, La politique culturelle en République Unie du
Cameroun, Paris, UNESCO, 1975, 93p.
2 Ministère de
l'Information et de la Culture du Cameroun, Actes des Etats
Généraux ...207p.
123
climatiques, l'inaction de l'homme et la non
application de la politique culturelle peuvent se résumer en deux points
essentiels, l'un entrainant l'autre. Il s'agit du manque de culture historique
chez les dirigeants qui occasionne le manque de volonté politique. Bruno
Favel, quant à lui, résume ces facteurs en disant que « le
patrimoine moderne est aujourd'hui mis en danger par l'érosion urbaine,
des lois de protections inadéquates et une reconnaissance publique
limitée1 ». Aussi, la diversité culturelle du
Cameroun est mal connue en dépit des progrès et des
réalisations en préparation, l'inventaire du patrimoine est
sommaire et la législation visant à le protéger est
insuffisante2. A ce niveau, plusieurs questions taraudent notre
esprit. On se demande par exemple à quoi devraient servir tous ces
vestiges coloniaux ? Qu'adviendrait-il donc si on décide de tout
détruire et de construire d'autres bâtiments sur ces sites ? Nous
rétorquons que l'historien s'oppose radicalement à toute
destruction des objets du passé qui signifie l'effacement des pages de
l'histoire de ce peuple.
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