B. La pragmatique radicale.
Selon OSHIM E. (2019), la pragmatique radicale s'inscrit dans
la tradition philosophique et logicienne anglo-saxonne à laquelle
s'intègrent, par exemple, les travaux de Charles W. Morris ou encore
d'Herbert Paul Grice. Elle définit la pragmatique comme une discipline
autonome vis-à-vis de la sémantique, mais lui réserve une
place résiduelle. Nous reconnaissons une conception restreinte ou
minimaliste de la pragmatique, dont le domaine d'interprétation est
exclusivement la performance. Elle n'intervient, en effet, que lorsque le
traitement sémantique, qui prend lui-même le relais de la syntaxe,
a échoué dans l'élucidation du sens de certaines
unités linguistiques. L'analyse sémantique étudie le
contenu descriptif des énoncés en interrogeant leurs conditions
de vérité, elle traite des aspects vériconditionnels des
phrases. Certaines informations impliquées par l'utilisation
contextuelle des phrases échappent à ce critère. Leur
analyse relève alors du composant pragmatique. Par exemple,
l'interprétation de l'énoncé suivant, en particulier,
celle de l'adverbe « ici », nécessite de
connaître le lieu occupé par le sujet parlant. Soulignons que cet
énoncé ne véhicule pas une demande mais un ordre, il ne
saurait trouver comme réponse « Oui. » L'injonction ainsi
exprimée ne peut être évaluée en termes de
vérité ou de fausseté. Elle implique des critères
non vériconditionnels. Veux-tu venir ici ?
Cette conception radicale ouvre la voie à des travaux
qui s'inscrivent dans l'élaboration d'un modèle
d'interprétation des énoncés mettant en avant le
rôle de la connaissance du monde dans l'accès au sens non
explicite. La pragmatique emprunte alors un chemin différent, mais
complémentaire, celui de la linguistique.
C.La pragmatique intégrée
D'après OSHIM E. (2019), la pragmatique
intégrée s'inscrit dans la tradition francophone marquée
par les travaux notamment d'Emile BENVENISTE (1966) et d'Oswald DUCROT (1980).
Etudier le sens d'un énoncé, c'est accéder à son
contenu descriptif, mais également au sens véhiculé par sa
relation avec ses utilisateurs. Ce sens pragmatique n'est plus extérieur
aux formes linguistiques, il est inscrit conventionnellement dans les
énoncés sous la forme d'indices instructionnels. Il s'apparente
à l'information afférente à ce que le sujet fait quand il
parle. Selon RECANNATI F. (1981 :29) la pragmatique linguistique et la
sémantique partagent une zone d'intersection appelée la
pragmatique intégrée : elle recense les formes linguistiques
dont la signification est pragmatique plutôt que descriptive, et elle
explique leur signification en leur assignant des conditions d'emploi.»
La pragmatique intégrée, qui conçoit des
formes de détermination contextuelle du sens, s'intéresse
à la compétence. Cette pragma-sémantique est notamment
illustrée par la sémantique argumentative de Jean-Claude
ANSCOMBRE et Oswald DUCROT (1983). Intégrée ou non à la
sémantique, le recours à la pragmatique confirme l'existence dans
l'énoncé de quelque chose de plus qu'un contenu descriptif
sémantique. L'interprétation d'un énoncé ne peut
donc plus être conçue comme purement descriptive, elle
reflète également ses conditions d'utilisation.
En définitive, on retient de la pragmatique ce
qui suit : « l'étude de l'usage de la langue comme
pratique énonciative, subjective, intersubjective, contextuellement
située et dotée d'un pouvoir de faire », affirme OSHIM E. En
linguistique, elle est l'étude de l'utilisation (littérale,
figurée ou autres) des énoncés dans les actes
d'énonciation. Selon Le Larousse, Dictionnaire de la langue
(2013), elle est aussi une branche de la linguistique, qui s'intéresse
aux éléments du langage dont la signification ne peut être
comprise qu'en connaissant le contexte de leur emploi.
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