III. ETAT DE LA QUESTION
L'état de la question est en soi un relevé des
publications antérieures qui, de manière directe ou indirecte,
ont porté sur le même thème et non sur le même sujet
que celui abordé par l'auteur6.
En effet, les tenants et les aboutissants de la politique du
libre-échange sont, depuis biens des années, au centre des
débats entre courants scientifiques et ont déjà fait
couler ancres et salives. Ceci illustre que nous ne sommes manifestement pas
les premiers à aborder cette question d'ampleur mondiale et
régionale.
Tout d'abord, notons que deux tendances majeures se sont
toujours opposées sur cette matière. La première est pour
le libre-échange dans les relations commerciales entre Etats, dans la
seconde tendance, nous trouvons des auteurs qui rejettent cette théorie
au regard des risques qu'elle représenterait pour les économies
étatiques. C'est ainsi que les antagonistes du libre-échange la
confrontent en général à la politique du protectionnisme
qui à l'inverse, prône l'isolement économique et les
mesures douanières pour protéger la production nationale.
Sur ces entrefaites, pour Jean-Marie HARRIBEY, la politique du
libre-échange est destructrice car elle est née avec le
développement de l'économie capitaliste avide
d'élargissement des marchés et ne permet pas aux industries
naissantes de résister à la concurrence étrangère.
Il parle ainsi de la nécessité d'un « Protectionnisme
éducateur » pour conserver la production
nationale7.
Cet auteur se caractérise par un rejet total du
libre-échange car il constituerait un manque à gagner pour les
pays pauvres. Position qui s'appréhende mieux dans le cadre des pays
tiers-mondistes au regard de ceux dont les économies sont plus
développées.
Par ailleurs, Vandama SHIVA adopte une position
différente de l'auteur précédent. En effet, ce dernier
affirme que le commerce peut constituer un moteur puissant de croissance
économique et de réduction de la pauvreté. Mais pour que
ce moteur fonctionne, les pays pauvres doivent accéder aux
marchés des pays riches. Élargir cet accès aux
marchés peut aider ces pays à accélérer leur
croissance, tout en créant de nouvelles opportunités pour les
produits
6 Victor KALUNGA-TSHIKALA, Guide pratique
relatif à la rédaction des mémoires en Droit,
édition du col, Lubumbashi, 2012, page 9.
7 Jean-Marie HARRIBEY, « Libre-échange
ou protectionnisme : un faux dilemme ? », dans Le monde
Libertaire, Hors-série, N°54, mars-avril 2014, page 1.
agricoles et ceux ayant un fort contenu de main d'oeuvre car
ces secteurs concentrent la plus grande partie des populations situées
en dessous du seuil de pauvreté. L'accès aux marchés
apparaît ainsi comme la potion magique susceptible d'exterminer la grande
pauvreté. Il s'agit là d'une façon de designer le
développement tiré par les
exportations8.
Au regard de ces deux approches scientifiques, René De
SCHUTTER adopte une position plus mitigée.
En effet, ce dernier affirme qu'il est nécessaire de
créer des conditions d'un partage plus équitable des
énormes bénéfices tirés du commerce. Il affirme que
de la même manière que dans toute économie nationale,
l'intégration économique internationale peut être soit une
source de prospérité partagée et de réduction de la
pauvreté, soit une cause d'accroissement des inégalités et
de l'exclusion. Bien géré, affirme-t-il, le système
commercial international pourrait permettre à des millions de gens de
quitter leur état de pauvreté. Dans le cas contraire, il
aggraverait la marginalisation d'économies entières. Cela est
également vrai au niveau national, une bonne gouvernance pourrait
transformer le commerce en un instrument de lutte contre la pauvreté,
alors qu'une mauvaise gouvernance nuirait inéluctablement aux
intérêts des plus pauvres. Actuellement, le commerce est mal
géré au niveau mondial et, dans beaucoup de pays,
également au niveau national. Il n'est pas pensable de continuer dans
cette voie. L'isolationnisme ne serait pas plus satisfaisant car il priverait
les plus pauvres des opportunités offertes par le commerce et
neutraliserait une force de réduction de la
pauvreté9.
Au regard des deux précédents auteurs, ce
dernier ne prends pas de position extrême sur la question du
libre-échange. Il prône plutôt dans le même article,
un nouvel ordre commercial mondial fondé sur une nouvelle approche des
droits et responsabilités et une volonté réelle de mettre
la mondialisation au service des populations les plus démunies. La
manière de fonctionner du commerce international doit donc être
favorable aux pauvres.
Enfin, il sied également de noter une autre approche
tranchée qui est soulevée par le Professeur Laurent NGOY DJIBU
parlant du nécessaire pragmatisme. Il est ici soutenu qu'un
équilibre doit être trouvé entre un libre-échangisme
naïf et un protectionnisme frileux. Cet équilibre est d'autant plus
favorable au progrès global de l'économie mondiale qu'il est
plus
8 Vandama SHIVA, « A propos des recettes
d'OXFAM pour le tiers-monde », dans GRESEA ECHOS, N°37,
2003, page 11.
9 René De SCHUTTER, « À propos d'un
rapport controversé » dans Loc.cit., N°37, 2003, page
3.
7
tourné vers le libre-échange mais tout
excès dans ce domaine accentue inéluctablement le
déséquilibre entre les nations, au profit des plus forts et au
détriment des plus faibles10. Il s'agit ici
d'une considération neutre au regard des avantages et
inconvénients de l'une tout comme de l'autre théorie dans les
échanges commerciaux.
Cependant dans un article ultérieurement publié,
le même auteur affirme que pour le cas de la RD Congo, c'est le
libre-échange qui devrait être adopté en lieu et place du
protectionnisme qui fait peser les charges des barrières tarifaires sur
le consommateur considéré comme un tiers exclus dans la
démarche de maximisation de recettes douanières. Ainsi, en se
penchant sur le libre-échange, on pourrait éliminer ou
réduire sensiblement les barrières tarifaires ou encore limiter
les barrières tarifaires à certains produits d'utilité
secondaires ; et se contenter de la TVA qui est une taxe
généralisée sur la
dépense11.
Quant à nous, l'ambition de notre démarche ne
consiste pas à prendre position sur les théories du droit du
commerce international. C'est-à-dire laquelle est la plus favorable,
laquelle est défavorable ou faut-il envisager une application cumulative
des théories. Avant de l'illustrer, rappelons tout de même que
l'essentiel des considérations doctrinales se résume comme suite
: Jean- Marie HARRIBEY a pris une position contre le libre-échange car
étant un manque à gagner pour les pays pauvres ; Vandama SHIVA a
affirmé quant à lui que c'est l'accès au marché qui
permet de réduire la pauvreté et que le libre-échange est
opportun ; Pour René de SCHUTTER, quelle que soit la politique
adoptée, l'idéal est de bien gérer le système
commercial international pour l'intérêt des populations
démunies ; et enfin, le professeur Laurent NGOY DJIBU a plutôt
opté pour un équilibre entre le libre-échange et le
protectionnisme en considérations des avantages et inconvénients
de l'une tout comme de l'autre politique sans excès.
Contrairement à ces auteurs, nous estimons que
l'efficacité des politiques du commerce international doit être
analysée au cas par cas ; en d'autres termes, nous ne prétendons
pas ici opter pour une politique au détriment de l'autre car nous sommes
d'avis que pour le cas de la République Démocratique du Congo, le
rejet du libre-échange n'entrainerait pas de plein droit
l'efficacité du protectionnisme et vice versa car dans les deux
hypothèses
10Laurent NGOY DJIBU, Cours de Droit commercial
II : Droit du commerce international et contrats commerciaux,
faculté de Droit, université de Lubumbashi, année
académique 2019-2020, page 30.
11Laurent NGOY DJIBU, « La théorie du
protectionnisme en matière de commerce international », dans
ISSR Journals, Vol 24 No., 2018, page 1060.
8
l'accent est mis sur « Le produit ». Dans la
première politique on échange les produits et
dans la seconde, on protège les produits. Il est donc
difficile d'envisager l'efficacité de l'une ou l'autre théorie si
le produit est soit absent, soit très insuffisant. Nous
nous préoccupons donc de mener une étude objective et globale de
l'économie congolaise en analysant d'une part, les défis et
perspectives du droit interne, les atouts du pays découlant des
adhésions à différentes communautés
économiques internationales et l'accroissement de son Produit
Intérieur Brut. D'autre part, il est question d'étudier la
disposition du pays à appliquer les théories du
libre-échange prônées dans les instruments juridiques
communautaires signés et ratifiés.
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