2. Approche protectionniste
Au sujet du protectionnisme, il n'est pas rare de rencontrer
l'argument selon lequel cette politique est un important facteur
d'indépendance national permettant la protection des industries
naissantes et fragiles au regard de la concurrence étrangère.
Sur ce point, nous retenons beaucoup de l'économiste
Keynes qui a basé ses réflexions sur l'avantage du
protectionnisme en matière d'emploi. Après ce que l'on
considère comme la grande crise du 20ème siècle
(la crise de 1929), Keynes avait réemployé ses talents de
polémiste en défendant la mise en place d'un système
protecteur au nom de la priorité nationale à l'emploi. Cette
conversion d'un jadis ardent défenseur du libre-échange en avocat
du protectionnisme s'était justifiée par les difficultés
économiques rencontrées par la Grande-Bretagne à la suite
de la crise de 1929. Au sortir de la première guerre mondiale, jusqu'en
1920, l'économie britannique connait l'euphorie ; le chômage
devient un problème économique majeur et son taux atteint 22% en
193291.
90 Vincent P, op. cit, pp 18-19
91 Max MAURIN, « J.M. Keynes, le
libre-échange et le protectionnisme », dans
L'actualité économique, volume 86, N°1, HEC
Montréal, mars 2010, page 113.
Pour y remédier, Keynes propose le protectionnisme en
accroissant l'investissement intérieur (public et privé). Il
affirme que dans une économie où le plein emploi n'est pas
assuré, l'instauration d'un tarif peut conduire à une hausse
nette de la production et de l'emploi générée par les
entreprises nationales
privées92.
Outre cet avantage lié à l'emploi que nous
propose Keynes, d'autres arguments sont également avancés en
faveur du protectionnisme. Il s'agit notamment de :
? L'impossibilité pour les pays du sud de
renoncer aux recettes douanières : les recettes
douanières constituent souvent pour les pays du sud une source
indispensable de revenus dont ils ne peuvent se priver. De nombreuses
études ont effectivement démontré que le pourcentage des
recettes de l'Etat provenant des impôts directs est proportionnel
à son niveau de développement
économique93. Un pays en
développement dépend par conséquent essentiellement des
impôts indirects, notamment des droits de douane, pour son budget. De
plus, les droits de douane sont souvent exigés en devises. Cela
constitue pour de nombreux pays l'un des seuls moyens dont ils disposent pour
s'en procurer. L'application des droits de douane ne découle dès
lors pas en premier lieu d'une volonté protectionniste dans leur chef,
mais d'un impératif budgétaire. Les pays en développement
peuvent par conséquent difficilement accepter le fait de réduire
leurs droits de douane, ce qui leur est de plus en plus demandé par
leurs partenaires développés94 et
même les organisations internationales telles que l'Organisation mondiale
du commerce (OMC) ;
? Les demandes de protection des secteurs pour
lesquels l'Etat ne dispose pas d'un avantage comparatif : il faut sur
ce point retenir que les facteurs de production ne bénéficiant
pas d'un avantage comparatif doivent, en vertu de la théorie
libérale classique, être délaissés par les Etats.
Cela entraine dans leur chef une réduction des investissements, et donc
des salaires et emplois. Les travailleurs employés dans ces secteurs
vont dès lors réclamer une protection de la part de leurs
autorités nationales. Il y a toujours, comme on peut le constater, des
gagnants et des perdants dans le
libre-échange95.
92 Max MAURIN, op. cit, page 117.
93 M. TODARO, Economic Development,
6ème edition, Longman, Londres, 1997, pp. 620-624.
94 Vincent P, op cit, page 21.
95 Ibidem, page 25.
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