L'image de la femme dans les jeux vidéo
KEDGE BUSINESS SCHOOL
MÉMOIRE
Présenté en vue d'obtenir
MASTER PROGRAMME GRANDE ÉCOLE
SPÉCIALITÉ : spécialité Marketing,
Management, Communication PARCOURS : PGE Marketing
L'image de la femme dans les jeux
vidéo
Valentine PETIT
Sous la direction de : M. Antoine Chollet
1 / 291
Soutenu le 06 juillet 2022
2 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres
à leur auteur et n'engagent en aucun cas KEDGE Business School et le
Programme Grande École Marketing.
3 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Remerciements
Je remercie tout d'abord mon tuteur de mémoire M.
Antoine Chollet pour ses conseils avisés et le temps qu'il m'a
consacré durant toute ma période de recherche. Il s'est toujours
rendu disponible pour répondre à l'ensemble de mes questions et
m'aider à construire une recherche plus développée et plus
approfondie. De plus il m'a permis de me pencher sur ce sujet de recherche qui
me tenait à coeur en le comprenant et en l'appréciant à sa
juste valeur.
Je remercie également l'ensemble des personnes qui ont
pris le temps d'échanger avec moi pour ma recherche : Julien, Louis,
Lara, Laurine, Hugo, JC, Jeremy, Bilel, Servane, Clémentine, Mathieu,
Julie, Amandine, Anthony, Aymeric, Fanny, Quentin, Sébastien, Morgane,
Alexandre, Léa, Noha, Katherine et toutes les personnes anonymes avec
lesquelles j'ai réalisé un entretien vocal ou écrit pour
la partie qualitative de mon analyse.
Je remercie aussi les 4000 personnes qui se sont
mobilisées pour répondre à mon étude qualitative
à travers le sondage diffusé sur des plateformes Discord et des
groupes Facebook.
Je remercie également ma famille qui m'a toujours
soutenue, ma mère pour ses longues heures de relecture et pour
la motivation qu'elle m'a insufflée, mon père pour les heures
passées à débattre sur ce sujet pour améliorer mon
plan et ma soeur pour son soutien constant.
Enfin, mon conjoint Sidi ainsi que mes amis Théo et
Jonathan avec qui j'ai pu échanger et débattre sur ce sujet et
qui ont toujours été les bêta-testeurs de mes
études. Je remercie également Marie pour sa relecture assidue et
acérée de l'ensemble de ce mémoire.
4 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
5 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
L'image de la femme dans les jeux
vidéo
Valentine PETIT
RÉSUMÉ
La croissance rapide du marché du jeux vidéo en
a fait un centre d'attention pour le monde entier et ils occupent aujourd'hui
une place majeure au sein de la culture. Bien que récent, moderne et en
apparence inclusif, celui-ci est en réalité la source de
nombreuses inégalités que n'empêchent pas la mise en place
de pseudonymes. De la manière dont elles sont dépeintes dans les
jeux au peu de place qui leur est laissée dans le monde
compétitif et professionnel, les femmes occupent un rôle au second
plan dans un monde perçu comme celui de tous les possibles. Ce
mémoire propose d'étudier l'influence que peut avoir la vision
qui est retransmise des personnages en jeu sur le quotidien des joueurs aussi
bien au niveau personnel que compétitif ou professionnel. Il questionne
ainsi l'évolution de l'image de la femme au cours des années au
sein des jeux vidéo, les choix qui ont mené à
l'utilisation de ces images et les conséquences qu'elles ont.
Mots clés : Jeu, sexualisation, image, femme,
esport, sexisme, corps, représentation, marketing, jeu vidéo,
égalité
ABSTRACT
The rapid growth of the video game market has made it a center
of interest for the whole world, and today it holds a major place in the
cultural scene. Although recent, modern and seemingly inclusive, it is in fact
the source of many inequalities that are not stopped by the use of pseudonyms.
From the way they are portrayed in games to the little space they are given in
the competitive and professional world, women occupy a secondary role in a
world perceived as one of all possibilities. This dissertation proposes to
study the influence of the vision conveyed of the characters in the game on the
daily life of the players on a personal, competitive and professional level. It
questions the evolution of the image of women over the years in video games,
the choices that have led to the use of these images and the consequences they
have.
Key words : Game, sexualization, image, woman, esport,
sexism, body, representation, marketing, video game, equality
6 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Liste des abréviations
ASMR - Autonomous Sensory Meridian Response : mode de
relaxation basé sur des bruits ou des
paroles chuchotées
CS GO: Counter-Strike - Global Offensive : jeu
vidéo
DLC - downloadable content : contenu additionnel
FPS - First Person Shooter : Type de jeu
GH - Game'Her : Association
HOTS - Heroes of the Storm : jeu vidéo
KDA - Kills, Deaths, Assists : Aperçu des performances
d'un joueur
LAN - local area network : Événement rassemblant
des joueurs
LEC - League of Legends European Championship
LCS - League of Legends Championship Series
LOL : League of Legends : jeu vidéo
MOBA - Arène de bataille en ligne multijoueur
MMORPG - Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur
NPC / PNJ - Non Playing Character / Personnage Non Joueur
PVE - Player versus Environnement
PVP - Player versus Player
PUBG - PlayerUnknown's Battlegrounds : jeu
vidéo
RP - Role Play : incarner un personnage de jeu
SELL - Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs
WIG - Women In Games: Association
WoW: World of Warcraft : jeu vidéo
7 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Glossaire
Boost : Profiter de l'aide d'un joueur ayant un niveau plus
élevé pour acquérir du niveau
supplémentaire ou de l'équipement ou des bonus.
Build : Équipement d'un personnage en jeu
Casual : Manière de jouer à un jeu qui se veut plus
calme et détendue (s'oppose à hardcore ou
tryhard)
Chat (écrit ou vocal) : Lieu d'échange et de
discussion
Doxing : Divulgation des données personnelles
Dps (Damage per Second) : Associé au rôle d'une
personne devant réaliser beaucoup de dégâts dans
une partie.
Egirl : Désigne les joueuses féminines mais est
associé à de nombreuses controverses péjoratives et
est souvent utilisé comme une insulte
Gameplay : Ergonomie du jeu, la façon qu'on a d'y jouer
Gender lock : Fait par lequel les classes ne sont que d'un sexe
et il n'est pas possible de le choisir
Headshot : Action dans un jeu où un tir atteint la
tête de l'opposant. On parle de headshot lorsqu'on tue l'adversaire
très rapidement grâce à ce coup
Kikimeter : Outil permettant de savoir qui a fait le plus de
dégâts dans un groupe
Lead : Associé à la personne qui dirige, qui
commande, qui mène
Loot : Butin qu'il est possible de récupérer dans
le jeu à la suite d'un donjon ou de missions
Lore : Désigne l'histoire du jeu
Meta : Terme utilisé pour désigner des champions ou
des équipements qui sont plus puissants que
d'autres à un moment dans le jeu
PL (Power levelling) : Profiter de l'aide d'un joueur ayant un
niveau plus élevé pour acquérir du
niveau supplémentaire ou de l'équipement ou des
bonus.
Ranked : Version compétitive amateur de nombreux jeux
où il est possible d'acquérir un niveau et de
monter en grade en fonction de son skill
Roster : Effectif, groupe de personnes formant une
équipe
Shoot'em up : Style de jeu où le but est de tirer sur des
ennemis en évitant leurs attaques
Skin : Apparence donnée à une armure ou un
équipement qui diffère de celle initiale Skill :
Compétences d'un joueur aussi bien en jeu que ses compétences en
tant que joueur Split : Désigne un segment dans une compétition
(Summer Split = segment d'été) Stuff : Désigne
l'équipement d'un personnage
8 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Support : Rôle ou type de personnage qui a pour but
d'assister ses alliés en utilisant des sorts de soins, des boucliers ou
des sorts d'immobilisation
Tank : Rôle ou type de personnage ayant pour but de servir
de rempart à son équipe en ayant beaucoup d'armure et de
défense
Trash-talk : Comportement agressif, insultant vers deux personnes
ou de quelqu'un sur un autre joueur (peut découler sur du
harcèlement)
Troll / trolling : Désigne un joueur qui se moque des
autres ou qui sabote volontairement une action de groupe
Tryhard : Essayer d'être le plus performant possible dans
un jeu et se donner au maximum de ses capacités
Stream : Diffusion en direct de ses parties pour que des gens
puissent regarder
World First : Action réalisée par la
première guilde qui réussit à vaincre un boss ZLAN :
Compétition d'esport annuelle organisée par Zerator
9 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Table des matières
Remerciements 3
Liste des abréviations 6
Glossaire 7
Table des matières 9
Introduction 12
1. Étude Théorique 15
|
1.1 Qu'est-ce que le jeu vidéo
|
|
15
|
1.1.1 Origine du jeu vidéo
|
|
15
|
1.1.2 Un marché à l'activité
économique toujours plus développée
|
|
16
|
1.1.2.1 Au niveau mondial
|
|
16
|
1.1.2.2 En France
|
|
17
|
1.1.3 Jeux vidéo et esport
|
|
19
|
1.2 Femmes et jeux vidéo
|
|
21
|
1.2.1 Apparition tardive des femmes dans les jeux
|
|
21
|
1.2.2 Image et représentation dans le jeu
|
|
22
|
1.2.3 Le corps de la femme comme outil marketing ?
|
|
24
|
1.2.4 Joueuses professionnelles et streameuses
|
|
27
|
1.3 Du sexisme au harcèlement
|
|
28
|
1.3.1 Les personnages féminins comme objets sexuels au
sein des jeux
|
|
28
|
1.3.2 Le sexisme
|
|
30
|
1.3.3 Harcèlement et pouvoir de l'anonymat
|
|
33
|
2. Méthodologie et étude empirique
|
|
38
|
2.1. Cadre théorique
|
|
38
|
2.2. Étude qualitative
|
|
39
|
2.2.1 Méthode de contact
|
|
39
|
2.2.2 Les questions
|
|
41
|
2.2.3 Les résultats et les personnes interrogées
|
|
42
|
2.3 Étude quantitative
|
|
43
|
2.3.1 Les questions posées
|
|
44
|
2.3.2 Méthode d'administration du questionnaire
|
|
48
|
2.3.2 Analyse des résultats
|
|
49
|
2.3.3.1 Partie 1
|
|
49
|
2.3.3.2 Partie 2 - Le harcèlement
|
|
50
|
2.3.3.3 Partie 3 - Les personnages en jeu
|
|
55
|
2.3.3.4 Partie 4 - Les choix lors de l'achat d'un jeu
|
|
60
|
2.4 Pour aller plus loin ?
|
|
63
|
3. Analyse
|
|
66
|
3.1. L'image de la femme dans le jeu à travers les
époques
|
|
66
|
3.1.1 La femme objet, un débat toujours d'actualité
?
|
|
66
|
3.1.2 L'évolution de la représentation de la femme
au sein des jeux
|
|
69
|
3.2 La femme dans la société esportive et
ludique
|
|
73
|
3.2.1 Un écosystème qui tend vers la
parité
|
|
73
|
3.2.2 Les ligues féminines sont-elles une véritable
aide pour la place des femmes
|
?
|
75
|
3.2.3 Le harcèlement et la toxicité dans les jeux
vidéo sous couvert d'anonymat
|
|
81
|
3.3 L'image de la femme au coeur de la consommation
|
|
85
|
3.3.1 La vision marketing des entreprises
|
|
85
|
3.3.2 La vision des consommateurs
|
|
88
|
L'image de la femme dans les jeux vidéo
10 / 291
3.4 Culturel et loisirs 92
3.4.1 Un impact des streameuses à double tranchant sur la
communauté des joueuses 92
3.4.2 Comment tracer un chemin vers un monde esportif
égalitaire ? 96
3.4.2.1 Les associations 96
3.4.2.2 Le changement de mentalité dans la
société 97
3.4.2.3 Le rôle essentiel des hommes 99
Conclusion 102
Bibliographie 104
Table des annexes 111
Table des tableaux 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
11 / 291
INTRODUCTION
12 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Introduction
En février 2022, l'association Women In Games
dévoilait son nouveau projet, le Gender Swap. Les personnages des jeux
vidéo les plus emblématiques ont vu leurs positions
inversées, les hommes adoptant les mimiques féminines et
inversement. Il est donc possible de découvrir Batman sous un nouveau
jour, adoptant un déhanché surjoué à faire
pâlir d'envie ainsi que des danses sensuelles qui n'ont pas manqué
de faire réagir. En visualisant ces poses et ces minauderies sur les
personnages masculins plutôt que sur les personnages féminins,
l'association voulait conduire à une prise de conscience du
problème car ce genre de comportement dérange dans les habitudes
dès lors qu'il est adopté par un homme et permet
d'interpeller.
Rendus populaires dans les années 1990, les jeux
vidéo sont des jeux au format électronique permettant une
interaction humaine avec une interface utilisateur ou un dispositif
d'entrée. Ces jeux se divisent en de nombreuses catégories
variant des jeux de tirs, aux jeux d'aventure ou encore de cuisine ou de
maison. Au cours des années 2000, l'esport, à savoir la version
compétitive de ces jeux, prend un véritable essor et acquiert de
plus en plus de notoriété. Dès lors, les jeux se
démocratisent et attirent un public beaucoup plus large notamment
grâce à l'arrivée de nouvelles consoles portables ou de
l'arrivée des jeux sur mobile : les jeux vidéo sont accessibles
partout.
En 2016, une étude conjointement menée par GfK
et le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) montrait que 46% des
femmes jouaient régulièrement aux jeux vidéo, tandis que
ce chiffre n'était que de 10% en 1999. Aujourd'hui, 72% des femmes
jouent aux jeux vidéo et 50% des joueurs sont des femmes. Ainsi, cet
univers qui se voulait très masculin dans ses premières
années s'est en apparence démocratisé. Pourquoi en
apparence ? Si au niveau des loisirs les femmes représentent la
moitié de la population dans les studios de développement elles
ne forment que 22% de la force de travail. Et dans le milieu esportif amateur
et de compétition, ce chiffre tombe à 7% (Forsans, 2022).
C'est pourquoi cette étude s'oriente sur l'image de la
femme dans les jeux vidéo. À travers cette image, on peut
distinguer plusieurs domaines à étudier. Pour commencer, l'image
qui est donnée de la femme à travers les personnages,
c'est-à-dire la façon dont ces derniers sont
représentés et mis en oeuvre. En découle l'image qui est
renvoyée de la femme au quotidien et les répercussions que cela
peut avoir sur la manière de percevoir une femme une fois le jeu
laissé de côté. Enfin, il s'agit de l'image que renvoient
les femmes étant actrices de ce milieu aussi bien en tant que joueuses
que membres d'associations ou d'entreprises. À travers ces
représentations, il s'agit d'analyser si ce qui est montré au
sein des jeux a un impact plus ou moins significatif sur le comportement des
joueurs
13 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
en dehors et si l'image suggestive qui est donnée dans
la plupart donnée est mise en place intentionnellement.
En quoi l'image sexualisée de la femme dans les
jeux vidéo influence-t-elle les joueurs dans leur jeu et dans leur
quotidien ?
En quoi l'image de la femme dans les jeux vidéo,
conditionnée par les représentations genrés dans la
société tout autant que par les stratégies marketing des
entreprises, a-t-elle une influence sur les joueurs ? Quelles sont les causes
et les conséquences d'une représentation sexualisée de la
femme dans les jeux vidéo ?
Ces questions soulèvent de nombreux points à
aborder, auxquels nous tenterons d'apporter un premier élément de
réponse au sein de la literature review ainsi qu'à
l'aide d'une double enquête qualitative réalisée
auprès d'acteurs majeurs de l'industrie du jeu vidéo et
quantitative réalisée auprès d'un échantillon
hétérogène. Enfin, nous utiliserons les résultats
de ces enquêtes pour émettre des hypothèses quant à
l'évolution de l'image de la femme au sein des jeux ainsi qu'à la
place que les femmes se sont créée dans la société
esportive et ludique, avant de s'intéresser à l'image de la femme
qui est au coeur de la consommation des jeux vidéo pour enfin se tourner
vers l'aspect culturel qui s'est développé autour de cette image
depuis des années.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
14 / 291
PARTIE 1 :
ÉTUDE THEORIQUE
15 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
1. Étude Théorique
1.1 Qu'est-ce que le jeu vidéo
1.1.1 Origine du jeu vidéo
« Qu'est-ce que les jeux vidéo ? » Est-il
seulement possible de répondre simplement à cette question ? Bien
souvent considérés comme un loisir, les jeux vidéo sont
aujourd'hui ancrés dans notre société, dans nos
mentalités et font pour beaucoup partie de notre quotidien.
Utilisés comme outil d'apprentissage à l'école ou de
coordination en entreprise grâce à la gamification, les jeux
vidéo sont pourtant encore une source de mystère pour nombre de
personnes.
Pour mieux apprécier ce phénomène, il
convient de comprendre son origine. Celle-ci se révèle
étroitement liée au développement de l'ordinateur. Dans
les années 1950, les ordinateurs ne sont pas ces machines
légères et ultrapuissantes que nous connaissons : il s'agit de
gigantesques blocs prenant parfois des salles entières et sur lesquels
faire fonctionner un programme relevait du miracle ! Alors un jeu ? Pourtant,
dès les années 1950, cette idée d'intégrer des jeux
dans nos écrans fait son apparition (Kent et al, 2001). En 1951, Ralph
Baer, un ingénieur visionnaire, émet l'idée
d'intégrer des jeux dans les téléviseurs. Ce nouveau
concept, encore très vague, est alors rejeté. En 1952, c'est au
tour de Alexander S. Douglas de concevoir OXO, un jeu de morpion avec
un affichage sur écran électronique. Mais l'absence de
réels mouvements et de mise à jour en temps réel
empêche les historiens de le définir comme le vrai premier jeu
vidéo de l'histoire. Cela sera la prouesse réalisée par
les chercheurs William Higinbotham et Robert Dvorak en 1958 lors des portes
ouvertes du laboratoire national de Brookhaven. Tennis for Two permet
à deux personnes de se renvoyer un point de lumière en utilisant
un oscilloscope en guise d'écran (Histoire du jeu vidéo de
1958 à 2021, 2022). La date la plus communément admise est
celle de 1961 avec le développement de Spacewar ! un shoot 'em
up multidirectionnel en deux dimensions où deux astronefs se font face
en tirant sur l'autre véhicule afin de le détruire. Le jeu
fonctionne de base avec des leviers et boutons situés à l'origine
directement sur la machine : est cependant très vite est fabriqué
ce qui est considéré comme la première manette afin
d'améliorer l'expérience de jeu et de permettre une plus grande
liberté de mouvement. En 1972, le Pong d'Atari devient le
premier jeu vidéo assez attractif pour faire parler de lui au niveau du
grand public et donne ainsi le coup d'envoi à l'industrie
vidéoludique. En 1977, Atari sort la première console de salon
qui attire plus de 30 millions de consommateurs. Les jeux sont alors
16 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
très basiques : il s'agit de jeux à points, avec
un challenge demandant un certain dépassement de soi, ce qui crée
un classement et suscite, dès lors, l'admiration. Ce succès
frappe les États-Unis mais dépasse rapidement leurs
frontières pour se rendre jusqu'au Japon, où la Nintendo
Entertainment System (NES) sort en 1983, marquant ainsi le début de
l'hégémonie japonaise sur le monde du jeu vidéo. De la
console aux bornes d'arcade, le Japon développe une large gamme de jeux
tels que Mario, Zelda, Donkey Kong ou encore Final Fantasy
qui seront à l'origine des plus grandes licences connues aujourd'hui. En
1994, Sony lance à son tour sa propre console, la Playstation, capable
d'afficher de la 3D en temps réel : avec 100 millions de ventes en 10
ans, le succès est fulgurant. En parallèle, les ordinateurs
deviennent plus compacts et surtout plus performants. L'apparition du
clavier/souris ainsi que du système d'exploitation Windows ouvrent la
voie aux licences Starcraft, Diablo, Fallout... mais surtout aux
possibilités de jeu en ligne avec la démocratisation des
connexions internet. Peu à peu, le téléphone
apparaît lui aussi comme une plateforme de jeu plus pratique et plus
maniable car utilisable partout et à tout moment. Plus récemment,
la réalité virtuelle est inaugurée et aujourd'hui les
discussions s'orientent sur des univers 100% connectés. Le temps du
simple jeu sur oscillateur est donc bien loin (Egenfeldt-Nielsen et al.,
2013).
Aujourd'hui, les possibilités d'accès aux jeux
vidéo sont très nombreuses. Entre les consoles fixes telles que
la Playstation ou la Xbox, celles portables comme la Switch qui a
révolutionné le mode de fonctionnement des consoles et bien
entendu le développement des ordinateurs de jeu toujours plus
performants, le jeu vidéo est aujourd'hui un pilier de la culture autour
du monde entier.
1.1.2 Un marché à l'activité
économique toujours plus développée
1.1.2.1 Au niveau mondial
Si un secteur a bel et bien pu bénéficier de la
pandémie et des confinements, c'est celui du jeu vidéo qui
pèse aujourd'hui 300 milliards de dollars pour 2,7 milliards de joueurs
dans le monde. Ce chiffre est en constante augmentation et prévoit
d'atteindre les 3,1 milliards de joueurs d'ici fin 2023 selon une étude
publiée par le cabinet de conseil Accenture (Accenture, 2021). Il faut
noter que le monde du jeu ne se résume plus au simple jeu sur ordinateur
ou console. Autour se sont créés des films, des
17 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
séries, des évènements tels que la Paris
Games Week ou l'E3, des musiques, et de nouveaux métiers avec
l'apparition du streaming et de l'esport, à savoir tout un
écosystème faisant véritablement vivre le jeu bien
au-delà des frontières initialement définies.
1.1.2.2 En France
Selon une étude du SELL (Syndicat des Éditeurs
de Logiciels de Loisirs), le marché du jeu vidéo en France
affiche une croissance de +11,3% en 2020 par rapport à l'année
précédente, ce qui représente sa meilleure performance.
Toujours selon cette étude, le chiffre d'affaires de
2020 atteignait les 5,3 milliards d'euros notamment grâce aux nombreuses
sorties de consoles (2,3 millions de consoles), de jeux (27,5 millions de jeux
complets), d'accessoires (près de 7 millions d'accessoires) qui ont
été vendus en masse durant la pandémie. Seuls ou en
famille mais sans possibilité de sortir, les loisirs ont changé
et les objets connectés ont fini par conquérir les derniers
réfractaires. Que cela soit pour garder contact ou passer le temps,
l'ensemble des écosystèmes a connu une croissance monumentale
:
« L'année 2020 fut une année
singulière en raison du contexte sanitaire inédit et d'une
actualité très riche pour le secteur. Le marché du jeu
vidéo a confirmé les grandes tendances que nous avions
identifiées. [...] Cette année a également vu l'essor de
nouveaux usages, comme le cloud gaming, qui constituent de formidables relais
de croissance pour l'industrie. » - Julie Chalmette,
Présidente du SELL
Et aujourd'hui ? Deux ans après le début de
cette pandémie, jamais la France n'a compté autant de joueurs :
au moins 73% des Français jouent de manière occasionnelle et 58%
de manière régulière c'est-à-dire au moins une fois
par semaine. Au total, plus de 32% des joueurs jouent plus qu'avant le
confinement ce qui n'a rien d'étonnant vu le temps que nous avons tous
passé chez nous. Les jeux vidéo sont vus par 61% des joueurs et
joueuses comme une source de lien social permettant de partager un moment entre
amis ou en famille. Les parents sont également bien mieux
informés sur les technologies et les possibilités de
contrôle parental : alors que seulement 32% les utilisaient en 2019, ils
sont 48% en 2021 à s'en servir. La technologie perd peu à peu ce
côté tabou et inconnu pour s'ouvrir à l'ensemble des
âges et des genres. De plus, se crée un réel sentiment
d'appartenance à une
18 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
communauté qui est plus facilement accessible et
surtout très étendue. Plus de 79% des joueurs indiquent ainsi que
les jeux leur permettent de tromper l'ennui mais au-delà de ça,
que les jeux leur procurent un certain bonheur et leur permettent de se
détendre ou de communiquer ou de sortir de leur isolement. Les jeux
vidéo se sont imposés comme une réponse évidente
aux besoins primaires qui ne trouvaient plus satisfaction en raison des
conditions sanitaires.
Il faut surtout noter la part qu'occupent les femmes dans ces
pourcentages : en effet, sur l'ensemble des joueurs réguliers, 47% sont
des femmes et cela concerne 50% des joueurs occasionnels (Fischer &
Lecourtois, 2019). Ce n'est pas la majorité bien entendu mais de plus en
plus de femmes se tournent vers ce domaine jusque-là très
genré. Une question se pose alors : quel est le type de jeux auxquels
jouent les femmes ? Y a-t-il une différence avec les jeux
pratiqués par les hommes et peut-on réellement parler de jeux
vidéo ?
Figure 1: étude SELL/Médiamétrie «
Les Français et le Jeu Vidéo », réalisée sur
Internet du 6 au 27 septembre 2021, auprès d'un échantillon de 4
016 internautes de 10 ans et plus.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
19 / 291
1.1.3 Jeux vidéo et esport
Commençons par définir l'esport. De
manière littérale, cela fait référence au sport
électronique, c'est-à-dire à la pratique
compétitive du jeu vidéo. Dans ce mémoire, nous ne
reviendrons pas sur la question de l'esport comme réel sport ou non.
Michael Wagner définit l'esport comme « an area of sport
activities that includes sport activities in which people develop and train
mental or physical abilities in the use of information and communication
technologies » (Wagner, 2006), à savoir un domaine où
les capacités physiques et mentales sont mises en avant et se
développent dans le but d'être mises en compétition. De la
même manière que les sports traditionnels, les joueurs
s'entraînent pour augmenter leurs capacités, sont coachés
pour fournir des matchs de qualité à l'ensemble des fans et des
spectateurs. De manière générale, le site Dicodusport
définit l'esport comme suit :
« L'e-sport ou sport électronique est un terme
d'appellation récente, qui désigne la pratique sur Internet ou en
LAN-party d'un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d'un
ordinateur, d'une tablette ou d'une console de jeux vidéo. A haut
niveau, il est souvent financé par les sponsors et par les revenus
générés par la diffusion en streaming. »
L'essor de l'esport commence dès la fin des
années 1980 et se répand dans les années 1990 avec
l'apparition des jeux en ligne multijoueur. Dès 1997 apparaît le
premier gros tournoi organisé par Cyberathlete Professional League sur
le jeu Quake. Plus de 2000 joueurs se rassemblent alors jusqu'à
la finale qui se joue en présentiel. La création d'une
fédération officielle en Corée du Sud, la KeSPA en 2000
marque le début de la présence de l'esport parmi les loisirs et
les sports compétitifs. Pour citer Boulland, le monde du jeu a bien
évolué : « en 2019, le cinéma représentait
environ 45 milliards de dollars de recettes, la musique 19 milliards et les
jeux vidéo plus de 150 ».
Plusieurs sortes de jeux compétitifs ont
émergées : des MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) avec
League of Legends ou Dota 2, des FPS (First Person Shooters) avec
Counter-Strike : Global Offensive ou Valorant, des jeux de
stratégie comme Starcraft 2, des jeux de cartes comme
Hearthstone ou Legends of Runeterra ou encore des jeux
sportifs comme FIFA. On recense aussi d'autres types de jeux
compétitifs comme Just Dance : celui-ci demande plus de
capacités physiques que la simple utilisation d'un clavier ou d'une
manette, de la même manière que les sports traditionnels (Hamari
et Sjöblom, 2017). Ces jeux ont engendré des tournois aujourd'hui
mondiaux comme le « World Championship League of Legends »,
l'Electronic Sports World Cup (ESWC), la Major League
20 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Gaming (MLG), la Cyberathlete Professional League (CPL) ou
encore l'Evolution Championship Series (EVO). De plus, il faut noter que
certains de ces tournois comme sur le jeu League of Legends se
tiennent sur l'année entière avec un segment de printemps, un
d'été, des championnats de mi saison, de saison et enfin les
championnats du monde. Il est obligatoire pour les joueurs de maintenir un
rythme sain et un équilibre de vie stricte en suivant des
entraînements de manière régulière.
Aujourd'hui, grâce à des plateformes comme Twitch
ou YouTube gaming, il est beaucoup plus facile de visionner un tournoi ou un
jeu et les streameurs se sont fait de plus en plus nombreux. Cela a permis de
développer l'esport et de le faire connaître auprès de
davantage de monde. De plus, cet engouement attire aussi de grosses marques,
prêtes à signer des partenariats : Coca-Cola, Kia Motors, Red
Bull, Orange font partie des plus gros financeurs de ces compétitions
(Boulland, 2020).
Et aujourd'hui, qu'en est-il de l'esport avec la Covid ? Il
faut bien rappeler que les compétitions et l'esport, ce n'est pas juste
un joueur derrière son écran mais c'est aussi l'ensemble des
fans, des spectateurs, ainsi que des lieux réservés pour
l'évènement, plus l'ensemble des activités et de la
publicité mise en place. Bien que l'aspect en ligne des jeux
vidéo soit un avantage vis-à-vis de cette situation, tout
l'écosystème développé autour du simple jeu a
dû être modifié, annulé ou reporté.
Malgré ces quelques complications, les jeux vidéo sont
aujourd'hui au sommet des loisirs : on peut noter un record d'audience battu
par Twitch en mars 2020 avec plus d'un milliard d'heures de visionnage, mais
aussi un record de connections sur Steam en 2020 avec plus de 23 millions de
joueurs connectés en simultané.
Après une brève introduction du jeu vidéo
et de l'esport, nous allons nous intéresser plus spécifiquement
aux femmes au sein de ces jeux. Celles-ci n'ont fait leur apparition que plus
tard en tant que personnage jouable mais aussi en tant que joueuses
derrière l'écran.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
21 / 291
1.2 Femmes et jeux vidéo
1.2.1 Apparition tardive des femmes dans les jeux
La possibilité nouvelle de choisir des équipes
féminines dans le jeu FIFA 16, annoncée au printemps
2015, a été très médiatisée. Qu'un tel
événement survienne aussi tardivement pour une licence
très connue peut surprendre, mais cela n'est pas si étonnant au
regard du dur parcours qu'ont eu les femmes au sein des jeux vidéo. Les
premiers personnages féminins ont commencé à
apparaître dans les années 1980. Cependant il ne s'agissait pas
d'héroïnes ni même de personnages jouables, mais bien
davantage de demoiselles en détresse, faibles et sans défense,
qu'il fallait sauver ou aider pour réussir une quête ou un niveau.
Le meilleur exemple est Princess Peach dans le jeu Mario qui attend
seule dans son château que le petit plombier vienne à sa
rescousse. En 1982, Namco sort le jeu Mrs Pacman où le
personnage est une jeune fille, marquant la volonté d'attirer plus de
femmes dans les salles d'arcade (Micheli-Rechtman et Balzerani, 2008).
Celle que l'on considère comme la première vraie
héroïne de jeu vidéo et surement celle la plus connue encore
aujourd'hui est Lara Croft. Apparue dans le jeu Tomb Raider sorti en
1996, cette célèbre archéologue est encore aujourd'hui
l'icône féminine des jeux vidéo. Bien qu'à l'origine
de nombreuses polémiques, notamment sur sa sexualisation
exagérée en raison de son physique avantageux, c'est cependant
une révolution pour les femmes qui peuvent désormais elles aussi
s'identifier au personnage principal d'un jeu. C'est le premier avatar
féminin à apparaître au cinéma, dans des
publicités, en bref dans un cadre tout autre que le jeu vidéo.
Fort heureusement, depuis Lara Croft, de nombreuses autres
héroïnes ont vu le jour et on a pu voir apparaitre des femmes
courageuses ou aguerries avec de réelles capacités et du
caractère et non plus une simple vision subjective de la femme. Par
exemple, Elena Fisher dans Uncharted, Senua dans HellBlade ou
Ellie dans Last of Us sont des femmes fortes qui mènent le
scénario de bout en bout avec brio, à la force
émotionnelle gigantesque leur permettant de se sacrifier pour sauver
tout le monde. Cela vient nettement trancher avec l'image de la demoiselle en
détresse attendant que le monde entier se mette à ses pieds pour
la sauver.
22 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Selon une étude réalisée en 2017,
l'ensemble du contenu des magazines de jeux vidéo, des sites
spécialisés, des jeux en eux-mêmes ou des jackets de jeux
ne représente qu'à peine les femmes par rapport aux hommes ou aux
créatures non humaines (Gestos, Smith-Merry et Campbell, 2018). Et bien
que leur nombre ait augmenté au fur et à mesure des
années, celles-ci sont le plus souvent hypersexualisées
même dans des situations qui ne s'y prêtent pas comme nous pouvons
le voir avec le cas de Lara Croft.
1.2.2 Image et représentation dans le jeu
Depuis l'arrivée des femmes au sein des jeux
vidéo dans les années 1980, de nombreux stéréotypes
se sont succédé. Les concepteurs ont voulu cibler un public
féminin en mettant en avant des héroïnes mais leur octroyer
un corps hyper sexualisé pour convenir au public masculin (Hess, 2021).
Pour les femmes, cela passe « par le biais de vêtements
révélateurs, des mensurations irréalistes avec des
poitrines démesurées et des corps exagérément
minces, siliconés, des poses lascives et des voix séductrices
» (Hess, 2021). Les personnages masculins sont quant à eux
musclés, virils, forts afin que les hommes puissent s'y identifier. Ces
représentations placent le personnage féminin dans une position
d'objet du male gaze théorisé par Laura Mulvey (1975) : une femme
sera souvent davantage dénudée qu'un homme pour le même
type d'armure portée et bien plus sexualisée.
Revenons sur Lara Croft. Cette héroïne est aussi
bien admirée pour avoir été la première figure
féminine dans un jeu, que critiquée pour son physique aux
mensurations disproportionnées :
"Si on regarde les articles qui ont été
écrits sur Lara Croft dans la littérature scientifique ou les
commentaires qui en ont été faits dans les milieux
féministes, il existe vraiment deux versants : la moitié des
publications fustigent Lara Croft en indiquant que c'est une cyber-bimbo et la
moitié des articles l'encensent justement pour montrer qu'elle est
archéologue, que c'est une aventurière, qu'elle a fait des
études, qu'elle est indépendante, etc." - Marion Coville,
chercheuse en études de genre et de technologie (Femmes,
minorités... Qui le jeu vidéo représente-t-il ?
2020).
23 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il convient de s'interroger sur la question du corps
féminin dans les arts visuels. Lara Croft possède un corps aux
dimensions de mannequin, siliconé, elle est jeune, intelligente et jolie
(Micheli-Rechtman et Balzerani, 2008). Le choix d'une femme comme protagoniste
est vu comme particulièrement novateur car c'est l'une des
premières fois que la femme n'est pas seulement le personnage à
sauver mais qu'elle incarne le centre de toute l'aventure. Tomb Raider
avait d'ailleurs été pensé pour être un jeu
avec un personnage masculin mais le risque de plagiat sur Indiana Jones
est apparu comme trop grand c'est pourquoi les développeurs ont eu
l'idée de créer cet avatar féminin. C'est donc un choix
par défaut qui a fait grandement changer et avancer la place de la femme
dans les jeux vidéo.
Dans le jeu, le joueur dispose d'une femme comme il
disposerait d'une poupée. Elle fait preuve d'une docilité
à toute épreuve en exécutant tous les ordres qui lui sont
donnés, engendrant ainsi un plaisir de commander et de se voir
obéir de la part du joueur qui contrôle le personnage. Elle expose
un corps parfait, quasi « alien », qui devient un véritable
objet de désir pour tous les joueurs. Par ailleurs, le tour de poitrine
de Lara, qui est l'objet de la plupart des controverses, résulte en
réalité d'une erreur : lors d'une manipulation 3D, le designer
Toby Gard augmente par erreur son tour de poitrine de 150%, ce qui l'amuse : il
choisit donc de lui conserver cet aspect. Le personnage de Lara Croft a donc
malgré tout été pensé pour attirer des joueurs
masculins avant tout grâce à son physique (Checola, 2012) .
Dans les jeux vidéo, la femme est bien souvent
montrée comme une demoiselle en détresse, ayant besoin d'aide et
d'être secourue par le héros masculin. Le stéréotype
de la demoiselle en détresse s'accompagne d'autres schémas : en
1999, la scénariste Gail Simone parle de « femme dans le
réfrigérateur » pour décrire « la tendance
à faire subir aux personnages féminins de comics des
brutalités ou des meurtres dans l'objectif de faire évoluer l'arc
narratif du personnage masculin » (Planques, 2017). Elle utilise ce terme
à la suite du Comic 54 de Green Lantern où la femme du
héros est tuée et placée dans un
réfrigérateur, ce qui va faire évoluer de manière
impressionnante le personnage masculin. De manière
générale, il est clair que les jeux vidéo
véhiculent les stéréotypes menant à la
sexualisation de la femme. Ceux-ci ont un impact non négligeable sur les
femmes dans la vie réelle.
Pour autant, une étude réalisée par Lynch
et al. (2016) montre que l'industrie du jeu vidéo réagit aux
critiques et surtout celles centrées autour de la sexualisation. Selon
une analyse réalisée sur
24 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
de nombreux jeux vidéo parus entre 1990 et 2010, des
jeux extrêmement sexualisés sont apparus entre 1990 et 2000 mais
à partir de 2006 on observe une très nette baisse de cette
sexualisation. Ils associent cela à un intérêt croissant
des femmes pour les jeux vidéo ainsi qu'à des critiques toujours
plus virulentes. En revanche, le graphique ci-dessous montre une recrudescence
des personnages sexualisés très nette en 2012 et qui semble
continuer à croître par la suite.
Figure 2: Sexualisation moyenne des personnages par
année de sortie - Female Game Characters across 31 Years
Par conséquent, le corps de la femme n'a pas
été totalement éloigné de cette vision
sexualisée, il y a donc eu des progrès mais à quel point ?
Peut-on, au contraire parler de régression et d'utilisation du corps de
la femme ?
1.2.3 Le corps de la femme comme outil marketing ?
Dans l'iconographie contemporaine, le corps humain est souvent
sexualisé (Élongué, 2019). Un beau corps est bien plus
vendeur qu'une créature avec des formes peu avantageuses. C'est
pourquoi, bien que la représentation sexualisée des corps
féminins puisse pousser au débat, il
L'image de la femme dans les jeux vidéo
faut réaliser que cette sexualisation a avant tout un
intérêt économique. Dès lors, au-delà de la
simple question économique, serait-il possible de d'utiliser cette
sexualisation pour sensibiliser les gens à la question du corps de la
femme, ses droits et ainsi la revaloriser ? Ou n'est-ce seulement qu'un outil
marketing auprès des médias ? (Hess, 2021).
Il suffit de s'intéresser aux jeux vidéo qui
sont aujourd'hui sur le marché. Quelle est la stratégie
employée par les entreprises pour les vendre ? Le fond, l'histoire ou
bien plutôt la forme afin d'attirer plus aisément le regard ?
C'est notamment le cas de nombreux MMORPG qui ont des personnages
féminins très sexy et attirants alors que leurs homologues
masculins sont eux en armure complète. C'est ce qui est mis en avant de
manière humoristique sur la chaîne YouTube Viva La Dirt
League où les acteurs incarnent des personnages au sein des jeux
vidéo. L'une de leurs vidéos intitulée « Female
armour in video games » met en évidence le côté
absurde des tenues que portent les femmes : la joueuse souhaite
améliorer son équipement et la tenue qui lui est proposée
est un simple soutien-gorge. Celle-ci s'insurge « comment est-ce
censé me protéger ? »
Figure 3: Extrait d'une vidéo humoristique - «
Female armour in video games - Equality » de Viva la Dirt League,
2017
Dans les jeux peu importe, ce qui compte c'est de brandir le
côté sexy et attirant de la femme pour donner envie de jouer.
Comme vu précédemment, le corps féminin apparaît
comme un art visuel mais aussi comme une source de désir et d'envie. Les
hommes peuvent ainsi manipuler à leur guise le corps d'une femme souvent
presque dénudé et les femmes peuvent s'associer à une
sorte d'idéal.
25 / 291
De la même manière, l'un des jeux les plus connus,
le MOBA (Arène de bataille en ligne
26 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
multijoueur) League of Legends a utilisé
certains de ses personnages féminins pour créer un engouement
autour de ces derniers et pour promouvoir davantage le jeu. On pense notamment
au groupe de musique fictif K/DA formé par quatre, puis cinq personnages
féminins de League of Legends. Ce groupe a tout d'abord sorti
des musiques qui ont donné des posters, des goodies, des
publicités etc (Duneau, 2020). Riot Games, la firme derrière le
jeu, avait pour habitude de produire des musiques chaque année pour
promouvoir le championnat du monde mais elle avait tenu à marquer le
coup pour avec un groupe complet. C'est aussi le personnage Qiyana qui a
été utilisé pour un partenariat exclusif avec Louis
Vuitton pour créer une ligne de vêtements spéciale pour
League of Legends. Bien entendu, cela a contribué à
faire connaître le nom du jeu au-delà de la sphère du
gaming en touchant le milieu du luxe et de la mode.
« Beaucoup de personnes nous demandaient pourquoi
nous investissions autant de ressources pour faire de la musique. Mais pour
nous c'était une façon excitante de mettre en avant notre jeu et
nos personnages. La sortie de la chanson d'Imagine Dragons a été
un moment déterminant, quand on s'est aperçus à quel point
ç'avait galvanisé les fans du jeu. » Toa Dunn,
directeur de Riot Games Music
Comment justifier cet engouement ? Bien que l'objectif premier
de l'éditeur soit de créer un univers pour ses personnages,
l'entreprise est aussi source de profit aussi bien grâce aux musiques,
qu'aux produits vendus dans le jeu comme les skins, des sortes de
costumes pour les personnages allant de 10 à 20 euros. On retrouve aussi
des partenariats avec des jeux comme Beat Saber ou Just Dance. Mais pourquoi
K/DA a-t-il mieux fonctionné que Pentakill, True Damage ou les autres
musiques réalisées par Riot ? La plus connue, Warriors,
interprétée par Imagine Dragons, cumule 300 millions de vues
comparé à 400 millions de vues pour POP/Stars en bien moins de
temps. Ce succès pourrait être dû à l'aspect
exclusivement féminin du groupe K/DA à l'ensemble des campagnes
marketing qui ont été réalisées autour de
celui-ci.
Le corps de la femme est vendeur et permet d'ériger de
nouveaux produits ou marques ou de faire la promotion pour le lancement d'un
jeu. Mais cela véhicule de nombreux stéréotypes et qui
à priori ont des conséquences pour les joueuses professionnelles
et les streameuses. Une question se pose : les femmes sont-elles actrices de
ces stéréotypes et cela a-t-il des conséquences sur leur
profession de streameuses ou de joueuses professionnelles ?
L'image de la femme dans les jeux vidéo
27 / 291
1.2.4 Joueuses professionnelles et streameuses
Les femmes ont toujours été moins
représentées dans le monde sportif que les hommes. Et c'est le
cas pour le monde esportif : les équipes féminines sont rares,
moins valorisées et moins bien payées. Pourtant, selon
l'étude du SELL publiée en 2020, 47% des joueurs sont des femmes.
On pourrait donc s'attendre à retrouver les mêmes chiffres dans
l'esport surtout qu'à la différence du sport, le caractère
physique, argument souvent pointé comme raison aux différences
entre les sexes, n'entre pas ici en compte.
Lors de la rencontre « Esport & Mixité »
ayant eu lieu en 2018, la conférence introductive réalisée
par le cabinet PwC a présenté un graphique sur les femmes «
engagées » dans l'esport ainsi que les compétitrices. La
première catégorie désigne les femmes visionnant des
streams, étant spectatrices lors des conventions et les joueuses et
s'élève à 22%, la seconde désigne les femmes
inscrites en LAN (compétitions) avec un taux de seulement 5%. Peu de
conventions ont été prises en compte pour cette étude mais
elle est tout de même révélatrice de la
réalité à savoir que dès qu'il s'agit de
compétitions les femmes sont moins présentes. La première
explication vient du fait que sur les 47% de joueuses sont aussi incluses les
joueuses sur mobile ou les joueuses de jeux de bureau comme le solitaire ou
démineur qui n'ont pas d'aspect compétitif.
Quelles sont les autres raisons qui ont poussé les
femmes à se tenir en retrait des compétitions ? Comme le souligne
Borkowski dans son mémoire de recherche, les joueurs (masculins)
émettent plusieurs arguments : « niveau plus faible, une attirance
moins forte pour la compétition, une appréhension à aller
en compétition en tant que joueuse, de faire face aux regards masculins
». Ces arguments se positionnent dans une continuité logique de
sexisme issu en partie de l'image qui est donnée des femmes dans les
jeux, à savoir des créatures faibles et démunies, et en
partie de conceptions sexistes hors des jeux. Pourtant, PwC montrait dans son
étude de 2016 que 22% de femmes s'intéressent à l'esport
pour 18% d'hommes. C'est donc bien au niveau de la participation aux
compétitions en termes d'appétence et d'attrait qu'il y a une
différence.
Par ailleurs, malgré l'absence de distinction physique
au niveau des jeux vidéo et le fait que sur le papier les ligues
d'esport soient mixtes, celles-ci sont en réalité quasiment
toutes composées
28 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
d'hommes. Elles n'ont donc de mixtes que le nom et voient
l'émergence de ligue féminines. Ces ligues sont à double
tranchant : elles permettent à plus de femmes d'accéder à
la scène compétitive mais elles sont bien moins
légitimées et n'offrent que très peu de perspectives de
carrière ou la possibilité d'en vivre de manière
durable.
1.3 Du sexisme au harcèlement
1.3.1 Les personnages féminins comme objets sexuels
au sein des
jeux
Quel meilleur exemple que celui de Lara Croft pour pointer du
doigt à quel point les femmes sont vues comme des objets sexuels au sein
des jeux ? La blogueuse Mar_Lard, qui tient le blog Genre ! met en
lumière un article de 2012 du magazine Joystick intitulé
« Tomb Raider, fini l'innocence : Lara a vu le loup ».
Dès le titre, il y a déjà une connotation sexuelle
qui s'adresse à un public mature et plus âgé. Dans son
article, Mar_Lard montre comment « la culture du viol se mêle
à une critique d'un titre de jeux vidéo en esthétisant
l'agression d'une célèbre héroïne de jeu vidéo
» (Soler-Benonie, 2018). Lara Croft n'est plus une
archéologue. Il s'agit ici d'une « donzelle plus faible, plus
fragile et vulnérable [avec] une paire de tétés pointus
qui a émoustillé le jeune adolescent [qu'il] était au
siècle dernier » (Marlard, 2012).
Figure 4: Couverture du magazine Joystick,
été 2012
Outre la couverture, l'article en lui-même vient comparer
notre héroïne de jeux vidéo à des
29 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
articles pornographiques. Pour citer ce dernier : «
Et tant pis si pour aboutir à un résultat séduisant, il
faut malmener l'héroïne autant que peut être une actrice de
gonzo SM ». Ce type de pornographie a la particularité
d'être très violent et machiste : la femme y est simplement
soumise aux désirs de l'homme quels que ceux-ci puissent être.
Ici, non seulement Lara Croft est vue comme un objet de plaisir, mais en plus
nous faisons face à une apologie du viol car cette femme est trop forte
et trop sure d'elle dérange. Comment a-t-on pu passer d'une
archéologue, certes sexy mais dont le but premier est l'aventure,
à un simple objet de désir provoquant un « calvaire
charnel » (Marlard, 2012) pour toute personne la regardant ?
Sous-entendre une normalité dans le viol et le non consentement et
surtout souligner que « c'est assez excitant » (Marlard, 2012)
participe d'une érotisation et d'une banalisation des violences
sexuelles.
L'exemple le plus choquant de cette normalisation est celui du
jeu Rape Day, traduit littéralement par la journée du
viol (Élongué, 2019). Ce jeu produit par Valve au début de
l'année 2019 proposait aux joueurs de contrôler les choix d'un
sociopathe en violant et tuant des femmes en pleine apocalypse zombie. Le
descriptif du jeu est très clair :
« Harcelez verbalement, tuez et violez des femmes
pour progresser dans l'histoire. C'est un monde dangereux et sans
règles. Les zombies aiment manger la chair des humains et les violer
avec brutalité mais vous êtes le violeur le plus dangereux de la
ville »
Il ne s'agit même plus de simple banalisation. Pour le
créateur, 4% de la population est composée de sociopathes
à qui un jeu tel que celui-ci pourrait plaire. Il affirme son
désir d'y jouer et l'avoir créé pour cette raison. Ce jeu
est tordu et pervers mais vient s'inscrire dans la lignée de plusieurs
jeux de ce style de la part du studio Valve comme Gynophobia, un jeu
de tir où le héros est un homme misogyne qui doit tuer des femmes
hideuses. Face à la pression médiatique, Steam a finalement
choisi de retirer le jeu de sa plateforme, quelques jours avant la
journée internationale des droits des femmes, mais le manque de
réaction et de modération pour un jeu portant à ce point
atteinte aux femmes n'a pas manqué de faire réagir (Audureau,
2019).
Bien que certains jeux comme Mortal Kombat (1992 -
2019) ou Street Fighter (1987 - 2017) représentent toujours
cette hypersexualisation de la femme avec des personnages portant des tenues
absurdes vis-à-vis des actions réalisées, de
manière générale la sexualisation du corps
30 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
féminin a eu tendance à diminuer ces
dernières années, avec des tenues plus correctes et des
rôles plus importants. Pourtant l'affaire est loin d'être
réglée quand on prend l'exemple du MMORPG Black
Desert Online. La figure 4 ci-dessous propose un exemple
des tenues féminines et masculines au sein du jeu. Il existe d'autres
styles de tenues pour les deux sexes mais les tenues féminines sont
à 85% des tenues sexy et provocantes plus que de réelles armures.
À contrario, l'esthétique est souvent mise de côté
pour les personnages masculins ce qui est aussi critiquable.
Figure 5: Tenues féminines et masculines
dans Black Desert Online
1.3.2 Le sexisme
En 2016, une étude réalisée par Allison
McDaniel montrait que dans les FPS, 75% des femmes subissent du
harcèlement lors de leurs parties au travers de remarques, insultes ou
comportements sexistes. De manière plus générale, 63% des
joueuses se sont déjà fait insultées en raison de leur
sexe. Par ailleurs, parmi les soixante-seize jeux présentés
à l'E3 (Electronic Entertainment Expo) entre 2015 et 2019, 7% d'entre
eux possèdent un personnage principal exclusivement féminin
tandis qu'on observe un taux de 32% pour les personnages masculins.
Au-delà du simple personnage comme objet sexuel dans
les jeux, c'est aussi tout ce qui est créé autour de ces
personnages qui prête au débat. Par exemple en 1993, pour faire la
publicité du jeu Davis World Cup,
c'est une femme en tenue très légère, montrant ses
fesses qui est affichée
31 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
sur la publicité.
Figure 6: Publicité pour Davis Cup World Cup, sur
Megadrive en 1993
En 2001, un nouveau jeu fait son apparition : Beach
Spikers. Au sein de ce jeu, seules des avatars féminins sont
proposés. En théorie, cela peut faire croire à une
avancée considérable pour l'image des femmes. Mais à
nouveau les femmes sont à peine vêtues, avec des allusions
érotiques et sexuelles à n'en plus finir. Le paroxysme est
atteint avec Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball en 2003 où
le concept est plutôt simple : habiller et photographier des femmes sous
n'importe quel angle et dans n'importe qu'elle position. Un autre exemple de
dérive est celle du jeu Disco Elysium dans lequel le personnage
principal est une fois de plus un homme blanc mais pour une fois celui-ci n'est
pas un héros doté de toutes les qualités, il s'agit ici
d'un alcoolique qui a oublié jusqu'à son nom. Lorsqu'au fur et
à mesure du jeu il découvre la démission d'une serveuse
à cause d'avances d'un barman, si on continue la conversation en
défendant la femme, cela permet alors de débloquer un bonus
ironiquement intitulé « Inexplicable agenda féministe
».
Une étude menée sur de vingt-deux publications
mettant en avant les femmes dans les jeux vidéo (Gestos, Smith-Merry et
Campbell, 2018) montre que l'objétisation de la femme au sein des jeux
entre en corrélation avec les attitudes sexistes ainsi que la culture du
viol (ce qui consiste à accepter et tolérer le viol, tout du
moins de le passer sous silence). Cela engendre de lourdes conséquences
sur la vie réelle modifiant le regard des hommes envers les femmes et
aboutissant à des attitudes malsaines et devenant presque naturelles
pour eux. Un comportement
32 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
sexiste visionné de manière
répétée dans un jeu vidéo peut conduire à le
reproduire dans la vie réelle (Fox et Potocki, 2016).
Par ailleurs, l'industrie du jeu vidéo a joué un
rôle dans ce sexisme avec l'apparition des « jeux pour filles »
avec des sessions de jeux courtes et occasionnelles souvent de cuisine,
d'aménagement ou de coiffure (Marion Coville). Ces jeux
stéréotypés apparaissent comme une continuité avec
les jouets pour enfants genrés comme les barbies ou les petites voitures
qui ont depuis des années été labellisées comme des
jeux pour garçons ou pour filles. De plus, en 2017, la
société Quantic Foundry a réalisé une étude
pour étudier la part d'hommes et de femmes pour chaque catégorie
de jeux vidéo. Les jeux de type Match 3, c'est-à-dire des jeux
comme Candy Crush, attirent des femmes à hauteur de 69%, de
même que pour des jeux de simulations agricoles ou de vie de famille. Ces
jeux sont appelés des jeux « casuals ». Et bien que
présentes jusqu'à 42% dans les autres types de jeux, elles ne
représentent plus la majorité.
Figure 7: Graphique de Quantic Foundry sur la
démographie au sein des jeux
Ayant pris pour habitude d'associer les femmes aux
tâches ménagères, celles-ci ont tout naturellement
été associées aux rôles de support dans beaucoup de
jeux, c'est-à-dire aux classes utilisées pour soigner et servir
de soutien à l'équipe. De la même manière, il est
impensable
33 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
pour beaucoup qu'une femme puisse monter de niveau seule dans
un jeu, le postulat est qu'elle a eu besoin d'être accompagnée et
aidée. La plupart des femmes sont considérées comme des
« fausses joueuses », des joueuses qui sont seulement là pour
attirer l'attention et recevoir des faveurs.
Il faut toutefois noter des évolutions : le jeu
Horizon Zero Dawn a connu l'un des meilleurs lancements sur
Playstation et met en avant une héroïne peu sexualisée,
c'est une chasseuse agile et fluide, furtive et combative (Bohler, 2017). Le
jeu est apprécié pour l'histoire et la narration, pour les choix
qu'il nous permet de faire. Il est incarné par un symbole féminin
qui cherche son identité tout en aidant les autres quel que soit leur
statut. Elle est admirée pour ses capacités et est un
modèle inspirant auquel on peut s'identifier.
1.3.3 Harcèlement et pouvoir de l'anonymat
Malgré des changements encourageants comme le montre la
sortie du jeu Horizon, les mentalités des joueurs restent
largement affectées par une perception genrée des rapports
homme-femme et une certaine idée de la place des femmes dans les jeux.
Bien que la moitié des joueurs soient en réalité des
joueuses, ces dernières restent la cible d'insultes, de
harcèlement et de préjugés qui découlent pour une
partie de comportements calqués sur ceux des personnages masculins dans
les jeux et pour une autre partie des rapports sociaux de genre dans lesquels
nous sommes immergés.
Ce sexisme grandissant a atteint un paroxysme avec le hashtag
#1ReasonWhy qui dénonce le sexisme et le harcèlement que
subissent les femmes dans l'industrie du jeu ainsi que le hashtag #gamergate
qui expose une culture misogyne en place depuis de nombreuses années
(Dewey, 2014). Deux camps se font face : l'un principalement composé de
femmes travaillant dans l'industrie du jeu et militant pour plus
d'égalité concernant notamment les salaires et la manière
dont elles sont considérées, et l'autre d'une population à
tendance traditionnaliste, le plus souvent misogyne, et pour certains ne
supportant pas l'introduction des femmes dans leur soi-disant univers. C'est
une opposition entre un ancien et un nouveau mode de fonctionnement qui
était recevable jusqu'ici mais dont les contradictions sont de plus en
plus visibles avec les
34 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
évolutions sociétales contemporaines. Ce
scandale débute à la suite d'accusations envers Zoe Quinn, une
créatrice de jeu accusée d'avoir échangé des
services sexuels contre une couverture médiatique pour son jeu. Ces
accusations se sont révélées fausses, dictées par
la jalousie et par un désir de vengeance envers Quinn. À la suite
du Gamergate une peur s'installe d'être encore plus harcelée car
certaines ont osé prendre la parole.
« Ce que je tiens à dire, c'est que la
prolifération d'images de moi nue, de menaces de mort, de vandalisme, de
publication d'informations personnelles sur mes amis trans (...), la
divulgation de mon adresse postale, les menaces de viol, les memes de moi en
prostituée, les incitations à me suicider, les insultes en tout
genre (...), tout ça, est inexcusable et continuera d'arriver aux femmes
tant que cette culture ne changera pas. Je ne suis certainement pas la
première. J'espère que je pourrai être la dernière
» Zoe Quinn sur son compte Twitter, 2014
À la suite de ces mouvements, une certaine prise de
conscience a pu être observée. Des plateformes comme Twitch ont
présenté leurs excuses pour ne pas avoir agi plus tôt et
ont promis de mettre en place plus de règles et de cadres. D'autre part,
certaines personnes mises en cause ont présenté des excuses
publiques, assurant ne pas avoir pris conscience de la gravité de leurs
actes. La simple prise de conscience est déjà une avancée
importante quand on sait à quel point la culture du jeu vidéo est
machiste.
Au niveau des entreprises, Ubisoft est l'exemple le plus
parlant en raison de nombreuses affaires de harcèlements et d'agressions
sexuelles au sein de ses équipes. Après le mouvement #MeToo, ces
témoignages ont été largement entendus et certaines
mesures ont été prises. Certains dénoncent même
parfois un laxisme vis-à-vis des accusations émises. En effet,
plusieurs femmes ont publié leur histoire, ce qu'il leur était
arrivé avec des collègues, des supérieurs, des
journalistes, aussi bien des avances ou des remarques déplacées
que du harcèlement continu pouvant parfois aller jusqu'au viol. Le plus
grave est que nombre de cadres de l'entreprise étaient au courant mais
avaient gardé le silence, dans un contexte de culture d'entreprise
toxique et négative qui valorise le harcèlement jusqu'à le
voir comme un signe de pouvoir.
De la même manière, Activision Blizzard a
été accusé de favoriser le harcèlement en
contribuant à des carrières inégalitaires. Des avances,
des commentaires sexistes ou encore des attouchements étaient le
quotidien des collaboratrices de l'entreprise c'est pourquoi le
35 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Department of Fair Employment a décidé de
déposer plainte.
Ces réflexions permettent de faire émerger une
question : y a-t-il un rapport entre les jeux vidéo hyper
sexualisés et le harcèlement sexiste en vigueur en leur sein ?
Plusieurs études ont souligné les conséquences
négatives à observer et manipuler une femme qui ne sert que de
décor en petite tenue. Une étude de Dill, Brown et Collins (2008)
analyse les conséquences des jeux vidéo sur les genres et donc le
harcèlement souvent subi par les femmes ou les personnes LGBT. Le
principe de l'étude est simple : il s'agit de montrer à des
hommes des photos de personnages très sexualisés dans un jeu
vidéo ainsi que des photos de personnes dans leur environnement
professionnel. Par la suite ces personnes étaient interrogées sur
le harcèlement sexuel et ce qu'ils en pensaient. Il est
avéré que le fait d'avoir été mis au contact
d'images suggestives les a rendus plus enclins à tolérer voire
à accepter ce harcèlement. Face à ces images où la
femme est vue comme inférieure à l'homme, les auteurs notent deux
types de réactions et soulignent leur dimension genrée : pour les
hommes il s'agit de laisser les femmes à leur place tandis que les
femmes s'élèvent contre cette injustice et cherchent à se
faire entendre. Enfin, l'étude montre qu'une exposition à long
terme à ce genre de représentations encourage un comportement
plus tolérant vis-à-vis du harcèlement.
Figure 8: Étude du cabinet
Accenture
L'anonymat contribue très largement à ce
harcèlement : pour 92% des personnes, Internet leur permet d'être
plus critiques que dans la vraie vie (Wright et al., 2002). Les harceleurs
peuvent en effet se cacher derrière un pseudonyme et ne jamais avoir
à faire face aux conséquences dans la vie réelle. Une
étude concernant la manière dont les gens se comportent dans les
jeux vidéo
36 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
montre par ailleurs que des comportements comme le trash-talk,
c'est-à-dire le fait de particulièrement mal parler à une
personne, est toléré dans les jeux alors que ça ne serait
pas en situation réelle. De la même manière, l'étude
du cabinet Accenture déjà citée montre que 44% des joueurs
considèrent les jeux vidéo comme une bonne plateforme pour se
défouler et « trash-talk ». Harcèlement et
représentation stéréotypée des femmes dans les jeux
vidéo semblent donc bel et bien liés.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
PARTIE 2 :
METHODOLOGIE ET ETUDE EMPIRIQUE
37 / 291
38 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
2. Méthodologie et étude empirique
Dans cette partie, nous allons étudier la
méthode employée pour réaliser l'analyse qui va suivre et
répondre à la problématique posée au début
de ce mémoire.
Nous reviendrons d'abord sur le cadre théorique de
cette étude à l'aide des éléments identifiés
dans la première partie, avant de nous concentrer sur la manière
choisie pour réaliser cette étude. Nous soulignerons aussi la
façon dont l'étude qualitative nous a amenée à
réaliser une étude quantitative afin de mieux analyser tous les
aspects de ce sujet.
2.1. Cadre théorique
L'objet de cette étude est de montrer en quoi les
consommateurs et les joueurs sont influencés ou non par l'image qui leur
est renvoyée de la femme dans les jeux vidéo. Il s'agit donc de
savoir si leur comportement varie en fonction de leur exposition à des
jeux genrés et sexistes, aussi bien dans leur manière de
percevoir les joueuses que les femmes dans le milieu professionnel. Nous nous
intéresserons plus particulièrement à
l'omniprésence du harcèlement et de la toxicité dans le
monde du jeu et aux mesures qui sont prises au fil du temps pour y pallier.
Il nous importe également d'établir si les
consommateurs sont influencés dans leurs choix d'achat d'un jeu en
fonction du marketing qui en est fait autour de l'image de la femme ou s'ils
sont influencés par d'autres facteurs.
Notre problématique ainsi que ses axes de recherche
nous ont menés vers une étude qualitative afin d'interroger
plusieurs acteurs du monde du jeu au cours d'entretiens axés autour
d'une dizaine de questions. Chaque entretien est fait de manière
individuelle ou avec deux personnes dans le cas d'associés dans le but
de bien séparer l'ensemble des thèmes, des métiers et des
domaines. Les questions portent sur la personne puis sur sa manière de
percevoir la femme dans le jeu vidéo ainsi que sur les
conséquences de cette perception dans le monde du jeu et de l'esport.
Certaines questions évoquent également les cas de
harcèlement et les mesures mises
39 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
en place pour remédier à cette situation. Enfin
une partie est consacrée au désir des entreprises d'orienter les
choix des consommateurs dans leur stratégie d'achat.
2.2. Étude qualitative
Afin d'avoir un panel et un résultat les plus
intéressants possible, j'ai choisi d'interroger en priorité des
personnes directement liées au monde du jeu. Pour cela, j'ai d'abord
contacté l'ensemble des personnes que je connaissais et qui pouvaient
avoir le temps de me répondre. J'ai choisi de me concentrer sur la
scène française car les réseaux et les habitudes sont
différents d'un pays à l'autre et l'étude en France me
paraissait plus pertinente pour étudier ce sujet. Bien
évidemment, tous les jeux ne sont pas français et la plupart sont
diffusés dans le monde entier, mais c'est bien la perception des
personnes interrogées que nous voulons ici étudier.
2.2.1 Méthode de contact
J'ai donc construit un tableau Excel avec l'ensemble de mes
contacts, par catégorie, les joueurs, les joueuses, les joueurs et
joueuses professionnels, les streameuses et streameurs, les associations, les
entreprises et les personnalités autres.
Je les ai contactés au travers de LinkedIn, Twitter ou
par mail en fonction de ce que j'ai pu trouver sur les différents
réseaux afin d'organiser des entretiens d'environ une heure avec chacun
pour leur poser mes questions. Mon but n'était pas du tout d'avoir une
discussion
40 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
cadrée, fixe avec chaque personne, mais plutôt un
échange libre où la personne interrogée pouvait parler de
ce qu'elle souhaitait tant que bien sûr nous restions sur le sujet
principal.
Afin d'élargir mes contacts dans le monde du jeu et
surtout obtenir des contacts plus diversifiés, j'ai également
effectué un post LinkedIn demandant si certaines personnes seraient
disponibles et intéressées pour échanger avec moi sur le
sujet. À ma grande surprise, ce post a eu énormément de
réactions et j'ai donc eu des retours de la part de nombreuses personnes
travaillant dans l'industrie du jeu vidéo et de l'esport. J'ai
grâce à cela pu interroger un large éventail de personnes,
parmi lesquelles une cosplayeuse, des auto-entrepreneuses, des journalistes,
des rédacteurs, ou encore des joueurs professionnels.
41 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 9: Post LinkedIn pour la recherche
d'interviews
2.2.2 Les questions
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? À quel style de jeu jouez-vous le
plus ? Pourquoi ?
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
3- De la même manière celui de l'esport ?
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les
hommes et les femmes ?
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le
rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ? ?? Pour les
femmes surtout mais tout le monde est en capacité de répondre
(exemples d'expériences vécues, pourquoi c'est arrivé,
comment, etc.)
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé
comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ?
Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la
part des entreprises ?
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?
42 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
En fonction des entretiens, certaines questions n'ont pas
été abordées, d'autres ajoutées. Je souhaitais
établir quelque chose de fluide et naturel et non un simple moment de
questions/réponses. Ces réponses me permettent de conduire une
analyse qualitative.
2.2.3 Les résultats et les personnes
interrogées
N°
|
Nom
|
Prénom
|
Ag e
|
Fonction
|
Genre
|
Type
d'entretien
|
Durée
|
Nb mots
|
1
|
Guellerin
|
Julien
|
39
|
Staff dans la web série Noob
Studio de VR
|
Homme
|
Audio
|
53m05
|
4165
|
2
|
Di Battista
|
Louis
|
22
|
Président de GameHer
|
Homme
|
Audio
|
1h17m09
|
4592
|
3
|
Lunardi
|
Lara
|
27
|
Freelance Host & Producer
|
Femme
|
Audio
|
36m45
|
2304
|
4
|
Dupont
|
Mme
|
/
|
Game design
|
Femme
|
Audio
|
49m04
|
3489
|
5
|
/
|
Laurine
|
20
|
Joueuse semi pro
|
Femme
|
Audio
|
1h00m15
|
3346
|
6
|
Blaix
|
Hugo
|
25
|
Reworld Media
|
Homme
|
Audio
|
1h00m07
|
4505
|
7
|
Daull
|
JC
|
25
|
Vidéaste
|
Homme
|
Audio
|
50m27
|
3050
|
8
|
Goldstein
|
Jeremy
|
|
Tencent Game
|
Homme
|
Audio
|
49m59
|
2569
|
9
|
Naouar
|
Bilel
|
27
|
Joueur pro sur WoW
|
Homme
|
Audio
|
36m12
|
2471
|
10
|
Brissaud
|
Cholé
|
27
|
Com chez YaLLa Esports
|
Femme
|
Audio
|
50m02
|
3092
|
11
|
Fisher
|
Servane
|
35
|
Joueuse pro sur Counter Strike Esport legal Council
d'Ubisoft
Pole Esport de WIG
|
Femme
|
Audio
|
37m59
|
3345
|
12
|
Durand
|
Mme
|
25
|
Ressources humaine
|
Femme
|
Audio
|
35m21
|
2448
|
13
|
Gelly
|
Clémentine
|
24
|
Auto entrepreneur dans la fabrication de costumes,
d'accessoires et de trophées
|
Femme
|
Audio
|
1h24m43
|
3858
|
14
|
Vitse
|
Mathieu
|
24
|
Alternance dans le web design
|
Homme
|
Audio
|
49m36
|
2151
|
15
|
Smith
|
Mr.
|
/
|
Entreprise de jeux vidéo
|
Homme
|
Audio
|
56m49
|
3406
|
16
|
Bonnecarrer e
|
Julie
|
27
|
Directrice générale de Northern Light
Entertainment
|
Femme
|
Audio
|
52m50
|
3036
|
17
|
Paccou
|
Amandine
|
28
|
Rédactrice web et correctrice
|
Femme
|
Ecrit
|
0
|
1022
|
43 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
18
|
Gerontitis
|
Anthony
|
32
|
Développeur software
|
Homme
|
Ecrit
|
0
|
1547
|
19
|
Simeon
|
Aymeric
|
37
|
Journaliste high tech
|
Homme
|
Ecrit
|
0
|
1269
|
20
|
Simic
|
Fanny
|
30
|
Chargé de projet digital avec Webforce
3
|
Femme
|
Ecrit
|
0
|
1358
|
21
|
Espinadel
|
Laurianne
|
24
|
Sound & voice designer
|
Femme
|
Ecrit
|
0
|
875
|
22
|
Jergan
|
Marie
|
35
|
Etudiante en Licence MAPP
|
Femme
|
Ecrit
|
0
|
1283
|
23
|
Fauchie
|
Quentin
|
29
|
Rédacteur/testeur - Recherche « game studies
»)
|
Homme
|
Ecrit
|
0
|
1891
|
24
|
Hette
|
Sebastien
|
49
|
Fondateur de Reset XP
|
Homme
|
Ecrit
|
0
|
819
|
25
|
Falaize
|
Morgane
|
40
|
Fondatrice de Minuit 12
Présidente de Women In Games
|
Femme
|
Ecrit
|
44m41
|
2866
|
26
|
Dachary
|
Alexandre
|
33
|
Livestreaming & Video Content Creation
|
Homme
|
Ecrit
|
1h30m14
|
5087
|
27
|
Mitteaux
|
Léa
|
21
|
Master marketing digital et communication,
coprésidente de Bravens
|
Femme
|
Ecrit
|
1h15m23
|
4112
|
27 bis
|
Abdelmalki
|
Noha
|
25
|
Consultante en informatique, coprésidente de
Bravens
|
Femme
|
Ecrit
|
/
|
/
|
28
|
Mailloux
|
Katherine
|
|
Consultante marketing et associée chez le Gamer
mentor
|
Femme
|
Ecrit
|
50m43
|
2453
|
TT
|
|
|
|
|
|
|
18h21m4S
|
76409
|
2.3 Étude quantitative
Grâce à ces échanges, j'en suis
venue à me demander si une étude quantitative pourrait venir
compléter et renforcer le poids de ma recherche. Lors de ma recherche de
personnes à interroger, il m'a été plusieurs fois
reproché de ne chercher que des femmes. Pourtant, c'est loin
d'être le cas : j'ai voulu m'entretenir avec hommes et femmes de la
même façon mais j'ai été contactée par bien
plus d'hommes car ceux-ci sont encore les plus présents dans ce milieu
et surtout au niveau professionnel. Certains n'ont donc pas compris que je les
refusais simplement parce que j'avais déjà suffisamment d'hommes
me contactant alors que je souhaitais obtenir un équilibre parmi les
personnes interrogées. Selon moi, l'étude de la place et l'image
de la femme
44 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
n'est pertinente que si le panel est constitué de
manière équitable.
Pour en revenir à l'étude quantitative, celle-ci
m'a semblé pouvoir être utile notamment pour étudier des
cas de harcèlement de manière générale. Un large
panel de réponses permet en effet d'éclairer ces problèmes
à propos du harcèlement : pour quelle raison ? Un mauvais style
de jeu ? Leur sexe ? Une autre raison ?
L'avantage d'une étude de ce style est qu'elle touche
un plus grand nombre de personnes et la plupart du temps de manière
anonyme puisqu'il s'agit simplement d'un sondage relayé sur
différents réseaux sociaux. Je souhaitais entre autres pouvoir
étudier le point de vue de personnes pensant sincèrement que les
femmes n'ont pas leur place dans le monde du jeu car ce genre de personnes ne
se sont jamais manifestées à la suite de mon post LinkedIn
effectué pour l'étude qualitative.
C'est pourquoi j'ai finalement choisi de réaliser cette
étude quantitative puisque les chiffres venaient compléter
parfaitement les réponses que j'avais eu l'occasion d'avoir dans ma
première étude. J'ai choisi de diviser ce sondage en quatre
parties. La première est une partie de présentation, la seconde
sur le harcèlement, la troisième sur les personnages en jeu et la
dernière sur les choix lors de l'achat d'un jeu.
2.3.1 Les questions posées
Partie 1
A/ Vous êtes un/ une ?
3 Homme
4 Femme
5 Je ne souhaite pas le préciser
B/ Vous vous considérez comme ?
l Non joueur
l Joueur casual
l Joueur hardcore
45 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Partie 2 - Partie sur le harcèlement
C/ Avez-vous déjà vécu ou
assisté à une situation de harcèlement sur un jeu en ligne
?
l Oui
l Non
D/ Selon vous qui subit le plus de harcèlement dans les
jeux ?
l Femme
l Homme
l Les deux
E/ Selon vous, qui se positionne le plus en harceleur ?
l Femme
l Homme
l Les deux
F/ Selon vous, est-ce que certains comportements peuvent
justifier ce harcèlement ?
l Oui
l Non
G/ Lesquels
l Réponse courte demandée
H/ À quel type de harcèlement avez-vous le plus
assisté (ou entendu parlé) ? (Maximum 2 choix possibles)
l Physique (coups)
l Verbal (insultes)
l Moral (répétition)
l Sexiste, misogyne (envers un sexe en particulier)
l Sexuel (agression sexuelle)
Partie 3 - Partie sur les personnages en jeu
I/ Selon vous, quels sont les héros de jeux
vidéo les plus sexy ?
l Homme
l Femme
l Les deux
46 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
J/ Selon vous, quels sont les héros les plus mis en avant
?
l Homme
l Femme
l Les deux
K/ Combien connaissez-vous d'héroïnes
féminines dans les jeux vidéo ?
l Aucune
l Entre 1 et 5
l 5 et 10
l Plus de 10
L/ Lors de la création de votre personnage, vers quel
sexe vous tournez-vous le plus ?
l Homme => Le sexe opposé
l Homme => Le même sexe que moi
l Femme => Le sexe opposé
l Femme => Le même sexe que moi
l Pas de préférence
M/ Pourquoi ?
l Réponse courte demandée
N/ Comment percevez-vous l'image qui est donnée de la
femme dans les jeux vidéo ?
l Normale
l Aguichante
l Sexy
l Humiliante
l Forte
l Guerrière
l Provocatrice
l Indépendante
l Vulgaire
l Soumise
l Héroïque
O/ Pensez-vous que l'image de la femme dans le jeu vidéo
a évolué ?
l Très nettement depuis les premiers jeux
l Cela s'est amélioré mais de manière assez
lente
47 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
l L'image de la femme n'a pas changé Partie 4 -
Partie sur les choix lors de l'achat d'un jeu
P/ Selon vous, nos choix sont-ils influencés par les
entreprises ?
l Oui
l Non
Q/ Avez-vous le sentiment d'être guidé, mené
vers un choix lors de l'achat d'un jeu ?
l Oui
l Non
R/ Qu'est-ce qui vous motive lors de l'achat d'un jeu ? (Maximum
3 au choix)
l Le lore
l Les quêtes
l Le gameplay
l L'aventure
l Le cash shop
l Les skins
l Les personnages principaux
l Le jeu en équipe
l La violence
l Le côté sexy des personnages
l La créativité
l Les bandes sonores
l Le prix
l Le temps qu'il est possible de consacrer au jeu
S/ La publicité d'un jeu vidéo a-t-elle une grande
importance lors de votre choix ?
l Oui
l Non
T/ Une publicité représentant des personnages sexy
a-t-elle plus de chances de vous attirer ?
l Oui, pour acheter le jeu
l Simplement pour regarder la publicité
l Non
L'image de la femme dans les jeux vidéo
U/ Pourquoi ? (Maximum 2 au choix)
l Des personnages sexy sont plus attirants
l Cela donne un aperçu du jeu
l C'est ce que j'aime dans un jeu
l Cela ne change pas du tout ma vision du jeu
l Tant que le lore est bon, l'aspect importe peu
l Homme ou femme, je préfère un beau personnage
l J'apprécie la vision de la femme sexualisée
l Cela peut m'influencer mais ne constitue pas mon choix
principal
l Une hyper sexualisation d'un personnage me rebute à
acheter un jeu
2.3.2 Méthode d'administration du questionnaire
Pour ce questionnaire, j'ai choisi de m'adresser à des
joueurs mais également à des personnes plus casuals, jouant peu
ou jouant de manière ponctuelle sur des jeux téléphone ou
des jeux Switch. Pour cela, j'ai tout simplement partagé le lien sur des
serveurs Discord de streameurs (en ayant leur accord au préalable) comme
celui de Jack Darius, Olydri ou encore Zerator. J'ai partagé aussi le
lien sur des groupes Facebook dédiés aux jeux vidéo de
League of Legends, Black Desert Online, Lost Ark, World of Warcraft, Animal
Crossing afin d'avoir des joueurs de tous les horizons.
J'ai eu énormément de retours et de
commentaires positifs comme négatifs. Ces retours m'ont permis de
m'ouvrir davantage sur ma recherche et sur mes idées pour parfois voir
les choses sous un autre angle.
48 / 291
Ci-joint l'exemple d'un post type sur l'un des groupes :
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 10: Post Facebook pour la recherche de participants
à l'étude quantitative
Ces nombreuses réponses m'ont, je pense, permis
d'étudier réellement les différentes opinions sur l'image
de la femme auprès d'un très grand nombre de personnes.
2.3.3 Analyse des résultats 2.3.3.1 Partie 1
49 / 291
Un peu plus de femmes que d'hommes ont répondu à
ce sondage. Cela peut sembler étonnant étant donné que les
jeux vidéo sont un domaine considéré comme masculin, mais
dans la mesure
L'image de la femme dans les jeux vidéo
où le sujet concernait directement les femmes il
apparaît normal que celles-ci se soient senti davantage
concernées. On assiste ici à une répartition presque
égale, où il n'y a pas une très large majorité d'un
sexe ou d'un autre, ce qui promet des résultats
hétérogènes.
50 / 291
On pouvait s'y attendre étant donné le sujet :
les personnes ayant répondu à ce sondage sont pour plus de 97%
des joueurs. En revanche, dans les joueurs casuals, on trouve aussi des joueurs
très occasionnels, des joueurs sur téléphone donc des
personnes qui ne pratiquent souvent qu'un seul jeu. 36,9% de joueurs se
considèrent comme hardcore, mais cela peut correspondre à des
durées variées car j'ai laissé à chacun la
possibilité de se définir comme tel. En effet, pour certains, la
définition peut aller de quelques heures par semaine à des
dizaines d'heures ; en revanche, la plupart des joueurs se définissant
comme hardcore sont des joueurs de longue date, ayant joué à
plusieurs jeux et sur plusieurs plateformes.
2.3.3.2 Partie 2 - Le harcèlement
L'image de la femme dans les jeux vidéo
La moitié des personnes interrogées
répondent ici de façon positive. Cependant, il faut souligner que
peu de personnes osent encore parler des situations de harcèlement
qu'elles subissent. Serait-ce donc la raison de ce pourcentage, qui cacherait
donc un chiffre réel plus élevé, ou assiste-t-on à
une diminution des situations de harcèlement dans les jeux ? Par
ailleurs, il faut rappeler que de nombreuses personnes ayant répondu
sont des joueurs casuals, venants de jeux et de communautés comme celle
d'Animal Crossing, qui sont encore considérées comme
très bienveillantes, ce qui vient contrebalancer les communautés
de jeux plus hardcore comme celle de League of Legends.
Ces résultats sont tout de même à mettre
en perspective. Les femmes dénoncent le harcèlement dans les jeux
vidéo depuis des années sans être forcément
entendues ou écoutées. Ces chiffres montrent qu'il y a bel et
bien du harcèlement. Même si ce chiffre n'était pas
inférieur à la réalité, il concerne la
moitié des personnes interrogées, soit 1936 personnes qui ont
fait face à du harcèlement soit envers eux-mêmes soit
envers des personnes de leur connaissance, à un degré plus ou
moins grave.
51 / 291
Pour 56,4% des personnes interrogées, les femmes
subissent le plus de harcèlement. Pour 40,7%, hommes et femmes subissent
tout autant de harcèlement. Au total, 97,1% des personnes
interrogées incluent les femmes parmi les personnes les plus
harcelées. Rappelons-le, cette étude n'a pas pour but de pointer
du doigt ceux qui sont le plus touchés, mais de se servir de ces
chiffres pour montrer l'impact sur la vie réelle par la suite. Ici, sur
4000 personnes, 3883 personnes placent les femmes parmi les personnes
harcelées. Or il semble que cela a une influence sur le monde du travail
et sur les choix de carrière et de vie des personnes
concernées.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
52 / 291
Il faut rappeler que cette étude n'a pas pour but
d'émettre des conclusions définitives sur des cas très
précis mais de faire émerger une tendance sur cette question. Or
ici, 80,6% des personnes interrogées placent les hommes en tant
qu'harceleur, 0,9% les femmes et 18,5% les deux. Dans le dernier cas, ce
serait, bien plus que le sexe de la personne, son caractère qui la
définirait comme harceleuse ou non. Mais ces chiffres reflètent
que dans l'expérience vécue des personnes interrogées il y
a un réel problème du côté des hommes.
Malgré l'horreur du harcèlement, certaines
personnes, ici 8%, parviennent tout de même à le légitimer
et à le justifier. Ce chiffre indique que, malgré un certain
nombre de mesures, notamment à l'école, affirmant que le
harcèlement ne devrait tout simplement pas exister sous aucun
prétexte, celui-ci n'est pas toujours rejeté.
53 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
l Provocation
l Avoir un complexe de l'attention et l'utiliser sur des
personnes dont on sait qu'ils ont un complexe de l'affection n'est pas
très malin et relève plus d'une maladie sociétale
spécifique aux personnes instables psychiquement. Homme, comme femme.
l Boosting et Yuumi abuser (dans ce rare cas, pour le reste
c'est totalement injustifié évidemment)
l Rien sauf si la personne harcèle elle-même
quelqu'un
l Envers les pédophiles et toutes autres merdes
humaines
l Le streaming à moitié nues de certaines
''joueuses''
l Les lives à moitié à poil
l Le fait de gagner contre un homme
l Les attention whore
l Justifier, non. Expliquer, en partie. L'anonymat, la culture
très "pornophile", la bêtise adolescente sur les jeux qui attirent
les plus jeunes, la misère sexuelle et la malveillance sur les jeux plus
matures...
l Mal être IRL, problème personnel. Le jeu devient
un défouloir, sous couvert de l'anonymat
l Oui et non, non car moralement ce n'est pas bien pour la
personne qui le subit mais oui car si quelqu'un harcèle c'est que
lui-même intérieurement n'est pas bien et ça c'est
humain
l Les gens homme femme qui pue sa mère
l Les mecs c'est des chiens ou les étrangers qui manquent
de respect
l La fois où je me suis fait insulter gratuitement
c'était par 2 gamines de 14/15 ans. En nombre ils se pensent intouchable
mais elles auraient été toute seule elles n'auraient pas eu ce
comportement.
l Harcèlement sexuel
l Être nul
l Ninja loot, des insultes/ drama qui engendre des guerres de
guildes et/ou qui sont issue de harcèlement, et engendre des
harcèlements, en gros des actions injuste ou malsaine, engendre des
harcèlements de vengeance
Toutes les réponses ci-dessus ont été
données par des personnes ayant répondu oui au fait que
54 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
le harcèlement est justifiable. Pour une partie
d'entre eux, le harcèlement obéit à la loi du talion,
« oeil pour oeil, dent pour dent ». Une personne agit mal, insulte ou
ruine une partie donc on va agir de la même manière pour lui faire
payer son comportement. Dans le même ordre d'idées, pour certains,
la provocation ainsi que l'utilisation de l'anonymat pour ruiner une partie
justifient aussi le harcèlement.
Une autre partie des répondants considère que
le niveau particulièrement mauvais de quelqu'un, non pas en tant que
troll, mais simplement un manque de compétences, peut justifier ce
comportement.
Enfin, la dernière catégorie concerne les
« attention whores » et les streameuses qui mettent en avant leur
corps sur les jeux ou en stream pour obtenir des faveurs. Cela peut
s'apparenter à une sorte de triche puisque ce serait de la recherche de
faveur : le harcèlement serait justifié pour cette raison.
Ce qui revient le plus souvent, ce sont les insultes pour 78%
des personnes interrogées. C'est en effet la forme de harcèlement
la plus facile car elle ne laisse pas de traces si c'est verbal ? Au vu de la
législation actuelle, il est très difficile de punir les
personnes harcelant dans ce contexte, donc on laisse souvent libre cours
à la haine et aux insultes.
Pour 60,5% des répondants, le harcèlement
sexiste et misogyne prédomine. Cela peut aussi se symboliser par des
insultes mais celles-ci portent sur un sexe particulier et non pas un niveau de
jeu ou une mauvaise action.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Enfin, pour 187 répondants, le harcèlement est
allé jusqu'à une agression sexuelle. Cela peut inquiéter
pour un domaine initialement situé en ligne et où les contacts
humains ne sont pas directement initiés.
2.3.3.3 Partie 3 - Les personnages en jeu
55 / 291
Le terme sexy est souvent associé aux femmes. Pour les
hommes on parle de charme, de beauté, de prestance mais rarement de
sexy. Cela tient certainement au fait que ce mot a également une
connotation sexuelle que l'on ne trouve pas nécessairement dans les
autres termes cités.
Pour 65,8% des personnes interrogées, les femmes dans
les jeux vidéo sont les personnages les plus sexy. Beaucoup de remarques
ont été émises quant au fait que cela varie d'un jeu
à l'autre et qu'il est difficile de faire une
généralité. Pourtant cette étude cherche
précisément à montrer une tendance
générale.
Pour 31,6%, les hommes comme les femmes sont tout autant sexy
dans les jeux. La question est de savoir de quel type de sexy on parle :
aguicheur et révélateur, ou désirable ? D'un sexe à
l'autre cela peut grandement varier.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
56 / 291
Par « mis en avant », on entend en tant que
personnage principal, égérie du jeu ou personnage clé de
l'histoire. Pour 55% des personnes interrogées, les personnages
masculins sont plus mis en avant que les femmes et pour 33,7% il s'agit des
hommes et femmes de manière égale. Pour plus de 80% des
répondants, les hommes restent donc sur le devant, même s'ils
peuvent être accompagnés d'une femme.
Une femme seule en tant que personnage principale et mise en
avant reste encore assez rare puisque seulement 11,3% considère les
femmes comme davantage mises en avant que les hommes.
Cette question avait pour but de mettre en lumière le
peu d'héroïnes féminines qui sont connues par la
communauté. Ici, 69,3% des personnes interrogées ne sont pas
capables de citer plus de 10 héroïnes et 44,2% pas plus de 5. La
raison derrière cette ignorance est-elle le manque de
57 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
culture ? On peut avancer que c'est peut-être
plutôt le manque de représentation de la gente féminine au
premier plan des jeux.
Au total, 53,2% des personnes interrogées choisissent
une femme, qu'ils soient un homme ou une femme, tandis que 26,8% choisissent de
jouer des hommes. Seulement 20% n'ont pas de préférence et
n'accordent pas d'importance au sexe du personnage lors de leur choix.
l Quitte à voir un personnage de dos autant que ce soit
agréable.
l Parce que je suis un homme, donc j'aime jouer ce que je ne
suis pas. Mais paradoxalement, je m'attache plus à un perso masculin.
l Pour mieux m'identifier à ce dernier
l Parce que je reste une femme et j'assume de jouer au jeux
video
l Parce que j'aime les grosses barbes
l Pour profiter du travail réalisé sur les
doublages h/f Vf/Vo
l Ça dépendra le jeu tout simplement
l Pour la simple est bonne raison qu'il faut préserver
notre personnalité et non jouer un jeu en prenant le sexe oppose pour ne
pas se faire harceler ou profiter de la faiblesse de certaines personnes
l Je me place plus facilement dans mon rôle lorsque le
personnage me ressemble au maximum.
l Les designs sont souvent plus badass, les femmes sont trop
montrées comme fragile et sans armure
58 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
l Pour être plus immersif
l Identification au genre et par féminisme ?
l Je trouve la femme plus belle et sexy, et les
possibilités d'esthétique sont plus variés (quand on a le
choix de création du personnage)
l Pour coller à la réalité ou à
celle que j'aimerai être (suivant les jeux)
l J'ai du mal à jouer des personnages féminins,
peut-être une question d'immersion
l Cela dépends du design, je prends souvent un homme
car les femmes ne me correspondent absolument pas au niveau de physique puisque
c'est souvent un physique très superficiel
l Plus réaliste, moins vulgaire
l Pour m'identifier, et être moins emmerdée dans
les jeux en ligne
l Tout dépend du graphisme du jeu. Si la femme est
mieux faite, je prends la femme, si c'est l'homme, alors l'homme...
l Car je suis homo, et j'aime bien jouer avec des mecs
sexy
l J'aime inventé des personnages ainsi que leurs vies
donc je varie les genres
l Jouant depuis l'enfance, à une époque
où il y avait quasiment aucune héroïne, j'ai pris l'habitude
de m'identifier à des personnages masculins.
l Pour inventer mon histoire dans le sexe opposé
l Pour me représenter
l Je n'aime pas particulièrement les femmes fortes de
caractère et je trouve que trop souvent, elles sont trop minces ou trop
jolies, ce qui ne correspond pas au contexte
l Pour la tranquillité
l J'aime incarner quelqu'un qui n'est pas ce que je suis.
Quelque chose d'exotique et que je ne peux pas être tous les jours.
l Une sorte de fierté que de représenter les
femmes dans les jeux vidéos
Les réponses données ci-dessus indiquent
plusieurs tendances. Pour un certain nombre de personnes, le sexe du personnage
n'a pas d'importance et leur choix sera fait en fonction du jeu, des options de
créations, de ce qui va être proposé par le jeu. Pour
d'autres, c'est une question d'habitude ou d'identité : étant un
homme je choisis un homme, étant une femme je choisis une femme puisque
c'est le sexe auquel je m'identifie.
Pour beaucoup, les jeux vidéo sont un monde imaginaire
et une échappatoire, donc ils préfèrent créer un
personnage différent de ce qu'ils sont, un idéal à
regarder pendant les heures de jeu. Pour certains individus, tous masculins,
c'est aussi l'occasion de « mater un cul » pendant des
59 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
heures.
Les femmes font pour l'essentiel des choix de deux types. Soit
elles jouent un homme pour ne pas se faire embêter sur les jeux et ne pas
donner d'indications sur leur sexe, soit elles veulent au contraire s'affirmer
et mettre en avant les femmes en jouant un personnage qui les
représente.
L'adjectif qui revient le plus pour 72,8% des personnes
interrogées est « sexy » quand il s'agit de définir une
femme puis « guerrière » pour 50,8% des personnes et «
aguichante » pour 42,7% suivie de près par « forte »
à 41,4%.
Le premier adjectif a une connotation sexuelle, même
s'il n'est pas nécessairement péjoratif : tout dépend de
l'interprétation, une femme peut être belle et sexy sans pour
autant rechercher à obtenir quelconque faveur. Les trois qui se suivent
montrent que la vision de la femme dans les jeux a nettement
évolué ces dernières années. Malgré la
présence de l'adjectif « aguichante », c'est «
guerrière » et « forte » qui sont dans les premiers
qualificatifs choisis. Ces termes viennent faire écho à l'image
qui est donnée des personnages masculins depuis des années.
60 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Dans cette question, le but était de voir si, selon les
personnes interrogées, leur vision de la femme avait changé et
évolué depuis quelques années. Pour 29%, cette image a
très clairement changé, devenant plus positive, et c'est une
bonne chose puisque la femme était souvent mal représentée
ou représentée de manière dégradante.
Pour 58,3% des personnes interrogées, donc la
majorité, cela s'est amélioré mais l'évolution
reste lente : même si certaines choses changent et qu'ils notent des
améliorations, ce n'est toujours pas assez. Enfin, pour 14,8% cette
image n'a pas du tout changé. Cela peut vouloir dire que, pour eux, il
n'y avait pas du tout de problème de représentation et donc pas
de besoin de changement, ou au contraire que ces personnes considèrent
qu'aucun progrès n'a été fait.
2.3.3.4 Partie 4 - Les choix lors de l'achat d'un jeu
61 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il est de notoriété publique que la
publicité et les entreprises font tout pour guider nos choix et nous
amener à acheter leur produit. Pour 65,9% des personnes
interrogées, c'est en effet le cas et leurs choix sont influencés
par les entreprises qui créent des produits spécifiquement
destinés à attirer un certain type de clientèle. Les 34,1%
restants ne se sentent pas influencés par les entreprises. Reste
à voir si c'est bel et bien le cas ou s'il ne s'agit que d'un
ressenti.
De la même manière que la question
précédente, 61,7% se sentent guidés lors de l'achat d'un
jeu. Cela rejoint les chiffres précédents qui voulaient qu'une
entreprise influence nos choix.
Parmi l'ensemble des choix possibles dans ce qui
intéresse une personne lors du choix du jeu, les personnes
interrogées ont choisi en premier le gameplay à 73,5% puis
l'aventure à 49,1% et
L'image de la femme dans les jeux vidéo
enfin le lore à 28,9%. Tout ce qui ne concerne pas le jeu
en tant que tel n'est donc pas regardé par la plupart des joueurs. 1%
d'entre eux ont quand même répondu le côté sexy des
personnages et 6,3% les skins donc les tenues que peuvent porter les
personnages.
Malgré tous les débats autour de l'image des
personnages, c'est donc bel et bien le contenu pur du jeu qui intéresse
avant tout les joueurs.
Si la publicité a pour but de mettre un produit en
avant pour le consommateur, ce n'est pas pour autant que cette stratégie
fonctionne systématiquement et avec tout le monde. Pour 58,8% des
personnes interrogées, cela n'a pas d'importance lors du choix d'achat
d'un jeu.
62 / 291
Seulement 2,6% des personnes interrogées sont sensibles
à la présence de personnages sexy dans une publicité et
vont être influencés par cet aspect pour acheter le jeu. Pour le
reste, 15,9%
63 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
vont être intéressés par la
publicité et vont simplement la regarder mais pour une large
majorité, à savoir 81,5%, ce genre de publicité ne va pas
attirer davantage qu'une publicité classique.
Ici, les personnes répondaient à « pourquoi
une publicité sexy a-t-elle plus de chances ou pas du tout de vous faire
acheter un jeu vidéo ? ». Pour 46,2% cela ne change pas leur vision
du jeu donc cela n'a pas d'impact sur leur choix. Par contre, pour 19,4%, si un
personnage est vraiment trop sexualisé, cela peut les freiner dans
l'achat du jeu. Pour 23,5%, tant que le lore est bon, l'aspect importe peu donc
cela vient confirmer ce qui a été démontré plus
tôt, c'est le jeu en tant que tel qui est observé, bien plus que
le côté sexy des personnages.
En revanche, pour 0,7% des personnes interrogées, les
personnages sexy correspondent à « ce qu'ils aiment dans un jeu
», une publicité en ce sens apparaît donc comme une
motivation supplémentaire à l'achat pour eux.
2.4 Pour aller plus loin ?
J'ai essayé de prendre contact avec des personnes
pensant que les femmes n'ont pas leur place dans les jeux vidéo, mais
comme je m'y attendais, quand il s'agit de rabaisser ou de harceler des
personnes, c'est quelque chose qui est bien plus facile à faire sous
couvert d'anonymat. Par
64 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
ailleurs, les réactions ont été
très mitigées. J'ai fait face à beaucoup
d'incrédulité venant d'hommes la plupart du temps,
sidérés que certaines personnes puissent avoir de telles
pensées. J'ai aussi eu beaucoup de soutien et de compréhension de
la part des femmes qui ont pour la plupart vécu au moins une fois dans
leur vie ce genre de situation. Une dernière catégorie concerne
les personnes qui réfutent complètement l'existence de violences
sexistes et sexuelles dans les jeux vidéo et qui pensent que les femmes
« s'inventent une vie et un problème pour se rendre
intéressantes ». Le discours de ces personnes est souvent similaire
: il s'agit de rabaisser la personne par des insultes ou par des remarques sur
le post en affirmant que le travail n'est pas suffisant ou assez fondé
selon eux. Puis très vite, si on argumente, on s'oppose ou on
élève la voix, le schéma se ressemble : viennent des
attaques sur le physique. C'est ce que j'ai pu vérifier grâce
à un post que j'avais écrit sur Facebook dans un groupe
dédié aux jeux vidéo. Un homme a ainsi commenté
pour me dire que c'était « de la merde », que je ne savais
rien et que j'écrivais ce genre de choses pour me rendre
intéressante.
Figure 11: Commentaire Facebook reçu sur un
poste concernant mon mémoire
La personne étant l'auteur du commentaire ci-dessous a
par la suite créé un post de lui-même imitant le mien mais
pour le tourner en dérision, en se moquant et en demandant des captures
d'écran, des preuves quand on a la malchance d'être un homme. Sauf
que malheureusement, même si les femmes ne sont pas les seules victimes
comme nombre d'autres minorités, les hommes blancs cisgenres ne
subissent pas ce genre de discrimination et de loin quels que soient les
milieux. C'était donc ici clairement une manière de me rabaisser
et de se moquer de mon travail et de ma recherche.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
PARTIE 3 :
ANALYSE
65 / 291
66 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3. Analyse
3.1. L'image de la femme dans le jeu à travers les
époques 3.1.1 La femme objet, un débat toujours
d'actualité ?
Le statut de la femme par rapport à l'homme est au
coeur de débats contemporains dont les difficultés se
reflètent dans de nombreux jeux. Dans les sociétés
occidentales, la femme est depuis longtemps considérée comme
inférieure à l'homme : pour Aristote, cette
infériorité est naturelle, en raison de capacités
physiques et intellectuelles plus faibles. De plus, le discours historique a
peu mis en avant les femmes : demandez à une personne de vous citer des
figures historiques féminines, Cléopâtre ou Jeanne d'Arc
ressortiront directement, mais de nombreuses personnes seraient bien en peine
d'en citer d'autres. Bien que l'égalité entre hommes et femmes
ait progressé, l'idée d'une infériorité des femmes
reste présente dans les mentalités et aussi de manière
concrète, comme le montrent les inégalités salariales.
La large domination du marché de l'emploi par les
hommes dans les années 1960 et 1970 a entraîné
naturellement le fait que le marché des jeux vidéo, à sa
création, était exclusivement masculin. On a alors
créé des jeux pour les hommes sans se soucier de la vision qu'ils
donnaient de la femme car celles-ci n'étaient pas supposées
s'intéresser à ce domaine. « Outre les studios de
créations et éditeurs, une grande partie de la communauté
s'en donne à coeur joie de cette sexualisation des personnages
féminins dans les jeux et c'est justement pour ça que les studios
continuent » (Louis Di Battista). Et en effet, ce n'est pas une
surprise, si les créateurs continuent à créer ce genre de
contenu, c'est parce qu'il séduit un public qui achète et
consomme ces derniers.
Alors, pourquoi le débat sur la place de la femme dans
le monde du jeu est-il apparu ? Pour commencer, il s'agit avant tout d'une
affaire de société. Le marché des jeux n'est pas si
différent des autres marchés, il évolue en même
temps que le monde et que les mentalités. Par conséquent, avec
l'ensemble des mouvements en faveur des femmes qui ont émergé
dès les années 2000 pour les considérer davantage, les
écouter et faire porter leurs voix et leurs opinions.
De plus, il faut le rappeler, les femmes sont désormais
tout aussi nombreuses que les hommes à jouer aux jeux vidéo :
selon une étude du SELL sur l'ensemble des joueurs réguliers,
47%
67 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
sont des femmes. L'écart se fait encore ressentir au
niveau professionnel où seulement 22% des posts sont occupés par
des femmes. Mais il faut y voir tout de même une évolution puisque
ce chiffre n'était qu'à 19% en 2020 (Women In Games France).
En revanche, « dans tous les métiers vus comme
un peu masculin comme les métiers militaires, technologiques, la
société renvoie un message comme quoi ce n'est pas fait pour les
femmes [donc] il y a une sorte d'habitude [qui se crée] »
(Servane Fisher). C'est aussi une des raisons pour lesquelles les femmes
peuvent être plus réticentes à s'engager sur cette voie.
Par conséquent, malgré les avancées très nettes il
y a encore un débat très présent : certes les femmes ont
désormais leur place dans ce milieu mais le sexisme et le
harcèlement reste très présent, ce qui refrène de
nombreuses femmes. Pourtant, le débat est nécessaire pour faire
cesser ces injustices et faire entendre ce qui est vécu au quotidien par
nombre de minorités. Si ce mémoire se concentre sur les femmes
mais il va de soi que l'ensemble des minorités comme les personnes LGBT,
de couleurs, en situation de handicap, sont aussi concernées par ces
formes de discrimination. Mais ces affaires s'étudient selon moi
séparément c'est pour cela que l'ensemble de cette étude
ne porte que sur les femmes.
Le fait que les femmes subissent du harcèlement ou sont
laissées derrière dans le monde du jeu est encore difficile
à aborder pour certains. Au cours de mes recherches, j'ai eu l'occasion
de m'entretenir avec des personnes qui ont été choquées
que je fasse un mémoire sur ce sujet parce qu'ils n'avaient jamais
assisté à une situation de harcèlement ou à des
insultes envers une femme. Face à certains témoignages que j'ai
pu recueillir, j'hésite encore pour savoir si telle personne s'est
ouvertement moquée de moi ou si simplement elle était
persuadée que le harcèlement sexiste n'existe pas. La
réalité du harcèlement dans une société
patriarcale a pourtant été mise en évidence depuis de
nombreuses années. Par ailleurs, lorsque j'ai réalisé mon
étude, j'ai eu le soutien de beaucoup de personnes, hommes ou femmes,
mais d'autres, seulement des hommes il faut le reconnaître, ont
préféré renverser la situation comme s'ils se
sentaient directement accusés ou concernés.
68 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 12: Commentaire Facebook reçu sur un poste
concernant mon mémoire
D'autres ont préféré directement se
moquer de ma recherche en imitant mon post pour le reproduire à
l'identique en le tournant du côté masculin. Tel individu, dans
son post, a demandé aux hommes harcelés de témoigner
contre les femmes qui leur ruinent la vie. J'ai trouvé cette action
vraiment dommage car elle démontre bel et bien à quel point
certaines personnes se voilent la face devant la réalité. Certes
il y a du harcèlement envers les hommes mais la proportion est-elle
vraiment si importante face aux femmes ?
Figure 13: Commentaire Facebook reçu sur un poste
concernant mon mémoire
La possibilité pour les femmes de témoigner de
harcèlement - comme de violences conjugales - s'est accrue ces
dernières années. Jusqu'à récemment, il
était très difficile pour une femme d'en parler et c'est parfois
toujours le cas ; cette amélioration a aussi permis à des hommes
victimes de s'exprimer. Aujourd'hui la parole s'est libérée, les
hommes commencent à parler et des évènements ultra
médiatisés comme le procès entre Johnny Depp et Amber
Heard ravivent les débats et aident la parole à se délier.
C'est pourquoi je laisse le bénéfice du doute à cette
personne qui mettait en avant le harcèlement masculin parce qu'il est
possible qu'il existe tout autant mais qu'il soit moins visible parce que les
hommes n'en parlent pas. Mais c'est quelque chose que moi à mon
échelle je n'ai pas connu ou alors sur un ratio de 1 pour 10.000 tandis
qu'on est plutôt à 2 femmes sur 3.
69 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Le monde de l'esport et des jeux vidéo et la
société dans laquelle nous vivons se ressemblent
énormément et les inégalités du quotidien se
reflètent indéniablement. Quand on compare les récits des
victimes de viol ou de harcèlement qui ne sont pas prises au
sérieux ou qui n'osent pas en parler aux victimes en ligne, c'est
à ce moment qu'on se rend compte que le débat ne pourra avancer
et progresser que quand la société progressa elle aussi.
3.1.2 L'évolution de la représentation de la
femme au sein des jeux
Comme nous l'évoquions dans la précédente
partie, le monde du jeu est un reflet de la société actuelle.
Dans une société où les hommes ont toujours
été au pouvoir, il est tout naturel que ceux-ci se soient
emparés en premier de ce nouveau monde virtuel que formaient la
technologie, Internet et les jeux vidéo. Louis Di Battista nous le
rappelle très bien, à la création d'Internet, des «
règles » plus ou moins informelles ont été
édictées et la règle numéro 30 spécifiait
clairement « There are no girls on the internet ». Bien
entendu, ces règles n'ont rien d'officiel, elles ont été
publiées par les Anonymous sur un Wiki satirique mais restent
très connues notamment pour tous les aspects sexuels qu'elles couvrent,
la numéro 34 étant la plus connue de toutes : « There is
porn of it. No exceptions. » (Rules of the Internet, s. d.).
Cette société médiatisée a donc
commencé en baignant dans des principes relativement sexistes puisque
les femmes étaient considérées comme des êtres
à bannir de ces plateformes sauf pour les contenus pornographiques
où elles étaient cette fois ci les bienvenues. Par
conséquent, le contenu des jeux « s'adressait clairement
à des joueurs masculins » (Omega Zell) puisque les
réalisateurs et les concepteurs des jeux étaient aussi des hommes
qui n'envisageaient pas un instant de devoir créer des jeux convenant
à toute la population. Et si les studios ont continué dans cette
voie, c'est aussi parce que la sexualisation des personnages féminins a
été une sorte de fantasme pour de nombreux consommateurs et donc
que les réalisateurs avaient une clientèle toujours prête
à acheter les nouveaux produits.
Par ailleurs, lors de la création des premiers jeux, la
technologie était bien moins développée que la
nôtre. Par conséquent, pour être certains que tout le monde
distingue les hommes des femmes, ces dernières ont d'emblée
été dotées d'une très forte poitrine, de cheveux
longs et blonds et de costumes roses très voyants. « Le bal de
la représentation sexiste et hypersexualisée était
lancé » (Massicolli, 2012).
70 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Dès les premiers jeux, « dans les Mario et
dans les Zelda on incarne un homme qui va sauver une femme des griffes du
personnage maléfique » (Mme Dupont). Il y a toujours ce
rapport de force qui est mis en place pour valoriser l'homme, le héros,
le guerrier, le mâle dominant qui vient secourir la demoiselle en
détresse, qui est faible et incapable de se débrouiller seule.
C'est une vision très étriquée mais qui est
malheureusement celle véhiculée dans de nombreux jeux. L'autre
penchant est la version sexualisée comme dans le jeu Dead or
Alive qui est « clairement conçu pour [être vendu]
à des hommes gonflés aux hormones qui souffrent d'un manque
affection » (JC Daull) où les filles sont toutes très
jeunes et ont un corps complètement surréaliste. En voyant ce
genre de jeux, il faut s'imaginer les répercussions que cela peut avoir
sur les hommes dans leur quotidien, sur leur manière de voir les femmes
et il faut sincèrement s'interroger pour savoir si cela a une
réelle influence sur le comportement. Nous avons analysé
l'étude de Dill, Brown et Collins (2008) dans la première partie
qui étudie les conséquences des jeux vidéo sur les genres
et le harcèlement, et la conclusion aboutissait à une
corrélation entre la hausse du harcèlement envers les femmes et
le fait d'avoir été soumis à des images sexualisée
pendant une période donnée.
Par conséquent, en se fondant sur ces analyses, il
apparait nécessaire de souhaiter un changement dans les jeux pour que
ceux-ci promeuvent une vision plus respectueuse de la femme et des êtres
humains en général. Mais cela ne veut pas dire tout changer, tout
modifier et ne plus jamais produire un tel contenu : « On n'a pas
besoin de tout lisser entièrement parce que la richesse du jeu
vidéo c'est aussi sa diversité » (Julie Bonnecarrere).
Ce qui est essentiel, c'est de parvenir à une égalité dans
les contenus produits et que la majorité ne soient plus des contenus
ultra sexualisés. Pour établir un parallèle avec le
cinéma, de nombreux studios cassent les codes ces dernières
années en employant des femmes ou des acteurs de couleur pour jouer des
rôles traditionnellement donnés à des acteurs cisgenres
blancs. C'est une démarche qui permet de promouvoir l'inclusivité
mais on ne doit pas tomber dans l'extrême opposé et permettre aux
hommes et aux femmes quelle que soit leur couleur ou leur orientation d'avoir
un rôle. De même, un jeu hyper sexualisé n'est pas un
problème : ce qui pose problème, c'est quand l'ensemble des jeux
sont conçus ainsi. Par exemple, avoir une personne sourde-muette,
quasiment nue en train de se tortiller sous la pluie dans Metal Gear
Solid est dérangeant parce que c'est une vision totalement
erronée et qui n'a rien à faire là (Mme Dupont).
Se rendre compte de la sexualisation des personnages
féminins est somme toute assez facile, il
71 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
suffit de comparer la même armure pour un homme ou pour
une femme et voir que l'armure suprême masculine va être une armure
imposante, qui ne laisse rien voir, qui fait très peur, tandis que
l'armure féminine est un bikini ou alors quelques bouts de tissu
assemblés et ces deux armures vont être de rang égal, vont
pouvoir prendre le même montant de dégâts malgré
leurs différences apparentes (JC Daull). Dans les jeux où il y a
des skins pour les personnages c'est pareil, la plupart sont beaux, très
sexy, avec peu de tissu et montrant beaucoup de peau.
Heureusement les mentalités changent et les initiatives
pleuvent. Par exemple, Riot Games a su tirer un enseignement de League of
Legends lorsque la scène compétitive de Valorant a
été mise en place. Il y a eu un réel désir
d'inclusivité, de diversité et ce n'était pas juste «
une scène pour faire plaisir » (Servane Fisher). En
revanche, il faut bien se rendre compte que malgré toute la bonne
volonté qu'ils y ont mise, il est difficile d'attirer les femmes et que
même si certaines sont présentes dans les tournois, elles restent
une minorité et ont donc peu de chances d'arriver jusqu'en finale et
donc de se démarquer. Mais cela reste malgré tout une
avancée importante.
De la même manière, il y a de plus en plus de
jeux qui mettent en avant des femmes ou qui au moins laissent le choix du genre
du personnage principal au lieu d'avoir directement un personnage masculin. Les
jeux sont beaucoup moins sexistes ou alors il s'agit de franchises connues pour
leur contenu et où le client est prévenu en amont. Mais il n'y a
quasiment plus de contenu ultra sexualisé au milieu d'un jeu sans aucune
raison comme on a pu l'avoir pendant des années (Cholé Brissaud).
Des héroïnes fortes et indépendantes comme Ellie dans
The Last of Us ou Aloy dans Horizon sont mises en avant. Mais
une fois de plus c'est une victoire modérée : bien que des femmes
soient désormais les personnages principaux, ces deux-là sont
celles que tout le monde va citer parce qu'il n'en existe pas assez pour en
citer d'autres. De plus, un personnage comme celui d'Aloy a réussi
à faire polémique pour le simple fait que son visage a des poils
comme n'importe quel être humain. Cela peut sembler surréaliste
mais c'est la stricte réalité, comme le montre cette
réponse à un tweet : l'auteur initial s'étonne et demande
à ce qu'on lui explique pourquoi Aloy a de la barbe... Alors que non il
s'agit juste de la pilosité féminine que nous avons toutes.
72 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 14: Screenshot d'un poste Twitter concernant le jeu
Horizon Zero Dawn
Si cette remarque peut faire sourire, elle soulève
pourtant un débat important au sujet du réalisme accordé
aux personnages dans les jeux. Dans les jeux, les personnages sont tous
très beaux, les femmes sont des entités aux proportions
surdimensionnées qui ont pour but de faire fantasmer. Pour les hommes
c'est pareil, ils sont tous musclés, jeunes, beaux, attirants. Si des
personnages sont laids, c'est parce que ça a été voulu
très spécifiquement par le scénario, que c'est l'objet de
tout le jeu ou que souvent il s'agit de la race ennemie. Mais les personnages
principaux sont toujours beaux tout simplement parce que ça se vend
mieux et qu'on a plus de facilité à s'associer à ce genre
de personnage (Alexandre Dachary). Si on considère les remarques au
sujet d'Aloy, peut-on en déduire qu'un personnage ressemblant
réellement à une femme est moins vendeur, moins attractif et que
seuls les corps irréalistes séduisent le public ? Pour beaucoup,
le physique n'entre désormais plus en considération lorsqu'il
s'agit de choisir un jeu mais c'est bien davantage l'histoire et la description
des personnages qui influencent les mentalités (Arborealkey).
Pour conclure, la manière dont les femmes sont
représentées dans les jeux n'a eu de cesse
73 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
d'évoluer ces dernières années, allant de
la représentation ultra sexualisée des femmes en bikini ou
à moitié nues, aux héroïnes en combinaison,
équipée pour la guerre ou la survie, fortes et
indépendantes. Cette vision-là qui est donnée des femmes
est à mon sens une bonne chose s'il elle n'est pas unanime. De la
même manière que toutes les femmes ne sont pas des objets de
plaisir, toutes ne sont pas des aventurières courageuses. Il faut que
les enfants ou les jeunes qui choisissent un jeu puissent faire leur choix
parmi un certain nombre de possibilités aussi bien physiques que
mentales et aient le choix d'être brave ou timide ou sexy etc...
L'important selon moi est d'explorer le plus large champ des
possibles afin de ne pas se retrouver cantonné à une seule
façon de voir les choses. De cette façon, il y aura
peut-être des femmes ou des hommes sexualisés dans les jeux mais
ils ne représenteront pas la majorité et cela aidera très
certainement à redorer l'image des femmes et à en convaincre
certaines de se lancer de manière professionnelle dans le jeu.
Oui, je pense, mais je pense que la société a
évolué. Ce n'était pas forcément quelque chose de
négatif à l'époque dans les années 1970 à
1990, on aimait beaucoup les clichés, on mettait beaucoup les gens dans
des cases donc on pouvait sexualiser les femmes et en faire des objets sans
avoir conscience des répercussions sur la société et pour
les femmes. (Servane Fisher)
3.2 La femme dans la société esportive et
ludique 3.2.1 Un écosystème qui tend vers la parité
Nous l'avons évoqué dans la partie
précédente, l'image de la femme a évolué vers une
vision plus positive et bienveillante ces dernières années, mais
les femmes rencontrent encore des difficultés dans le monde du jeu
vidéo.
Les jeux que nous avons toujours côtoyés ont
indéniablement laissé leur marque sur l'industrie du jeu
vidéo et engendré des difficultés pour parvenir à
la parité. Ces icônes comme Lara Croft qui nous ont bercé
pendant des années sont toujours très sexualisées et
montrent donc une image de la femme non pas comme la guerrière et
l'aventurière qu'elle pourrait être mais bien plus comme un
être inférieur, moins apte que l'homme. Il suffit d'avoir une
personne avec une mentalité un petit peu arriérée pour que
cela se répercute sur la femme en dehors du jeu et
74 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
qu'elle soit considérée comme moins apte aussi
en dehors (Bilel Naouar). Ces représentations ont-elles un impact dans
le monde du travail ?
Ces clichés touchent aussi les hommes mais pour des
raisons différentes. Là où la femme va être
considérée comme inférieure et à la disposition de
l'homme, celui-ci va être montré comme fort, musclé, beau,
comme si seul cet aspect physique était synonyme de réussite
permettant d'avoir toutes les femmes désirées. « On
rentre dans tous ces clichés très sexistes et machistes »
qui alimentent par ailleurs la culture du viol puisqu'au sein d'un jeu
c'est une action qui peut être réalisée sans
conséquence malgré la gravité (Louis Di Battista). Par
conséquent, peut-on parler de parité ou même
d'égalité dans ce milieu qui semble tant réfractaire aux
avancées ?
Un premier problème provient de l'habitude. Dès
l'enfance, les femmes ne sont pas destinées à faire des «
métiers d'hommes », dans l'industrie ou l'informatique. Elles sont
sous représentées dans les écoles et souvent
pointées du doigt (Laurianne Espinadel). Du fait de
l'omniprésence masculine, peu de femmes osent se mettre en avant et
prendre position dans les écoles ou dans le monde du travail. Par
conséquent, en cas d'inégalités ou de comportements
problématique il est difficile de faire rempart puisqu'il n'y a que peu
de monde (Mme Dupont). Par ailleurs, pour une jeune femme voulant postuler dans
un studio de création de jeu, il peut être très difficile
de se sentir légitime quand on sait que ces mêmes personnes
créent des jeux représentant des femmes en « string et
forcément avec des gros seins » (Morgane Falaize) et que c'est
là leur vision de la femme. Cela peut représenter un gros frein
et contribuer encore davantage à la disparité entre les deux
sexes dans le milieu du travail au-delà du jeu.
Malgré les obligations de parité qui sont
demandées dans la plupart des associations et des comités de
direction, l'absence de femmes est un problème récurrent
(Sébastien Hette). Très peu de femmes sont présidentes ou
cadres, celles-ci se contentant de plus petits postes. En revanche est ce que
cela est dû aux jeux et à la vision qui en est donnée
dedans ? Et surtout est ce qu'il y a une corrélation entre l'image dans
les jeux et le désir de recrutement ? Selon Mathieu Vitse, ce n'est pas
le cas, c'est avant tout un manque de candidats davantage qu'une discrimination
à l'embauche.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 15: Baromètre annuel du jeu vidéo en
France - Syndicat national des jeux vidéo
Comme le montre le graphique ci-dessus datant de 2019, le
nombre de femmes travaillant dans des studios était de 15%. Cette
année, il est de 22% ce qui démontre une nette augmentation.
Dès lors, le sexe n'apparait pas comme un critère de choix
à l'embauche et c'est bien davantage le manque de candidat qui fait
pencher la balance. Mais cela tient aussi à l'éducation
genrée qui conduit de nombreuses femmes à se présenter
à moins d'offres d'emploi. Ces moeurs patriarcales sont encore
ancrées dans les mentalités mais qui disparaissent peu à
peu. Continuer dans cette voie, c'est continuer vers un chemin
d'égalité qui mettra cependant du temps à s'établir
car ce sont des changements de fond qu'il faut réaliser aussi bien dans
les mentalités que dans la société (Granchette, 2021).
L'important est de constater qu'il y a du progrès aussi
bien dans les jeux que dans le monde du travail. Bien entendu, tout n'est pas
parfait mais le progrès est encourageant car il permet de montrer que
les choses peuvent bel et bien changer. Il y a de plus en plus de mixité
et de diversité au niveau du monde du travail (Jeremy Goldstein), avec
de plus en plus de femmes en direction des studios qui changent du coup la
vision qui est donnée de la femme au sein des jeux.
75 / 291
3.2.2 Les ligues féminines sont-elles une
véritable aide pour la place des femmes ?
76 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Comme nombre de questions, la réponse que nous pouvons
apporter à celle-ci est loin d'être unanime. Dans les
compétitions esportive, hommes et femmes sont autorisés à
concourir de la même façon, avec les mêmes règles et
les mêmes contraintes. Cependant, trouver une femme dans des
compétitions officielles et de haut niveau relève du miracle car
celles-ci en sont absentes. Quelle en sont donc les raisons ? Contrairement aux
disciplines purement sportives qui viennent justifier d'une différence
sur le plan physique et qui justifient donc la séparation des deux sexes
pour les compétitions, l'esport est quant à lui bien plus
égalitaire. Le cerveau de l'homme et celui de la femme sont globalement
similaires, tout du moins sur l'aspect ludique. Pourtant, pour rappeler ce que
disait Borkowski dans son mémoire de recherche, les hommes
émettent plusieurs justifications à cette désertion tel
qu'un « niveau plus faible, une attirance moins forte pour la
compétition, une appréhension à aller en
compétition en tant que joueuse, de faire face aux regards masculins
».
Ainsi, malgré ces capacités similaires, les
femmes sont tout de mêmes laissées sur le côté. Parmi
les 500 premiers joueurs au niveau mondial, il n'y a qu'une seule femme. Par
conséquent, celles-ci sont évidemment moins nombreuses sur le
plan compétitif. La solution qui pourrait apparaitre comme idéale
serait donc la mise en place de ligues purement féminines, mais sur ce
projet, les avis divergent.
Dans un premier temps, vient l'argument de dire que les ligues
féminines permettraient à davantage de femmes de se
présenter au niveau compétitif. En effet, étant
donné qu'elles ne sont pas toujours au même niveau que les hommes,
jouer entre elles pourrait leur permettre d'accéder à la
compétition et il y aurait sûrement beaucoup plus de femmes dans
les compétitions en général. Par ailleurs, «
peut-être que des ligues féminines pourraient être la
solution pour être sûrs de ne pas avoir d'inégalités
entre les deux sexes » (JC Daull). Même si le physique n'entre
pas en compte, on ne peut pas savoir avec exactitude s'il n'y a pas une
différence aussi au niveau des réflexes entre les deux sexes.
Peut-être celle-ci n'est-elle qu'au niveau des individus mais pour le
moment nous n'en savons rien. Par conséquent, faire cette distinction
permet de prévenir de toute inégalité. De plus, les femmes
bénéficient de manière générale de bien
moins de visibilité que les hommes et cela quelle que soit la
discipline.
L'infographie ci-dessous date de 2019 et indique la
médiatisation du football masculin et féminin. Pour le moment,
l'esport et les ligues féminines sont à peine
développés donc une telle infographie n'aurait pas de sens. En
revanche, il est facile d'établir un parallèle entre ces
deux
77 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
domaines puisque les footballeuses font face aux même
contraintes et problèmes que les joueuses d'esport en termes d'audience,
de sponsors, de communauté. Comme le montre ce rapport, entre le
footballeur le plus suivi et la footballeuse la plus suivie, on peut multiplier
le nombre d'abonnés sur Instagram par plus de 137 000 fois.
L'écart est donc monumental et est dû à la
visibilité dont bénéficient les hommes, à la
publicité et aux sponsors qui les entoure ainsi qu'à l'engouement
qui existe bien plus autour du sport masculin que féminin dans sa
globalité.
Figure 16:
larevuedesmedias.ina.fr,
2019
Pour beaucoup d'autres personnes interrogées, les
ligues féminines seraient l'occasion de prouver que les femmes ont un
niveau similaire aux hommes. Mais il faudrait que ces ligues aient des moyens
afin d'offrir le même cadre et le même budget que celui
accordé aux équipes masculines (Louis Di Battista). Pour cela, il
faut donc des sponsors et donc des personnes regardant les matchs. C'est donc
un cercle vertueux ou vicieux en fonction du point de départ. Pour le
moment les femmes ne sont pas autant mises en avant que les hommes et
bénéficient de bien moins de visibilité, par
conséquent les sponsors sont absents. Si beaucoup de publicité
était faite en faveur des ligues féminines pour inciter à
regarder, cela attirerait au contraire du
78 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
monde donc des sponsors et cela permettrait aux femmes de
prendre en compétence grâce à de meilleurs
équipements et un meilleur encadrement global.
Enfin, la dernière chose qui est mise en avant par les
défenseurs de ces ligues est que ces évènements
permettraient de donner la parole aux femmes afin qu'elles puissent s'exprimer,
se mettre en avant, sans qu'il y ait en permanence l'ombre d'un homme
derrière elle dans toutes leurs actions. Quand on sait qu'il y a une
femme qui brille pour plus de 500 hommes, ouvrir ces ligues permettrait
à toutes les femmes qui n'ont pas eu la chance d'être aussi haut
niveau ou qui se seraient perdues dans la masse de personnes dans un tournoi
classique, d'être sur le devant de la scène et de devenir des
rôle modèles.
Mais beaucoup restent sceptiques. Bien que sur le fond, le
principe des ligues féminines soit une bonne chose, créer une
« ligue spéciale [reviendrait à] masquer le
problème de base » (Bilel Naouar) à savoir celui du
sexisme et de la discrimination. Est-ce que mettre les femmes à part de
la sorte ne reviendrait pas finalement à « ghettoïser un
sexe » et donc venir à l'encontre de « l'objectif
final qui est de créer de la mixité » ? (Mr Smith).
C'est en effet une question essentielle parce qu'en théorie aujourd'hui
les femmes ont leur place en compétition. Elles ne sont pas interdites.
Certes il n'y en a pas mais personne ne les empêche de s'inscrire. En
revanche, peu d'entre elles ont le niveau ou peu d'entre elles ont l'envie de
se mettre autant en avant : une femme qui parviendra à se hisser au
milieu d'une équipe masculine sera forcément sous le feu des
projecteurs et sera scrutée avec d'autant plus de force et
d'intensité ce qui est une pression énorme que les joueuses n'ont
pas forcément envie d'endurer.
Enfin, d'autres sont très clairement contre et souvent
en raison de ce que nous avons abordé juste avant comme le
problème de visibilité. Malgré le fait d'avoir une ligue
consacrée aux femmes, si celle-ci n'est pas mise en avant cela ne
permettra pas d'avancer et cela peut même venir desservir la cause des
femmes qui sont du coup relégué à un second plan parce
qu'elles ne sont pas parvenues à se hisser comme égales des
hommes.
L'association Game'Her s'était d'ailleurs
exprimée à ce sujet par rapport à la mise en place de La
Ligue féminine, un tournoi féminin communautaire organisé
sur League of Legends et sur le fait que ce genre de tournoi se devait
de n'être qu'une passerelle à court terme et non quelque chose de
fixe (La Ligue Féminine : une ligue aux saveurs d'esport et
d'émancipation - Game'Her, 2018). Le but de ces ligues est d'aider les
femmes à se lancer vers une situation plus
79 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
permanente mais cela ne doit pas être permanent au
risque de mener à un « clivage compétitif hommes /
femmes ». De plus, pour certaines entreprises ou organisateurs, les
ligues féminines ne sont qu'un effet de mode, sans réelle vision
et ambition derrière. Si ces ligues avaient pour but de former et de
porter les femmes, cela serait quelque chose d'intéressant à
envisager mais par exemple « sur Counter Strike ils ont vraiment
séparé les deux ligues et ils ont fait en sorte que les femmes
jouent en elles et n'aient pas forcément accès aux tournois
réguliers » (Servane Fisher). Il y avait un espace pour les
femmes mais parce qu'elles l'avaient réclamé et que
c'était une bonne chose pour la presse, non parce que c'était
quelque chose pouvant vraiment aider les femmes à avancer dans des
compétitions formatrices et professionnalisantes.
Enfin, les tournois actuels sont mixtes car rien ne laisse penser
que les hommes et les femmes différent dans leurs capacités
mentales pour jouer aux jeux vidéo, alors pourquoi diviser une fois de
plus les hommes et les femmes ? C'est un « split qui est
hérité du modèle sportif traditionnel [mais dans l'esport]
ça n'a pas de sens de séparer les deux » (Cholé
Brissaud).
Alors pour conclure, est-ce une bonne chose ? Personnellement,
je pense qu'à court terme c'est une mesure qui va aider les femmes
à se construire une communauté, à se faire connaitre et
à être mises en relation avec des sponsors. Mais cela ne doit pas
devenir un état permanent. De nombreuses femmes ne se lancent
déjà pas dans la compétition à l'heure actuelle
simplement par peur de ne pas être pris au sérieux. C'était
le cas de Chloé « Zelha » Bocobza, qui est aujourd'hui
manageuse de l'équipe Exalt et pour qui le sexisme omniprésent
dans ces compétitions a été un blocage énorme
(Boquen, 2019).
Le niveau masculin est aujourd'hui considéré
comme bien supérieur notamment parce que les hommes
bénéficient d'un coaching spécialisé et
personnalisé en fonction de leurs besoins et de leurs attentes. Si cette
possibilité est donnée aux femmes, nombre d'entre elle
atteindront facilement le niveau des hommes et pourront donc participer aux
tournois mixtes sans se soucier d'un quelconque écart de niveau. Il faut
également que les mentalités changent car aujourd'hui il est
d'usage de croire que les femmes ne sont capables de jouer que des roles de
support donc des roles de soin ou de bouclier pour soutenir l'équipe et
non des roles clés.
Ce sexisme a été vécu en direct par le
roster féminin Vaevictis eSports, un roster russe évoluant en LCL
en 2019. Très clairement ce roster n'était pas du tout au niveau
mais a été présenté pour faire bonne figure, pour
justement mettre des femmes en avant. Sauf qu'au final celles ont fini
80 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
la compétition en 0-28 avec une moyenne de 26
décès par match, montrant donc un niveau dont il était
facile de se moquer. Les joueurs en face ont commencé à jouer des
champions totalement hors de la meta pour se moquer d'elles et ont banni
seulement des supports car, il faut le rappeler, les femmes ne sont capables de
jouer que ce genre de champions.
Le problème de cette situation est qu'on se retrouve
typiquement dans cette mode de mettre des femmes en avant même si elles
n'ont pas le niveau. Et en effet, Anastasiya "HellMa" Pleyko, la toplaneuse de
l'équipe l'explique tout simplement parce qu'elles étaient toutes
les cinq diamant face à des joueurs challenger donc forcément il
y avait encore un très gros écart de niveau entre ces divisions,
en plus à cause du manque de joueuses professionnelles, il n'y avait pas
de joueuses pour tous les postes donc certaines ont été autofill
c'est-à-dire qu'elles ne jouaient pas à leur poste habituel ce
qui les handicapent forcément (Flamm, 2020).
Figure 17: Screenshot de la partie de League of Legends
jouée par Vaevictis Esports
On se retrouve à obtenir l'effet inverse de celui
désiré, ce roster s'est retrouvé être la source de
moqueries, de manque de respect et est donc venu desservir la cause des femmes
qu'il tendait à défendre initialement. Dans ce cas précis,
une ligue féminine aurait été bénéfique car
comme le disait l'une des joueuses, aucune femme n'avait le niveau pour
s'opposer aux ligues masculines, ils ont pris les meilleures femmes mais
celles-ci avaient toujours un niveau inférieur, et le résultat
est finalement négatif.
81 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3.2.3 Le harcèlement et la toxicité dans les
jeux vidéo sous couvert d'anonymat
Si un élément est connu pour freiner les femmes
à se lancer dans le monde du jeu ou à se mettre en avant, c'est
l'omniprésence de la toxicité et du sexisme. De manière
générale, les joueurs sont très toxiques entre eux sur
l'ensemble des plateformes aussi bien durant une partie que sur les plateformes
de discussion tel que Discord. Cachés derrière un pseudonyme et
sous couvert d'anonymat, les insultes fusent avec une facilité
déconcertante et celles-ci sont très souvent de la même
nature, à savoir sexuelle ou misogyne. Pour beaucoup, le simple fait de
traiter quelqu'un de « fille » est une insulte ou tout du moins
suffisamment rabaissant pour blesser la personne en face. Nous allons donc dans
cette partie étudier de nombreuses situations pour voir en quoi ce genre
de comportements peuvent être un frein à la présence de
femmes dans les jeux vidéo et l'esport.
Tout d'abord, il est important de rappeler que les femmes
constituent la moitié des joueurs. Pourtant, les jeux vidéo
restent un milieu considéré comme exclusivement masculin pour une
raison très simple : on ne voit pas les femmes, soit parce qu'elles se
cachent, soit parce qu'elles préfèrent rester en retrait pour
éviter tout problème.
De manière générale, les jeux constituent
un environnement particulièrement toxique avec tout type de
harcèlement. Par exemple, comme le souligne Omega Zell, le streameur
Sardoche se fait souvent harceler en raison de ses propos très clivant
et de son attitude. Un serveur Discord avait d'ailleurs été
construit dans le seul but de le suivre à la trace dans ses
compétitions et ses parties de jeu pour le pourrir et l'empêcher
de monter. « Mais cela n'a rien à voir avec son sexe mais parce
que son attitude appelle un peu à ce genre de pratique. Il y a des
femmes se font harceler parce qu'elles sont des femmes ». Une telle
attitude à l'égard d'un homme montre déjà le type
d'environnement dans lequel nous évoluons.
Quand on se demande pourquoi il n'y a que peu de femmes qui
jouent à des jeux vidéo, la réponse classique est qu'elles
jouent moins bien. Mais ce genre de comportements et de réponses les
empêche d'aller plus loin et de se perfectionner. Dès l'enfance,
dans les rayons de jeux, les garçons sont dirigés vers les jeux
vidéo et les filles vers les poupées. Et même au sein des
jeux, il y a une catégorie « jeux pour filles » qui rassemble
des jeux de cuisine, de rangement, d'organisation de la maison, de
ménage... Les « vrais » jeux, à savoir les jeux
très
82 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
compétitifs ou violents, ne sont pas pensés ou
désignés pour les femmes et font peu pour les attirer. Ces jeux
sont pensés par des hommes, pour des hommes ou pour de jeunes
garçons qui peuvent donc commencer à s'entrainer dessus
très tôt. Lorsqu'une fille s'écarte des codes sociaux et
commence à s'y intéresser, elle est souvent déjà en
retard de plusieurs années et cela lui prendra donc plus de temps pour
devenir meilleure. Par la suite, celle-ci va devoir faire face à des
comportements tolérés en ligne et derrière un écran
mais qui choqueraient tout le monde si une personne agissait de la sorte dans
la vraie vie. Prenons l'exemple d'une partie de jeu où cela se passe
mal, des insultes du type « grosse vache, sale pute, mange tes morts
» vont facilement fuser de la part des joueurs et en particulier s'ils
savent que l'une des personnes est une femme. Pour 78% des personnes
interrogées lors de notre étude, les insultes sont le type de
harcèlement le plus courant et celui auquel ils ont le plus
assisté. Cela en devient presque une banalité. Dès lors,
les insultes auront un caractère beaucoup plus sexiste du style «
tu n'es qu'une femme, tu n'as pas ta place, t'as sucé pour en arriver
là ». Ce sont des situations fréquentes dans le monde
virtuel mais qui n'arriverait jamais dans un café ou en pleine rue parce
que les gens seraient soumis à un jugement, à une sanction. Les
agresseurs devraient utiliser un peu leur cerveau et c'est pas du tout le cas
(Mme Dupont).
Par ailleurs pour venir appuyer cette idée que les
femmes sont prétendument incapables de jouer au même niveau que
les hommes, une histoire avait fait couler beaucoup d'encre il y a quelques
années. Une joueuse professionnelle sur Overwatch était
extrêmement douée et participait donc à des tournois et des
matchs à haut niveau. Lorsque celle-ci a atteint un niveau exceptionnel,
elle a été accusée de tricher et a été
obligé de se filmer en train de jouer en montrant ses mains, son
clavier, son environnement, pour montrer que c'était bien elle
derrière l'écran. La même chose est arrivée à
une joueuse professionnelle de Hearthstone qui a été
accusée de faire jouer son copain sur son compte car celui-ci avait
aussi un niveau élevé. « Donc apparemment dans le monde
de l'esport une femme est incapable d'être douée sans l'aide d'un
homme » (Louis Di Battista). Cette dernière phrase
reflète malheureusement la réalité : si une femme atteint
un haut niveau, elle est forcément accusée de triche et on la
pense incapable d'avoir réalisée seule ces performances. Ce genre
de récit n'encourage évidemment pas les femmes à
poursuivre une carrière dans l'esport puisqu'il leur faudra prouver sans
cesse qu'elles n'ont pas eu recours à la triche pour se hisser
jusqu'ici. A contrario, à moins d'avoir des preuves solides en jeu qui
démontrent de la potentielle triche, personne n'est jamais allé
accuser un homme, encore moins en lui disant que sa femme ou sa copine jouait
à sa place. Par ailleurs, pour 8% des personnes interrogées, le
harcèlement est justifiable et pour certains d'entre eux se faire
booster est une
83 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
raison suffisante. Avéré ou non, cela n'a plus
vraiment d'importance puisque sur le fond, une femme ne peut pas atteindre
seule un haut niveau. Par conséquent celle-ci mérite d'office
d'être visée par du harcèlement.
Cette toxicité s'illustre aussi sous la forme
d'insultes ou de paroles au caractère plus direct. Lors de nos
entretiens, Madame Dupont racontait que lorsqu'elle jouait sur Dofus
à l'âge de 13 ans avec un personnage féminin, il
arrivait souvent que de nombreuses personnes la suive et écrivent des
choses inappropriées dans le chat. Le langage Role Play (RP) en jeu
étant symbolisé par « ** », celle-ci raconte avoir eu
le droit à « **te sodomise » écrit par un inconnu. Sans
savoir ce que cela pouvait être elle s'est donc renseignée sur
Internet et a été profondément choqué à un
âge où elle ne savait pas « comment on fait les
bébés ». Une autre histoire choquante est celle d'Ilunaree
qui a vécu du harcèlement sexuel très jeune aussi, vers
l'âge de 11 ans de la part d'un groupe de garçons avec qui elle
jouait à Minecraft. Lors d'une pseudo interview pour
intégrer le groupe dans le jeu ceux-ci, bien plus âgés, lui
ont demandé si « elle avait déjà fait des trucs
», de leur montrer à quoi elle ressemble, ou encore de «
passer sous le bureau ». Très jeune à cette époque,
celle-ci répondait sans vraiment comprendre la teneur de ces propos et
n'a réalisé que plusieurs années plus tard de quoi il
s'agissait.
Les insultes de ce style sont devenues plus une habitude
qu'autre chose car personne ne réagit vraiment. Est-ce à cause
d'un manque de régulation ? Selon moi oui très clairement. La
même situation m'était arrivée il y a quelques
années, du harcèlement en continu qui avait commencé sur
un jeu puis sur des serveurs Discord sans pouvoir jamais réussir
à endiguer cette masse puisque lorsqu'une personne commence celle-ci est
en général suivie. Par conséquent, j'avais fait remonter
cela à Discord grâce à des tickets ou des alertes mais cela
n'avait rien changé, je n'avais pas eu d'autres réponses que
celle de quitter le serveur pour ne pas avoir à lire ce qu'ils disaient
sur moi.
En jeu également, les insultes sont devenues monnaie
courante et le fait d'être une femme engendre très souvent des
attaques sur le physique ou d'ordre sexuel. Pour 56,4% des personnes
interrogées, les femmes subissent le plus de harcèlement et 80,6%
considèrent que les hommes se positionnent en harceleur majoritaire. Le
niveau de jeu n'entre plus du tout en considération à l'instant
même où le sexe de la personne est dévoilé. Les
captures d'écran ci-dessous ont été pris par
moi-même au sein du jeu Black Desert Online. Pour remettre en
contexte toutes ces conversations ont eu lieu pendant des guerres de guilde,
c'est-à-dire des guerres opposant une
84 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
ou plusieurs guildes où il est possible de tuer les
membres de la guilde adverses sans perdre quoi que ce soit. À chaque
fois, les membres opposés ont appris que je suis une femme et
très rapidement les insultes se sont tournées sur le physique.
D'autres sont allés plus loin dans leur harcèlement,
jusqu'à retrouver mes informations personnelles pour les diffuser en
jeu.
Figure 18: Screenshot d'un extrait de conversation sur
Black Desert Online
S'il s'agit d'un homme, les insultes vont tourner soit autour
du jeu et des capacités du joueur à réaliser telle action
ou tuer telle personne soit autour du fait que celui-ci est gay, puisque cela,
rappelons-le, est toujours une insulte pour beaucoup de monde et surtout un
signe de faiblesse. Si par malheur les personnes à l'origine de ces
insultes se font battre, c'est pour eux le plus grand déshonneur et cela
mène donc à d'autres insultes toujours plus virulentes.
Figure 19: Screenshot d'un extrait de conversation sur
Black Desert Online
« L'anonymat est devenu une arme » (Mr
Smith). Derrière ces pseudonymes peuvent se cacher des hommes comme des
femmes, jeunes ou âgés, personne ne le saura jamais. Sans
régulation, sans action concrète, les choses ne changeront pas.
J'ai fait de nombreux tickets pour dénoncer les propos sexistes et
avilissants dont je pouvais être victime mais cela n'a jamais rien
changé.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il aurait fallu de réelles menaces de mort, avec des
adresses, des preuves, un scénario quasiment déjà mis en
place pour que le support agisse... Les règles et les régulations
mises en place ne protègent pas suffisamment les individus et
encouragent au contraire les harceleurs à continuer leurs actions
puisqu'ils savent qu'ils ne seront pas punis.
Parler de punition ou de sanction peut sembler essentiel, mais
comment y arriver ? Il n'est pas si facile de contrôler des personnes
inconnues derrière un écran. Peut-être faudrait-il exiger
un contrôle de l'identité, masqué bien entendu pour les
autres joueurs mais disponible pour un organisme spécialisé qui
pourrait légiférer lors de ces conflits. Effectivement beaucoup
appellerait cela du contrôle et observerait des réticences
vis-à-vis de ce genre de fonctionnement. Mais il faut bien reconnaitre
qu'essayer de raisonner les gens ne fonctionne plus depuis longtemps,
malgré les tentatives de sensibilisation, on a toujours le sentiment
d'avancer de quelques pas pour reculer par la suite. Un système
similaire à la loi actuelle devrait être mis en place en fonction
des délits, des insultes aux menaces de mort jusqu'au harcèlement
pour au moins dissuader les gens d'agir de la sorte.
3.3 L'image de la femme au coeur de la consommation 3.3.1
La vision marketing des entreprises
Les entreprises, à savoir les studios derrière
le développement des jeux, ont une priorité, c'est de vendre leur
produit. Pour cela, elles réalisent un certain nombre d'études
afin de connaître le marché et de répondre à la
demande. Pour certaines franchises très connues, c'est désormais
assez facile, on peut notamment penser aux jeux FIFA : un nouvel opus
sort tous les ans sans gros changement dans le jeu si ce n'est une
actualisation des équipes et des joueurs, mais le jeu reste vendu
à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires dès sa sortie.
Avec une moyenne de 89 millions de parties jouées par jour à
peine un mois après sa sortie, un éditeur comme EA sait qu'il
peut compter sur la renommée de l'entreprise pour vendre
(L'Éclaireur Fnac, 2022). Mais cette renommée ne vient pas de
nulle part : ce jeu tourne exclusivement autour du football qui est aujourd'hui
le sport le plus visionné au monde et qui rassemble le plus de fans et
de supporters.
85 / 291
Pour de nombreux jeux, les studios s'appuient sur les instincts
primaires de l'humain, à savoir
86 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
la sexualité, en utilisant donc le corps de la femme de
manière sexy et sexualisé pour vendre. Bien entendu, une fois de
plus, il ne faut pas associer la situation d'il y a dix ou vingt ans avec la
situation actuelle qui a grandement évolué. Pourtant, son
héritage est toujours présent et les conséquences des
choix qui ont été faits se ressentent toujours aujourd'hui. C'est
bien connu : les seins vendent (Ilunaree). Si Lara Croft a eu autant de
succès dès le début, ce n'était pas pour l'histoire
ou pour le caractère particulièrement fort du personnage. Lorsque
le jeu est sorti, la majorité des joueurs et donc des éditeurs
étaient des hommes et ne pensaient donc qu'à une clientèle
masculine et c'est pour ça qu'ils se sont concentrés davantage
sur les attributs physiques de l'héroïne plutôt que sur sa
personnalité. Dans certains jeux, il y a un travail énorme qui
est fait autour de l'animation des seins féminins pour qu'ils bougent
d'une certaine façon, souvent la plus aguicheuse possible, lors
d'actions en jeu. À en croire Louis Di Battista « ça ne
sert à rien et ça prend de la RAM », de manière
générale ça n'apporte strictement rien au jeu, mais tant
qu'il y aura des clients ça restera.
La question qu'il faut se poser est de savoir s'il s'agit, ou
ou non d'un choix conscient des entreprises. Mais comme le souligne Alexandre
Dachary, si les entreprises ne sont pas conscientes qu'avec une pochette de jeu
de Senran Kagura comme celle-ci, la sexualisation des personnages est
très clairement un outil marketing, c'est qu'il y a un
problème.
Figure 20: Pochette de jeu de Senran Kagura
Ce côté sexualisant peut être
utilisé de différentes manières, par exemple de nombreux
jeux ont des publicités très sexualisées avec une histoire
qui tourne autour d'un chevalier, de sa femme qui lui est soumise sous peine
d'être emprisonnée alors que parfois le jeu en lui-même n'a
plus rien à voir avec cela. Heroes Wars suit notamment cette
logique : c'est un jeu d'aventure où nous incarnons des héros qui
doivent avancer à travers une carte et obtenir des récompenses.
Pourtant les publicités montrent tantôt un couple en train de se
disputer, une autre fois des tours
87 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
à détruire, une fois encore une femme en train de
se faire écarteler.
De même, un style de jeu mobile qui a beaucoup
émergé ces dernières années est celui d'incarner
une femme laide, malodorante et mal vêtue qui se voit être
rejetée par l'amour de sa vie : il faut l'apprêter pour que
celui-ci revienne une fois l'aspect physique changé. Il y a toujours une
logique d'humiliation vis-à-vis de la femme puisqu'elle n'est qu'un
accessoire à mettre en avant le jeu : ainsi le joueur doit choisir entre
une fille moche mais riche, ou belle et pauvre et assumer les
conséquences de son choix. Dans d'autres jeux, le personnage principal
est une femme qui doit choisir entre devenir cheffe de la mafia ou être
kidnappée par son ancien mari (Rahmil, 2022). Pour beaucoup de jeux, la
publicité n'est qu'un écran, une façade pour attirer les
joueurs vers le jeu même si le contenu est différent. Les joueurs
vont être intrigués ou se dire que le contenu de la
publicité sera débloqué plus tard ou de manière
payante : c'est sur ces joueurs que misent les créateurs. Un jeu de
poker permettait également de dévêtir des filles pour
chaque manche gagnée et ici la publicité était aussi
fidèle que le jeu.
Alors pourquoi ce genre de pratiques sont-elles
utilisées ? Pour commencer « le marketing n'a fait que suivre
la demande, ils ont vu que ça marchait donc ils ont continué
» (Servane Fisher) à produire des contenus sexy pour attirer
la clientèle qui consommait. La société était
déjà comme cela, à préférer « la
beauté, la féminité, la douceur, le désir »
(Aymeric Simeon) qu'incarnent les femmes plutôt que la force brute
de l'homme. L'aspect masculin va les intéresser quand il s'agira
d'incarner le personnage et de se glisser dans sa peau. À ce
moment-là, les éditeurs vont prendre soin de remplir les
idéaux de force, de courage, de puissance, de grandeur que tout jeune
homme voudrait atteindre. Mais quand il s'agit du contenu du jeu en tant que
tel, c'est ce qu'on voit qui est privilégié donc des femmes
attirantes, qui sont souvent soumises au personnage incarné ou là
pour le servir. On cherche à attirer grâce aux fantasmes en
utilisant la femme comme une sorte d'hameçon, « il suffit de
voir les thumbnails des vidéos YouTube c'est des fesses ou une poitrine
alors que la vidéo n'a rien à voir derrière »
(Mr Smith).
Est-ce un bien ou un mal, je ne pense pas qu'il soit vraiment
possible de répondre à cette question. C'était un fait, un
état qui était normal lorsque les ventes ont commencé
parce que l'ensemble du marché était comme cela. Il suffit de
regarder les publicités pour des boissons ou des voitures ou même
pour un dentifrice pour en trouver très rapidement qui mettent une femme
à moitié nue en avant alors que ça n'avait aucun rapport
avec le produit mais que ça attire le regard. Peut-on donc blâmer
les producteurs d'avoir voulu vendre ? Comme dans beaucoup de
88 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
décisions il est rare que la morale entre en
considération pour laisser une place plus importante au rendement. Et en
partant du principe que les concurrents agissaient de cette manière,
tout le monde se devait de suivre le mouvement pour rester
compétitif.
En revanche, les choses ont évolué. Si on
reprend l'exemple cité plus haut des publicités pour jeux
mobiles, il y a toujours cette sexualisation mais les jeux mobiles sont souvent
considérés comme une catégorie bien à part. Dans
d'autres jeux la situation est différente et il existe donc des
barrières au contenu sexualisé qui n'existait pas il y a quelques
années. Les plus grandes franchises comme Riot ou Blizzard sont
conscientes de ces enjeux et cherchent désormais à favoriser le
lore ainsi que l'histoire plutôt que le physique (Lara Lunardi). Ce sont
les qualités du gameplay, des quêtes, du graphisme, en bref du jeu
en tant que tel qui sont vantées.
Le corps de la femme est donc aujourd'hui bien moins mis en
avant que par le passé. Mais est-ce que cela a changé quelque
chose pour les consommateurs ? Est-ce que cela a eu un réel impact sur
leurs choix au moment de l'achat ?
3.3.2 La vision des consommateurs
Qu'est-ce qui motive le choix d'un consommateur lorsqu'il doit
choisir un nouveau jeu ? Les entreprises ont utilisé plusieurs
modèles pour suivre le processus de décision telle que la
théorie du comportement planifié appliquée aux jeux
vidéo (Prugsamatz et al., 2010). Ceux-ci se fondent sur la
théorie établie par Ajzen (1991) pour analyser ce qui a
mené des joueurs à choisir un jeu, que ce soit au niveau des
avantages ou des inconvénients, des influences extérieures et de
ce qui pourrait les empêcher ou les pousser à acheter un jeu.
Cette étude a été réalisée sur trois
catégories différentes : des joueurs hardcore, des joueurs
casuals et des personnes ne jouant pas du tout aux jeux vidéo.
89 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 21: Mean attitude attributes by gamer type -
Prugsamatz, Sunita and Lowe, Ben and Alpert, Frank (2010)
Dans les caractéristiques citées par les
joueurs, c'est surtout d'interaction avec d'autres personnes dont il est
question lors du choix d'un jeu, la possibilité de s'amuser, de
créer et de s'occuper lorsqu'on s'ennuie. Les joueurs hardcore sont plus
sensibles aux points positifs comme aux points négatifs des jeux mais
beaucoup moins aux limites, comme par exemple le manque de temps qu'ils peuvent
avoir pour jouer à des jeux.
Afin d'étudier ce qui motive les joueurs à
acheter un jeu vidéo, nous avons réalisé une étude
quantitative afin de connaitre ce que chaque personne va regarder en premier.
Pour 73,5% des personnes interrogées il s'agit tout simplement du
gameplay puis de l'aventure pour 49,1%. Contrairement à l'étude
réalisée ci-dessus, le but était ici de voir ce qui allait
motiver le choix d'un jeu en particulier et non pas tellement le simple achat.
Pour des joueurs hardcore, ce genre de questions ne se pose plus tellement ce
qui importe c'est de réussir à cibler leur centre
d'intérêt
90 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
pour motiver l'achat.
On peut remarquer que tout ce qui concerne les personnages,
à savoir les personnages principaux, les skins et le côté
sexy des personnages, n'arrivent respectivement qu'en neuvième,
onzième et dernière position parmi les choix proposés.
Ainsi, même si les développeurs cherchent à jouer de
l'image sexy d'un personnage, ce n'est pas ce qui va attirer le plus les
joueurs. Un jeu sans aucun fond, aucun développement et manquant de
profondeur pourra mettre autant de personnages sexy qu'il le souhaite, cela ne
va attirer que moins d'un pourcent des joueurs. « On ne joue pas
à un jeu parce qu'il y a une belle femme, on joue à un jeu parce
que le gameplay, l'histoire, les mécaniques nous plaisent »
(Anthony Gerontitis). De plus, une hyper sexualisation des personnages a
au contraire tendance à freiner certains joueurs dans l'achat d'un jeu
vidéo. Pour 19,4% des personnes interrogées, ce n'est pas juste
un frein mais un stop très net.
Une fois en jeu, les choix peuvent être
différents, comme le dit Alexandre Dachary « peut-être
qu'un mec préfère jouer un personnage féminin qui est le
standard des clichés de beauté ». Et c'est en effet le
cas pour 5,9% des hommes ce qui reste assez faible. A contrario, 19% des hommes
préfèrent jouer des personnages masculins. Alors pourquoi ces
préférences ? Pour reprendre une fois de plus les paroles
d'Alexandre Dachary, c'est appréciable de jouer un personnage masculin
fort et qui a un réel impact sur le jeu. C'est une sorte d'idéal
auquel on va s'identifier puisque les personnages importants et dont on se
souvient sont toujours des personnages beaux. Le « moche » n'est pas
vendeur sauf si c'est fait exprès pour mettre quelque chose en relief ou
pour des personnages non-humains. Par exemple le jeu Struggling de
Chasing Rats Games dont l'affiche de présentation du jeu se trouve
ci-dessous avait pour seul but de séduire par l'aspect repoussant du
personnage jouable en présentant cela comme quelque chose d'exotique.
91 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 22: Affiche du jeu Struggling
Ici, ce n'est bien évidemment pas les personnages ou
les skins qui sont mis en avant mais plutôt l'aspect repoussant de la
créature que le joueur va manier. Le studio mise sur les 73,5% des
joueurs qui vont s'intéresser avant tout au gameplay et les 18,1%
intéressés par le jeu en équipe qui est ici
proposé.
Pour résumer, n'importe quel type de jeu peut
séduire un public, tout dépend de ce pour quoi le jeu est fait.
Dans un jeu comme Dead or Alive, on sait à quoi s'attendre. Sur
les affiches ou publicités du jeu, on ne voit que des femmes en bikini,
avec des formes surdimensionnées donc on sait quel va être le
contenu (JC Daull). Ce qui dérange souvent les joueurs, c'est d'avoir
une hyper sexualisation a un moment où cela n'est pas souhaité.
Par exemple, avoir une fille à moitié nue en plein milieu
d'Elden Ring serait mal pris et rebuterait surement nombre de joueurs,
puisque le jeu est au contraire très respectueux et inclusif et ne joue
pas sur ces clichés. Par ailleurs, les joueurs ne sont plus autant
intéressés par le fait d'avoir à tout prix des PNJ ou des
personnages sexy avec lesquels fleurter ou s'acoquiner dans le jeu. Par
conséquent, c'est un contenu beaucoup moins mis en avant par les
entreprises qui ne misent plus sur ce contenu-là étant
donné qu'il attire moins de joueurs (Laurianne Espinadel).
Ce qui est important, c'est d'avoir un équilibre et de
respecter ce pour quoi le jeu est mis en avant. Avoir une certaine
sexualisation des personnages n'est pas un problème si ce n'est pas au
centre de tous les jeux. De la même manière que le cinéma
est à l'heure actuelle en train de
92 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
se diversifier, une diversité dans les jeux peut
être intéressante si elle ne nuit pas à la qualité
du gameplay. Selon moi, c'est un équilibre qui permettra de parvenir
à plus d'égalité puisque tous les sexes et toutes les
couleurs seront représentés. De cette façon, des femmes ou
des hommes hyper sexualisés ne gêneront plus puisqu'ils ne seront
qu'un aspect parmi tant d'autres des jeux.
3.4 Culturel et loisirs
3.4.1 Un impact des streameuses à double tranchant
sur la communauté des joueuses
Depuis la fin des années 2000, les plateformes telles
que YouTube ont vu émerger un nouveau type de contenu appelé
streaming qui consiste à se filmer en train de jouer, en montrant le jeu
en même temps et en le commentant pour une communauté qui regarde.
Ces streams peuvent avoir plusieurs buts, de la simple discussion autour d'un
sujet, aux tests de nouveaux jeux, à la diffusion de contenu
personnalisé, ludique, amusant ou multijoueurs. Or ce nouveau mode de
jeu a contribué à modifier la communauté des joueurs et la
représentation des femmes dans les jeux.
C'est par le stream que de nombreux joueurs se sont fait
connaitre en se spécialisant sur certains jeux et en devenant des
modèles à suivre au sein des jeux qu'ils testaient en avance. Or
de la même manière que la présence des femmes sur les jeux
vidéo, parmi les streameurs les plus connus et les plus regardés,
il y a très peu de femmes. Celles qui parviennent à
émerger et à se mettre en avant sont souvent
considérées comme des rôle modèles, comme un
objectif à atteindre et surtout comme la preuve qu'il est possible d'y
arriver. Mais cette réflexion est à double tranchant.
Pour commencer, se lancer dans le streaming est difficile. On
ne peut pas en vivre avant un long moment car il faut avoir suffisamment de
visibilité pour que ce soit intéressant pour la plateforme de
faire passer des publicités et donc de rémunérer. Beaucoup
pensent qu'il est plus facile pour une femme d'attirer du public
précisément du fait de clichés sexistes. Néanmoins,
celles-ci font face aux mêmes problèmes, voire aggravés,
que dans les autres sphères du gaming : harcèlement, violence
morale, insultes.
93 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Figure 23: Classement streamers Twitch de l'année
2021
Comme le montre le classement ci-dessus, au cours de
l'année 2021, les 20 streameurs les plus regardés sur Twitch sont
des hommes. Si on compare les chiffres en janvier 2022, la streameuse la plus
regardée était Little Big Whale avec un nombre d'heures
regardées de 411,817 tandis que pour le même mois du
côté masculin, c'était Kameto avec 4,633,876 d'heures
visionnées soit presque 10 fois plus (Classement des streameuses,
2022). Pour celles qui réussissent donc à se mettre en
avant, il faut faire face au poids qu'ont leurs homologues masculins dans ce
milieu.
Par ailleurs, il existe deux grandes catégories dans le
streaming : le simple divertissement avec
94 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
des catégories comme le « Just Chatting »
où il s'agit surtout d'échange entre le streameur et sa
communauté, et le jeu en tant que tel. Sauf qu'à nouveau les
femmes doivent faire face à un problème d'inégalité
: pour streamer sur un jeu, elles doivent avoir un très bon niveau sinon
elles risquent des reproches constants ; si au contraire elles choisissent de
faire du divertissement, les reproches fusent également puisqu'elles
sont vues comme des personnes vénales utilisant leur corps pour
séduire et attirer des spectateurs. Malheureusement « beaucoup
de streameuses ne seront jamais vu de manière égalitaire par
rapport à un homme » (Hugo Blaix) et celles-ci subissent un
harcèlement qui découle de cette inégalité.
Pourquoi la situation des streameuses est-elle si
compliquée ? Le streaming ne se limite pas au monde du jeu et touche de
nombreux types de contenus. Certaines femmes, qui ne sont pour la plupart pas
des joueuses de jeux vidéo, streament ainsi du contenu érotique.
Celles-ci sont très souvent victimes d'insultes de la part de leurs
spectateurs. Pour certaines, il s'agit simplement d'éducation : Shakaam
s'est spécialisée dans l'éducation sexuelle pour
éviter que les jeunes n'apprennent cela que par le biais de la
pornographie. Mais cela n'empêche certainement pas le harcèlement
et les insultes et les remarques sur le physique fusent, les auditeurs se
sentant comme autorisés à critiquer parce que le contenu touche
à la sexualité. Dans une interview, la streameuse disait vivre
cela tous les jours et finalement s'y être habituée. Mais n'est-il
pas inquiétant que l'on doive s'habituer à recevoir des insultes
de manière constante et à se faire harceler ? Bien qu'il y ait un
apprentissage pour passer outre, cela reste très difficile de vivre avec
la communauté Twitch (Thurier, 2021).
Pour d'autres, le streaming a pris un aspect tournant
critiquable, notamment avec les hot tubs, qui consistent « à
s'afficher en bikini dans un jacuzzi pour répondre aux questions des
abonnés » (Jonniaux, 2021). Étant donné le
caractère dénudé de ces streams, beaucoup d'internautes et
d'utilisateurs de Twitch ont crié au scandale et nt demandé que
la plateforme prenne des mesures. Une catégorie spéciale
«Pools, hot tubs and beaches» a donc été
créée pour permettre davantage de régulation et surtout
permettre que ce genre de contenu ne soit pas affiché dans les
recommandations des personnes ne le souhaitant pas. Cela n'a pas
été interdit puisque malgré l'interdiction de diffuser des
contenus sexuellement explicites, Twitch a déclaré que d'un point
de vue juridique, si une personne est dans un réceptacle d'eau, elle est
dans une situation qui permet d'accepter le port de maillot de bain (Hugo
Blaix).
Dès lors, plusieurs points de vue s'opposent. Le
premier est de mettre en avant le fait que chacun
95 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
est libre d'utiliser son corps comme il le souhaite et que par
ailleurs si des hommes sont prêts à mettre de l'argent pour
regarder ce contenu, tant mieux pour ces femmes. C'est une catégorie
quasiment exclusivement féminine mais d'un autre côté,
« les femmes ne sont pas assez bêtes pour payer pour ça
» (Katherine Mailloux). Même si cela est en effet beaucoup
critiqué, de nombreux consommateurs et de personnes visionnent les
streams en payant pour le contenu proposé, à savoir des danses
sexy ou bien la possibilité de voir son nom écrit sur le corps de
la streameuse. Par conséquent, s'il y a des personnes prêtes
à payer pour ce contenu, c'est une source de revenus comme une autre.
Les spectateurs ont donc leur part de responsabilité dans l'existence de
ces programmes qu'ils soutiennent par leurs dons réguliers (Mr
Smith).
Un autre point de vue, plus tranché, met en avant le
fait qu'agir de la sorte permet de montrer la confiance que les femmes doivent
avoir en elles-mêmes et la liberté qu'elles peuvent avoir.
À cela, beaucoup répondent que ce genre de comportement est une
forme de prostitution et que cela vient totalement dénaturer les
mouvements en faveur des droits des femmes puisque cela donne une image de la
femme objet, de la femme comme source de plaisir et de la femme vénale
prête à tout pour obtenir de l'argent.
Les streameuses ont donc un impact à double tranchant
sur les communautés et surtout sur les joueuses de jeux vidéo.
Sachant qu'elles sont la face des joueuses puisque ce sont elles qui sont mises
en avant, on utilise souvent leurs actions et leur profil pour définir
l'ensemble des agissements des joueuses. Par conséquent, la
présence de tant de femmes dans des catégories hot tub peut venir
contrecarrer ce combat. De plus, en se montrant de façon aussi
dénudée, ne contribuent-elles pas aussi à construire cette
image de la femme comme objet de plaisir ? Selon Mr Smith, « il a
suffi de quelques streameuses dans leur piscine ou qui vendent leurs pets pour
enlever tout crédit aux femmes qui se battent pour la cause
».
Heureusement, toutes les femmes qui streament ne sont pas dans
cette catégorie et nombre d'entre elles diffusent un contenu ludique et
divertissant. De plus en plus de femmes tranchent avec l'image qui leur
était associée, de joueuse calme prenant du plaisir sur des jeux
de réflexion et non forcément des jeux demandant beaucoup
d'acharnement. Pour Omega Zell, il n'y a « plus trop de
différences entre les deux » sexes. Une femme tout autant
qu'un homme « tryharder et s'acharner pendant plusieurs heures sur un
boss ». C'est ces femmes qui sont la figure du changement, de
l'insertion des femmes dans un milieu masculin et qui se constituent comme
véritable rôle modèles vis-à-vis des nouvelles
générations.
96 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3.4.2 Comment tracer un chemin vers un monde esportif
égalitaire ?
3.4.2.1 Les associations
À l'instar de nombreux domaines ludiques, sportifs,
culinaires ou tant d'autres, de nombreuses associations ont vu le jour,
centrées autour du monde du jeu. Pour la plupart, celles-ci promeuvent
l'inclusivité et la mixité pour tout type de personne
indépendamment de leur sexe, couleur de peau, origine ou orientation
sexuelle. Parmi ces associations on retrouve Women In Games,
créée en 2017 et ayant pour objectif de doubler le nombre de
femmes et de personnes non-binaires présentes dans l'industrie du jeu
vidéo sur les 10 ans à venir. Cela passe par de la
visibilité, de la sensibilisation, des formations et beaucoup de
communication pour mettre en avant l'égalité qu'elle promeut. On
retrouve d'autres associations plus spécifiques comme Afrogameuses qui
lutte contre l'invisibilisation des femmes noires dans les jeux vidéo ou
Game'Her qui suit la voie de Women In Games en luttant pour donner plus de
visibilité aux femmes.
Ces associations sont encore peu nombreuses et ne sont pas
très connues de la plupart des joueurs. Si beaucoup de leurs membres
sont présents lors de conventions ou d'évènements offline,
leur impact sur la communauté reste encore très limité
selon beaucoup. Certains n'y voient pour commencer tout simplement pas
l'utilité : « L'école n'y arrive pas, l'état n'y
arrive pas, les parents n'y arrivent pas donc c'est pas une association qui va
changer quelque chose » (Louis Di Battista). N'arrive pas à
quoi ? Tout simplement à mettre en place un système
égalitaire. Nous ne parlons pas du tout ici de suprématie
féminine ou d'une envie d'avoir l'ensemble des femmes au pouvoir mais
simplement d'avoir accès aux mêmes droits, d'être
jugés tous de la même façon et de donner les mêmes
possibilités à chacun. De plus, les associations sont loin
d'être parfaites : pour certaines femmes qui recherchent justement un
safe space c'est-à-dire un endroit sécurisé pour se
confier ou parler, Women In Games semblait l'endroit idéal mais
l'association compte aussi bien des hommes que des femmes, par
conséquent lorsqu'on souhaite parler de problèmes
féminins, de nombreux hommes peuvent ou se permettent de
renchérir et il n'y a plus du tout cette notion de
sécurité (Mme Dupont). Enfin, pour beaucoup, ce concept n'est pas
prêt. Les associations servent à mettre en avant les femmes et
leur rôle dans le monde du jeu mais ce monde n'est pas encore prêt
à assumer cela en raison de ses dispositions. En effet si on prend
l'exemple des ligues esportives, une ligue féminine
97 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
n'aura que très peu de visibilité car c'est une
boucle infernale : sans sponsor il n'y a pas d'argent donc peu de communication
donc les gens ne regardent pas. Et si personne ne regarde, il y a encore moins
de sponsors (Hugo Blaix).
Pour d'autres, les actions réalisées par ces
associations sont essentielles. Pour Game'Her c'est notamment l'occasion de
s'adresser à un public jeune donc collégiens ou lycéens
ainsi qu'à leurs parents afin de les sensibiliser vis-à-vis du
contenu qu'ils peuvent trouver dans les jeux ou sur des sites de stream comme
Twitch. Ils sont là pour se positionner en accompagnateurs dans un
milieu que les parents ne connaissent pas forcément ou encore
très mal (Louis Di Battista). De plus, pour Servane Fisher et Morgane
Falaize, toutes deux membres de Women In Games, c'est un processus qui prend du
temps et qui ne peut réussir qu'avec de nombreuses petites actions.
Celles-ci ont toutes un impact et c'est leur somme qui permet de voir un
réel changement : le passage de 15% de femmes dans les studios en 2018
à 22% l'année dernière est la preuve en chiffre que toutes
les actions menées ont un réel impact.
Figure 24: « Le jeu vidéo, un médium et
une industrie de plus en plus mixte » - Women In Games
Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les
associations telles que celles présentées ici sont l'exemple
parfait pour répondre à ce genre de dicton. Si rien n'est fait,
si aucune action n'est entreprise, il devient impossible de se défendre
et d'évoluer. Nous sommes encore loin d'une égalité ou
même de la parité, c'est pourquoi il faut continuer à agir
en ce sens.
3.4.2.2 Le changement de mentalité dans la
société
C'est un aspect que nous avons évoqué de
nombreuses reprises, le monde du jeu vidéo se calque sur la
société. Les choix qui sont faits dans les jeux reflètent
la mentalité qui prédomine dans la
98 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
société et c'est aussi pour cela qu'on assiste
à de nombreux changements depuis ces dernières années. En
parallèle du mouvement #MeToo qui a mis en lumière le
harcèlement et les violences que de nombreuses femmes subissent au
quotidien et notamment dans les entreprises, des mouvements propres aux jeux
vidéo comme le Gamergate se mettaient aussi en place. À
l'origine, ce mouvement se voulait être une réaction contre le
féminisme et le progressisme dans les jeux vidéo en ciblant des
femmes éminentes du jeu vidéo à travers des menaces de
mort, du harcèlement et du doxing. Mais cela a eu pour
conséquence de faire réagir et de sensibiliser l'ensemble de la
société à ce qui pouvait arriver à quelconque femme
osant élever la voix au sein de ce milieu, créant ainsi une
guerre culturelle entre les deux camps (Gamergate (Campagne de
Harcèlement), 2022).
Ce mouvement a été vu comme une réaction
à l'apparition de femmes de plus en plus nombreuses dans le monde du jeu
vidéo qui venaient casser avec « l'identité du joueur »
masculin qui existait depuis les années 1990. Se plaçant en tant
que guerriers contre le féminisme, ses acteurs ont au contraire
créé un mouvement contre lequel l'opinion publique voulait
à tout prix s'opposer afin de ne pas laisser le sexisme et la misogynie
prendre le pas. Cependant ils révèlent aussi le problème
latent qui existe dans les jeux aussi bien que dans la société
à savoir que de nombreux hommes ne sont pas prêt à accepter
les femmes comme des égales ou supérieures dans le cadre de
l'exercice de fonctions professionnelles (Romano, 2021).
Ces vagues de haine ont un impact dans la vie réelle.
Lorsque la joueuse transsexuelle Remilia avait commencé à jouer
en LCS donc à haut niveau, celle-ci a subi une vague de haine et de
harcèlement tellement intense que cela l'a poussée au suicide.
« Elle était un exemple comme quoi les femmes pouvaient jouer
au même niveau que les hommes » (Hugo Blaix) et cela
n'était tolérable. Or l'idée que le harcèlement est
possible est permise par l'éducation. Au contraire, le respect de
l'autre, la sensibilisation au harcèlement et surtout l'arrêt des
stéréotypes de genre sont un premier pas vers une
égalité (Ilunaree). On aura beau créer des associations,
mettre en place de nombreuses actions, le travail de fond vient des parents (Mr
Smith).
Au sein même des jeux, il y a bien évidemment
aussi des changements à faire. Rajouter des femmes peut sembler avoir
peu d'intérêt. Parfois il s'agit d'un acte marketing : c'est
notamment le cas d'Ubisoft qui met en lumière le nombre
d'héroïnes qu'ils ont créés pour leurs jeux
vidéo à l'occasion de la journée des droits des femmes, en
omettant de dire que celles-ci ont quasiment toutes un sort tragique et ne
parviennent jamais à la fin du jeu (Louis Di Battista). C'est une
99 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
très bonne chose que de plus en plus de femmes puissent
être inclues dans les jeux et soient montrées mais il ne faut pas
que cela desserve l'action initiale. Il faudrait travailler autant sur la
création des personnages féminins que sur celle des personnages
masculins, il faudrait pouvoir laisser le choix au joueur de choisir le sexe et
non pas en imposer un masculin systématiquement (JC Daull). Ou tout du
moins il faudrait que l'hégémonie masculine cesse d'être la
norme. Ce n'est pas grave d'avoir un jeu avec un héros masculin, ce qui
est gênant c'est de n'avoir que cela, avec des femmes pour lui servir
d'épouse ou d'esclave ou pire d'accessoire.
Il est aussi nécessaire de développer une vision
saine ou mixité et diversité sont des mots d'ordre et sont
respectés par tout le monde (Servane Fisher). Ce n'est pas normal
d'avoir toujours des femmes en sous-vêtements dans de nombreux jeux juste
parce que les hommes qui l'ont conçu étaient contents de les
voir. Modifier la perception des gens pour leur faire comprendre qu'il n'est
pas normal de juger une catégorie de personnes moins capable juste parce
que ce sont des femmes serait nécessaire, mais semble être un
défi très difficile à réaliser et surtout long
(Morgane Falaize).
Enfin, il est important d'opérer ces changements pour
que les femmes osent se mettre en avant dans l'industrie du jeu. Les
entreprises n'ont aujourd'hui que 22% de femmes mais sont-elles
présentes à l'embauche outre la discrimination qu'elles peuvent
subir ? C'est le problème auquel Omega Zell a pu faire face lors du
recrutement qu'il a réalisé, sur une cinquantaine de CV
reçus, il n'y avait que deux femmes. Pour lui qui apprécie et
prône la diversité et la mixité, ne pas avoir les profils
sous les yeux et disponible est le vrai problème.
Pour conclure, sans changements à une échelle
plus large il sera particulièrement difficile de réussir à
faire changer les choses dans le monde du jeu puisqu'il s'agit des mêmes
acteurs et donc de la même mentalité. Il serait intéressant
d'étudier l'influence que peuvent avoir les joueurs sur la
société en tant que telle.
3.4.2.3 Le rôle essentiel des hommes
Cela peut paraitre étrange de consacrer une partie aux
hommes dans un mémoire sur l'image de la femme mais, dans la mesure
où les hommes qui sont majoritaires dans les hautes sphères
100 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
de commandement ou de décision, leur action est
nécessaire pour parvenir à un changement durable. Cela ne
signifie pas oublier qu'ils ont une certaine part de responsabilité :
lors de l'étude quantitative réalisée, 80,6% des personnes
interrogées placent les hommes en tant qu'harceleur et 60,5% ont
assisté ou vécu du harcèlement de nature misogyne ou
sexiste. Il y a tout de même une certaine mentalité et un certain
comportement qui sont enfouis dans les moeurs et que les femmes continuent de
subir aujourd'hui. C'est pourquoi il est nécessaire que les hommes
apprennent et déconstruisent leurs idées afin de les remodeler.
À travers l'écoute active des femmes, les mentalités
pourront changer et évoluer (Louis Di Battista).
Il faut travailler ensemble, continuer à faire des
campagnes de sensibilisation pour que la majorité des hommes comprenne
que ce qui se fait actuellement n'est pas tolérable. Il faut qu'on
arrive dans un monde où lorsque des hommes assistent à une
remarque ou une situation déplacée vis-à-vis d'une femme,
ils interviennent et interpellent sur le manque de respect au lieu de «
rire grassement et bêtement » (Omega Zell). Lors de la
journée internationale des droits de la femme le 8 mars, une campagne
mettait en avant des hommes aussi bien que des femmes et cela a
été très largement critiqué et rejeté. C'est
seulement main dans la main qu'il sera possible de parvenir à une
égalité.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
CONCLUSION
101 / 291
102 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Conclusion
« L'admission de la femme à
l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la
civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et
ses chances de bonheur » (Stendhal, 1822).
Aussi bien dans la société que dans le monde des
jeux vidéo, les femmes cherchent à trancher avec l'image de sexe
faible qui leur est associée depuis la nuit des temps. Cependant,
répondre de manière unilatérale à l'interrogation
portant sur l'impact de l'image de la femme sexualisée dans les jeux sur
la société apparait comme impossible. En effet, de nos jours cet
impact est devenu limité justement grâce aux changements positifs
qui se sont opérés dans la société. Le
féminisme est un combat pour l'égalité et la parité
qui prend de l'importance dans de plus en plus de domaines de manière
très médiatisée comme pour le cinéma, ou de
manière plus discrète comme dans les jeux vidéo.
Ainsi, il y a plusieurs manières de répondre
à la question que nous nous étions posée, à savoir
en quoi l'image sexualisée de la femme dans les jeux vidéo
influence les joueurs dans leur jeu et dans leur quotidien. Pour commencer,
grâce à l'évolution des mentalités et de la
société, l'image de la femme a elle aussi évolué
vers quelque chose de plus respectueux et surtout plus réaliste. De
plus, bien qu'il existe encore des représentations féminines
très sexualisées, elles ne forment plus la majorité et
surtout le choix est laissé au joueur sur la façon dont il va
pouvoir jouer au jeu. Cependant, il y a toujours très peu de femmes
parmi les héros de jeu que l'on peut choisir d'incarner de même
que parmi ceux qui sont mis en avant pour la publicité et la promotion
comme si la cible des entreprises n'était toujours que masculine et
devait donc coller aux idéaux de force et de courage que les hommes se
doivent d'être.
Par ailleurs, au niveau de la consommation et des
préférences d'achats, la plupart des consommateurs sont
conscients des mécanismes de vente qui sont déployés par
les entreprises pour vendre davantage ou mettre en avant un produit. Parmi ces
derniers, le corps de la femme comme objet sexualisé au sein des jeux a
longtemps servi d'appât. Mais l'image qui est proposée de la femme
dans un jeu n'influence pas nécessairement la décision lors de
l'achat voir rebute l'acheteur qui est bien plus sensible au gameplay
qu'à la mise en avant d'éléments qui n'ont pas d'influence
directe sur le jeu. Si certains y sont sensibles cela reste une infime
103 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
proportion des joueurs surtout depuis que les femmes sont
aussi nombreuses que les hommes à jouer aux jeux vidéo et donc
à les acheter.
Toujours dans l'industrie du jeu vidéo, au niveau
scolaire et professionnel, les femmes se font encore rares mais leur
présence augmente d'année en année. Une fois de plus,
l'image de la femme comme inférieure, ou du moins, moins
compétente, a pu avoir une influence sur le choix des recruteurs mais
également sur les femmes elles-mêmes. Celles-ci se restreignent
parfois par crainte de ne pas être vues comme égales aux hommes ou
n'appartenant pas à la place qu'elles voulaient prendre. Il y a donc
deux problèmes qui s'opposent ici : du côté des hommes, il
s'agit bien évidemment de juger les capacités et non le sexe lors
du recrutement et pour les femmes il est question d'oser se mettre en avant et
essayer malgré la domination encore masculine de ce milieu.
Finalement, l'image qui est renvoyée de la femme au
sein des jeux vidéo n'a que peu d'impact sur le quotidien des joueurs
étant donné la situation de la femme dans la
société actuelle. En effet, le harcèlement existe
déjà et même si certains jeux viennent le renforcer et le
favoriser grâce à l'anonymat, les jeux n'en sont pas à
l'origine et sont loin d'en être le seul vecteur. Dans les postes haut
placés et à responsabilité, les femmes font pâle
figure tellement celles-ci sont peu représentées. Ainsi,
même si l'image de la femme qui est donnée dans les jeux
n'améliore pas cette situation, elle n'en est selon moi pas à
l'origine et n'en est que l'un des nombreux contributeurs.
Aujourd'hui, le jeu vidéo évolue de nombreuses
manières notamment à travers la réalité virtuelle
qui est également sujette à débat en raison des limites
qui s'amenuisent entre réalité et fiction. Dans un domaine
où les barrières sont très légères et
où le sentiment d'impunité règne en maitre grâce
à l'anonymat, les problèmes et les travers de la
société transparaissent dans les jeux qui font écho
à la réalité. Les jeux vidéo ne rendent pas
violents de même qu'ils ne rendent pas sexistes ou misogynes.
L'atmosphère que la société y instaure décuple ces
états de faits mais ils existent dans la société depuis
bien plus longtemps sauf qu'ils sont punis dans cette dernière car aux
yeux de beaucoup les jeux vidéo n'ont pas d'impact concret sur la
réalité. L'image de la femme dans les jeux vidéo n'est
donc que le miroir de celle de la femme dans la société.
104 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Bibliographie
Accenture. (2021, 27 avril). Gaming . · The next
super platform. Consulté le 5 janvier 2022, à l'adresse
https://www.accenture.com/us-en/insights/software-platforms/gaming-the-next-super-platform
Ajzen, I. (1991). The theory of planned behavior.
Organizational Behavior and Human Decision Processes, 50(2),
179?211.
https://doi.org/10.1016/0749-5978(91)90020-t
Ara, A. (2019, 2 janvier). Dossier . · le gaming
au féminin. Millenium. Consulté le 23 juin 2022, à
l'adresse
https://www.millenium.org/news/275011.html?page=2
Audureau, W. (2019, 8 mars). « Rape Day »
. · comment un jeu vidéo de viol a pu se retrouver sur la
plate-forme Steam. Le Monde.fr. Consulté le 16 février 2022,
à l'adresse
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/03/08/comment-un-jeu-video-de-viol-a-pu-se-retrouver-sur-la-plate-forme-steam_5433258_4408996.html
Bilan marché 2020. (s. d.). Syndicat des
Éditeurs de Logiciels de Loisirs. Consulté le 25 janvier 2021,
à l'adresse
https://www.sell.fr/news/bilan-marche-jeu-video-2020
Bohler, S. (2017). Sexisme : une étude accable les jeux
vidéo. Cerveau & Psycho, N° 88(5), 8.
https://doi.org/10.3917/cerpsy.088.0008
Boquen, M. (2019, 11 mars). Les e-sportives ou le parcours de
la combattante. korii. Consulté le 23 mai 2022, à l'adresse
https://korii.slate.fr/et-caetera/esport-feminin-competition-non-mixite-tremplin-joueuses
Boulland, Grégoire. (2020). Esport et COVID-19
. · l'esport est-il le grand gagnant du confinement ?
https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/object/thesis:26995
C. (2020, 25 novembre). Le groupe LoL K/DA débarque
dans Just Dance 2021. Millenium FR. Consulté le 15 février
2022, à l'adresse
https://www.millenium.org/news/374350.html
105 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Checola, L. (2012, août 23). Lara Croft et le sexisme
des gamers. Le Monde.fr. Consulté le 3 février 2022,
à l'adresse
https://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/08/23/lara-croft-une-icone-malmenee_1749046_651865.html
Classement des streameuses. (2022). Streameurs.
Consulté le 18 juin 2022, à l'adresse
https://streameurs.fr/classement/streameuses/?d=2022-01
Dewey, C. (2014, 14 octobre). The only guide to Gamergate you
will ever need to read. Washington Post. Consulté le 14
février 2022, à l'adresse
https://www.washingtonpost.com/news/the-intersect/wp/2014/10/14/the-only-guide-to-gamergate-you-will-ever-need-to-read/
Dill, K. E., Brown, B. P., & Collins, M. A. (2008). Effects
of exposure to sex-stereotyped video game characters on tolerance of sexual
harassment. Journal of Experimental Social Psychology, 44(5),
1402?1408.
https://doi.org/10.1016/j.jesp.2008.06.002
Duneau, C. (2020, 12 novembre). Aux origines de K/DA, le
groupe de pop virtuel issu du jeu « League of Legends ». Le
Monde.fr. Consulté le 15 février 2022, à l'adresse
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/11/12/aux-origines-de-k-da-le-groupe-de-pop-virtuel-issu-du-jeu-league-of-legends_6059499_4408996.html
Egenfeldt-Nielsen, S., Smith, J. H., & Tosca, S. P. (2013).
Understanding Video Games : The Essential Introduction (3e
éd.). Routledge.
Élongué, C. (2019, 10 mars). La
représentation des femmes dans les jeux vidéo a
légèrement changé. Thot Cursus. Consulté le 16
février 2022, à l'adresse
https://cursus.edu/fr/12491/la-representation-des-femmes-dans-les-jeux-video-a-legerement-change
106 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Les femmes dans les jeux vidéo. (2020, 3 juin).
AOC. Consulté le 27 janvier 2022, à l'adresse
https://eu.aoc.com/fr/gaming/news/les-femmes-dans-les-jeux-vid%C3%A9o#:%7E:text=Les%20personnages%20f%C3%A9minins%20ont%20commenc%
C3%A9,proposaient%20aucun%20personnage%20f%C3%A9minin%20jouable.
Fischer, S., & Lecourtois, M. (2019, 12 décembre).
Esport & Mixité - Les femmes dans l'esport - état des
lieux. France Esports. Consulté le 3 mars 2022, à l'adresse
https://www.france-esports.org/test-video/
Flamm, F. (2020, 25 février). League of Legends :
Vaevictis HellMa : « C'était une très bonne
expérience pour nous ». Team aAa. Consulté le 24 mai
2022, à l'adresse
https://www.team-aaa.com/fr/actualite/vaevictis-hellma-cetait-une-tres-bonne-experience-pour-nous_115648
Forsans, E. (2022, 19 mai). Le jeu vidéo, un
médium et une industrie de plus en plus mixte. AFJV.
Consulté le 23 juin 2022, à l'adresse
https://www.afjv.com/news/10934_jeux-video-medium-industrie-mixite-homme-femme.htm#:%7E:text=En%20France%2C%20il%20y%20a,et%2021%25%20dans%20la%2
0Technologie.
Fox, J., & Potocki, B. (2015). Lifetime Video Game
Consumption, Interpersonal Aggression, Hostile Sexism, and Rape Myth
Acceptance. Journal of Interpersonal Violence, 31(10),
1912?1931.
https://doi.org/10.1177/0886260515570747
Gamergate (campagne de harcèlement). (2022, 24
mai). Dictionary. Consulté le 25 juin 2022, à l'adresse
https://dictionary.tn/amp/gamergate-campagne-de-harcelement/
Gestos, M., Smith-Merry, J., & Campbell, A. (2018).
Representation of Women in Video Games : A Systematic Review of Literature in
Consideration of Adult Female Wellbeing. Cyberpsychology, Behavior, and
Social Networking, 21(9), 535?541.
https://doi.org/10.1089/cyber.2017.0376
107 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Granchette, F. (2021, 1 juillet). L'industrie du jeu
vidéo en quête de parité. CUBE. Consulté le 26
juin 2022, à l'adresse
https://cubemedia.fr/2021/07/01/lindustrie-du-jeu-video-en-quete-de-parite/
Hamari, J., & Sjöblom, M. (2017). What is eSports and
why do people watch it ? Internet Research, 27(2), 211?232.
https://doi.org/10.1108/intr-04-2016-0085
Hess, E. (2021). Les nouvelles représentations des
minorités dans les Jeux vidéos : enjeux et significations.
ALTERNATIVE FRANCOPHONE, 2(8), 65?82.
https://doi.org/10.29173/af29412
Histoire du jeu vidéo de 1958 à 2021.
(2022, 27 janvier). Gaming Campus. Consulté le 29 décembre 2021,
à l'adresse
https://gamingcampus.fr/boite-a-outils/les-grandes-etapes-de-lhistoire-du-jeu-video.html
Industrie - Les Chiffres. (2022). Women in Games
France.
https://womeningamesfrance.org/industrie/#:%7E:text=Contrairement%20%C3%A0%20certa
ines%20id%C3%A9es%20re%C3%A7ues,studios%20de%20d%C3%A9veloppement%20(2).
Jonniaux, A. (2021, 25 mai). Twitch créé une
catégorie spéciale bikinis et jacuzzis.
Journal du Geek. Consulté le 17 juin 2022, à
l'adresse
https://www.journaldugeek.com/2021/05/25/twitch-cree-une-categorie-speciale-bikinis-et-jacuzzis/#:%7E:text=La%20plateforme%20a%20tranch%C3%A9%20sur,aussi%20%C3%A0
%20satisfaire%20les%20annonceurs.
Kent, S. L., Woren, D., & Audio, R. H. (2001). The
Ultimate History of Video Games, Volume 1 : From Pong to Pokemon and Beyond . .
. The Story Behind the Craze That Touched Our Lives and Changed the World.
Random House Audio.
L'Éclaireur Fnac. (2022, 14 janvier). FIFA 22 explose
les chiffres de vente et confirme la puissance de la licence.
Consulté le 31 mai 2022, à l'adresse
https://leclaireur.fnac.com/article/61734-fifa-22-explose-les-chiffres-de-vente-et-confirme-la-
108 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
puissance-de-la-
licence/#:%7E:text=Ce%20qui%20nous%20donne%20un,de%20plus%20confirm%C3%A9e
%20en%202021.
La Ligue Féminine : une ligue aux saveurs d'eSport et
d'émancipation - GameHer. (2018, 21 février). Game'Her.
Consulté le 23 mai 2022, à l'adresse
https://gameher.fr/blog/la-ligue-feminine-une-ligue-communautaire-aux-saveurs-desport-et-de-valorisation-de-la-femme
Lynch, T., Tompkins, J. E., van Driel, I. I., & Fritz, N.
(2016). Sexy, Strong, and Secondary : A Content Analysis of Female Characters
in Video Games across 31 Years. Journal of Communication,
66(4), 564?584.
https://doi.org/10.1111/jcom.12237
M., E. (2018, 28 juillet). Rencontre Esport et Mixité
: Un succès pour WIG, France Esports et Paris&Co ! Women in
Games France. Consulté le 3 mars 2022, à l'adresse
https://womeningamesfrance.org/rencontre-esport-et-mixite-un-succes-pour-wig-france-esports-et-parisco/
Marlard, M. (2012, 23 septembre). Joystick : apologie du viol
et culture du machisme. Genre ! Consulté le 20 janvier 2022,
à l'adresse
https://cafaitgenre.org/2012/08/18/joystick-apologie-du-viol-et-culture-du-machisme/
Massicolli, E. (2012, 1 octobre). Sexisme et jeux
vidéo - La partie n'est pas gagnée. Gazette des femmes.
Consulté le 1 juin 2022, à l'adresse
https://gazettedesfemmes.ca/6317/sexisme-et-jeux-video-la-partie-nest-pas-gagnee/
McDaniel, M Allison. (2016). Women in Gaming : A Study of Female
Players' Experiences in Online FPS Games. Honors Theses.
https://aquila.usm.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1429&context=honors_theses
Micheli-Rechtman, V., & Balzerani, M. (2008). Corps
contemporain, post-modernité et jeux vidéo : le syndrome de Lara
Croft. La Clinique Lacanienne, 14(2), 135.
https://doi.org/10.3917/cla.014.0135
109 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Mulvey, L. (1975). Visual Pleasure and Narrative Cinema.
Screen, 16(3), 6?18.
https://doi.org/10.1093/screen/16.3.6
Planques, Thomas, T. (2017). Représentations
féminines dans le jeu vidéo : un tour d'horizon des courants
dominants et des évolutions en cours. Nouveaux Imaginaires Du
Féminin.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01665654/file/Planques.pdf
Prugsamatz, S., Lowe, B., & Alpert, F. (2010). Modelling
consumer entertainment software choice : An exploratory examination of key
attributes, and differences by gamer segment. Journal of Consumer
Behaviour, 9(5), 381?392.
https://doi.org/10.1002/cb.325
Rahmil, D. (2022, 23 mai). « Vous deviene fous » :
l'univers trash des publicités pour jeux mobiles. L'ADN.
Consulté le 1 juin 2022, à l'adresse
https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/publicites-trash-jeux-mobile/
Romano, A. (2021, 7 janvier). What was Gamergate ? The
lessons we still haven't learned. Vox. Consulté le 25 juin 2022,
à l'adresse
https://www.vox.com/culture/2020/1/20/20808875/gamergate-lessons-cultural-impact-changes-harassment-laws
Rules of the Internet. (s. d.). TV Tropes.
Consulté le 30 mai 2022, à l'adresse
https://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/RulesOfTheInternet
Schmidt, N. (2021, 13 décembre). Why Don't Casual
Gamers Call Themselves «Gamers» ? - Natalie Schmidt. Medium.
Consulté le 13 février 2022, à l'adresse
https://medium.com/@s.natalie25/why-dont-casual-gamers-call-themselves-gamers-35fae91c7b7c
Simone, G. (2000). Women in Refrigerators. Women in
Refrigirators. Consulté le 25 février 2022, à l'adresse
https://lby3.com/wir/
Slutty | Fat, Ugly or Slutty. (s. d.). Fat, Ugly or
Slutty. Consulté le 19 janvier 2022, à l'adresse
http://fatuglyorslutty.com/category/slutty/
110 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Soler-Benonie Jessica. (2018). Critiquer sa passion Argumentaires
et réceptions du féminisme en terrain geek. Critiques Du
Numérique.
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03116992/document
Stendhal. (1822). De l'amour. Pierre Mongie.
Thurier, P. (2021, 3 mars). La résignation des
streameuses face au sexisme sur Twitch. Vice. Consulté le 17 juin
2022, à l'adresse
https://www.vice.com/fr/article/jgq3dy/la-resignation-des-streameuses-face-au-sexisme-sur-twitch
Wagner, Michael G. (2006). On the Scientific Relevance of
eSports. International Conference on Internet Computing, 437?442.
https://www.researchgate.net/profile/Michael-Wagner-36/publication/220968200_On_the_Scientific_Relevance_of_eSports/links/00b49525898702
31be000000/On-the-Scientific-Relevance-of-eSports.pdf
Wright, T., Boria, E., & Breidenbach, P. (2002). Game
Studies - Creative Player Actions in FPS Online Video Games : Playing
Counter-Strike. GameStudies. Consulté le 25 février 2022,
à l'adresse
http://www.gamestudies.org/0202/wright/
111 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Table des annexes
Annexe 1 : Retranscription entretien Julien Guellerin (Noob)
112
Annexe 2 - Retranscription entretien Louis Di Battista -
Zinogra (Président de GameHer) 121
Annexe 3 - Retranscription entretien Lara Lunardi (Freelance
Host & Producer) - entretien mené en anglais 131
Annexe 4 - Retranscription entretien Mme Dupont 137
Annexe 5 - Retranscription entretien Laurine - Ilunaree
(Joueuse semi pro) 145
Annexe 6 - Retranscription entretien Hugo Blaix (Reworld
Media) 152
Annexe 7 - Retranscription entretien JC Daull
(Vidéaste) 163
Annexe 8 - Retranscription entretien Jeremy Goldstein
(Tencent Games) 170
Annexe 9 - Retranscription entretien Bilel Naouar (Joueur
professionnel sur World of Warcraft) 175
Annexe 10 - Retranscription entretien Cholé Brissaud
(Responsable communication chez YaLLa Esports) 181
Annexe 11 - Retranscription entretien Servane Fisher (Joueuse
pro sur Counter Strike - Esport legal Council
d'Ubisoft - Pole Esport de WIG) 188 Annexe 12 -
Retranscription Entretien Mme Durand (Ressources humaines dans une grande
entreprise de jeux
vidéo) 196 Annexe 13 - Retranscription entretien
Clémentine Gelly - Arborealkey (Auto entrepreneur dans la fabrication
de
costumes, d'accessoires et de trophées) 202
Annexe 14 - Retranscription entretien Mathieu Vitse
(Alternance dans le web design) 211
Annexe 15 - Retranscription entretien Mr Smith (Entreprise de
jeux vidéo) 216
Annexe 16 - Retranscription entretien Julie Bonnecarrere
(Directrice générale de Northern Light Entertainment)
224
Annexe 17- Retranscription entretien Amandine Paccou
(Rédactrice web et correctrice) 231
Annexe 18 - Retranscription entretien Anthony Gerontitis
(Développeur software) 234
Annexe 19 - Retranscription entretien Aymeric Simeon
(Journaliste high tech) 238
Annexe 20 - Retranscription entretien Fanny Simic
(Chargé de projet digital avec Webforce 3) 241
Annexe 21 - Retranscription entretien Laurianne Espinadel
(Sound & voice designer) 245
Annexe 22 - Retranscription entretien Marie Jergan (Etudiante
en Licence MAPP) 247
Annexe 23 - Retranscription entretien Quentin Fauchie
(Rédacteur/testeur - Recherche « game studies ») 250
Annexe 24 - Retranscription entretien Sébastien Hette
(Fondateur de Reset XP) 254
Annexe 25 - Retranscription entretien Morgane Falaize
(Fondatrice de Minuit 12 / Présidente de Women In
Games) 256
Annexe 26 - Retranscription entretien Alexandre Dachary
(Livestreaming & Video Content Creation) 263
Annexe 27 - Retranscription entretien Léa Mitteaux
(Master marketing digital et communication, coprésidente
de Bravens) - Noha Abdelmalki (Consultante en informatique,
coprésidente de Bravens) 274 Annexe 28 - Retranscription entretien
Katherine Mailloux (Consultante marketing et associée chez le
Gamer
mentor) 283
Annexe 29 : Autorisation de diffusion électronique par
l'auteur 290
112 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Annexe 1 : Retranscription entretien Julien Guellerin
(Noob)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je suis Julien Guellerin, je suis membre du staff de la
web-série Noob et associé dans un studio qui fait des
jeux vidéo en réalité virtuelle. Je suis gamer depuis
l'âge de 6 ans avec une Nintendo donc ça commence à faire
un bon moment, et je suis là à 39 ans je n'ai jamais
coupé, j'ai toujours joué aux jeux vidéo, j'ai
traversé tous les formats et styles de jeu, j'ai un peu touché
à tout. C'est un média intemporel, qui a toujours
été là et dont je ne suis pas prêt de me
séparer étant donné mon quotidien professionnel. Les jeux
vidéo, je les ai traités en tant que consommateur, en tant que
gamer, via YouTube où j'ai fait des vidéos, en tant que streamer
avec ma chaîne Twitch, en web série puisque je joue dans Noob,
donc je l'ai un peu approché par toutes les coutures et je peux
dire sans problèmes qu'avec le cinéma, les séries et
l'animation japonaise c'est une de mes principales passions.
2- Pour parler un peu jeu vidéo, quel est le style
de jeux auquel vous jouez le plus (si vous êtes joueur/euse), combien
d'heures par jour et pourquoi aimez-vous ce genre de jeu ?
J'ai un peu quitté Nintendo, j'y ai beaucoup
joué plus jeune mais après je suis passé sur Playstation
puis sur PC avec WoW, et actuellement hormis une Switch je délaisse
beaucoup les consoles et je suis quasiment exclusivement sur ordinateur.
Au niveau du profil de joueur je suis plutôt quelqu'un
qui va 3 ou 4 jeux et tourner dessus en boucle pendant des années. Je ne
suis pas quelqu'un qui va sur les nouvelles sorties, où va le vent. Je
suis plutôt fidèle aux jeux que j'attaque. Après bien
évidemment quand il y a des sorties comme Elden Ring, j'aime
bien un peu voir où va la masse pour savoir quel est le jeu
phénomène du moment afin de pouvoir échanger avec les gens
lors des salons ou des streams.
3- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Pour l'avoir connu presque à ses débuts,
c'était très tourné vers les hommes, ça s'adressait
clairement à des joueurs masculins. Après de là à
dire sexualisant, peut-être parce que j'étais jeune, et pas super
mature à l'époque je ne m'en rendais pas compte. Mais je ne pense
pas que c'était un marché ou les joueurs masculins y allaient
pour avoir une vision sexualisée de la femme, je pense qu'on y allait
surtout pour s'amuser sans rechercher ce côté-là. De
mémoire,
113 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
les premiers jeux avec des avatars féminins, sexy et
racoleurs c'est arrivé vers la PS5 pas vraiment avant ou alors j'ai
raté les premiers épisodes.
4- De la même manière celui de l'esport
?
Au niveau de l'esport, quand tu regardes les performances,
les équipes, les compétitions c'est une grande majorité de
joueurs masculins. C'est rare qu'on vienne nous raconter les performances d'une
joueuse féminine. Personnellement je connais bien Kayane, je sais que
c'est un peu la parade, le joker qu'on sort « regarde Kayane ». Mais
le problème c'est que médiatiquement, hormis Kayane qui fait du
stream, beaucoup de salons et qui est beaucoup mise en avant, il y a peu de
joueuses qui sont montrées. Et on est tous conscients de l'impact
médiatique : quand on voit un joueur à longueur de
journée, on sait qu'il existe. Peut-être que si on faisait le
même travail avec d'autres joueuses que celui sur Kayane, on
découvrirait un autre panel mais pour le moment ça reste toujours
un milieu très masculin.
5- Donc pour vous c'est un manque d'exposition ?
Moi l'esport c'est un marché que je suis par rapport au
boulot mais je ne suis pas toutes les compétitions, donc je ne sais pas
si ces filles existent et ne sont pas exposées ou alors on ne les expose
pas parce qu'il n'y en a pas. Je pense dans tous les cas que même s'il y
en a, que les femmes souffrent d'une sous-exposition.
Je ne pense pas que les hommes aient pris possession du
marché mais plutôt qu'ils ont été là avant
donc ils ont pris la place et bénéficient de la
visibilité. Pour faire un parallèle avec le football, c'est
pareil, beaucoup de com a été faite pour faire connaître
les joueuses notamment lors de la coupe du monde féminine, donc c'est
faisable, mais dans la tête des gens c'est les hommes qui ont la plus
grosse surface de communication, qui sont mis en avant avec aussi les meilleurs
salaires. À l'heure actuelle, ils essaient de combler un fossé,
un retard mais on part de tellement loin que même s'il y a une
performance et que c'est agréable à regarder, c'est difficile de
rattraper l'avance que peuvent avoir les hommes. Je ne suis pas devin, je ne
sais pas si on pourra combler ce fossé mais l'avance dans le football
est telle que je ne sais pas si ça pourra se faire.
Et pour l'esport, même si c'est un jeune marché
ça a démarré avec les mecs et maintenant on essaie de
mettre les femmes en avant mais je trouve que ce n'est pas encore assez fait
comme
114 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
ça a pu être fait pour le foot, je trouve que les
femmes dans l'esport manquent de visibilité. Et je vais encore revenir
sur Kayane, hormis elle je ne vois pas grand-chose qui soit fait.
6- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
En tout cas, il n'y a rien qui justifie qu'il ne le soit pas.
Autant au niveau du sport il y a une question de physionomie, un homme est
souvent plus fort, plus puissant qu'une femme. Autant au niveau de l'esport et
du jeu vidéo il y a un rapport beaucoup plus égalitaire, si
demain on fait un match sur Street Fighter, rien ne justifie que je
parte avec un avantage. Le rapport est beaucoup juste et égalitaire donc
il n'y a rien qui pourrait justifier un écart de résultats.
7- Que pensez-vous des ligues féminines ?
Que ce n'est pas la bonne approche. Je comprends que par
exemple au rugby on ne va pas faire jouer des hommes et des femmes ensemble
mais pour les jeux vidéo rien ne justifie de séparer les deux
donc forcément on va se retrouver avec une sous-exposition pour les
femmes puisque les hommes ayant de l'avance, ayant déjà une
communauté, étant déjà installés dans les
ligues et les compétitions, au final les femmes démarrent avec ce
fameux retard.
Pour moi il faudrait brasser tout le monde dans les jeux
vidéo, je ne vois pas l'intérêt de faire une ligue
féminine. La seule argumentation que je vois, c'est qu'ils ne veulent
aucune différence entre sport et esport, que ce soit jugé comme
performance à part entière et donc là on se calque sur le
sport où on juge séparément. Mais je trouve que les jeux
vidéo ça aurait été un bon moment, une bonne
approche pour avoir de réelles ligues mixtes.
S'il y a une différence entre les hommes et les femmes
c'est au niveau ergonomique, au niveau des réflexes, dans le traitement
de l'information, dans notre cerveau plus que dans le physique. Par exemple si
on prend le monde du rallye, c'est un milieu très masculin et quand on
leur pose la question pour eux directement « les hommes sont de bien
meilleurs pilotes que les femmes », bien entendu pas au niveau de la
conduite de tous les jours mais au niveau professionnel et compétitif.
Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose au niveau du cerveau qui change les
réflexes et qui serait donc pareil dans les jeux ? Je ne sais pas.
Moi tout ce que je peux donner c'est mon expérience de
joueur qui a été grossie et déformée et
énormément caricaturée dans la série Noob,
je vais surtout parler des MMORPG car c'est les
115 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
jeux les plus collaboratifs que j'ai pu faire dans ma vie, il
est vrai que dans ces jeux, des joueuses féminines performantes j'en ai
croisé, elles existent mais j'en ai croisé peu. Dans une guilde
il y a toujours eu des femmes, mais elles faisaient rarement la
différence, c'était des personnes qu'on mettait au soin mais j'ai
rarement croisé un gros tank ou DPS et surtout j'ai rarement
croisé une femme qui faisait du lead, en expliquant la stratégie
etc, en prenant la parole au milieu de 25 personnes. Est-ce que c'est leur
profil, est ce qu'elles en ont envie je ne sais pas mais ce n'est pas la
majorité que j'ai rencontré.
De mon expérience, les femmes sont chaleureusement
accueillies. Dans WoW, on a toujours apprécié avoir de la
présence féminine, parce qu'un raid avec que des mecs c'est lourd
et pesant au niveau de l'ambiance, de l'humour, là je ne peux pas
défendre mes collègues. Venir adoucir tout cela avec une ambiance
féminine, avec un humour différent, une voix plus douce, qui va
avoir une autre approche du jeu, c'est agréable. Il y a beaucoup moins
cette ambiance tryhard, c'est plus quelqu'un qui vient pour passer un bon
moment et même si parfois les femmes ne sont pas au niveau, c'est des
personnes qu'on a plaisir à avoir avec nous et qui sont très bien
accueillies. Et ce n'est pas le cas des mecs, un mec qui est nul, on ne le
prend pas, les femmes bénéficient d'une amnistie dont ne
bénéficient pas les hommes. Si le mec est mauvais il se fait
virer même si c'est une personne sympa.
Et puis surtout passé un certain niveau le skill fait
foi : quelqu'un qui fait une démonstration de talent et de
compétences, derrière tu le suis, tu es ok. Sur WoW
récemment j'ai suivi Cruella DK, elle est première au kikimeter,
elle parle tu écoutes : elle est toute jeune mais quand elle pose les
mains sur le clavier, tu écoutes une joueuse. Je pense que si la
personne vient et qu'elle fait une démonstration de force, tu regardes
même plus si c'est une femme.
8- Des associations comme WIG ?
Je vais prendre ma casquette de studio jeu vidéo, au
niveau des femmes dans ce métier-là, récemment on a
triplé la taille du studio avec beaucoup de recrutements surtout sur le
développement mais sur une cinquantaine de CV j'ai dû trouver 2
femmes. Les mettre en avant grâce aux associations c'est cool, mais est
ce qu'elles sont vraiment sur le marché ? Ça n'a jamais
été un critère bloquant pour nous et au contraire comme ce
que je disais juste avant, une ambiance qu'avec des hommes c'est très
pesant, donc on aimerait un peu de diversité mais c'est juste qu'on a
pas eu de profil sous les yeux. Alors qu'on m'a souvent recommandé des
talents
116 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
féminins incroyables en graph et direction artistique.
Est-ce qu'il n'y a pas une appétence, une accoutumance des hommes et des
femmes pour certains milieux ? Je suis pour les mettre en avant et les
encourager mais encore une fois faut-il que le profil soit là.
Est-ce qu'on peut y voir une corrélation avec les jeux
pour filles ou garçons dès le plus jeune âge ? Ça a
clairement été une réalité, il y a encore des
résidus mais ça se fait beaucoup dénoncer, beaucoup
bâcher et je pense qu'aujourd'hui les nouveaux profils de gameuses je ne
les pense pas du tout dans ce mood. Je pense que les femmes ont changé
et on va quitter ce moule qu'on a créé sans qu'on le demande
Malgré tout, je pense qu'il y a quand même
certaines prédispositions. Moi par exemple, je n'aurai pas pu faire des
études scientifiques parce qu'il y a certains cerveaux différents
des autres avec des facilités pour certains domaines. Les signaux que
m'envoient le monde du travail avec des personnes qui viennent juste de sortir
de l'école, je ne pense pas qu'ils soient prisonniers des codes de la
société. Je pense qu'on se base surtout sur la
prédisposition et non plus sur le sexe de la personne, mais il n'y a pas
non plus de vérité absolue, c'est au profil de chacun.
9- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le
rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?
Je vais me baser un peu sur ce que j'entends autour de moi et
les performances fournies par les streameuses. Je ne vois plus trop de
différences entre les deux. Par mon vécu, le mec va tryharder
plus, va privilégier la performance au dépens du plaisir sur le
jeu, c'est pour ça que des jeux comme Dark Souls fonctionnent
très bien mais il y a de plus en plus de streameuses qui me font mentir,
qui arrivent en live et vont s'acharner pendant plusieurs heures sur un boss.
Pour certaines, l'objectif est d'intégrer la meilleure guilde du monde,
bref je pense que l'approche est un peu en train de s'uniformiser. Je pense
qu'on est moins enfermés dans des niches. Sur tous les jeux, on trouve
des femmes sur FIFA, des hommes sur Animal Crossing. Je vais
avoir du mal à comparer parce qu'à l'époque où je
jouais beaucoup, il y avait quand même beaucoup moins de joueuses,
à mon époque c'était bien plus du 80/90% d'hommes alors
que maintenant la proportion de femmes a beaucoup augmenté. Et avant
effectivement on avait beaucoup de parents qui achetaient des jeux de filles ou
de garçons spécialement alors que maintenant c'est la même
chose pour tout le monde de plus en plus.
117 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Des jeux pour femmes je manque un peu d'exemples mais des jeux
pour hommes il y a toute une industrie notamment en Asie qui est avant tout
à vocation masturbatoire, quand on regarde sur Steam il y a plein de
jeux dérivés hentai, animation japonaise mais ça vient
répondre à d'autres besoins que l'Entertainment. Etant
donné que le marché s'est beaucoup uniformisé, les
éditeurs pensent tout autant aux femmes qu'aux hommes dans les jeux.
Discussion autour du jeu Rape Day
Je peux concevoir d'aimer regarder une femme quand on joue
parce que c'est plus agréable, plus sexy. Personnellement je n'ai jamais
compris, quand je joue je suis là pour la belle histoire, pour me
défouler, pour penser à autre chose. Le côté
racoleur, aguicheur pour moi, c'est un autre plaisir qui doit être
à un autre moment. Je ne vois pas comment on peut faire converger les
deux. Je n'ai jamais compris des jeux comme Bayonetta, pourquoi elle
doit être nue, dans Nier Automata, pourquoi on doit regarder
sous sa jupe, Dead or Alive on a un bon jeu de baston en 3D alors
pourquoi les meufs sont à poil. Ça n'a rien à faire au
même moment que le plaisir qu'on a au moment de jouer. Et là avec
ce jeu on atteint le summum, ici on flirte avec le sordide, l'indécence.
Quand on y pense, tuer quelqu'un dans un jeu aussi c'est puni par la loi et
c'est quelque chose de mal mais par les temps qui courent on est plus dans la
provocation, le créateur savait que son jeu allait se prendre un stop.
Pour ce qui est du viol, même sur les sites pornographiques c'est une
catégorie qui a été retirée, on a plus le droit de
faire cette recherche, c'est quand même une avancée. Si c'est pour
que derrière quelqu'un vienne sortir un jeu comme cela, à un
moment c'est avancer à reculons, c'est une catastrophe.
J'ai des amis qui autour de moi, par exemple sur WoW,
apprécient jouer une elfe, avec des fesses qui se dandinent quand tu
regardes le personnage et qui trouvent ça agréable.
Je n'ai jamais compris pourquoi aller jouer une femme alors
que sur les personnages masculins il y a de superbes armures, du beau stuff,
des stats incroyables. Moi j'étais obsédé par le skin, par
le stuff, j'étais un joueur très superficiel. J'allais dans les
jeux pour être fort, pour être classe et pas pour regarder un cul
et des seins.
Je fais partie de ces hommes qui pendant très longtemps
ont eu du mal à s'identifier à un personnage féminin dans
un jeu vidéo. Quand je jouais à Final Fantasy je virais
toujours la fille de l'équipe. Je trouvais les avatars masculins
beaucoup plus classes et que je n'arrivais pas à
118 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
me projeter. Sur les MMO tu mets toujours un peu de toi dans
les personnages et je pense que c'est pour cela que j'ai toujours eu des
réticences sur les avatars féminins.
Ce n'est pas une question que c'est une femme mais que
ça ne répondait pas à mes besoins. Et un jour tu trouves
chaussure à ton pied : tu trouves Erza Scarlett dans Fairy Tail,
Uma Thurman dans Kill Bill etc. Plus jeune, je pense qu'il y
avait en effet un rapport à la maturité mais j'avais plus de mal
à m'identifier à un personnage féminin, est ce que c'est
parce que c'est moins classe je ne sais pas mais je pense que c'est avant tout
parce que ça ne me ressemblait pas.
10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Le harcèlement, c'est vraiment un sujet délicat
et sur lequel je suis mal à l'aise de répondre parce que je le
constate. Kayane en parle beaucoup sur les réseaux, c'est quelque chose
qui me fait froid dans le dos et que je ne souhaite à personne et je ne
me sens pas vraiment légitime d'en parler.
Mais par exemple, le 8 mars avec la journée de la
femme, ils ont fait parler des hommes, moi ce que j'ai entendu c'est « on
est avec vous, nous les hommes on est avec vous dans cette lutte » et je
trouvais ça très cohérent. Ça a été
mal reçu par les femmes, car pour beaucoup, les hommes ne sont pas
légitimes à parler pendant cette journée, c'est les femmes
qui sont victimes donc c'est à elles de parler. Moi je suis d'autant
plus mal à l'aise de parler de harcèlement en étant un
homme et en ne l'ayant jamais subi.
Alors bien évidemment il y a plusieurs types de
harcèlement. Sardoche se fait régulièrement
harcelé, il y a un Discord qui a monté pour le détruire
pendant ses streams mais il se fait harceler non pas parce qu'il est un homme
mais parce qu'il est clivant, parce qu'il suscite ce genre de réaction,
parce que c'est la cible facile pour beaucoup. Mais cela n'a rien à voir
avec son sexe mais parce que son attitude appelle un peu à ce genre de
pratique. Il y a des femmes qui se font harceler parce qu'elles sont des
femmes. Elles ne font rien de spécial mais se font harceler pour leur
sexe, certaines femmes ne font rien, elles n'ont pas de propos clivant mais
juste elles se font harceler parce qu'elles sont des femmes. Oui il y a
différents types de harcèlement mais il n'y a pas de
harcèlement pour un homme parce que c'est un homme. Mais pour une femme
oui on le voit. Il n'y a jamais 500 femmes qui débarquent sur le stream
d'un homme pour lui dire
119 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
« tu es un homme, on te déteste, à bas le
patriarcat etc », alors que pour une femme cela peut arriver.
Il y a d'autres formes par rapport à l'orientation
sexuelle, par rapport à la religion, donc oui il y a beaucoup de
harcèlement malheureusement mais par rapport au sexe cela concerne
surtout les femmes.
11- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Il faut rappeler qu'un jeu vidéo c'est du gameplay. On
est à une époque où les gens exigent d'avoir un beau jeu,
un beau lore, les gens veulent une série interactive parfois au
dépend du gameplay. Donc les jeux vidéo maintenant sont
très bien écrits, par exemple si on prend Elden Ring ils
ont bénéficié de la patte de l'auteur de GoT.
Avant, dans les jeux vidéo, hormis quelques exceptions
de type RPG, tu commençais le jeu avec un méchant monsieur qui
voulait détruire le monde, et au passage il te prenait ta princesse et
tu devais traverser le monde pour sauver la princesse. Mais ce n'est pas
quelque chose de sexiste ou patriarcal qu'on a voulu nous mettre dans la
tête, c'est parce qu'ils ne s'embêtaient pas avec un lore mais
juste avec un gameplay simple. Dans Castlevania il y avait un
méchant il fallait aller le tuer. Maintenant il y a 36 lores, des
éditions spéciales etc. Avant c'était plus simple,
c'était sur le gameplay pur, les objets, le stuff, les stats et du coup
oui on arrivait sur la simplicité de « je dois sauver la princesse
» alors que maintenant toute la complexité est autour de
l'histoire. Je pense que ça ne va pas plus loin que ça et je ne
pense pas que ça ait eu un impact sur les femmes maintenant.
12- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Alors il y a une vidéo de Joueur du Grenier où
il parle de ça. Ça a existé et ça a
été utilisé mais c'est plus dans les années 90 et
années 2000 mais parce qu'on identifiait tellement que le joueur
était un petit garçon ou un jeune adulte au moment où les
hormones ressortent, donc que ça pouvait être un plus de donner un
côté sexy aux jeux vidéo.
Ça a été utilisé mais
honnêtement maintenant, je trouve que c'est beaucoup moins mis en
avant.
120 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Dans Nier Automata, dans le jeu ça laisse un
peu la porte ouverte à certaines perversions mais c'est propre à
chacun, on ne te dit pas « Mettez la caméra sous tel angle pour
aller voir sa culotte » mais on te met en avant l'univers, les builds, les
armures et on en oublie presque que c'est une femme
13- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Pour moi, c'est obligatoire, il faut travailler ensemble, il
faut qu'il y ait des hommes qui s'érigent comme des gardes fous, il faut
qu'il y ait des hommes quand ils voient une attitude déplacée
vis-à-vis des femmes, au lieu de rire grassement et bêtement il
faut intervenir et rappeler que la jeune femme est indisposée et que
ça ne se fait pas. Je n'ai pas compris le rejet sur la campagne du 8
mars. Parce que l'argument de dire « le problème c'est les hommes
» oui mais pas tous les hommes. Je suis catastrophé par l'attitude
des hommes aussi bien dans le monde du jeu que dans n'importe lequel par
exemple le monde de l'entreprise.
À ma génération donc les 30-40 ans,
ça va encore parce qu'on a vécu avec toutes les campagnes de
sensibilisation et de libération de la parole mais à
l'époque de mes parents c'est n'importe quoi, les dérives sont
incroyables. Je pense que ça va se minimiser mais en même temps on
part de loin étant donné qu'il n'y avait rien avant. Maintenant
les hommes commencent un peu à transpirer, ils ne sont plus
intouchables. Ma génération est plus libre, on se fait moins
juger qu'avant, on est moins soumis à la frustration. Les gens avant
étaient plus frustrés alors que maintenant on a plus de
possibilités grâce au porno, par rapport au fait qu'on est moins
jugés qu'avant.
On a connu les témoignages, quand on entend les femmes
en parler, parler de leurs souffrances, ça fait froid dans le dos. Par
culture et par génération ça va s'atténuer mais
penser que les femmes vont mener une croisade seule contre les hommes, je pense
que c'est ambitieux. Ceux qui tendent la main sincèrement il ne faut pas
les refuser, certains sont vraiment là pour aider. Il y aura toujours
des opportunistes qui feront cela de manière intéressée
mais il ne faut pas refuser de l'aide sous prétexte que c'est un
homme.
14- Un mot de la fin ?
Contrairement à ce qu'on voit dans la série
Noob je prends beaucoup plus de plaisir à jouer avec
121 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
les femmes dans les jeux vidéo parce qu'il y a une
évolution incroyable, qu'on a la même passion alors pourquoi
mettre quelque chose entre nous ?
Je connais beaucoup de belles rencontres faites dans les jeux
vidéo, de personnes qui sont devenues amis, qui ont fini en couple, qui
se sont mariés, ça peut être un bon terrain de jeu,
ça serait dommage de se le fermer.
Annexe 2 - Retranscription entretien Louis Di Battista -
Zinogra (Président de GameHer)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Louis Di Battista, et Zinogra de par mon pseudo
dans le monde du jeu. Je suis un joueur très casual, je joue à
beaucoup de choses mais surtout à League of Legends et plus
récemment à Lost Ark et encore plus récemment, je
viens de terminer Elden Ring. J'ai à la fois honte et j'en suis
très fier mais voilà quel type de joueur je suis.
Je suis aussi le président de GH, association loi 1901
qui est une association de passionnés qui promeut les femmes et toute
forme de diversité dans le jeu vidéo, l'esport, le digital de
manière générale.
On a tous eu une expérience face à une forme de
toxicité et de harcèlement dans le jeu, donc on fait surtout de
la sensibilisation sur ce sujet avec des articles de blog, des tables rondes,
des ateliers de discussions et parfois quelques évènements.
On a été créé en 2017 et là
jusqu'en fin 2021 on avait une mini structure esport avec des équipes
mixtes et féminines sur League of Legends et Hearthstone.
On a arrêté pour se recentrer plus autour de
l'évènementiel et l'éducation parce qu'on avait plus les
moyens pour encadrer tout cela. Depuis la création on a toujours
parlé a des gens de notre âge et là on a voulu s'orienter
vers un public plus jeune, des collégiens/ lycéens et à
leurs parents pour les orienter sur toutes ces questions.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui, je pense sincèrement que c'est un marché
très sexualisant et sexualisé. On a le fameux exemple de la
Gameboy, le « boy » induisait que c'est une console pour les
garçons donc qu'il faut être d'un certain sexe pour utiliser la
console. C'est là que je dis que le marché est sexualisé
car on a un produit qui est à destination d'un certain sexe. On va avoir
des choses dans des jeux
122 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
qui sont bien évidemment à destination d'un
certain public homme ou femme mais si on prend l'exemple de Lost Ark,
oui c'est un jeu coréen donc il y a une différente approche
des personnages féminins, mais quand je joue une fusilière
j'aimerais bien qu'elle ait plus de vêtements.
Outre les studios de créations et éditeurs, une
grande partie de la communauté s'en donne à coeur joie de cette
sexualisation des personnages féminins dans les jeux et c'est justement
pour ça que les studios continuent.
Des exemples on peut en trouver plein, par exemple les
personnages féminins dans League of Legends comme Miss Fortune,
ce n'est pas possible d'avoir ce genre de hanches et de courbes. Je ne suis pas
expert en ossature humaine et là on est certes dans une fiction mais
c'est quand même abusé. Dans Lost Ark c'est pareil, la
seule chose qui semble exister c'est des enfants, des hommes maigres, des
femmes avec des courbes et des formes beaucoup trop généreuses et
des bodybuilders. On sait clairement qu'il y a client et c'est pour cela que
ça continue d'exister.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Je ne saurai pas vraiment dire. Pour faire un rapprochement,
je vais partir sur les pubs pour tout ce qui est l'équipement d'esport.
Tout ce qui va être Logitech, Corsair, les boissons énergisantes,
tout est à base de « bois cela ou prends telle souris pour devenir
le meilleur ». On est sur le délire de la performance qui est
souvent au coeur de l'esprit des hommes. C'est assez particulier comment
l'esport se vend actuellement. C'est un domaine qui ne rapporte pas beaucoup
d'argent donc il faut faire de la communication qui parle au plus gros et
à l'heure actuelle puisqu'on en voit, c'est les hommes. Si on reprend
l'exemple des équipementiers, ça fonctionne beaucoup aux USA, par
exemple avec les egirl, ici c'est très péjoratif, aux
États-Unis c'est juste des femmes qui consomment de la culture geek de
manière générale aussi bien des animés que des
séries que des jeux etc. Tout ce qui est du merch rose, des oreilles de
chats c'est mis en vente sans problèmes, en France ça va se
vendre aussi mais le terme en lui-même est vu comme quelque chose de
très péjoratif.
Cela se voit aussi au niveau de la scène esportive
française envers les femmes. Quand tu arrives en LAN, qui
supposée être mixte et quand on voit un joueur mettre une main aux
fesses d'une femme et qui part en se croyant intouchable ça
dégoute. De la même manière, quand on est sur
123 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
le chat Twitch de OTP, et qu'une femme apparait à
l'écran, le chat devient un zoo.
Je ne sais pas si c'est le marché qui est
sexualisé parce qu'il y a aussi une sous-représentation des
femmes. Là, ça avance un peu mieux, on voit l'équipe
féminine de Cloud9 sur Valorant qui a fait de superbes
performances, mais en fait j'ai l'impression qu'il faut que des femmes fassent
des performances incroyables pour que ça devienne intéressant.
Mais comme elles sont trop peu nombreuses car pas assez bien encadré car
les gens n'y croient pas eh bien c'est encore trop rare.
4- Donc pour vous c'est un manque d'exposition ?
Il y a plein de raisons. Déjà je ne pense pas
que ce soit un manque d'intérêt. Il y a une association France
esport qui est une association ayant fait plein d'études sur comment
faire un environnement esportif sain avec une réelle législation
derrière. Chaque année, ils font un baromètre chaque
année des joueurs de jeux vidéo en France. C'est là qu'on
découvre chaque année un 50% de femmes qui sont des joueuses,
mais où sont-elles ? Déjà on voit que la proportion de
joueurs casuals et de femmes professionnelles ou dans le monde
compétitif ne sont pas aussi nombreuses. On descend à un 30/70
voir beaucoup moins. Elles sont toujours là mais on n'en entend pas
toujours parler.
Il y a un facteur très fort selon moi et surtout le
plus compliqué qui est Internet et c'est ce qui fait que pour moi les
femmes se cachent un peu plus. Grâce à Internet, il y a l'anonymat
qui permet à plein de gens et souvent des hommes de se permettre des
comportements pas ouf. Les femmes se sont toujours faites discriminées
et rabaissées.
Si on cherche un peu sur Internet, à la création
il y a eu des règles. L'une d'entre elles c'était que les femmes
n'existent pas, que Internet est réservé aux hommes. « The
Rules of Internet », c'est un peu l'ancien JVC [
jeuxvideo.com] 18-25, donc un
rassemblement de bêtises machistes. Du coup dès le début,
le marché technologique et des jeux vidéo était un
marché d'hommes et les femmes étaient mises à
l'écart de ce monde-là.
Donc le seul moment où on voyait les femmes sur
Internet, c'était par le porno. Je ne sais pas pourquoi mais les hommes
se comportent souvent très mal envers les femmes et envers tout genre de
minorités. Je pense que cette toxicité générale qui
existe est un frein au développement des personnes en minorité
dans l'esport parce que si tu es une femme c'est à cause de toi que
124 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
l'équipe va perdre.
Ça m'est déjà arrivé qu'avec GH,
l'équipe de GH joue et des gars arrivent dans le chat pour critiquer la
performance. Et dès que l'équipe perd, c'est à cause des
femmes que l'équipe a perdu. Et là moi ça me pose un gros
problème. Parce que je réponds quoi aux gars qui viennent
insulter toute l'équipe dans le chat ? Il y a une sorte de
mentalité globale qui est très misogyne et toxique sur les
différentes communautés esport. Je n'ai pas envie de jeter la
pierre mais par exemple League of Legends est la plus sulfureuse parce
qu'aussi l'une des plus nombreuses. Lorsqu'on va amener ce genre de sujet, on
va affronter le même combat que le féminisme aujourd'hui. Soit on
tombe sur un homme qui va écouter activement soit quelqu'un qui va en
avoir rien à faire ou qui va écouter mais retomber dans les
clichés.
Et le problème c'est qu'on avance mais très
lentement parce que même avec des mouvements comme le Gamergate,
ça a fait beaucoup de bien sur le moment mais en fait on se retrouve
toutes ces années après et quasiment rien n'a changé.
5- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Oui c'est un milieu égalitaire parce qu'on est tous
égaux dedans, sauf pour des raisons de handicap comme par exemple si on
est atteint de cécité c'est plus compliqué de jouer.
Aujourd'hui de plus en plus de jeux trouvent des solutions pour se rendre
accessible malgré les handicaps. Pour se recentrer sur les femmes, on
est censés être tous égaux.
L'esport a été reconnu comme étant un
réel sport. Ce n'est pas un sport dit physique donc il n'y a pas de
différences physique entre les hommes et les femmes donc techniquement
la consommation et la pratique en compétition est censée
être mixte. La grosse dérivation culturelle et sociétale
fait qu'on ne trouve pratiquement aucune femme. Oui c'est accessible pour tout
le monde, mais ça fait des années que tout le monde dit que les
jeux vidéo c'est quelque chose pour garçon alors que les femmes
doivent jouer avec une dinette.
6- Que pensez-vous des ligues féminines ?
J'ai un avis assez partagé parce que j'ai une vision
assez particulière des échos que j'ai pu avoir. Chez GameHer, on
a toujours voulu faire du mixte, car on ne veut pas créer plus de
barrières ou de cases qu'il n'y en a déjà. Ok, la
non-mixité permet à des femmes de se retrouver entre elles, sans
hommes et donc ça limite la toxicité et c'est bien pour elles. Le
côté mixte avait pour objectif de prendre des joueurs sans
forcément du haut niveau mais en mettant des profils très
125 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
différents ensemble pour les faire progresser ensemble.
On voulait leur offrir un cadre sécurisé et sécuritaire
pour qu'ils progressent dans leur souhait esportif. Je le voyais comme un petit
incubateur permettant d'ouvrir plus de portes.
Les ligues féminines, c'est génial mais au point
que des joueuses me racontent qu'au sein des équipes féminines et
notamment sur League of Legends, il existerait une grande hypocrisie.
De ce que j'ai compris, les femmes doivent faire leurs preuves 2 à 3
fois plus qu'un homme pour se faire reconnaître compétente dans un
domaine, dans les jeux vidéo encore plus et dans l'esport je n'en parle
même pas.
Donc les femmes qui jouent, si elles ne se font pas insulter
toutes les deux secondes elles doivent constamment se battre, être des
warriors. A tel point que lorsqu'elles vont être avec d'autres femmes il
ne va pas y avoir de sororité mais plutôt une autre forme de
compétition. Donc cela fait place à beaucoup de coups bas pour se
battre pour la place existante dans la seule équipe féminine qui
recrute. La joueuse que je connaissais avait fait plusieurs équipes
féminines et la manière d'agir des autres l'a vraiment
dégoutée.
Je suis très heureux que les ligues féminines
existent parce que ça prouve que les femmes ont un niveau similaire aux
hommes mais pour les voir grandir il faudrait offrir le même cadre, le
même budget que celui accordé aux équipes masculines.
7- Des associations comme WIG ?
Oui moi bien évidemment avec GameHer je rêverai
de pouvoir faire changer les mentalités, être acteur de
sensibilisation pour faire redresser l'image de la femme dans les jeux
vidéo. L'école n'y arrive pas, l'État n'y arrive pas, les
parents n'y arrivent pas donc c'est pas une association qui va changer quelque
chose.
Comment faire changer les mentalités ? Je pense que la
plupart des associations et collectifs, jusqu'à maintenant s'exprimaient
aux consommateurs de leur âge et actif donc 18-30 mais le problème
c'est que les gens qui vont écouter cela, qui vont prêter
attention à nos propos c'est souvent des gens déjà
sensibles à ces questions. Donc, au début, c'est
intéressant parce qu'il va y avoir quelques personnes
intéressées mais sur le long terme ça va stagner. Sur
l'année 2021 on l'a vu avec GameHer c'est un peu mort dans le sens
où ça n'avance pas. Alors c'est très
126 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
intéressant parce qu'on a tous un peu nos
spécialités par exemple nous avec GH on voulait faire un
incubateur, WIG font des stages, des formations, ils ont un incubateur, il y a
aussi Afrogameuses qui sont là depuis 2 ans et Handigameur qui va
soutenir les joueurs atteints de handicap. Bref, il y a
énormément de collectifs pour toutes les minorités, c'est
très intéressant d'échanger avec eux mais en
réalité on sait qu'on ne fera pas avancer la chose.
C'est pour ça qu'avec GameHer on a décidé
d'arrêter de ne s'adresser qu'aux gens de notre âge. Ce qu'on a
envie de faire, c'est de s'adresser à un public plus jeune, donc des
collégiens et lycéens qui vont consommer du contenu sur Twitch ou
sur YouTube et qui ont envie de se lancer dedans. Il faut passer la
première barrière des parents donc on veut les rassurer et les
accompagner dans ces démarches.
Ça nous est venu parce qu'on a eu des membres de
GameHer très jeune dont les parents venaient les accompagner en LAN et
même sans connaître le milieu, ils venaient pour soutenir et pour
connaître davantage. Donc on est là pour les accompagner, leur
expliquer comment fonctionne l'association et ça finit par mettre les
gens en confiance vis-à-vis de notre action.
Personnellement, je suis animateur en centre de loisirs et
c'est quelque chose que j'ai pu voir chez les enfants. C'est-à-dire que
les enfants eux sont très purs il n'y a pas de barrières, pas de
sexisme ou de racisme ou alors cela vient d'une influence extérieure.
Par exemple, il a fallu qu'une petite fille montre ses compétences au
foot auprès des garçons en jouant avec moi pour montrer qu'elle
avait du niveau et qu'elle pouvait jouer avec eux. Et le lendemain, pas de
problèmes, ils jouaient tous ensemble.
8- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le
rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?
Peut-être, parce que je ne peux pas parler pour les
femmes. Moi j'ai toujours grandi avec les jeux vidéo et j'ai joué
à beaucoup de styles de jeux différents venant de tous les
horizons. Ça m'a permis de me construire et de grandir et surtout de
faire une différence entre le « moi » d'avant et de
maintenant.
Quand je retrouve certains jeux d'avant, je me rends compte
que certains étaient très sexistes, avec beaucoup de blagues
beaufs, complètement inutiles au scénario du jeu. Et en fait, on
se
127 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
rend compte que ce n'est pas marrant et que ça n'a rien
à faire là. Alors effectivement, il y a toujours des hommes qui
vont être attirés par un jeu parce qu'il y a une femme avec de
belles formes, avec toujours ce billet de l'homme comme chasseur dominant, qui
va chasser des femmes bonnes avec des formes volumineuses, aux traits
abusés etc.
Et pour les femmes, c'est plutôt des questions que je me
pose. Je me demande au niveau des femmes et des minorités est ce que
c'est quelque chose qui gêne les femmes de voir des avatars comme cela
qui sont si différents de la réalité, avec un aspect
physique complètement abusé. Je sais que beaucoup plus de gens
maintenant appellent à plus de diversité dans les jeux par
exemple Life is Strange : True Colors a été beaucoup
apprécié car il met en avant les luttes LGBT avec le personnage
principal qui est lesbienne.
Si je reviens sur le baromètre France esport, on
apprend que les femmes jouent plus sur mobile, plus souvent à des jeux
tels que les Sims etc mais il ne faut pas oublier que ces jeux sont
plus marketés pour les femmes.
Je pense que beaucoup des hommes vont prendre les gens en
suivant l'éducation qu'ils ont eue. Les hommes c'est la guerre, la
force, les combats épiques puis les femmes aux formes avantageuses en
grandissant, et pour les femmes c'est le marketing genré donc avec le
jeu Sims, la maison de poupée etc.
Si on étudie le jeu Rape Day, le
problème c'est que l'éditeur a à moitié raison sur
sa semi étude de marché. Parce que le problème c'est que
ce genre de jeu a été créé parce qu'il aurait
trouvé client, parce que certains hommes auraient aimé violer des
femmes. Ils ont réfléchi à la chose en se disant «
oui certains hommes auraient consommé ce produit ».
Alors qu'est-ce que je pense des propos de l'éditeur ?
Que c'est déguelasse et absolument pas éthique mais le vrai
problème c'est que là on parle de Rape Day, mais il
suffit de voir le nombre de jeux à caractère hentai sur Steam
avec souvent comme but du jeu de déshabiller une fille. Pareil pour le
jeu Postale qui est un jeu type GTA, à la
première personne mais le problème c'est qu'il est trash. On peut
empaler des chiens, uriner sur les gens et évidemment l'image de la
femme dans le jeu n'est absolument pas une image de bienveillance voir tout le
contraire. Et ce genre de jeux on en trouve plein comme Duke Nukem.
Cela fait beaucoup rigoler les gens dans les années 1990 mais
heureusement on ne sort plus ce genre de jeux aujourd'hui, ça serait
vraiment se tirer une balle. On n'a pas besoin de ce genre d'humour en ce
moment.
128 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Le vrai problème de ce jeu c'est que certes il a
été ban et pas vraiment publié mais il y aurait eu des
clients et des gens qui aiment cela et donc d'autres personnes pourraient
sortir le même style de jeu.
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Surement parce que le jeu vidéo étant un
média très accessible aujourd'hui sans limitation d'âge par
exemple, j'ai déjà été témoin de la chose.
À savoir que pour un gamin de 14 ans, insulter une femme de « pute
» est vu comme normal, c'est drôle et c'est une
référence à GTA. Est-ce qu'on peut tenir les
éditeurs responsables, non, pas vraiment, puisque le jeu est PEGI 18.
Est-ce qu'on peut tenir les parents responsables, je ne sais pas parce qu'au
final on peut avoir plusieurs sollicitations extérieures.
Donc oui, j'ai l'impression que les jeux qui banalisent la
violence envers les femmes finissent par banaliser la violence envers les
femmes dans la vraie vie. Je ne dis pas que les jeux vidéo rendent
violent mais que ça peut l'engendrer comme avec Rape Day qui
rentre dans l'exemple de la culture du viol. On a cette image que la femme est
inférieure à l'homme, que si l'homme est fort et musclé
toutes les femmes vont tomber à ses pieds. On rentre dans tous ces
clichés très sexistes et machistes et dans cette
corrélation un peu bizarre que si tu n'es pas Kratos ou Nathan Drake tu
n'auras pas de femmes. Et je donne l'exemple de Kratos [personnage du jeu
God of War] parce que dans le premier opus il apparaît dans un
lit avec 5 femmes autour de lui, nues. Cela rejoint le discours de dire «
il faut interdire les jeux vidéo et mangas parce que ça corrompt
la jeunesse », non le problème ce n'est pas le jeu, c'est l'image
qui en ressort et qui est donnée dedans.
Quand je pense à des histoires de harcèlement,
celle qui ressort souvent c'est celle de Kayane. Quand elle a raconté
son début de compétition, c'est en suivant son frère, mais
quand elle voulait jouer on lui disait « Non tu es une femme ». Et
une fois qu'elle s'est mise à jouer en explosant tout le monde, il y
avait une minorité qui était impressionnée et une autre
partie d'hommes blessés dans leur égo et menacés leur
masculinité qui étaient du coup purement hostiles parce qu'une
fille jouant à haut niveau a forcément triché.
129 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il y a eu une femme, une joueuse pro sur Overwatch
qui était extrêmement douée et comme tout le monde
criait à la triche elle a été obligée de filmer ses
mains, sa tête avec tout son setup installé par Blizzard pour
prouver qu'elle ne trichait pas. Et tout ça parce qu'elle est une femme.
De la même façon la championne du monde de Hearthstone a
été accusée de triche car son copain est un joueur de haut
niveau aussi, donc tout le monde l'accusait d'avoir fait jouer son copain
à sa place pour les compétitions en ligne. Donc apparemment dans
le monde de l'esport, une femme est incapable d'être douée sans
l'aide d'un homme.
Est-ce qu'il y a une corrélation, sans doute, parce que
les hommes se sont trop approprié ce monde-là et dès
qu'ils se font dépasser ils se sentent blessés donc ils ont
besoin de réprimer l'adversaire.
10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Je pense que oui totalement. Je vais dériver du jeu
parce que c'est très général en termes de
société. Partout, un homme qui n'est pas du tout
déconstruit sur les questions de valeurs féminines actuelles, il
va voir la femme comme la mère de famille à protéger,
c'est la petite princesse, on doit être à son service, il faut
être un peu sombre, musclé pour qu'une femme tombe à nos
pieds, si elle dit non ça voulait dire oui etc. On retrouve ces
clichés partout, dans les livres, les films, les jeux, la musique.
On en revient au fait que dès que les hommes se font
contredire par une femme qui a potentiellement raison ils vont être
blessés dans leur orgueil et leur ego donc ils ne savent pas quoi faire
hormis être violents et peu intelligents. Évidemment que j'ai des
choses à me reprocher et que le discours que j'ai là aujourd'hui
j'ai mis du temps à l'avoir et je n'ai pas toujours été
comme cela. J'ai eu la chance d'avoir un entourage militant qui m'a permis de
beaucoup apprendre.
Chaque fois qu'il y a une femme en détresse il y a un
homme qui doit venir la sauver. Il y a toujours cette image-là de
l'homme très fort et la femme faible, avec tous les jeux de chevaliers,
les Mario etc... Sauf peut-être les Dark Souls.
Le premier exemple de women power dans le jeux vidéo,
le premier exemple qui me vient en tête c'est avec Tomb Raider
même si elle est terriblement sexualisée. Sinon il faut
attendre le jeu Princesse Peach, où le personnage principal est
une femme et c'est à elle d'aller sauver
130 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Mario. Mais le problème c'est que ses seules
compétences tournent autour de ses émotions. Il faut attendre
longtemps pour quitter l'image de la femme fragile, sensible, à
protéger.
11- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Je pense qu'il va y avoir les deux. Par exemple les jeux
mobiles comme Heroes Wars on est bombardés de pub sur YouTube
avec des pubs horribles où le chevalier part à la guerre, sa
femme le trompe (chose qui peut arriver sans la vraie vie) donc il la tue pour
se venger et il est glorifié. C'est un jeu mobile d'aventure qui n'a
aucun rapport avec cette pub alors pourquoi faire cela ? Dans d'autres jeux on
a des filles méchas qui combattent des démons dans un monde
futuriste. Sauf que pour les skins ils ont ajouté un mouvement sur les
seins. C'est stupide, ça sert à rien, ça bouffe de la RAM
mais ça attire les hommes donc ça fonctionne.
Si on prend Lost Ark, c'est pareil, mais c'est un
jeu coréen à l'origine, donc ils font toujours des jeux
très sexualisés. Et il faut savoir que la version
européenne que nous avons n'est pas là même qu'en
Corée. Là-bas les personnages féminins sont encore plus
dénudés. J'ai découvert aussi des gens qui font du RP sur
des serveurs privés de certains MMO où tout le monde est à
poil. Mais au moins ils font cela entre personnes consentantes.
Oui, la sexualisation des personnages féminins est
très utilisée. On peut aussi parler de Nier Automata et
de son personnage principal. Il y a une énorme légende urbaine
sur les gigabytes utilisés pour créer le cul du personnage. Dans
Resident Evil 4, on peut utiliser des jumelles pour regarder la
culotte du personnage quand elle monte à l'échelle et les
développeurs ont en quelque sorte créé un petit gag autour
de cela. Ce côté un peu interdit et un peu sexuel, c'est
utilisé pour le marketing et partout et les gens sont habitués
à ce genre de choses.
12- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Je vais citer la meilleure phrase : « Dans la cause
féministe je me considérerai comme un allié ». Je ne
suis pas féministe car c'est quelque chose qui est fait par les femmes
et pour les femmes, mais je les soutiens de tout mon coeur. Aujourd'hui le
féministe prend beaucoup de formes aujourd'hui on inclut aussi la cause
LGBT et donc ça devient très vaste.
131 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Au-delà de ça, je pense sincèrement qu'au
niveau des jeux vidéo, les hommes ont beaucoup de choses à
apprendre, à déconstruire, il faut qu'on se refasse nos
idées. Il faut qu'on passe dans une phase d'écoute active. Les
hommes sont acteurs et seront acteurs mais les personnes à mettre en
lumière sont les femmes et les minorités parce que c'est
ça qui va inspirer. Les femmes seront inspirées par des roles
models et les hommes comprendront donc peut être que ce n'est pas grave
de se faire détruire par une femme sur un jeu vidéo.
Il y a encore un manque de considération, par exemple
Ubisoft qui montre ses héroïnes de jeu pour la journée de la
femme mais qui oublie de parler de leur sort tragique dans le jeu. C'est
fatiguant parce qu'on est motivé à fond pour faire avancer les
choses et on a l'impression de reculer vu certaines mentalités et la
lenteur du milieu à évoluer. Dans le milieu associatif
français aujourd'hui on a des talents géniaux, si on pouvait les
rassembler ça serait génial parce qu'on pourrait vraiment avancer
et créer de nouvelles choses.
Parmi toutes les questions, c'est beaucoup de sujets
sulfureux, qui donnent un peu envie de se taper la tête. Moi quand je
peux m'exprimer face à des hommes cis blanc, c'est difficile de trouver
sa place sur des questions de féminisme en tant qu'homme mais la
réponse est simple : « laissez les femmes en parler,
écoutez-les ».
Il y a encore beaucoup d'avancées à faire, je
pense qu'aussi bien les associations, les studios, les éditeurs de jeux,
les entreprises, tout le monde a une part de responsabilité dedans. On
peut faire du marketing non genré, on peut faire un jeu génial
sans mettre des gros seins. On peut faire un jeu génial comme Elden
Ring sans dénigrer une femme.
Annexe 3 - Retranscription entretien Lara Lunardi
(Freelance Host & Producer) - entretien mené en anglais
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Pouvez-vous parler de votre expérience en tant que
Freelance Host & Producer?
Bonjour, je m'appelle Lara. Je fais partie de l'industrie du
jeu quasiment depuis que je suis née, puisque mes parents étaient
joueurs tous les deux donc je n'ai jamais vraiment lâché ma
manette. À l'âge de 17 ans, j'ai décidé de
déménager aux États-Unis pour devenir développeur,
j'ai eu mon diplôme et j'ai commencé à travailler dans
l'Entertainment pour les jeux vidéo.
132 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Aussi bien la création de contenu que la production,
c'est un domaine qui m'a toujours intéressé donc je m'y suis
orientée. C'est ce qui m'a envoyé en Europe et maintenant en
Allemagne. Je me suis orientée vers le journalisme pour couvrir le plus
de sujets possibles sur le jeu vidéo et l'esport. Après ma
carrière de journaliste, j'ai décidé de travailler en
freelance, c'est comme ça que j'ai commencé à travailler
avec SK Gaming et d'autres entreprises. Concernant les jeux, je n'ai jamais
été le genre de personne jouant à un seul type de jeux,
j'ai toujours touché un peu à tous des RPG, aux jeux de
plateforme, d'aventures.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui c'est certain, mais est-ce que ça l'est plus que
d'autres marchés, je ne sais pas. C'est comme cela parce que ça a
toujours été accepté comme cela par les médias et
par la société, parce que les médias ont toujours
montré les femmes de cette façon sexualisée.
Dans le jeu, il y a une véritable domination des
hommes qui se ressent beaucoup plus dans ce domaine que dans les autres
domaines du divertissement et je pense que c'est pour cela que les femmes sont
montrées de cette façon-là dans les jeux.
Je dirai en effet que c'est parce que les hommes dominent le
marché qu'on a cette corrélation. Quand on regarde un film, cette
industrie est présente depuis très longtemps donc les femmes y
ont déjà trouvé leur place. Les jeux vidéo et
l'esport sont beaucoup plus récents, bien sûr il y a des femmes
qui y travaillent mais c'est souvent encore vu comme une discordance.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Non, je ne pense pas tout, du moins pas aux États-Unis
et en Europe. Tout du moins au niveau du cast, ils sont assez conservateurs et
ont choisi d'être comme cela. Avec l'ensemble des talents qu'il y a
autour de moi, je ne pense pas qu'un seul soit montré de cette
façon-là. Après du point de vue des fans c'est
différent, en effet beaucoup le voient de cette façon-là
et le chat des lives devient rapidement un enfer à lire.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Les femmes n'ont pas été l'égal des
hommes depuis des décennies dans l'ensemble des autres domaines comme la
musique ou le cinéma, alors pourquoi le seraient-elles maintenant ?
133 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je pense que regarder le problème en comparant
simplement le sport et l'esport et en montrant que les hommes sont plus forts
que les femmes mais que les deux ont le même cerveau est un moyen
très primitif. C'est quelque chose qui parait évident mais le
problème vient avant tout des opportunités et du fait qu'elles ne
sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes.
Dès le début, quand tu joues à un jeu
vidéo, quand tu es toujours mise de côté pour le simple
fait d'être une femme, on ne te prend pas au sérieux ou on
t'empêche de t'exprimer. Tu as plus de probabilité de te faire
harceler juste parce que tu es une femme donc même si tu as un bon niveau
ça te pousse à t'éloigner du jeu. Cela peut
complètement dégoûter quelqu'un de continuer dans une
carrière qui se voudrait grandiose mais quand on voit beaucoup de
compétitions qui sont bien plus facile d'accès pour les hommes ou
de personnes qui pensent encore qu'avoir une femme dans une équipe mixte
serait un vrai problème, serait une source de problèmes, c'est
là qu'on comprend que ça n'avance pas.
Non bien évidemment que nos cerveaux ne sont pas faits
différemment mais c'est un problème d'opportunités qui
sont donné aux joueurs et cela affecte une bien plus large
population.
5- Que pensez-vous des ligues féminines ?
Je pense que c'est un pas en avant très important, afin
de rendre l'écosystème plus égalitaire. Il y a toujours
beaucoup de débat pour savoir pourquoi on ferait quelque chose
spécialement pour un des deux sexes, ou pour une minorité. Mais
c'est là parce que ces minorités ne se sont pas vu donner une
opportunité ou une chance de progresser dans des tournois normaux ou des
compétitions normales.
Je ne sais pas si tu as entendu parler du projet de SK Gaming
« Avarosa ». Oui je pense que c'est important et c'est pour cela que
nous avons ce projet chez SK Gaming afin d'amener des femmes sur le devant de
la scène et notamment sur League of Legends.
Je pense que les équipes mixtes c'est quelque chose de
bien et que c'est le premier pas pour avoir plus de femmes sur la scène
compétitive. Je ne pense pas qu'on ait des équipes 100%
féminines à très haut niveau, tout du moins sur League
of Legends. On voit beaucoup plus cela sur des jeux comme Valorant ou
CS GO qui sont des jeux ayant beaucoup plus de femmes dès le
début en tant que joueuses et en tant que professionnelles.
134 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je ne pense pas que ça soit pertinent d'avoir une
équipe full féminine en haut niveau. Pour jouer au même
niveau les joueurs doivent avoir les mêmes opportunités pour
s'entraîner, pour développer leur niveau, pour donner le meilleur
d'eux-mêmes. Et parfois ce n'est pas qu'ils ne veulent pas mais qu'on ne
leur donne pas l'opportunité.
On n'est pas juste prêt du jour au lendemain à se
lancer en LEC ou en compétition de haut niveau, ça ne fonctionne
pas comme cela. On doit se donner les mêmes chances que tous les autres
joueurs pour espérer être à leur niveau sinon ce n'est pas
logique. Et je pense qu'aujourd'hui les gens ne font pas assez confiance aux
femmes pour être au même niveau qu'un homme et pour pouvoir
intégrer une équipe professionnelle.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Oui je pense que tous les préjugés ont de
l'importance, quand on s'attend à ce qu'on rentre dans un moule pour
suivre le chemin tracé il y a forcément des différences
qui se créent. Ou alors il faut qu'on s'en éloigne totalement
mais ce n'est pas habituel.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Oui, malheureusement, les deux. Que dire de plus que les
expériences classiques ? On arrive sur un chat vocal dans Valorant,
on met son micro et c'est la fête dans le chat audio « oh mon
dieu, une femme ».
J'ai participé à de nombreuses conventions ou
tournois aussi bien en tant que joueuse que spectatrice. Je ne reviendrai pas
en détail sur ces expériences mais il y a eu bien
évidemment de nombreux comportements déplacés. C'est ma
vie.
J'ai le sentiment que c'est un peu le cas pour toutes les
femmes et surtout pour celles qui ont une image publique. Je ne pense pas que
ça soit vraiment spécifique au jeu, mais plutôt que cela
concerne un peu toutes les femmes, que ce soit en politique ou en
divertissement.
Est-ce qu'on sait pourquoi ? Oui, plus ou moins parce que les
gens ne sont pas punis. Il n'y a rien au niveau légal qui les
empêchent d'agir comme cela. Ils ne le font pas dans la rue ni en public,
certains le font mais sont punis pour cela : ils ne le feraient pas s'ils
étaient punis.
135 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
L'anonymat le leur permet.
Pourquoi contre les femmes en particulier... je ne sais pas,
j'ai le sentiment que c'est la même chose que si une femme en politique
se met en avant, ça a toujours été comme ça,
ça a toujours été la norme de penser que les femmes sont
une cible. J'ai l'impression que si on savait ça serait tellement plus
simple pour justement pallier à cela.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Je pense que oui. Et surtout cela se voit notamment dans la
manière dont les femmes sont maintenant représentées dans
les jeux par les entreprises.
Elles commencent enfin à comprendre que les femmes sont
quasiment une majorité parmi les joueurs donc il vaut mieux respecter
cela pour eux. Si on regarde des films, des clips de musique etc, on voit que
les femmes sont toujours montrées de cette manière un peu
inférieure et dégradante.
Quand on voit une femme faible dans un jeu vidéo, il y
a toujours un homme fort et macho derrière elle et j'ai l'impression
qu'on revient toujours à cette image de la femme servile ou de la
princesse que doit sauver le personnage principal qui est bien
évidemment un homme.
Il y a des jeux comme Rape Day qui montrent une image
de la femme complètement dégradante. Je pense que l'idée
du jeu est nulle et que la réaction du créateur est tout aussi
nulle. Il devrait être puni d'une manière, faire face à la
loi d'une quelconque façon. Il ne ferait pas cela à quelqu'un
dans la rue alors s'il en vient à en faire un jeu il devrait être
puni.
Je compare une personne qui vit dans le monde réel, qui
connaît les conséquences de ce genre d'actions dans le monde
réel et qui a décidé de développer un jeu comme
cela. Je ne connais pas grand-chose au monde virtuel donc je ne sais pas si on
peut punir de la même façon un acte virtuel et réel mais
avec tout le temps qu'on passe dans ce monde virtuel, il peut bien
évidemment y avoir de nombreuses répercussions dans le monde
réel. Faire cela à un NPC qui n'a pas de conscience c'est une
chose mais comment faire la différence au final entre une personne
virtuelle et un NPC. Ce genre de choses, de jeux de devrait juste même
pas exister.
136 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Oui, mais il y a tellement de facteurs en plus de cela.
Déjà le manque d'opportunités comme déjà
évoqué, et puis le harcèlement qui est subi au quotidien,
tout cela vient empêcher une réelle présence des femmes
dans l'écosystème esportif.
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Si tu m'avais posé la question il y a 10 ans j'aurais
dit oui, mais plus maintenant. Il y a un véritable tournant pour faire
attention à l'image de la femme dans les jeux, dans le broadcast. Tout
du moins les personnes en charge de ces contenus sont plus conscientes de ces
enjeux. Par exemple, League of Legends ou Blizzard qui essaient de
donner du sens au lore et aux skins de leurs personnages. De la même
manière, la première Lara Croft et celle qu'on a aujourd'hui, ce
sont deux personnages complètement différents. C'est là
qu'on voit vraiment le progrès. Il y a bien évidemment encore des
entreprises qui fonctionnent comme cela mais pour les plus grandes entreprises
il y a une véritable prise de conscience et un changement.
Si on prend l'exemple de Lost Ark, c'est un jeu
développé en Asie et je pense que c'est une discussion
complètement différente. Certes, on choisit comment on fait notre
personnage mais il y a des choses qui sont déjà
programmées. Ils ont toujours eu une vision bien plus sexualisée
dans les jeux qu'on peut avoir dans notre culture européenne, aussi bien
vu comment ils s'habillent ou se comportent donc ça ne m'étonne
pas. Tout ce qui tourne autour des waifu c'est le même genre. Pour moi le
changement prendra beaucoup plus de temps et sera différent.
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui et bien plus que les femmes. C'est eux qui ont plus de
pouvoir donc si quelque chose doit changer c'est toujours à eux
d'agir.
Même si on est là pour appuyer, pour se plaindre,
c'est toujours les hommes qui sont au pouvoir et qui sont en mesure de prendre
les décisions. La seule chose qu'on puisse vraiment faire de notre
côté c'est de continuer à faire du bruit pour se faire
entendre sur tous ces sujets. On a fait réagir sur la sexualisation des
femmes dans le jeu vidéo, sur le manque de diversité dans les
L'image de la femme dans les jeux vidéo
équipes d'esport, bref sur un peu tous les pans du jeu.
Tant qu'ils continuent de nous entendre, ça fait de
plus en plus de mal aux entreprises de nous ignorer. Quand on voit les
poursuites à l'encontre de Riot ou de Blizzard, les entreprises ne
peuvent plus faire comme si on existait pas mais c'est tout de même aux
hommes qui sont au sommet de vraiment agir pour changer les choses. J'ai tout
de même le sentiment qu'on gagne cette bataille peu à peu.
Annexe 4 - Retranscription entretien Mme Dupont
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
J'ai toujours voulu travailler dans le jeu vidéo donc
directement après le lycée, j'ai fait un bachelor de game design
dans une école bordelaise, puis j'ai entendu parler d'une autre
école, j'ai passé un concours pour y rentrer et je me suis
orientée en ergonomie. J'ai fait mon master pendant lequel j'ai fait un
stage dans un studio où j'ai continué à faire des missions
en Freelance par la suite. Et là récemment j'ai
intégré Ubisoft à Bordeaux !
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Dans les jeux vidéo, dans le média en
lui-même, on ne se cache pas en se disant que oui les femmes sont
très sexualisées dans les jeux vidéo, ça a toujours
été comme ça parce que les jeux c'est un média qui
a été représenté majoritairement par les hommes
d'une manière qu'ils pensaient correcte pour eux. C'est comme ça
qu'on se retrouve avec des scandales comme dans WoW ou quand tu es guerrier tu
as une grosse armure et quand tu es guerrière tu es à
moitié nue.
C'est pour ça qu'on avait dans les Mario et
dans les Zelda on est un homme qui va sauver une femme des griffes du
personnage maléfique. C'est pour ça qu'on a souvent des femmes
qui sont des petites personnes en détresse qui ont besoin d'aide. On a
Metal Gear Solid avec un personne sourde-muette qui est quasiment nue
et se tortille sous la pluie. C'est une vision complètement
erronée de la femme qui est donnée.
137 / 291
On a par exemple Lost Ark qui est un MMO coréen
où les femmes ont toutes des seins et des
138 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
fessiers incroyables avec une taille de guêpe et elles
marchent comme si elles étaient constipées et tout cela est
considéré comme normal. Il y a encore du chemin à faire et
beaucoup de progrès, beaucoup ont encore une représentation
erronée de la femme, ils ne voient pas que faire des fesses aussi
grosses ce n'est pas la réalité.
Aussi au niveau des visages c'est toujours des visages
très beaux. Par exemple, dans le nouvel opus d'Horizon Zero
Down qui est sorti, le personnage d'Aloy n'est pas considéré
comme beau parce qu'elle est différente. Il y a eu un débat sur
le fait qu'elle a du duvet sur le visage, comme toutes les femmes en fait.
C'est quelque chose de normal mais pour certains hommes c'était juste
pas normal pour eux, elle avait « de la barbe ». Non, c'est juste un
visage féminin normal qui a des poils sur le corps. Que ce soit en
interne au niveau de la production ou juste au niveau des joueurs, il y a
encore un blocage.
Pour parler un peu de la production donc dans l'envers du
décor, c'est un milieu qui est pas tout rose, qui est très
machiste, surtout en sortie d'école. Et le fait que les jeux aient une
mauvaise image cela donne une mauvaise image de l'industrie. Mal
représenter les femmes dans les jeux c'est mal représenter les
femmes tout court.
Dans l'école dans laquelle j'étais qui s'appelle
E-artsup à Bordeaux, dans la promotion dans laquelle j'étais on
était 2 filles sur 30 élèves, la seconde n'a pas tenu 6
mois parce qu'on a des remarques désobligeantes comme « retourne
à la cuisine », des comportements inappropriés comme par
exemple se faire prendre dans les bras ou se faire toucher le visage, le corps
sans qu'on demande. Et c'est reproduit par des professeurs, pas tous
heureusement, mais parce que c'est des professions pas encadrées par
l'État et donc beaucoup sont intervenants. Ces personnes-là qui
représentent l'autorité dans l'école se permettent des
comportements inappropriés envers les filles ce qui veut dire que
ça devient approprié pour que les autres élèves le
fassent aussi.
Le fait que le monde du jeu soit considéré comme
un milieu masculin, les femmes ne sont pas considérées comme de
vraies joueuses et elles ne sont pas du tout protégées, les
hommes ne se privent pas de faire des choses pas du tout appropriées.
Même quand on essaie de réagir, il y a toujours ce système
où tout le monde se protège les uns les autres. C'est ce qu'on a
vu avec Ubisoft et le scandale qu'il y a eu de #MeToo, les personnes
accusées étaient protégées. C'est le mari, c'est le
patron donc les plaintes sont étouffées. Et c'est des
comportements
139 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
problématiques qu'on a connu dès l'école
donc forcément si ce n'est pas modifié dès l'origine, ils
reproduisent cela plus tard.
Au final, on se rend vite compte que le monde du jeu
vidéo, c'est désillusion sur désillusion. Moi j'ai eu la
chance d'être prise à l'Enjmin, qui est une école où
il y a eu des comportements problématiques c'est vrai, mais dans cette
nouvelle école on a par exemple réussi à avoir la
parité parfaite dans beaucoup de classes, donc c'était ouvert
à la discussion, on pouvait faire blocus en tant que femmes s'il y avait
un problème. La représentation n'est pas à son paroxysme
parce que comme le jeu vidéo est un milieu où tout le monde n'est
pas représenté, certains s'en privent d'eux même.
Quand il y a de l'inclusion et de la diversité, on peut
s'exprimer alors que seule on ne peut pas. On peut être pédagogue,
on peut s'énerver et on n'est pas seule face à tout le monde.
Cela fait une différence d'avoir du monde en back up pour lancer des
processus pour s'éloigner des personnes problématiques. De la
même manière, on a fait un jeu où on incarne une petite
fille et ça parle de son passage à l'âge adulte. C'est une
petite fille qui a deux papas qui sont homosexuels mais ce n'est pas une grosse
composante du jeu. Ça n'a pas été remis en question du
tout, c'était vu comme de la normalité.
Au niveau des studios, c'est quelque chose de
différent, je dirai que ça dépend vraiment des gens et des
studios. Moi je suis rentrée dans un studio et c'était vraiment
quelque chose de sain, en entretien ils m'ont demandé si je savais ce
qu'est la diversité et l'inclusion et c'est là qu'on sent
déjà que c'est un bon endroit. Mais j'en connais d'autres
où les femmes n'ont pas le droit de participer aux réunions ou
alors qui subissent des commentaires désobligeants avec tout le monde
qui se tait s'il y a des remarques venant des supérieurs. Même
à Ubisoft, à 99% c'est des hommes blancs qui sont des
supérieurs, il n'y a quasiment pas de femmes, quasiment pas de personnes
de couleurs. Se rendre compte que certains postes sont inaccessibles pour les
femmes on voit qu'il y a un véritable plafond de verre et même si
ce n'est pas méchant c'est une véritable culture qui est
ancrée parce qu'on pense que parce que c'est une femme elle est moins
qualifié, moins apte à faire son travail.
3- De la même manière celui de l'esport
?
C'est quelque chose qui me fait très mal parce que mon
copain regarde beaucoup d'esport et
140 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
moi je m'énerve à chaque fois parce que je ne vois
pas de femmes. Par exemple sur League of Legends il y a une femme qui
a rejoint une grande équipe, et ça a fait tout un scandale alors
que ça devrait être normal.
Et quand on demande pourquoi il n'y a pas de femmes la
réponse c'est « en général elles jouent moins bien
». Les gens ne se rendent pas compte de tout ce qui va à l'encontre
des femmes, qui vont les empêcher d'atteindre un bon niveau, d'aller plus
loin. Ça va être le fait de se faire rabaisser, les cas de
harcèlement ou tout simplement avoir un pseudo féminin et parler
avec une voix de fille dans le chat vocal ou écrit c'est
compliqué et c'est pour ça qu'on ne voit pas beaucoup de filles
en haut des têtes d'affiches de l'esport. Le problème c'est
vraiment pas les compétences mais beaucoup plus l'environnement
toxique.
Et forcément la sexualisation a un impact, si on prend
League of Legends, il n'y a pas un seul personnage féminin
réaliste. Quand on regarde les anciens skins des personnages de lol,
c'était pour plaire aux fantasmes, très peu habillé etc.
La plupart des choses dans le jeu étaient justifiées par le lore
mais certains skins avaient juste pour but de plaire aux hommes.
C'est quelque chose qui n'attire pas vraiment les femmes vers
les jeux. Et en plus quand on arrive dessus c'est la foire avec ces messieurs
qui se transforment en animaux. Je vais prendre en exemple Smash Bros :
une joueuse jouait le personnage de Marie de Animal Crossing et a
gagné contre un gros joueur, elle a subi un tel harcèlement
qu'elle a tout arrêté. C'est normal que les femmes ne puissent pas
monter parce que c'est très dur de franchir toutes ces étapes.
Pour les joueurs c'est beaucoup plus facile ils n'ont pas ces cas de
harcèlement et de messages inappropriés.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les
hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Le monde du jeu vidéo n'est pas du tout
égalitaire. Il y a beaucoup de gens qui font des efforts en ce moment
mais il y a aussi beaucoup de féminisme washing où les gens vont
faire semblant de faire des efforts en disant qu'ils font de la
diversité et de l'inclusion pour attirer mais ce n'est pas le cas. Mais
c'est dommage parce qu'on s'en rend compte assez vite.
Au niveau des associations, j'aime beaucoup WIG mais ce n'est
pas une association qui est
141 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
parfaite. Elles essaient de faire des évènements
mais c'est régi par des hommes et des femmes. On peut vouloir parler de
problèmes féminins sur le discord mais il y a tellement d'hommes
que ce n'est pas un safe space. Il y a aussi beaucoup de démarches qui
sont faites avec Ubisoft pour recruter plus de femmes mais quand on voit les
chiffres où il y a 40 participantes et au final seulement deux qui sont
recrutées à la fin... Ubisoft en est fier, ils ont 20% de femmes,
c'est bien mais ce n'est pas assez et malgré les efforts ça reste
un problème qui gangrène le truc et ou on va avoir des jugements
de valeur pas forcément conscients. Pendant les entretiens on va
toujours penser que l'homme est plus compétent qu'une femme. C'est
systémique et ça arrive très régulièrement
même si on ne le veut pas.
Le problème, c'est les opportunités. Les femmes
vont devoir se battre plus qu'un homme pour obtenir un stage, une alternance,
un boulot. Certes parfois on va recruter avec des compétences
égales mais on n'est pas juste là pour recruter des
compétences mais aussi pour recruter des personnes. On va les former si
besoin, donc on peut très bien recruter une femme même si elle
n'est pas assez compétente. On n'a pas forcément besoin de
quelqu'un bourré de compétence mais plutôt quelqu'un qui va
apporter un plus à l'équipe, qu'elles s'entendent bien avec
l'équipe. En ne jugeant que les compétences, ça ferme
beaucoup de portes et ça pousse le marché à rester
machiste. De la même façon, ça n'engage pas les femmes
à faire des efforts puisqu'elles savent qu'elles vont rencontrer plafond
de verre sur plafond de verre. En plus des études, du travail, les
femmes doivent gérer le harcèlement et la pression alors oui elle
aura peut-être un peu moins de compétence mais elle sera surement
très précieuse à l'équipe.
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le
rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?
Oui, c'est plus des globalités, je ne peux pas parler
en particulier parce qu'il y a beaucoup de filles qui aiment les FPS ou ce
genre de jeux. Mais quand on regarde les chiffres, au niveau des joueurs
mobiles c'est surtout des femmes, ça ne veut pas dire que ce n'est pas
des bons jeux. Il y a des suppositions qui ont été faites sur le
fait qu'une femme a beaucoup moins de temps qu'un homme pour jouer parce
qu'elle doit faire plus de choses à la maison, qu'elle doit s'occuper
des enfants etc. Donc elle ne dispose pas d'autant de temps d'affilé que
son mari pour jouer, pour une femme c'est plutôt 5 minutes par 5 minutes
donc c'est pour ça que le format de jeu mobile est bien plus
adapté. Ça ne veut pas dire que toutes les femmes jouent à
des jeux
142 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
mobiles, ça ne veut pas dire qu'aucun homme ne joue
à des jeux mobiles, c'est juste des tendances globales.
On va avoir des jeux considérés comme des jeux
de filles comme Animal Crossing ou les Sims qui sont en
général plus populaires chez les femmes, mais c'est sans prendre
en compte les non binaires, les transsexuels et c'est des paramètres
qu'on a malheureusement tendance à omettre dans les études. C'est
juste des tendances, ça ne veut pas dire qu'on a un style de jeu vers
lequel on doit absolument aller.
Les femmes vont peut-être être un peu plus
énervées en voyant des femmes comme dans Lost Ark alors
que les hommes ne verront pas le problème. Il y avait par exemple
récemment une séance avec Batman et Catwoman où les deux
ont inversé leurs rôles et on s'est rendu compte que
c'était abusé en voyant Batman faire les mimiques de Catwoman. Et
là ça a choqué les joueurs alors que ça
n'était pas du tout un problème avant.
Il y a le fait que certaines communautés sont
très toxiques sur les jeux en ligne vis-à-vis des femmes
ça peut avoir une grosse influence. Quand on arrive en vocal sur
Call Of ou CS GO c'est beaucoup d'insultes, c'est la jungle en
directement donc on n'a pas forcément envie de jouer à ces jeux.
C'est peut-être aussi pour ça que les femmes sont plus enclines
à jouer à des jeux plus calmes comme Animal Crossing.
Mais je ne pense pas que c'est parce qu'il y a des tendances
majoritairement sociétales qui se dessinent qu'il faut se dire que ce
n'est pas des vrais jeux ou que c'est des jeux de filles.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
C'est assez triste mais oui ça m'est arrivé
beaucoup, notamment quand j'ai commencé à jouer à
Overwatch. Quand j'ai commencé à vouloir jouer toute
seule, dans les chats vocaux ce qu'on entend c'est «go back to the
kitchen», «I want to fuck you». C'était beaucoup de
choses verbales, très peu en convention parce que je ne participe pas
beaucoup. Au travail, j'ai eu des problèmes aussi, c'est
différent mais au final c'est la même chose. Et je pense que le
fait que j'ai eu des problèmes avec des chats vocaux, c'est pour
ça que je ne vais plus en chats vocaux. Je n'aime plus jouer aux jeux
avec ces chats vocaux, il y a peu de temps j'ai joué à Back
for Blood mais quand j'ai voulu jouer seule, je pensais lancer une
aventure solo et quand je me suis
143 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
rendue compte que c'était avec du monde, j'ai
quitté et finalement arrêté le jeu. Je n'avais pas envie de
rencontrer des inconnus dans des jeux en ligne.
J'ai une autre anecdote, j'étais très jeune
j'avais 13 ans et je jouais à Dofus où il y a un chat
écrit. Je jouais seule, un healer du coup, ça m'a un peu
posé problème et j'ai vu que même sans rien dire le fait
d'avoir un avatar féminin avec un nom féminin eh bien les gens te
suivent dans le jeu, écrivent des choses totalement appropriées.
Par exemples quand on fait du RP on mets « ** », c'est le langage du
jeu et j'ai eu le droit à « **te sodomise » à 13 ans.
Je pense que ce n'est même pas une époque où je savais
comment on faisait les bébés. Je me suis retrouvée
à aller chercher sur Internet et ça m'a vraiment marqué.
C'est quelque chose qui n'est pas du tout modéré, tu es un
enfant, une fille et tu peux voir ça dans le chat et ça te marque
à vie.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Je pense clairement que oui, que comme je l'ai dit plus
tôt c'est un problème sociétal. La femme dans la
société est traitée mal, elle ne vaut rien, on fait ce
qu'on veut, elle n'a rien à dire. C'est représenté comme
ça dans les jeux vidéo donc c'est en quelques sortes vu comme ok
par beaucoup de monde et donc les gens se le permettent dans la vraie vie. Dans
l'esport, ça ne doit pas être facile quand on est une femme, on
doit se prendre des remarques et c'est des choses que les gens doivent trouver
justifié.
C'est ok dans un jeu auquel ils jouent toute la
journée donc pourquoi ne pas le reproduire dans la vraie vie, sauf que
quand ça vient à toucher au réel c'est là qu'est le
problème. Les agresseurs devraient utiliser un peu leur cerveau et c'est
pas du tout le cas.
8- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Oui et ils ne s'en privent pas, depuis Super Mario,
même avec Metroid, on pensait que le personnage
était un homme mais quand on découvre que c'est une femme on a
« besoin » qu'elle soit en sous-vêtements, qu'elle fasse un
geste sexy pour que le joueur se dise « oh j'ai joué avec cette
jolie fille ».
144 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Des personnages dans Street Fighter qui vont faire
des poses un peu tendancieuses ça fait vendre. Ou même en jeux
récents, dans NierAutomata c'est « drôle » de
baisser la caméra pour regarder la culotte du personnage principal.
Ça valide les comportements problématiques, surtout venant des
hommes qui aiment pouvoir avoir ce genre de comportements dans le jeu, qui
aiment avoir des femmes dénudées sur la jacket d'un jeu etc.
Par contre quand on a des femmes fortes, qui n'ont pas ces
tailles de guêpes c'est moins mis en avant. Pour parler d'un jeu que
j'adore sorti il y a peu, on peut incarner un homme ou une femme mais tout le
marketing a été fait autour de l'homme, en plus sur
l'écran de sélection on ne voit pas qu'on peut choisir une femme,
on est vraiment biaisé. Donc la plupart des personnes qui jouent au jeu
ont choisi le personnage masculin. Et en plus la femme est « normale
» sans formes exagérés, elle est musclée, c'est juste
une femme forte qui fait du kung-fu donc elle n'est pas mise en avant. Et je
trouve ça dommage parce que moi j'adore ce personnage.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse
être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des
femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui bien évidemment, c'est aux deux d'agir. C'est d'en
parler sur les réseaux, c'est de dire que ce n'est pas ok. C'est
vraiment ça qui fait le plus mal aux entreprises, c'est que les joueurs
se plaignent. Par exemple dans Assassin's Creed Odyssey on pouvait
avoir une relation homosexuelle mais dans le DLC on avait une relation
hétérosexuelle forcée et à ce moment les joueurs
ont crié et le studio a dû ajuster cela.
Si les joueurs crient, boycottent, créent une
polémique, c'est là qu'il peut y avoir du changement. Il faut
demander du changement, des représentations diverses, ça sert
tout le monde, ça permet de voir de la diversité. Je ne comprends
pas pourquoi un homme pourrait avoir une plus large représentation que
nous et pourquoi une taille de guêpe serait la norme.
Si les joueurs décidaient de ne pas acheter le jeu, de
réagir vis-à-vis de la représentation de la femme,
ça pousserait les studios à faire des efforts. Quand bien
même dans les studios on veut pousser comme employés, c'est les
joueurs qui ont le pouvoir donc si eux montrent que ça leur convient ils
vont continuer. Ça reste une industrie qui a besoin de vendre. Si les
joueurs font blocus, si les salariés font blocus, les entreprises
devront s'adapter.
145 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
10- Un mot de la fin ?
On veut des CDI et être plus représentées
dans les jeux. Quand on est un homme c'est beaucoup plus facile d'avoir
accès à un CDI, ce n'est pas normal que ce ne soit pas la
même chose pour nous.
Annexe 5 - Retranscription entretien Laurine - Ilunaree
(Joueuse semi pro)
L'entretien s'est fait avec le gérant de l'association et
l'une de ses joueuses professionnelles.
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Pour contextualiser, on est une association fondée par
des amateurs qui a deux ans de vie. Comme toi j'ai une licence de communication
des évènements, mon but est de se spécialiser pour
accompagner les joueurs pour les guider vers la compétition
professionnelle. On voudrait leur offrir une extension vers ce que peut
être leur métier de rêve. On sait qu'il y a beaucoup de
potentiel, on les prépare, on les accompagne pour qu'ils
maîtrisent bien le jeu puis on les dirige vers des structures
professionnelles pour qu'ils soient détectés et qu'ils puissent
accéder à la scène esportive.
Je m'appelle Laurine, j'ai 20 ans, je suis en fac de langues.
Je suis de base pas trop passionnée par les jeux mais depuis que je m'y
suis remise je suis toujours dessus. Je suis énormément sur
Apex, Minecraft quand j'étais plus petite, Overcraft.
De tous mes âges, j'ai exploré le monde du jeu vidéo
dans ses recoins les plus sombres. Parce qu'on sait ce que c'est être une
femme sur les jeux vidéo c'est accepter les inconvénients d'en
être une.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
En soi oui et non. La plupart des jeux sortis sont des jeux
considérés par la société comme masculinisés
et fait pour les hommes avec des hommes à la guerre. Mais c'est beaucoup
sexualisé parce que quand on regarde les jeux et comment les femmes sont
représentées, ça sexualise le corps de la femme en
général. Par exemple dans Apex les personnages sont
déjà très sexualisés, mais c'est loin d'être
le pire quand on prend les personnages d'animés avec des
146 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
gros seins et des grosses fesses, c'est sympa deux minutes
mais ça sexualise le corps de la femme en général donc ce
n'est vraiment pas dingue.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Pour l'esport, je ne sais pas, je dirai que non parce qu'en
soi beaucoup de filles sont dans la compétition, on a beaucoup de
Youtubeuse mais la femme n'est pas super présente mais je ne sais pas
comment expliquer cela. Je pense qu'il y a des personnes bien
intentionnées et que si une femme veut rejoindre elle peut sans
problèmes mais il y en a d'autres où c'est tout le contraire.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Non, déjà parce que les femmes sont moins
payées que les hommes. La plupart de joueuses esport sont sous
payées. Alors tout comme au niveau des hommes en fonction des pays, je
sais qu'aux États-Unis ils sont beaucoup plus payés qu'en France
ou en Europe. Pour le moment, c'est heureusement quelque chose que je n'ai pas
vécu, qu'on me fasse sentir inférieure à un homme non
ça pas du tout et surtout depuis que je suis dans l'asso c'est vraiment
un safe space.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Ça peut être une bonne chose dans le sens
où ça montrerait aux gens que nous aussi on sait jouer aux jeux.
Mais si on veut l'égalité il faut être mixte, il faut faire
une balance entre les deux. Je pense qu'une ligue 100% féminine
ça aiderait la cause.
Les associations c'est une bonne chose parce que si rien est
fait on se retrouve à ne rien pouvoir faire face à ce genre de
situation, à ne pas pouvoir se défendre. Même si on essaie
de faire du bruit face à un petit groupe d'hommes, la finalité
c'est que si on ne fait rien tous ensemble ça ne changera pas. Il faut
qu'on continue à agir comme ça et qu'on fasse beaucoup plus
d'actions, qu'on parle beaucoup plus que ce qu'on fait maintenant.
Je trouve que ce n'est pas assez même si c'est un peu
notre maximum. On parle beaucoup de la cause féminine, mais les choses
ne changent pas vraiment. Ok maintenant il y a plus de mecs qui acceptent
qu'une femme joue aux jeux vidéo mais il y a toujours des petites
remarques, des petites réflexions et même si on leur dit qu'on a
le droit de jouer tout autant qu'eux ils n'en ont pas toujours conscience.
147 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Je pense que non, peut-être éventuellement avec
l'éducation. On est plus orientés vers les jeux vidéo
quand on est un garçon plutôt qu'une fille. Dans les rayons des
magasins, il n'y a pas forcément de jeux vidéo dans le rayon des
filles. Donc excepté dans l'éducation je ne vois pas de
différences ou de barrières.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Littéralement avec du recul je pense que, quand
j'étais petite à 11 ou 12 ans et que je jouais à
Minecraft, j'ai subi beaucoup de harcèlement sexuel. Je pense
vraiment qu'on peut le considérer comme cela parce que quand tu es
petite tu es amenée à jouer avec des gens plus âgés.
Ce qu'on reçoit c'est des messages qui ne sont pas de notre âge
« passe sur le bureau pour rentrer dans le groupe ». J'y repense
plusieurs années avec du recul et je me dis que ce n'était
vraiment pas très normal. J'étais toute seule sur un Skype, ils
étaient 7 c'était le petit groupe un peu populaire du serveur
Minecraft où j'étais et je voulais juste les rejoindre
pour être avec du monde. Et à un moment ils ont voulu me faire
passer une « interview » pour intégrer le groupe mais
étant une fille c'était juste « t'es une fille, t'es la plus
jeune, nous on sait mieux que toi ».
Et même mon pote qui était le plus jeune et le
plus innocent a vite rejoint l'esprit de groupe. Je ne comprenais pas ce qu'il
se passait, il y avait allusion sexuelle sur allusion sexuelle comme «
passe sous le bureau, tu veux pas nous envoyer des petites photos, montre-nous
à quoi tu ressembles, t'as déjà fait des trucs ».
À ce moment-là j'étais dans mon lit toute jeune, je ne
comprenais pas ce qu'il se passait, je répondais un peu sans comprendre.
Quand tu es petit, tu veux vraiment rentrer dans une case donc j'ai
continué cette pseudo interview mais je m'en suis rendu compte que
très récemment que c'était plutôt une séance
harcèlement.
J'ai longtemps joué sur Overwatch à sa
sortie, j'ai repris le jeu il y a peu de temps, je lance une ranked,
j'étais un peu nulle à ce moment et un Anglais (oui parce qu'il
n'y a pas que les Français qui sont toxiques) qui me dit « go
make me a sandwich, slut » en voyant mon pseudo qui sonnait
féminin.
148 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Là encore plus récemment sur Apex, je
jouais tranquille et je comprends que c'était un petit donc je veux
faire un peu d'humour. Et le gamin qui me sort « ferme ta gueule t'es
nulle à chier » puis en parlant à son pote « oh tu
savais que les filles jouent à Apex c'est grave, ridicule les
filles ». Vraiment, éduquez vos garçons, il avait 14 ans le
gosse là, ce n'est pas normal. C'est grave dans l'éducation on a
pas à parler comme cela.
J'ai une autre histoire comme ça, d'un mec qui se
faisait passer pour une fille qui était arrivé sur notre serveur
on ne sait pas trop comment. Ce n'était pas une histoire de transgenre
ou quoi c'était juste un gars qui était là pour être
malsain. « Elle » me proposait de m'apprendre à faire des
« trucs » mais sans jamais allumer son micro, « elle » me
demandait des photos, là où j'habitais. Mais ce n'était
même pas un vieux non c'était un jeune de notre âge,
ça me choque limite plus qu'un vieux parce que c'est juste malsain. On
est un peu habituées au cliché du vieux qui fait peur. Mais
là c'était juste quelqu'un ayant 2 ou 3 ans de plus que moi. Et
encore je ne me souviens pas de tout parce qu'il y avait des trucs hyper trash
mais à l'époque je ne comprenais pas.
Et même maintenant, quand on allume le micro on a
toujours des réflexions en mode « oh mais une femme ça joue
aux jeux vidéo je savais pas ». Ou alors en ce moment la mode de
dire que « le rôle de la femme c'est à la cuisine »
c'est pas marrant. Même quand juste tu arrives sur un serveur
discord avec une photo de profil discord qui est féminine, tout le monde
se met à aboyer parce qu'ils trouvent ça drôle alors que
à force non ce n'est pas drôle à force on en a juste marre.
Des insultes « grosse pute, salope, tu es mal baisée », on en
parle pas forcément tout le temps mais on en reçoit un bon nombre
et sans rien faire. C'est gratuit, on ne demande rien, on veut jouer,
participer, éventuellement intégrer des groupes et c'est juste
parce que tu es une femme et que le point de vue d'un homme ne t'inclut pas. De
son point de vue une femme n'a pas à être là.
Pour le moment je ne sors plus beaucoup, mais la plupart des
choses qu'on va avoir dans la vie réelle c'est de la drague, des gars
qui vont accoster, forcer un peu parce que beaucoup sont des forceurs,
t'insulter parce que tu as refusé, bon le viol je n'en parle pas parce
que c'est un sujet un peu plus profond. Mais je pense que sur les jeux
vidéo, on te ridiculise simplement pour la femme que tu es. On te fait
comprendre que tu n'as pas ta place là. Dans le boulot c'est pareil on
te ridiculise et on t'humilie parce que tu es une femme et c'est tout, et
qu'apparemment les hommes n'aiment pas les femmes.
149 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Importance de l'anonymat ? C'est vrai que la plupart des gens
qui t'insultent c'est souvent des mecs sans photo de profil c'est souvent une
voiture ou quelque chose comme ça et c'est vrai c'est souvent des «
Dark Sasuke » donc avec des pseudos liés aux animés ou aux
mangas. Moi, avant de rentrer dans l'association, je n'avais pas de photo de
profil sur Discord comme ça on ne savait pas que j'étais une
fille, dans les jeux je parle à peine parce que j'ai la flemme de parler
pour me prendre des remarques. La plupart des mecs qui insultent gratuitement
en mp ou sur des lives sont en anonyme, ils viennent déverser leur haine
sans assumer, beaucoup se cachent derrière leur écran. Je pense
que la plupart n'assument pas d'être comme ça, d'être
haineux et à l'extérieur ça se tait.
Alors ça c'est une anecdote hors du jeu mais qui est
mon quotidien, un flic qui me dm avec des photos de lui nu pendant plusieurs
jours alors que je ne le connaissais pas etc. Je lui ai lâché un
« acab » parce qu'à un moment j'en avais juste marre et que
ça ne se fait pas et il m'a menacé de me retrouver sur tous mes
réseaux, de pirater mes comptes bancaires parce que je suis une «
grosse salope ». C'est des menaces mais le problème c'est qu'on va
porter plainte auprès de ses collègues et quoi ? Est-ce qu'ils ne
vont pas le passer aussi sous silence ?
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Complètement et beaucoup trop. Il y a des mecs qui
fantasment sur des filles formées comme Lara Croft, et donc toutes les
meufs qui lui ressemblent dans la rue vont se prendre des réflexions. On
va se faire rabaisser et ridiculiser par des mecs et même par nos propres
mecs, on entend souvent « ouais regarde elle a un plus gros cul que toi,
elle a des plus gros seins, elle est mieux que toi sur tel ou tel sujet ».
Je ne comprends même pas pourquoi les gens nous comparent, c'est pas la
réalité, c'est que de la fiction et tous les jeux sont comme
ça et juste ras le bol.
On ne va quasiment jamais voir une femme en surpoids, la femme
en surpoids n'existe pas. Celle avec des petits seins non plus ou alors elle
aura un fessier démesuré. Parce que l'homme la veut comme
ça.
150 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Ça je ne sais pas, je pense que vu qu'on aime tous
bien avoir une vision du monde un peu idéaliste, où tout est
beau, où on vit sur un arc en ciel. Dans les conventions, il y a
beaucoup de cosplays de ces femmes-là, même nous on les
apprécie malgré leurs formes et leur représentation on
aime quand même bien les personnages. Même les hommes sont un peu
comme ça dans les jeux vidéo et les animés.
Je pense qu'en fonction de ton point de vue personnel tu fais
avec ou tu ne fais pas. Tu sais que les persos sont sexualisés,
ça influe forcément sur notre vie au quotidien. Mais si on aime
les jeux vidéo on y va quand même tout en essayant de militer
contre cela. Mais ça ne doit pas être un frein.
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Oui et non dans le sens où si je vois qu'ils sortent
un jeu où le personnage est très sexualisé et que tout est
basé sur ça je ne vais jamais y jouer de ma vie, c'est trop pour
moi.
Au niveau des skins ça n'a pas trop d'impact. Le
personnage est designé comme ça de base donc un skin ne change
pas forcément grand-chose mais c'est vrai qu'un jeu où on voit
encore plus ses seins et ses fesses dans les skins non ça ne
m'intéresse pas.
C'est bien connu, les seins vendent. Si on sort un jeu sur
Naruto, ça vendra plus si tu mets une femme comme Tsunade avec des gros
seins en couverture plutôt que Sasuke et Naruto parce que c'est moins
attractif. C'est comme pour les affiches de films, ça fonctionne de la
même manière.
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Je pense que dans le secteur actuel quand on est petit, les
cours sur le féminisme, sur le respect entre gamins et sur la femme
c'est quelque chose à faire directement. Le harcèlement on en a
ras le bol, il faut imposer que garçon ou fille on peut s'habiller comme
on veut, on peut jouer
151 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
aux jeux vidéo, on est égaux etc.
On devrait faire des campagnes au sein même des jeux
vidéo, je sais que Apex avec fait des badges sur le Black Lives
Matters etc. On pourrait faire cela avec les femmes, que dans des jeux un
peu masculinisés comme Black Ops il y ait des petites campagnes
notamment à l'occasion de journées comme le 8 mars pour rappeler
que la femme aussi a sa place dans les jeux vidéo.
Max (le responsable de la structure)
J'ai participé à des rassemblements sur des
débats autour de ce sujet-là et la question qui est revenue c'est
: pourquoi est-ce qu'il n'y a jamais assez de femmes aux
évènements ? Mais la personne a répondu : « je ne
vois pas pourquoi il faut des femmes pour un évènement ». On
ne dit pas qu'il ne faut pas intégrer les femmes mais pourquoi
faudrait-il des femmes pour que cela fonctionne, on fait cela avec des gens qui
ont envie de venir. On n'a pas besoin de féminin pour dire que
l'événement fonctionne.
Ce qu'on leur a répondu c'est que : « si vous
n'avez pas assez tourné votre communication pour attirer les femmes et
contextualiser cela pour que ça soit intéressant pour des femmes,
c'est votre souci ». Cela a fini en disant que le numérique n'a
aucun genre, on a des apparences visuelles qui sont données librement au
joueur pour qu'il développe ce qu'il souhaite. Le jeu vidéo c'est
juste choisir une nouvelle aventure chaque fois qu'on se connecte, qu'on
crée soi-même un peu comme un théâtre.
Le sous-entendu était de dire « le
développement de la féminisation, c'est qui les acteurs
principaux, parce que ce n'est pas nous qui faisons le jeu ». C'est
surtout les éditeurs qui au début voyaient surtout beaucoup
d'hommes qui ont fait des jeux pour les hommes.
Là est la problématique, parce qu'au
début c'était des hommes qu'on voyait. Donc il faut montrer que
maintenant on a aussi des jeux pour femmes. C'est le développeur qui a
d'abord intégré l'homme dans le jeu avant de penser à la
féminisation, il faut montrer qu'on peut aussi avoir des jeux de combat,
d'arcade ou autre qui peuvent convenir pour des femmes. C'est le
développeur qui par la société et l'évolution a
d'abord intégré l'homme dans le jeu avant de penser à
l'image de la féminisation dans le jeu, à intégrer un
personnage féminin.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Quand une femme est apparue dans un jeu d'arcade pour la
première fois, aucun homme n'y a joué. C'était aux
États-Unis, pendant l'une des premières compétitions sur
les bornes d'arcade, il y avait des jeux d'arcade féminins et les
machines sont restées neuves pendant des mois parce que personne n'y
jouait.
Si l'éducation autour du jeu n'est pas
maîtrisée, c'est que le développeur ne s'est pas
éveillé au fait que derrière la manette il y a un joueur
et non un genre. Il faut réfléchir à comment
intéresser la personne, qu'elle s'amuse, tout en étant le plus
respectable possible les uns envers les autres. L'humain a
déformé le jeu pour en créer une zone de rencontre alors
que c'est de base un endroit pour se cacher de soi-même parce qu'on est
un peu introverti et que ça peut nous permettre de grandir et de
s'ouvrir. Mais le jeu peut aider à s'ouvrir, à se
développer, à s'éveiller et à comprendre qu'on peut
communiquer d'une autre manière. Le développeur peut ainsi aider
à s'éveiller grâce au jeu et c'est là qu'on voit
vraiment l'apport, on quitte l'image de la féminisation dans le jeu
vidéo, on arrive sur l'utilisation d'un outil pour s'éveiller.
Tu as parlé du harcèlement des femmes mais moi
j'ai eu le souci inverse, des femmes qui s'intègrent parmi les hommes
mais qui du coup venaient prendre le contrôle sur les hommes. Certaines
sont juste là pour créer de l'intéressement sur
elles-mêmes en vendant leur image de la mauvaise manière, en
envoyant des images d'elles en sous-vêtements. C'est des situations
très inconfortables où certains hommes se retrouvent à
porter le chapeau car certaines femmes sont purement malveillantes et vont
jouer sur le fait que les femmes sont les plus harcelées pour se
dédouaner, sur le fait que c'est les hommes qui harcèlent le plus
souvent.
Trop de gens aujourd'hui jouent sur l'anonymat en
créant une identité différente, en agissant
différemment, en se permettant des comportements qu'ils ne se seraient
jamais permis sans cet anonymat. La malveillance est tellement partout qu'on se
demande si on est vraiment en sécurité là où on
est. L'anonymat nous fait nous demander « est ce que je suis moi ou est-ce
que je suis la personne que je me suis créé derrière mon
écran et comment est-ce que j'agis à la suite de cela ».
152 / 291
Annexe 6 - Retranscription entretien Hugo Blaix
(Reworld Media)
153 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Hugo Blaix, j'ai 25 ans, j'ai fait des
études en systèmes et réseaux en informatique. Mais j'ai
fait ces études que pour l'emploi donc ça ne m'intéressait
pas vraiment.
Je me suis orienté vers une école de jeu
vidéo, j'ai tenté même si c'était un pari
risqué, ils semblaient avoir de bonnes références et
être capables de m'apporter quelque chose. J'ai fait mon master de
communication digitale dans l'univers des jeux au gaming campus à Lyon,
c'était vraiment sympa. A la suite de ça j'ai pu réaliser
un mémoire et trouver un stage chez Millenium, qui est une
société journalistique où on parle principalement de
l'esport et des jeux vidéo. J'étais CM chez eux donc je relayais
tous les articles que faisaient les rédacteurs au sein de la
société et je faisais aussi de la veille interne et externe sur
un peu tous les sujets. Je me souviens notamment d'avoir été
particulièrement sur un sujet qui portait sur l'équipe de Cloud9
Blue qui est une équipe 100% féminine qui arrivait sur
Valorant.
J'ai réalisé un mémoire sur Twitch
confronté au féminisme. J'avais commencé par Twitch contre
le féminisme parce que je voulais aborder un point de vue juridique
vis-à-vis d'un mouvement nouveau qui n'arrivait pas à se faire
une bonne place sur un réseau principalement dominé par des
hommes. Et j'ai voulu traiter cela correctement, c'est pour cela que j'ai
changé mon sujet pour traiter Twitch confronté au
féminisme. L'idée était de voir tout ce que le
féminisme apportait de positif sur la plateforme mais aussi tous ces
dérivés et comment ils étaient perçus. Il faut
savoir que je voulais faire quelque chose de totalement différent, je
voulais le faire dans le droit et étudier les pratiques qu'il y a sur
les réseaux sociaux que principalement les femmes utilisent et comment
elles sont perçues dans la société et c'est mon tuteur qui
m'a orienté vers ce sujet-là en me disant on pourrait parler du
« hot tub » qui est une mode des femmes dans leur piscine sur Twitch.
J'ai pris le risque et tout donné dans mon mémoire parce que je
pensais que ça ne serait pas accepté. C'était vraiment un
sujet délicat mais j'ai pu l'aborder donc je suis vraiment content de
moi.
À la suite de ça j'ai fait mon stage de fin
d'études et j'ai trouvé un emploi chez Reworld Media, dans leur
branche gaming qui venait de racheter Melty et La Crème du Gaming.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Et qu'en est-il des hot tub sur
Twitch ?
C'est toujours des questions subtiles. À l'époque
oui ça l'était, il y a des preuves, il y a des
faits
154 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
mais aujourd'hui je trouve qu'on est sur une tendance
où ça l'est de moins en moins. C'est dans cet objectif-là,
le fait que le jeu vidéo ne soit pas que pour les hommes que ça
va moins sexualiser les femmes. On est dans une transition où ça
le devient de moins et où on avance vers quelque chose de mieux avec
peut-être un jour une parité entre les deux.
Pour bien répondre à la question sur les «
hot tubs », il faut savoir que Twitch est surtout dominé par une
communauté masculine. Ce qu'il y a eu à l'époque, le fait
que les jeux vidéo étaient considérés à la
base pour des hommes, cette image qui a été ancrée pendant
des années, a forcément déteint sur Twitch et
engendré cette communauté majoritairement masculine. De plus en
plus de femmes se mettent à streamer, à regarder, j'espère
atteindre une parité et que ça s'aplanisse mais pas de suite.
Par conséquent, quand on regarde un stream de la gente
féminine sur Twitch, on peut s'attendre à avoir un maximum
d'hommes qui la regarde. C'est pour ça qu'on a des catégories
comme l'ASRM où on lèche son micro en prenant des poses
particulièrement explicites, ou les hot tubs qui consistent à
être en maillot de bain dans une piscine chez soi derrière sa
caméra. C'est accepté d'un point de vue juridique parce qu'une
femme est dans un réceptacle d'eau, elle est en droit de dire qu'elle
est dans une situation actuelle qui peut accepter le maillot de bain.
Juridiquement elles ont le droit de faire du hot tub et c'est pour ça
que cette catégorie est acceptée.
Ce que cela engendre derrière, c'est plusieurs visions.
Il y va y avoir des femmes qui vont dire qu'elles ont raison, puisque des
hommes sont prêts à payer pour cela qu'elles le fassent. Cela va
montrer que les hommes ne sont attirés que par ça et qu'ils
paient pour cela donc c'est bien ce qu'elles font. Un autre camp va être
beaucoup plus neutre et qui va dire qu'elles font ce qu'elles veulent tant
qu'elles sont consentantes et qu'elles assument. Et un dernier camp qui va
considérer que c'est horrible et qu'elles dénaturent le mouvement
de la femme en donnant une image que la femme est prête à tout
pour gagner de l'argent quitte à utiliser des procédés qui
peuvent être un peu obscènes.
J'ai déjà rencontré des femmes pensant de
ces manières-là et chacune a de bons arguments mais en même
temps une externalité négative qui n'apporte aucune chose
positive pour le mouvement. Cela n'aide pas le féminisme parce que vu
que chacun a sa propre manière de penser, on a jamais un résultat
qui va plaire à tout le monde. On a des gens qui veulent que le
155 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
contenu ASMR ou hot tub soit totalement retiré.
D'autres femmes qui sont assez modérées et neutres, qui proposent
de juste bannir les personnes qui dérapent, qui vont décider de
vraiment montrer leurs parties intimes et celles qui veulent que ce soit
beaucoup plus vu pour montrer à quel point c'est ridicule. C'est
toujours dans le but de faire quelque chose de bien mais c'est un conflit au
sein d'un combat qui devrait être mené ensemble.
Dans tout ce débat, il y a des intervenants qui peuvent
agir comme cela sans pour autant créer ces disparités entre ces
manières de penser. Je pense surtout à Twitch parce que c'est
difficile de définir qui est vraiment coupable, est-ce-que c'est Twitch
qui est trop laxiste sur le sujet, est ce que c'est les femmes qui
décident d'utiliser leur corps pour gagner de l'argent ou le chat qui
regarde et qui alimente le contenu ou est-ce que c'est l'État avec ses
lois ?
Chaque partie pourrait agir d'une certaine manière mais
elles n'auront pas le même impact. Si Twitch fait une nouvelle
règle sur le sujet, ça aura un impact très fort alors que
la communauté pourrait juste choisir d'arrêter de regarder ou
alors boycotter, faire des pétitions mais c'est beaucoup plus
léger. Les intervenants vraiment au coeur du sujet pourraient trouver
une solution pour que cela change sans que les communautés se divisent
entre elles.
Pour moi le féminisme c'est l'égalité
entre les deux sexes. C'est vouloir que la femme soit au même niveau que
l'homme. Tout le monde a un peu sa propre définition pour moi c'est
vraiment ça.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Non en soi. Pour ma part je ne pense pas que l'esport soit un
marché sexualisant mais je n'ai pas travaillé au coeur de ce
milieu donc peut-être qu'il l'est, que je ne m'en rends pas compte et
donc que je me voile la face. De mon point de vue je ne pense pas. Vu que le
jeu vidéo a été dirigé pour les hommes pendant de
nombreuses années, il y a ce fait qu'il y a beaucoup plus d'hommes que
de femmes. Je parle bien pour les jeux à catégorie esport donc
dans le monde compétitif parce qu'au niveau des jeux casuals on a
beaucoup plus de parité.
Dans l'esport ce qui est vraiment intéressant c'est la
compétition et pour qu'il y ait une compétition
intéressante il y a des sponsors, l'argent qui va être
engendré. C'est ça qui va permettre à l'esport de vivre et
de se développer.
156 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Le fait qu'on y voit très peu de femmes, je pense que
c'est une histoire de niveau. Vu qu'il y a beaucoup plus d'hommes il y a
beaucoup plus de probabilités de trouver un joueur masculin à un
excellent niveau alors que les joueuses féminines qui ont
commencé un peu tard à s'améliorer et se développer
c'est du coup beaucoup plus dur de les repérer parce qu'elles sont
beaucoup moins nombreuses. Donc on va beaucoup moins leur laisser une chance
sur les circuits compétitifs.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les
hommes et les femmes ?
En terme de travail, on est sur une totale disparité et
en terme de joueurs oui il y a des discriminations à tout va. Il y a
toujours plus de joueurs que de joueuses pour beaucoup de jeux populaires. Non
ce n'est pas égalitaire, on cherche à ce que ça le soit et
ça va sûrement le devenir plus tard, mais ça ne sert
à rien de se mentir en se disant que ça l'est. Le nombre de
dossier que je vois où les gens tiennent des propos sexistes ou alors
que dire à un joueur « qu'il est une fille » est une
insulte.
Au niveau des discriminations le fait que les hommes soient
une majorité sur les jeux vidéo ils pensent que ça leur
donne le droit de juger une minorité selon des dires qui sont
justifiés ou pas du tout.
Et le fait qu'on soit sur une plateforme où l'anonymat
est maître, les gens se permettent de dire des propos qui sont
réellement blessants et c'est ce qui se remarque le plus. On voit
beaucoup de personnes qui subissent du harcèlement à tout va et
on peut le voir, par exemple moi qui ai étudié beaucoup les
streameuses, on assiste à des choses qui ne devraient même pas
exister. On en est à vouloir que ces personnes meurent ou autre. Je sais
que beaucoup de streameuses ne seront jamais vues de manière
égalitaire par rapport à un homme et c'est ça le
problème. Si elles veulent faire du divertissement c'est très
compliqué parce que soit on fait du divertissement soit on est
très bon à un jeu.
Si la streameuse est excellente dans un jeu, elle va
être acceptée comme un joueur de la même manière que
les hommes. Mais si elle fait juste du divertissement, elle va subir un
harcèlement constant parce qu'elle est une personne vénale qui
utilise le fait qu'elle est une femme pour séduire. Et c'est toujours
propre au sexe. Ce n'est pas qu'elle est pas drôle ou que son contenu est
mauvais, c'est juste que c'est une femme, qu'elle se soit un peu trop
penchée à un moment
157 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
etc.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Il y a beaucoup d'associations qui se mettent en place pour
mettre en avant la femme dans le jeu vidéo, dans l'esport et dans la
compétition mais je ne suis pas forcément d'accord avec ce qui se
fait dans ces associations féminines.
On essaie de pousser un concept qui n'est pas encore
prêt. Si on veut mettre en avant un tournoi et qu'il soit vu, il faut
qu'il y ait de l'argent en jeu, que ça crée de l'argent. Mais
pour cela, il faut qu'il y ait un niveau de jeu minimum et quelque chose
d'intéressant à regarder pour que les sponsors aient envie
d'investir. Le problème c'est que ce ne sont quasiment que les
compétitions masculines qui rapportent ce gain économique et les
compétitions 100% féminines n'apportent pas cela. Alors soit
parce que les gens pensent qu'il y a un niveau trop bas et que ce n'est donc
pas intéressant à regarder mais du coup les sponsors sont
réticents à investir dans ce genre de compétitions. Et
comme ça ne rapporte pas assez, il n'y a pas assez de communication ou
de visibilité donc ces compétitions passent un peu à la
trappe.
Je pense qu'il ne faut vraiment pas presser ce concept des
femmes qui arrivent dans l'esport, c'est quelque chose de très bien mais
il faut prendre son temps. On peut prendre le cas de Nagori qui a joué
en Ligue 1 sur Overwatch et qui est arrivée au même
niveau que les hommes et qui a prouvé à de nombreuses reprises
qu'elle avait le niveau, le même niveau.
Elle n'est pas arrivée là parce que c'est une
femme, elle est là parce qu'elle est douée et c'est surement
ça le plus beau dans l'esport. On n'a pas regardé son sexe, on a
juste regardé son talent. C'est des équipes masculines qui lui
ont donné sa chance. Mais forcément elle a été
accusée de triche. Elle a proposé de prouver que ce
n'était pas le cas en leur disant que si elle montrait qu'ils avaient
tort ils m'auraient plus le droit de participer à des
compétitions. Et en effet elle leur a montré qu'ils avaient tort.
Je trouve que c'est vraiment comme ça que devrait évoluer
l'esport féminin.
Les compétitions 100% féminines, ça peut
être intéressant mais les sponsors ne vont pas forcément
investir dans cette compétition. Le fait que la Corée n'ait pas
de joueuses féminines sur League of Legends à haut
niveau c'est parce qu'il n'y en a pas : on a vu la première femme
158 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
atteindre le top 500 du pays seulement l'année
passée, cela a pris 12 ans pour qu'on voit une femme à haut
niveau. Donc le fait que la Corée n'ait pas de joueuses féminines
c'est parce qu'il n'y avait pas assez de joueuses qui avaient le niveau pour
jouer en Ligue 1. J'espère vraiment que pour celles qui arrivent
à un haut niveau elles pourront signer un contrat, se faire
repérer etc. Il n'y a pas ce concept où on peut se dire qu'un
homme est physiquement plus fort qu'une femme. Là c'est tout le monde
qui est au même niveau. Maintenant qu'il y a beaucoup plus
d'équipes d'esport féminin, je pense que beaucoup vont se
démarquer dans ces compétitions.
Je sais que beaucoup de féministes sont contre ces
compétitions-là et aimeraient que les femmes fassent partie des
compétitions où il n'y a à l'heure actuelle que des
hommes. On a le cas de Remilia qui est une joueuse transsexuelle quia avait
été la première femme à jouer en LCS. Mais les gens
sont devenus trop haineux sur ses lives, elle n'a plus mis sa caméra en
ligne, puis elle a arrêté de parler et finalement elle s'est
retirée complètement de la scène esport pour finalement se
suicider. Et j'en veux beaucoup à la structure et la communauté
d'avoir vu la personne comme ça alors que la personne était
incroyable. C'était juste un progrès et une innovation naturelle,
qui a été très mal reçue par la communauté,
certains ont vu ça comme une atteinte à leur jeu. Elle
était un exemple comme quoi les femmes pouvaient jouer au même
niveau que les hommes.
Sûrement que les personnes les plus bêtes ont pu
se dire que c'était un homme avant donc que c'est pour ça qu'elle
était forte maintenant qu'elle est devenue une femme. Mais pour moi il
faut juste voir que c'était une personne qui a montré qu'elle
avait le niveau pour jouer. Oui ce n'était peut-être pas une fille
à la base, mais le fait d'être trans est reconnu donc
c'était surtout la première personne transsexuelle à
atteindre ce niveau-là.
Je pense que ces compétitions sont intéressantes
parce que c'est grâce à ces compétitions 100%
féminines que les femmes pourront surement se faire remarquer.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Il suffit d'aller sur le live d'une femme et il suffit de deux
secondes pour trouver une phrase sexiste avec des gens qui se cachent
derrière l'humour pour justifier leur commentaire alors que non ce n'est
pas drôle.
159 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il y aurait tellement d'exemples à donner et c'est
malheureux mais par exemple il y a eu le cas de « Cruelladk ». Il y a
un concept d'esport sur WoW où quand un nouveau concept sort, il y a un
raid sur plusieurs semaines et la première guilde qui arrive à
tomber le dernier boss est considérée comme la numéro une
du jeu et quand on réussit cela on parle de « World First ».
C'est une joueuse qui participe et qui joue dans une guilde du top 5 monde, le
fait que quand elle stream et que ce soit une femme, certaines personnes ont
écrit dans le chat qu'ils auraient aimé qu'elle soit leur «
World First ». Les gens se reposent sur le fait que c'est une blague, que
c'est un beau jeu de mot, que c'est de l'humour. Et c'est forcément
quelque chose qui va être très mal vu parce que ça vient
d'une personne qu'on ne connaît pas. On est sur un trait sexuel qui est
clair, sur une attirance sexuelle et sur la blague repose dessus mais où
les gens se cachent derrière mais en fait ça peut être
très mal interprété. Et elle était tellement
choquée que quelqu'un lui dise ça qu'elle l'a posté sur
Twitter pour montrer son quotidien. Et c'est quelque chose qui arrive vraiment
à longueur de temps, les gens peuvent penser que c'est une
banalité mais c'est bel et bien du harcèlement.
Un autre exemple c'est autour de Kameto qui avait une
émission « Radio Sexe » sur Twitch. Et une phrase sur deux,
une néo-féministe aurait pu leur tomber dessus tellement leurs
propos n'étaient pas corrects, c'était un véritable
dénigrement de la femme, avec des termes pas corrects du tout.
Je pense que globalement si on va sur le compte Twitter de
n'importe qu'elle femme ou streameuses on trouve des exemples de posts de
harcèlement. Un homme peut subir du harcèlement mais moins sur
son physique qu'une femme. Un homme va être jugé sur autre chose,
sur son contenu, sur ce qu'il a dit ou fait.
Par ailleurs, un homme aura plus de difficultés
à commencer sur Twitch par rapport à une femme parce qu'une femme
aura beaucoup plus de monde pour la regarder. Mais ce n'est pas quelque chose
de positif parce que la communauté vient regarder parce que c'est une
femme et ce n'est pas du tout une communauté fidélisée. Du
coup même si le début est plus rapide en termes de spectateurs ou
d'abonnés on se retrouve au même stade très rapidement
puisque ça s'équilibre. Streamer en tant que femme ce n'est pas
plus facile. À terme, les meilleurs streams (les plus regardés),
c'est des hommes.
160 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Un dernier cas de harcèlement c'est la ZLAN avec
Inoxtag et Ultia. Il avait tenu des propos très sexistes à propos
d'une femme étrangère venue pour l'évènement et
Ultia a demandé à Zerator de le ban des streams, de le punir pour
ce qu'il avait pu dire. Pareil pour Jeel qui avait dit quelque chose et
ça avait été détourné sur les réseaux
et ça la faisait passer pour une sexiste. Et ces deux streameuses avait
pris cher par la communauté qui soutenait le concept de ces hommes
meilleurs que les femmes.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Oui, à l'époque ça l'était puisque
c'était un milieu réservé aux hommes parce qu'il fallait
proposer ce contenu attrayant visuellement pour la communauté masculine.
Donc forcément ça n'a pas dû aider la cause de la femme
dans le jeu vidéo. Aujourd'hui, ça a commencé un peu
à évoluer, il y a des différences et ça a vraiment
changé. Si on prend le cas de Lost Ark, Amazon a dit qu'ils
réfléchissent à faire 2 sexes pour chaque classe ce qui
montre que le gender lock est vraiment propre à la Corée.
Je ne connais pas la culture, je ne sais pas comment les gens
pensent, comment réfléchissent les développeurs mais je
crois qu'en Corée c'est normal de voir cela. Je ne sais pas si chez eux
c'est quelque chose de sexiste mais chez nous oui. Mais le fait que Amazon
veuille changer les choses comme ça c'est un signe de changement vers
une égalité pour l'homme et la femme.
Je fais partie de la catégorie des joueurs qui pensent
que c'est un jeu vidéo et qu'il ne faut pas oublier que c'est un univers
fictif. Je peux comprendre que certaines personnes le sortent du contexte pour
l'utiliser comme un argument, mais il ne faut pas oublier que c'est quelque
chose de fictif. C'est au développeur de choisir si c'est un univers
fictif ou un peu réaliste. C'est aux gens à la suite de juger si
c'est correct ou non et de demander à ce que les choses changent si
c'est trop choquant.
Il y a le cas de WoW. Il y a quelques mois il y a eu une mise
à jour qui a supprimé 3 bulles de dialogue que certains PNJ
disaient avec des propos un peu trop sexistes. Alors on peut se dire que
l'idée est cool mais je pense que ça n'apporte rien en
réalité et que ça va limite apporter plus de haine. On va
peut-être plus se dire c'est bon c'est un jeu laissez-nous tranquille. Je
comprends que les femmes n'aiment pas être autant sexualisée dans
certains jeux mais encore
161 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
une fois c'est un sujet ou je me dis qu'il ne veut pas trop
brusquer les choses, on est dans une période de transition et peut
être qu'un jour ça va changer et disparaître. On peut
prendre l'exemple du cinéma où avant il y avait peu de personnes
noires et maintenant ça ne pose plus de problèmes. Et maintenant
c'est en transition avec les gays ou les trans. C'est quelque chose qui n'est
pas toujours bien accepté mais c'est amené petit à petit
pour que ça change au fur et à mesure. Et c'est un peu la
même chose dans le jeux vidéo, la vision change et va vers une
égalité au fur et à mesure du temps.
La communauté masculine est stupide. On a besoin d'un
changement au fur et à mesure et non drastique parce que c'est plus
acceptable. Il faut être réaliste, on est dans un monde qui n'est
pas prêt à accepter un changement radical du jour au lendemain. Le
faire petit à petit est la bonne manière.
C'est la même chose que les droits des femmes, la lutte
qui a mis tout ce temps-là à se faire, ça a pris beaucoup
de temps avec des rébellions pour arriver à quelque chose. Et
ça a marché alors est ce qu'on ne devrait pas essayer de
reproduire ce que l'histoire nous a prouvé ?
Les seules fois où je me dis que oui, il faut un
changement maintenant et de manière immédiate c'est quand je me
mets à la place des femmes et où je me dis que c'est
déprimant. Il va peut-être falloir attendre 30 ans pour voir une
vraie évolution. C'est pour cela qu'il faut que des personnes agissent
pour la cause mais j'ai peur que quelqu'un se révolte de manière
trop importante et crée une sorte de guerre entre les sexes alors qu'on
aurait pu l'éviter
8- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Je pense que c'est utilisé oui, volontaire oui 100%, je
ne peux pas croire que ça le soit pas. Je pense que notre monde est
assez moche pour que ça se passe comme ça. Je n'ai pas d'exemple
récent en tête mais c'est plus vendeur auprès d'une
communauté masculine « en chien ». Je pense que certaines
entreprises utilisent bien ce genre de concept.
Après je n'en vois pas des tonnes dans le jeu
vidéo. J'ai en tête que les deux journalistes qui interrogent des
joueurs sur la scène esport de la LEC c'est deux femmes. Est-ce que
c'est parce qu'elles sont douées ? Est-ce que c'est parce que ce sont
les meilleures ? Ou alors est ce qu'elles
162 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
sont là pour montrer un beau visage à la
communauté ? Pour montrer qu'il y a des femmes dans l'esport ? Oui je
pense que le corps de la femme et les femmes en général sont
encore utilisés.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
La communauté en elle-même honnêtement je
ne pense pas. Outre dire les choses bateaux comme arrêter de regarder ces
femmes qui dénigrent le mouvement féministe, ou alors que si vous
voulez du porno n'allez pas sur Twitch mais allez directement sur un site qui
est fait pour. Je pense que c'est vraiment les personnes qui sont en haut qui
ont le pouvoir et qui peuvent changer les choses.
10- Un mot de la fin ?
Le féminisme c'est l'égalité entre les
hommes et les femmes, ce n'est pas l'un au-dessus de l'autre. C'est tout. J'ai
eu beaucoup de discussions sur le sujet notamment sur mon post sur Cloud9 Blue
où j'ai été accusé de discrimination positive.
J'avais dit que ça faisait plaisir de voir une équipe
féminine dans ce circuit et apparemment ce n'était pas bon de
dire ce genre de choses. Et je trouve ça horrible que ce genre d'actions
qui se voulait une très bonne chose soit pointée du doigt. Les
accusations peuvent aller très vite et dans le mauvais sens.
Les deux autres fois on m'a mis dans un débat sur le
fait de savoir si une fille en maillot de bain sur Twitch cela va rendre le
maillot de bain très sexuel ou non et sur ce que ça va engendrer
par la suite. Du coup on va voir une femme en maillot de bain comme quelque
chose de sexuel alors qu'il faut distinguer ce qu'il se passe sur Twitch et sur
une plage. Donc beaucoup se retrouvent à avoir le sentiment qu'on a
vraiment sexualisé un objet et au final on se retrouve à avoir
une vision très négative sur un simple maillot de bain de la part
des hommes.
Et le 3e point intéressant que j'ai pu
évoquer avec une féministe, c'est qu'elle ne voulait plus
l'égalité homme femme mais elle veut que la femme soit au-dessus
de l'homme. Parce que même si physiquement on est en dessous,
intellectuellement on est au-dessus donc sur les jeux vidéo on sera
au-dessus aussi. Et pour moi c'est dénaturer le féminisme
totalement. Elle voulait prouver que les femmes avaient le niveau pour jouer
contre des hommes mais ça en devenait une mauvaise action.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Annexe 7 - Retranscription entretien JC Daull
(Vidéaste)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle JC, j'ai 25 ans, je suis vidéaste, donc
je produis mon propre contenu vidéo et des vidéos pour mes
clients. Les jeux, c'est un peu mon échappatoire d'un monde qui est
quand même un peu rude, pour me changer les idées. Soit je joue
seul pour me détendre, soit quand je joue avec mes potes et là je
tryhard. Mais ça ce n'est pas quelque chose que j'apprécie, je
joue pour me détendre et pas pour faire augmenter mon nombre de gramme
de sel par litre de sang. Quand c'est trop compétitif j'arrête
parce que je suis mauvais perdant. Pour me détendre ça va
être du Dark Souls, les Rogue Lite où on doit
jouer pour débloquer des nouvelles choses, les RPG. Dragon
Quest c'est ma saga phare, j'aime beaucoup tous les jeux de Bethesda
aussi. Je suis aussi un peu casu sur le côté en jouant à
Mario ou Zelda.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je pense que ça dépend en fonction du public, de
ce qu'on veut faire avec son jeu. Par exemple dans Dark Souls, je
trouve qu'il n'y a rien de sexualisant parce qu'on peut jouer un homme ou une
femme et de toute façon quand on meurt, on finit en mort vivant donc
quoi qu'il arrive on ressemble plus à rien, on finit au même
endroit. De plus même au niveau des armures on voit à peine le
personnage c'est juste une grosse armure donc sexualisant non pas du tout.
Mais effectivement si on prend Dead or Alive c'est
clairement un jeu conçu pour le vendre à des hommes
gonflés aux hormones qui ont un manque d'affection. Les femmes dedans
doivent toutes avoir 18 ans vu comment le graphisme est fait, faire 45 kg avec
bonnet G ce qui n'existe absolument pas dans la vraie vie. C'est hyper
sexualisant et c'est même dégradant parce que le type de corps qui
est montré dans ce jeu vidéo ce n'est pas du tout la
réalité.
Overwatch il y avait un petit scandale autour de
leurs personnages très plastiques qui ont une taille extrêmement
fine, et même si elles n'ont pas des seins démesurés on
sent vraiment qu'on joue un personnage ultra féminisé et sexy. On
ne veut pas de femmes viriles, on veut des femmes qui ne soient pas
forcément réalistes.
163 / 291
Le meilleur exemple dans les jeux, c'est l'armure
démoniaque [dans WoW] : pour une femme
164 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
c'est un bikini qui ne couvre rien et qui pour autant va
être une armure suprême et te donner une résistance à
tous les dégâts du monde même si seulement deux parties du
corps sont couvertes, et pour un homme c'est une grosse armure imposante qui
couvre tout, qui est rutilante, avec des piquants sur les épaules.
Mais je n'ai pas l'impression que ça soit encore
beaucoup d'actualité. En revanche, je ne joue pas à beaucoup de
MMO donc je ne sais pas si c'est encore le cas pour les armures des hommes et
des femmes.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Non je ne pense pas mais pour moi l'esport c'est pas
représentatif. Je ne suis pas l'esport mais de tout ce que j'ai pu voir,
c'est des équipes avec que des mecs, il n'y a que des hommes dans ce
domaine. J'ai entendu parler une seule fois d'une équipe de femmes mais
je n'en ai plus jamais entendu parler après donc je ne pense pas
qu'elles soient allées très loin dans l'esport ou alors pas sur
des scènes internationales.
Pour moi l'esport, c'est un truc d'hommes au niveau de la
pratique. Il n'y a que cela je ne sais pas pourquoi. Je sais qu'il y a autant
d'hommes que de femmes qui jouent. Mais les profils de joueurs sont
différents dans le sens où il y a plus de casu chez les femmes,
je pense qu'il y a moins de filles qui vont tryhard pendant des heures pour
monter sur Grand Master ou Master sur League of Legends. Elles sont
plus là pour jouer avec du monde, pour participer à une
activité avec leur groupe d'amis. Je connais beaucoup de filles qui
jouent à LoL mais aucune qui est passée Platine en solo sur LoL.
Soit elles se sont faites PL par leurs potes soit elles s'en foutent soit elles
ne jouent même pas en ranked.
Elles sont un peu moins nombreuses à vouloir
être compétitives donc moins tournées vers l'esport. Et vu
que dans l'esport il doit y avoir 1 femme pour 10 hommes c'est donc plus
difficile pour une femme de rivaliser, de se mettre au niveau d'un mec qui joue
depuis le début avec des réflexes impressionnants.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Oui, dans la mesure où il y a autant d'hommes que de
femmes qui jouent et je pense que les hommes en ont de plus en plus
conscience.
165 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Ça se remarque dans certains comportements. Le profil
de gamer féminin est selon moi plus casu par exemple je connais des
filles qui jouent à LoL mais je n'en connais aucune qui joue à
Dark Souls. On en voit moins sur des RPG, sur des jeux complexes,
punitifs, frustrants. Il y a pleins de jeux qui se casualisent pour être
attrayants auprès de ce marché de femmes casu qui sont
très nombreuses soit ils offrent le choix avec des sauvegardes, des
nouvelles options, un mode de jeu casu plus simple etc. J'ai l'impression qu'il
y a de plus en plus d'options pour plus en plus de profils.
On est encore sur le début mais on est sur la bonne
voie. Alors on est pas encore à Dark Souls qui propose un mode
facile et j'espère qu'ils ne le feront jamais mais le profil de femme
qui joue est de plus en plus pris en compte et notamment le profil de femme qui
joue un peu casu. Il y a donc beaucoup plus de possibilités pour les
profils casu, de bonnes représentations en matière de jeux
vidéo.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Je ne connais pas du tout ces associations mais pour moi qui
aime beaucoup les jeux vidéo, plus il y a de monde qui joue aux jeux
vidéo mieux c'est. Peu importe qu'on ait une fille de 18 ans qui est au
lycée ou un vieux de 50 ans qui reste chez lui toute la journée,
peu importe qui joue tant que la personne est sympa, elle a un minimum de skill
et elle ne nous tire pas vers le bas moi je m'en fous.
Les ligues féminines, je trouve que c'est une bonne
idée parce qu'on a bien des équipes de foot féminines.
Après dans le sport, c'est beaucoup dû au physique donc avec le
mixte il y aurait du déséquilibre parce que les hommes ont plus
de facilités à fournir un effort musculaire. Je ne sais pas pour
l'esport mais peut être que là aussi il y aurait une
différence, peut être qu'une femme pourrait mieux gérer,
aurait de meilleurs réflexes et que ça viendrait créer des
équilibres
Peut-être que des ligues féminines pourraient
être la solution pour être sûrs de ne pas avoir
d'inégalités entre les deux sexes. Après si on est
sûr que sur le papier il n'y a pas d'inégalités, alors
pourquoi pas faire du mixte.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
166 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je pense que oui parce que comme j'ai déjà dit
je pense que les filles sont un peu plus détachées. Dans le sens
où les hommes vont plus facilement avoir ce profil de tryharder, de
farmer alors que les filles vont jouer par plaisir, pour se détendre.
Je pense qu'un homme tombe plus dans le piège de farmer
pendant des heures pour un titre, un item rare, un succès, un haut-fait.
Et cela veut aussi dire passer par une phase moins confortable dans le jeu. Je
ne vois pas les femmes s'infliger cela pendant des heures donc elles n'ont pas
le même rapport au jeu. C'est pour cela qu'il y a plus de casu parmi les
femmes. Cela a moins d'importance de ne pas avoir telle chose, tel objet, cela
ne veut rien dire, elles sont moins dans la compétition. Elles jouent
parce que le jeu leur plaît, que leur copain est dessus, qu'elles peuvent
créer du lien social et ça leur suffit.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
À une époque, quand je jouais en ranked sur
Overwatch, je jouais avec des mecs qui étaient au lycée
avec moi et qui étaient plutôt toxiques. S'ils se faisaient tuer,
ils écrivaient des trucs hyper salés dans le chat et ils ne se
remettaient jamais en question. Dans leur tête, il n'y avait pas
meilleurs qu'eux, s'ils perdent c'est juste que les autres ont cheat ou alors
que quelqu'un a full troll et que c'est de sa faute.
On était 4 dans ce groupe et donc quand il fallait
faire une équipe de six personnes pour jouer c'était
systématiquement la faute des deux derniers arrivants si quelque chose
se passait mal ou alors c'était la mienne parce que je n'étais
pas très bon.
Quand on avait une femme dans l'équipe qui avait
l'audace de venir en vocal c'était du « go back to the
kitchen » h24 qui fusaient directement. Personnellement je me sentais
trop mal pour elle mais je n'osais rien dire parce que sinon je prenais un
« go back to the kitchen » aussi. C'était des mecs
ultra salés donc ça me faisait stresser de jouer avec eux, je ne
trouvais pas ça correct vis-à-vis de la femme parce que
même si elle était mauvaise, les gars aussi sont parfois mauvais
et pour autant on est pas autant toxiques avec eux. Et puis surtout je ne vois
pas en quoi lui lâcher un « go back to the kitchen »
ça va changer quoi que ce soit où arranger les choses. On va
surtout lui faire passer une mauvaise expérience de jeu, les gens qui
voient ça parce que tu écris en chat all tu leur pourris aussi
leur expérience de jeu, tu les expose à ta
167 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
toxicité alors qu'ils ne sont pas là pour
ça.
J'ai fini par arrêter de jouer en ranked parce que mes
potes étaient de gros harceleurs sur les jeux et il y avait toujours une
bonne raison de trash talk ou de harceler une personne. C'est pour ça
que je suis passé surtout sur des jeux solos et je joue tranquille,
perso ne m'embête, il y a pas de vocal, pas de multi.
J'ai une autre anecdote qui moi me fait rire, mais je pense
que c'est parce que je suis un homme. Pour une femme, elle le verra vraiment
différemment. Moi j'ai un pseudo débile sur les jeux qui est un
jeu de mots avec le Happy Meal de McDo c'est Happy Milf. Et j'ai souvent eu des
sollicitations un peu bizarres de mecs qui me disent « passe sur Discord,
envoie des photos » tout ça parce que j'avais Milf dans mn pseudo
et que les mecs partaient du coup du principe que j'étais une meuf.
Alors que non, j'étais juste un gros sac barbu derrière mon PC en
train de rigoler en lisant ces messages et j'aimais bien les troller en disant
« ça marche j'arrive je finis ma partie », en leur faisant
miroiter quelqu'un de super canon pour leur envoyant quelque chose
trouvé sur internet.
Je pense que tu as un profil de fille sur les jeux
vidéo, ça doit être pénible vu le nombre de demandes
que tu dois voir arriver. Vu les demandes que j'avais alors que j'avais juste
un pseudo qui était un jeu de mot, avec un pseudo typiquement
féminin ou juste une photo de profil ça doit pas être
très confortable.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Je pense que le harcèlement vient plus du fait que les
gens sont des abrutis. On voit le profil type du gars qui va siffler une femme
dans la rue, la siffler, lui faire des avances déplacées voir
complètement obscènes etc. Mais ce n'est pas le genre qu'on
retrouve sur des jeux vidéo c'est plus des mecs qu'on retrouve dans un
vieux squat où les femmes sont une denrée rare.
Il y a clairement des moments dans les jeux où les
femmes sont représentées négativement mais il y a beaucoup
d'efforts qui sont fait notamment dans le dernier Tomb Raider ils ont
fait des proportions plus réalistes, on a plus trop le côté
plastique irréelle.
168 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Les gamers sont un peu habitués à être
entourés de femmes dans leurs échanges et je ne pense pas que la
représentation des femmes dans le jeu va beaucoup jouer sur le
harcèlement. Ce qui va jouer à dévaloriser la
représentation des femmes et qui peut engendrer ce comportement
d'harceleur chez certains mecs c'est le manque de présence
féminine dans certains milieux donc dès qu'on en voit une, les
hommes ne savent plus se tenir. Cela n'excuse pas le comportement mais selon
moi ça l'explique.
Là où il y a du travail à faire, c'est
dans le porno. C'est souvent des hommes qui consomment beaucoup ce genre de
contenu et dans ce domaine on a une vision de la femme qui est néfaste,
négative et dépassée, là-bas on ne leur apprend pas
à être respectueux ou bienveillant.
Peut-être que des jeux vidéo y contribuent mais
dans ce monde-là ça avance dans le bon sens. Mais c'est
conscientisé, les gens le savent et suivent le mouvement. Je ne pense
pas que la représentation dans les jeux vidéo ait un impact
majeur sur comment les femmes sont traitées et perçues de
manière générale.
Quand on expose quelqu'un à quelque chose, on finit par
s'en imprégner comme c'est le cas avec l'image des femmes
sexualisées. Mais du coup on pourrait l'utiliser au profit des femmes.
On pourrait exposer tous les jours des hommes à des jeux montrant une
image de la femme très positive pour que cela aide la cause des femmes.
Il faut avant tout être vigilant à la manière dont on
représente les femmes dans les jeux en étant réaliste sans
trop tomber dans la fantaisie.
9- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Oui je pense qu'ils ne se gênent absolument pas. Quand
je joue sur un jeu téléphone, les pubs montrent des femmes
à moitié à poil, des plastiques qui n'existent pas, des
jeux où on doit charmer des femmes, d'autres où une femme essaie
à tout prix de se faire remarquer par un homme.
Ça nous incite à télécharger un
jeu ou on a juste le sentiment de choper une femme sur le jeu, faire une action
en ligne au lieu de le faire en vrai. Dans presque tous les jeux, il y a
toujours
L'image de la femme dans les jeux vidéo
un personnage féminin qui finit par avoir un skin en
bikini. Sur HOTS, LoL, Overwatch, c'est incroyable les
poitrines qu'ont les femmes, leurs seins énormes avec des skins en
bikini pour couronner le tout. On se demande vraiment comment elles font pour
garder le dos droit et marcher correctement.
Et ils ont raison, ils savent qu'il y a un marché donc
aucune raison de s'en priver. Ils ne se gênent pas, ils savent qu'ils ont
des puceaux à 30 ans qui vont fantasmer comme des animaux
derrière en acheter les skins.
Est-ce que c'est tirer profit du corps de la femme ? Si
complètement. Dans quasiment tous les jeux il y a une scène avec
un personnage à poil, une scène de sexe ou une scène assez
bizarre avec un personnage féminin. Par exemple, dans Super Smash
Bros, Peach pouvait mettre un coup de pied en hauteur et en mettant sur
pause on pouvait voir sa culotte. Et c'est quelque chose qu'on aurait jamais
fait pour un personnage masculin, pourquoi forcément il doit y avoir
quelque chose ?
10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui il y en a et pour moi elles sont déjà en
train d'être mises en place. Faire des jeux avec des rôles
féminins non sexualisés et qui sont pertinents et
intéressants. On a notamment les jeux Horizon qui mettent en
scène un héros féminin, on a le personnage d'Ellie dans
The Last of Us qui est fort. Mais il faut prendre ça avec des
pincettes, parce que mettre des personnages féminins c'est une bonne
chose mais il ne faut pas que ça ait l'air forcé, il faut pas
mettre des femmes à tout prix, il faut que ce soit pertinent. Par
exemple il ne faut pas soudainement changer le sexe d'un personnage juste pour
plaire aux femmes et pour se faire bien voir il faut créer de nouveaux
personnages de manière pertinente et intéressante.
Ils ont par exemple fait un film sur le débarquement et
ont mis des femmes et des personnes de couleurs. Sauf que là ça a
sûrement desservi le film parce que ça s'éloigne de la
réalité, si on veut vraiment faire un film réaliste et
historique, on n'a pas à faire notre propre adaptation. Peut-être
que la précision historique doit avoir plus d'importance que
l'inclusivité.
169 / 291
Il ne faut pas créer son personnage féminin de
manière opportuniste et juste pour faire plaisir.
170 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Il faut créer des personnages féminins forts, il
ne faut pas juste recycler des personnages masculins et mettre une femme
à la place parce que c'est pas pertinent. Si c'est fait maladroitement,
ça va finir par desservir la cause parce qu'on va comprendre que c'est
de l'opportunisme.
Annexe 8 - Retranscription entretien Jeremy Goldstein
(Tencent Games)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Jeremy Goldstein, je suis dans le marketing du
jeu vidéo. Cela fait plus de 20 ans que je joue aux jeux vidéo,
que j'y travaille. J'ai travaillé pour SEGA, Microsoft et je travaille
pour Tencent Game qui est la plus grosse entreprise chinoise dans le monde et
je m'occupe surtout de PUBG Mobile.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Comment l'image de la femme a
évolué dans les jeux ?
Oui, il a été sexualisant et ça s'est
expliqué un peu comme dans le principe des poupées Barbie ou les
figurines de GI-JOE. C'est un marché qui a eu en première cible
des hommes, des jeunes enfants et adolescents qui en grandissant sont devenus
des hommes.
On a gardé cette grosse cible de joueurs masculins et
pendant longtemps l'image un peu du geek qui jouait aux jeux vidéo en
restant chez lui elle n'est pas complètement usurpée même
si tout le monde pouvait jouer aux jeux vidéo. C'est quelque chose qui a
beaucoup évolué et on savait très bien à une
certaine époque que le côté affriolant des personnages
féminins faisait fantasmer les hommes en général.
Je vais aller très loin mais il ne faut pas oublier que
beaucoup d'avancées technologiques ont été portées
par l'univers du contenu mature adulte à savoir porno. C'était le
cas du minitel, du CD Rom parce qu'on pouvait stocker plus de choses, bref
c'est un univers qui a tiré la technologie.
Et même plus récemment, un constructeur avait dit
qu'ils faisaient des disques durs encore plus importants pour que les hommes
puissent stocker de plus en plus de films pornos sur leur
171 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
ordinateur. Alors c'était dit sous forme de boutade
mais on sait que l'aspect sexuel a souvent entraîné des
avancées.
Au lancement, on avait des produits destinés à
un public plus adulte qui sont devenus des boutades au fur et à mesure
du temps. On avait des jeux où on incarnait des obsédés
sexuels donc oui il y a eu une vraie partie de la production
vidéoludique qui était orientée sur le côté
sexuel. On a eu des produits de jeux vidéo qui n'avaient plus honte de
rien. Par exemple on a eu le jeu BMX XXX qui est sorti chez Aclem,
c'était un jeu de vélo où les pilotes étaient des
femmes dénudées. Donc aucun rapport avec la conduite de BMX et
les sports extrêmes. On a eu aussi des jeux comme Dead or Alive
qui est un jeu de combat, et Dead or Alive Extreme avec les
héroïnes du jeu de base qui jouaient au beach volley en portant des
tenues minuscules, réduites à pas grand-chose. On pouvait aussi
régler l'âge du personnage et plus on avançait l'âge
du personnage plus sa poitrine augmentait. Évidemment, on peut vite
imaginer les poitrines opulentes et complètement inexistantes dans la
vraie vie. Mais ces femmes avec une poitrine pareille qui jouent au beach
volley avec tous les mouvements de caméra qui vont avec... Oui il y
avait un côté très dégradant pour la femme parce
qu'on s'adressait à un public quasiment que masculin.
C'est des produits qui ont un peu disparu. Mais même des
personnages comme Lara Croft qui a été un fantasme pour beaucoup
parce qu'elle était vue comme une femme forte, il y a eu des campagnes
marketing en France où Lara Croft était à moitié
nue et où on avait cette espèce de promesse de « demain
je fais tomber le rideau ». Alors je ne me souviens plus de la
révélation si elle était floutée ou bien en tenue
légère mais on a eu l'arrivée de nouveaux fantasmes
virtuels sur des personnages iconiques. Les choses ont changé, on a
quitté un peu en Europe et en Occident cette image de
l'héroïne de jeux vidéo qui doit être tirée des
stéréotypes du corps parfait en très petite tenue,
très réduite.
J'ai travaillé sur Overwatch qui a vraiment ce
désir de diversité et d'inclusivité. On a des personnages
féminins qui ne sont pas des critères de beauté classique
avec des femmes potelées, fortes, musclées. Le personnage
principal, Tracer, c'est celui qui est sur le pack, sur la présentation
du jeu et c'est un personnage qui vit avec une autre femme. C'est tout un pan
de lore qui est exploré seulement dans une BD à côté
du jeu et pas du tout dans le jeu. Le but n'est pas de montrer le
côté LGBT, d'annoncer qu'elle est lesbienne mais simplement de
raconter sa vie pour la montrer aux joueurs. On s'est préparés au
pire parce qu'en Russie on risquait de
172 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
tomber sous la loi de la promotion de l'homosexualité
auprès des mineurs (il est interdit de promouvoir l'homosexualité
auprès des mineurs). On s'est préparé à dire que
oui elle est lesbienne mais non ce n'est pas la promotion de son orientation
sexuelle, c'est juste un ajout au jeu pour connaitre le personnage. On a eu de
la chance parce que vu la situation en Russie c'est passé
inaperçu mais aux États-Unis on a eu des milliers de demandes de
remboursement de joueurs qui ne cautionnaient pas de jouer un personnage
homosexuel. Pour eux c'était hors de question de continuer à
jouer à ce genre de jeu. C'est vraiment de là qu'on a eu le plus
de plaintes concernant ce personnage. Ça montre vraiment le puritanisme
de certains territoires qu'on pense un peu plus libérés.
Après, il y a une question de culture. En Europe et en Amérique
du Nord avec tout ce qu'il se passe, ça change et ça avance dans
le bon sens mais ça ne va jamais assez vite.
Mais dans les pays asiatiques, on est encore sur l'ultra
sexualisation des personnages notamment sur mobile on est toujours dans les
stéréotypes de l'écolière japonaise, très
sexualisée. Ça prend du temps mais on y participe à
différents niveaux. Par exemple, le bloodcasting c'est quelque chose que
moi j'ai organisé. Dans le jeu BloodRayne, le personnage
principal est une vampire un peu sexy mais c'est avant tout une femme forte,
sure d'elle, qui dirige, personne ne peut lui résister etc. On a voulu
faire parler du jeu, le mettre en avant et pour cela on a organisé un
casting pour trouver l'égérie qui allait faire la pub du jeu
même si le jeu n'était pas bon. Donc on s'est dit que la presse du
jeu vidéo n'allait pas parler du jeu donc on voulait essayer de trouver
un public un peu différent.
Le problème, c'est qu'on a été pris
à notre propre piège. On a eu énormément de
médias qui nous ont bombardés d'interview sur pourquoi mettre en
avant cette jeune femme qui avait gagné un casting. Ils voulaient
interviewer ces participantes parce qu'ils se sont dit « ça va
plaire à notre lectorat de montrer les photos, de montrer des jeunes
filles prêtes à se transformer en personnage de jeux vidéo
» alors que nous ça n'était pas du tout le but de notre
casting à la base et qu'on voulait juste mettre le jeu en avant. Il y
avait un réel désir de la part de ces médias de jeux
vidéo de montrer ces femmes qui ne connaissaient pas forcément,
auprès de leur lectorat masculin pour les mettre en avant. Ce n'est pas
toujours évident de changer les choses, de les faire
différemment. On ne prévoit pas tout ce qui peut se passer.
Et après oui il y a ce choc des cultures. Pendant
longtemps on a vu cette image de la femme sexualisée donc ça
prend du temps à changer. Je connais des personnes d'autres cultures
qui
173 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
disent « qu'en France ce qui marche c'est la jeune
fille en bikini parce que vous êtes un pays de romantiques, de loveurs
». Donc il faut prendre le temps de leur expliquer qu'il n'y a plus
cette envie et ce besoin de mettre en avant la femme juste de par son corps.
Je travaille depuis longtemps dans le jeu et j'ai eu beaucoup
de stagiaires hommes ou femmes et mon discours est toujours de dire «
si ta passion c'est le jeu vidéo, si tu veux travailler dans le jeu
vidéo il faut être reconnu pour ses qualités
professionnelles et non pour autre chose ». Parce que c'est un monde
masculin donc c'est difficile d'émerger en tant que professionnel. On
avait par exemple beaucoup d'attachées de presse qui étaient des
femmes et certaines profitaient de leur statut et de leur position pour plus
facilement charmer des journalistes qui étaient un peu
désarmés face aux rares femmes de ce milieu. Ça ne renvoie
pas non plus une bonne image de la femme qui doit être juste là
pour faire son travail en tant que professionnelle. Il n'y a pas besoin de
minauder, charmer, séduire pour obtenir ce dont on a besoin.
C'était une sorte de très gentil flirt qu'on ne tolérerait
surement pas aujourd'hui. Mais cela venait de la femme et pas que de l'homme.
Ça pouvait arriver que des développeurs de jeux vidéo
incluent des professionnelles parce qu'ils étaient sous le charme de
cette personne.
Chez Blizzard en Europe, il y a eu des cas de
harcèlement moral comme dans malheureusement beaucoup de grosses
entreprises, mais on est tombé des nues quand on a appris qu'il y avait
ces grosses accusations de harcèlement aux États-Unis alors qu'on
avait un peu cette image de modèle, d'entreprise familiale chez
Blizzard. On a dû renommer un personnage d'Overwatch parce qu'il
avait un lien avec une personne accusée de harcèlement sexuel.
Pour les joueurs, ça ne change pas grand-chose mais il n'y a pas de
référence à une personne mise en examen. Dans la structure
où j'étais on n'était pas une structure de
développement donc on avait pas ce système d'emprise sur les jeux
en tant que créateur.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Sur Overwatch on avait eu un cas d'une joueuse
coréenne très forte et certains pros players lui ont dit que
c'était impossible qu'elle joue comme ça. Et il y a eu un stream
où elle a montré ce qu'elle était capable de faire face
à un homme disant « si tu joues comme ça à
l'esport moi j'arrête l'esport ». Bien évidemment, il
n'a pas arrêté mais elle a prouvé que ses capacités
étaient bien les siennes. Mais la question qui se posait toujours
c'était qu'on a des centaines d'équipes sur Overwatch League donc
environ 200 joueurs professionnels mais pas une seule
174 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
femme. Alors est ce que c'est quelque chose d'ouvertement
sexiste ou est ce qu'il y a vraiment un gap entre l'astreinte d'être un
joueur professionnel ou pas. Mais oui on a eu cette situation aberrante
où une joueuse semi pro est accusée de triche parce qu'elle est
trop forte. Alors qu'au final on s'en fiche que ce soit un homme ou une femme,
la personne est forte et c'est tout.
Il y en a eu beaucoup sur Overwatch ou d'autres jeux
où on explique à une femme qu'elle doit jouer support parce
qu'une femme ne peut pas jouer un DPS ou un tank qui sont des roles plus
guerriers. Non c'est une fille donc ça doit jouer Mercy (personnage
support), tu dois jouer le heal. Ça a même donné lieu
à une chanson sur Overwatch « You should've played Mercy
» qui est le contenu le plus visionné d'Overwatch sur
YouTube où un homme dit à une femme de jouer Mercy tandis que
l'autre ne veut pas du tout jouer cela.
D'ailleurs Overwatch a été l'un des
jeux les plus féminins en termes de public de joueuses. Il y a une
véritable croissance de joueuses sur ce jeu, on n'est pas arrivé
à l'égalité mais on pouvait monter à 20-25% de
joueuses mais toujours 0% en catégorie esport.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Alors je comprends pourquoi ça a existé. Mais
par exemple, les Frag Dolls, c'était une équipe de joueuses
montée par Ubisoft qui participaient à des tournois de jeux de
shoot, mais je trouve que ça n'aide pas. C'est bien en effet parce que
ça montre qu'il y a aussi des joueuses mais il y a un côté
où on se dit « c'est l'équipe des femmes » donc un peu
comme l'animal de foire qui est pointé du doigt. Pourtant on ne pointe
pas les hommes du doigt donc il faut avant tout montrer les joueurs et les
joueuses pour leurs compétences et non en fonction de leur sexe. En
réalité, on aimerait que le féminisme n'existe pas parce
qu'on arriverait dans un monde utopique où tout le monde serait sur un
même pied d'égalité donc il n'y aurait pas besoin de lutter
contre le sexisme et le machisme puisque ça ne serait plus là.
Mais en attendant on a besoin de ces gens qui se battent pour équilibrer
les forces, mais ça prend du temps.
5- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Il y a de plus en plus de mixité et de diversité au
niveau du monde du travail. On a de plus en
175 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
plus de femmes qui dirigent des studios.
Après au niveau de la façon dont elles sont
représentées c'était le cas il y a quelques années
mais ça l'est quand même beaucoup moins maintenant. On a surtout
des femmes fortes et indépendantes dans la vie comme dans les jeux. Mais
cela prend forcément du temps, quand on sait que notre audience est
à 90% masculine, on veut plaire aux hommes en premier parce que c'est la
cible. Mais c'est pour beaucoup de choses et pas seulement les jeux
vidéo. Même dans un mauvais film d'action avec des tirs de combat
etc, à un moment donné le héros va quand même
croiser une pin up parce qu'on ne va pas mettre une madame tout le monde dans
le film. Ça évolue quand même dans la bonne direction avec
les héroïnes de The Last of Us ou d'Horizon Zero Down
il y a du progrès, l'image change. Je me dis pas du tout qu'elles
sont sexualisées.
Les jeunes générations changent, après
des abrutis il y en aura tout le temps. Le côté
harcèlement, je pense que ce n'est pas tellement lié aux jeux
vidéo mais bien plus aux réseaux sociaux, c'est une
véritable caisse de résonance de la bêtise humaine.
Malheureusement, on a le contenu qu'on mérite. On fait la promotion de
contenus dégradants, des émissions de
téléréalité, les stupidités et l'image de la
femme qu'on renvoi avec es émissions sur « les femmes de footballer
» qui n'ont aucun intérêt, je pense que la bêtise
humaine continuera à exister.
Je ne pense pas du tout que ça soit juste lié
à l'image que l'on renvoie dans les jeux vidéo. Elle est tout de
même meilleure depuis le temps que j'y travaille. Je vois les choses
aller dans le bon sens. Mais je n'ai pas l'impression que la civilisation aille
dans le bon sens de toute façon. Donc je ne pense pas que ça soit
liée à l'image de la femme dans le jeu même si elle est
forcément meilleure que ces dernières années.
Annexe 9 - Retranscription entretien Bilel Naouar (Joueur
professionnel sur World of Warcraft)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Bilel, j'ai 27 ans, je suis joueur de jeux
vidéo professionnel sur WoW même si sur ce jeu-là, il n'y a
pas vraiment le concept de joueur pro. Je participe aux tournois, je coach les
gens sur ce jeu, pas des équipes mais des personnes lambda qui veulent
s'améliorer. C'est mon
176 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
métier depuis un an et demi, je travaille en
collaboration avec une entreprise de Coaching qui est l'une des plus grosses
entreprises de coaching sur ce jeu.
Ça va faire depuis 2008 que je joue à WoW et en
toute transparence je n'ai pas vraiment de type de jeu en particulier
même si c'est surtout les MMO que je préfère. Je joue
à LoL, CS, FIFA, vraiment un peu tous les jeux.
Je fais du coaching sur un peu tout type de profils,
plutôt pas mal d'hommes de différents pays, âges. J'ai
beaucoup coaché un prince des Émirats Arabes Unis, mais j'ai
aussi des businessmen comme des personnes lambda. On fonctionne par saison, au
début de saison comme il faut augmenter le plus vite possible c'est un
peu plus cher à ce moment-là et en fin de saison pareil parce
qu'il faut obtenir des titres et des classements le plus rapidement
possible.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je pense, oui, c'est un marché très masculin ou
du moins très perçu comme masculin. C'est un peu comme le
marché du sport, c'est un marché où les hommes vont
être plus valorisés que les femmes, on va penser qu'un homme peut
faire plus de choses qu'une femme, qu'il est plus fort qu'une femme, qu'il est
plus compétent qu'une femme.
Je parle en tant que joueur c'est beaucoup comme ça que
ça fonctionne. Dans les entreprises du gaming c'est un peu
différent, avec plus de femmes qui cast notamment sur WoW on a souvent
un homme et une femme, qui organisent des compétitions mais ça
reste un marché très masculin.
Au sein du jeu, on le voit beaucoup et surtout sur WoW. Un peu
moins maintenant parce que ça s'est plus développé mais
c'est vrai que la femme était très sexualisée dans le sens
où on ne se voyait pas, on parlait beaucoup sur discord ou d'autres
réseaux et quand une femme arrivait dans une communauté ou dans
des guildes elle était très perçue avec un regard sexuel,
tout le monde était un peu sur elle. Elle pouvait ne pas être
forte au jeu, mais les gens l'intégraient parce qu'ils attendaient
quelque chose de spécifique. Il y a eu beaucoup d'histoires où
ça s'est passé comme ça mais ça s'est un peu
calmé.
177 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Un marché égalitaire absolument pas. Comme
évoqué au début, c'est un marché très
masculin donc un homme va être perçu d'une bien meilleure
manière qu'une femme. On fera plus confiance à un homme qu'a une
femme pour certaines tâches. Par exemple dans le monde du coaching, il
n'y a que des hommes alors qu'il y a des femmes qui jouent très bien au
jeu. L'homme est perçu comme quelqu'un de confiance, de plus fiable
alors que ce n'est pas à juste titre puisqu'il y a des femmes
très fortes, des hommes très mauvais ça n'a rien à
voir avec le sexe mais l'homme est toujours perçu comme plus aptes,
meilleur. Et ça ce n'est pas que sur WoW mais sur beaucoup de jeux
vidéo.
Historiquement, dans la société dans laquelle
on vit, beaucoup de personnes pensent que la femme est plus faible que l'homme.
On le ressent dans le monde du travail avec les inégalités de
salaire, les postes à responsabilités qui ne sont pas
confiés aux femmes.
Forcément, si dans la vie réelle, dans
l'entreprise, les gens pensent déjà que la femme est moins forte,
moins apte, moins compétente forcément, ça aura des
répercussions sur le jeu. Si on entend aux informations ou dans
l'entreprise que la femme est moins bonne dans toutes les catégories, on
va se dire très vite « moi je ne me ferais pas coacher par une
femme, mon maitre de guilde ne sera pas une femme, une femme ne pourra pas me
lead correctement ».
Je pense que c'est nul, j'ai joué avec beaucoup de
femmes sur ce jeu qui étaient très fortes mais si
déjà dans la vie réelle les pensent comme ça
forcément dans le jeu on va aussi le ressentir.
4- Que pensez-vous des ligues féminines ?
Je pense que ça part d'une bonne intention mais
ça masque le problème réel qui catégorise la femme
dans un tournoi parce qu'elles ne peuvent pas participer à des
compétitions mixtes. Ça part d'un bon principe parce que
ça reste bien d'avoir une compétition où toutes les
personnes sont un peu sur le même piédestal et toutes les femmes
participent. Ça cache un peu le problème de dire qu'on
crée une compétition pour elles, parce qu'elles ne pensent pas
participer à une compétition où il n'y a que des
hommes.
S'il y avait eu une compétition 100% féminine en
plus de toutes les autres compétitions où elles peuvent
participer, pourquoi pas, là je me dis que c'est une excellente
idée. Mais si c'est une ligue spéciale c'est masquer le
problème de base.
178 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
C'est clairement de la discrimination envers le sexe, une
femme est perçue comme un objet à caractère sexuel et non
en tant que joueuse. C'est un monde spécial, quand on utilisait le terme
geek à l'époque, c'est des joueurs qui sont renfermés sur
eux-mêmes, qui ne sortent pas etc. C'est un peu cliché et
ça a changé mais il y en a beaucoup pour qui c'est le cas. Donc
pour eux la femme va avoir une image différente de ce que les gens
peuvent penser au quotidien. Et comme c'est de la discrimination envers le
sexe, c'est pour ça qu'on en arrive à un moment où les
femmes veulent rester entre elles et c'est pour ça qu'une
compétition comme ça éviterait des problèmes. J'ai
déjà entendu parler de certaines personnes qui formaient des
groupes avec des femmes, l'une d'entre elles sort avec le chef de guilde,
ça se passe mal et donc le groupe se casse la figure. Peu importe que ce
soit de la faute de l'homme ou de la femme mais dès qu'il y a ce genre
de perceptions c'est là qu'il y a un problème.
5- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Je n'ai jamais vécu de harcèlement dans le jeu
mais j'ai vu des situations comme ça. Il y a une streameuse sur WoW qui
s'appelle SnowMixy qui est très connue, avec des milliers de followers.
Elle jouait avec l'un des joueurs les plus connus du jeu Zeepeye et donc les
deux sont des joueurs PVP. Ils faisaient du 3V3 sauf que pour la plupart des
gens ce n'était pas normal que les deux jouent ensemble parce qu'ils ne
pouvaient pas avoir le même niveau, pour eux il y avait anguille sous
roche. Donc il y a eu des rumeurs comme quoi elle se faisait PL, coacher en
échange de compensations en nature. Du coup à chaque fois qu'elle
lançait un stream avec lui c'était du harcèlement h24 sur
son Twitch ou Twitter avec « tu fais cela pour qu'il joue avec toi,
t'es une pute, vous les femmes vous êtes toutes pareilles ».
C'était impossible pour eux qu'une femme puisse jouer
un aussi bon joueur, pour eux il y avait clairement une offre en nature
derrière pour contrebalancer le fait qu'ils jouent ensemble. Alors que
c'était juste des amis, qu'ils s'appréciaient bien, qu'il n'y
avait rien et que juste ils avaient un bon niveau.
Elle a super mal vécu la situation et a fait un Tweet
long sur le sujet et sur tout ce qu'il se passait, sur comme quoi même
s'ils étaient proches cela ne venait en rien interférer avec le
jeu et que ça n'avait rien à voir. Il y a eu aussi de l'autre
côté. SnowMixy recevait des lettres de menaces
179 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
chez elle et Zeepeye qui recevait des lettres de menaces de
personnes disant « c'est ma copine, arrête de l'approcher, tu
vas arrêter de faire ce que tu fais », c'est parti très
loin.
Il y a des exemples de guilde tombées à l'eau
parce qu'une femme ou deux sont rentrées dans la guilde. Beaucoup
considéraient qu'elles étaient trop proches d'un des officiers de
la guilde et pour eux vu que c'était une femme « elle avait
dû lui faire une gâterie » pour avoir une place en raid, en
donjon, pour avoir des loot plus facilement.
Cruella a beaucoup changé cet aspect-là en PVE
de même que Nagura parce qu'elles sont fortes dans les classes qu'elles
jouent respectivement. Donc vu qu'elles sont meilleures que d'autres personnes
peut être qu'on n'a pas que cet aspect de la femme, que ce n'est pas vrai
tout le temps qu'une femme qui rentre dans une guilde n'est là que de
manière sexuelle.
Pour le PVE et le PVP, on est sur deux communautés
différentes sur WoW. Donc les mentalités sont très
différentes, la seconde est beaucoup plus toxique. Par exemple, moi, vu
que je coach même si ce n'est pas autorisé, lors d'un tournoi une
année, certains de nos adversaires ont pris peur et sont allées
prévenir les organisateurs pour être sûrs qu'on ne participe
pas.
Pour la plupart, c'est être toxique juste pour
être toxique, il y a des menaces pour les deux sexes. Après, une
femme prend un peu plus pour son grade parce qu'il y a toujours cette vision
qu'une femme ne peut pas gérer un homme.
Je suis maître d'une guilde qui fait top 15
français, c'est assez respectable et j'ai eu des femmes qui ont
joué pour moi au sein de celle-ci. Je mettais directement les points sur
les i avec tout le monde parce qu'il y a des blagues qui vont être
perçues comme drôles pour nous mais pas pour les femmes parce
qu'on a tous notre vision des choses. J'ai toujours eu beaucoup de femmes qui
sont venues avec nous, qui sont restées parce qu'il n'y a pas ce petit
truc qui fait que ça devient bizarre parce qu'une femme arrive dans le
groupe. Que tu sois un homme, une femme, un zèbre, un âne tant que
tu joues au jeu, tu es le bienvenu et sans aucun problème à ce
niveau-là.
6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
180 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je pense que non, il n'y a pas de rapport en tout cas pas sur
WoW. On n'a jamais eu de sexualisation de la femme mais WoW a dû faire
une refonte de ses personnages féminins à cause de cette
question-là, à cause du harcèlement envers des femmes.
Selon les femmes qui jouaient aux jeux et les femmes qui travaillent chez
Blizzard c'était parfois un peu borderline. De mémoire c'est
arrivé pendant Shadowland, la dernière extension du jeu.
C'était entre autres à cause d'une histoire de
harcèlement notamment sur le PDG actuel de Blizzard qui va être
renvoyé en raison du rachat par Microsoft à cause de ce genre
d'histoires. La modification qui a été faite portait sur les
personnages en jeu. Par exemple, si on choisissait de jouer un personnage
féminin, une elfette, on pouvait lui enlever son armure et elle se
retrouvait en sous-vêtements.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Je pense qu'il y a une corrélation non pas sur
l'aspect soumis de la femme mais sur le terme inférieur. Le fait que les
gens aient la vision d'une femme qui est moins apte qu'un homme cela a
forcément des conséquences sur le fait qu'elle ne puisse pas
accéder à certains aspects du jeu. Il y a forcément des
gens avec une mentalité un peu arriérée sur les jeux.
Par exemple sur Call of ou Counter Strike, pour
beaucoup de personnes, c'est impensable qu'une femme soit plus rapide
qu'un homme. On doit toujours être plus prêt, plus rapide que la
personne en face de soi et pour beaucoup une femme ne peut pas être
meilleure qu'un homme alors que ça n'a aucun rapport. Oui, le fait que
beaucoup pensent que la femme est inférieure à l'homme
crée des problèmes à haut niveau pour les femmes.
8- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Ça a été utilisé comme outil c'est
sûr. Je sais que par exemple, pour tout ce qui va être une sortie
d'extension sur WoW, pour toutes les sorties de jeux Blizzard, c'est souvent
des hommes à l'affiche mais pour tous les produits dérivés
comme la présentation d'un tournoi ça va être des femmes
parce qu'ils ont besoin de ramener un peu plus d'engouement.
181 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je pense que c'est un choix réfléchi des
entreprises d'utiliser la femme ou du moins le corps de la femme comme un outil
marketing parce quel que soit le domaine ça fera forcément plus
vendre. C'est les codes de la société, je ne sais pas pourquoi
mais une femme dans une publicité ça rapporte plus de
visibilité qu'un homme.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Bien évidemment, c'est un monde très masculin,
il y a plus d'hommes que de femmes qui jouent aux jeux en
général. Donc ça passera par nous avant de passer par les
femmes. Il y a des actions qui peuvent être mises en place, valoriser la
femme, son gameplay, les mettre un peu plus en avant pour montrer qu'il y a des
femmes tout aussi aptes que des hommes à fournir du contenu de haut
niveau et intéressant.
Il y a plein d'actions de communication à faire dessus.
Je pense que la ligue féminine à ce niveau n'est pas une mauvaise
idée parce que ça peut apporter un engouement avec un meilleur
niveau, un meilleur spectacle. Mais il faut que ça soit bien fait, si
c'est quelque chose de qualité il y aura une meilleure image de la femme
mais le contraire est aussi vrai parce que s'il n'y a pas de niveau on va
directement descendre les femmes.
Annexe 10 - Retranscription entretien Cholé
Brissaud (Responsable communication chez YaLLa Esports)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je m'appelle Chloé j'ai 27 ans, je suis de Toulouse,
j'ai fait mes études à Kedge en Marketing / Com. J'ai
commencé ma carrière chez Airbus donc rien à voir avec le
monde du jeu mais j'ai toujours été une joueuse depuis que je
suis petite. C'est une passion qui a toujours été avec moi, avec
cet objectif d'y faire carrière.
Au moment de trouver ce premier stage, il y avait eu la
question de prendre Ubisoft. J'ai toujours voulu travailler dans les jeux
vidéo donc forcément je me suis beaucoup posé la question
au final j'ai pris Airbus pour diverses raisons mais ça a toujours
été avec moi, cette envie de jouer aux jeux vidéo.
182 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
En termes de jeux auxquels je joue c'est assez varié,
ça a beaucoup évolué dans le temps. J'ai un peu
délaissé le côté compétitif et multijoueur
pour me consacrer à des jeux indépendants, un peu plus
créatifs, artistiques avec du solo gaming. J'ai passé un bon 15
ans dans WoW où j'ai joué à assez haut niveau.
J'ai eu l'occasion de venir à Dubaï à
l'occasion des échanges avec Kedge. J'ai passé un bon 5 ans ici
chez Airbus dans la communication. Et pendant le Covid j'ai eu cette grande
remise en question sur ma vie, sur mon envie de travailler dans l'esport et de
manière random j'ai fait des recherches et j'ai contacté cette
team qui s'appelle YaLLa Esports pour avoir un début d'expérience
dans le gaming dans le milieu professionnel. J'ai commencé dans la
communication en part time, en volontariat. Et au fil du temps j'ai fini par
rejoindre l'équipe en full time depuis septembre dernier en tant que
directrice de la com.
L'équipe a commencé en 2016, c'était
l'idée d'un seul mec qui a vu qu'il n'y avait pas de structure pour
accompagner les joueurs au Moyen Orient. Il a lancé une équipe
sur Overwatch qui a très bien performé et au fil du
temps les rosters ont évolué. A l'heure actuelle on joue sur du
Hearthstone, du CS GO, du Wild Rift, du
Valorant, du PUBG parce que le marché mobile est
très développé ici.
On n'est pas encore connu au niveau international parce qu'on
veut développer des talents arabes mais on a pas encore le niveau des
US, de l'Asie ou de l'Europe par exemple. Le niveau compétitif, c'est
plutôt régional. On a aussi développé une agence de
marketing qui fait des campagnes parce qu'on a remarqué que beaucoup de
clients ont entendu que l'esport est un bon marché à saisir en
terme de business donc elles veulent faire quelque chose dans l'esport et elles
nous contactent pour avoir des informations parce qu'elles ne connaissent pas
trop le milieu. On est une agence qui produit des events, qui fait du social
media campaign, de l'influence, du management. C'est assez unique dans le
monde. On est un peu la seule équipe de la région qui a ce
côté compétitif et ce côté commercial.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je pense qu'il l'a été, qu'on a tous un peu vu ces
vieilles publicités pour des consoles ou des
183 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
jeux très sexualisantes c'est indéniable. Il y
avait beaucoup d'affaires de sexisme et même encore aujourd'hui avec des
entreprises comme Blizzard et Ubisoft. Alors est ce que c'est quelque chose qui
est propre aux jeux vidéo, je ne pense pas je pense que c'est un peu un
phénomène global même si on a grandi avec l'idée
qu'à la base c'est un passe-temps d'homme.
Je pense qu'aujourd'hui ça s'est beaucoup
atténué, il y a beaucoup d'initiatives qui promeuvent les femmes,
avec plein de jeux qui montrent des femmes. Je vois beaucoup moins de jeux
sexistes, on a au contraire beaucoup de personnages principaux qui sont des
femmes.
Après, si on parle des skins, si on prend l'exemple de
League of Legends tels que les personnages féminins sont
représentés c'est avec des énormes poitrines, des habits
très sexy. Est-ce que c'est sexiste, personnellement je ne sais pas,
ça ne me dérange pas. Mais en tout cas je pense que ça
l'est beaucoup moins qu'avant, que ça s'est beaucoup
démocratisé. On a encore cette image que c'est un passe-temps
d'homme mais quand on regarde les statistiques ça met en évidence
qu'une grande partie des femmes sont des gameuses et qu'elles sont de plus en
plus présentes sur ce marché. Et ça a vraiment
été intégré par beaucoup de parties prenantes de
l'industrie qui le prennent en considération dans leur stratégie
et dans leur manière de travailler.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Au niveau personnel, pas du tout mais au niveau de
l'équipe, sur 17 on est 4 femmes mais c'est aussi l'industrie qui veut
cela pour l'instant. L'aspect évident c'est de voir que dans la
région il n'y a pas ou très peu d'équipes féminines
d'esport et c'est quelque chose sur lequel on travaille beaucoup d'ailleurs on
est en train de faire notre propre équipe féminine sur
Valorant. Mais je ne pense pas que ce soit que du sexisme mais
plutôt un effet sociologique qui bouge doucement parce qu'au début
les femmes n'étaient pas forcément attirées par ce genre
de carrière mais je pense qu'au final il va y avoir de plus en plus de
femmes attirées par cela et ça va changer de manière
organique.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Je pense qu'il y a plusieurs aspects. Sur l'aspect corportae,
des femmes qui voudraient travailler dans l'esport mais pas au niveau
compétitif, bosser dans la com, le marketing, je pense qu'il n'y a pas
du tout de discrimination, qu'on a toutes nos chances d'intégrer
l'entreprise qu'on veut si on a les compétences nécessaires. Il
peut même y avoir de la discrimination positive qui
184 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
pousse un peu les femmes vers le haut.
Après, au niveau compétitif c'est hyper
compliqué, je pense que le chemin est beaucoup plus complexe, il y a
beaucoup moins d'opportunités et ce n'est pas super pérenne comme
modèle. À un niveau personnel, je ne pense pas que c'est une
bonne chose mais j'ai toujours essayé de cacher que j'étais une
femme dans les jeux parce que je ne voulais pas une différence de
traitement, je ne voulais pas que les personnes avec qui je jouais changent.
J'en venais à tourner les femmes pour éviter de montrer que je
suis une femme.
Évidemment quand on parlait sur Teamspeak ou Discord,
je ne pouvais pas dissimuler ma voix, les gens sont plutôt bienveillants,
personnellement je n'ai pas eu de problèmes de sexisme dans les jeux
mais je n'avais pas envie que les hommes s'adressent différemment
à moi. Il y a toujours l'idée que la femme gameuse est rare. Ils
vont avoir des comportements positifs hein, c'est des hommes qui vont vouloir
prendre un peu soin de toi. On ne m'a jamais dit que j'étais en dessous
du level, que j'avais pas ma place non c'était plutôt un
désir de m'aider à faire une quête, un boss. C'était
plus gentil qu'autre chose.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
J'ai toujours été rendue perplexe par ce split
entre des équipes d'hommes et de femmes qui est hérité du
modèle sportif traditionnel. Pour moi ça s'explique moins dans le
gaming, homme ou femme ça ne change pas vraiment la performance on a
tous un ordinateur et une souris alors que dans le sport ça peut se
comprendre au niveau du physique. Donc pour moi ça n'a pas de sens de
séparer les deux.
Pourquoi on prend ce chemin d'avoir des équipes de
femmes, je ne sais pas, mais idéalement dans le futur on aurait des
équipes mixtes. Ça peut pousser un peu les femmes en leur donnant
de la visibilité mais pour moi ce n'est pas idéal parce qu'on a
cette idée de ségrégation.
Alors pourquoi nous on a pris cette décision de
créer une équipe dans l'association ? Ils ont dû voir du
potentiel chez des joueuses dans la région avec un bon niveau, qui
streament et créent du contenu. On a lancé ça pendant la
journée de la femme et ils sont en train de chercher des talents pour
créer cette équipe. Il y a une volonté de montrer les
femmes mais il faut que ce soit bien fait pour que ce soit accepté, il
faut un réel process et pas juste agir comme cela pour se
185 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
faire bien voir.
Quand j'étais chez Airbus, il y avait eu un sponsor
d'une équipe féminine sur League of Legends qui est
allée en finale d'une compétition et il y avait un
sacrément bon niveau. Après, est-ce-qu'elles pourraient gagner
contre des équipes d'hommes je ne sais pas d'ailleurs j'imagine que oui
je ne vois pas pourquoi ça serait autrement. Après, pourquoi
elles n'ont pas duré dans le temps, pourquoi les équipes
féminines ont une durée de vie moindre c'est peut-être
quelque chose qu'il faut creuser.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
C'est une des raisons pour lesquelles les jeux les plus
populaires sont des jeux de guerre, de tir en tout cas des jeux ou il faut
exterminer l'autre. Je le vois avec les mecs de mon entreprise ils sont tous
très compétitifs, ils se vannent sur leur rang dans un jeu, en
gros tu gagnes le respect quand tu es le plus haut gradé dans un jeu.
Pour moi en tant que femme je prends le jeu vidéo en tant qu'oeuvre
d'art, je vois les éléments de travail derrière, la
musique, la direction artistique, le gameplay, je décompose un peu les
éléments de travail derrière tandis que les mecs vont
tryhard et ça sera à qui est le plus fort.
Quand je jouais à WoW j'avais beaucoup cette
expérience de jeu où je voulais trouver des drops ayant 1% de
chance de loot, chercher des hauts faits, faire des quêtes secondaires.
C'était des choses pas forcément utiles mais ça me faisait
trop plaisir. Et c'est un pote qui m'a entraîné vers les raids,
les donjons et oui c'était bien mais ça n'était pas un
mode de jeu vers lequel je me serai orientée de base du fait aussi que
le côté compétitif, être au top de soi-même ce
n'est pas pour moi.
Au travail, je veux être la meilleure mais au niveau du
jeu je veux juste me détendre sans avoir besoin de prouver aux autres
que je suis meilleure de quelque manière que ce soit.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Ça fait longtemps que je réfléchis
à streamer et ce qui me retient c'est de m'exposer sur internet à
des gens que je ne connais pas. C'est ouvrir mon intimité à ces
gens-là que je ne connais pas.
186 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
C'est m'exposer à des comportements qui seront
négatifs, insultants, grossiers voir même complètement dans
le harcèlement.
C'est quelque chose qui arrive beaucoup aux streameuses, j'en
parlais avec une streameuse récemment, que ça arrive très
souvent que des mecs insultent, parlent mal, soient sexistes. Et c'est quelque
chose qui est là mais qui est clairement inacceptable.
Je pense malheureusement que ce n'est pas que dirigé
vers les femmes, il y a beaucoup de toxicité dans les jeux en
général notamment sur LoL. C'est aussi pour ça que j'ai
arrêté parce que pour moi un jeu c'est un moment de
détente, je ne joue pas pour me faire insulter ou entendre des jeux
s'insulter entre eux. Sur les MOBA, c'est des flots d'insultes et pour moi ce
n'est même pas une question de genre ou de sexe c'est au niveau du jeu,
il y a des gens très jeunes, très frustrés et le fait
d'être derrière un écran leur permet de se lâcher.
Alors quand c'est une femme, les insultes changent pour quelque chose de
sexiste mais pour les hommes aussi. Ils s'adaptent à leur audience mais
il y a vraiment des gens hyper toxiques dans le jeu vidéo. Ça
gâche beaucoup d'expérience de jeu alors certains s'en fichent et
réussissent à juste mute la personne et continuer à jouer
mais moi personnellement quand je joue avoir des gens qui m'agressent pour des
raisons souvent stupides c'est pas quelque chose que j'apprécie et que
j'ai envie de tolérer. C'est pour ça que j'ai pris la
décision de changer de style de jeu mais c'est très dommage.
Est-ce qu'il y a un rôle de l'anonymat ? Oui je pense
mais j'irai plus loin en disant que ça se retrouve aussi sur internet en
général. Par exemple, un article de journal sur Internet si on
regarde les commentaires il y a toujours des gens qui se manquent de
respect.
Il y a une impunité et une toute puissance liée
au fait de ne pas savoir qui on est surtout que dans le jeu on a un avatar et
un pseudonyme donc c'est la porte ouverte au manque de respect car les gens
savent que de toute façon ça ne va pas les impacter. Si on a des
frustrations, qu'on est un mec qui a envie d'être toxique on peut le
faire et que personne ne nous demande de rendre des comptes.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
187 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Alors pour le côté sexy des jeux, ce n'est pas
parce que tu vois des personnages dénudés que tu vas devenir
toxique et agresser toutes les personnes que tu vois. Je pense plus que c'est
une question d'anonymat, de frustration, de laisser aller.
Il y a aussi un manque d'éducation avec beaucoup de
gens qui sont très jeunes. Quand j'ai commencé à jouer
j'avais 15 ans et je jouais avec des personnes de 25-30 ans, c'était un
environnement hyper sain et j'ai l'impression qu'avec la démocratisation
du jeu c'est beaucoup plus accessible à tout le monde mais donc à
des gens très jeunes de 12-13 ans qui n'ont pas forcément les
codes d'être civilisés et qui vont dire des trucs horribles.
Après pour moi ce n'est pas lié à l'image de la femme
surtout que dernièrement j'ai l'impression qu'il y a quand même
beaucoup moins de sexisme, que les pubs sont beaucoup plus familiales donc il
n'y a plus vraiment cet aspect de femme objet dans les jeux vidéo qu'on
retrouvait avant.
Pourtant, j'ai quand même l'impression qu'il y a
beaucoup plus de toxicité qui arrive parce que c'est un exutoire pour
des personnes qui ont la haine, qui veulent se montrer comme alpha, montrer
qu'ils ont la plus grosse devant leurs potes, qui veulent se montrer devant
leurs potes sur un ton blagueur mais ils ne se rendent pas compte des
conséquences.
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
Le monde de l'esport et du jeu vidéo c'est un monde un
peu difficile à intégrer parce qu'il n'y avait pas de
certification pour travailler dans le milieu à l'époque.
Ça demandait vraiment aux gens de faire leur propre chemin.
C'est un peu dissuasif parce qu'on ne sait pas comment
ça va évoluer, si c'est quelque chose de stable donc on va
peut-être s'orienter de quelque chose de plus sécuritaire. Mais je
vois de plus en plus de créatrice de contenu dans le monde arabe avec ou
sans caméra et je n'ai jamais vu de commentaires malveillants, d'actes
sexistes sur leur Twitter ou leur Instagram.
Je trouve la région assez bienveillante, ça a
l'air de bien se passer pour ces femmes. Oui je pense que les carrières
en jeu vidéo c'est pas quelque chose dont on nous parlait à
l'époque quand on faisait nos études donc beaucoup de gens les
ont considérés à l'époque. C'était
que
188 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
les grands passionnés qui bossaient chez des grands
éditeurs mais ça évolue de plus en plus et j'ose
espérer que les entreprises seront un peu plus mixtes.
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
J'en suis convaincue, on a toujours dit que le sexe fait
vendre et je suis convaincue que c'est vrai. Je n'ai que LoL qui me vient en
tête avec ces skins outrageux qui sont à peine habillés,
avec des formes de corps démesurées. C'est quelque chose de
complètement conscient, qui fait vendre et c'est un peu l'hameçon
pour faire vendre et pour attirer le mâle de base. Je pense qu'il
faudrait demander à des hommes si c'est quelque chose qui les attirent
mais pour moi oui totalement.
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
La base serait d'avoir des comportements civilisés,
c'est vraiment le minimum mais apparemment pas pour tout le monde. Ça
serait agir comme dans la vraie vie avec des vraies personnes. Également
souligner et mettre en avant les comportements inappropriés envers les
femmes. C'est aussi aux gens qui ont un peu de pouvoir dans les entreprises de
mettre en place des plateformes pour que les femmes puissent s'exprimer.
J'y pense maintenant, mais une chose qui me choque beaucoup
c'est les hot tubs sur Twitch, je ne comprends pas qu'une plateforme
internationale comme Twitch qui est sensée promouvoir la bienveillance
et le politiquement correct puisse accepter quelque chose qui s'apparente
à de la prostitution. Certes c'est légal mais en tant
qu'entreprise pourquoi ils veulent vraiment normaliser ça ? Et quand on
voit le nombre de vues sur ces channels, qu'elles se tagguent des noms sur les
seins ça n'aide pas la cause féminine. Pour moi ce n'est
même pas des gameuses, elles viennent juste exploiter la frustration
sexuelle de certains gamers. Et avec ce genre de choses, ça va demander
encore plus d'efforts pour être prises au sérieux.
Annexe 11 - Retranscription entretien Servane Fisher
(Joueuse pro sur Counter Strike - Esport legal Council d'Ubisoft - Pole Esport
de WIG)
189 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Servane, j'ai 35 ans, j'ai commencé les
compétitions de jeux vidéo quand j'avais 13 ans sur Counter
Strike et j'ai pratiquement joué pendant 10 ans. J'ai été
recruté chez Ubisoft, je m'occupe de l'esport legal Council d'Ubisoft
c'est-à-dire toute la partie relative à l'esport, les contrats
etc. Et du coup à côté de ça j'ai rejoint WIG pour
les aider bénévolement quelques mois après la
création de l'association, après les avoir aidé
ponctuellement sur le juridique, j'ai rejoint un pôle esport qui
commençait à se créer pour proposer des projets et
apporter mon expertise en esport.
J'ai commencé à prendre de la place notamment
avec la proposition de projet comme les incubateurs, les tournois mixtes,
beaucoup d'événements comme la Paris Games Week.
Je suis toujours chez Ubisoft, toujours chez WIG pour
développer les projets, j'ai beaucoup aidé Riot pour
développer des projets Game changer comme les tournois sur Valorant
parce que je suis une grande fan de Valorant. C'est un jeu coup de coeur pour
moi. Je fais beaucoup de tournois, je les organise et je caste, j'administre
les tournois et avant je les ai opérés de A à Z.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Une chose est vraie, c'est que quand on commence le jeu
vidéo et qu'on est jeune, on ne se rend pas compte de ce genre de
choses. Quand j'avais 13 ans et que j'ai commencé à jouer, je ne
réalisais pas, on se laisse bercer par ce qu'il se passe. Je jouais sur
Counter Strike qui est un milieu militaire donc très masculin, je
n'avais pas forcément conscience que c'était un jeu pas
très attirant pour les femmes parce qu'il y a ce cliché du jeu
pour homme, très attaché à la guerre, très
militaire. Je n'en avais pas conscience parce que j'ai joué par des
amis, avec de la communication d'équipe, des stratégies. Je ne me
rendais pas compte que les filles étaient rares sur le jeu et surtout
qu'elles peuvent ne pas être intéressées par ce type de jeu
parce qu'il était très masculin avec beaucoup d'hommes sur le jeu
qui n'étaient pas très ouverts à l'époque.
Quand tu es jeune, tu subis beaucoup d'influence, sans
forcément sans rendre compte. C'est plus tard que j'ai
réalisé que je voyais des femmes arriver sur la scène, je
pensais que ça allait venir naturellement parce que j'en voyais toujours
plus. Mais avec le temps, je me suis rendu compte que c'est beaucoup en dents
de scie avec certaines années des nouveaux projets comme des tournois
féminins qui avaient le mérite d'exister pour lancer des
initiatives.
190 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Avec les années, on voit que les femmes arrivent, mais
qu'elles repartent, il y en a beaucoup qui ne restent pas et la question que je
me suis posée, c'est de savoir ce qui les bloque, pourquoi elles ne vont
pas plus loin ? Je voyais en elle un vrai potentiel et je me suis dit que
c'était du gâchis de les voir abandonner. J'ai commencé
à avoir des réflexions en prenant du recul sur le jeu sur
pourquoi elles ne restent pas. J'avais déjà une vingtaine
d'année et je me suis interrogé sur pourquoi ces femmes partaient
et c'est là que je me suis rendu compte qu'on a vécu de la
toxicité, il y a des gens qui ne voulaient pas de moi, qui ont voulu me
caler dans des équipes féminines et non-mixtes alors que j'avais
un haut niveau, équivalent au leur.
J'ai commencé à me rendre compte des choses,
à réaliser ce que c'était, souvent de la toxicité
et surtout beaucoup de rejet. Je pense que j'ai eu beaucoup de chance, quand
j'ai joué, il n'y avait pas tous ces réseaux de communication, il
n'y avait pas beaucoup de jeu multijoueur, le vocal en ligne n'était pas
beaucoup développé. Je me rappelle que sur Counter Strike, les
gens parlaient peu sur le jeu et une fois qu'ils étaient morts, on ne
les entendait plus parler. Donc c'était vraiment bien.
J'ai grandi dans un cadre qui n'est pas le même
qu'aujourd'hui, je n'ai pas été exposée tant que ça
à la violence du jeu en ligne et au fait que derrière un
écran les gens se permettent n'importe quoi.
C'est comme ça que j'ai réalisé que je
pouvais peut-être aider parce que j'ai quand même vécu pas
mal de toxicité, même en face-à-face. Je l'ai vécu
lors d'une LAN où je me suis faite insultée. J'avais un gros
caractère, j'étais bien entourée et surtout,
j'étais confiante parce que je savais que j'avais un bon niveau, du
coup, je m'étais défendu et bien démerdé. Je
l'avais vécu comme une normalité alors que non, ce n'est pas
normal, ça ne devrait pas exister.
J'ai eu plus de chance que d'autres parce que j'étais
bien entourée, j'avais des copains qui me défendaient. J'avais un
gros niveau parce que je jouais avec des joueurs professionnels. Pour d'autres
qui n'ont pas eu ces opportunités que j'ai eues, c'est beaucoup plus
difficile, aujourd'hui il y a beaucoup plus de joueurs qu'avant, il y a une
masse de joueurs beaucoup plus importante. Il y a aussi beaucoup plus de monde
qui vont insulter, on ne sait pas qui ils sont, on a aucune possibilité
de retracer, donc elles se permettent encore plus de menacer et d'insulter.
Avec l'évolution de la société j'ai compris qu'il fallait
faire quelque chose, qu'il fallait aider et
191 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
redonner confiance à ces femmes pour leur montrer que
c'est possible d'y arriver parce qu'il y en a qui l'on fait. C'est pour
ça qu'aujourd'hui, je me suis engagée chez WIG parce qu'on voit
moins de 10 % de femmes dans les compétitions, je trouve ça
triste.
L'évolution a été beaucoup en dents de
scie, avec des années meilleures que d'autres, avec des initiatives
meilleures que d'autres. À un moment donné, on a des associations
d'entraides qui ne tiennent pas et ça n'aide pas les femmes à
s'impliquer dans l'esport.
3- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Est-ce qu'on peut avoir des grands changements oui sinon je ne
ferai pas toutes ces actions, mais les gros changements arrivent avec des
petites actions et c'est pour cela qu'on a du mal à y croire. Ce n'est
pas immédiat, il faut forcément voir à long terme toutes
les actions menées par les petites associations, elles ont
forcément un impact. Si les gens arrêtent ces petites actions,
c'est là qu'il n'y aura pas d'impact. J'y crois fortement sinon je ne
ferai rien du tout.
Sur les tournois féminins, j'ai changé un peu
mon fusil d'épaule dernièrement. J'ai toujours joué en
mixte, on a voulu me caler en féminin à un moment donné
juste parce qu'on était toutes des filles, on n'avait pas de point
commun, on n'avait pas le même niveau, pas la même
expérience, pas le même profil donc on ne performe pas et
ça crée de la frustration en plus.
Chez WIG, je voulais créer des tournois mixtes avec
tout type de genre dans les équipes. Je pense qu'il n'y a pas de raison
de séparer les scènes et ça a très bien
fonctionné. À la fin, on s'en foutait du genre, on regardait la
performance de la personne.
Après pour les tournois féminins moi,
j'étais contre parce que sur Counter Strike, quand ils ont lancé
les ligues féminines, ils l'ont vraiment séparé des ligues
masculines et ils ont fait en sorte que les femmes jouent en elles et n'aient
pas forcément accès aux tournois réguliers. Les tournois
féminins n'étaient pas vraiment poussés, on ne comprenait
pas vraiment la vision qu'il y avait derrière.
La vision, c'était de dire « les femmes vous
voulez jouer alors on fait un espace pour vous, mais on vous sépare
». On n'avait pas cette idée de nous intégrer à un
moment donné non, c'était une scène à part, moins
visible, avec moins de sponsors, moins d'argent.
192 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Ce qu'a fait Riot avec Valorant, c'est qu'ils ont fait cela
avec une vision de diversité et d'inclusivité et non, juste une
scène pour faire plaisir. Ils ont consulté la communauté,
ils se sont demandés pourquoi il n'y avait pas assez de femmes et on se
rend compte qu'il n'y a pas que la question de toxicité, mais aussi de
mathématiques. Subir 15 ou 20 ans d'exclusion des femmes, on est en
train de récolter les fruits de ces erreurs. Du coup comme les femmes
étaient peu présentes, quand elles viennent aujourd'hui les
femmes sont assez débutantes, elles sont peu nombreuses. Il faut en
attirer beaucoup plus à la base pour pouvoir les avoir à haut
niveau. Si on fait un tournoi sur 2000 joueurs, il y en a peut-être 10
qui vont avoir la chance d'avoir un contrat professionnel et si sur ces 2000
joueurs, on a que 50 femmes, on n'aura pas forcément une seule femme
capable d'arriver au top.
C'est important d'avoir une vision saine, en faveur de la
mixité et de la diversité en général. C'est
important de dire qu'on veut faire une scène dédiée pour
supporter, donner de la visibilité, donner envie de percer, progresser
pour ensuite intégrer les circuits professionnels.
Pour Valorant, c'est génial d'intégrer les
éditeurs pour qu'ils montrent leur vision et qu'ils soient
cohérents dans ce qu'ils disent. Quand on regarde les différents
tournois, entre le premier et le troisième, le niveau avait
déjà beaucoup évolué. Donc si on met les
équipes féminines ensemble, qu'on leur apporte une
compétition saine et challengeante, avec un prix, avec de la
visibilité parce qu'elles savent qu'elles vont être
broadcastées, c'est ça qui va leur donner de la fierté et
de la confiance en elles et qui va leur permettre de rattraper le retard
qu'elles ont. On a vu un véritable changement de niveau, cela a permis
d'attirer plus de femmes, c'est exponentiel, ce programme va leur donner
confiance en elle, leur apporter de la visibilité et peut-être
aussi permettre de détecter des talents pour des équipes mixtes
de haut niveau. Il n'y a pas d'effets pervers tant que la vision est suivie.
4- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
À l'époque, j'avais vraiment un très bon
niveau, autant qu'un mec, il n'y avait pas de différences donc je
battais la plupart des gars que j'avais en face de moi. C'étaient des
insultes qui venaient de nulle part, on m'a traitée de salope pour rien,
parce que le mec a ragé parce que je l'ai headshot. Je me suis
levé, j'étais énervée et je suis allée voir
le mec en question. Je pense qu'il
193 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
a tremblé plus que moi parce que quand je suis
allé lui demander quel était son problème, il ne sait pas
s'expliquer, il dit que ce n'est que pour rigoler, etc.
En ligne, je l'ai vécue aussi avec des femmes, j'ai des
femmes qui m'ont traitée de « sale pute » parce qu'il y a une
espèce de concurrence qui se crée, il y a tellement peu de place
que quand elles sont là qu'il faut montrer laquelle est la plus
forte.
La toxicité, je la vis tous les jours, je fais beaucoup
de Valorant et d'Overwatch en ranked en ligne, je ne fais plus de
compétition ou de LAN, mais en ligne la toxicité, c'est tous les
jours. Hier soir, par exemple, on joue et puis alors qu'on commençait
à perdre, j'ai parlé en vocal pour donner des infos en vocal et
quand on a parlé, on nous a dit, « c'est bon il y a 3 egirl donc
c'est loose ». Déjà, on nous traite d'egirl ce qui est assez
péjoratif et pas agréable et on nous disait qu'en gros, on perd
à cause de nous. Ça gâche la game parce qu'au lieu de se
motiver ils se sont focus sur les insultes plutôt que sur le jeu. Je
n'étais pas agressive, j'essayais de les motiver, mais c'était
trop rageux donc on n'arrive pas à passer outre et on perd.
Ce sont régulièrement des insultes de «
qu'est-ce que tu fais la, retourne à la cuisine », ils n'ont
vraiment aucune imagination parce que c'est toujours la même chose qui
ressort. C'est souvent « oh non une fille, oh non pas une fille, c'est
bon, c'est loose ». Après j'ai de la chance parce que je joue bien,
je suis souvent en haut du tableau donc je pense que ça a un impact et
que je me fais moins insulter que d'autres femmes qui sont débutantes
parce que quand tu es débutante, que tu galères un peu et qu'il y
a des choses que tu fais mal les hommes sont beaucoup plus durs avec toi, tu es
beaucoup plus jugée, il y a une pression de dingue, ils ne comprennent
pas que tu débutes, on ne nous laisse pas de chance de progresser.
J'ai grandi dans un jeu vidéo où on donne
beaucoup d'infos sur le jeu, sur les actions, sur ce qu'il se passe dans la
game, mais on est pas là pour raconter notre vie et ça me
dérange parce qu'en ranked les gens racontent leur vie, insultent et en
fait, on ne peut même plus avancer, même plus progresser. C'est une
frustration énorme et c'est ça qui fait qu'on baisse souvent les
bras.
J'ai de la chance, de par mon expérience sur CS, je
suis assez forte aux FPS en général dès le départ.
Donc je n'ai pas trop ce genre de remarques. Ça m'est déjà
arrivé sur d'autres jeux où je débutais et je ne
comprenais rien comme sur LoL de me faire insulter de suite parce que je ne
savais pas, je n'avais pas compris mon personnage, etc.
194 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
5- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Je ne me suis jamais posé ce type de questions, mais
je pense que forcément si on montre des personnages féminins
très sexualisés, un peu niais qui sont sans contenus, sans
saveur, je comprends que ça peut donner une image très
négative et régressive de la femme et je comprends que des
personnes se jettent dessus pour insulter. Ça donne l'impression que les
jeux ne sont pas pour les femmes.
Aujourd'hui beaucoup d'efforts ont été faits,
mais dire qu'il y a une corrélation oui et non. Ce n'est pas vraiment un
lien direct qui fait qu'il y a cette toxicité ou un rejet de la part de
certains hommes, c'est la société qui fait cela. Il ne faut pas
voir cela comme quelque chose de défini et de restreint aux jeux
vidéo, c'est des images qui sont véhiculées par la
société, de la femme plutôt sage, sans trop de
personnalité.
Dans tous les métiers vus comme un peu masculin comme
les métiers militaires, technologiques, la société renvoie
un message comme quoi ce n'est pas fait pour les femmes, donc quand elles
arrivent pour se faire une place il y a un inconscient qui fait qu'elles ne se
sentent pas à leur place aussi bien dans les mentalités des
hommes que des femmes parce qu'il y a une sorte d'habitude.
C'est lié, mais ce n'est pas l'élément
principal, ça a contribué à la toxicité et aux
insultes, mais le problème est beaucoup plus large, au niveau de
l'éducation, de l'image qui est transmise de la part des grandes
marques.
6- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Oui, je pense, mais je pense que la société a
évolué. Ce n'était pas forcément quelque chose de
négatif à l'époque dans les années 70 à 90,
on aimait beaucoup les clichés, on mettait beaucoup les gens dans des
cases donc on pouvait sexualiser les femmes et en faire des objets sans avoir
conscience des répercussions sur la société et pour les
femmes.
195 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Est-ce que c'était volontaire ? Oui, parce que
ça faisait vendre et que ça venait répondre à une
demande de la société qui était faite de personnes qui
avaient plein de clichés en tête, et c'est pour cela qu'on est
venus répondre à ces clichés et à cette demande. Ce
n'est pas volontaire d'avoir voulu rabaisser les femmes ou les exclure, mais la
société était comme ça, elle était en
demande de ça et aujourd'hui elle a beaucoup évolué donc
il a fallu s'adapter à ça. Mais c'est un gros changement donc on
a encore du mal, surtout en France, c'est une question de mentalité et
c'est pour cela que ça va prendre un peu de temps.
Le marketing n'a fait que suivre la demande, ils ont vu que
ça marchait donc ils ont continué. À l'époque, on a
manqué de réseaux, de personnes, de lobbying de la part des
femmes parce qu'on ne leur laissait même pas la place de s'exprimer et
qu'à l'époque, il y avait une peur de s'exprimer et de
s'assumer.
Quand on était différent dans la
société, c'était perçu comme quelque chose de
négatif. Aujourd'hui, on évolue avec notre temps, avec nos
réseaux de communication, les médias, on a moins peur de ce qu'on
ne connaît pas. Il y a toujours des problèmes de racisme, de
sexisme, mais on s'est beaucoup amélioré et ouvert au monde.
7- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse
être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des
femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Des associations comme WIG sont là pour promouvoir la
mixité, pour mettre en avant des femmes, des intervenantes qui elles
pourront aider. On est là pour aider des hommes ou des femmes à
monter des projets sur la mixité.
On ne veut pas prendre des initiatives sur tout, faire des
projets sur tout, on est juste là pour pousser les gens à se
lancer. On est là en tant qu'accompagnateurs de projets. Bien sûr,
il y a des projets en interne, mais le but premier, c'est d'inspirer les
autres, on veut montrer ce qu'on sait faire, on veut montrer que c'est possible
et que ça fonctionne.
Au niveau de l'éducation, il y a de la sensibilisation
et des expertes qui peuvent parler au nom de WIG pour montrer que le monde du
jeu vidéo est un monde accessible à tous, mais on n'est pas
là pour créer des programmes éducatifs. On va aider,
booster, créer de quoi aider les écoles,
196 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
mais on ne veut pas remplacer les entreprises. C'est aux
entreprises et aux individus de faire le travail pour la mixité avant
tout. Si les écoles ont envie de changer, c'est à elles de faire
le pas. Pour moi, il y a un élément important, c'est que moi, je
travaille avec des gens, des capacités, des personnalités, et non
avec un genre ou une nationalité. J'ai beaucoup d'hommes avec moi, mais
je m'en fous du genre. La mixité est arrivée naturellement.
8- Un mot de la fin
Je pense qu'il y a un message qu'il faut faire passer, c'est
que les projets dans la mixité ce n'est pas facile, il faut bien
s'entourer, il faut trouver les bons interlocuteurs et tout le monde n'a pas de
manière innée une facilité à rencontrer les bons
acteurs. Et surtout, il ne faut pas lâcher, quand on a une idée,
il ne faut pas lâcher. Nous chez WIG, on est là pour aider et
accompagner pour guider sans se soucier du sexe, on n'est pas là que
pour les femmes, on veut aider tout le monde.
Je veux encourager les gens à créer des projets,
c'est comme ça qu'on peut changer les choses, il faut arrêter de
parler, il faut le faire, moi, je prône les petites actions parce que
c'est ça qui permettra de faire avancer les choses.
Annexe 12 - Retranscription Entretien Mme Durand
(Ressources humaines dans une grande entreprise de jeux
vidéo)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je m'appelle Madame Durand, j'ai 25 ans aujourd'hui et
ça fait 3 ans et demi que je travaille dans l'industrie du jeu
vidéo, en RH. Je suis passée par plusieurs postes, le
recrutement, l'administration RH, la gestion des relations avec les
écoles de formation du jeu vidéo.
A titre personnel j'ai toujours joué aux jeux
vidéo c'est pour cela que j'ai voulu travailler dans cette industrie et
le sujet de la femme dans le jeu vidéo c'est quelque chose qui me
préoccupe, je fais partie de beaucoup d'associations comme WIG et
Afrogameuses.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Si on parle d'un point de vue produit, le jeu vidéo est
assez sexualisé, il y a beaucoup de jeux
197 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
où on va retrouver une image de l'homme et de la femme
stéréotypés. C'est un produit culturel qui véhicule
de nombreux stéréotypes. Il y a le premier cliché qui est
que la femme dans le jeu vidéo est faible, qui attend d'être
secourue, qui est exagérément sexualisée, qui est pourvue
d'attributs et d'une tenue vestimentaire très apparent, souvent la femme
a un rôle très secondaire. L'exemple le plus parlant c'est avec la
série des jeux Zelda où la princesse ne fait pas grand-chose et
c'est Link qui doit la secourir tout du long. Il y a ce genre de
stéréotypes qu'on peut retrouver mais ça a tendance
à évoluer de plus en plus dans le bon sens, on a beaucoup de jeux
comme Horizon ou The Last of Us qui mettent en oeuvre des personnages
féminins qui sont les héros du jeu et non plus des personnages
annexes et qui vont avoir des rôles centraux dans le développement
de l'histoire.
Au niveau de l'industrie, je pense qu'il y a des
problèmes conjoncturels. Les jeux vidéo sont majoritairement
développés par des hommes blancs. Ça se développe,
il y a des efforts qui sont faits dans ce sens mais il la part de femme dans le
développement des jeux est toujours très faible et
minoritaire.
3- De la même manière celui de l'esport
?
C'est une question difficile parce que je m'y connais moins.
J'aurais tendance à dire oui parce que les femmes sont sous
représentées aujourd'hui dans l'esport. Ce qui me parle le plus
c'est LoL, que ce soit dans les championnats du monde ou au niveau national on
n'a pas d'équipes féminines ni de femmes dans des équipes
mixtes.
Il y a eu des initiatives qui n'ont pas forcément
aidé la cause dans le sens où je sais qu'il y a eu dans le
passé une volonté de monter une équipe féminine et
de les coacher pour qu'elles arrivent à un meilleur niveau. Cela n'a pas
forcément fonctionné et ça a été
utilisé comme mauvais argument pour dire que les femmes n'avaient pas le
niveau, qu'elles n'étaient pas assez douées. Il y a encore
beaucoup de travail à faire pour féminiser la scène
esportive.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Pour moi les réponses sont différentes en
fonction des domaines. En terme d'expérience de jeu c'est quelque chose
d'égalitaire, si on joue à Mario qu'on soit un homme ou une femme
c'est égalitaire, on aura globalement la même expérience.
Après il y a des choses qui peuvent blesser plus facilement, quand on
est une femme on est plus facilement vulnérable aux clichés,
à ne pas
198 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
se sentir représentée dans certains jeux ou
alors se sentir représentée via une apparence qui ne
décrit pas vraiment les femmes comme dans la réalité.
Dans des jeux compétitifs comme LoL ou Valorant, le
fait de jouer en solo à un jeu fait qu'on aura globalement la même
expérience qu'un homme. Là où ça devient
compliqué c'est quand on arrive dans un cadre où on est plus seul
à jouer où il y a tout l'aspect communautaire. Quand on utilise
un chat vocal c'est là où les problèmes peuvent se poser,
c'est là qu'on se rend compte qu'on est la seule fille dans
l'équipe et c'est là que débutent les problèmes
d'expérience joueur. Au niveau professionnel, en tant que femme si on
souhaite travailler dans l'industrie du jeu vidéo, l'industrie est
égalitaire que ce soit au niveau des écoles de recrutement
où être une femme n'est pas du tout un frein, au contraire c'est
même un profil qui est beaucoup valorisé. C'est quelque chose qui
est plutôt rare donc qui est très valorisé, c'est une force
parce que c'est très recherché.
Mais par contre pour la scène esportive c'est le plus
gros frein. Etre une femme dans l'esport c'est l'aspect le plus difficile.
Quand on veut évoluer à un niveau professionnel, on a une
certaine visibilité donc le statut de femme est immédiatement
exposé, révélé aux stéréotypes de
genre, à la discrimination que lorsqu'on joue sur un pc ou une
console.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Je trouve que c'est une bonne idée, pour moi c'est une
bonne chose de créer des équipes féminines parce que
ça leur permet de se concentrer sur l'aspect « niveau » dans
le jeu, le coaching, la stratégie en étant
protégées de tout l'aspect négatif qui pourrait leur
arriver dans un autre milieu le temps qu'elles puissent gagner en assurance et
en confiance en elles. Et par la suite passer sur des équipes mixtes
où elles doivent s'affirmer davantage en cas de situation nouvelle.
C'est quand même une bonne initiative même si l'idéal serait
de ne pas dissocier. Il ne faudrait pas que le sexe soit un facteur
différenciant mais on est encore trop loin de cet idéal et
commencer par faire des équipes féminines c'est un bon
début.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Oui je pense qu'il y en a, je ne veux pas rentrer dans la
théorie du genre mais il y a beaucoup de facteurs sociétaux
liés à l'environnement dans lequel les enfants grandissent.
Pendant
199 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
longtemps les jeux vidéo ont été
considérés comme une activité réservée aux
garçons donc il y a une certaine facilité. Retrouver de jeunes
garçons qui jouent aux jeux ça ne va pas étonner alors
qu'une petite fille cela peut sembler inapproprié pour certains, car
c'est moins fréquent. Aujourd'hui on n'est pas encore tirés
d'affaires à ce niveau-là.
Le jeu vidéo est souvent très lié
à la technologie et l'informatique qui sont traditionnellement des
milieux très masculins et c'est dommage parce que le jeu vidéo
est aussi un média culturel, qu'il y a une part artistique et
créative qui est très forte comparativement à d'autres
industries comme le cinéma qui est une industrie déjà plus
féminisée. C'est un peu dommage que le jeu vidéo souffre
de cette image masculine et technique qui peut décourager certaines
femmes qui pensent que ce n'est pas fait pour elles.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Oui à titre personnel bien sûr mais ce
n'était pas forcément de la discrimination ou du
harcèlement mais plus de la toxicité. Quand certaines personnes
se rendent compte qu'on est une femme dans un jeu en ligne on se fait traiter
de egirl, les personnes présument qu'on va être un poids ou un
frein pour l'équipe, qu'on va être mauvais au jeu.
C'est quelque chose d'assez minoritaire pour ma part mais
c'est aussi lié à un problème plus global de l'industrie.
Le jeu vidéo est un média où il y a beaucoup de
toxicité, aussi bien d'un joueur à l'autre indépendamment
du genre. C'est quelque chose qui est connu des équipes de
développement et auxquelles elles essaient de remédier avec des
systèmes de mute, de report, des systèmes pour protéger
les joueurs. Les femmes sont une catégorie de population très
touchée par cette toxicité mais elles ne sont pas les seules.
8- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Un choix voulu non pas vraiment, je ne dirai pas que s'est
voulu dans le sens où ça va être plus vendeur maintenant il
y a toute une analyse de cible, quand on développe un jeu on se demande
pour qu'il va être conçu et quelle va être la cible
principale.
200 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Pendant longtemps le jeu vidéo a majoritairement
été consommé par des garçons et des jeunes hommes,
mais aujourd'hui on arrive à 48% de femmes. Malheureusement le reste
n'évolue pas aussi vite mais il doit y avoir un lien de
corrélation entre la cible et la façon dont les personnages sont
présentés. Déjà le personnage principal va
être idéalisé pour le jeune garçon qui va jouer au
jeu. On cherche à remplir des fantasmes de courage, de force, de
bravoure d'indépendance qui sont pleins d'idéaux liés aux
jeunes garçons. Et de la même manière on peut avoir des
femmes qui répondent à certain fantasme par exemple une femme
douce, gentille, qui ne va jamais contredire le héros, qui va être
exagérément dans la séduction avec lui, qui va le trouver
charmant etc. Il doit y avoir un peu de ça effectivement.
C'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres médias
culturels comme dans le cinéma avec les films Marvel ou DC. On a un
schéma qui est fait pour faire fantasmer les jeunes garçons avec
le personnage principal qui est le héros qui va sauver le monde en
écoutant que son courage et pareil on a un alter ego féminin avec
qui le héros va généralement avoir une relation amoureuse
qui répond à ce stéréotype. Ça vend donc la
formule est renouvelée.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse
être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des
femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui bien sûr, justement les hommes sont les
deuxièmes acteurs derrière les femmes elles-mêmes dans
cette évolution des mentalités. Il est vrai que les femmes ont
cette tendance à s'auto brider, à manquer de confiance en elles
et à ne pas tenter tant qu'elles ne sont pas sures de ce qu'elles font.
Mais on peut faire le reproche inverse aux hommes qui n'ont pas cette
inhibition là et qui peuvent prendre trop de place sans s'en rendre
compte. Ils tentent, prennent la parole et ne se rendent pas compte que les
femmes trouvent moins d'espace pour s'exprimer.
Il faut les sensibiliser à ces questions, ça
permet une réelle prise de conscience parce que c'est souvent quelque
chose de pas volontaire. Souvent on a des réactions très
positives et ils font dès lors les efforts d'eux-mêmes pour
valoriser les femmes que ce soit dans des réunions ou dans des processus
de décisions importantes.
J'imagine que c'est la même chose pour les associations
de jeu. Je pense que les hommes ont un rôle à jouer de soutien. Ce
n'est pas une situation où il y a les femmes discriminées et les
hommes méchants qui les discriminent. Il n'y a pas de personnes coupable
dans ce cas-là, c'est
L'image de la femme dans les jeux vidéo
une situation installée depuis des années et
dont les gens n'ont pas forcément conscience. On se rend compte que si
on les sensibilise, ils vont changer d'eux-mêmes pour rétablir un
peu cet équilibre.
10- Avez-vous pu assister à un réel
changement au niveau RH par rapport à cette vision de la femme ?
J'ai tendance à être positive sur ces
questions-là, j'ai quand même vu une belle évolution en 3
ans sur ces sujets. Il y a une sensibilisation des équipes en interne
à ces questions, je ne sais pas comment ça se passe pour d'autres
entreprises mais on a énormément de Workshop de
présentation animés par des femmes, par des personnes actives
dans cette industrie. Il y a une vraie volonté de valoriser et de mettre
en avant ces femmes qui sont restées dans l'ombre au profit d'hommes
blancs pendant toutes ces années. Dans ma société, la
personne dirigeante de mon studio est une femme donc déjà c'est
un vrai pas en avant.
Il y a beaucoup d'actions menées avec des associations
en externe pour aller à la rencontre de ces femmes qui pourraient avoir
une vision biaisée de l'industrie. On a mené des programmes de
mentorat, de coaching. On cherche à accompagner ces femmes à
comprendre ce qui les empêche de postuler, quels sont ces freins, comment
est-ce qu'on peut les aider à surmonter cela, comment mettre toutes les
chances de leur côté.
Au niveau des recrutements il y a pas mal d'objectifs
orientés en ce sens, dans mon équipe on est passés de 18%
d'embauches de femmes ce qui est extrêmement faible à 23%, il y a
du travail mais on est sur la bonne voie, c'est des choses qui ne se font pas
en un jour. Faire évoluer les mentalités c'est un travail de long
terme mais je sens qu'il est bien entamé et j'ai bon espoir que dans
quelques années on ait fait de beaux progrès.
11- Un mot de la fin ?
Pour résumer, aujourd'hui le monde du jeu vidéo
est encore loin d'être totalement inclusif que ce soit au niveau de
l'image de la femme mais aussi au niveau de tout un tas de minorités
ethniques ou culturelles. Je pense quand même qu'il y a de vrais
progrès mis en oeuvre et qui peuvent être constatés.
201 / 291
Je veux appuyer le fait qu'aujourd'hui il y a de plus en plus de
jeux vidéo qui sortent de ce
202 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
cliché comme avec le personnage d'Aloy dans Horizon.
J'ai bon espoir qu'on ait de plus en plus de ces personnages-là.
Je veux aussi parler des jeux de combat qui ont souvent la
réputation d'être les pires en terme de clichés et de
mauvaise représentation de la femme. Je trouve qu'il y a une
évolution même dans ces jeux-là dans le sens où on
avait des personnages féminins faibles qui étaient moins
joués parce qu'ils étaient moins forts que les personnages
masculins. Aujourd'hui on a une évolution différente, souvent les
personnages féminins sont caractérisés par d'autres
forces, ils sont plus petits ou plus fins que les masculins qui sont larges
d'épaules mais du coup ils ont d'autres atouts, ils ont de
l'agilité, de la rapidité
On valorise les différences entre l'homme et la femme
plutôt que valoriser uniquement l'image de l'homme et affaiblir l'image
de la femme dans un jeu et je trouve que c'est un cheminement très
positif.
Annexe 13 - Retranscription entretien Clémentine
Gelly - Arborealkey (Auto entrepreneur dans la fabrication de costumes,
d'accessoires et de trophées)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je m'appelle Clémentine, j'ai 24 ans, je suis auto
entrepreneur dans la fabrication de costumes, d'accessoires et de
trophées. C'est généralement lié au monde de la pop
culture, je m'adapte à ce qu'on me demande mais la plupart de choses
c'est surtout des jeux vidéo et plus récemment esport. J'ai
commencé à faire des trophées pour quelques
compétitions. C'est beaucoup de l'évènementiel même
si depuis le début de la pandémie j'ai surtout travaillé
à distance mais à une époque je faisais du cosplay en
convention c'est surtout comme ça que je me suis faite connaitre.
C'était surtout des personnages de jeux vidéo et de jeux de
plateau notamment Warhammer, j'ai fait un peu d'animés mais surtout du
Warframe, du Monster Hunter c'est surtout tout ce qui est jeux vidéo.
J'ai commencé par faire un master en physique chimie et
sur la L1 on avait un tronc commun puis ça se divise en deux
spécialités avec la chimie d'un côté et la physique
de l'autre. Toutes les femmes sont allées en chimie et moi je suis
restée tout seule en physique. J'ai vu le même
203 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
type de comportement à l'université que dans le
milieu de l'art.
Aujourd'hui je fais tous mes costumes, j'ai tout appris toute
seule. Alors comment ça a commencé c'est parce que je suis
allée en convention en 2014 à Paris avec un petit costume
steampunk qui tombait un peu en morceau. J'ai vu des gens avec des costumes
magnifiques notamment des armures de Mass Effect et notamment une femme en
cosplay m'a émerveillée et je me suis dit qu'un jour je voudrais
être comme ça. Je l'ai retrouvé des années plus tard
et on a pu échanger à ce sujet.
J'ai commencé par de l'animé pour mes cosplays
avec un cosplay de SNK qui était une version rouge et noire donc une
version un peu différente de celle classique et ça sortait
vraiment du lot. J'ai fait Lara Croft par la suite, j'ai fait plein de versions
différentes. A la fin de l'année j'ai fait du Warframe même
si je n'avais pas encore trop le niveau, j'ai fait un cosplay du personnage que
je jouais c'est-à-dire une créature en armure.
Le jeu n'était pas encore très répandu
à ce moment-là mais quand je suis allée en convention il y
a une personne qui m'a reconnue et cette personne je suis toujours en contact,
on a fait du cosplay ensemble. Le pire c'est que quand tu fais un truc pas
très connu, les gens vont toujours te dire « c'est du League of
Legends » alors que non ce n'est pas que ce jeu-là qui existe. J'ai
pu avoir un partenariat avec le jeu par la suite et j'ai commencé
à faire des choses plus compliqué, un cosplay de Monster Hunter,
surtout des armures.
En 2016 on a commencé à me demander si je
prenais des commandes. Les développeurs de Warframe ont commencé
à me remarquer parce que j'ai fait un autre cosplay. Ils m'avaient
remarqué pour le premier mais ils avaient remarqué la personne
qui portait le costume, qui me l'avait commandé et non moi et mon
travail.
J'ai rejoint un studio de fabrication de costumes plus
orientés super héros, c'était des gens que j'admirais
beaucoup parce que je suis fan de Metal Gear Solid et ils avaient fait une
tenue de Grey Fox. Je suis allée les aider pour la Japan Expo, j'y suis
restée quelques mois. Par la suite j'ai eu tout un moment où j'ai
disparu des réseaux et des conventions pour me recentrer un peu et
savoir ce que je voulais vraiment faire. Début 2019 j'ai
décidé de créer mon entreprise, au début ça
ne fonctionnait pas parce qu'il faut bien trouver des gens pour acheter les
produits même si on est capable de les créer. J'ai eu des
difficultés au début, entre les arnaques ou les
204 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
incompréhensions face au prix.
J'ai une influenceuse qui est venue me voir en me disant
« j'ai beaucoup d'abonnés, j'ai des vidéos qui font un
million de vues sur TikTok, est ce que tu peux me faire une paire d'ailes
gratuites ». Quand les vidéos de mes créations sont
partagées sur des pages il y a toujours des gens pour faire des
remarques comme quoi c'est enfantin ou alors ce n'est pas assez bien
réalisé. J'ai bossé sur 3 courts métrages jusqu'ici
et j'ai vraiment l'impression que les gens pensent que les costumes se font
tout seuls.
J'ai encore d'autres personnes qui se font de l'argent sur mon
dos, qui me piquent mes vidéos en enlevant mon nom. Et je ne peux rien y
faire parce que selon les lois des réseaux ce n'est pas contre la
législation donc ça passe pour eux.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
C'est l'opinion de beaucoup de gens autour de moi, j'ai vu
beaucoup de témoignages par rapport à ça mais je dois
avouer que c'est quelque chose qui ne m'a pas beaucoup impactée. Je
reste plutôt dans mon coin et je n'ai jamais été
liée au débat de « est ce qu'on devrait avoir un choix de
sexe de personnage dans ce jeu ? »
Je vais m'identifier à n'importe quel personnage dont
j'apprécie l'histoire et à qui je m'identifie au niveau de
l'histoire. Il y a eu cette polémique avec Assassins Creed, moi si on me
laisse le choix de jouer un homme ou une femme je vais jouer l'un ou l'autre,
ce qui m'intéresse c'est est ce que j'aime le doublage ou est ce qu'il y
en a un qui a une armure plus cool que l'autre. Pour beaucoup de gens il y a ce
besoin d'avoir un personnage féminin représenté.
La partie sexualisation en tant que quelqu'un dans le cosplay
c'est quelque chose à double tranchant. On va avoir des gens qui vont
dire qu'il ne faut pas sexualiser les femmes dans les jeux parce que ça
donne une mauvaise image et derrière, c'est quelque chose que je
remarque beaucoup dans le monde du cosplay c'est des cosplayeuses de sexe
féminin qui vont volontairement sexualiser leur personnage. Donc je suis
un peu prise entre les deux camps parce que si on te dit que c'est fait dans un
jeu par des développeurs essentiellement masculins c'est mal et si
derrière il y a une fille qui va refaire le design pour enlever le
pantalon ou autre là ça
205 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
va être bien. C'est dommage qu'il y ait ces deux mesures
parce qu'on devrait les laisser libres de faire ce qu'elles veulent. Si une
fille veut faire un personnage bien habillé on devrait la laisser faire,
si elle veut faire un personnage dénudé pareil.
Je suis du côté des gens non
dénudés, qui ne sont pas très attirants de base tout de
moins pas de la manière classique. Par exemple je n'ai pas de poitrine
et on me le reproche parfois au niveau de mes cosplays comme quoi je suis trop
plate et je ne sais pas si ça vient de la mentalité des gens, du
fait que dans les jeux tout le monde est super beau.
Les filles connues dans le monde du cosplay sont toujours
très jolies, très belles. Etant donné que sur Internet le
sexe c'est quelque chose qui vend c'est aussi pour ça que même
s'ils existent il n'y a pas beaucoup de cosplayeur homme connu. C'est aussi
parce que le public est essentiellement masculin donc on va mettre en avant des
femmes de 20-30 ans, assez jeunes et attirantes et ces femmes la vont
être harcelées parce que beaucoup de monde commentent leur photo
et donc dans la mentalité des gens si tu réponds c'est que tu
veux coucher avec la personne. Alors que non toi tu remercies simplement les
gens.
Si tu avais eu des témoignages de personnes dans le
milieu du cosplay, il y aurait eu des histoires de personnes harcelées,
stalkées sur les réseaux. Ce n'est pas mon cas parce que je joue
plus sur la partie craft et construction, mon image n'est pas ce que je mets en
avant sur les réseaux. Je fais aussi des costumes pour les autres c'est
pour ça que je montre beaucoup la construction mais moi je ne mets pas
en valeur, je ne fais pas attention à ma manière de m'habiller ce
qui fait qu'au final on ne m'embête pas. Je me demande tous les jours ce
qu'aurait été ma vie si j'avais été un peu plus
jolie, un peu plus avec l'apparence de la streameuse classique avec une chaise
rose. Je pense que j'aurais eu une expérience beaucoup moins positive
même si j'ai eu aussi des expériences négatives.
J'ai réalisé que je n'étais pas si moche
que ça le jour où quelqu'un a dit sans savoir que je lisais
« est ce qu'elle fait elle-même les costumes ou elle se contente
d'avoir l'air jolie en les commissionnant ». Et là je me suis dit
« mais même moi on m'embête avec ce genre de choses ». Et
il y a cette chose dans la tête des gens c'est de se dire que si tu es
attirante tu n'as forcément que ça et donc tu ne sais rien faire
d'autre, tu n'es pas capable de fabriquer des choses par toi-même.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Comme moi je montre toujours ce que je fais, avec des posts
où je fabrique des choses on ne va pas venir me dire que je ne sais rien
faire mais il y a vraiment cette notion où si tu es attirante tu ne peux
rien faire. Tu ne peux pas être sexy et avoir un cerveau.
Aujourd'hui le milieu du cosplay c'est soit tu es le crafteur
recouvert de poussière dans ta cave ou tu es la fille super jolie. Le
côté masculin de cette activité est plutôt dans le
props c'est-à-dire le côté fabrication, les
épées, bref tout ce qui demande beaucoup de craft où la
personne elle-même ne sera pas représentée, c'est plus
l'artisan classique à qui on va demander de faire 150
épées mais qu'on ne verra jamais.
Dans le monde du cosplay où on fabrique pour porter
soi-même le costume après je vois plutôt des femmes.
L'écart se fait aussi sur ce qu'on va fabriquer, j'ai déjà
vu une collaboration entre un studio qui fait du gros oeuvre, des choses qui
salissent avec des machines et un atelier de couture. Et on avait vraiment une
séparation par sexe dans les deux camps avec des hommes dans le premier
et que des femmes à la couture. Je ne sais pas si c'est poussé
par la société mais on voit vraiment cette distinction.
3- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Avant de découvrir mes allergies et que j'arrête
de marcher pieds nus, j'étais souvent pieds nus en été et
ça se voyait sur certaines de mes photos. J'ai souvent reçu des
messages « j'adore tes pieds ». C'est un peu les seules remarques
bizarres que j'ai pu avoir, alors on m'a déjà demandé en
mariage ou ce genre de choses mais c'est quelques cas isolés.
Je sais qu'il y a des personnes comme Kayane qui ont
été suivies, avec des gens ayant essayé de trouver
où elle habite. Le jour où ça m'arrive je suis vraiment
mal parce que comme je suis immatriculée avec mon entreprise on peut
savoir où je suis et même si ce n'est pas chez moi c'est mon
atelier.
Le fait que je ne joue pas trop sur mon image et mon corps
j'ai beaucoup moins de gens qui font une fixation sur ça. C'est une
maladie ça d'ailleurs, Kayane en avait beaucoup parlé, ces gens
qui pensent que tu les aimes en retour alors que tu ne les as jamais
rencontrés.
206 / 291
Je me mets tellement peu en avant et je fais tellement des
armures de gros bourrin que j'ai pas
207 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
mal de personnes qui pensent que je suis un mec. Je trouve
ça dommage qu'on restreigne les gens à un type de cosplay en
fonction de leur morphologie. Par exemple pour faire Jinx dans LoL il faut
forcément être mince avec peu de seins. Mais du coup on
s'empêche de faire des cosplays de personnages qu'on apprécie
simplement pour rentrer dans des cases. Personnellement je vais être
typiquement la personne qui va privilégier la fabrication par rapport
à l'apparence. Influencée par cela c'est vrai que je me suis un
peu limitée. Alors tout ce que je fais pour du travail personnel c'est
des univers que j'adore mais il y a des choses un peu plus
dénudées ou sexy que je ne fais pas. Pour la simple et bonne
raison que je sais pertinemment qu'il va y avoir des critiques ou des remarques
sur moi et mon physique comme quoi je n'ai pas de hanches ou pas de seins et
donc que je ne suis pas à même de faire ce cosplay. En fait c'est
surtout que je n'ai pas les épaules pour supporter la critique de mon
corps. La critique de mon travail c'est une chose, ça m'aide à
avancer. Il y a des gens qui ont critiqué ce que je fais et ça
m'a forcé à changer, à voir les choses sous un autre angle
et tant mieux. Mais je n'arrive pas à ignorer quelqu'un qui va me dire
« tu es moche, arrête tes cosplays, c'est pour les enfants »
etc. Et ces personnes vont venir le dire surtout quand ils pensent que tu ne
les lis pas. Je traine sur beaucoup de réseaux sociaux, de groupes donc
il y a des gens qui repostent mes photos, qui les commentent, les critiquent
bah forcément je vais lire les commentaires, ce qu'ils ont pu dire sur
mon travail.
Je n'arrive pas à surmonter ça, je sais que je
ne devrai pas y prêter attention mais c'est quelque chose qui me
restreint parce que ça m'affecte et j'y suis vraiment sensible. Je me
suis cassé la gueule un certain nombre de fois, je me suis
améliorée énormément avec le temps mais je n'arrive
toujours pas à avoir une estime de moi suffisante pour passer au-dessus
de l'ensemble de ces remarques.
Je sais que faire du sexy ou des cosplays qui dévoilent
un peu plus de choses, ça va aussi attirer sur ma page une population
dont je ne veux pas forcément. Les gens pensent que si tu fais du sexy
tu ne dois faire que cela et tu ne peux pas faire autre chose. C'est difficile
de jongler entre les deux sans véritablement tomber dans une case.
Une personne me suivant depuis plusieurs années
remarquerait que je fais que des costumes où je me cache de plus en plus
à cause de ces commentaires par rapport à mon corps, au fait que
j'ai un grand front « ah ton front a un code postal à lui tout seul
». Je fais de plus en plus de costumes où on ne voit ni mon corps
ni ma tête. Je me suis en quelques sorte enterrée à
cause
208 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
de toutes ces remarques. Il y a aussi le fait que j'ai l'air
jeune, sur les vidéos making of on voit souvent ma tête, je me
montre parce que je n'ai pas vraiment le choix dans ces moment-là. Et
les gens me reprochent d'être sur les réseaux, parce qu'ils
pensent que j'ai 15 ans. En fait si tu es trop vieille ça ne va pas, si
tu es trop jeune non plus.
Des remarques j'en ai eu beaucoup du style : « T'es
anorexique, c'est quoi ça c'est un alien, t'es addict à
l'héroïne pour maigrir ». Ce n'est même pas juste
« t'es trop maigre » non c'est directement des commentaires
très dur et je n'arrive pas à les ignorer. Le problème
c'est que même s'il y a des dizaines de commentaires sur mon travail ou
mes réalisations, il suffit d'un seul commentaire sur le physique pour
qu'on ne voit plus que ça.
J'ai commencé à me cacher sur mes costumes parce
que je voulais que les gens critiquent mon travail et ne me critiquent pas moi.
S'ils ne voient pas ils ne peuvent pas me critiquer donc ils sont
obligés de regarder mon travail. Je me suis cachée à cause
du regard des gens. C'est ça le côté absurde du cosplay. Je
ne suis pas la plus touchée par ça parce que je ne suis pas
considérée comme un objet sexuel au contraire de nombreuses
femmes dans ce milieu. Quand je vois les commentaires que certaines filles se
prennent c'est juste déguelasse. Et c'est ça aussi qui
m'empêche vraiment de faire des cosplay sexy parce que je vois
très bien les conséquences. Je suis obligée de poster mes
cosplays pour avoir de la renommée et une activité. Mais du coup
je ne me permets pas de poster du sexy parce que j'en crains les
retombées.
Un truc qui est arrivé à une cosplayeuse en
Allemagne, c'est qu'elle avait un OnlyFans donc vraiment pour son usage
privé. Une boite l'a contactée pour faire un costume pour la
sortie d'un jeu mais a retiré l'offre quand ils se sont rendus compte
qu'elle faisait du sexy sur ce site-là. J'ai trouvé ça un
peu abusé parce que ça n'avait rien à voir mais
malheureusement même dans ce milieu, le sexy peut gâcher une
carrière.
Dans ce monde du cosplay, à travail égal entre
un homme et une femme tu seras moins harcelé si tu es un homme mais tu
seras quasiment ignoré. C'est plus simple d'être une femme pour
avoir des contrats, pour avoir du monde, des follows mais il y a le revers de
médaille parce qu'on s'expose à des choses pas très
sympathiques.
Par exemple, sur mon Instagram on peut voir que la part
d'hommes s'élève à 62,7%. Je ne fais pas
spécialement de contenu sexy mais on a quand même beaucoup plus
d'hommes.
209 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
4- Est-ce que c'est important de vraiment respecter les
proportions dans le cosplay surtout quand on voit toutes les polémiques
autour du sexy ?
Il n'y a pas de règles, mais si tu modifies quelque
chose tu seras critiquée, si tu fais un personnage un peu
différent tu seras critiquée. Il y aura toujours quelqu'un pour
critiquer parce qu'ils ont leur image du personnage et qu'elle ne peut pas
être différente de celle-là.
Le fait de ressembler au personnage est important seulement
si quelqu'un passe commande et qu'on doit jouer le personnage dans un court
métrage. Dans ce cas-là c'est normal de demander une reproduction
vraiment fidèle mais dans le cadre du cosplay quand on fait ça
pour s'amuser les gens n'ont rien à dire mais c'est vrai que je me
bloque moi aussi par rapport à cela
5- Est-ce les femmes sont davantage critiquées que
les hommes pour leur cosplay ou est-ce que c'est surtout par rapport au
physique ?
Il y a beaucoup plus de cosplayeuse que de cosplayeur donc
elles ont beaucoup plus d'impact ; elles sont bien plus suivies donc
forcément il va toujours y avoir bien plus de commentaires. Les hommes
vont être critiqués car ils manquent de muscles, parce qu'ils
n'ont pas un corps parfait. Je pense que ce n'est pas le même groupe de
personnes qui va critiquer.
Il va y avoir le groupe un peu sexiste qui va critiquer les
femmes qui ne sont pas parfaitement comme le personnage dans le jeu et il y a
un autre groupe qui va critiquer une personne de sexe
210 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
masculin parce qu'ils vont avoir l'image du nerd basique, un
peu ramassé sur lui-même alors que l'image d'une femme est plus
attirante.
L'image du nerd chez une femme ou un homme c'est
différent, chez un homme c'est beaucoup plus péjoratif, il va
être traité comme quelqu'un de bizarre, comme un gamin. Un homme
va être critiqué plus pour son costume alors que les gens sont
plus indulgents avec une femme. Il y a des gens qui vont critiquer le physique
purement d'une personne, on a des femmes qui se disent féministe et qui
vont aller cracher sur un mec qui a fait un costume un peu maladroit.
Il y a des gens qui vont penser que c'est cool d'être
à fond dans LoL si t'es une fille mais que tu es un loser si tu es un
homme. Mais c'est encore différent des personnes qui pensent que tu n'as
rien à faire sur la scène compétitive de LoL, ce
groupe-là s'exprimant bien plus que les autres.
Il y avait une jeune femme dans le milieu des fans de
l'Attaque des Titans, plus jeune que moi, qui se faisait harceler par
quelqu'un, elle a porté plainte, ça a été
classé sans suite. Elle ne faisait rien de sexy, mais elle a
été juste la cible de quelqu'un sur internet. La personne
n'arrêtait pas de créer des nouveaux comptes pour la suivre.
Il y a une autre fille, Ellothin qui a un partenariat avec
Riot Games, qui est superbe avec un corps de rêve. Hier elle disait
qu'elle a porté plainte pour harcèlement parce qu'elle fait du
sexy mais c'était du harcèlement moral, des insultes etc.
Il y a aussi le cas de KamuiCosplay, ils sont 2 dans son
entreprise elle travaille avec son mari et de nombreuses personnes lui disent
souvent que ce n'est pas elle qui fait ses costumes étant donné
qu'on voit son mari sur les vidéos. Globalement, sur n'importe quelle
page de cosplayeuse on va avoir des insultes, des commentaires
déplacés et des reproches. Je pense pas qu'il y ait une seule
personne qui va dire « moi je n'ai jamais eu de problème ».
Je reçois juste des insultes sous couvert d'anonymat,
quand les gens pensent que je ne vois pas ce qu'ils écrivent.
6- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Le sexy c'est quelque chose qui fonctionne, je n'ai rien contre
mais je pense que oui c'est
211 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
volontaire. Je m'intéresse aux concepts arts, quand on
voit les tenues qui sont créés pour une classe et qu'on voit la
version homme et femme, la question que je me pose c'est pourquoi la femme a
toujours des talons.
Je n'ai jamais râlé contre car ça ne
gâche pas mon expérience de jeu, je n'y prête pas vraiment
attention. Est-ce qu'ils auront moins d'achats de leur jeu s'ils ne font pas de
sexy je ne sais pas du tout, je ne sais pas s'il y a vraiment des gens qui se
soucient de cela quand ils achètent un jeu.
Je suis un peu tombée des nues quand j'ai vu le
problème d'Aloy qui a des poils sur le visage. J'ai l'impression que les
gens ont une vision totalement déformée du corps féminin
pour réussir à créer une polémique sur ce genre de
choses.
Annexe 14 - Retranscription entretien Mathieu Vitse
(Alternance dans le web design)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je m'appelle Mathieu Vitse, j'ai 24 ans, je suis en
alternance dans le web design, principalement dans la construction de sites
internet. Je suis chez une jeune start up qui fait beaucoup de réseaux
sociaux, graphisme, ça change un petit peu de mon domaine mais ça
me plait tout de même. Ça a une certaine connexion avec le monde
du jeu quand même par rapport à l'UX.
J'étais un grand consommateur de jeux vidéo
plus jeune, un peu moins maintenant surtout en raison du manque de temps. Ceux
qui m'intéressent le plus c'est surtout des jeux d'aventure où il
y a une histoire à suivre un peu comme The Last of Us, je vais plus
aimer les jeux qui veulent transmettre un message, une idée, un peu
comme certains bons films peuvent changer la mentalité, la vision ou le
regard qu'on a sur quelque chose. Je préfère les jeux avec une
réflexion plutôt que des jeux « déconnexion de cerveau
».
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Le marché du jeu vidéo est comme le
marché des films ou le marché de la mode, il y a toujours ce
côté qui cherche à sexualiser, et peut être
même davantage. Je pense à Fortnite on voit que
212 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
les femmes sont très stéréotypées
dans leur design. C'est peut-être un peu moins qu'avant, on cherche
peut-être à le cacher mais pour moi c'est toujours autant le
cas.
Par exemple Lara Croft quand on voit les versions du premier
personnage, la femme était très fine, avec une forte poitrine,
bombée et maintenant elles sont un peu plus soft non pas dans le
physique mais plus dans la tenue, dans la gestuelle. On ne va pas
forcément montrer de manière directe le côté sexy du
personnage, c'est moins évident
La manière dont l'homme ou la femme va se
déplacer ou faire certains mouvements ça va transmettre une
idée de représentation de la personne. Le physique n'a pas tant
changé mais les positions, les gestes sont moins suggestifs.
Mais bien sûr ça reste encore présent,
rien qu'à voir Lara Croft elle a pas tellement changé entre avant
et maintenant. Et puis il y a toujours la polémique autour d'Aloy qui
aurait eu des poils sur le visage dans Horizon Zero Down. Il faut vraiment
faire un zoom énorme, moi je n'ai rien vu. Et le problème c'est
ces gens qui créent une polémique autour des personnes
homosexuelles, tous ces idéaux qu'on cherche à insérer
pour que ces personnes soient acceptées. Quand on prend Ellie dans The
Last of Us c'est surtout mettre en avant que la femme est forte, qu'elles ne
sont pas des créatures fragiles et qu'elles n'ont pas besoin des hommes
pour les sauver.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Pour moi ça dépends du public, de l'âge
de la personne et de sa mentalité. Plus la personne va être jeune
plus elle va avoir des images à caractère sexuel.
Un joueur homme ou femme va être un peu vulgaire dans
sa manière de voir la femme. Une femme va peut-être avoir un
aperçu bizarre d'elle-même en voyant comment les joueurs
caractérisent les personnages. Ceux qui ont 20 ans peuvent avoir plus de
recul et voir que c'est le marché qui est comme cela et qu'on utilise
ces images pour vendre et non parce que c'est la réalité.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Autant on commence davantage à voir que les femmes
s'intéressent et jouent autant que les hommes aux jeux vidéo.
Avant les jeux vidéo étaient surtout réservés aux
hommes, c'était un
213 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
milieu surtout pour les hommes tout du moins dans ce qu'on
faisait paraitre et ce qu'on voulait faire croire.
Mais il y a toujours des problèmes
d'inégalités. Par exemple, certaines entreprises et surtout
certains dirigeants ont encore cette idée de dire que « les
femmes ne font pas vendre donc on ne va pas utiliser une héroïne
comme personnage central du jeu ».
Dans certains jeux où une femme devait être mise
en avant, il y avait tout de même un homme prévu en tant que
personnage secondaire et c'est finalement celui-là qui a pris la place
principale par peur que ça n'attire pas suffisamment de monde, de public
masculin.
Il y a donc toujours ces problèmes-là
d'inégalités qui viennent faire écho aux problèmes
de la société en général. Les problèmes
liés aux jeux vidéo qui sont les mêmes que dans les films,
sont les problèmes qu'on essaie de vaincre dans la société
actuelle par rapport aux joueurs et aux personnages.
Il y a ce système d'image, de comment on va être
vus, le fait que certains ont en tête va savoir pourquoi qu'une
héroïne va moins vendre qu'un héros. Je pense que c'est en
rapport au public visé, que même s'il y a beaucoup de femmes qui
jouent aux jeux vidéo, les hommes sont toujours une plus grande
majorité à jouer aux jeux donc ils vont toujours vouloir viser le
public homme que le public femme.
Quand quelqu'un va concevoir un jeu, l'homme est la
première cible et ce n'est pas qu'une femme est moins attirante mais les
hommes vont plus s'identifier aux personnages masculins. On veut que les
joueurs s'identifient au personnage qu'ils vont jouer c'est surement pour cela
que c'est surtout des personnages masculins qui sont mis en avant.
5- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
A l'heure actuelle il l'est toujours, moins dans les jeux
vidéo que dans la mode mais il l'est aussi dans les jeux, pas pour tous,
mais quand on revient à Lara Croft, son corps est utilisé pour
attirer les personnes.
214 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
C'est quelque chose qui devrait arrêter de l'être
parce que même si le corps de l'homme est aussi utilisé pour
vendre il y a une différence de barre de niveau entre le corps de la
femme et le corps de l'homme. On dirait qu'il y a une sorte d'aura qui fait que
le corps de la femme est beaucoup plus sexualisé que le corps de
l'homme. Même si l'homme est mis en avant pour être vendu, on se
sert de la femme pour vendre comme produit. Le corps de l'homme est aussi un
produit mais il est moins mis en avant que le corps de la femme. Après
quand on pense à Vikings, avec des personnages très
musclés, bad boys c'est aussi mis en avant en tant que produit mais la
femme revient quand même beaucoup plus sur le devant de la scène.
C'est surtout un sujet que j'ai beaucoup plus entendu en ce qui concerne la
femme plutôt que l'homme.
C'est quelque chose qui commence tout doucement à
changer. Pour la femme ce qu'on va mettre en avant c'est le côté
sexualisant alors que pour l'homme c'est le côté bad boy,
héros. Mais on cherche de plus en plus à montrer que la femme
n'est pas qu'un objet, qu'elle n'a pas besoin d'un homme pour réussir
à vivre. C'est quelque chose qui est encore difficile à
discerner, je pense qu'on essaie tous un peu de comprendre cette distinction et
les changements qui l'accompagne.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Dans la manière de jouer un homme peut autant prendre
de plaisir qu'une femme à jouer à un jeu comme Call of Duty. Tout
comme un homme peut aimer des jeux qui sont moins dans la baston. Pour moi tout
dépend de la sensibilité, selon le type de jeu qui nous
intéresse, qui nous attire. Est-ce qu'un homme ou une femme va
être choqué de voir un jeu de guerre et va préférer
un jeu comme Minecraft ou est-ce que ça ne va pas le déranger
?
Ça a été montré maintenant que
les deux profils aussi bien homme ou femme ont la même manière de
jouer et peuvent prendre autant de plaisir sur un même jeu. J'ai une amie
avec qui j'ai pu jouer à un jeu de zombie et on s'amusait tout autant
à détruire des zombies et le sexe ne venait pas du tout
interférer dans notre appétence pour le jeu.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
215 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Pour ma part non j'ai eu la chance de ne pas y avoir droit.
Quand je joue avec des jeux multi c'est surtout avec des amis mais c'est rare
que j'y joue, je suis beaucoup plus sur des jeux solos. Par rapport au
harcèlement j'ai déjà beaucoup entendu cela, je ne sais
pas si ça allait jusqu'à rechercher le profil et
l'identité de la personne sur les réseaux mais c'est
déjà des insultes. Et rien que cela, insulter une personne alors
que c'est censé être un jeu, un moment de détente. J'en
connais qui sont victime d'harcèlement, d'autres qui sont en train
d'insulter les autres, pour moi c'est une forme d'harcèlement. Pour moi
quand je joue, certes je peux râler et si j'insulte ça va
être mon personnage ou les pnj mais jamais contre les gens
directement.
C'est surtout des hommes que j'entends s'insulter entre eux
avec des gros mots comme « fils de pute, connard ». Je n'ai jamais
entendu des hommes et des femmes s'insulter entre eux. Jamais au point de
« je vais te tuer » dans la vraie vie, où ça va assez
loin mais je pense que c'est des situations vécues et qu'il peut y avoir
des situations qui partent très loin.
Jusqu'où on peut considérer que c'est du
harcèlement ? Si c'est un inconnu on peut considérer que c'est du
harcèlement, si c'est amical et c'est entre les deux c'est leur
façon de rigoler mais est-ce que ça peut dériver ou non
sur du harcèlement ? c'est très difficile de mettre une
barrière et d'être capable de dire « à partir de
là c'est du harcèlement ». Parce qu'une personne
extérieure peut percevoir les choses d'une manière
différente par rapport aux personnes concernées.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Il y a forcément un lien, il y aura toujours un peu un
lien, c'est toujours l'image de la femme dans les jeux vidéo. Tout
dépend de l'époque mais si on prend l'exemple des premiers Lara
Croft, la mentalité des gens n'était pas aussi ouverte avant de
par rapport à maintenant. La femme on cherche plus à la montrer,
il faut arrêter à la faire passer pour un produit ou un objet, il
faut arrêter de croire que c'est une créature fragile.
Dans le jeux vidéo ils cherchent à montrer
qu'une femme peut être aussi bien qu'un homme, qu'elle n'a pas besoin
d'un homme pour vivre pour tenter de casser ce harcèlement et montrer
que les femmes peuvent être des guerrières et qu'elles savent se
défendre et se débrouiller.
216 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Et au niveau du monde du travail, je ne pense pas qu'il y
aurait de corrélation, c'est le monde du travail donc ils sont
sensés accepter tout type de profils aussi bien homme ou femme. Tout
dépend de la personne qui recrute, qui est en face de nous.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui bien entendu, les hommes peuvent aider à changer
cela. Tout dépend de l'esprit de chacun, ceux qui n'ont pas
été trop abimés par le côté de la femme objet
pourront aider à améliorer l'image de la femme de par le jeu
vidéo qui est un système de communication. Cela peut passer par
des campagnes de sensibilisation, en étant ou en s'associant avec
d'autres femmes, en cherchant à comprendre le vécu de certaines
pour réfléchir à comment arrêter ou freiner ces
idées reçues qu'on peut avoir sur la femme.
Même maintenant quand on voit Ellie dans The Last of Us.
Je ne sais pas s'ils cherchaient vraiment à mettre en avant la femme
indépendante, qui n'a besoin de personne mais ça peut aider
à stopper ces idées qu'on peut avoir sur la femme. Même
nous en tant que simples joueurs à petite échelle on peut avoir
une action à notre échelle notamment avec des associations.
Annexe 15 - Retranscription entretien Mr Smith
(Entreprise de jeux vidéo)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Ça fait 15 ans que je suis dans le jeu vidéo,
j'ai fait 8 années chez CD Project, j'ai géré plusieurs
sociétés pour eux parce qu'au-delà de The Witcher il y a
plusieurs sociétés dans le groupe. J'ai dirigé leur
plateforme de distribution, j'ai établi leur bureau US.
J'ai rejoint mon entreprise il y a un peu plus de 6 ans pour
bâtir le bureau parisien parce qu'il n'y avait pas de bureaux locaux, il
n'y avait qu'un bureau à Berlin qui s'occupait de toute l'Europe.
Aujourd'hui on a non seulement des bureaux locaux mais surtout on n'a plus
seulement un jeu mais on est passé de 1 à 5 jeux donc mon
rôle aujourd'hui c'est stratégie, recrutement, aider les
équipes à aller dans le même sens, faire des arbitrages, il
y a beaucoup d'opérationnel, de coordination des équipes
etc...
217 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Le bureau a pour fonction principale de satisfaire les joueurs
actuels, leur faire plaisir parce que certains sont devenus parents donc il
faut savoir rester attractifs pour eux, trouver de nouveaux joueurs, rester
attractifs pour les plus jeunes. Pour faire cela on développe la
scène compétitive française et au Benelux surtout sur
League of Legends mais on se lance de plus en plus dans Valorant. On
gère notamment l'Open Tour, la Grosse League, la LFL etc.
A titre personnel, je joue depuis plus de 30 ans et
aujourd'hui avec mes responsabilités j'ai de moins en moins de temps
donc je joue principalement à deux jeux qui sont Valorant et Brawl Stars
sur mobile. Je touche à des jeux solos sur Steam mais j'ai peu de
temps.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je pense que ça l'a longtemps été, si on
prend le sujet de la femme en particulier, les femmes ont tristement toujours
été sexualisés. Dans le marketing au sens large, que ce
soit dans la musique ou la mode les femmes sont toujours
représentées de façon sexualisée. Dans les
années 90-2000 il y a énormément de jeux où la
femme était dépeinte d'une manière sexualisée.
Aujourd'hui je pense qu'il y a une réelle prise de conscience qui se
passe, il y a de plus en plus de jeux avec des femmes en tant que rôle
modèle notamment Horizon ou Tomb Raider. La femme peut aussi être
forte, peut avoir du leadership, on est bien loin du cliché
véhiculé pendant de nombreuses années. Je pense qu'il y a
un pivot qui est en train d'avoir lieu, est ce qu'on est parfaitement là
où il faudrait être je ne pense pas encore.
Je pense qu'il y a une vraie prise de conscience aujourd'hui
qu'il faut sortir des clichés qu'ils soient masculins ou
féminins. Après c'est à chacun de s'approprier le
héros comme il le souhaite et de ne pas forcément le ranger dans
des cases fermées.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Il y a une constatation claire c'est que l'esport n'est pas
une discipline mixte. Au contraire de nombre de sports traditionnels, l'esport
a un avantage c'est qu'il n'y a pas la différence de puissance physique.
C'est quelque chose qui devrait être mixte et diversifié par
définition parce qu'on s'affranchit de certaines barrières
physiques mais malgré ça, l'esport n'est pas encore mixte.
Aujourd'hui on voit beaucoup les hommes mais pas assez les femmes.
218 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Les équipes notamment sur League of Legends sont
censées être mixtes mais ce n'est pas le cas. Alors pourquoi c'est
un vaste débat, on rentre dans un débat qui est aussi bien
sociétal, que propre aux entreprises. Il faudrait demander aux
équipes ce qu'elles en pensent.
Moi personnellement j'aimerais beaucoup voir une équipe
mixte parce qu'il y a vraiment quelque chose à faire. Un homme et une
femme ont les mêmes compétences.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Sur le papier ça devrait l'être, après
dans la réalité il y a forcément des dérives, les
femmes sont stigmatisées, dans les jeux mais ça s'applique aussi
à la vie de tous les jours.
Les hommes aussi sont victimes de toxicité mais je
pense que ça n'est pas le même type. Un homme se fait critiquer
sur notre incapacité à performer, sur son niveau de jeu alors que
les femmes c'est bien plus sur le sexe plutôt que sur son manque de
compétence. Cela touche bien plus le personnel puisque ça touche
au caractère sexuel, cela porte vraiment sur tout ce qui attrait
à l'existence, à l'identité même d'une personne.
5- Que pensez-vous des ligues féminines
Je suis un peu confus sur ces ligues, ce que je trouve positif
c'est que ça mets en avant les femmes mais je me demande si
ghettoïser un sexe permet vraiment de soutenir l'objectif final qui est de
créer de la mixité. En mettant les gens à part on ne
crée justement pas du tout de mixité. Ça a au moins le
mérite d'alimenter le débat puisque c'est un débat
très sain qu'il faut avoir.
J'espère qu'à terme on va s'orienter vers une
vraie forme de mixité. Après dans un monde idéal je
préférerai largement qu'on ait aujourd'hui des équipes
mixtes. Au moins on peut commencer par quelque chose, ça mets le
débat sur le devant de la scène.
Tout ce qui est des sponsors c'est inhérent aux viewers
donc la vraie question c'est de savoir si une ligue féminine peut
attirer autant de viewers qu'une ligue masculine. Dans un monde où la
majorité des viewers il va falloir convaincre les hommes que la plupart
des biais qu'ils peuvent avoir n'ont pas lieu d'être. Il y a un
véritable travail d'éducation à faire. La partie qui pense
que seuls les hommes peuvent performer ce qui est une bêtise, il faut
leur enlever ça de la tête mais c'est un travail en fil rouge de
longue haleine.
219 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
6- Et des associations comme WIG ?
Elles contribuent bien entendu. La vraie opportunité
qu'elles ont c'est de mettre en avant la mixité, c'est très
important, on a besoin de ça. Après elles ne peuvent pas se
substituer aux parents, ça commence au berceau. Elles peuvent
sensibiliser, défaire des mécanismes mentaux, des idées
arrêtées que certaines personnes peuvent avoir. Mais le travail de
fond vient des parents.
7- Pourquoi c'est souvent sur LoL qu'il y a ce plus gros
problème de sous considération de la femme ?
Je ne pense pas que ça soir spécifique à
League of Legends. Il y a eu des problèmes sur Overwatch, sur Valorant,
sur n'importe quel jeu on peut trouver des exemples dans la presse de ce genre
d'affaires. Sur Valorant il y a eu une volonté plus affirmée
dès le début d'encourager le jeu en équipe et l'inclusion
qui immunise plus le jeu mais ça n'empêche pas qu'il y ait eu des
choses dommageables qui ont circulé sur les réseaux sociaux.
Le problème de League of Legends c'est que c'est le
plus gros jeu pc au monde, donc c'est aussi le jeu qui est le plus sous le feu
des projecteurs. Par conséquent dès qu'il y a un problème
tout le monde en parle et tout le monde est au courant. Si toutes les
caméras sont braquées sur League of Legends forcément on
va en entendre parler. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
problèmes ailleurs simplement que c'est des jeux qui sont moins
scrutés. Pour Valorant on capitalise sur des années
d'apprentissage de League of Legends qui nous ont permis de comprendre les
forces et les faiblesses du produit.
Sur League of Legends, on a pris plusieurs approches. Au
début, on avait un tribunal dans le jeu donc c'était vraiment une
approche punitive et maintenant une approche plus éducationnelle
où on encourage les bons comportements. Je ne pense pas qu'il y ait un
seul éditeur capable de dire qu'il a produit un jeu où tout le
monde s'aime, tout le monde se respecte.
C'est peut-être mieux que 10 ans en arrière,
quand c'était un jeu purement masculin, dans un garage avec un clan de
bonhommes dans une caverne. C'est peut-être plus
démocratisé aujourd'hui mais pas parfait. Par exemple, ma
mère joue à Farmville 2 depuis 10 ans, elle est devenue
numéro 1 au monde et même là-dedans il y a des gros
exemples de toxicité soit d'elle qui déverse de la colère
sur d'autres joueurs soit d'autres joueurs sur elle. Vraiment un jeu
où
220 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
tout se passe bien je ne l'ai toujours pas vu.
8- Quel est l'impact des expériences IRL en dehors
du jeu, des discords sur les comportements ?
La multiplicité d'expériences IRL pour se voir
ou de channels pour se connaitre c'est pour fédérer une
communauté, c'est sensé connecter les gens, trouver des gens avec
qui jouer. Si on fait ça c'est pour faire de la transmission
générationnelle, que les gens se connaissent, se fassent des
amis.
C'est l'espoir qu'on a. Quiconque se pointe à un event
IRL et vient avec ses visions sexistes ou ses idées
arrêtées, on ne peut pas savoir ou prévoir comment il ou
elle va se comporter.
9- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Je ne suis pas assez renseigné pour avoir une
réponse claire et nette au niveau scientifique. A titre personnel j'ai
aussi été victime de toxicité, alors une fois de plus pas
du tout de la même nature que ce qu'une femme peut recevoir. Une femme si
elle performe mal c'est parce que c'est une femme, si moi je performe mal c'est
parce que je suis mauvais et non pas parce que je suis un homme.
Il y a des biais dans les formes de harcèlement, c'est
très orienté, c'est inévitable. Le problème est
sociétal, c'est quelque chose qui commence très tôt,
dès l'enfance. On peut essayer d'améliorer certaines choses mais
on ne peut pas rééduquer une personne qui a des mauvaises
habitudes depuis plusieurs années.
Je suis convaincu de la puissance de l'anonymat. J'ai
découvert Internet il y a bien longtemps, bien avant les discords,
Facebook. J'ai vu la puissance de l'anonymat, chacun fait son rebelle
derrière son écran, on n'est ni responsable de ses propos ni de
ses actes, sous prétexte qu'on est derrière son écran on
pense que c'est digital et donc qu'il n'y a plus de sentiments, qu'il n'y a pas
de douleur. Alors que blesser quelqu'un dans le digital ça crée
des conséquences réelles. L'anonymat est devenu une arme, c'est
un véritable problème, un jour il faudra légiférer
là-dessus. Si on part du principe que le monde physique et le monde
digital ne font qu'un, dans le monde physique si je vais insulter quelqu'un en
physique il y a des conséquences, en ligne je
221 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
devrai être tout autant responsable. Si on va dire une
chose affreuse à quelqu'un en ligne on doit en être tenu
responsable.
Le problème du digital c'est que c'est exponentiel, ces
problèmes sont beaucoup plus visibles, beaucoup plus viraux que dans la
vie réelle. Si demain je me comporte comme un goujat dans un bar, il va
y avoir 30 clients outrés et sur les réseaux on va parler de
centaines ou de milliers si le tweet perce.
Il y a des tas d'études qui montrent qu'aujourd'hui les
gamins sont nés avec le digital, qu'ils baignent dedans. Et maintenant
le problème c'est que les enfants qui sont trop dans le digital
développent des troubles du comportement, des formes d'autisme. Donc
forcément ça engendre de vrais problème au niveau des
interactions dans le monde physique, gestion du conflit, respect des autres.
Il y a des vraies conséquences du digital sur le
comportement des personnes. Je pense que ça a aussi une influence sur
toutes ces dérives parce que quelqu'un qui baigne dans le digital et qui
vit dans l'illusion que c'est factice sont incapable de se rendre compte qu'il
y a des conséquences réelles, concrètes sur la vie
réelle. Ils ne se rendent pas compte que derrière l'écran
il y a des vraies personnes. Il faut sensibiliser les enfants au digital, au
temps d'écran et à la limite entre le digital et la
réalité.
10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Je pense que c'est bien plus large que le jeux vidéo.
La femme a longtemps été positionnée comme un objet de
désir, comme un objet sexuel. C'est un parti qui a été
pris par certains jeux, par le monde de la musique, de la mode. Tristement
ça crée une vision biaisée pour beaucoup de
garçons, pour des filles qui ont pris cela comme un rôle
modèle alors qu'il y en a d'autres mais qui sont moins mises en avant
parce que ça fait moins de buzz, que c'est moins sur le devant de la
scène.
J'espère que les réseaux sociaux pourront aider
à mettre en avant ces femmes et ces hommes qui font un boulot
très inspirant pour les enfants de ce monde. Je ne pense pas que ce
soit
L'image de la femme dans les jeux vidéo
spécifique aux jeux vidéo. Je ne pense que dans
Dead or Alive malgré le fait qu'il y ait des femmes
dénudées, juste à cause de ce jeu-là on va
percevoir les femmes comme un objet sexuel et lui manquer de respect. C'est
devenu du sexisme ordinaire avec une addition de biais. Je ne pense pas qu'une
seule partie dans un jeu puisse dicter l'opinion sur un jeu je pense que c'est
la récurrence sexiste dans le jeu, à la télé qui
forme l'opinion.
11- Quel est votre avis sur les streameuses et notamment les
hot tub ?
Par nature les réseaux sociaux sont très
polarisants, c'est noir ou blanc, soit du drama soit de l'amour, on est
toujours dans une vision très manichéenne. Il n'y a pas de zones
grises. En partant de ce cadre-là on se focalise sur des extrêmes.
On est dans une société d'images, de buzz, il y a des raccourcis
qui sont faits pour créer du buzz.
On voit des choses assez dingues, avec les personnes qui
vendent leur sous-vêtements ou leurs pets à plusieurs centaines
d'euros c'est certain qu'il y a des dérives. Je préfère
suivre le media positif sur Twitter que les dramas, les trashtalk. Je vieillis
aussi donc on est de moins en moins tolérant avec la
médiocrité. Le sens critique ne fait pas de bien, malheureusement
c'est le principe de l'offre et de la demande. Sur les lives de ces filles dans
leurs piscines, parmi ceux qui critiquent il y a forcément ceux qui
regardent, il faut se demander aussi pourquoi on critique tout en acceptant.
12- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Très clairement mais ça remonte à la
Grèce Antique et au-delà, quand on voit la plupart des bustes il
y avait toujours un sein qui ressortait, ça fait malheureusement des
milliers d'années que c'est comme ça donc oui c'est clairement un
argument marketing.
Il suffit de voir les thumbnails des vidéos YouTube
c'est des fesses ou une poitrine alors que la vidéo n'a rien à
voir derrière. Sur la vidéo de 10 minutes ça va
n'apparaitre même pas une seconde mais c'est ça qui va être
mis en avant parce que ça fait des clics, parce que ça attire le
regard.
222 / 291
Dans l'inconscient commun, la femme c'est un objet de
désir. Il y a des boites qui en jouent,
L'image de la femme dans les jeux vidéo
des influenceurs qui en jouent, il suffit de voir les pubs qui
tournent sur internet, comment on est targeté. Quand on va dans les
trends sur Instagram tout ce qu'il y a c'est des filles jeunes dont les
attributs sont mis en avant parce que c'est la société.
Le monde s'articule en partie autour de ça.
Heureusement qu'il y a des débats là-dessus, sur Miss France, sur
la place des femmes dans les jeux, on a besoin de ces
débats-là.
13- Est-ce que c'est quelque chose qu'on peut observer aussi
chez Riot ?
C'est dur à dire parce que la vraie question c'est de
savoir si les membres virtuels du groupe KDA sont vraiment sexualisés,
qu'est-ce l'hyper sexualisation ? Je pense que chacun à sa propre grille
de lecture, je ne sais pas si on peut vraiment considérés ces
personnages là comme vraiment trop sexualisés.
Il y a une réalité concrète, le segment
métal de Pentakill est moins aimé que la pop ou le rap ce qui
explique surtout le différentiel de chiffres, il y a vraiment un cap
très net sur les personnes qu'on va atteindre. Ça a aussi un
côté moins inclusif qui peut faire un peu peur alors que la K Pop
est un plus rassembleur.
Je ne sais pas si c'est vraiment le fait que ce soit des
femmes qui vient justifier du succès de KDA ou bien le genre musical
choisi. Pour le savoir il faudrait faire un groupe de K-Pop masculin et
là on aurait vraiment le vrai retour. Avec Arcane, Riot est passé
dans le monde de l'entertainment, et il vaut mieux mettre un euro sur la K Pop
et le rap, il y a beaucoup plus de potentiel, c'est beaucoup
fédérateur. On mise sur les genres qui sont en vogue et qui
plaisent à tout le monde.
C'est très compliqué parce que chez Riot il y a
eu plusieurs scandales aussi, si je me mets à la place de
l'équipe en charge de la création des personnages, si tu
crées un monstre masculin on va dire que c'est une caricature, qu'on
représente tous les hommes comme des monstres et si c'est une femme on
va clamer qu'on range les femmes dans la mauvaise catégorie. Je pense
qu'il y a un avant après Kotaku chez Riot. Si un designer doit faire un
monstre je pense qu'il va y réfléchir à deux fois.
223 / 291
Quand on prend l'exemple de Resident Evil, comme le jeu avait
lieu en Afrique, les zombies
224 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
étaient noirs et ça avait fait débat sur
ce que faisait Capcom, sur le message sous-jacent qui incitait à penser
que tous les noirs sont des monstres etc...
Aujourd'hui il faut ne réfléchir même pas
2 fois mais à 10 fois avant de créer quelque chose. Surtout les
grosses entreprises on est attendues au tournant plus que toutes les autres.
C'est à se demander si la sur abondance de champions féminins
c'est pas juste parce que inconsciemment on veut remettre le curseur au milieu
et tendre vers un 50/50.
Il suffit d'une personne qui fait un tweet qui détruit
le champion et tourne cela de manière choquante et offensante pour les
noirs, les LGBT ou n'importe quelle minorité pour que ça vienne
vraiment détruire l'entreprise. Ce monde change de nuance et de sens
critique, c'est très polarisant et très clivant. C'est de plus en
plus compliqué de faire preuve de sensibilité. C'est ça
qui est triste, les gens veulent de l'inclusion mais raffolent des
extrêmes sur les réseaux sociaux.
14- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Je pense que déjà il y a un précepte de
base qui est que « chacun est libre de disposer de son corps » donc
ne pas caricaturer la femme, les laisser faire ce qu'elles veulent, s'habiller
comme elles veulent, leurs motivations. Côté homme il y a un
effort d'empathie, de compréhension à faire. Côté
femme comme homme on doit avoir le droit de faire ce qu'on veut mais en
même temps en temps que femme il faut aussi faire attention et ne pas
jouer avec le feu parce qu'il suffit d'une ou deux pour discréditer une
armée de rôle model qui se battent pour la place de la femme. Il a
suffi de quelques streameuses dans leur piscine ou qui vendent leurs pets pour
enlever tout crédits aux femmes qui se battent pour la cause.
Les femmes devraient être libres mais sans tomber dans
le graveleux tandis que l'homme devrait plus chercher à comprendre la
femme.
Annexe 16 - Retranscription entretien Julie Bonnecarrere
(Directrice générale de Northern Light Entertainment)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
225 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je suis à la fois joueuse et je bosse dans l'industrie.
J'ai créé un studio qui s'appelle Northern Light Entertainment en
octobre 2018 avec la volonté de développer Nebulae qui est un jeu
de stratégie politique massivement multijoueur en temps réel sur
mobile où les joueurs gèrent collectivement une galaxie
menacée. Je suis directrice générale et j'occupe plusieurs
rôles avec au premier rang celui de producer et je suis très
impliquée dans le game design, la direction artistique et la
communication du studio.
Avec mon associé, on s'était amusé
à calculer le temps qu'on a passé à jouer dans notre vie,
on est arrivé à un total de 35000 heures dans notre vie, c'est
quand même 6 fois le temps passé sur les bancs de
l'université. Sur une très longue période on était
très limité par les restrictions parentales donc au final ces
heures se multiplient plus on vieillit.
Tout ça pour dire que je me suis retrouvée
à travailler dans les jeux vidéo parce que j'aime jouer, j'aime
les jeux. J'ai rencontré mon associé en 2014 en échange
universitaire à Hong Kong. Quand on s'est rencontré il jouait
à League of Legends, je l'ai rejoint pour jouer et c'est comme ça
qu'on s'est rapproché. A cette époque il y avait un cadre
très particulier à Hong Kong parce que c'était le
début des Umbrella Revolution donc on a eu beaucoup de moments de jeux
et de débats politiques.
Il m'a recontacté des années après parce
qu'il faisait un projet pour un cours qui mêlait politique et jeux
vidéo, je lui ai fait un feedback mais j'ai tellement aimé
l'idée que je lui ai proposé de faire vraiment quelque chose de
cette idée. On faisait ça sur notre temps personnel, ça a
commencé comme un hobby. Arrivé à un moment on ne pouvait
plus faire ça en parallèle, il fallait passer au recrutement, au
développement, à la confrontation au public. On a monté
l'entreprise autour de ce projet assez large qui a pour but de faire d'autres
jeux toujours sous ces thématiques à réflexion.
Notre tagline c'est « Entertain, engage, empower »,
on a le côté engage parce que le but c'est de ne pas se voiler la
face et traiter les sujets de société de manière
réaliste et se saisir des problématiques du réel pour
raconter une histoire. Empower pour donner la possibilité d'agir et de
dépasser ce qui fait que dans le monde réel on n'agirait pas.
Dans notre jeu, on n'a pas besoin de remplir tous les critères si on
veut être candidat à la présidentielle. On peut
s'intéresser à n'importe quel sujet sans être contraint par
les limites de la vie réelle. C'est une manière de pousser la
réflexion sur le sujet mais on n'est pas un jeu didactique pour autant.
Si les joueurs
226 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
veulent passer à un État totalitaire ils le
peuvent, s'ils veulent laisser leur galaxie se faire détruire ils
peuvent mais ils devront jouer avec les conséquences de leur choix.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
C'est une question qui est traitre dans le sens où le
marché des jeux vidéo est énorme avec tellement de jeux,
de studios, d'acteurs qu'évidemment il y en a qui le sont, d'autres
moins.
Ce que j'aimerais qu'on se fixe comme balise c'est qu'on
(nous, notre studio et d'autres acteurs de manière
généralisée) amène des visions moins
sexualisées. Alors pas qu'il n'y en ait plus du tout mais qu'il y ait
quelque chose de plus varié, qu'on en a aussi du côté
masculin, que les jeux proposent différentes visions de la
sexualité, quelque chose de moins stéréotypé.
C'est comme dans le cinéma, il y a des films où
on va sexualiser des personnages masculins ou féminins mais ça
fait partie de l'esthétique du film et on sait qu'on va voir cela des
deux côtés et que ce n'est pas une version qui va juste
détruire l'image du personnage féminin. Evidemment il y en a
où c'est le cas mais le but c'est de généraliser cela, on
ne veut pas que ça soit réduit seulement au personnage
féminin si c'est conservé et de l'autre côté c'est
de dire « on n'a pas envie qu'il y ait que ça » parce
qu'on a aussi envie de pouvoir profiter du film sans avoir que des plans sur
des parties intimes en permanence ou des mouvements sexy.
Women In Games avait fait un montage assez folklorique en
prenant une série de jeu pour lesquels ils ont appliqué les
animations des personnages féminins sur les personnages masculins. Ils
l'ont fait avec Batman, avec des personnages de Street Fighter, il y avait 6 ou
7 références de mémoire. On se rend compte que c'est une
exagération monstrueuse, on le sait déjà de base mais
quand on le voit sur les personnages masculins c'est impressionnant, ça
saute encore plus aux yeux. Alors que quand on fait l'inverse c'est juste
normal, on arrive à un personnage qui se déhanche ou qui marche
normalement. Je n'ai pas de problème qu'il y ait des jeux qui racontent
une expérience over sexualisé mais pas que cela constitue
l'intégralité du marché.
On n'a pas besoin de tout lisser entièrement parce que
la richesse du jeu vidéo c'est aussi sa diversité. Mais
aujourd'hui sa diversité du point de vue du traitement des personnages
féminins penche encore trop dans l'hyper-sexualisation et c'est
dommage.
227 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Pour moi il y a la sexualisation dans la manière de
présenter un personnage, dans la manière de présenter un
dialogue, de faire un cadrage de caméra. Et ensuite il y a le gameplay
lui-même. On arrive sur un champ qui est celui de la morale. Les jeux ne
sont pas faits pour être moraux, on a des jeux de tir etc mais pour moi
avec un jeu comme Rape Day on arrive sur quelque chose de honteux et à
partir de là ça n'a pas sa place. C'est honteux d'envisager de
proposer un jeu comme cela.
On a personne pour nous dire qu'une victime d'une attaque ou
d'une fusillade n'est pas une victime et qu'elle l'a bien cherché. Il
n'y a pas de questions de société sur le fait que l'acte est un
crime, tout le monde le sait, il n'y a pas de question sur le statut de la
victime.
Pour le viol on en est pas encore là, le statut de
victime est parfois tourné en dérision, il est nié, c'est
difficile de faire entendre raison, de déposer plainte, de se faire
entendre. On n'a pas besoin de créer un produit culturel qui font de
cette pratique un jeu alors qu'il y a déjà
énormément de choses qui sont très difficiles du
côté des victimes pour se faire entendre, comprendre et
reconnaitre. Effectivement à partir du moment où on autorise des
jeux sur le meurtre on pourrait autoriser des jeux qui portent sur n'importe
quel crime mais je pense qu'on est sur quelque chose qui est encore trop sujet
à débat, trop peu considéré.
J'essaie de rationnaliser parce que je n'y ai jamais
réfléchi mais je pense que c'est ça la raison qui fait que
pour moi c'est une honte de proposer un jeu pareil. On sait qu'un meurtre est
un crime, on sait que ça va être puni, pour un viol on le sait
mais il faut le dire encore et encore.
Il y a aussi le fait que des jeux comme League of Legends, oui
on tue des gens mais rien n'est définitif, on respawn, on est dans une
arène, on relance des games. C'est encore différent d'un jeu
comme GTA où là on peut faire les crimes qu'on veut et ce n'est
pas dans un cadre super fictif où c'est fantastique, peu
réaliste.
3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les
hommes et les femmes ?
Il suffit de regarder les chiffres, quand on voit les
statistiques il n'y a pas grand monde du côté féminin dans
les studios, on y est pas encore, on voit bien qu'il y a un petit
problème. Ça devrait l'être parce que quand on regarde au
niveau des joueurs c'est quand même presque paritaire donc il n'y a pas
de raison que dans les studios on soit autant à la traine.
Il y a plusieurs choses, il y a le fait que ce n'est pas que
propre au monde du jeu vidéo. C'est
228 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
de la représentation sociale, c'est le fait de faire
perdurer des projections qu'on met sur des milieux, sur des genres où on
attend certains types d'études, certains de métiers de la part
des femmes alors que tout le monde devrait pouvoir faire ce qu'il veut.
Même si on est dans une famille qui va nous laisser
faire ce qu'on a envie de faire, il y a tout un tas de représentations
dans les films, les films qui nous donnent certaines références
qui font qu'on a plus de difficultés à se projeter vers des
métiers ou des industries techniques.
Quand on regarde au niveau des écoles on a aussi des
chiffres qui sont pas ceux des joueurs. Il y avait quelques écoles
parisiennes qui avait publié leurs ratios hommes/femmes et il y avait
environ 25% de femmes. Ça reste meilleur que les 20% de femmes dans
l'industrie en France et les 14% qu'on a aux USA actuellement, ça va
évoluer dans les écoles donc ça va pouvoir évoluer
dans l'industrie.
Il y a ce côté-là de la
représentation globale dans le jeu vidéo qui est un
problème sociétal transverse qui touche tous les domaines. Il y a
aussi le fait que quand on a des studios qui ont été
montés il y a un certain nombre d'années, qui sont dirigés
par des hommes, où tous les posts de lead sont occupés par des
hommes et que quand on recrute on a un biais naturel de recruter des personnes
dans lesquelles on se retrouve et avec lesquelles on sait qu'on va pouvoir
travailler, on va recruter des hommes.
J'ai envie de croire qu'il n'y a pas un biais toujours
conscient dans le fait de recruter toujours des hommes. Je me dis qu'il y a une
grosse part d'inconscient parce qu'on se projette dans la manière de
travailler avec les gens et qu'on a plus de facilité à travailler
avec homme si on est un homme aussi à la base. C'est inconscient mais
ça va participer au jugement. Il y a une deuxième chose c'est
qu'il peut aussi y avoir un biais sexiste de se dire qu'une femme peut partir
en congé maternité, que ce n'est pas pratique, qu'il y a un
cout... J'espère que ce n'est pas la raison principale mais peut
être que ça rentre en compte. Et le dernier point c'est que ce
n'est pas que dans le gaming mais c'est quelque chose qu'on entend beaucoup
dans le monde de la tech, c'est des gens qui disent « c'est difficile de
trouver des bonnes candidates, du coup on prend des hommes parce qu'ils sont
meilleurs ».
Nous dans notre studio on a la quasi parité, on s'est
dit dès le départ qu'on voulait une équipe qui nous
ressemble, donc on voulait recruter avec une diversité en terme de
genre, d'origine et
229 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
on s'est fixé une règle qui était de dire
que tant qu'on a pas interrogé 5 ou 6 candidats des deux genres, on
s'oblige à ne pas donner de réponses. On fait l'effort de se
laisser le temps de voir des candidates dans un nombre suffisant en fonction
des postes.
Il y a des femmes dans la tech, mais beaucoup qui changent de
boulot parce qu'elles font face à des conditions de travail qui ne sont
pas optimales, où il y a beaucoup de sexisme. Il y a du flux de talent,
donc dire qu'il n'y a pas de bonnes candidates c'est un mensonge, il faut juste
prendre le temps. C'est notre vision mais le terrain nous a donné
raison.
Il y a un candidat qu'on avait interviewé pour un poste
de stagiaire qui n'avait pas été retenu pour des raisons purement
tech et de localisation. En réalité cette personne n'a pas
accepté le retour qui a été fait, et il a contacté
mon associé (et non moi) pour se plaindre qu'on avait embauché
une femme à sa place et que c'était surement pour des raisons de
quotas, que c'était vraiment dommage et que le fait d'être
compétent ne faisait plus la différence. La personne avait eu une
liste de points d'amélioration potentiels mais ça ne lui
suffisait pas.
4- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Ça m'est déjà arrivé d'avoir des
insultes mais jamais sexistes, c'est des insultes basiques. J'ai un pseudo
neutre donc on ne peut pas savoir si je suis une femme ou un homme. Il y a des
jeux où on peut déclarer son genre comme Mobile Legends où
il y a carrément le petit sigle donc les gens peuvent savoir mais je
n'ai jamais eu d'insultes liées spécifiquement au fait
d'être une femme. J'en ai eu dans LoL qui dénigraient un
personnage féminin que j'avais pris mais sans que le joueur sache que
j'étais une femme.
J'ai l'impression que toutes les personnes à qui j'ai
demandé si elles ont déjà fait face à du sexisme,
m'ont toutes répondu oui. Donc peut être que ça m'est
arrivé mais quand je joue je suis assez focus donc je ne l'ai jamais
ressenti et en tout cas je n'en ai jamais souffert.
C'était une question qu'on s'était posé
avec mon associé, pas tellement dans le jeu mais plutôt dans la
partie investissement puisque quand tu es une femme dans la tech c'est
très dur de lever de l'argent. Il y a 2% des investissements en start up
qui sont fait dans des start up fondées ou co-fondées par des
femmes. Alors qu'on a 10% de boites fondées par des femmes. Alors certes
ce n'est pas 50% mais entre 2 et 10 il y a quand même un fossé.
Donc déjà que quand tu es une
230 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
femme qui bosse dans les studios c'est compliqué mais
quad on est en plus dans de la création d'entreprise il y a ce
problème en plus qui vient se greffer.
On n'a jamais eu de feeling pendant nos levées de
comportement négatifs liés à la présence d'une
femme dans l'équipe dirigeante. On avait peur de ça et on a
été très positivement surpris.
5- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Je pense que c'est totalement un choix volontaire. Pour nous
c'est compliqué de faire cela, étant donné que c'est que
des aliens qui n'ont pas de corps humanoïdes.
C'est quelque chose qui a lieu, je ne sais pas si c'est une
autorisation ou si c'est que les gens le font, en tout cas c'est sûr que
les gens le font, mais ça découle aussi de la façon dont
est traité le personnage dans le jeu. Quand on a un personnage qu'on
suit, qui n'a pas de cape, un petit short et la coupure de la caméra se
fait à mi-cuisse, au final si l'outil marketing s'en sert c'est en
venant simplement refléter la réalité du jeu.
Donc plus que le marketing, le problème vient de la
représentation en jeu. Le marketing en découle, on ne fait pas
une promesse fondamentalement différente de ce qu'on offre dans le
jeu.
6- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
La première chose c'est multiplier les
représentations des personnages féminins pour que s'il reste des
représentations sexualisées cela soit une représentation
parmi d'autres. Il faut des personnages féminins badass pour
reléguer au second plan la représentation hyper sexualisée
et pour qu'elle ne soit plus la seule qui est à disposition. Il y a
déjà des personnages comme ça qui sont disponibles mais
c'est encore une trop petite partie.
On parlait des représentations dans les studios, je
pense que la nature des jeux proposés vient aussi des gens qui les
créent et les proposent donc si on avait plus de femmes dans les studios
à des postes décisionnaires on aurait des représentations
qui évolueraient.
231 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Si on se donne pour objectif d'aller vers quelque chose de
plus stéréotypé et assez peu moderne dans la
représentation de la femme il faudrait au moins surveiller et
modérer les propos de la communauté quand c'est en ligne pour
éviter des dérives sexistes qui interviennent.
Il y a la représentation et faire en sorte que la
liberté d'expression des joueurs ne vienne pas heurter les joueuses qui
sont là, qui ne vont rien dire. C'est ce problème d'adopter un
nom neutre, un personnage neutre pour ne pas se faire emmerder. Ce n'est pas
forcément ce que j'ai fait, personnellement j'ai volé le pseudo
de mon frère mais le résultat est le même : comme j'ai un
pseudo neutre je ne me fais pas embêter.
Il y a des initiatives émergentes comme Gaming Squad,
c'est une start up incubée qui a mis en place un algorithme qui permet
d'avoir un safe space pour déterminer les comportements qui heurtent et
pour ne pas y être confronté lors de son expérience de
joueur. Nous c'est vraiment quelque chose qu'on regarde avec attention, parce
que même si on a des aliens on ne veut surtout pas laisser la porte
ouverte à ce genre de dérive. Et là on parle de sexisme
mais il y a aussi cette question-là d'un point de vue politique, de
racisme...
7- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?
Là on parle de ce qui ne va pas mais on a quand
même fait énormément de progrès, il faut aussi
regarder ce qui va bien et qui part dans la bonne. C'est encourageant.
Annexe 17- Retranscription entretien Amandine Paccou
(Rédactrice web et correctrice)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Je suis rédactrice web et correctrice, après
avoir été professeur de français. Je joue depuis toute
petite ; jeux console (PS1, Gamecube, Wii), jeux pc (Sims notamment). Puis au
lycée j'ai découvert League of Legends, j'y ai passé des
journées et des nuits entières ... Mais ce n'était rien
comparé à World of Warcraft, qui a dû me prendre une
année complète (Wow classic). Aujourd'hui, je joue toujours
à League, notamment à TFT et WOW. C'est pourquoi je souhaite me
spécialiser dans les jeux vidéo dans mon métier. Je
m'implique énormément dans les jeux dans lesquels je souhaite
« tryhard » (Lol, Wow), car je souhaite performer au maximum de mes
possibilités.
232 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je joue le plus à des MMORPG. Environ 4 heures par
jour, moins quand je travaille, plus le week-end. J'aime ce genre de jeux pour
l'aspect communautaire en premier lieu, mais aussi parce que j'aime
l'idée d'avoir mon propre personnage que je fais évoluer. Le
farming me plaît aussi. J'ai également pu apprendre à
très bon niveau l'anglais grâce à WOW.
Quant à TFT, j'adore l'aspect stratégique, et le
fait de ranker. Bien entendu, je joue aussi parce que je trouve cela
ludique.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui, prenons l'exemple de Lost Ark : les personnages
féminins ont tous une énorme poitrine et des hanches larges. On
ne peut modifier cela. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je
préfère cent fois mon personnage sur WOW que sur Lost Ark. Je
trouve que sur WOW, les personnages féminins sont « neutres »
(et donc, à mon sens, avec bien plus de charme).
3- De la même manière celui de l'esport
?
Pas vraiment, dans le sens où on ne voit que
très peu de femmes sur la scène e-sport (du moins pour les jeux
que je regarde). Par contre, je me demande quelle serait la réaction
d'une partie du public s'il y en avait plus ...
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Non, je pense que de manière générale
(des exceptions existent), les femmes sont considérées comme
étant moins bonnes dans les jeux vidéo que les hommes, de ce fait
elles sont moins prises au sérieux.
Je ne connais pas les ligues féminines ni les
associations comme WIG. Cependant, cela me fait penser que je trouve
l'idée de constituer des ligues professionnelles uniquement
destinées aux femmes, mauvaise ; en e-sport, la morphologie n'importe
pas. Pour la première fois, on pourrait avoir une discipline dans
laquelle hommes et femmes sont réellement sur un pied
d'égalité. Pourquoi alors se séparer ?
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
233 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
En règle générale, surement. Les autres
filles avec qui j'ai pu jouer n'avait pas forcément l'esprit aussi
compétitif que les hommes, mais cela dépend de chacun.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Oui. J'ai réagi comme dans la vraie vie, à
savoir que j'ignore. L'avantage c'est qu'in game, on peut aussi bloquer. Les
insultes étaient liées à ma nationalité, ou au fait
que je suis une fille. Les autres fois, c'est parce que j'avais vraiment troll
la personne en question.
Cependant, une fois un joueur a vraiment
dépassé les bornes, mes guildmates ont dû s'en mêler
pour qu'il cesse. Il m'en voulait d'être une fille, très
clairement, il avait même mis un post sur Reddit et payé en argent
réel pour me faire assassiner par un multiboxer mercenaire sur le jeu.
En fait, il ne supportait pas que certains guildmates soient très
tolérants avec moi en raid, par exemple si je devais AFK une ou deux
minutes (alors que pour les autres, ils râlaient. Il faut noter que ces
personnes étaient avant tout mes amis, donc je ne pense pas qu'il y
avait un réel traitement de faveur ...)
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Peut-être. En tout cas, c'est sûr que ça
n'aide pas. Je pense que ce problème n'est pas forcément
lié aux jeux, mais tout simplement à la société.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Difficile à dire, cela dépend de la
personnalité de chacun. Une de mes amies n'aurait jamais voulu «
tryharder » pour monter à haut niveau, mais moi j'aime bien, et il
y a un monde où j'aurais pu vouloir vraiment ne faire que ça.
9- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
234 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Oui, et ce partout. Je trouve ça à la fois risible
et triste. Oui c'est volontaire.
10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Certainement, à titre individuel, tout le monde
pourrait se comporter de manière à changer les mentalités
dans le bon sens. Les femmes devraient (en général) ne pas jouer
du fait qu'elles soient des femmes, parce que, entendons-nous, j'ai vu des tas
de gars se faire plumer IG parce qu'ils aimaient bien la fille. Les hommes
devraient se comporter normalement, à savoir ne pas faire de
différence de comportement face à un homme ou une femme.
Annexe 18 - Retranscription entretien Anthony
Gerontitis (Développeur software)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Bonjour, je m'appelle Anthony, 32 ans, originaire de Belgique.
Je suis développeur software pour une société de
consulting. Ma société de consulting est active dans l'esport et
j'y ai un rôle de manager où je gère un pôle qui
organise des tournois mensuels, par ce biais je suis membre d'un des groupes
dirigeants du club. A côté de cela, je suis joueur
compétitif dans plusieurs jeux et admin de plusieurs communautés
liées à ceux-ci (i.e. Return to Castle Wolfenstein,
Diabotical).
Le style que je préfère c'est les FPS, First
Person Shooter. Par semaine, je dois jouer 4-5h minimum environ. Avec le
travail et la reprise du présentiel, il m'est beaucoup plus complexe de
jouer régulièrement.
J'aime certains types de FPS, la catégorie FPS slow
avec spray control, style Valorant/CS:GO, ou les BR (Battle Royal), comme
PUBG/Fortnite, ce n'est pas mon truc. J'y joue également, mais plus pour
accompagner des amis qu'autre chose.
Pour mes préférences, on est donc sur du :
Quake, Warsow, Diabotical, pour les AFPS (Arena FPS, sous genre du type FPS),
et Return to Castle Wolfenstein, Enemy Territory : Wolfenstein, Dirty Bomb ou
Overwatch, pour les FPS. J'aime la nervosité, le fait d'être tout
le temps dedans, de devoir penser rapidement à plusieurs dizaines de
choses en même temps. L'intensité de ces
235 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
jeux est très élevée et la dose
d'adrénaline également
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Peu par rapport à d'autres domaines comme les clips
vidéos ou le cinéma mais il est certain que certains jeux en
profitent. Néanmoins, ils me semblent être une minorité.
Pour être honnête, jouant à peu de jeu AAA mais plutôt
à des multi-joueurs ou des jeux indé, je n'ai rien
remarqué de tel. Je ne vous cacherai pas que je ne regarde pas les skins
des personnages en détail pour voir.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Je ne pense pas qu'il soit sexualisant, on trouve peu de
décolleté dans les promotions de casters filles. Elles semblent
s'habiller comme elles le veulent, certaines prenant plus de plaisir que
d'autres à varier leurs tenues (i.e. Sjokz).
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Je pense qu'il faut diviser la question en deux, les joueuses
et les travailleuses dans l'esport.
Si on parle des travailleuses (cast, desk, etc..) : Pas moins
que ne l'est le sport, je dirai quand même plus. Certes, il y a encore
une forte véhémence venant du public lorsqu'une fille caste des
événements mais elles sont déjà un certain nombre,
et les mentalités commencent à changer. C'est autre chose que sur
les émissions de foot des plateaux télévisés
où le nombre de femme est ridiculement proche du néant.
Si on parle des joueuses : Je pense qu'à l'instar des
sports, l'argent dirige tout. Je pense que les ligues féminines sont une
bonne chose pour permettre à des femmes de s'exprimer. Comme
j'espère qu'un jour, des ligues vétérans verront le jour.
Je ne connais pas la WIG donc je ne saurai pas m'exprimer dessus.
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Une étude américaine sur les jeux vidéo
avait calculé que le temps de réaction moyen d'un
236 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
homme est légèrement plus rapide que celui d'une
femme, étude qui serait interdite en Europe pour des raisons
d'éthique. Cela n'a aucune incidence à l'échelle de notre
vie mais, au vu de la vitesse de réaction nécessaire dans
certains jeux vidéo, cela aurait un impact.
Je n'ai pas d'avis tranché sur cette étude car
il faut tenir compte du fait que le nombre de fille gameuse n'est pas
égal au nombre de garçon donc les chiffres peuvent être
faussés par un mauvais échantillon de population. La seule
réalité est que les équipes féminines pro de CS:GO
n'ont aucune chance contre des équipes masculines pro, même issues
hors du top 30 mondial, mais à nouveau, l'échantillon de
population peut avoir son effet. Je dirai néanmoins que ça ne
change rien pour 95% de la population, il n'y a aucune différence.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Insultes, harcèlements, oui bien sûr. Les gens
insultent quand ils perdent et qu'ils sont persuadés que c'est à
cause de toi, c'est triste mais il faut savoir l'encaisser et prendre cela avec
du recul. Lorsqu'on est organisateur de tournoi, on doit être prêt
à subir une forme d'harcèlement de la part de joueur
mécontent ou d'ami de joueur mécontent, notamment si ceux-ci sont
refusés à la compétition pour avoir un passé de
cheater.
Je ne cache pas que je réagis au cas par cas, il
m'arrive de répondre à l'agression par du cynisme, mais, dans la
plupart des cas, j'ignore la personne tout simplement. Rien ne peut leur faire
changer d'avis, c'est du temps perdu.
Je joue régulièrement avec des amies, je n'ai
jamais été témoin d'un moment où elles se sont
faites insultées ou harcelées mais je ne me permettrai pas d'en
conclure que cela n'est jamais arrivé.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Non, je pense que c'est plus primaire que ça. Dans le
cas d'agression, la personne est mécontente parce qu'elle perd, son
insulte partira de toute façon quel que soit le genre de la personne. Il
va juste adapter son vocabulaire s'il sait que c'est une fille.
237 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Les harcèlements, je pense plus qu'on est dans le
même problème que les dickpics. Des hommes qui pensent
séduire une fille par des moyens bizarres sur internet. C'est
peut-être lié au fait que certains geeks ont du mal avec les
relations humaines de base, en particulier avec la gente féminine et du
coup, ils pensent qu'il y a quelque chose de réciproque au fait qu'une
fille leur parle. J'ai dû mal à comprendre leur logique, vu que je
n'ai jamais agi de cette manière. Les jeux vidéo sont un terrain
de jeu, les joueurs sont des partenaires de jeu, cela s'est toujours
arrêté à cela dans ma tête, même si la
discussion a lieu sur Discord/IRC/Teamspeak.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?
Je ne pense pas. Le problème dans le monde
professionnel est plus que la société juge qu'une femme ne
connait de facto rien dans les choses dites « d'hommes » : foot,
mécanique, informatique, jeux vidéo, ...
Pour les sphères à niveau, ce n'est pas parce
qu'on veut qu'on peut. On a des limites physiques et psychologiques qui nous
empêcheront d'atteindre le haut niveau, quel que soit notre genre. Je
pense que l'échantillon de population féminine qui joue n'est pas
assez grand que pour avoir une équivalence actuellement ou arriver
à une conclusion quelconque.
9- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Oui, dans les pubs, notamment. Pas spécialement dans
les jeux vidéo, il me semble. On ne joue pas à un jeu parce qu'il
y a une belle femme, on joue à un jeu parce que le gameplay, l'histoire,
les mécaniques nous plaisent. Le reste est du bonus, comme dans les
Tekken. Je pense que le choix est volontaire. Pour attirer des gens, il faut
leur donner une image qui leur fait envie et le corps de la femme peut
être facilement instrumentalisé en ce sens. Ce que j'en pense ?
Que c'est triste. Je ne vois pas l'intérêt, je suis très
agnostique à ce genre de contenu.
10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Bien sûr. Il ne faut pas oublier que les jeunes sont
influençables et qu'ils écouteront plus
238 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
facilement ce que leur idole leur dit que leur parent. Si
s1mple, un des meilleurs joueurs de CS: GO au monde, leur dit qu'il faut
respecter les femmes et les laisser jouer, cela aura toujours plus d'impact que
si un politicien dit cela à la télévision. C'est en
utilisant ces figures iconiques du jeu vidéo ainsi qu'en s'attaquant
fortement aux gens qui refusent de voir les filles comme des égales
lorsqu'on parle de jeu vidéo qu'on arrivera à quelque chose de
mieux. Je pense que les icones et casters doivent reclaper les gens qui usent
de tels propos.
Je ne pense néanmoins pas qu'on éliminera les
insultes sexistes car elles ne sont que des insultes personnalisées
à l'interlocuteur, et ça ne changera pas.
Annexe 19 - Retranscription entretien Aymeric Simeon
(Journaliste high tech)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Aymeric Siméon, journaliste high tech depuis 15 ans,
spécialisé dans le gaming (et le hardware et inversement). Je
suis en reconversion professionnelle mais j'ai eu l'occasion de tester beaucoup
de jeux, de rencontrer énormément de personnalités aussi
bien locales qu'internationales du monde du JV, de m'impliquer et d'aider de
petites structures dans leurs efforts de communication et de
différenciation.
Je joue énormément à HearthStone, faute
de temps. Sinon je suis agnostique : il n'y a que les HOG qui me rebute. Et les
jeux de Foot. Je suis un grand fan des jeux de stratégie PC depuis...
mes jeunes années parce que ça me fait réfléchir,
et je suis un roliste papier donc les bons RPG JV passent aussi
généralement tous entre mes mains. Avec plus ou moins de
bonheur.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui, clairement. Le marché du JV est un marché
sexualisant de par la manière dont sont adressées certaines
campagnes, certains messages, les persona identifiés sont bien souvent
des hommes alors que les femmes jouent énormément. On a aussi
plus tendance à mettre des hommes ou des héros homme en
couverture de certains JV, à utiliser des hommes en héros
principaux, etc. A quand un GTA dont le personnage principal sera une femme
?
239 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3- De la même manière celui de l'esport
?
Oui aussi. Pourquoi n'y a-t-il pas de tournoi eSport type The
International avec des teams de joueuses ? Le mythe du jeu vidéo
réservé au garçon est le même que celui des
poupées pour les filles. Pas de bol, moi, en tant que mec, j'adorais
jouer aux Barbies.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Non, clairement pas. Différence de salaire, de
traitement, de considération. On a tous les bons clichés des
sociétés actuelles et antédiluviens. Les JV ne font pas
exception. Peu de femmes sont à des boards de grosses boîtes ou
dans des équipes de décision/production importantes. Toutefois,
pour connaître des sociétés où les femmes
représentent 70% de la population dont 80% du board, c'est parfois
difficile d'être un homme.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Je suis adhérent à WIG. Je suis le parcours des
afrogameuses. Je suis un fervent soutien des femmes dans le jeu vidéo et
un défenseur de la parité et de l'égalité des
chances.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
De mon oeil de male : les mecs prennent tous les jeux pour
des challenges perso à relever. Faut tout claquer pour faire reluire les
pecs et les biceps et flamber auprès des potes. Un truc de
mâle...
Les femmes, elles, auront plus tendances à le faire en
mode à la cool, on s'amuse, pas d'enjeu. Ce qui ne les empêchent
pas de platiner aussi. Je vis avec une gameuse depuis 15 ans, je vois bien
comment elle fonctionne : elle aime aller au bout, tout platiner, mais ne se
met pas la pression pour y arriver. Alors que moi, quand j'avais du temps pour
jouer, si. Tout le temps.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Bien entendu ! J'ai dirigé l'une des plus grosses
guildes de WoW sur Hyjal côté Horde et je m'en prenais plein la
tronche à longueur de journées. Dans ce cas précis, le
« genre » n'a rien
240 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
à voir les insultes que l'on peut prendre dans les
dents. C'est la teneur des insultes qui, bien souvent, change drastiquement
quand on sait que le personnage en face est piloté par une femme ou un
homme. Un mec se fera insulté, une femme rabaissée ou
insultée et rabaissée voire humiliée. J'ai dû
gérer des soucis de ce type dans WoW et les régler n'a pas
été simple du tout. Exclusion des membres de guilde pour
comportement déplacé etc.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Dans les années 90 début 2000, j'aurai
répondu oui, sans hésiter. Aujourd'hui, je serai bien moins
catégorique. Il y a une part de fantasme incarné par les
personnages féminins dans les jeux parce que bien souvent
créés par des hommes... notamment les JV japonais. Je pense
qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus de harcèlements et de
dérapages qui trouvent leur point de départ dans le streaming de
jeux vidéo et la manière dont peuvent se comporter les
communautés et les spectateurs.
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
Confère réponse du dessus. La femme
modélisée est bien souvent un fantasme ou une vision idyllique
que l'homme a du sexe opposé et dont il peut contrôler tous les
aspects dans le jeu qu'il crée. Avoir de vraies femmes qui gravitent
autour du processus de création pourraient casser le mythe. Concourir
contre des filles pourraient gêner certains hommes aussi, se faire battre
par elles... aie aie aie. L'égo n'y survivrait pas et la
virilité, aussi. Et pourtant je suis pour la mixité dans les
teams eSport pour les FPS et les MOBA.
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
De tout temps cela a été le cas. Etant marketeur
depuis peu, je peux tout à fait affirmer que les corps d'une femme sont
généralement plus vendeurs parce qu'incarnant la beauté,
la féminité, la douceur, le désir, etc. Les femmes mises
en avant dans la plupart des publicités incarnent l'inaccessible, un
modèle à poursuivre. Cela fait beaucoup de dégâts
à tous les niveaux.
241 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Enfin, à date, ce sont encore principalement des mecs
qui achètent des jeux vidéo donc mettre en avant des personnages
féminins plutôt que masculin éveillent le désir et
non la jalousie : rien de plus frustrant que de voir un mec gaulé comme
un dieu sur une jaquette pour la plupart des gamers.
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Tout à fait. En s'écoutant, en se rencontrant
dans des associations et surtout en parvenant à dépasser la
notion de genre aussi bien dans le boulot que dans la vie de quotidienne. Mais
il faut que ce soit un vrai engagement pas juste « un truc pour faire bien
». Et c'est là le plus dur : parvenir à mobiliser et
pérenniser ensuite la mobilisation des acteurs, de fédérer
et de trouver des solutions ensembles tout en acceptant la confrontation et le
désaccord pour mieux avancer.
12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter
?
J'ai été ravi de participer à ce
questionnaire en tant qu'homme. Merci.
Annexe 20 - Retranscription entretien Fanny Simic
(Chargé de projet digital avec Webforce 3)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je suis actuellement en formation de Chargé de projet
digital avec Webforce 3 dans l'entreprise Phitech. Chez moi, je suis streameuse
Twitch, je fais du partage de contenue vidéo ludique, en partageant mes
découvertes jeux et certaines sorties.
Je jouais énormément au MMORPG dans un style
Médiéval fantastique pour m'évader de la
réalité, maintenant je fais beaucoup d'indépendant ou de
jeux multi (Dead by Daylight, Phasmophobia etc...) et de jeux rétro pour
le partage de contenu.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je dirais oui dans sa majorité, mais beaucoup moins
qu'avant où on était beaucoup plus limité
242 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
surtout dans les MMORPG à voir des femmes
stéréotypées aux gros seins avec un ventre plat.
Aujourd'hui pour les MMORPG la personnalisation est devenue un amusement, on
retrouve de toutes les possibilités. Dans les jeux indépendants
les plus en vogue et les plus recherchés aucun ne contient de femme
où il n'y a rien de péjoratif...
Malheureusement, on reste quand même ultra
sexualisé dans certains jeux où il n'y a aucun choix de
configuration sur les personnages, bien souvent dessiné en poupée
gonflable du fantasme de certains plus que de la réalité.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Celui de l'e-sport pour moi est celui le moins
sexualisé mais par contre comme dans la vraie vie c'est le miroir du
sport féminin IRL. Les femmes sont malheureusement très peu
présentes, voir pour certains jeux, inexistantes.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Je pense que cela dépend fortement du jeu et
malheureusement ce qui le rend inégalitaire c'est la mentalité de
la société dans la vraie vie. Je suis quelqu'un de très
objective, toute personne peut vivre sa vie comme il l'entend (sans blesser les
autres bien sûr) mais dans la vraie vie la femme étant
déjà mise à l'arrière-plan cela n'aide pas du tout
son intégration dans le monde IG (en jeu).
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Pour être honnête je ne connais pas. Après
avoir regardé en quoi consiste l'association, je trouve que ce sont de
bonnes association mais je me rapproche rarement des associations car je trouve
toujours un petit penchant extrême qui me déplaît.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Oui clairement il y a une énorme différence
entre le rapport aux jeux entre les femmes et les hommes....
243 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Comme dans la vie d'ailleurs notre vision est plutôt
différente, la plupart des hommes sont là pour se
détendre. Le stéréotype masculin c'est celui du jeu Call
of Duty, Apex, en gros très FPS alors que le jeu féminin on le
retrouve avec les jeux de mode, les jeux communautaires, les Sims sur PC etc...
C'est très stéréotypé, on en revient donc à
ce que je disais tout à l'heure, c'est le reflet de notre
société IRL actuelle. On met dans la tête aux femmes
certaines idées sur leurs choix, leurs gouts depuis petite et une fois
adulte ben même sur les jeux vidéo cela se reflète
énormément.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Alors, oui, j'ai déjà été
insultée, et même lynchée en place publique sur les canaux
de tchat d'un MMORPG bien connu à l'époque. J'ai toujours
été une femme très ouverte depuis toute jeune, je n'ai
aucun sujet tabou. Je sais aussi bien rire sur des histoires de « cul
» désolé de l'expression, que sur n'importe quel autre
sujet... Le problème, c'est que je suis une femme... Un homme qui va se
mettre en caleçon pour un pari perdu et où tout le monde va
rigoler bêtement et innocemment, en tant que femme non toi, tu auras
montré tes jambes, tu es la pire des salopes, tu es une aguicheuse,
etc... Du coup tout simplement, j'ai rencontré un homme en jeu avec une
amie à moi, on s'entendait super bien tous les 3 on rigolait sur tout et
on se tapait des barres sur des histoires de « cul » innocentes...
Sauf qu'il a eu des sentiments pour moi et je ne les ai pas acceptés...
Le refus ne lui a pas plu. Il a récupéré mon compte
supprimé certains items de mes inventaires, et commencé à
dire sur tous les canaux que j'étais une salope, allumeuse.... J'ai
dû aller jusqu'à changer mon pseudo pour ne plus être
reconnue.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Je pense sincèrement que la majorité de ce
problème est IRL avant d'être virtuel. Beaucoup d'hommes que je
connais savent qu'un jeu est un jeu. Je rencontre beaucoup d'hommes et je
préfère passer du temps avec eux personnellement. Et pour la
plupart, leur réel problème vient de la vraie vie, certains sont
des hommes malheureux, seuls, incompris qui ne connaissent pas les limites
parce que même leurs familles ne s'occupent pas d'eux et les laissent
dans leur case et leurs souffrance... (Je ne dis CLAIREMENT PAS que ça
excuse leurs comportements) Mais
244 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
je démontre surtout que le problème avant
d'être interne au jeu est externe....
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
Je ne pense pas et j'en reviens au même commentaire
qu'au-dessus mon vécu sur toutes les différentes plateformes et
les discussions avec des hommes etc... M'ont juste clairement montré le
reflet de la réalité qui est une pomme moisie de
l'intérieur.
Concrètement je trouve les réactions en jeux
totalement identique au comportement des gens IRL a la seule différence
qu'il se lâche plus car ils n'ont plus la limite de la physique et pense
que ben derrière un pc la personne aura moins de sentiments...
10- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Je pense que dans certains cas, concrètement oui mais
pas pour tout. En faire une généralité serait
extrême et nocif... Une majorité d'entreprise sur certains jeux
ciblent un certain public et utilisent concrètement ce système.
C'est absolument réfléchi et volontaire en plus d'être
totalement malsain.
11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Pour moi tout le monde peut être acteur du changement
homme femme trans etc... Mais pour changer les mentalités du jeu il faut
commencer par changer les mentalités hors internet.
La solution est simple il est GRAND temps d'arrêter de
tout genrer, d'apprendre dès le plus jeune âge aux enfants que non
on ne frappe pas plus faible que soit en commençant en tant qu'adultes
en donnant l'exemple (parce que femme faible = mari violent) et en
arrêtant de justifier le fait de les frapper. En apprenant aux petits
garçons dès le plus jeune âge qu'il n'y a pas de
différences entre fille/femme/homme/garçons que la seule chose
à savoir c'est se respecter chacun et respecter le corps...
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Pour faire court, la solution c'est d'instaurer enfin de la
bienveillance et de la compréhension entre toutes personnes. Que l'on
puisse enfin vivre sur un vrai pied d'équité.
12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter
?
Pour le mot de la fin, je vous remercie d'avoir pris le temps
de me lire et je souhaite une belle utopie enfin entre tous les humains.
Annexe 21 - Retranscription entretien Laurianne
Espinadel (Sound & voice designer)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je suis sound & voice designer pour les jeux
vidéo. Après 4 ans d'études dans le son et dans
l'audiovisuel j'ai voulu me spécialiser dans le jeu vidéo pour
suivre ma deuxième passion j'ai donc fait un master et suis
entrée dans l'industrie. Je joue principalement à des AAA
réalistes comme Assassin's Creed ou Horizon car c'est un style qui me
plait et me permet de m'évader mais j'apprécie également
des jeux plus indépendants comme Flower ou Gris qui comble mon
côté artistique.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ? De la même
manière celui de l'esport ?
Oui même si ça tend à s'améliorer,
la représentation est encore très genré et le male gaze se
retrouve partout dans tout style de jeu.
Je ne connais que très peu le monde de l'esport mais
du peu que j'en ai vu je n'ai jamais vu de femmes/personnes de
minorité.
3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Non, pas encore, certains studios en font leur cheval de
bataille mais d'autres font preuve d'un sexisme affligeant, la bataille pour
l'égalité est loin d'être gagnée.
245 / 291
4- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
246 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Je pense que ce sont des bonnes initiatives même si WIG
ne m'a pas encore vraiment prouvé son utilité dans le concret
mais des collectifs plus petits existent comme le collectif Mauvaises Herbes
qui organise des conférences et rencontre entre personnes
marginalisées et qui permet d'avoir des retours plus personnalisé
de l'industrie.
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le
rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?
Je ne pense pas qu'il y ait de différence pour notre
génération mais pour la génération de nos parents
c'est souvent plus mal vu qu'une femme joue à des jeux car c'est
considéré être une perte de temps, souvent
réservé aux hommes car ils peuvent se permettre de faire moins
niveau tâche ménagère, les femmes jouent donc plus sur
leurs téléphones, dans les transports etc.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Non car je ne joue pas en ligne.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la
vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Je pense que c'est un tout, la société
patriarcale va dans ce sens aussi et le manque de respect face aux femmes est
partout et d'autant plus dans les jeux vidéo ce qui donne un bon vivier
de personnes sexiste qui ose tout dans ce milieu car c'est approuvé par
leurs exemple de jeux.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
Même réponse que précédemment en
ajoutant que souvent à l'école les femmes ne sont pas
destinées à faire des métiers dans le jeux vidéo ce
sont des métiers « d'hommes » et surtout de « geek
», les quelques femmes qui se lancent là-dedans arrêtent
souvent dès la fac où elles font face à du
harcèlement tant côté étudiants que
côté professeurs et sont dégoutées de l'industrie
avant même d'y entrer, cela donne un manque de femmes sur le
marché du travail et donc une sous-représentations de celles-ci
ne pouvant donc montrer l'exemple aux jeunes générations, la
247 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
boucle est bouclé.
9- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Je pense que c'était le cas avant (un temps où
les seins triangles de Lara Croft faisait tourner les têtes) mais
maintenant il y a plus une animosité du côté de joueur
à pouvoir jouer une femme, ils ne veulent pas de femmes dans leurs jeux
ou alors seulement en PNJ sexy avec lesquelles ils peuvent fleurter mais ce
type de contenu n'est pas souvent mis en avant.
10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui totalement, les femmes et minorité
déjà dans l'industrie ont le devoir de montrer l'exemple, de
faire des conférences, d'encourager celles qui n'osent pas, de montrer
la voie au plus jeunes et les hommes ont le devoir de laisser cette place et de
traiter comme égale leurs homologues. Les jeux qui sortent sont de plus
en plus ouvert et renvoient une image de la femme réaliste et moins
stéréotypée, il faut continuer dans ce sens.
11- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter
?
Bon courage pour ce mémoire, c'est un sujet très
intéressant et super important !
Annexe 22 - Retranscription entretien Marie Jergan
(Etudiante en Licence MAPP)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
J'ai 35 ans, je joue aux jeux vidéo depuis plus de 20
ans maintenant. Je suis une joueuse occasionnelle, ma mère n'a jamais
apprécié que je joue aux jeux vidéo, je ne jouais donc
à l'époque soit qu'à jeux que mes cousins nous donnaient
et donc validé par ma mère soit ceux qu'elle achetait selon ses
goûts. Donc je n'ai pas la culture du jeu triple A et encore moins du jeu
acheté neuf, à sa sortie.
J'aime particulièrement les jeux indé, les
puzzles game, les jeux de craft, les jeux bacs à sables. Je me suis
rendue compte que j'aimais ces jeux parce qu'ils me permettent d'avoir un
semblant
248 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
de contrôle sur mon environnement, même si celui-ci
n'est que virtuel.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je ne pense pas que le jeu vidéo à l'heure
actuelle soit plus sexualisant qu'il ne l'était dans les années
8O, et que ce soit pour les femmes ou pour les hommes d'ailleurs. Le
héros de Serious Sam est une parodie des jeux de cette époque,
d'où son caradesign totalement stéréotypé, comme
pouvait l'être le héros de Doom. Est-ce que les joueurs qui
s'identifiaient à lui se sont tous mis à la musculation, je ne
pense pas. Si on reprend le jeu Metroid, avec son personnage épique en
armure, on découvre seulement à la toute fin que celui-ci est une
femme. Est-ce que ça a empêché les jeunes joueurs de se
plonger dans l'aventure ? Je ne pense pas, de même pour Link. Le
personnage de Zelda, dans la lutte contre Ganon est finalement très
puissant (dans le dernier épisode de la série, elle le combat
seule pendant 1OO ans attendant le réveil de Link). Pour joueur en multi
régulièrement, sur des jeux comme Smash-Bros, j'ai pas mal d'amis
qui préfèrent jouer Peach non pas parce que c'est un personnage
féminin mais parce que ses coups sont puissants. *J'ai fait le jeu
« Gris » l'année dernière, son personnage est une jeune
fille/femme en robe et frêle. Ce contraste avec ce cheminement lui
apporte bien plus de force qu'il ne la sexualise. De même que dans le jeu
« Céleste » qui reprendre le même type de quête.
Le sexe du personnage n'est pas le sujet du jeu, et ni le sert ni le
dessert.
Le temps où les armures les plus puissantes des
personnages féminins dans les MMORPG étaient des bikinis d'acier
est révolu. L'âge moyen du joueur français est de 36 ans de
souvenir, et à 46 % le marché est désormais composé
de femmes. Voilà de quoi changer la donne.
3- De la même manière celui de l'esport
?
Le marché du e-sport est très récent, sa
« commercialisation » d'autant plus. Ce marché ne
représente pas tous les joueurs parce que tous ne sont pas
nécessairement attirés par la compétition au travers du
jeu vidéo. Son public est donc relativement jeune, aimant la
compétition, les affrontements et les démonstrations de force. On
peut donc s'attendre à retrouver des adolescents, des jeunes hommes au
sein de celui-ci puisqu'ils partagent les mêmes attributs dans leur
quête de socialisation. Ils peuvent être en quête ou non
d'une certaine reconnaissance en faisant partie de cette communauté de
joueurs. Les sponsors misent donc sur des arguments plaisant à ce
public, quitte à choquer.
249 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
En tant que pratique personnelle, oui je pense que le jeu
vidéo est un bon support pour développer à la fois ses
goûts, sa personnalité mais également tout un tas de
compétences cognitives, de communication avec les autres en jeu multi
....
En tant que pratique sportive, je pense que le chemin est
encore long avant que l'e-sport puisse être support pour
développer l'égalité entre les hommes et les femmes.
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
Tout dépend le sens de la question, si c'est par
rapport aux styles de jeux joués, je pense qu'au final sur toute les
tranches d'âges chez les filles et chez les garçons, tous les
styles seront joués. Si c'est par rapport au support de jeu, il y a
peut-être plus de garçons (tous âges confondus) qui jouent
sur console ou pc, par rapport aux filles (toujours tous âges confondus)
qui jouent peut-être plus sur tablette ou smartphone.
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Oui, en effet, j'ai déjà entendu, subi des
remarques blessantes en jouant en multi online ou local. Je ne l'ai pas pris
personnellement, quand on est pris dans un jeu, il peut arriver qu'il y ait des
dérapages. Néanmoins, j'ai remarqué que les joueurs
masculins qui se permettent ces insultes, ces moqueries, ces piques sont ceux
qui sont le moins calés dans leurs vies. J'ai d'ailleurs reçues
des remarques plus blessantes de la part de joueurs qui me connaissait qu'en
ligne.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Pour une certaine typologie de joueurs, oui je pense qu'on
peut faire la corrélation. Je pense à ces jeunes hommes qui sont
en recherche de repères qu'ils ne trouvent pas d'une façon ou
d'une autre dans leur quotidien, dans la vie réelle et qu'ils viennent
chercher dans ce qu'ils connaissent
250 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
et qui les rassure, les jeux vidéo. Le problème
c'est quand cela devient un cercle vicieux et qu'ils n'y trouvent plus
d'échappatoire. Je fais le lien aussi avec cette nouvelle
catégorie sociale les « incel » qui sont des jeunes hommes,
dégoûtés de se faire rejeter par les jeunes femmes de leur
âge, et qui trouvent refuge au sein de communauté d'autres hommes
ayant la même problématique, avec une tendance notable à la
violence envers « ces » femmes qui les rejettent.
8- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
J'ai personnellement remarqué que les jeunes
vidéos proposés pour les très jeunes filles «
Léa passion cuisine » globalement toute la collection Léa,
passion ... mais également les jeux dit de cuisine, avec des animaux,
pour s'occuper des enfants ont tous des filles sur leurs jaquettes. Sans doute
pour rassurer les acheteurs que ces jeux sont bien destinés et «
safe » pour les jeunes demoiselles.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Oui le comportement des joueurs va nécessairement avoir
un impact sur la façon dont les jeux vont être créer. Dans
les jeux dits « bac à sable » l'uniformisation et la
customisation non-genrée est devenu la norme, il suffit de voir le
succès de Minecraft, ou plus récemment Among Us. Le jeu Fortnite
lui tend à l'uniformisation du caradesign des joueurs qu'on joue un
homme ou une femme on peut tout à fait être musclés dans
chaque sexe.
Annexe 23 - Retranscription entretien Quentin Fauchie
(Rédacteur/testeur - Recherche « game studies »)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi?
Je travaille dans la presse spécialisée jeux
vidéo en tant que rédacteur/testeur et étudie dans la
recherche « game studies ».
Je joue le plus souvent à des RPG (que ce soit A-RPG,
JRPG, CRPG, etc.). La plupart du temps,
251 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
ce sont des jeux qui mettent l'emphase sur la construction de
leur cosmogonie, et s'appuient sur un récit plus ou moins complexe.
C'est aussi dans ces jeux que l'on retrouve un aspect de personnalisation
prononcé, que ce soit la création du personnage et un simple
habillage : on forge une connexion plus importante avec notre avatar.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant? Pourquoi?
Si le marché du jeu vidéo tend à
s'améliorer sur cet aspect, je pense qu'il en est encore au stade
où la sexualisation reste un de ces maux. Dans de nombreux exemples
récents, les personnages (surtout féminins) sont souvent
représentés avec des caractéristiques plus
fantasmées que cohérentes. Une dissonance que l'on retrouve en
autre dans des titres relevant de la fantasy (dans des MMORPG comme le
récent Lost Ark par exemple) où les femmes ont des
équipements avant tout pensés pour être des tenus mettant
en valeur un côté « sexy », là où on
attendrait plutôt un habillage certes stylisé, mais surtout en
accord avec l'univers dépeint -- le problème venant du fait qu'il
n'y a souvent pas d'autres choix que d'avoir des personnages féminins
« sexy ». Les personnages féminins (et masculins dans une
moindre mesure) restent trop souvent pensés pour être attirants,
plutôt que « pratique» ou cohérents avec le monde du
jeu.
Bref, il y a selon moi une nette amélioration
comparée à il y a quelques années, mais il y a encore
beaucoup à faire.
3- De la même manière celui de l'esport
?
J'ai tendance à percevoir l'esport comme un reflet
(presque) direct du jeu vidéo. C'est un milieu essentiellement masculin
et je pense que c'est dû à la vision erronée de la femme
qu'on ses acteurs. Une pensée souvent implicite qui veut que la femme
soit moins efficace qu'un homme. Je ne saurai pas dire si l'esport est
sexualisant ou non, mais je pense que nombre des acteurs du milieu
perçoivent la femme comme inférieure à l'homme.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes?
Bien malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas.
Déjà parce que nous avons bien trop d'exemples récents qui
démontrent une sévère inégalité au sein de
l'industrie (les scandales
252 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
chez Ubisoft, Activision-Blizzard, Sony, etc.). Et ce n'est
pas nécessairement une simple question de salaire : évoluer au
sein d'un studio s'avère la plupart du temps beaucoup plus
compliqué pour une femme que pour un homme, le cadre et l'ambiance de
travail leur est souvent plus hostile.
Du côté jeu, on ne compte plus le nombre de fois
où une joueuse s'est fait harceler pour son simple statut de femme. Les
erreurs qu'elles peuvent faire en jeu sont presque toujours automatiquement
placées sous le couvert de leur sexe et subissent des insultes d'une
extrême violence, difficilement comparable avec ce que la majorité
des hommes peuvent connaître. Un cas de figure que l'on retrouve
également dans le milieu du streaming, par exemple.
Là aussi, les choses s'améliorent au fur et
à mesure, mais restent bien loin d'une situation idéale.
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG?
Je pense que ce sont des éléments
nécessaires pour démontrer la légitimité de la
femme au sein du milieu vidéoludique, et peuvent agir comme
porte-parole. C'est également important pour mettre en lumière la
vision erronée de la femme dans le jeu vidéo que beaucoup de gens
ont encore (hommes comme femmes d'ailleurs). Le jeu vidéo n'appartient
pas à un genre ni à une classe sociale, et c'est bien ce type de
mouvement qui aide à le faire savoir.
6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes? Si oui lesquelles?
En tant qu'homme, c'est peut-être difficile à
dire. J'ai toujours perçu le jeu vidéo comme étant
accessible à tous, ou du moins comme désirant l'être. Mais
la réalité est que l'industrie, dans ces premières
années en tout cas, a été façonnée par des
hommes pour des hommes. Encore aujourd'hui, des codes hérités de
cette période persistent et il est fort probable que cela crée
des différences plus ou moins notables dans notre appréciation du
jeu vidéo. Après tout, plus jeune, il n'était pas rare que
j'entende dire que le jeu vidéo était « un truc de
garçon ».
Un exemple qui me vient en tête est le fait qu'on a
grandi avec une pléthore de jeux vidéo mettant en scène
des protagonistes masculins. Je crois sincèrement que le genre n'est pas
une barrière pour l'identification à tel ou tel personnage (du
moins, pas complètement), mais à un jeune âge, cela est
surement plus compliqué dû à un manque évident de
recul. La présence moindre de personnages féminins en tant que
protagoniste a sans doute rendu le jeu vidéo moins
253 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
attrayant pour les femmes.
7- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi?
Il m'est arrivé à maintes reprises de subir des
insultes, surtout dans les jeux compétitifs. Souvent, il s'agissait de
réaction excessive à une action mal réalisée de ma
part, ou parce que l'on considérait mon niveau de jeu comme insuffisant.
En général, j'ignore ces comportements et me contente de les
signaler auprès des modérateurs.
Le fait est que c'était toujours dans le cadre du jeu
lui-même et jamais au-delà -- donc je pouvais sans trop de soucis
m'en détacher. Je n'ai personnellement jamais subi de
harcèlement, que ce soit en jeu ou en convention.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi?
Le jeu vidéo a provoqué (et le fait sans doute
encore) des biais cognitifs sur les femmes, au même titre que la
télévision, les magazines ou autre média connu leurs
représentations douteuses. Malgré tout, j'aurai plutôt
tendance à penser que les cas d'agressions et harcèlements sont
liés à quelque chose de plus profond que le simple prisme du jeu
vidéo - ce qui n'est pas sans rappeler le sempiternel débat sur
la violence qu'engendrerait le médium. Néanmoins, son rôle
dans ces histoires sordides n'est pas à ignorer. Ne pas cantonner les
femmes à des rôles de personnages soumis ou de « princesses
à sauver» (rôles clichés parmi tant d'autres) ne peut
qu'aider à améliorer les choses, ne serait-ce qu'un peu.
9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et
pourquoi?
Là encore je pense que c'est lié à un
problème de société global. Pendant longtemps les jeux
vidéo ont été perçus comme un médium
destiné aux hommes; par défaut l'idée reçue que les
femmes soient incapables de jouer (correctement) aux jeux s'est
enracinée dans le milieu. Je suppose que c'est avant tout ça qui
a mené à une sous-représentation de la femme dans
l'esport, malgré de nombreux exemples comme Kayane ou Trivia, pour ne
citer qu'elles, qui à mon sens
254 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
prouvent que le genre n'a aucune sorte d'importance dans ce
milieu.
Cela étant dit, le jeu vidéo, de par sa
popularité toujours plus grandissante, a le devoir de montrer que ce
genre de disparité n'a pas lieu d'exister. C'est un médium qui
parle à tout le monde, et que « tout le monde » écoute
à différents degrés.
Annexe 24 - Retranscription entretien Sébastien
Hette (Fondateur de Reset XP)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ?
Fondateur en 2020 de Reset XP, une startup
événementielle spécialisée dans le JV rétro.
Auparavant salarié 25 ans à la Fédération
Française de Tennis avec le poste de directeur opérationnel de la
Coupe Davis et de la Fed Cup de 2010 à 2019. 49 ans. Quel style de jeu
joué ? J'ai commencé par PONG début des années 80
et me suis arrêté à la PS1...avec FFVII, Tomb Raider, Metal
Gear Solid. Type de jeu préféré : action/aventure.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ?
Pourquoi ? De moins en moins. Je suis très peu
l'actualité et ne joue pas donc à prendre avec des pincettes mais
ce que je perçois est qu'il existe, et qu'il y aura toujours des
personnages féminins hyper sexualisés, tout comme les personnages
masculins qui sont « bien foutus », beaux mecs, virils. Milieu des
années 90, Lara Croft et Snake. Mais il me semble qu'il y a de plus en
plus d'anti-héros ou de personnages à priori « banals »
qui vont avoir un destin extraordinaire (Last of us par ex.).
3- De la même manière celui de l'esport
?
Je ne crois pas que le marché de l'esport soit un
marché sexualisant. A contraire, il se développe avec les
nouvelles générations qui sont bien plus informées et
attentives aux sujets de société qui n'ont pas été
traitées avec suffisamment de volonté par les « vieux
». Par contre, la pratique de l'esport par les femmes, et notamment sa
pratique en compétition est très peu développée
(quelques % je crois). Mais il ne me semble pas que ce soit en raison d'une
représentation sexualisée ou d'un marché qui ne donne pas
sa place aux femmes. Là, pour le coup, je peux faire un parallèle
avec le sport. Les jeunes filles ont une moindre appétence pour la
pratique compétitive comparé aux garçons. C'était
le cas dans le tennis, 1ère fédération en termes de
255 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
licenciées féminines mais dont le nombre de
joueuses de compétition (vs loisir) est bien inférieure, en
proportion, au ratio licenciés compétiteurs/loisir.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Là-aussi, je vais répondre en faisant un
parallèle avec le sport. En termes de gouvernance, c'est clairement non.
Très peu de femmes sont présidentes de fédérations
et leur représentation dans les organes de décision est loin
d'être paritaire même si la parité s'applique dans la
plupart des comités de direction (qui sont plus des chambres
d'enregistrement que là où les décisions sont prises). Sur
l'organisation privé de la « boite » Fédération
Française de Tennis, j'ai pu constater pour le coup un vrai
progrès en une vingtaine d'année. Actuellement une DG et de
nombreuses directrices à des postes clés RIT, COM, DAF, direction
du tournoi de Roland-Garros depuis peu. Il me semble que l'industrie du JV est
aussi sur la voie du progrès avec des personnalités
féminines occupant des postes de 1er plan (SELL, Xbox et d'autres que
vous connaissez mieux que moi).
5- Que pensez-vous des ligues féminines et des
associations comme WIG ?
Essentielles tant que tous les combats n'auront pas
été gagné (parité, orientation vers les
métiers du JV, développement de la pratique compétitive,
Respect...).
6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ?
Certainement mais je ne pense pas que le JV soit, loin de
là, le 1er vecteur. Je pense à des clips et paroles de chansons
qui sont justes à gerber. Et pourtant, il y a du bon son dans tout
ça.
7- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Sans parler du JV en particulier, difficile de le nier. Mais
je ne sais pas comment on peut gommer l'attractivité que procure la vue
d'une jolie femme ou d'un beau mec. Des films, des séries, des
chanteurs.ses, des produits marchands... sont aussi des succès parce que
« portés » par des « canons ».
256 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
8- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Clairement oui et heureusement. Il faut certainement plus de
femmes aux postes de créations/production des jeux.
9- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter
?
Juste creuser le parallèle avec le monde du sport
peut-être et l'évolution que celui-ci a connu depuis une trentaine
d'années sur le sujet. Bonne étude et à dispo si vous avez
besoin d'éclaircissements.
Annexe 25 - Retranscription entretien Morgane Falaize
(Fondatrice de Minuit 12 / Présidente de Women In Games)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je m'appelle Morgane Falaize, j'ai 40 ans je suis la
co-directrice et co-fondatrice d'une agence de communication qui s'appelle
Minuit 12, spécialisée dans l'univers du jeu vidéo. Depuis
moins d'un an je travaille en tant que directrice de WIG qui est une
association professionnelle qui oeuvre pour développer la mixité
dans les entreprises du jeu vidéo en France.
Je voulais répondre à un élan personnel
féministe, c'est quelque chose qui a commencé à s'animer
en moi il y a deux ou trois ans, notamment parce que je suis maman de deux
petites filles. Notamment aussi parce qu'il y a eu une affaire avec un
journaliste du Monde qui s'est avéré avoir envoyé des dick
picks non sollicitées à plus de 25 attachées de presse.
Quand on s'est rendu compte qu'on était nombreuses à être
concernées, qu'on avait toutes le même profil, qu'on avait toutes
un rapport d'autorité avec ce journaliste j'ai trouvé ça
assez scandaleux. Je ne voulais pas que mes filles grandissent dans un monde
où ce n'est pas grave de recevoir ce genre de photos.
J'étais déjà membre de WIG et quand
l'association a annoncé qu'il y aurait un renouvellement du conseil
d'administration je me suis dit que ça serait un très bon moyen
de faire quelque chose de vraiment concret pour l'industrie dans laquelle je
travaille au quotidien.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
J'ai commencé à jouer assez jeune, tout d'abord
par des points and click puis je suis passée à des mondes ouverts
et aujourd'hui j'aime des jeux assez variés, j'aime
énormément Doom Eternal et j'ai adoré l'expérience
Grim qui est un jeu indépendant, très doux. En ce moment je joue
à Horizon Forbidden West, j'en suis à plus de 50 heures donc je
joue à un panel de jeux très varié.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui ça l'était, peut être que mon regard
est un peu biaisé parce que je cherche des contres exemples qui vont me
montrer qu'on a fait du chemin. Et le fait est qu'on a fait du chemin. On va
sortir une infographie avec WIG qui étudie l'évolution de la
représentation des femmes dans les jeux.
A l'origine les jeux étaient des produits faits pour
les hommes et marketés pour les hommes. Dans les salons de jeux comme
dans les salons automobiles on voyait beaucoup de « babes », des
femmes peu vêtues, présentes comme faire valoir pour attirer
l'oeil. Il n'y a aucun rapport avec la choucroute mais elles sont quand
même là pour vendre. Et ça par exemple il n'y en a plus
aujourd'hui, dans les salons de jeux vidéo ça n'existe plus donc
c'est une forme d'évolution. Par contre sur les campagnes marketings
notamment à la télé, on sent qu'il y a des efforts, ce
n'est pas encore ça.
On voit beaucoup plus de jeux familiaux qui sont
proposés et qui bénéficient de campagnes
télé comme les jeux Nintendo. On voit toute la famille qui joue,
parents, enfants. Ces jeux sont conçus pour intéresser tout le
monde mais ce n'était pas si évident que ça d'imaginer il
y a quelques années qu'une maman pourrait s'intéresser aux jeux
vidéo.
Les jeux FPS ne sont pas fait de base pour intéresser
tout le monde. Quand on voit comment est fait le contenu... Je parlais
d'Horizon, c'est une protagoniste principale, c'est une femme qui doit sauver
le monde donc elle a beaucoup de pression sur les épaules mais elle
n'est pas du tout sexualisée. Le jeu est hyper inclusif, il y a des
conflits entre les peuples mais ce n'est pas une question de races,
d'orientation sexuelle ou autre.
257 / 291
Il faut faire une différence entre les jeux triple A donc
les jeux à très gros budget, comme The
258 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Last of Us ou Horizon et les jeux indépendants.
C'était l'objet de mon discours à la cérémonie des
Pégases, pour une Ellie ou une Aloy on n'a pas beaucoup d'autres
personnages à proposer. Dans la première catégorie, il y a
une héroïne pour combien d'hommes ? Dans les jeux indé on a
un peu plus de liberté, on peut aller sur des terrains qui sont peu
exploités par les éditeurs sur les jeux à fort budget. On
va avoir plus de diversité.
Si on veut de la quantité on va en trouver plus sur des
jeux indé. Dans Life is Strange on pouvait voir un personnage
transgenre, dans l'ensemble de leurs jeux il y a de la mixité, ils
essaient de proposer un panel de personnages vraiment diversifiés. C'est
un parti pris de leur part et pas juste un prétexte.
3- De la même manière celui de l'esport
?
L'accès à l'esport reste compliqué pour
les femmes aujourd'hui. L'accès aux jeux vidéo est encore
très différencié entre les jeunes garçons et jeunes
filles, ce qui fait qu'en terme de compétences il va falloir plus de
temps et plus d'acharnement pour qu'une fille ait un niveau correct, là
où le parcours de joueur d'un petit garcon va commencer plus tôt.
Un garcon va être encouragé, il va être orienté vers
des jeux plus compétitif tandis que la jeune fille va être plus
orientée vers des jeux casuals sans compétition voir des jeux sur
tablette dont on va se lasser au bout d'un moment.
En terme d'accès au jeu c'est plus compliqué
pour les filles, mais admettons que si on s'est acharnée et qu'on a
traversé la période du collège où on est la seule
de ses copines à jouer aux jeux vidéo on se retrouve
confrontée à des comportements et des remarques sexistes,
violentes, à du harcèlement en ligne. On le sait, 36% de femmes
utilisent un pseudo neutre ou un modificateur de voix pour qu'on ne sache pas
qu'elles sont des femmes en jeu donc c'est assez symptomatique.
La première joueuse pro sur Overwatch, elle avait
dû faire un stream pour montrer que c'était bien elle qui
contrôlait la manette comme si c'était peu probable qu'une fille
ait des compétences.
4- Que pensez-vous des ligues féminines ?
C'est un peu comme la question des quotas en entreprise, je ne
pense pas que c'est quelque
259 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
chose de souhaitable de manière pérenne mais
c'est un bon moyen pour permettre aux femmes de s'entrainer, d'acquérir
une certaine confiance en elle, de se stabiliser, de se professionnaliser pour
pouvoir continuer de monter. Et encore, apparemment il y a certaines ligues
100% féminines où ça n'a pas été vraiment
bienveillants mais sur le papier je pense que c'est bien.
Si on mélange les hommes et les femmes, aujourd'hui il
y a très peu de femmes qui ont un niveau suffisant pour pouvoir
concurrencer les hommes. Si c'est un tournoi mixte les femmes vont rapidement
être écartées et c'est le problème.
On a peu de femmes dans l'esport, elles n'ont pas
forcément le niveau, elles ne sont pas médiatisées donc
elles n'ont pas de sponsor donc elles n'ont pas les moyens de développer
leur structure, c'est un peu un cercle vicieux. Alors qu'un circuit 100%
féminin permets quand même de se développer avec l'objectif
après d'aller en mixte.
C'est assez similaire avec le sport, pourquoi est-ce que le
foot féminin intéresse moins que le foot masculin ? Et encore
là il y a la question du physique parce que les hommes et les femmes ne
sont pas fait de la même manière donc il y a une réelle
différence qu'on a pas dans l'esport. La femme qui court le plus vite au
monde courra toujours moins vite que l'homme qui court le plus vite. Pour moi
avec le temps on peut arriver sur de l'égalité.
5- Que répondre aux personnes qui pensent que les
associations ne font pas avancer les choses ?
Je ne suis pas d'accord parce que chez WIG on a à coeur
de proposer tous les projets. On a des objectifs de sensibilisation des acteurs
de l'industrie, d'aider les femmes à développer leur
réseau et leurs compétences. On est passé de 15% de femmes
dans les studios en 2018 à 22% l'an dernier donc je ne pense pas qu'on
puisse dire que ça ne sert à rien, je ne fais pas tout ça
pour rien.
Tout dépend des associations mais nous par exemple on
discute aussi bien avec des entreprises, qu'avec d'autres associations, qu'avec
des femmes voulant entrer dans l'industrie ou qui y sont déjà,
avec des politiques, avec des syndicats, avec le CNC... Je pense qu'on met des
choses très concrètes en place.
260 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Je ne l'ai pas vécu parce que je n'ai jamais voulu
jouer en ligne parce que je ne veux pas être confrontée à
des personnes ayant un meilleur niveau que moi et qui vont me critiquer parce
que je ne suis pas assez performante, pas assez rapide, pas assez
stratège, donc je préfère faire mon truc dans mon coin.
Sur des jeux mobiles j'ai rejoint des guildes ou des clans et
je crois que personne ne sait que je suis une fille sur Clash Royale et
ça se passe bien. Sur un autre jeu il y a eu beaucoup de bienveillance
de la part des autres membres mais la moyenne d'âge était de plus
de 35 ans, donc plus âgés que sur un Fortnite par exemple. Ils
étaient contents qu'il y ait une femme parce que c'est plus rare donc
dès qu'il y en a une ils la chouchoutent, ils l'aident à avancer
donc ça s'était vraiment très bien passé.
Mais je pense que ça dépends des jeux et de la
communauté, certains drivent une communauté plutôt toxique
et d'autres qu'on ne met pas assez en avant parce qu'ils ne sont pas
forcément assez connus et qui ont pourtant une communauté assez
bienveillante.
Dans mon entourage proche il n'y a pas de femmes qui jouent
à des jeux en ligne ou compétitifs. Je sais que ça existe
parce que par Women In Games on reçoit des témoignages de jeunes
filles harcelées, parce qu'il y a aussi le pole esport qui gère
cela avec son propre incubateur, donc on voit bien ce qu'il en est mais moi je
n'y suis pas confrontée directement.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Pour moi oui, j'ai lu « Le regard féminin »
de Iris Brey qui s'intéresse au cinéma et aux séries
télé et son analyse peut être tout à fait être
portée sur les jeux vidéo. J'ai discuté également
avec le conservatoire des images qui s'intéresse à la
portée des représentations dans les publicités, les
séries, les films et les jeux. Quand on s'intéresse à tout
ça on se rend compte qu'à force d'être abreuvée
depuis l'enfance de ces images, de cette conception du monde, de ces
interactions entre les personnes, ça nous semble normal et ça
devient notre réalité.
261 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
A force de voir dans les films des femmes qui n'ont pas le
premier rôle, qui sont timides, qui vont être là pour aider
le personnage principal, qui vont être une récompense pour le
personnage principal, ça module d'une certaine façon, la
manière dont nous on va voir les femmes et dont on va percevoir la
manière de se comporter d'une femme.
Un truc très caractéristique c'est que chez WIG
on s'est amusé à intervertir les animations des personnages
masculins et féminins. On voyait Batman se déhancher avec la
démarche de Catwoman, d'une manière très langoureuse,
très appuyée. De la même manière, un personnage
masculin qui se roule sous la pluie parce que la pluie c'est vraiment
génial, c'est à ce moment-là qu'on s'est rendu vraiment
compte à quel point cela était ridicule mais pour tout le monde
c'est normal si c'est une femme.
On n'a pas l'habitude de voir les hommes comme ça donc
ça nous parait ridicule quand on voit un homme le faire. Dans la vraie
vie les femmes n'agissent pas comme cela mais c'est rentré dans
l'imaginaire collectif qu'une femme va vouloir séduire les hommes etc...
Si on avait plus de personnages masculins qui faisaient ce genre de choses
ça nous paraitrait peut-être moins bizarre aussi.
Il ne faudrait pas tomber dans de l'homophobie ordinaire, on a
pas l'habitude de voir un homme marcher de manière un peu
chaloupée, comme ça peut arriver dans la vraie vie. Ça
n'est pas forcement ridicule c'est juste qu'on a pas l'habitude le voir
représenté mais ce n'est pas pour cela que ça n'existe
pas.
C'est important de représenter le monde comme il est
aujourd'hui et non pas comme un miroir déformé. La
réalité c'est que oui il y a des personnes homosexuelles, trans,
racisées et toutes ces personnes ne sont pas représentées
dans nos jeux, films ou séries et donc on a l'impression que ça
n'existe pas parce qu'on ne les voit pas.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
Quand on ne se voit pas représentée ou mal, est
ce qu'on a vraiment envie de se confronter à des collègues qui
pensent que c'est normal de représenter une femme forcément en
string et
262 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
forcément avec des gros seins ? Je pense qu'il y a des
gens qui ont un frein à cause de cela. L'industrie de la tech et des
jeux vidéo c'est l'une des industries où il y a le plus fort taux
de départ la première année, il y a 37% de femmes qui
quittent dès la première année. On peut peut-être se
demander pourquoi, est ce que c'est la manière de les accueillir, de les
prendre en compte, de les écouter, de les considérer ?
Est-ce qu'on a vraiment envie de participer à la
création de ce genre de produits ? Comme sont fait certains produits
ça ne donne pas envie aux femmes d'y participer. Et ça c'est sans
parler de toutes les histoires d'agressions sexuelles, de viols qui sont
remontées ces dernières années.
9- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Quand ils le font c'est toujours un choix conscient, ils
savent très bien ce qu'ils font. Ils sortent de grandes écoles
pour le faire donc ce n'est pas du hasard. Pendant longtemps ça a pu
être un phénomène de reproduction de ce qui a pu être
fait avant par les ainés.
Pour ce qui est de l'utilisation du corps de la femme dans
les campagnes marketing, le dernier fait marquant c'est dans Lost Ark, quand le
personnage féminin court c'est avec les deux bras qui se balancent de
chaque côté comme si c'était un mime.
10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine
puisse être acteur/trice pour changer les mentalités
vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
C'est un sujet compliqué parce que je me rends compte
qu'à chaque fois qu'on veut détricoter n'importe quel sujet
autour de la perception des femmes, de la représentation de femmes ou
toutes les minorités (toutes les catégories de personnes sous
représentées donc en fait toutes les personnes qui ne sont pas
des hommes blancs hétérosexuels), eh bien on se rend compte qu'il
y a beaucoup de choses qui se jouent au niveau de l'éducation.
Il faudrait modifier la perception des gens pour leur dire que
leur manière de penser est nulle et qu'on ne peut pas estimer qu'une
catégorie de personnes est moins capable juste parce que ce sont des
femmes. Ce n'est pas normal de représenter une femme en
sous-vêtements juste parce que c'est ton plaisir à toi de mec et
quid des femmes qui sont représentées ?
263 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
C'est un travail de pédagogie à plusieurs
niveaux. Je le vois au niveau de WIG, quand on voit nos partenaires entreprises
il y en a beaucoup qui s'intéressent au sujet, qui veulent le prendre en
main. Notre objectif n'est pas du tout de dire aux studios comment faire leurs
jeux, en revanche on se dit que ça va se faire de manière
organique du moment où on va avoir des équipes plus mixtes, plus
diversifiées, avec plus de femmes dans des postes à
responsabilités on aura un équilibrage qui va se faire plus
naturellement parce qu'on va avoir des red flags qui vont se dresser tout
naturellement. Il y aura quelqu'un pour dire qu'on ne peut pas agir et penser
comme cela, qu'on ne peut pas représenter les gens comme cela.
11- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter
?
Ce qui est intéressant quand on s'intéresse
à la représentation des femmes dans les jeux c'est
corrélé à la représentation des femmes dans les
équipes de développement dans les studios. Pour faire
évoluer la première il faut qu'il y ait la deuxième.
Annexe 26 - Retranscription entretien Alexandre Dachary
(Livestreaming & Video Content Creation)
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je m'appelle Alexandre Dachary plus connu en ligne sous le
pseudonyme de Dach, je travaille dans le monde du streaming et du jeu
vidéo au global depuis 11 ans maintenant.
Comme beaucoup de gamins j'ai découvert les jeux
vidéo très tôt. A l'époque, on était pas du
tout dans une génération ultra connectée comme on l'est
maintenant, il n'y avait pas un milliard de support pour jouer, soit on jouait
sur les ordinateurs soit les consoles dédiées. Et quand on fait
partie de la génération qui a connu l'avènement
d'internet, le jeu vidéo est un média très
intéressant qui a beaucoup évolué en très peu de
temps.
Moi j'ai commencé en tant que juste joueur, à
l'époque le simple fait d'avoir une interaction avec un univers virtuel
c'était génial. Aucun autre média ne permettait d'avoir ce
genre d'expérience. Moi j'aimais les histoires, il y avait une
interactivité vraiment unique. Assez vite je me suis
intéressé au processus créatif derrière les jeux et
je pense que j'ai tenu le discours de beaucoup de jeunes de vouloir travailler
dans les jeux. J'ai commencé à vraiment m'intéresser
à la vie dans les studios, j'ai été très
intéressé par l'aspect game design et producer. Le job de
264 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
rêve pour moi c'est producer mais c'est difficile
à faire sans une dizaine d'années d'expérience dans un
autre domaine.
Donc je me suis orienté vers le game design et j'ai
fait des études de chef de projet multimédia
spécialisées dans le jeu vidéo. Ma formation portait sur
le management d'équipe avec une spécialisation game design pour
pouvoir avoir un minium de connaissance techniques pour la manager
correctement.
De 2009 à 2012 le marché du jeux vidéo
était beaucoup moins sexy que celui qu'on connait aujourd'hui. J'ai
connu l'explosion du marché indépendant qui était pendant
mes années d'études mais la plupart des projets intrigants
n'étaient pas spécialement en France, ailleurs en Europe ou aux
États-Unis ou au Japon. On devait faire des stages pour valider nos
masters, le streaming venait poindre son nez à ce moment-là avec
la tendance YouTube. J'ai été intrigué par cela, j'ai vu
une brèche et dans ma classe il y avait un mec très
intéressé par cela aussi.
On s'est dit qu'on allait faire du contenu et le porter sur
des lives dans la continuité de ce que faisaient Chips et Noa à
ce moment-là. On a fait ça à côté de nos
cours et pour nos stages on a eu des entrepreneurs intéressés
pour faire du contenu sur leur site. C'était les fondateurs d'Eclypsia
qui se lançaient à ce moment dans les chaines YouTube
dédiées. C'était un projet qui a été un
tremplin pour beaucoup de streameurs du marché français actuel.
C'est notamment là-bas que j'ai rencontré Zerator et quand il
s'est lancé en solo et que j'ai quitté Eclypsia à mon
tour, il m'a proposé de bosser avec lui.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Je suppose que oui. Encore aujourd'hui il y a beaucoup de
choses à faire avancer dans la bonne direction, il y a encore beaucoup
de mauvais reflexes. Beaucoup de choses ont changé en bien. Le jeu
vidéo au départ était un domaine un peu bafoué
pendant des années. A l'époque c'était fait par une niche
de passionnés pour une autre niche de passionnés. A la fin des
années 90, il y avait beaucoup de mécanismes usuels
utilisés dans les jeux qui sont aujourd'hui datés, vieux,
sexistes avec les débats actuels, ça pouvait être des trucs
tout bête.
Il y a une créatrice Anita Sarkeesian « Tropes vs.
Women in Video Games » qui avait fait une série de vidéos
sur la princesse à sauver, sur Lara Croft qui est une
héroïne et égérie de jeux vidéo mais qui
forcément a une grosse poitrine ou pleins d'autres produits qui sont
orientés là-
265 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
dessus. Parce que pendant longtemps c'était un
mécanisme de vente dans le cinéma, dans les jeux, dans le
théâtre qui était usuel, facile, classique et contre
lesquels on ne s'est pas forcément battu.
Comme tous les marchés majoritairement masculins il y a
pleins de choses qui étaient légion, qui tendent à se
diversifier mais on le constate, il y a encore des efforts à faire, il y
a encore pleins de studios qui ont eu des problèmes pour du
harcèlement, dans le streaming il y a une banalisation du discours
très sexiste et misogyne et l'humour est toujours utilisé comme
une excuse facile pour justifier cela.
Et je ne vois surement que la partie immergée de
l'iceberg, nous à notre échelle je ne vois pas tout. Je ne sais
pas ce qu'il se passe ailleurs. Zerator est une personne très alerte sur
ce qu'il dit parce qu'il a conscience qu'il est très
médiatisé donc il n'hésite pas à reprendre les
invités s'ils font des remarques déplacées, même si
ça les affiche ou que ça leur fous la honte. Il fait attention
à avoir un discours respectueux pour tout le monde.
On a des équipes masculines et LGBT+, à une
époque on avait 70% de femmes, c'est quelque chose de très
improbable dans le monde du jeu mais c'était juste les meilleurs CV
qu'on a reçu. Chez nous c'est un problème qu'il n'y a pas,
après ça ne veut pas dire qu'on a jamais fait d'erreur. Je l'ai
constaté dans le streaming, c'est ce que je vois quand je regarde des
lives, quand j'entends des gens faire des émissions. Je sais que Ubisoft
a eu des problèmes avec du harcèlement sexuel, ils ont notamment
licencié des responsables. Si des femmes n'avaient pas eu le courage de
se liguer et de mettre ces choses-là en avant on ne l'aurait jamais su
alors que c'est des gens avec lesquels on travaille.
Dans tous les domaines où il y a eu des
problèmes, à partir du moment où il y a eu des mecs comme
Harvey Weinstein qui ont pu vivre leur vie sans que personne ne fasse rien je
me dis que tous les domaines où il y a de l'image et du faux semblant,
tous les problèmes ne sont pas remontés donc on ne voit jamais
tout ce qu'il se passe.
En jeu il y en a clairement. Le jeu vidéo est un
produit culturel donc il y a de tout, on va avoir des trucs classiques, comme
on peut avoir un roman d'aventure, de romance ou d'horreur on peut avoir des
jeux similaires. Et on peut avoir des jeux très sexualisés comme
Dead or Alive Beach Volley. Quand les gars en sont à travailler sur la
physique des poitrines des personnages pour que ça fasse du mouvement et
ça excite les gens qui achètent, on sait que le jeu est fait
266 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
pour ça, faut pas se leurrer.
Dans tout ce qui est un produit culturel large, qui s'adresse
à un public en tout genre, il va forcément y avoir des
catégories dans lesquelles il y a des productions sexualisantes. Pour
moi ce n'est pas anormal, ça fait partie des jeux, si certaines
personnes veulent y jouer je ne vois pas pourquoi les hommes devraient se
priver de ça.
Il faut que ce soit assumé par les concepteurs. Il y a
des choses plus insidieuses notamment des éléments qui sont
sexualisées alors que ça ne devrait pas l'être. Ça a
été le cas dans les années 90, des jeux qui reposaient sur
des archétypes féminins clichés ou sur des blagues beaufs.
A mon sens c'est quelque chose qui disparait de plus en plus. On a bien plus de
personnages féminins qui sont mis en avant, qui sont forts, qui sont au
centre de l'histoire et j'ai vraiment l'impression de ne plus trop avoir ce
problème-là.
Ou alors c'est assumé, c'est fait pour vendre et
ça ne dénote pas d'une manière étrange. Par exemple
dans Lol, c'est techniquement des jeux tout public, après quand on
regarde leurs personnages féminins c'est toutes des femmes bien
gaulées selon la norme de beauté mondiale de même que les
hommes sont musclés et bien sculptés. Il y a peut-être une
ou deux exceptions volontaires faites pas les développeurs pour rigoler
comme Gragas ou Jinx. Est-ce que c'est fait exprès oui, est ce que
ça dénature le principe du jeu pour moi non. Mais pour
moi-même si c'est sexualisant ce n'est pas un problème.
Pour moi ça existe mais pas d'une manière
dérangeante, ça existe de plus en plus d'une « bonne
manière ». Ça me parait beaucoup plus difficile aujourd'hui
de le faire d'une manière malicieuse, grossière quand on voit les
équipes qui sont en charge du développement de ces jeux.
Aujourd'hui quand on a une équipe mixte, cet aspect de la femme soumise
on le voit beaucoup moins ou alors c'est qu'on a vraiment un directeur qui est
un tyran et qui ne tient compte de l'avis de personne.
Quand ça ne devient pas correct soit c'est qu'on hors
sujet par rapport au jeu soit il y a des codes comme le PEGI pour classifier le
jeu par type de contenu et de tranche d'âge. Tant qu'on a connaissance de
ce qu'est le produit final et qu'on n'est pas trompé par les
créateurs pour moi ça va. Si je joue à Super Mario et que
la Princesse Peach a une poitrine exubérante effectivement c'est hors
sujet. Par contre si je joue à Duke Nukem, je sais à quoi
m'attendre c'est un jeu violent et sexualisant. Est-ce que c'est sexualisant,
beaufs, oui mais c'est un jeu interdit aux
267 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
moins de 18 ans donc les gens sont prévenus et savent
à quoi s'attendre. Ça évite aussi qu'une audience qui
n'est pas censé avoir accès à ce contenu n'y accède
pas ou alors plus difficilement. Pour moi on ne peut pas tromper son public
dans les jeux vidéo tout du moins au niveau de la classification.
Dans un jeu comme Rape Day, on dépasse certaines
limites oui mais là pour moi il y a une différence majeure. Le
jeu met en scène un crime de base. Toutes les plateformes de vente comme
Steam c'est une bénédiction pour les développeurs mais
ça laisse bien plus de liberté pour des dérives pareilles.
On peut plus facilement publier des choses qui ne devraient pas être
là parce qu'il y a énormément de contenu à
gérer. Il y a un premier souci c'est qu'on fait d'un crime un jeu.
Au-delà de ça, je ne connais pas le jeu, comment c'est
scénarisé, comment c'est justifié, est-ce qu'il y a un
intérêt quelconque ou est-ce que c'est simplement pour assouvir un
désir, est ce que c'est juste pour choquer une audience ou est ce qu'il
y a réellement une histoire à raconter derrière ?
Personnellement je ne trouve pas cela approprié et je
trouve que ça va trop loin mais pour le coup, s'il y a des mecs assez
fous pour développer cela c'est aux plateformes de réagir et de
modérer ce genre de contenu. La en effet c'est choquant parce que c'est
autour du viol et donc c'est normal de réagir comme cela mais par
exemple il y a des années, le jeu Man Hunt est sorti et ça n'a
choqué personne. Alors que ce sont des criminels de lourde peine qui
sont lâché dans une ville et qui sont là pour s'entretuer
sous couvert d'une émission de télé morbide. Et de la
même manière c'est criminel et abominable.
La question est de savoir jusqu'où on laisse passer la
violence. C'est comme les jeux où on peut démonter des gens avec
des tronçonneuses et où du sang gicle à longueur de temps.
Tout dépend d'où on situe la limite entre le crime, la
bienséance, les crimes « acceptables »
cinématographiquement parlant ou ceux qui vont trop loin... Chaque
produit doit être jugé au cas par cas, on ne peut pas faire des
généralités.
Il y a aussi un curseur personnel, on peut avoir les valeurs
de se dire « ok ça existe » mais ce n'est pas pour cela que le
contenu est normal, qu'il faut faire comme si de rien était et qu'il
faut le mettre dans les mains de n'importe qui. Je suis choqué de
l'exemple que tu me donnes et en même temps on a des choses qui vont
atteindre des sommets et pourtant on ne va pas forcément les supprimer,
c'est à chaque personne de se faire sa propre idée. Il y a une
part d'éducation, de
268 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
libre arbitre, de sensibilité personnelle et de
pourquoi et comment on consomme un produit.
Le meurtre me choque aussi, quand j'ai vu le principe de Man
Hunt qui était de tuer des personnes de la manière la plus
violente possible je n'ai pas trouvé ça intéressant,
ça ne me parlait pas. Dans GTA il y a deux aspects. Le premier c'est le
scénario de base avec de la criminalité mais le but à la
base c'est d'être une satire du monde américain sur le banditisme.
Alors évidemment il y a des choses condamnables dans ce que font les
personnages mais en même temps c'est orienté sur des crimes et de
la manière dont c'est représenté dans le scénario
ça ne me choque pas. Comme le jeu laisse libre court aux joueurs de
faire ce qu'on veut c'est vrai que le passe-temps de beaucoup de monde c'est de
prendre une voiture volée et de tuer tout le monde. Mais ce n'est pas le
jeu de base c'est les gens qui font ces choix-là de manière
indépendante. Est-ce que la liberté qui est laissée est
malsaine ? Non je ne pense pas, aucun des amis que je connais qui jouait
à ça n'est devenu un adulte problématique, ils se sont
juste un jour défoulés sur un jeu.
La question est toujours de savoir où est ce qu'on
place le curseur, c'est de savoir qu'est ce qui est abject et ne devrait pas
exister ? Dès qu'on a un thriller on va avoir du vol, du meurtre, est ce
que sous prétexte que c'est un jeu et qu'il y a une interactivité
avec le joueur, on peut considérer ça plus problématique
que quand il est simple spectateur devant un film, moi je ne trouve pas.
Dans les jeux on fait quelque chose qui est illégal
dans la vraie vie, on en a conscience bien entendu mais un braquage par exemple
c'est quelque chose que je trouve amusant mais dans le cadre du jeu. On sait
qu'on est dans du virtuel, qu'on fait de mal à personne.
Un jeu comme Rape Day, s'il y avait un propos plus global, une
réflexion qui a du sens pourquoi pas. Mais si le seul but est la
violence, le viol je peine à comprendre l'utilité et à
comprendre comment certaines personnes peuvent être attirées par
ce genre de jeu. Il n'y a pas quelque chose qui englobe le propos, qui raconte
une histoire quelconque, qui vient sensibiliser. Quand c'est juste gratuit, je
ne comprends pas l'intérêt et je ne comprends pas comment cela
peut plaire à certaines personnes outre pour de la perversité
malsaine.
Je pense que oui malheureusement dans la société
actuelle, des crimes comme le meurtre sont beaucoup plus acceptés que
des crimes comme le viol. Dans de nombreux thrillers, des films de bastons, il
y a des gens tués tout le temps. Dans le divertissement c'est moins
choquant parce que c'est devenu banal, qu'on baigne là-dedans depuis
toujours.
269 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Non je ne pense pas parce que c'est une industrie qui est
à l'heure actuelle trop masculine. Il y a encore des dérives
indirectes, il faut des femmes pour que tout cela s'équilibre.
Même si le jeu vidéo s'est généralisé comme
un média culturel de masse et que tout le monde y a accès, les
jeux vidéo restent un produit qui est plus mis en scène pour les
hommes. Ça tend à changer mais je pense que c'est toujours un peu
plus vendu comme quelque chose qui attire les hommes. Le jeu vidéo est
globalement un milieu très mal payé avec des perspectives
d'évolution quasiment inexistantes. Je ne pense pas que les femmes
soient freinées par l'aspect salaire mais le fait qu'il y ait peu de
perspectives d'évolution et le fait qu'il y ait moins de femmes
ça rebute un peu. Il faut aussi pouvoir encaisser l'ambiance qu'il peut
y avoir dans une équipe. Moi typiquement j'ai des amis filles qui jouent
des roles clés que je serai incapable de jouer. L'argument de dire que
les femmes doivent jouer support je le trouve pourri.
4- Que pensez-vous des ligues féminines ?
Pour l'instant on n'a pas eu d'équipe féminine
à haut niveau, on a pas de raison apparente qui fait que les femmes sont
moins bonnes que les hommes aux jeux. Est-ce que c'est parce qu'elles sont
moins fortes, que le coaching est moins bon, que l'environnement est moins bon
?
Est-ce qu'il faudrait des ligues féminines distinctes
? Je ne sais pas parce qu'effectivement on a pas la même situation que
dans le sport où il y a des différences au niveau physique. Mais
il y a vraiment des femmes extrêmement fortes et je n'arrive pas à
savoir si c'est un manque d'accessibilité terrible ou
d'intérêt vraiment pour le milieu. J'ai hâte de voir des
équipes complètes de femmes terrasser des équipes d'hommes
et pour le moment ça peine à arriver.
5- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Que j'ai vécu et que j'ai constaté dans mon
milieu oui. Je l'ai vécu beaucoup à Eclypsia parce que parmi la
gérance de la société il y avait des profils
problématiques notamment au niveau du comportement que les gens
pouvaient avoir envers les femmes. Je pense que l'un de mes supérieurs
était macho et sexistes dans ses relations personnelles mais au niveau
professionnel il voulait un peu être le male alpha de la tribu. A
l'époque quand je bossais à bas, on était un petit groupe
de personne donc on avait vite fait le tour des gens travaillant dans
l'établissement.
270 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Et ce gars-là avait cette manie de faire une chasse
gardée au niveau de toutes les femmes de l'entreprise. Je l'ai vu
beaucoup faire du harcèlement moral vis-à-vis des autres hommes
qui avaient le malheur de se rapprocher des femmes. Je l'ai vu frapper, menacer
des gens, aller bien trop loin par rapport à un cadre professionnel. Et
je pense que c'est allé jusqu'au harcèlement sexuel sur certaines
femmes mais ça je n'y ai pas assisté.
Pour le coup, dans l'expérience que j'ai eu du
streaming je ne trouve pas trop. Il y a plusieurs choses : les streamers, les
équipes et les viewers. Globalement entre équipes et streamers,
même si on manque encore de filles en terme de ratio parce que le monde
du jeu est encore très masculin, malgré tout c'est un domaine qui
s'est assez diversifié, toutes les femmes ont l'air d'être
contente d'être là.
Par contre je trouve que les problèmes viennent du
discours ou de la communauté. La personne qui est regardée est un
peu vue comme un gourou et se doit d'avoir un discours et un comportement
correct. Il y a un dicton qui dit « On a la communauté qu'on
mérite ». C'est assez vrai parce que si le streamer ne se comporte
pas bien, insulte souvent, fait des blagues sexistes, la communauté va
régir pareil. Dès qu'on laisse la porte ouverte à
ça, on laisse la porte ouverte pour toute la communauté. Comme
ça reste un milieu plus masculin, par banalisation du discours ou par
habitude, il y a encore des mecs qui banalisent des vannes sexistes. C'est de
l'abus de langage, ils ne pensent pas à mal mais c'est là et il
faut le corriger. Ce n'est pas le plus gros du problème mais c'est
là. Quand on banalise ça devant des milliers de personnes c'est
un problème.
Le problème c'est que c'est un apprentissage. On veut
changer une norme culturelle qui a été la norme pour de
nombreuses personnes pendant plusieurs années. Quand j'étais
petit « pd » était une insulte alors que non c'est juste un
aspect de vie.
6- Retour sur la situation entre Inoxtag et Ultia lors du
Zevent
C'est décrié oui mais il y a pleins de raisons
à cela. Ce qu'il faut savoir avec le Zevent c'est que c'est un
évènement qui a grossi énormément, bien plus qu'on
aurait pu l'anticiper à la base, mais paradoxalement l'équipe qui
gère la chose n'a pas vraiment changé. On est vraiment 5 au
maximum à organiser. Donc on n'est pas nombreux non plus à la
gestion des crises.
La source du succès de l'évènement c'est
qu'il y a des lives en direct de la part de toutes les
271 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
personnes invitées. Avec 55 personnes en live il y a du
contenu très varié donc on est sûrs que n'importe quel
spectateur va trouver un contenu qui lui plait, va rester et va potentiellement
donner pour l'association du moment.
On part du principe que les personnes qu'on invite sont des
professionnels et savent très bien comment se comporter. Ils connaissent
les règles de fonctionnement et ils savent les propos à tenir. Et
avant l'année dernière et ce qui est arrivé avec Inox qui
a 19 ans il n'y avait jamais eu de problèmes. Je ne veux pas pointer du
doigt son age mais ça peut entrer en considération. Quand ils
sont 55 en live c'est pas toujours facile de réagir en direct parce que
déjà il faut le voir. Les deux gérants de
l'évènement c'est Zerator et moi et lui est souvent en live. Donc
pour lui ce n'est pas évident de réagir parce que s'il est en
live il ne peut pas voir ce qu'il se passe sur les lives de tous les autres. Je
n'ai pas la prétention de pouvoir suivre tous les lives et pas de bol,
le problème avec Inox est arrivé pile quand je suis passé
dans le direct de Joueur du Grenier. Donc le premier problème c'est que
Zerator et moi étions occupé à ce moment-là. Il y
avait des gens de Twitch mais ils n'ont pas réagi, parce que pour eux
c'était à nous de réagir. Ensuite qu'elles étaient
les réactions possibles ? Soit aller le voir en live pour lui faire des
reproches mais forcement c'est pas géré avec sang-froid donc
ça va créer un drama énorme. Derrière lui il a
toute sa communauté donc je vais me faire insulter, ça va prendre
des proportions énormes et ça va faire une pub nulle pour
l'évènement. Donc est ce qu'on doit amplifier le scandale ou
plutôt réagir en backstage pour lui demander ce qu'il
s'était passer, pourquoi il avait agi comme ça.
Donc lui derrière, pourquoi il a agi comme ça ?
Parce que derrière il connaissait la femme en question, elle savait
pourquoi elle était là, que même si elle ne comprend pas
tout elle sait qu'elle est là pour mettre en avant sa
notoriété. Lui l'a reconnu et a vu que ça pouvait
être mal pris parce que pour lui c'était une amie donc ils
étaient en train de rigoler ensemble. Il a réalisé que les
gens ne le connaissent pas, que les gens le prennent pour un misogyne et ils
ont raison parce que les propos qu'il a tenu n'étaient pas corrects.
Je suis surtout allée voir Ultia parce qu'elle s'est
élevée contre le fait qu'il avait le record de vues sur « un
contenu de merde ». Elle regrette aussi parce qu'elle a été
très impulsive mais elle a eu raison de s'insurger contre un contenu
comme cela. C'est dans la manière de l'avoir fait que ça a
posé problème. Mais le fait est que comme c'est elle qui en
s'insurgeant se prenait une vague de harcèlement et d'insultes sur les
réseaux, je suis d'abord allé la voir elle pour voir
272 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
comment elle voulait qu'on réagisse.
Ils ont fait un live ensemble où elle lui a
expliqué pourquoi elle avait réagi comme ça, lui a
complètement ravalé sa fierté en s'excusant donc il a
vraiment bien réagi. C'est elle qui a choisi de ne pas en parler au nom
du Zevent parce que pour elle ça allait être pire, ça
allait amplifier la chose auprès de ceux qui n'en avaient pas entendu
parler et au niveau des médias.
Le dernier problème c'était au niveau de la
communauté d'Inoxtag parce que c'est vraiment des personnes immatures
donc c'est ça qui nous a fait le plus peur. Comme lui aussi a ce
côté assez impulsif et infantile, ça encourage sa
communauté. Quand on est pas en position de force, on
réfléchit à deux fois avant d'agir parce que si on se
prend le retour de bâton on ne peut pas toujours l'encaisser. Il y a
toujours deux camps, ceux qui vont trouver cela inapproprié et ceux qui
vont dire que c'est de l'humour et donc ce n'est pas très grave.
C'était la première fois qu'on était
confrontés à ce genre de cas, c'était
surmédiatisé et on se demande encore aujourd'hui si on aurait pu
mieux faire ou pas.
7- Pensez-vous que le corps de la femme soit
utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en
pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et
réfléchi de la part des entreprises ?
Il y a deux cas de figure. Il y a des jeux où c'est
clairement un outil marketing. Il y a des jeux comme Senran Kagura, quand la
pochette du jeu c'est ça (image ci-joint), si on n'est pas conscient que
c'est un outil marketing il y a un problème. C'est des filles qui se
tapent dessus et plus ça avance plus leurs habits se
déchirent.
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Pour League of Legends il y a les standards de la
beauté marketing actuelle avec la femme en 8, plantureuse en haut, avec
des femmes bombées. Il y a surement des graphistes qui aiment
dessinés ce genre de choses. Moi en tant que consommateur et même
en tant que travailleur de cette industrie, il ne faut pas être dupe,
Katarina fait vendre parce que même si c'est un assassin avec des dagues
on lui met un costume de petit chat au lieu d'un masque devant la bouche. On
pourrait lui cacher bien plus la peau en lui mettant une armure.
Un concurrent de LoL qui s'appelait Smite avait fait des skins
pour ses personnages féminins qui étaient vraiment abusés,
ultra sexy. Ça leur a été reproché même par
la communauté parce que c'était excessif.
Oui c'est un outil marketing, tout le monde le sait mais dans
les deux sens. Oui peut être qu'un mec préfère jouer un
personnage féminin qui est le standard des clichés de
beauté. Mais est-ce quand il joue un personnage masculin il
n'apprécie pas jouer un personnage masculin super musclé, fort ?
God of War ne serait surement pas pareil si Kratos n'était pas une masse
de muscles. Même dans LoL, les personnages seraient peut-être moins
appréciés s'ils étaient moches que ce soient des hommes ou
des femmes.
Les personnages moches il n'y en a pas parce que ce n'est pas
vendeur. Nathan Drake est un beau gosse. Les personnages impactants qui sont
moches il n'y en a pas. Des héros d'aventure immondes il n'y en a pas ou
alors c'est parce que tout le jeu est orienté comme cela. Gragas par
exemple c'est un parti pris, c'est de l'humour et il en faut. Les gnomes dans
WoW c'est pareil, ça fait rire les gens parce qu'ils n'ont aucune
allure. Parce que c'est drôle de détruire ses adversaires avec un
personnage hideux. Il y a un aspect trolling, provocation qu'engendre le PVP
alors qu'en aventure solo on préfère avoir un personnage beau
à regarder.
8- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse
être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des
femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
Elle ne peut pas, elle doit. Quand il y a des mecs qui ban 5
supports devant une team féminine on devrait avoir des excuses publiques
sur les réseaux. Ce genre de choses est encore trop banalisé,
ça ne devrait même pas passer et même pas exister.
273 / 291
Le problème des réseaux et du en ligne en
général c'est que les gens sont vraiment extrêmement
L'image de la femme dans les jeux vidéo
véhéments. Les gens se permettent des choses en
ligne qu'ils ne se permettent jamais dans la vraie vie, sous couvert d'anonymat
et de distance vis-à-vis de leur interlocuteur. Je me suis
déjà retrouvé face à face avec des mecs qui
m'avaient sorti des trucs abominables en ligne et qui se la fermait bien fort
quand ils se trouvaient devant moi donc c'est assez comique.
On ne peut pas mettre toute la responsabilité sur les
femmes. Alors certes il faut qu'elles s'imposent, qu'elles soient source de
motivation mais la banalisation du sexisme, de la misogynie doit disparaitre et
ça passe par reprendre toutes ces personnes qui se comportent d'une
manière inappropriée. Ça passe notamment par les parents,
par l'éducation, par les coachs, les personnes qui encadrent. Les
joueurs sont souvent des mecs très jeunes et immatures qui ne se rendent
pas compte de la portée que peuvent avoir leurs paroles. C'est à
la structure de réagir et de mettre des sanctions.
Oui il faut qu'il y ait une responsabilisation des hommes.
C'est le problème de tout le monde et ça doit aller dans les deux
sens. Il faut que les femmes fassent leur part mais c'est surtout aux hommes de
faire le pas.
Quand tu as une position d'influenceur c'est ton travail
encore plus que n'importe qui d'autre d'agir et de réagir
vis-à-vis de propos sexistes ou misogynes. Quand suffisamment de gens en
auront conscience et feront les efforts c'est là que ceux qui ne font
rien se feront lyncher parce qu'ils seront la minorité de personne
à agir au contraire de tout le monde. Pour l'instant c'est encore la
majorité.
9- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?
Une fois de plus, ce qui est compliqué c'est de savoir
ce qui est acceptable en tant que réalisateur dans le média
cultuel. Où est ce qu'on fixe la limite de ce qui est permis et
moralement acceptable ou non.
Annexe 27 - Retranscription entretien Léa Mitteaux
(Master marketing digital et communication, coprésidente de Bravens) -
Noha Abdelmalki (Consultante en informatique, coprésidente de
Bravens)
274 / 291
Cet entretien a été réalisé avec les
deux fondatrices de l'association esportive Bravens. Noha et
275 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Léa m'ont répondu chacune leur tour sur chaque
question.
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
L : Je suis actuellement en 4e année de master
marketing digital et communication et alternante chargée de solution
digitale et à côté de ça je suis
co-présidente de notre association esportive qui a pour objective de
promouvoir l'inclusivité au sein de l'esport mais aussi de
professionnaliser les pratiques et son enseignement. Je suis aussi à la
Lyon esport où j'aide au pôle sponsor et partenariat où je
m'occupe de toutes les relations stand.
Je joue depuis que je suis toute petite, j'ai grandi avec un
frère qui jouait beaucoup et j'ai toujours grandi en le regardant jouer.
Je me suis mise à jouer très tôt, on a toujours
été des tryharder avec mon frère. J'étais rarement
sur un jeu pour juste y jouer, on regardait toujours sur internet pour avoir
les persos les plus optimisés possible, les meilleurs trucs possibles.
L'esport est venu plus tard, en 2015 avec League of Legends, et ça ne
m'a jamais quitté. En grandissant je me suis rendue compte que je
voulais vraiment m'investir dans l'esport parce qu'en tant que femme il y avait
beaucoup de choses qui avaient besoin d'être corrigées. J'ai voulu
m'investir dans l'esport et c'est pour ça que je suis avec Noha dans
cette petite aventure.
N : Je m'appelle Noha j'ai 25 ans, je suis consultante en
informatique, actuellement je suis business analyste. J'ai un master en
ingénierie de l'informatique. Je suis dans les jeux vidéo depuis
que je suis petite. J'ai des photos de moi ne sachant même pas parler
mais avec une manette dans les mains. Mon père était un gros
gamer sur des FPS et des jeux d'horreur. L'esport avant qu'on sache que
ça existait j'avais déjà cet esprit de compétition
contre mon père et mes frères pour m'améliorer. Mais pour
vraiment jouer dedans c'est en 2015 avec la sortie de Rainbow VI.
Pour l'asso, il faut savoir qu'on est deux fan de la KCorp
c'est pour ça qu'on s'est rencontré. On a commencé
à parler de notre intérêt pour l'esport, de ce qu'on
voulait faire pour l'esport et on s'est rendu compte qu'on était
très complémentaires. Elle c'était plus
l'inclusivité, et ça m'a vraiment intéressé parce
que je me suis rendue compte que la transphobie, le sexisme c'est plus
possible, on est plus au moyen âge.
276 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Ce qu'on voudrait faire c'est des centres de formation des
joueurs, on veut aller aux antipodes de l'industrie qui bench pour un rien. On
part du principe que si un joueur under-perform c'est qu'il y a eu un
problème en amont et ce n'est jamais anodin.
L : Ce qu'on veut c'est accompagner des profils sur lequel on
n'a pas forcément misé de base parce que dans l'esport on ne
donne pas forcément une chance à tout le monde. C'est une
industrie trop sectaire qui a du mal à se désacraliser, c'est une
atmosphère toujours trop sectaire. Les chances sont toujours
données aux mêmes personnes et il n'y a pas grand monde qui laisse
leur chance aux autres. Il y a des profils qui pourraient grandir si on leur
laissait une chance et les opportunités et c'est ce qu'on veut
changer.
On veut accompagner la pratique surtout auprès des
parents, créer une passerelle auprès des familles pour qu'elles
se sentent rassurées et pour leur montrer que leurs enfants pratique
cela dans un environnement sain, dans de bonnes conditions, entourés de
personnes bienveillantes. On commence par la création d'équipe
esportive inclusive, on a une joueuse belge qui a rejoint notre premier
roster.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
L : Au niveau des consommateurs déjà, de
façon générale il y a des choses très
problématiques, il y a des jeux c'est 90% de fan service. Un jeu
vidéo est censé être un passe-temps comme un autre et
là on a des détraqués qui utilisent les jeux comme lubie
et comme fantasmes.
Ce qui me fait mal au coeur c'est de regarder le TikTok d'un
cosplayeur pour se rendre compte du problème autour de la sexualisation
des personnages de jeux vidéo. Il y a une déshumanisation, les
gens ne se rendent pas compte des propos qu'ils peuvent tenir. C'est sur tous
les plans, les gens qui créent les jeux, ceux qui jouent c'est des deux
côtés qu'il y a un problème.
N : Cette sexualisation elle n'est pas que dans les jeux elle
est aussi dans les mangas, les animés, les films. Il y a toujours une
bombasse. C'est normal parce que elles aussi il faut les représenter
mais le problème c'est qu'ils ne représentent pas plusieurs types
de personnes, c'est toujours le même.
Je ne sais pas si je pète un câble ou quoi mais
pour moi c'est sexualisé mais je n'arrive plus à
277 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
voir le mal, je ne sais pas si c'est à cause de
l'habitude. D'accord la tenue c'est abusé mais la plupart du temps les
corps existent aussi dans la vraie vie donc je laisse couler.
C'est dommage mais ça ne me choque plus vraiment, je
suis choquée par les paroles que les gens peuvent avoir et pour moi
c'est plus aux gens de se contenir. Le fan service ça vient d'un besoin
et d'une envie, ça rapporte de l'argent donc est ce qu'on peut en
vouloir à ceux qui répondent au besoin ou à ceux qui
appellent à ce besoin, qui recherchent ce genre de jeux ?
L : Si les éditeurs continuent à faire ce genre
de jeux c'est que ça vient répondre à une demande,
à un besoin et que ça leur rapporte de l'argent. On en vient
à boycotter des jeux comme Horizon, parce que les gens créent un
débat autour des poils du visage, pleins de mecs sont venus dire
qu'à cause de ça ce n'est pas une vraie femme.
C'est là que je me dis qu'il y a un vrai
problème et que je me demande s'ils ont déjà vu une vraie
femme dans la vie. Les hommes ont boycotté le jeu parce qu'Aloy n'allait
pas ressembler à une femme traditionnelle du jeu vidéo avec des
grosses fesses et des gros seins parce qu'apparemment leur plaisir quand ils
jouent à ce jeu c'est de voir ses attributs se balancer dans tous les
sens. Il y a un super lore, une super histoire je ne comprends même pas
comment ils peuvent s'attarder sur des trucs pareils.
N : Pour prendre une polémique encore plus grosse on
peut parler de Rape Day et là dans ce cas précis, je pense qu'en
plus de répondre au besoin de la clientèle je pense que ce qu'il
s'est dit c'est que c'est un héros parce qu'il va empêcher des
gens de le faire en vrai.
L : C'est un détraqué mental, c'est le genre de
choses qui me fais me poser de grosses questions sur la société
dans laquelle on vit. On sait qu'on ne va pas tuer des gens alors que le viol
on sait que ça arrive, que c'est autour de nous. Dans le monde des jeux,
le meurtre est banalisé. Sur Black Ops j'avais un peu peur avec les
zombies mais maintenant je m'en fous, donc c'est une question de banalisation.
Si on avait un jeu autour du viol qui sortait tous les 3 jours ça ne
serait pas plus simple à accepter pour nous mais surement pour les
générations futures.
3- De la même manière celui de l'esport
?
N : Pour moi, ce que je ne comprends pas c'était un
sondage de WIG sur le nombre de femmes dans les jeux vidéo et sur le
nombre de femmes qui y travaillent. On avait 50% de joueuses pour 22% de femmes
qui y travaillent alors qu'à mon avis ce n'est pas l'envie qui
manque.
278 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
C'est dur de se faire une place et à compétences
égales j'ai le sentiment qu'ils vont plus partir sur des hommes. De ce
que nous on voit c'est vraiment compliqué, je ne sais pas s'il faudrait
mettre un quota parce que ça serait surement hypocrite mais il faut
surtout des gens qui se battent pour changer les cases, les moeurs. Avec notre
initiative on se bats pour qu'un sexe ou un genre ou une orientation ne soit
pas que des cases dans lesquelles on nous met et qu'avant de voir le sexe de la
personne on doit voir ses compétences, ses soft skills, ses hard skills.
Ce genre de choses on ne les choisit pas donc ça ne devrait pas
être un frein.
L : C'est comme partout j'ai l'impression que la femme va
être sexualisée peu importe le milieu dans lequel on est parce que
c'est un problème de société et tant que la
société ne change pas, tout ce qui découle de la
société ne va bouger.
Le peu de femmes qu'on a dans l'esport, il y a
énormément de dalleux autour. Il y avait eu un thread à
l'époque en rapport avec une streameuse de LoL qui était «
qui pour se masturber sur sa gueule ». Je n'arrive pas à concevoir
ce genre de choses. Que ce soit jeux vidéo ou les femmes dans l'esport
il y aura toujours des gens détraqués qui sont là pour
nous rappeler qu'on est des femmes et qui nous voient comme un trou. J'ai
l'impression que ça sera ça pendant un bon moment.
4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
L : Pas du tout, il y a qu'à voir le top 500 des
joueurs professionnels les mieux rémunérés au monde il n'y
a qu'une femme dans le top 500. Des femmes qui jouent et qui jouent très
bien il y en a énormément mais la lumière n'est jamais
mise sur ces personnes parce que l'industrie du jeu est encore très
misogyne et très centrée sur les hommes et la plupart des
remarques c'est « tu es une fille, pourquoi tu joues », ce ne donne
pas envie de pousser pour passer dans l'esport. Il y a pleins de femmes qui
s'empêchent de jouer parce qu'elles ont peur de devoir subir des choses
pas cool, pour moi il n'y a aucune égalité. Il n'y a pas assez de
représentation. La représentation va être o faite au niveau
des casters on en voit un peu plus, au niveau des scènes pro. Il y a des
démarches mises en place au niveau des équipes féminines
chez MCES ou Misfits mais ça reste des initiatives très rares et
pas tellement mises en lumière.
N : Pour moi ce genre de roster ne devrait pas être mis
en lumière, on devrait avoir des équipes mixtes. Pour moi si une
team de 5 femmes ont le niveau j'ai aucun soucis avec ça mais il ne faut
pas prendre des femmes juste pour faire de la figuration, si c'est juste pour
dire « regardez on a un roster de filles » c'est un peu pour moi la
même chose que de dire qu'il y a un roster
279 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
d'hommes et un roster d'handicapés. Ça devrait
être mixte et c'est tout.
L : Dans notre équipe, la fille qui nous a rejoint en
tant que support le ressent bien parce que beaucoup d'équipes surfent
sur cette vibe d'intégrer des femmes, d'inclusivité. Il y a des
gens qui font des choses sur l'inclusivité parce que c'est à la
mode mais ils ne se rendent pas compte de l'importance que ça a. Ce
n'est pas juste une chose qu'on va faire pendant 3 mois puis s'arrêter
parce que ça ne sera plus à la mode. On parle de la vie de gens,
de vraies personnes et ce n'est pas juste une mode.
5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans
le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles
?
L : Dans la pratique oui, ça rejoint de ce qu'on a
mentionné. Nous on ne s'est pas arrêté de jouer mais j'ai
une amie qui a arrêté de jouer à Valorant parce qu'à
chaque fois qu'elle rejoignait le chat vocal elle se faisait insulter. Il y a
une appréhension de certaines femmes vis-à-vis du jeu
vidéo parce qu'on est plus à même de recevoir des insultes
gratuites qu'un homme sur les jeux en général.
N : Personnellement j'ai compris cela du côté
des parents. De mon côté j'ai un père qui été
très gamer et qui n'a pas fait de différences entre moi et mes
frères mais par exemple au niveau de ma mère elle n'a jamais
compris pourquoi je ne sortais pas parce que « tu es une fille donc
pourquoi tu joues, tu es sensée sortir et te faire belle ». Moi le
maquillage je suis loin d'être une pro et surtout pour moi je trouve
ça trop dommage de le donner à un genre mais il y a des personnes
qui sont encore dans le passé en fonction de l'éducation qu'ils
ont eu et qui sont résistantes au changement.
Encore dans le foot je peux comprendre qu'on mette en avant
des différences mais le jeu vidéo ne demande pas d'effort
physique énorme, il faut bouger sa souris et ses doigts sur le clavier,
c'est surtout au niveau du cerveau que ça se passe
6- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
L : Oui, beaucoup trop, vu que tout est en ligne, les gens
n'ont aucun scrupule à lâcher leur venin parce qu'ils n'ont aucune
chance d'être identifiés et encore moins que dans la vraie vie.
280 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
Déjà dans la vraie vie le harcèlement est
très rarement puni donc derrière un écran les gens
n'hésitent pas à harceler et on le voit
énormément.
Même sur Twitter par exemple, les dramas vont tellement
vite que même des figures influentes ne se rendent pas compte qu'elles
incitent au harcèlement parfois ciblé. Il y a un énorme
problème dans le rapport à ça dans la sphère jeux
vidéo parce qu'on a assisté à ça il n'y a pas si
longtemps que ça.
N : J'ai l'impression qu'on se dit que l'esport est un domaine
professionnel, un domaine qui doit se professionnaliser, un domaine dans lequel
les gens vont être vus comme des pros mais derrière il y a des
personnes qui ne se rendent pas compte de leur image et de leur influence. Il y
a cet effet boule de neige sur les réseaux qui fait que ça part
très vite : soit il n'y a rien qui se passe soit il y a tout qui se
passe et c'est horrible. Les gens ne se rendent pas compte de leur
influence.
Je suis une joueuse FPS. Je joue beaucoup à R6, je me
suis faite ban définitivement parce que je me suis défendue. Au
final je me suis racheté un autre compte mais le message est
passé, « tu es une victime mais on s'en fous, tu as répondu
donc tu es aussi coupable que l'agresseur ». Je peux comprendre mais j'ai
mis du temps à comprendre surtout que j'avais demandé des
explications et je n'en ai jamais eu.
C'est surtout sur Call of que je me mange des rafales
où tu sens que tu n'as pas ta place, que si tu es une fille tu cheat, tu
ne peux pas être une joueuse normale qui joue depuis qu'elle est petite,
tu es déjà en train de cheat. « Avant tu faisais du 0/10
maintenant tu fais du 20/2 ce n'est pas possible, ce n'est pas celle que je
connais ».
L : Un homme qui progresse on va lui dire qu'il est trop fort
alors qu'une femme va tricher, va être boostée. On ne va jamais
être félicitée parce qu'on progresse. J'ai vécu ce
harcèlement durant 6 mois de stream sur LoL. Le stream était
cool, je postais des petits tips sur TikTok aussi. Et il y a avait pas une
seule vidéo sans 3 bouffons qui étaient là pour
m'insulter, soit pour me dire que mes moves n'étaient que grâce
à mes potes.
Quand j'ai commencé les ranked je jouais seule, je suis
montée seule avec que des doubles promotions. Et je me suis faite
insultée parce que j'ai réussi à faire quelque chose. Donc
déjà il faut m'expliquer comment on peut tricher sur LoL et puis
clairement j'étais là pour jouer
281 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
tranquille. Et je me faisais insulter de fou, on m'a bien fait
comprendre que je n'avais pas à être là en tant que femme.
Il y en a qui sont très bienveillants et il y en a c'est le typique
« la femme c'est à la cuisine », les gens croient que c'est
une blague mais non pas du tout.
Pendant une partie sur lol, on jouait avec une amie, des gars
nous ont ajouté parce qu'ils avaient aimé comment on jouait et
ils nous ont demandé si on voulait vocal. A peine arrivées en
vocal et qu'ils ont compris qu'on était des femmes qu'ils nous ont
insultées, virées du discord et sur le moment je me suis dit que
si on n'avait jamais parlé dans le channel vocal ils auraient
continué à jouer avec nous.
Des trucs comme ça c'est hyper fréquent, quand
j'en parle avec des potes qui stream c'est tout le temps. C'est quelque chose
qui est trop banalisé, dans la tête de certains c'est juste normal
de faire cela, ils n'arrivent même pas à se rendre compte que
c'est du harcèlement.
N : Je me faisais tellement insulté que je me suis
appelée « Lunch Maker » sur Call of. Je pensais que les gens
allaient se calmer mais c'était encore pire, c'était une
déferlante de haine. Je l'ai vécu avec les deux sexes, j'ai
même vu des femmes harceler des hommes mais c'est très rare, c'est
quasiment tout le temps des hommes. Avant je prenais mal les attaques quand
c'était des hommes, maintenant je n'en ai plus rien à faire mais
quand c'est une femme ça me fait mal parce qu'on devrait toutes
être solidaires. Ce n'est quasiment jamais quelque chose de constructif.
On est moins habitués à recevoir les critiques des femmes et
ça fait vraiment mal.
L : C'est surtout des hommes qui vont venir prendre la
tête aux femmes dans le jeu vidéo. On voit très bien des
femmes parfois harceler aussi, c'est ce que j'appelle de la misogynie
intériorisée. Chacun appelle ça comme il veut mais quand
on voit certaines femmes tenir des propos avec leurs consoeurs je comprends pas
le but de cracher sur une femme qui n'a rien demandé
Je n'arrive pas à comprendre que ça persiste
comme cela, ça ne t'apporte rien de cracher sur quelqu'un qui ne te
connait ni d'Adam ni d'Eve. On est moins habituées à recevoir des
critiques des femmes parce que des critiques venant des hommes c'est quasiment
une habitude, on en reçoit depuis notre plus jeune age.
7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
282 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
N : Autant tout à l'heure je disais que je trouvais
ça normal et banalisé qu'on sexualise les femmes dans les jeux
après ça vient rejoindre d'autres problématiques. Pour
certains le jeu c'est la réalité donc pour certains si tu n'as
pas beaucoup de poitrine tu n'es pas une femme. Certains vont te harceler en ce
sens. On est tous différents, on a des poitrines différentes, on
a des cerveaux différents, on a des mains différentes, des
épaules différentes.
Il faut arrêter d'être haineux, le corps de la
femme n'a pas été créé pour un homme, pour plaire
à un homme, il faut arrêter d'avoir autant d'intérêt
pour le corps de la femme, c'est personnel et on en fait ce qu'on veut. Moi si
je commence à avoir autant d'intérêt pour les attributs
masculins je vais me faire envoyer balader très rapidement voir
insulter.
L : Quand j'étais plus jeune ça me complexait
beaucoup, comme je jouais beaucoup aux jeux j'ai grandi en voyant des corps que
je n'avais pas. Je n'avais pas de représentation de moi et de mon corps
quand j'étais petite et ça m'a beaucoup complexé quand
j'étais petite surtout que j'ai fait face à des réflexions
par rapport à mon corps comme quoi je n'avais pas un corps de femme. Les
gens sont matrixés, ils ne comprennent pas que ce qu'on voit dans le jeu
c'est loin d'être la réalité. Les personnes qui ont ce
genre de corps c'est grâce à la chirurgie esthétique, moi
je joue à Genshin Impact, personne ne ressemble à ça dans
la vraie vie. Les gens sont complètement déconnectés de la
réalité. C'est vraiment l'histoire d'Aloy qui m'a fait me rendre
compte que les gens ne savent pas à quoi un réel humain
ressemble. Pour moi c'est des gens ravagés, aveuglés par les jeux
vidéo. Je n'arrive pas à concevoir qu'on puisse être
à ce point aveuglé par les jeux. C'est aussi un problème
de société donc ça n'aide pas non plus.
8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde
professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi
?
L : Il y a une casteuse coréenne, Ashley Kang qui a mis
énormément de temps à se faire une place dans l'esport et
maintenant qu'elle y est, elle subit des rafles de commentaires haineux sur son
apparence parce qu'elle n'est pas assez belle pour être casteuse et pour
présenter l'esport. On parle de jeux vidéo donc si la personne
est assez compétente pour parler de jeux, on est quand même
là pour ça. Des hommes sur la scène esportive qui
ressemblent à pas grand-chose il y en a beaucoup.
283 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
On ne laisse pas du tout les mêmes chances en terme de
beauté aux hommes et aux femmes. Si tu n'es pas un mannequin tu ne peux
réussir en tant que femme alors que Ashley est vraiment quelqu'un qui
fait un travail de vraiment bonne qualité. Le fait qu'après des
années de travail les seules remarques soient sur le physique c'est
blessant et ça ne donne pas envie aux autres d'essayer de se faire une
place là-dedans.
9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse
être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des
femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?
L : Nous on le fait à notre échelle, ça
peut paraitre très dérisoire, mais sur la plupart des
équipes LoL on intègre des joueurs directement après les
essais. Nous on fait des entretiens pour savoir si les personnes qu'on a en
face de nous sont dans une bonne dynamique et sont des personnes qui ont ce
genre de choses dans leurs valeurs à savoir l'inclusivité, la
tolérance. Plus on arrive à amener ces hommes qui qui veulent
lutter pour faire avancer les mentalités c'est là qu'on peut
faire quelque chose à notre échelle.
En faisant ce tri on crée une sphère
d'évolution bienveillante avec des personnes qui sont sur des
mentalités alignées et qu'ils sont prêts à
être éduqués.
Au stade où on en est c'est une question de temps et de
volonté. On ne va pas révolutionner le monde parce qu'il y aura
toujours des idiots pour ne pas voir le problème et ne pas comprendre
que c'est à eux de changer leur mode de pensée.
Il y a des mentalités qui ne se rendaient pas compte
des problèmes soulevés par cette industrie et qui arrivent
à y être sensibles en ayant juste une discussion. Il faut miser
sur ces profils ouverts d'esprit, qui arrivent à saisir qu'il y a des
problèmes. Il faut les accompagner dans cette démarche pour que
eux aussi puissent transmettre ces valeurs à leur tour.
N : La représentation est vraiment importante. S'il y a
beaucoup de femmes, de personnes qui n'ont pas peur de défendre leurs
teamates féminins, je pars du principe que ça devrait bien se
passer. Dans notre structure le plus important c'est l'entretien avec
Léa et moi, c'est important de savoir ce qu'ils pensent notamment sur le
fait d'avoir des teamates non binaires, féminins, savoir s'ils ont le
même ADN que nous et que l'équipe.
Annexe 28 - Retranscription entretien Katherine Mailloux
(Consultante marketing et associée chez le Gamer mentor)
284 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre
implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ?
Pourquoi ?
Je suis Katherine Mailloux, j'ai deux occupations principales,
je suis consultante marketing et associée avec mon copain dans
l'entreprise le Gamer mentor, qui est un programme d'entrainement et
d'accompagnement pour les adolescents qui jouent aux jeux vidéo. J'ai
toujours eu les jeux vidéo dans ma vie, j'ai grandi avec des consoles de
jeux sur la table du salon chez mes parents. Je n'ai jamais joué
à des jeux en ligne ou compétitif, c'était plus des jeux
comme Mario Kart.
Ça fait 2 ans qu'on a cette entreprise. Elle vient
surtout de mon copain qui a beaucoup joué quand il était
adolescent. Ses parents n'aimaient pas tellement ça, voulaient qu'il
fasse autre chose donc il a voulu offrir les mêmes opportunités
dans le jeux vidéo que dans le sport qui sont offertes aux jeunes qui en
ont envie.
On se challengeait beaucoup jusqu'à arriver à
une structure similaire au sport étude. Il y a de la pratique du jeu, on
a voulu rajouter des ateliers obligatoires sur les jeux, sur les
thématiques de vie. Il y a 12 jeux actuellement avec des coachs, on
essaie aussi d'aborder des sujets qui vont leur parler en lien avec les jeux
vidéo, sur par exemple « comment l'activité physique peut
aider pour être meilleur aux jeux vidéo, entre les games ou avant
pour stimuler le cerveau ». On leur parle de nutrition, de
l'hydratation
On a bonifié cette idée au cours des mois avec
des objectifs personnels, des objectifs dans le jeu. On focus beaucoup sur le
développement personnel par le jeu vidéo plutôt que le
développement de grand joueur professionnel. On veut qu'il y ait du
plaisir, que ça leur fasse du bien.
Techniquement c'est mixte, ce n'est pas limité aux
hommes mais par contre on a 100% d'hommes. Même dans les employés
c'est tous des hommes sauf moi et notre graphiste. Dans les jeunes on a eu une
fille. Quand on avait fait notre étude de marché on avait fait un
sondage sur Facebook où on avait demandé à des jeunes de
répondre, et la question qui est revenue de leur part c'était de
savoir s'il pouvait y avoir des filles.
Les femmes ne pensent pas forcément avoir leur place
là-dedans, on a même un endroit dans la FAQ où on en parle.
Dans notre étude de marché c'est une fille qui a écrit
cela en commentaire,
285 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
comme quoi elle ne savait pas si elle aurait une place. Dans
notre façon de fonctionner notre publicité est avant tout pour
les parents qui vont inscrire leurs jeunes. La récemment on a eu une
maman qui voulait inscrire sa fille et qui demandait s'il y avait d'autres
filles.
Tout est 100% à distance donc on se parle tous sur
discord. Je vais quand même plus vers les femmes directement pour leur
dire que je suis là si elles ont besoin de parler et de se confier.
2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo
soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?
Oui mais il y a une nette amélioration. Rainbow VI a
inclus un personnage trans dans les personnages qu'on peut choisir, il y a de
plus en plus d'initiatives qui sont mises en place, de pouvoir choisir une
femme ou un personne non binaire.
A la base ça caricaturise les stéréotypes
hommes-femmes de la vie réelle notamment dans le choix des personnages.
Après ça dépends vraiment des jeux, il y a des jeux ou on
ne le ressent pas vraiment. Dans LoL, il y a des femmes toutes minces avec des
gros seins mais d'autres vont être avec des proportions normales, comme
de vrais humains. Les hommes quand ils jouent ne font pas forcément la
distinction, ils jouent les champions mais pas pour le physique. Il y a quand
même une belle représentation, avec beaucoup d'efforts
réalisés ces dernières années. On est loin du
cliché de Mario où il faut sauver la princesse
Ce n'est pas que ça ne l'est plus maintenant mais il y
a des efforts qui sont faits de la part de nombreux compagnies de jeux
vidéo pour inverser ce stéréotype. Après quand on
voit des jeux comme GTA ça n'aide pas pour les stéréotypes
quand on voit des femmes entrain de danser sur un bar en petite tenue.
Dans lol on a vraiment ce côté parité
homme / femme / animal / monstre. Ce n'est pas concentré sur le fait de
sauver la petite princesse, qui est vue comme un objet, on voit beaucoup plus
les femmes comme des personnages importants à part entière.
Ce n'est plus un problème de jouer un personnage
féminin, quand je prenais Peach sur Mario Kart parmi les 8 personnages,
il n'y avait qu'une seule fille, c'était la petite princesse, donc
c'était un peu la honte parce que ce n'était pas une
héroïne comme les autres. Il y a aussi beaucoup plus de
diversité, peut-être pas dans tous les jeux mais dans beaucoup
d'entre eux.
286 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour
les hommes et les femmes ?
Non définitivement pas, il y a des efforts fait pour
montrer que les femmes ont leur place en théorie mais en pratique c'est
majoritairement un monde d'homme
Je ne sais pas vraiment pourquoi. Les statistiques montrent
que les hommes jouent plus que les femmes, je ne sais pas si c'est quelque
chose dans le cerveau qui fait qu'on accroche moins aux jeux vidéo, je
ne sais pas si c'est une explication physiologique ou si c'est parce qu'elles
sentent qu'elles n'ont pas leur place mais c'est sûr que les femmes dans
les jeux en ligne vont se prendre des commentaires sexistes comme «
retourne faire la vaisselle, faire la cuisine ».
De la même manière si tu es une femme sur Twitch
tu vas recevoir des commentaires horribles alors que si tu es un homme c'est
autre chose. Les hommes critiquent les femmes qui jouent, ils voient les femmes
comme des objets sexuels et des objets de désir mais les femmes
profitent parfois de ça comme avec les Hot Tub.
Les femmes peuvent se faire de l'argent parce qu'il y a des
hommes pour consommer cela, pour débourser du cash mais ça peut
venir discréditer l'image de la femme. On ne voit pas d'hommes faire des
hot tub mais en même temps les femmes ne sont pas assez bêtes pour
payer pour ça. C'est moins fun pour une femme d'être sur les jeux
de manière générale en raison des commentaires sexuels ou
des remarques qu'on peut recevoir. Si je jouais en ligne je pense que je
mettrai un pseudo très neutre justement pour éviter ces
commentaires.
4- Que pensez-vous des ligues féminines ?
Honnêtement je n'en connais pas vraiment. Mon avis c'est
que si les femmes ne se sentent pas leur place avec les hommes, ne se sentent
pas à l'aise en raison de leur comportement, ça en dit long.
De manière globale, il n'y a rien de physique ou de
physiologique qui peut avantager les hommes par rapport aux femmes. Les femmes
ont autant leur place que les hommes dans le jeu et peuvent aller aussi loin
malheureusement on en voit très peu. Je trouve ça dommage si
elles le font parce qu'elles sentent qu'elles n'ont pas leur place dans les
ligues masculines ou mixtes. Une ligue 100% féminine peut exclure les
gens parce que ça exclut les hommes. Donc ça peut envoyer encore
un autre message de dire qu'il faut être un homme ou une femme pour avoir
sa place dans une ligue et donc exclure les personnes ni binaires ou
transsexuelles.
287 / 291
L'image de la femme dans les jeux vidéo
5- Avez-vous déjà été victime
d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de
convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?
Je ne joue pas vraiment en ligne mais si je jouais je mettrai
un pseudo neutre. J'ai grandis avec des consoles donc quand j'allais dans des
bars de jeu c'était avec des amis et puis je les battais tous donc je
n'avais pas de reproches.
Après là avec l'entreprise je suis quand
même plus en retrait, on met toujours mon copain en avant parce que
ça parle plus d'avoir un homme en visage de l'entreprise. Je le ressens
beaucoup quand on me dit « c'est l'entreprise de ton copain », les
gens ne comprennent pas que je suis là, que je suis associée.
C'est un choix parce que je ressens que j'ai moins ma place parmi ces 90%
d'hommes à chaque évènement, chaque convention. Moi dans
l'entreprise je suis plus le cerveau, la stratégie, je suis moins
joueuse.
De plus, derrière les jeunes qui sont dans notre
programme il y a toutes les mères qui gèrent cela et qui veulent
le mieux pour leur enfant. Et c'est vrai que moi en tant que femme j'ai une
stratégie marketing qui leur parle beaucoup plus. Je me sens moins
à ma place dans les évènements gaming et jeux vidéo
mais pas forcément juste parce que je suis une fille mais aussi parce
que c'est l'atmosphère.
J'ai vu beaucoup de commentaires sur des lives Twitch
très négatifs. L'autre jour j'étais dans une convention,
et dès qu'une fille a eu le dos tourné tout le monde a
commencé à parler d'elle parce qu'elle s'était
créé un Only Fans en plus de son côté joueuse.
J'ai tellement peu vu de femmes dans le jeu que j'ai pu
rarement constater ce genre de situations mais toutes les femmes que je connais
qui jouent ou stream c'est que des commentaires d'hommes négatifs ou
sexistes qui n'ont pas lieu d'être.
6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre
la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont
montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles
subissent ? Et pourquoi ?
Je pense que cela dépends des jeux en question. Si on
prend l'exemple de League of Legends avec la série Arcane, les deux
personnages principaux sont des femmes fortes, indépendantes, on ne voit
pas d'inégalité avec les personnages masculins. Après la
série, les statistiques ont
|