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L'image de la femme dans les jeux vidéo


par Valentine Petit
Kedge Business School - Master 2 - Communication / Marketing / Management  2022
  

Disponible en mode multipage

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

KEDGE BUSINESS SCHOOL

MÉMOIRE

Présenté en vue d'obtenir

MASTER PROGRAMME GRANDE ÉCOLE

SPÉCIALITÉ : spécialité Marketing, Management, Communication
PARCOURS : PGE Marketing

L'image de la femme dans les jeux vidéo

Valentine PETIT

Sous la direction de : M. Antoine Chollet

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Soutenu le 06 juillet 2022

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n'engagent en aucun cas KEDGE Business School et le Programme Grande École Marketing.

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Remerciements

Je remercie tout d'abord mon tuteur de mémoire M. Antoine Chollet pour ses conseils avisés et le temps qu'il m'a consacré durant toute ma période de recherche. Il s'est toujours rendu disponible pour répondre à l'ensemble de mes questions et m'aider à construire une recherche plus développée et plus approfondie. De plus il m'a permis de me pencher sur ce sujet de recherche qui me tenait à coeur en le comprenant et en l'appréciant à sa juste valeur.

Je remercie également l'ensemble des personnes qui ont pris le temps d'échanger avec moi pour ma recherche : Julien, Louis, Lara, Laurine, Hugo, JC, Jeremy, Bilel, Servane, Clémentine, Mathieu, Julie, Amandine, Anthony, Aymeric, Fanny, Quentin, Sébastien, Morgane, Alexandre, Léa, Noha, Katherine et toutes les personnes anonymes avec lesquelles j'ai réalisé un entretien vocal ou écrit pour la partie qualitative de mon analyse.

Je remercie aussi les 4000 personnes qui se sont mobilisées pour répondre à mon étude qualitative à travers le sondage diffusé sur des plateformes Discord et des groupes Facebook.

Je remercie également ma famille qui m'a toujours soutenue, ma mère pour ses longues heures de relecture et pour la motivation qu'elle m'a insufflée, mon père pour les heures passées à débattre sur ce sujet pour améliorer mon plan et ma soeur pour son soutien constant.

Enfin, mon conjoint Sidi ainsi que mes amis Théo et Jonathan avec qui j'ai pu échanger et débattre sur ce sujet et qui ont toujours été les bêta-testeurs de mes études. Je remercie également Marie pour sa relecture assidue et acérée de l'ensemble de ce mémoire.

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

Valentine PETIT

RÉSUMÉ

La croissance rapide du marché du jeux vidéo en a fait un centre d'attention pour le monde entier et ils occupent aujourd'hui une place majeure au sein de la culture. Bien que récent, moderne et en apparence inclusif, celui-ci est en réalité la source de nombreuses inégalités que n'empêchent pas la mise en place de pseudonymes. De la manière dont elles sont dépeintes dans les jeux au peu de place qui leur est laissée dans le monde compétitif et professionnel, les femmes occupent un rôle au second plan dans un monde perçu comme celui de tous les possibles. Ce mémoire propose d'étudier l'influence que peut avoir la vision qui est retransmise des personnages en jeu sur le quotidien des joueurs aussi bien au niveau personnel que compétitif ou professionnel. Il questionne ainsi l'évolution de l'image de la femme au cours des années au sein des jeux vidéo, les choix qui ont mené à l'utilisation de ces images et les conséquences qu'elles ont.

Mots clés : Jeu, sexualisation, image, femme, esport, sexisme, corps, représentation, marketing, jeu vidéo, égalité

ABSTRACT

The rapid growth of the video game market has made it a center of interest for the whole world, and today it holds a major place in the cultural scene. Although recent, modern and seemingly inclusive, it is in fact the source of many inequalities that are not stopped by the use of pseudonyms. From the way they are portrayed in games to the little space they are given in the competitive and professional world, women occupy a secondary role in a world perceived as one of all possibilities. This dissertation proposes to study the influence of the vision conveyed of the characters in the game on the daily life of the players on a personal, competitive and professional level. It questions the evolution of the image of women over the years in video games, the choices that have led to the use of these images and the consequences they have.

Key words : Game, sexualization, image, woman, esport, sexism, body, representation, marketing, video game, equality

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Liste des abréviations

ASMR - Autonomous Sensory Meridian Response : mode de relaxation basé sur des bruits ou des

paroles chuchotées

CS GO: Counter-Strike - Global Offensive : jeu vidéo

DLC - downloadable content : contenu additionnel

FPS - First Person Shooter : Type de jeu

GH - Game'Her : Association

HOTS - Heroes of the Storm : jeu vidéo

KDA - Kills, Deaths, Assists : Aperçu des performances d'un joueur

LAN - local area network : Événement rassemblant des joueurs

LEC - League of Legends European Championship

LCS - League of Legends Championship Series

LOL : League of Legends : jeu vidéo

MOBA - Arène de bataille en ligne multijoueur

MMORPG - Jeu de rôle en ligne massivement multijoueur

NPC / PNJ - Non Playing Character / Personnage Non Joueur

PVE - Player versus Environnement

PVP - Player versus Player

PUBG - PlayerUnknown's Battlegrounds : jeu vidéo

RP - Role Play : incarner un personnage de jeu

SELL - Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs

WIG - Women In Games: Association

WoW: World of Warcraft : jeu vidéo

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Glossaire

Boost : Profiter de l'aide d'un joueur ayant un niveau plus élevé pour acquérir du niveau

supplémentaire ou de l'équipement ou des bonus.

Build : Équipement d'un personnage en jeu

Casual : Manière de jouer à un jeu qui se veut plus calme et détendue (s'oppose à hardcore ou

tryhard)

Chat (écrit ou vocal) : Lieu d'échange et de discussion

Doxing : Divulgation des données personnelles

Dps (Damage per Second) : Associé au rôle d'une personne devant réaliser beaucoup de dégâts dans

une partie.

Egirl : Désigne les joueuses féminines mais est associé à de nombreuses controverses péjoratives et

est souvent utilisé comme une insulte

Gameplay : Ergonomie du jeu, la façon qu'on a d'y jouer

Gender lock : Fait par lequel les classes ne sont que d'un sexe et il n'est pas possible de le choisir

Headshot : Action dans un jeu où un tir atteint la tête de l'opposant. On parle de headshot lorsqu'on tue l'adversaire très rapidement grâce à ce coup

Kikimeter : Outil permettant de savoir qui a fait le plus de dégâts dans un groupe

Lead : Associé à la personne qui dirige, qui commande, qui mène

Loot : Butin qu'il est possible de récupérer dans le jeu à la suite d'un donjon ou de missions

Lore : Désigne l'histoire du jeu

Meta : Terme utilisé pour désigner des champions ou des équipements qui sont plus puissants que

d'autres à un moment dans le jeu

PL (Power levelling) : Profiter de l'aide d'un joueur ayant un niveau plus élevé pour acquérir du

niveau supplémentaire ou de l'équipement ou des bonus.

Ranked : Version compétitive amateur de nombreux jeux où il est possible d'acquérir un niveau et de

monter en grade en fonction de son skill

Roster : Effectif, groupe de personnes formant une équipe

Shoot'em up : Style de jeu où le but est de tirer sur des ennemis en évitant leurs attaques

Skin : Apparence donnée à une armure ou un équipement qui diffère de celle initiale Skill : Compétences d'un joueur aussi bien en jeu que ses compétences en tant que joueur Split : Désigne un segment dans une compétition (Summer Split = segment d'été) Stuff : Désigne l'équipement d'un personnage

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Support : Rôle ou type de personnage qui a pour but d'assister ses alliés en utilisant des sorts de soins, des boucliers ou des sorts d'immobilisation

Tank : Rôle ou type de personnage ayant pour but de servir de rempart à son équipe en ayant beaucoup d'armure et de défense

Trash-talk : Comportement agressif, insultant vers deux personnes ou de quelqu'un sur un autre joueur (peut découler sur du harcèlement)

Troll / trolling : Désigne un joueur qui se moque des autres ou qui sabote volontairement une action de groupe

Tryhard : Essayer d'être le plus performant possible dans un jeu et se donner au maximum de ses capacités

Stream : Diffusion en direct de ses parties pour que des gens puissent regarder

World First : Action réalisée par la première guilde qui réussit à vaincre un boss ZLAN : Compétition d'esport annuelle organisée par Zerator

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Table des matières

Remerciements 3

Liste des abréviations 6

Glossaire 7

Table des matières 9

Introduction 12

1. Étude Théorique 15

1.1 Qu'est-ce que le jeu vidéo

 

15

1.1.1 Origine du jeu vidéo

 

15

1.1.2 Un marché à l'activité économique toujours plus développée

 

16

1.1.2.1 Au niveau mondial

 

16

1.1.2.2 En France

 

17

1.1.3 Jeux vidéo et esport

 

19

1.2 Femmes et jeux vidéo

 

21

1.2.1 Apparition tardive des femmes dans les jeux

 

21

1.2.2 Image et représentation dans le jeu

 

22

1.2.3 Le corps de la femme comme outil marketing ?

 

24

1.2.4 Joueuses professionnelles et streameuses

 

27

1.3 Du sexisme au harcèlement

 

28

1.3.1 Les personnages féminins comme objets sexuels au sein des jeux

 

28

1.3.2 Le sexisme

 

30

1.3.3 Harcèlement et pouvoir de l'anonymat

 

33

2. Méthodologie et étude empirique

 

38

2.1. Cadre théorique

 

38

2.2. Étude qualitative

 

39

2.2.1 Méthode de contact

 

39

2.2.2 Les questions

 

41

2.2.3 Les résultats et les personnes interrogées

 

42

2.3 Étude quantitative

 

43

2.3.1 Les questions posées

 

44

2.3.2 Méthode d'administration du questionnaire

 

48

2.3.2 Analyse des résultats

 

49

2.3.3.1 Partie 1

 

49

2.3.3.2 Partie 2 - Le harcèlement

 

50

2.3.3.3 Partie 3 - Les personnages en jeu

 

55

2.3.3.4 Partie 4 - Les choix lors de l'achat d'un jeu

 

60

2.4 Pour aller plus loin ?

 

63

3. Analyse

 

66

3.1. L'image de la femme dans le jeu à travers les époques

 

66

3.1.1 La femme objet, un débat toujours d'actualité ?

 

66

3.1.2 L'évolution de la représentation de la femme au sein des jeux

 

69

3.2 La femme dans la société esportive et ludique

 

73

3.2.1 Un écosystème qui tend vers la parité

 

73

3.2.2 Les ligues féminines sont-elles une véritable aide pour la place des femmes

?

75

3.2.3 Le harcèlement et la toxicité dans les jeux vidéo sous couvert d'anonymat

 

81

3.3 L'image de la femme au coeur de la consommation

 

85

3.3.1 La vision marketing des entreprises

 

85

3.3.2 La vision des consommateurs

 

88

L'image de la femme dans les jeux vidéo

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3.4 Culturel et loisirs 92

3.4.1 Un impact des streameuses à double tranchant sur la communauté des joueuses 92

3.4.2 Comment tracer un chemin vers un monde esportif égalitaire ? 96

3.4.2.1 Les associations 96

3.4.2.2 Le changement de mentalité dans la société 97

3.4.2.3 Le rôle essentiel des hommes 99

Conclusion 102

Bibliographie 104

Table des annexes 111

Table des tableaux 291

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INTRODUCTION

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Introduction

En février 2022, l'association Women In Games dévoilait son nouveau projet, le Gender Swap. Les personnages des jeux vidéo les plus emblématiques ont vu leurs positions inversées, les hommes adoptant les mimiques féminines et inversement. Il est donc possible de découvrir Batman sous un nouveau jour, adoptant un déhanché surjoué à faire pâlir d'envie ainsi que des danses sensuelles qui n'ont pas manqué de faire réagir. En visualisant ces poses et ces minauderies sur les personnages masculins plutôt que sur les personnages féminins, l'association voulait conduire à une prise de conscience du problème car ce genre de comportement dérange dans les habitudes dès lors qu'il est adopté par un homme et permet d'interpeller.

Rendus populaires dans les années 1990, les jeux vidéo sont des jeux au format électronique permettant une interaction humaine avec une interface utilisateur ou un dispositif d'entrée. Ces jeux se divisent en de nombreuses catégories variant des jeux de tirs, aux jeux d'aventure ou encore de cuisine ou de maison. Au cours des années 2000, l'esport, à savoir la version compétitive de ces jeux, prend un véritable essor et acquiert de plus en plus de notoriété. Dès lors, les jeux se démocratisent et attirent un public beaucoup plus large notamment grâce à l'arrivée de nouvelles consoles portables ou de l'arrivée des jeux sur mobile : les jeux vidéo sont accessibles partout.

En 2016, une étude conjointement menée par GfK et le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) montrait que 46% des femmes jouaient régulièrement aux jeux vidéo, tandis que ce chiffre n'était que de 10% en 1999. Aujourd'hui, 72% des femmes jouent aux jeux vidéo et 50% des joueurs sont des femmes. Ainsi, cet univers qui se voulait très masculin dans ses premières années s'est en apparence démocratisé. Pourquoi en apparence ? Si au niveau des loisirs les femmes représentent la moitié de la population dans les studios de développement elles ne forment que 22% de la force de travail. Et dans le milieu esportif amateur et de compétition, ce chiffre tombe à 7% (Forsans, 2022).

C'est pourquoi cette étude s'oriente sur l'image de la femme dans les jeux vidéo. À travers cette image, on peut distinguer plusieurs domaines à étudier. Pour commencer, l'image qui est donnée de la femme à travers les personnages, c'est-à-dire la façon dont ces derniers sont représentés et mis en oeuvre. En découle l'image qui est renvoyée de la femme au quotidien et les répercussions que cela peut avoir sur la manière de percevoir une femme une fois le jeu laissé de côté. Enfin, il s'agit de l'image que renvoient les femmes étant actrices de ce milieu aussi bien en tant que joueuses que membres d'associations ou d'entreprises. À travers ces représentations, il s'agit d'analyser si ce qui est montré au sein des jeux a un impact plus ou moins significatif sur le comportement des joueurs

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en dehors et si l'image suggestive qui est donnée dans la plupart donnée est mise en place intentionnellement.

En quoi l'image sexualisée de la femme dans les jeux vidéo influence-t-elle les joueurs dans leur jeu et dans leur quotidien ?

En quoi l'image de la femme dans les jeux vidéo, conditionnée par les représentations genrés dans la société tout autant que par les stratégies marketing des entreprises, a-t-elle une influence sur les joueurs ? Quelles sont les causes et les conséquences d'une représentation sexualisée de la femme dans les jeux vidéo ?

Ces questions soulèvent de nombreux points à aborder, auxquels nous tenterons d'apporter un premier élément de réponse au sein de la literature review ainsi qu'à l'aide d'une double enquête qualitative réalisée auprès d'acteurs majeurs de l'industrie du jeu vidéo et quantitative réalisée auprès d'un échantillon hétérogène. Enfin, nous utiliserons les résultats de ces enquêtes pour émettre des hypothèses quant à l'évolution de l'image de la femme au sein des jeux ainsi qu'à la place que les femmes se sont créée dans la société esportive et ludique, avant de s'intéresser à l'image de la femme qui est au coeur de la consommation des jeux vidéo pour enfin se tourner vers l'aspect culturel qui s'est développé autour de cette image depuis des années.

L'image de la femme dans les jeux vidéo

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PARTIE 1 :

ÉTUDE THEORIQUE

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1. Étude Théorique

1.1 Qu'est-ce que le jeu vidéo

1.1.1 Origine du jeu vidéo

« Qu'est-ce que les jeux vidéo ? » Est-il seulement possible de répondre simplement à cette question ? Bien souvent considérés comme un loisir, les jeux vidéo sont aujourd'hui ancrés dans notre société, dans nos mentalités et font pour beaucoup partie de notre quotidien. Utilisés comme outil d'apprentissage à l'école ou de coordination en entreprise grâce à la gamification, les jeux vidéo sont pourtant encore une source de mystère pour nombre de personnes.

Pour mieux apprécier ce phénomène, il convient de comprendre son origine. Celle-ci se révèle étroitement liée au développement de l'ordinateur. Dans les années 1950, les ordinateurs ne sont pas ces machines légères et ultrapuissantes que nous connaissons : il s'agit de gigantesques blocs prenant parfois des salles entières et sur lesquels faire fonctionner un programme relevait du miracle ! Alors un jeu ? Pourtant, dès les années 1950, cette idée d'intégrer des jeux dans nos écrans fait son apparition (Kent et al, 2001). En 1951, Ralph Baer, un ingénieur visionnaire, émet l'idée d'intégrer des jeux dans les téléviseurs. Ce nouveau concept, encore très vague, est alors rejeté. En 1952, c'est au tour de Alexander S. Douglas de concevoir OXO, un jeu de morpion avec un affichage sur écran électronique. Mais l'absence de réels mouvements et de mise à jour en temps réel empêche les historiens de le définir comme le vrai premier jeu vidéo de l'histoire. Cela sera la prouesse réalisée par les chercheurs William Higinbotham et Robert Dvorak en 1958 lors des portes ouvertes du laboratoire national de Brookhaven. Tennis for Two permet à deux personnes de se renvoyer un point de lumière en utilisant un oscilloscope en guise d'écran (Histoire du jeu vidéo de 1958 à 2021, 2022). La date la plus communément admise est celle de 1961 avec le développement de Spacewar ! un shoot 'em up multidirectionnel en deux dimensions où deux astronefs se font face en tirant sur l'autre véhicule afin de le détruire. Le jeu fonctionne de base avec des leviers et boutons situés à l'origine directement sur la machine : est cependant très vite est fabriqué ce qui est considéré comme la première manette afin d'améliorer l'expérience de jeu et de permettre une plus grande liberté de mouvement. En 1972, le Pong d'Atari devient le premier jeu vidéo assez attractif pour faire parler de lui au niveau du grand public et donne ainsi le coup d'envoi à l'industrie vidéoludique. En 1977, Atari sort la première console de salon qui attire plus de 30 millions de consommateurs. Les jeux sont alors

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très basiques : il s'agit de jeux à points, avec un challenge demandant un certain dépassement de soi, ce qui crée un classement et suscite, dès lors, l'admiration. Ce succès frappe les États-Unis mais dépasse rapidement leurs frontières pour se rendre jusqu'au Japon, où la Nintendo Entertainment System (NES) sort en 1983, marquant ainsi le début de l'hégémonie japonaise sur le monde du jeu vidéo. De la console aux bornes d'arcade, le Japon développe une large gamme de jeux tels que Mario, Zelda, Donkey Kong ou encore Final Fantasy qui seront à l'origine des plus grandes licences connues aujourd'hui. En 1994, Sony lance à son tour sa propre console, la Playstation, capable d'afficher de la 3D en temps réel : avec 100 millions de ventes en 10 ans, le succès est fulgurant. En parallèle, les ordinateurs deviennent plus compacts et surtout plus performants. L'apparition du clavier/souris ainsi que du système d'exploitation Windows ouvrent la voie aux licences Starcraft, Diablo, Fallout... mais surtout aux possibilités de jeu en ligne avec la démocratisation des connexions internet. Peu à peu, le téléphone apparaît lui aussi comme une plateforme de jeu plus pratique et plus maniable car utilisable partout et à tout moment. Plus récemment, la réalité virtuelle est inaugurée et aujourd'hui les discussions s'orientent sur des univers 100% connectés. Le temps du simple jeu sur oscillateur est donc bien loin (Egenfeldt-Nielsen et al., 2013).

Aujourd'hui, les possibilités d'accès aux jeux vidéo sont très nombreuses. Entre les consoles fixes telles que la Playstation ou la Xbox, celles portables comme la Switch qui a révolutionné le mode de fonctionnement des consoles et bien entendu le développement des ordinateurs de jeu toujours plus performants, le jeu vidéo est aujourd'hui un pilier de la culture autour du monde entier.

1.1.2 Un marché à l'activité économique toujours plus développée

1.1.2.1 Au niveau mondial

Si un secteur a bel et bien pu bénéficier de la pandémie et des confinements, c'est celui du jeu vidéo qui pèse aujourd'hui 300 milliards de dollars pour 2,7 milliards de joueurs dans le monde. Ce chiffre est en constante augmentation et prévoit d'atteindre les 3,1 milliards de joueurs d'ici fin 2023 selon une étude publiée par le cabinet de conseil Accenture (Accenture, 2021). Il faut noter que le monde du jeu ne se résume plus au simple jeu sur ordinateur ou console. Autour se sont créés des films, des

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séries, des évènements tels que la Paris Games Week ou l'E3, des musiques, et de nouveaux métiers avec l'apparition du streaming et de l'esport, à savoir tout un écosystème faisant véritablement vivre le jeu bien au-delà des frontières initialement définies.

1.1.2.2 En France

Selon une étude du SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs), le marché du jeu vidéo en France affiche une croissance de +11,3% en 2020 par rapport à l'année précédente, ce qui représente sa meilleure performance.

Toujours selon cette étude, le chiffre d'affaires de 2020 atteignait les 5,3 milliards d'euros notamment grâce aux nombreuses sorties de consoles (2,3 millions de consoles), de jeux (27,5 millions de jeux complets), d'accessoires (près de 7 millions d'accessoires) qui ont été vendus en masse durant la pandémie. Seuls ou en famille mais sans possibilité de sortir, les loisirs ont changé et les objets connectés ont fini par conquérir les derniers réfractaires. Que cela soit pour garder contact ou passer le temps, l'ensemble des écosystèmes a connu une croissance monumentale :

« L'année 2020 fut une année singulière en raison du contexte sanitaire inédit et d'une actualité très riche pour le secteur. Le marché du jeu vidéo a confirmé les grandes tendances que nous avions identifiées. [...] Cette année a également vu l'essor de nouveaux usages, comme le cloud gaming, qui constituent de formidables relais de croissance pour l'industrie. » - Julie Chalmette, Présidente du SELL

Et aujourd'hui ? Deux ans après le début de cette pandémie, jamais la France n'a compté autant de joueurs : au moins 73% des Français jouent de manière occasionnelle et 58% de manière régulière c'est-à-dire au moins une fois par semaine. Au total, plus de 32% des joueurs jouent plus qu'avant le confinement ce qui n'a rien d'étonnant vu le temps que nous avons tous passé chez nous. Les jeux vidéo sont vus par 61% des joueurs et joueuses comme une source de lien social permettant de partager un moment entre amis ou en famille. Les parents sont également bien mieux informés sur les technologies et les possibilités de contrôle parental : alors que seulement 32% les utilisaient en 2019, ils sont 48% en 2021 à s'en servir. La technologie perd peu à peu ce côté tabou et inconnu pour s'ouvrir à l'ensemble des âges et des genres. De plus, se crée un réel sentiment d'appartenance à une

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communauté qui est plus facilement accessible et surtout très étendue. Plus de 79% des joueurs indiquent ainsi que les jeux leur permettent de tromper l'ennui mais au-delà de ça, que les jeux leur procurent un certain bonheur et leur permettent de se détendre ou de communiquer ou de sortir de leur isolement. Les jeux vidéo se sont imposés comme une réponse évidente aux besoins primaires qui ne trouvaient plus satisfaction en raison des conditions sanitaires.

Il faut surtout noter la part qu'occupent les femmes dans ces pourcentages : en effet, sur l'ensemble des joueurs réguliers, 47% sont des femmes et cela concerne 50% des joueurs occasionnels (Fischer & Lecourtois, 2019). Ce n'est pas la majorité bien entendu mais de plus en plus de femmes se tournent vers ce domaine jusque-là très genré. Une question se pose alors : quel est le type de jeux auxquels jouent les femmes ? Y a-t-il une différence avec les jeux pratiqués par les hommes et peut-on réellement parler de jeux vidéo ?

Figure 1: étude SELL/Médiamétrie « Les Français et le Jeu Vidéo », réalisée sur Internet du 6 au 27 septembre 2021, auprès d'un échantillon de 4 016 internautes de 10 ans et plus.

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1.1.3 Jeux vidéo et esport

Commençons par définir l'esport. De manière littérale, cela fait référence au sport électronique, c'est-à-dire à la pratique compétitive du jeu vidéo. Dans ce mémoire, nous ne reviendrons pas sur la question de l'esport comme réel sport ou non. Michael Wagner définit l'esport comme « an area of sport activities that includes sport activities in which people develop and train mental or physical abilities in the use of information and communication technologies » (Wagner, 2006), à savoir un domaine où les capacités physiques et mentales sont mises en avant et se développent dans le but d'être mises en compétition. De la même manière que les sports traditionnels, les joueurs s'entraînent pour augmenter leurs capacités, sont coachés pour fournir des matchs de qualité à l'ensemble des fans et des spectateurs. De manière générale, le site Dicodusport définit l'esport comme suit :

« L'e-sport ou sport électronique est un terme d'appellation récente, qui désigne la pratique sur Internet ou en LAN-party d'un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d'un ordinateur, d'une tablette ou d'une console de jeux vidéo. A haut niveau, il est souvent financé par les sponsors et par les revenus générés par la diffusion en streaming. »

L'essor de l'esport commence dès la fin des années 1980 et se répand dans les années 1990 avec l'apparition des jeux en ligne multijoueur. Dès 1997 apparaît le premier gros tournoi organisé par Cyberathlete Professional League sur le jeu Quake. Plus de 2000 joueurs se rassemblent alors jusqu'à la finale qui se joue en présentiel. La création d'une fédération officielle en Corée du Sud, la KeSPA en 2000 marque le début de la présence de l'esport parmi les loisirs et les sports compétitifs. Pour citer Boulland, le monde du jeu a bien évolué : « en 2019, le cinéma représentait environ 45 milliards de dollars de recettes, la musique 19 milliards et les jeux vidéo plus de 150 ».

Plusieurs sortes de jeux compétitifs ont émergées : des MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) avec League of Legends ou Dota 2, des FPS (First Person Shooters) avec Counter-Strike : Global Offensive ou Valorant, des jeux de stratégie comme Starcraft 2, des jeux de cartes comme Hearthstone ou Legends of Runeterra ou encore des jeux sportifs comme FIFA. On recense aussi d'autres types de jeux compétitifs comme Just Dance : celui-ci demande plus de capacités physiques que la simple utilisation d'un clavier ou d'une manette, de la même manière que les sports traditionnels (Hamari et Sjöblom, 2017). Ces jeux ont engendré des tournois aujourd'hui mondiaux comme le « World Championship League of Legends », l'Electronic Sports World Cup (ESWC), la Major League

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Gaming (MLG), la Cyberathlete Professional League (CPL) ou encore l'Evolution Championship Series (EVO). De plus, il faut noter que certains de ces tournois comme sur le jeu League of Legends se tiennent sur l'année entière avec un segment de printemps, un d'été, des championnats de mi saison, de saison et enfin les championnats du monde. Il est obligatoire pour les joueurs de maintenir un rythme sain et un équilibre de vie stricte en suivant des entraînements de manière régulière.

Aujourd'hui, grâce à des plateformes comme Twitch ou YouTube gaming, il est beaucoup plus facile de visionner un tournoi ou un jeu et les streameurs se sont fait de plus en plus nombreux. Cela a permis de développer l'esport et de le faire connaître auprès de davantage de monde. De plus, cet engouement attire aussi de grosses marques, prêtes à signer des partenariats : Coca-Cola, Kia Motors, Red Bull, Orange font partie des plus gros financeurs de ces compétitions (Boulland, 2020).

Et aujourd'hui, qu'en est-il de l'esport avec la Covid ? Il faut bien rappeler que les compétitions et l'esport, ce n'est pas juste un joueur derrière son écran mais c'est aussi l'ensemble des fans, des spectateurs, ainsi que des lieux réservés pour l'évènement, plus l'ensemble des activités et de la publicité mise en place. Bien que l'aspect en ligne des jeux vidéo soit un avantage vis-à-vis de cette situation, tout l'écosystème développé autour du simple jeu a dû être modifié, annulé ou reporté. Malgré ces quelques complications, les jeux vidéo sont aujourd'hui au sommet des loisirs : on peut noter un record d'audience battu par Twitch en mars 2020 avec plus d'un milliard d'heures de visionnage, mais aussi un record de connections sur Steam en 2020 avec plus de 23 millions de joueurs connectés en simultané.

Après une brève introduction du jeu vidéo et de l'esport, nous allons nous intéresser plus spécifiquement aux femmes au sein de ces jeux. Celles-ci n'ont fait leur apparition que plus tard en tant que personnage jouable mais aussi en tant que joueuses derrière l'écran.

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1.2 Femmes et jeux vidéo

1.2.1 Apparition tardive des femmes dans les jeux

La possibilité nouvelle de choisir des équipes féminines dans le jeu FIFA 16, annoncée au printemps 2015, a été très médiatisée. Qu'un tel événement survienne aussi tardivement pour une licence très connue peut surprendre, mais cela n'est pas si étonnant au regard du dur parcours qu'ont eu les femmes au sein des jeux vidéo. Les premiers personnages féminins ont commencé à apparaître dans les années 1980. Cependant il ne s'agissait pas d'héroïnes ni même de personnages jouables, mais bien davantage de demoiselles en détresse, faibles et sans défense, qu'il fallait sauver ou aider pour réussir une quête ou un niveau. Le meilleur exemple est Princess Peach dans le jeu Mario qui attend seule dans son château que le petit plombier vienne à sa rescousse. En 1982, Namco sort le jeu Mrs Pacman où le personnage est une jeune fille, marquant la volonté d'attirer plus de femmes dans les salles d'arcade (Micheli-Rechtman et Balzerani, 2008).

Celle que l'on considère comme la première vraie héroïne de jeu vidéo et surement celle la plus connue encore aujourd'hui est Lara Croft. Apparue dans le jeu Tomb Raider sorti en 1996, cette célèbre archéologue est encore aujourd'hui l'icône féminine des jeux vidéo. Bien qu'à l'origine de nombreuses polémiques, notamment sur sa sexualisation exagérée en raison de son physique avantageux, c'est cependant une révolution pour les femmes qui peuvent désormais elles aussi s'identifier au personnage principal d'un jeu. C'est le premier avatar féminin à apparaître au cinéma, dans des publicités, en bref dans un cadre tout autre que le jeu vidéo.

Fort heureusement, depuis Lara Croft, de nombreuses autres héroïnes ont vu le jour et on a pu voir apparaitre des femmes courageuses ou aguerries avec de réelles capacités et du caractère et non plus une simple vision subjective de la femme. Par exemple, Elena Fisher dans Uncharted, Senua dans HellBlade ou Ellie dans Last of Us sont des femmes fortes qui mènent le scénario de bout en bout avec brio, à la force émotionnelle gigantesque leur permettant de se sacrifier pour sauver tout le monde. Cela vient nettement trancher avec l'image de la demoiselle en détresse attendant que le monde entier se mette à ses pieds pour la sauver.

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Selon une étude réalisée en 2017, l'ensemble du contenu des magazines de jeux vidéo, des sites spécialisés, des jeux en eux-mêmes ou des jackets de jeux ne représente qu'à peine les femmes par rapport aux hommes ou aux créatures non humaines (Gestos, Smith-Merry et Campbell, 2018). Et bien que leur nombre ait augmenté au fur et à mesure des années, celles-ci sont le plus souvent hypersexualisées même dans des situations qui ne s'y prêtent pas comme nous pouvons le voir avec le cas de Lara Croft.

1.2.2 Image et représentation dans le jeu

Depuis l'arrivée des femmes au sein des jeux vidéo dans les années 1980, de nombreux stéréotypes se sont succédé. Les concepteurs ont voulu cibler un public féminin en mettant en avant des héroïnes mais leur octroyer un corps hyper sexualisé pour convenir au public masculin (Hess, 2021). Pour les femmes, cela passe « par le biais de vêtements révélateurs, des mensurations irréalistes avec des poitrines démesurées et des corps exagérément minces, siliconés, des poses lascives et des voix séductrices » (Hess, 2021). Les personnages masculins sont quant à eux musclés, virils, forts afin que les hommes puissent s'y identifier. Ces représentations placent le personnage féminin dans une position d'objet du male gaze théorisé par Laura Mulvey (1975) : une femme sera souvent davantage dénudée qu'un homme pour le même type d'armure portée et bien plus sexualisée.

Revenons sur Lara Croft. Cette héroïne est aussi bien admirée pour avoir été la première figure féminine dans un jeu, que critiquée pour son physique aux mensurations disproportionnées :

"Si on regarde les articles qui ont été écrits sur Lara Croft dans la littérature scientifique ou les commentaires qui en ont été faits dans les milieux féministes, il existe vraiment deux versants : la moitié des publications fustigent Lara Croft en indiquant que c'est une cyber-bimbo et la moitié des articles l'encensent justement pour montrer qu'elle est archéologue, que c'est une aventurière, qu'elle a fait des études, qu'elle est indépendante, etc." - Marion Coville, chercheuse en études de genre et de technologie (Femmes, minorités... Qui le jeu vidéo représente-t-il ? 2020).

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Il convient de s'interroger sur la question du corps féminin dans les arts visuels. Lara Croft possède un corps aux dimensions de mannequin, siliconé, elle est jeune, intelligente et jolie (Micheli-Rechtman et Balzerani, 2008). Le choix d'une femme comme protagoniste est vu comme particulièrement novateur car c'est l'une des premières fois que la femme n'est pas seulement le personnage à sauver mais qu'elle incarne le centre de toute l'aventure. Tomb Raider avait d'ailleurs été pensé pour être un jeu avec un personnage masculin mais le risque de plagiat sur Indiana Jones est apparu comme trop grand c'est pourquoi les développeurs ont eu l'idée de créer cet avatar féminin. C'est donc un choix par défaut qui a fait grandement changer et avancer la place de la femme dans les jeux vidéo.

Dans le jeu, le joueur dispose d'une femme comme il disposerait d'une poupée. Elle fait preuve d'une docilité à toute épreuve en exécutant tous les ordres qui lui sont donnés, engendrant ainsi un plaisir de commander et de se voir obéir de la part du joueur qui contrôle le personnage. Elle expose un corps parfait, quasi « alien », qui devient un véritable objet de désir pour tous les joueurs. Par ailleurs, le tour de poitrine de Lara, qui est l'objet de la plupart des controverses, résulte en réalité d'une erreur : lors d'une manipulation 3D, le designer Toby Gard augmente par erreur son tour de poitrine de 150%, ce qui l'amuse : il choisit donc de lui conserver cet aspect. Le personnage de Lara Croft a donc malgré tout été pensé pour attirer des joueurs masculins avant tout grâce à son physique (Checola, 2012) .

Dans les jeux vidéo, la femme est bien souvent montrée comme une demoiselle en détresse, ayant besoin d'aide et d'être secourue par le héros masculin. Le stéréotype de la demoiselle en détresse s'accompagne d'autres schémas : en 1999, la scénariste Gail Simone parle de « femme dans le réfrigérateur » pour décrire « la tendance à faire subir aux personnages féminins de comics des brutalités ou des meurtres dans l'objectif de faire évoluer l'arc narratif du personnage masculin » (Planques, 2017). Elle utilise ce terme à la suite du Comic 54 de Green Lantern où la femme du héros est tuée et placée dans un réfrigérateur, ce qui va faire évoluer de manière impressionnante le personnage masculin. De manière générale, il est clair que les jeux vidéo véhiculent les stéréotypes menant à la sexualisation de la femme. Ceux-ci ont un impact non négligeable sur les femmes dans la vie réelle.

Pour autant, une étude réalisée par Lynch et al. (2016) montre que l'industrie du jeu vidéo réagit aux critiques et surtout celles centrées autour de la sexualisation. Selon une analyse réalisée sur

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de nombreux jeux vidéo parus entre 1990 et 2010, des jeux extrêmement sexualisés sont apparus entre 1990 et 2000 mais à partir de 2006 on observe une très nette baisse de cette sexualisation. Ils associent cela à un intérêt croissant des femmes pour les jeux vidéo ainsi qu'à des critiques toujours plus virulentes. En revanche, le graphique ci-dessous montre une recrudescence des personnages sexualisés très nette en 2012 et qui semble continuer à croître par la suite.

Figure 2: Sexualisation moyenne des personnages par année de sortie - Female Game Characters across 31 Years

Par conséquent, le corps de la femme n'a pas été totalement éloigné de cette vision sexualisée, il y a donc eu des progrès mais à quel point ? Peut-on, au contraire parler de régression et d'utilisation du corps de la femme ?

1.2.3 Le corps de la femme comme outil marketing ?

Dans l'iconographie contemporaine, le corps humain est souvent sexualisé (Élongué, 2019). Un beau corps est bien plus vendeur qu'une créature avec des formes peu avantageuses. C'est pourquoi, bien que la représentation sexualisée des corps féminins puisse pousser au débat, il

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faut réaliser que cette sexualisation a avant tout un intérêt économique. Dès lors, au-delà de la simple question économique, serait-il possible de d'utiliser cette sexualisation pour sensibiliser les gens à la question du corps de la femme, ses droits et ainsi la revaloriser ? Ou n'est-ce seulement qu'un outil marketing auprès des médias ? (Hess, 2021).

Il suffit de s'intéresser aux jeux vidéo qui sont aujourd'hui sur le marché. Quelle est la stratégie employée par les entreprises pour les vendre ? Le fond, l'histoire ou bien plutôt la forme afin d'attirer plus aisément le regard ? C'est notamment le cas de nombreux MMORPG qui ont des personnages féminins très sexy et attirants alors que leurs homologues masculins sont eux en armure complète. C'est ce qui est mis en avant de manière humoristique sur la chaîne YouTube Viva La Dirt League où les acteurs incarnent des personnages au sein des jeux vidéo. L'une de leurs vidéos intitulée « Female armour in video games » met en évidence le côté absurde des tenues que portent les femmes : la joueuse souhaite améliorer son équipement et la tenue qui lui est proposée est un simple soutien-gorge. Celle-ci s'insurge « comment est-ce censé me protéger ? »

Figure 3: Extrait d'une vidéo humoristique - « Female armour in video games - Equality » de Viva la Dirt League, 2017

Dans les jeux peu importe, ce qui compte c'est de brandir le côté sexy et attirant de la femme pour donner envie de jouer. Comme vu précédemment, le corps féminin apparaît comme un art visuel mais aussi comme une source de désir et d'envie. Les hommes peuvent ainsi manipuler à leur guise le corps d'une femme souvent presque dénudé et les femmes peuvent s'associer à une sorte d'idéal.

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De la même manière, l'un des jeux les plus connus, le MOBA (Arène de bataille en ligne

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multijoueur) League of Legends a utilisé certains de ses personnages féminins pour créer un engouement autour de ces derniers et pour promouvoir davantage le jeu. On pense notamment au groupe de musique fictif K/DA formé par quatre, puis cinq personnages féminins de League of Legends. Ce groupe a tout d'abord sorti des musiques qui ont donné des posters, des goodies, des publicités etc (Duneau, 2020). Riot Games, la firme derrière le jeu, avait pour habitude de produire des musiques chaque année pour promouvoir le championnat du monde mais elle avait tenu à marquer le coup pour avec un groupe complet. C'est aussi le personnage Qiyana qui a été utilisé pour un partenariat exclusif avec Louis Vuitton pour créer une ligne de vêtements spéciale pour League of Legends. Bien entendu, cela a contribué à faire connaître le nom du jeu au-delà de la sphère du gaming en touchant le milieu du luxe et de la mode.

« Beaucoup de personnes nous demandaient pourquoi nous investissions autant de ressources pour faire de la musique. Mais pour nous c'était une façon excitante de mettre en avant notre jeu et nos personnages. La sortie de la chanson d'Imagine Dragons a été un moment déterminant, quand on s'est aperçus à quel point ç'avait galvanisé les fans du jeu. » Toa Dunn, directeur de Riot Games Music

Comment justifier cet engouement ? Bien que l'objectif premier de l'éditeur soit de créer un univers pour ses personnages, l'entreprise est aussi source de profit aussi bien grâce aux musiques, qu'aux produits vendus dans le jeu comme les skins, des sortes de costumes pour les personnages allant de 10 à 20 euros. On retrouve aussi des partenariats avec des jeux comme Beat Saber ou Just Dance. Mais pourquoi K/DA a-t-il mieux fonctionné que Pentakill, True Damage ou les autres musiques réalisées par Riot ? La plus connue, Warriors, interprétée par Imagine Dragons, cumule 300 millions de vues comparé à 400 millions de vues pour POP/Stars en bien moins de temps. Ce succès pourrait être dû à l'aspect exclusivement féminin du groupe K/DA à l'ensemble des campagnes marketing qui ont été réalisées autour de celui-ci.

Le corps de la femme est vendeur et permet d'ériger de nouveaux produits ou marques ou de faire la promotion pour le lancement d'un jeu. Mais cela véhicule de nombreux stéréotypes et qui à priori ont des conséquences pour les joueuses professionnelles et les streameuses. Une question se pose : les femmes sont-elles actrices de ces stéréotypes et cela a-t-il des conséquences sur leur profession de streameuses ou de joueuses professionnelles ?

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1.2.4 Joueuses professionnelles et streameuses

Les femmes ont toujours été moins représentées dans le monde sportif que les hommes. Et c'est le cas pour le monde esportif : les équipes féminines sont rares, moins valorisées et moins bien payées. Pourtant, selon l'étude du SELL publiée en 2020, 47% des joueurs sont des femmes. On pourrait donc s'attendre à retrouver les mêmes chiffres dans l'esport surtout qu'à la différence du sport, le caractère physique, argument souvent pointé comme raison aux différences entre les sexes, n'entre pas ici en compte.

Lors de la rencontre « Esport & Mixité » ayant eu lieu en 2018, la conférence introductive réalisée par le cabinet PwC a présenté un graphique sur les femmes « engagées » dans l'esport ainsi que les compétitrices. La première catégorie désigne les femmes visionnant des streams, étant spectatrices lors des conventions et les joueuses et s'élève à 22%, la seconde désigne les femmes inscrites en LAN (compétitions) avec un taux de seulement 5%. Peu de conventions ont été prises en compte pour cette étude mais elle est tout de même révélatrice de la réalité à savoir que dès qu'il s'agit de compétitions les femmes sont moins présentes. La première explication vient du fait que sur les 47% de joueuses sont aussi incluses les joueuses sur mobile ou les joueuses de jeux de bureau comme le solitaire ou démineur qui n'ont pas d'aspect compétitif.

Quelles sont les autres raisons qui ont poussé les femmes à se tenir en retrait des compétitions ? Comme le souligne Borkowski dans son mémoire de recherche, les joueurs (masculins) émettent plusieurs arguments : « niveau plus faible, une attirance moins forte pour la compétition, une appréhension à aller en compétition en tant que joueuse, de faire face aux regards masculins ». Ces arguments se positionnent dans une continuité logique de sexisme issu en partie de l'image qui est donnée des femmes dans les jeux, à savoir des créatures faibles et démunies, et en partie de conceptions sexistes hors des jeux. Pourtant, PwC montrait dans son étude de 2016 que 22% de femmes s'intéressent à l'esport pour 18% d'hommes. C'est donc bien au niveau de la participation aux compétitions en termes d'appétence et d'attrait qu'il y a une différence.

Par ailleurs, malgré l'absence de distinction physique au niveau des jeux vidéo et le fait que sur le papier les ligues d'esport soient mixtes, celles-ci sont en réalité quasiment toutes composées

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d'hommes. Elles n'ont donc de mixtes que le nom et voient l'émergence de ligue féminines. Ces ligues sont à double tranchant : elles permettent à plus de femmes d'accéder à la scène compétitive mais elles sont bien moins légitimées et n'offrent que très peu de perspectives de carrière ou la possibilité d'en vivre de manière durable.

1.3 Du sexisme au harcèlement

1.3.1 Les personnages féminins comme objets sexuels au sein des

jeux

Quel meilleur exemple que celui de Lara Croft pour pointer du doigt à quel point les femmes sont vues comme des objets sexuels au sein des jeux ? La blogueuse Mar_Lard, qui tient le blog Genre ! met en lumière un article de 2012 du magazine Joystick intitulé « Tomb Raider, fini l'innocence : Lara a vu le loup ». Dès le titre, il y a déjà une connotation sexuelle qui s'adresse à un public mature et plus âgé. Dans son article, Mar_Lard montre comment « la culture du viol se mêle à une critique d'un titre de jeux vidéo en esthétisant l'agression d'une célèbre héroïne de jeu vidéo » (Soler-Benonie, 2018). Lara Croft n'est plus une archéologue. Il s'agit ici d'une « donzelle plus faible, plus fragile et vulnérable [avec] une paire de tétés pointus qui a émoustillé le jeune adolescent [qu'il] était au siècle dernier » (Marlard, 2012).

Figure 4: Couverture du magazine Joystick, été 2012

Outre la couverture, l'article en lui-même vient comparer notre héroïne de jeux vidéo à des

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articles pornographiques. Pour citer ce dernier : « Et tant pis si pour aboutir à un résultat séduisant, il faut malmener l'héroïne autant que peut être une actrice de gonzo SM ». Ce type de pornographie a la particularité d'être très violent et machiste : la femme y est simplement soumise aux désirs de l'homme quels que ceux-ci puissent être. Ici, non seulement Lara Croft est vue comme un objet de plaisir, mais en plus nous faisons face à une apologie du viol car cette femme est trop forte et trop sure d'elle dérange. Comment a-t-on pu passer d'une archéologue, certes sexy mais dont le but premier est l'aventure, à un simple objet de désir provoquant un « calvaire charnel » (Marlard, 2012) pour toute personne la regardant ? Sous-entendre une normalité dans le viol et le non consentement et surtout souligner que « c'est assez excitant » (Marlard, 2012) participe d'une érotisation et d'une banalisation des violences sexuelles.

L'exemple le plus choquant de cette normalisation est celui du jeu Rape Day, traduit littéralement par la journée du viol (Élongué, 2019). Ce jeu produit par Valve au début de l'année 2019 proposait aux joueurs de contrôler les choix d'un sociopathe en violant et tuant des femmes en pleine apocalypse zombie. Le descriptif du jeu est très clair :

« Harcelez verbalement, tuez et violez des femmes pour progresser dans l'histoire. C'est un monde dangereux et sans règles. Les zombies aiment manger la chair des humains et les violer avec brutalité mais vous êtes le violeur le plus dangereux de la ville »

Il ne s'agit même plus de simple banalisation. Pour le créateur, 4% de la population est composée de sociopathes à qui un jeu tel que celui-ci pourrait plaire. Il affirme son désir d'y jouer et l'avoir créé pour cette raison. Ce jeu est tordu et pervers mais vient s'inscrire dans la lignée de plusieurs jeux de ce style de la part du studio Valve comme Gynophobia, un jeu de tir où le héros est un homme misogyne qui doit tuer des femmes hideuses. Face à la pression médiatique, Steam a finalement choisi de retirer le jeu de sa plateforme, quelques jours avant la journée internationale des droits des femmes, mais le manque de réaction et de modération pour un jeu portant à ce point atteinte aux femmes n'a pas manqué de faire réagir (Audureau, 2019).

Bien que certains jeux comme Mortal Kombat (1992 - 2019) ou Street Fighter (1987 - 2017) représentent toujours cette hypersexualisation de la femme avec des personnages portant des tenues absurdes vis-à-vis des actions réalisées, de manière générale la sexualisation du corps

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féminin a eu tendance à diminuer ces dernières années, avec des tenues plus correctes et des rôles plus importants. Pourtant l'affaire est loin d'être réglée quand on prend l'exemple du MMORPG Black Desert Online. La figure 4 ci-dessous propose un exemple des tenues féminines et masculines au sein du jeu. Il existe d'autres styles de tenues pour les deux sexes mais les tenues féminines sont à 85% des tenues sexy et provocantes plus que de réelles armures. À contrario, l'esthétique est souvent mise de côté pour les personnages masculins ce qui est aussi critiquable.

Figure 5: Tenues féminines et masculines dans Black Desert Online

1.3.2 Le sexisme

En 2016, une étude réalisée par Allison McDaniel montrait que dans les FPS, 75% des femmes subissent du harcèlement lors de leurs parties au travers de remarques, insultes ou comportements sexistes. De manière plus générale, 63% des joueuses se sont déjà fait insultées en raison de leur sexe. Par ailleurs, parmi les soixante-seize jeux présentés à l'E3 (Electronic Entertainment Expo) entre 2015 et 2019, 7% d'entre eux possèdent un personnage principal exclusivement féminin tandis qu'on observe un taux de 32% pour les personnages masculins.

Au-delà du simple personnage comme objet sexuel dans les jeux, c'est aussi tout ce qui est créé autour de ces personnages qui prête au débat. Par exemple en 1993, pour faire la publicité du jeu Davis World Cup, c'est une femme en tenue très légère, montrant ses fesses qui est affichée

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sur la publicité.

Figure 6: Publicité pour Davis Cup World Cup, sur Megadrive en 1993

En 2001, un nouveau jeu fait son apparition : Beach Spikers. Au sein de ce jeu, seules des avatars féminins sont proposés. En théorie, cela peut faire croire à une avancée considérable pour l'image des femmes. Mais à nouveau les femmes sont à peine vêtues, avec des allusions érotiques et sexuelles à n'en plus finir. Le paroxysme est atteint avec Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball en 2003 où le concept est plutôt simple : habiller et photographier des femmes sous n'importe quel angle et dans n'importe qu'elle position. Un autre exemple de dérive est celle du jeu Disco Elysium dans lequel le personnage principal est une fois de plus un homme blanc mais pour une fois celui-ci n'est pas un héros doté de toutes les qualités, il s'agit ici d'un alcoolique qui a oublié jusqu'à son nom. Lorsqu'au fur et à mesure du jeu il découvre la démission d'une serveuse à cause d'avances d'un barman, si on continue la conversation en défendant la femme, cela permet alors de débloquer un bonus ironiquement intitulé « Inexplicable agenda féministe ».

Une étude menée sur de vingt-deux publications mettant en avant les femmes dans les jeux vidéo (Gestos, Smith-Merry et Campbell, 2018) montre que l'objétisation de la femme au sein des jeux entre en corrélation avec les attitudes sexistes ainsi que la culture du viol (ce qui consiste à accepter et tolérer le viol, tout du moins de le passer sous silence). Cela engendre de lourdes conséquences sur la vie réelle modifiant le regard des hommes envers les femmes et aboutissant à des attitudes malsaines et devenant presque naturelles pour eux. Un comportement

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sexiste visionné de manière répétée dans un jeu vidéo peut conduire à le reproduire dans la vie réelle (Fox et Potocki, 2016).

Par ailleurs, l'industrie du jeu vidéo a joué un rôle dans ce sexisme avec l'apparition des « jeux pour filles » avec des sessions de jeux courtes et occasionnelles souvent de cuisine, d'aménagement ou de coiffure (Marion Coville). Ces jeux stéréotypés apparaissent comme une continuité avec les jouets pour enfants genrés comme les barbies ou les petites voitures qui ont depuis des années été labellisées comme des jeux pour garçons ou pour filles. De plus, en 2017, la société Quantic Foundry a réalisé une étude pour étudier la part d'hommes et de femmes pour chaque catégorie de jeux vidéo. Les jeux de type Match 3, c'est-à-dire des jeux comme Candy Crush, attirent des femmes à hauteur de 69%, de même que pour des jeux de simulations agricoles ou de vie de famille. Ces jeux sont appelés des jeux « casuals ». Et bien que présentes jusqu'à 42% dans les autres types de jeux, elles ne représentent plus la majorité.

Figure 7: Graphique de Quantic Foundry sur la démographie au sein des jeux

Ayant pris pour habitude d'associer les femmes aux tâches ménagères, celles-ci ont tout naturellement été associées aux rôles de support dans beaucoup de jeux, c'est-à-dire aux classes utilisées pour soigner et servir de soutien à l'équipe. De la même manière, il est impensable

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pour beaucoup qu'une femme puisse monter de niveau seule dans un jeu, le postulat est qu'elle a eu besoin d'être accompagnée et aidée. La plupart des femmes sont considérées comme des « fausses joueuses », des joueuses qui sont seulement là pour attirer l'attention et recevoir des faveurs.

Il faut toutefois noter des évolutions : le jeu Horizon Zero Dawn a connu l'un des meilleurs lancements sur Playstation et met en avant une héroïne peu sexualisée, c'est une chasseuse agile et fluide, furtive et combative (Bohler, 2017). Le jeu est apprécié pour l'histoire et la narration, pour les choix qu'il nous permet de faire. Il est incarné par un symbole féminin qui cherche son identité tout en aidant les autres quel que soit leur statut. Elle est admirée pour ses capacités et est un modèle inspirant auquel on peut s'identifier.

1.3.3 Harcèlement et pouvoir de l'anonymat

Malgré des changements encourageants comme le montre la sortie du jeu Horizon, les mentalités des joueurs restent largement affectées par une perception genrée des rapports homme-femme et une certaine idée de la place des femmes dans les jeux. Bien que la moitié des joueurs soient en réalité des joueuses, ces dernières restent la cible d'insultes, de harcèlement et de préjugés qui découlent pour une partie de comportements calqués sur ceux des personnages masculins dans les jeux et pour une autre partie des rapports sociaux de genre dans lesquels nous sommes immergés.

Ce sexisme grandissant a atteint un paroxysme avec le hashtag #1ReasonWhy qui dénonce le sexisme et le harcèlement que subissent les femmes dans l'industrie du jeu ainsi que le hashtag #gamergate qui expose une culture misogyne en place depuis de nombreuses années (Dewey, 2014). Deux camps se font face : l'un principalement composé de femmes travaillant dans l'industrie du jeu et militant pour plus d'égalité concernant notamment les salaires et la manière dont elles sont considérées, et l'autre d'une population à tendance traditionnaliste, le plus souvent misogyne, et pour certains ne supportant pas l'introduction des femmes dans leur soi-disant univers. C'est une opposition entre un ancien et un nouveau mode de fonctionnement qui était recevable jusqu'ici mais dont les contradictions sont de plus en plus visibles avec les

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évolutions sociétales contemporaines. Ce scandale débute à la suite d'accusations envers Zoe Quinn, une créatrice de jeu accusée d'avoir échangé des services sexuels contre une couverture médiatique pour son jeu. Ces accusations se sont révélées fausses, dictées par la jalousie et par un désir de vengeance envers Quinn. À la suite du Gamergate une peur s'installe d'être encore plus harcelée car certaines ont osé prendre la parole.

« Ce que je tiens à dire, c'est que la prolifération d'images de moi nue, de menaces de mort, de vandalisme, de publication d'informations personnelles sur mes amis trans (...), la divulgation de mon adresse postale, les menaces de viol, les memes de moi en prostituée, les incitations à me suicider, les insultes en tout genre (...), tout ça, est inexcusable et continuera d'arriver aux femmes tant que cette culture ne changera pas. Je ne suis certainement pas la première. J'espère que je pourrai être la dernière » Zoe Quinn sur son compte Twitter, 2014

À la suite de ces mouvements, une certaine prise de conscience a pu être observée. Des plateformes comme Twitch ont présenté leurs excuses pour ne pas avoir agi plus tôt et ont promis de mettre en place plus de règles et de cadres. D'autre part, certaines personnes mises en cause ont présenté des excuses publiques, assurant ne pas avoir pris conscience de la gravité de leurs actes. La simple prise de conscience est déjà une avancée importante quand on sait à quel point la culture du jeu vidéo est machiste.

Au niveau des entreprises, Ubisoft est l'exemple le plus parlant en raison de nombreuses affaires de harcèlements et d'agressions sexuelles au sein de ses équipes. Après le mouvement #MeToo, ces témoignages ont été largement entendus et certaines mesures ont été prises. Certains dénoncent même parfois un laxisme vis-à-vis des accusations émises. En effet, plusieurs femmes ont publié leur histoire, ce qu'il leur était arrivé avec des collègues, des supérieurs, des journalistes, aussi bien des avances ou des remarques déplacées que du harcèlement continu pouvant parfois aller jusqu'au viol. Le plus grave est que nombre de cadres de l'entreprise étaient au courant mais avaient gardé le silence, dans un contexte de culture d'entreprise toxique et négative qui valorise le harcèlement jusqu'à le voir comme un signe de pouvoir.

De la même manière, Activision Blizzard a été accusé de favoriser le harcèlement en contribuant à des carrières inégalitaires. Des avances, des commentaires sexistes ou encore des attouchements étaient le quotidien des collaboratrices de l'entreprise c'est pourquoi le

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Department of Fair Employment a décidé de déposer plainte.

Ces réflexions permettent de faire émerger une question : y a-t-il un rapport entre les jeux vidéo hyper sexualisés et le harcèlement sexiste en vigueur en leur sein ? Plusieurs études ont souligné les conséquences négatives à observer et manipuler une femme qui ne sert que de décor en petite tenue. Une étude de Dill, Brown et Collins (2008) analyse les conséquences des jeux vidéo sur les genres et donc le harcèlement souvent subi par les femmes ou les personnes LGBT. Le principe de l'étude est simple : il s'agit de montrer à des hommes des photos de personnages très sexualisés dans un jeu vidéo ainsi que des photos de personnes dans leur environnement professionnel. Par la suite ces personnes étaient interrogées sur le harcèlement sexuel et ce qu'ils en pensaient. Il est avéré que le fait d'avoir été mis au contact d'images suggestives les a rendus plus enclins à tolérer voire à accepter ce harcèlement. Face à ces images où la femme est vue comme inférieure à l'homme, les auteurs notent deux types de réactions et soulignent leur dimension genrée : pour les hommes il s'agit de laisser les femmes à leur place tandis que les femmes s'élèvent contre cette injustice et cherchent à se faire entendre. Enfin, l'étude montre qu'une exposition à long terme à ce genre de représentations encourage un comportement plus tolérant vis-à-vis du harcèlement.

Figure 8: Étude du cabinet Accenture

L'anonymat contribue très largement à ce harcèlement : pour 92% des personnes, Internet leur permet d'être plus critiques que dans la vraie vie (Wright et al., 2002). Les harceleurs peuvent en effet se cacher derrière un pseudonyme et ne jamais avoir à faire face aux conséquences dans la vie réelle. Une étude concernant la manière dont les gens se comportent dans les jeux vidéo

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montre par ailleurs que des comportements comme le trash-talk, c'est-à-dire le fait de particulièrement mal parler à une personne, est toléré dans les jeux alors que ça ne serait pas en situation réelle. De la même manière, l'étude du cabinet Accenture déjà citée montre que 44% des joueurs considèrent les jeux vidéo comme une bonne plateforme pour se défouler et « trash-talk ». Harcèlement et représentation stéréotypée des femmes dans les jeux vidéo semblent donc bel et bien liés.

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PARTIE 2 :

METHODOLOGIE ET ETUDE EMPIRIQUE

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2. Méthodologie et étude empirique

Dans cette partie, nous allons étudier la méthode employée pour réaliser l'analyse qui va suivre et répondre à la problématique posée au début de ce mémoire.

Nous reviendrons d'abord sur le cadre théorique de cette étude à l'aide des éléments identifiés dans la première partie, avant de nous concentrer sur la manière choisie pour réaliser cette étude. Nous soulignerons aussi la façon dont l'étude qualitative nous a amenée à réaliser une étude quantitative afin de mieux analyser tous les aspects de ce sujet.

2.1. Cadre théorique

L'objet de cette étude est de montrer en quoi les consommateurs et les joueurs sont influencés ou non par l'image qui leur est renvoyée de la femme dans les jeux vidéo. Il s'agit donc de savoir si leur comportement varie en fonction de leur exposition à des jeux genrés et sexistes, aussi bien dans leur manière de percevoir les joueuses que les femmes dans le milieu professionnel. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l'omniprésence du harcèlement et de la toxicité dans le monde du jeu et aux mesures qui sont prises au fil du temps pour y pallier.

Il nous importe également d'établir si les consommateurs sont influencés dans leurs choix d'achat d'un jeu en fonction du marketing qui en est fait autour de l'image de la femme ou s'ils sont influencés par d'autres facteurs.

Notre problématique ainsi que ses axes de recherche nous ont menés vers une étude qualitative afin d'interroger plusieurs acteurs du monde du jeu au cours d'entretiens axés autour d'une dizaine de questions. Chaque entretien est fait de manière individuelle ou avec deux personnes dans le cas d'associés dans le but de bien séparer l'ensemble des thèmes, des métiers et des domaines. Les questions portent sur la personne puis sur sa manière de percevoir la femme dans le jeu vidéo ainsi que sur les conséquences de cette perception dans le monde du jeu et de l'esport. Certaines questions évoquent également les cas de harcèlement et les mesures mises

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en place pour remédier à cette situation. Enfin une partie est consacrée au désir des entreprises d'orienter les choix des consommateurs dans leur stratégie d'achat.

2.2. Étude qualitative

Afin d'avoir un panel et un résultat les plus intéressants possible, j'ai choisi d'interroger en priorité des personnes directement liées au monde du jeu. Pour cela, j'ai d'abord contacté l'ensemble des personnes que je connaissais et qui pouvaient avoir le temps de me répondre. J'ai choisi de me concentrer sur la scène française car les réseaux et les habitudes sont différents d'un pays à l'autre et l'étude en France me paraissait plus pertinente pour étudier ce sujet. Bien évidemment, tous les jeux ne sont pas français et la plupart sont diffusés dans le monde entier, mais c'est bien la perception des personnes interrogées que nous voulons ici étudier.

2.2.1 Méthode de contact

J'ai donc construit un tableau Excel avec l'ensemble de mes contacts, par catégorie, les joueurs, les joueuses, les joueurs et joueuses professionnels, les streameuses et streameurs, les associations, les entreprises et les personnalités autres.

Je les ai contactés au travers de LinkedIn, Twitter ou par mail en fonction de ce que j'ai pu trouver sur les différents réseaux afin d'organiser des entretiens d'environ une heure avec chacun pour leur poser mes questions. Mon but n'était pas du tout d'avoir une discussion

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cadrée, fixe avec chaque personne, mais plutôt un échange libre où la personne interrogée pouvait parler de ce qu'elle souhaitait tant que bien sûr nous restions sur le sujet principal.

Afin d'élargir mes contacts dans le monde du jeu et surtout obtenir des contacts plus diversifiés, j'ai également effectué un post LinkedIn demandant si certaines personnes seraient disponibles et intéressées pour échanger avec moi sur le sujet. À ma grande surprise, ce post a eu énormément de réactions et j'ai donc eu des retours de la part de nombreuses personnes travaillant dans l'industrie du jeu vidéo et de l'esport. J'ai grâce à cela pu interroger un large éventail de personnes, parmi lesquelles une cosplayeuse, des auto-entrepreneuses, des journalistes, des rédacteurs, ou encore des joueurs professionnels.

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Figure 9: Post LinkedIn pour la recherche d'interviews

2.2.2 Les questions

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? À quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

3- De la même manière celui de l'esport ?

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ? ?? Pour les femmes surtout mais tout le monde est en capacité de répondre (exemples d'expériences vécues, pourquoi c'est arrivé, comment, etc.)

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

En fonction des entretiens, certaines questions n'ont pas été abordées, d'autres ajoutées. Je souhaitais établir quelque chose de fluide et naturel et non un simple moment de questions/réponses. Ces réponses me permettent de conduire une analyse qualitative.

2.2.3 Les résultats et les personnes interrogées

N°

Nom

Prénom

Ag e

Fonction

Genre

Type

d'entretien

Durée

Nb mots

1

Guellerin

Julien

39

Staff dans la web série Noob

Studio de VR

Homme

Audio

53m05

4165

2

Di Battista

Louis

22

Président de GameHer

Homme

Audio

1h17m09

4592

3

Lunardi

Lara

27

Freelance Host & Producer

Femme

Audio

36m45

2304

4

Dupont

Mme

/

Game design

Femme

Audio

49m04

3489

5

/

Laurine

20

Joueuse semi pro

Femme

Audio

1h00m15

3346

6

Blaix

Hugo

25

Reworld Media

Homme

Audio

1h00m07

4505

7

Daull

JC

25

Vidéaste

Homme

Audio

50m27

3050

8

Goldstein

Jeremy

 

Tencent Game

Homme

Audio

49m59

2569

9

Naouar

Bilel

27

Joueur pro sur WoW

Homme

Audio

36m12

2471

10

Brissaud

Cholé

27

Com chez YaLLa Esports

Femme

Audio

50m02

3092

11

Fisher

Servane

35

Joueuse pro sur Counter Strike Esport legal Council d'Ubisoft

Pole Esport de WIG

Femme

Audio

37m59

3345

12

Durand

Mme

25

Ressources humaine

Femme

Audio

35m21

2448

13

Gelly

Clémentine

24

Auto entrepreneur dans la fabrication de costumes, d'accessoires et de trophées

Femme

Audio

1h24m43

3858

14

Vitse

Mathieu

24

Alternance dans le web design

Homme

Audio

49m36

2151

15

Smith

Mr.

/

Entreprise de jeux vidéo

Homme

Audio

56m49

3406

16

Bonnecarrer e

Julie

27

Directrice générale de Northern Light Entertainment

Femme

Audio

52m50

3036

17

Paccou

Amandine

28

Rédactrice web et correctrice

Femme

Ecrit

0

1022

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18

Gerontitis

Anthony

32

Développeur software

Homme

Ecrit

0

1547

19

Simeon

Aymeric

37

Journaliste high tech

Homme

Ecrit

0

1269

20

Simic

Fanny

30

Chargé de projet digital avec Webforce 3

Femme

Ecrit

0

1358

21

Espinadel

Laurianne

24

Sound & voice designer

Femme

Ecrit

0

875

22

Jergan

Marie

35

Etudiante en Licence MAPP

Femme

Ecrit

0

1283

23

Fauchie

Quentin

29

Rédacteur/testeur - Recherche « game studies »)

Homme

Ecrit

0

1891

24

Hette

Sebastien

49

Fondateur de Reset XP

Homme

Ecrit

0

819

25

Falaize

Morgane

40

Fondatrice de Minuit 12

Présidente de Women In Games

Femme

Ecrit

44m41

2866

26

Dachary

Alexandre

33

Livestreaming & Video Content Creation

Homme

Ecrit

1h30m14

5087

27

Mitteaux

Léa

21

Master marketing digital et communication, coprésidente de Bravens

Femme

Ecrit

1h15m23

4112

27 bis

Abdelmalki

Noha

25

Consultante en informatique, coprésidente de Bravens

Femme

Ecrit

/

/

28

Mailloux

Katherine

 

Consultante marketing et associée chez le Gamer mentor

Femme

Ecrit

50m43

2453

TT

 
 
 
 
 
 

18h21m4S

76409

2.3 Étude quantitative

Grâce à ces échanges, j'en suis venue à me demander si une étude quantitative pourrait venir compléter et renforcer le poids de ma recherche. Lors de ma recherche de personnes à interroger, il m'a été plusieurs fois reproché de ne chercher que des femmes. Pourtant, c'est loin d'être le cas : j'ai voulu m'entretenir avec hommes et femmes de la même façon mais j'ai été contactée par bien plus d'hommes car ceux-ci sont encore les plus présents dans ce milieu et surtout au niveau professionnel. Certains n'ont donc pas compris que je les refusais simplement parce que j'avais déjà suffisamment d'hommes me contactant alors que je souhaitais obtenir un équilibre parmi les personnes interrogées. Selon moi, l'étude de la place et l'image de la femme

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n'est pertinente que si le panel est constitué de manière équitable.

Pour en revenir à l'étude quantitative, celle-ci m'a semblé pouvoir être utile notamment pour étudier des cas de harcèlement de manière générale. Un large panel de réponses permet en effet d'éclairer ces problèmes à propos du harcèlement : pour quelle raison ? Un mauvais style de jeu ? Leur sexe ? Une autre raison ?

L'avantage d'une étude de ce style est qu'elle touche un plus grand nombre de personnes et la plupart du temps de manière anonyme puisqu'il s'agit simplement d'un sondage relayé sur différents réseaux sociaux. Je souhaitais entre autres pouvoir étudier le point de vue de personnes pensant sincèrement que les femmes n'ont pas leur place dans le monde du jeu car ce genre de personnes ne se sont jamais manifestées à la suite de mon post LinkedIn effectué pour l'étude qualitative.

C'est pourquoi j'ai finalement choisi de réaliser cette étude quantitative puisque les chiffres venaient compléter parfaitement les réponses que j'avais eu l'occasion d'avoir dans ma première étude. J'ai choisi de diviser ce sondage en quatre parties. La première est une partie de présentation, la seconde sur le harcèlement, la troisième sur les personnages en jeu et la dernière sur les choix lors de l'achat d'un jeu.

2.3.1 Les questions posées

Partie 1

A/ Vous êtes un/ une ?

3 Homme

4 Femme

5 Je ne souhaite pas le préciser

B/ Vous vous considérez comme ?

l Non joueur

l Joueur casual

l Joueur hardcore

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

Partie 2 - Partie sur le harcèlement

C/ Avez-vous déjà vécu ou assisté à une situation de harcèlement sur un jeu en ligne ?

l Oui

l Non

D/ Selon vous qui subit le plus de harcèlement dans les jeux ?

l Femme

l Homme

l Les deux

E/ Selon vous, qui se positionne le plus en harceleur ?

l Femme

l Homme

l Les deux

F/ Selon vous, est-ce que certains comportements peuvent justifier ce harcèlement ?

l Oui

l Non

G/ Lesquels

l Réponse courte demandée

H/ À quel type de harcèlement avez-vous le plus assisté (ou entendu parlé) ? (Maximum 2 choix possibles)

l Physique (coups)

l Verbal (insultes)

l Moral (répétition)

l Sexiste, misogyne (envers un sexe en particulier)

l Sexuel (agression sexuelle)

Partie 3 - Partie sur les personnages en jeu

I/ Selon vous, quels sont les héros de jeux vidéo les plus sexy ?

l Homme

l Femme

l Les deux

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

J/ Selon vous, quels sont les héros les plus mis en avant ?

l Homme

l Femme

l Les deux

K/ Combien connaissez-vous d'héroïnes féminines dans les jeux vidéo ?

l Aucune

l Entre 1 et 5

l 5 et 10

l Plus de 10

L/ Lors de la création de votre personnage, vers quel sexe vous tournez-vous le plus ?

l Homme => Le sexe opposé

l Homme => Le même sexe que moi

l Femme => Le sexe opposé

l Femme => Le même sexe que moi

l Pas de préférence

M/ Pourquoi ?

l Réponse courte demandée

N/ Comment percevez-vous l'image qui est donnée de la femme dans les jeux vidéo ?

l Normale

l Aguichante

l Sexy

l Humiliante

l Forte

l Guerrière

l Provocatrice

l Indépendante

l Vulgaire

l Soumise

l Héroïque

O/ Pensez-vous que l'image de la femme dans le jeu vidéo a évolué ?

l Très nettement depuis les premiers jeux

l Cela s'est amélioré mais de manière assez lente

47 / 291

L'image de la femme dans les jeux vidéo

l L'image de la femme n'a pas changé Partie 4 - Partie sur les choix lors de l'achat d'un jeu

P/ Selon vous, nos choix sont-ils influencés par les entreprises ?

l Oui

l Non

Q/ Avez-vous le sentiment d'être guidé, mené vers un choix lors de l'achat d'un jeu ?

l Oui

l Non

R/ Qu'est-ce qui vous motive lors de l'achat d'un jeu ? (Maximum 3 au choix)

l Le lore

l Les quêtes

l Le gameplay

l L'aventure

l Le cash shop

l Les skins

l Les personnages principaux

l Le jeu en équipe

l La violence

l Le côté sexy des personnages

l La créativité

l Les bandes sonores

l Le prix

l Le temps qu'il est possible de consacrer au jeu

S/ La publicité d'un jeu vidéo a-t-elle une grande importance lors de votre choix ?

l Oui

l Non

T/ Une publicité représentant des personnages sexy a-t-elle plus de chances de vous attirer ?

l Oui, pour acheter le jeu

l Simplement pour regarder la publicité

l Non

L'image de la femme dans les jeux vidéo

U/ Pourquoi ? (Maximum 2 au choix)

l Des personnages sexy sont plus attirants

l Cela donne un aperçu du jeu

l C'est ce que j'aime dans un jeu

l Cela ne change pas du tout ma vision du jeu

l Tant que le lore est bon, l'aspect importe peu

l Homme ou femme, je préfère un beau personnage

l J'apprécie la vision de la femme sexualisée

l Cela peut m'influencer mais ne constitue pas mon choix principal

l Une hyper sexualisation d'un personnage me rebute à acheter un jeu

2.3.2 Méthode d'administration du questionnaire

Pour ce questionnaire, j'ai choisi de m'adresser à des joueurs mais également à des personnes plus casuals, jouant peu ou jouant de manière ponctuelle sur des jeux téléphone ou des jeux Switch. Pour cela, j'ai tout simplement partagé le lien sur des serveurs Discord de streameurs (en ayant leur accord au préalable) comme celui de Jack Darius, Olydri ou encore Zerator. J'ai partagé aussi le lien sur des groupes Facebook dédiés aux jeux vidéo de League of Legends, Black Desert Online, Lost Ark, World of Warcraft, Animal Crossing afin d'avoir des joueurs de tous les horizons.

J'ai eu énormément de retours et de commentaires positifs comme négatifs. Ces retours m'ont permis de m'ouvrir davantage sur ma recherche et sur mes idées pour parfois voir les choses sous un autre angle.

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Ci-joint l'exemple d'un post type sur l'un des groupes :

L'image de la femme dans les jeux vidéo

Figure 10: Post Facebook pour la recherche de participants à l'étude quantitative

Ces nombreuses réponses m'ont, je pense, permis d'étudier réellement les différentes opinions sur l'image de la femme auprès d'un très grand nombre de personnes.

2.3.3 Analyse des résultats 2.3.3.1 Partie 1

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Un peu plus de femmes que d'hommes ont répondu à ce sondage. Cela peut sembler étonnant étant donné que les jeux vidéo sont un domaine considéré comme masculin, mais dans la mesure

L'image de la femme dans les jeux vidéo

où le sujet concernait directement les femmes il apparaît normal que celles-ci se soient senti davantage concernées. On assiste ici à une répartition presque égale, où il n'y a pas une très large majorité d'un sexe ou d'un autre, ce qui promet des résultats hétérogènes.

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On pouvait s'y attendre étant donné le sujet : les personnes ayant répondu à ce sondage sont pour plus de 97% des joueurs. En revanche, dans les joueurs casuals, on trouve aussi des joueurs très occasionnels, des joueurs sur téléphone donc des personnes qui ne pratiquent souvent qu'un seul jeu. 36,9% de joueurs se considèrent comme hardcore, mais cela peut correspondre à des durées variées car j'ai laissé à chacun la possibilité de se définir comme tel. En effet, pour certains, la définition peut aller de quelques heures par semaine à des dizaines d'heures ; en revanche, la plupart des joueurs se définissant comme hardcore sont des joueurs de longue date, ayant joué à plusieurs jeux et sur plusieurs plateformes.

2.3.3.2 Partie 2 - Le harcèlement

L'image de la femme dans les jeux vidéo

La moitié des personnes interrogées répondent ici de façon positive. Cependant, il faut souligner que peu de personnes osent encore parler des situations de harcèlement qu'elles subissent. Serait-ce donc la raison de ce pourcentage, qui cacherait donc un chiffre réel plus élevé, ou assiste-t-on à une diminution des situations de harcèlement dans les jeux ? Par ailleurs, il faut rappeler que de nombreuses personnes ayant répondu sont des joueurs casuals, venants de jeux et de communautés comme celle d'Animal Crossing, qui sont encore considérées comme très bienveillantes, ce qui vient contrebalancer les communautés de jeux plus hardcore comme celle de League of Legends.

Ces résultats sont tout de même à mettre en perspective. Les femmes dénoncent le harcèlement dans les jeux vidéo depuis des années sans être forcément entendues ou écoutées. Ces chiffres montrent qu'il y a bel et bien du harcèlement. Même si ce chiffre n'était pas inférieur à la réalité, il concerne la moitié des personnes interrogées, soit 1936 personnes qui ont fait face à du harcèlement soit envers eux-mêmes soit envers des personnes de leur connaissance, à un degré plus ou moins grave.

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Pour 56,4% des personnes interrogées, les femmes subissent le plus de harcèlement. Pour 40,7%, hommes et femmes subissent tout autant de harcèlement. Au total, 97,1% des personnes interrogées incluent les femmes parmi les personnes les plus harcelées. Rappelons-le, cette étude n'a pas pour but de pointer du doigt ceux qui sont le plus touchés, mais de se servir de ces chiffres pour montrer l'impact sur la vie réelle par la suite. Ici, sur 4000 personnes, 3883 personnes placent les femmes parmi les personnes harcelées. Or il semble que cela a une influence sur le monde du travail et sur les choix de carrière et de vie des personnes concernées.

L'image de la femme dans les jeux vidéo

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Il faut rappeler que cette étude n'a pas pour but d'émettre des conclusions définitives sur des cas très précis mais de faire émerger une tendance sur cette question. Or ici, 80,6% des personnes interrogées placent les hommes en tant qu'harceleur, 0,9% les femmes et 18,5% les deux. Dans le dernier cas, ce serait, bien plus que le sexe de la personne, son caractère qui la définirait comme harceleuse ou non. Mais ces chiffres reflètent que dans l'expérience vécue des personnes interrogées il y a un réel problème du côté des hommes.

Malgré l'horreur du harcèlement, certaines personnes, ici 8%, parviennent tout de même à le légitimer et à le justifier. Ce chiffre indique que, malgré un certain nombre de mesures, notamment à l'école, affirmant que le harcèlement ne devrait tout simplement pas exister sous aucun prétexte, celui-ci n'est pas toujours rejeté.

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l Provocation

l Avoir un complexe de l'attention et l'utiliser sur des personnes dont on sait qu'ils ont un complexe de l'affection n'est pas très malin et relève plus d'une maladie sociétale spécifique aux personnes instables psychiquement. Homme, comme femme.

l Boosting et Yuumi abuser (dans ce rare cas, pour le reste c'est totalement injustifié évidemment)

l Rien sauf si la personne harcèle elle-même quelqu'un

l Envers les pédophiles et toutes autres merdes humaines

l Le streaming à moitié nues de certaines ''joueuses''

l Les lives à moitié à poil

l Le fait de gagner contre un homme

l Les attention whore

l Justifier, non. Expliquer, en partie. L'anonymat, la culture très "pornophile", la bêtise adolescente sur les jeux qui attirent les plus jeunes, la misère sexuelle et la malveillance sur les jeux plus matures...

l Mal être IRL, problème personnel. Le jeu devient un défouloir, sous couvert de l'anonymat

l Oui et non, non car moralement ce n'est pas bien pour la personne qui le subit mais oui car si quelqu'un harcèle c'est que lui-même intérieurement n'est pas bien et ça c'est humain

l Les gens homme femme qui pue sa mère

l Les mecs c'est des chiens ou les étrangers qui manquent de respect

l La fois où je me suis fait insulter gratuitement c'était par 2 gamines de 14/15 ans. En nombre ils se pensent intouchable mais elles auraient été toute seule elles n'auraient pas eu ce comportement.

l Harcèlement sexuel

l Être nul

l Ninja loot, des insultes/ drama qui engendre des guerres de guildes et/ou qui sont issue de harcèlement, et engendre des harcèlements, en gros des actions injuste ou malsaine, engendre des harcèlements de vengeance

Toutes les réponses ci-dessus ont été données par des personnes ayant répondu oui au fait que

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le harcèlement est justifiable. Pour une partie d'entre eux, le harcèlement obéit à la loi du talion, « oeil pour oeil, dent pour dent ». Une personne agit mal, insulte ou ruine une partie donc on va agir de la même manière pour lui faire payer son comportement. Dans le même ordre d'idées, pour certains, la provocation ainsi que l'utilisation de l'anonymat pour ruiner une partie justifient aussi le harcèlement.

Une autre partie des répondants considère que le niveau particulièrement mauvais de quelqu'un, non pas en tant que troll, mais simplement un manque de compétences, peut justifier ce comportement.

Enfin, la dernière catégorie concerne les « attention whores » et les streameuses qui mettent en avant leur corps sur les jeux ou en stream pour obtenir des faveurs. Cela peut s'apparenter à une sorte de triche puisque ce serait de la recherche de faveur : le harcèlement serait justifié pour cette raison.

Ce qui revient le plus souvent, ce sont les insultes pour 78% des personnes interrogées. C'est en effet la forme de harcèlement la plus facile car elle ne laisse pas de traces si c'est verbal ? Au vu de la législation actuelle, il est très difficile de punir les personnes harcelant dans ce contexte, donc on laisse souvent libre cours à la haine et aux insultes.

Pour 60,5% des répondants, le harcèlement sexiste et misogyne prédomine. Cela peut aussi se symboliser par des insultes mais celles-ci portent sur un sexe particulier et non pas un niveau de jeu ou une mauvaise action.

L'image de la femme dans les jeux vidéo

Enfin, pour 187 répondants, le harcèlement est allé jusqu'à une agression sexuelle. Cela peut inquiéter pour un domaine initialement situé en ligne et où les contacts humains ne sont pas directement initiés.

2.3.3.3 Partie 3 - Les personnages en jeu

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Le terme sexy est souvent associé aux femmes. Pour les hommes on parle de charme, de beauté, de prestance mais rarement de sexy. Cela tient certainement au fait que ce mot a également une connotation sexuelle que l'on ne trouve pas nécessairement dans les autres termes cités.

Pour 65,8% des personnes interrogées, les femmes dans les jeux vidéo sont les personnages les plus sexy. Beaucoup de remarques ont été émises quant au fait que cela varie d'un jeu à l'autre et qu'il est difficile de faire une généralité. Pourtant cette étude cherche précisément à montrer une tendance générale.

Pour 31,6%, les hommes comme les femmes sont tout autant sexy dans les jeux. La question est de savoir de quel type de sexy on parle : aguicheur et révélateur, ou désirable ? D'un sexe à l'autre cela peut grandement varier.

L'image de la femme dans les jeux vidéo

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Par « mis en avant », on entend en tant que personnage principal, égérie du jeu ou personnage clé de l'histoire. Pour 55% des personnes interrogées, les personnages masculins sont plus mis en avant que les femmes et pour 33,7% il s'agit des hommes et femmes de manière égale. Pour plus de 80% des répondants, les hommes restent donc sur le devant, même s'ils peuvent être accompagnés d'une femme.

Une femme seule en tant que personnage principale et mise en avant reste encore assez rare puisque seulement 11,3% considère les femmes comme davantage mises en avant que les hommes.

Cette question avait pour but de mettre en lumière le peu d'héroïnes féminines qui sont connues par la communauté. Ici, 69,3% des personnes interrogées ne sont pas capables de citer plus de 10 héroïnes et 44,2% pas plus de 5. La raison derrière cette ignorance est-elle le manque de

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culture ? On peut avancer que c'est peut-être plutôt le manque de représentation de la gente féminine au premier plan des jeux.

Au total, 53,2% des personnes interrogées choisissent une femme, qu'ils soient un homme ou une femme, tandis que 26,8% choisissent de jouer des hommes. Seulement 20% n'ont pas de préférence et n'accordent pas d'importance au sexe du personnage lors de leur choix.

l Quitte à voir un personnage de dos autant que ce soit agréable.

l Parce que je suis un homme, donc j'aime jouer ce que je ne suis pas. Mais paradoxalement, je m'attache plus à un perso masculin.

l Pour mieux m'identifier à ce dernier

l Parce que je reste une femme et j'assume de jouer au jeux video

l Parce que j'aime les grosses barbes

l Pour profiter du travail réalisé sur les doublages h/f Vf/Vo

l Ça dépendra le jeu tout simplement

l Pour la simple est bonne raison qu'il faut préserver notre personnalité et non jouer un jeu en prenant le sexe oppose pour ne pas se faire harceler ou profiter de la faiblesse de certaines personnes

l Je me place plus facilement dans mon rôle lorsque le personnage me ressemble au maximum.

l Les designs sont souvent plus badass, les femmes sont trop montrées comme fragile et sans armure

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L'image de la femme dans les jeux vidéo

l Pour être plus immersif

l Identification au genre et par féminisme ?

l Je trouve la femme plus belle et sexy, et les possibilités d'esthétique sont plus variés (quand on a le choix de création du personnage)

l Pour coller à la réalité ou à celle que j'aimerai être (suivant les jeux)

l J'ai du mal à jouer des personnages féminins, peut-être une question d'immersion

l Cela dépends du design, je prends souvent un homme car les femmes ne me correspondent absolument pas au niveau de physique puisque c'est souvent un physique très superficiel

l Plus réaliste, moins vulgaire

l Pour m'identifier, et être moins emmerdée dans les jeux en ligne

l Tout dépend du graphisme du jeu. Si la femme est mieux faite, je prends la femme, si c'est l'homme, alors l'homme...

l Car je suis homo, et j'aime bien jouer avec des mecs sexy

l J'aime inventé des personnages ainsi que leurs vies donc je varie les genres

l Jouant depuis l'enfance, à une époque où il y avait quasiment aucune héroïne, j'ai pris l'habitude de m'identifier à des personnages masculins.

l Pour inventer mon histoire dans le sexe opposé

l Pour me représenter

l Je n'aime pas particulièrement les femmes fortes de caractère et je trouve que trop souvent, elles sont trop minces ou trop jolies, ce qui ne correspond pas au contexte

l Pour la tranquillité

l J'aime incarner quelqu'un qui n'est pas ce que je suis. Quelque chose d'exotique et que je ne peux pas être tous les jours.

l Une sorte de fierté que de représenter les femmes dans les jeux vidéos

Les réponses données ci-dessus indiquent plusieurs tendances. Pour un certain nombre de personnes, le sexe du personnage n'a pas d'importance et leur choix sera fait en fonction du jeu, des options de créations, de ce qui va être proposé par le jeu. Pour d'autres, c'est une question d'habitude ou d'identité : étant un homme je choisis un homme, étant une femme je choisis une femme puisque c'est le sexe auquel je m'identifie.

Pour beaucoup, les jeux vidéo sont un monde imaginaire et une échappatoire, donc ils préfèrent créer un personnage différent de ce qu'ils sont, un idéal à regarder pendant les heures de jeu. Pour certains individus, tous masculins, c'est aussi l'occasion de « mater un cul » pendant des

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heures.

Les femmes font pour l'essentiel des choix de deux types. Soit elles jouent un homme pour ne pas se faire embêter sur les jeux et ne pas donner d'indications sur leur sexe, soit elles veulent au contraire s'affirmer et mettre en avant les femmes en jouant un personnage qui les représente.

L'adjectif qui revient le plus pour 72,8% des personnes interrogées est « sexy » quand il s'agit de définir une femme puis « guerrière » pour 50,8% des personnes et « aguichante » pour 42,7% suivie de près par « forte » à 41,4%.

Le premier adjectif a une connotation sexuelle, même s'il n'est pas nécessairement péjoratif : tout dépend de l'interprétation, une femme peut être belle et sexy sans pour autant rechercher à obtenir quelconque faveur. Les trois qui se suivent montrent que la vision de la femme dans les jeux a nettement évolué ces dernières années. Malgré la présence de l'adjectif « aguichante », c'est « guerrière » et « forte » qui sont dans les premiers qualificatifs choisis. Ces termes viennent faire écho à l'image qui est donnée des personnages masculins depuis des années.

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Dans cette question, le but était de voir si, selon les personnes interrogées, leur vision de la femme avait changé et évolué depuis quelques années. Pour 29%, cette image a très clairement changé, devenant plus positive, et c'est une bonne chose puisque la femme était souvent mal représentée ou représentée de manière dégradante.

Pour 58,3% des personnes interrogées, donc la majorité, cela s'est amélioré mais l'évolution reste lente : même si certaines choses changent et qu'ils notent des améliorations, ce n'est toujours pas assez. Enfin, pour 14,8% cette image n'a pas du tout changé. Cela peut vouloir dire que, pour eux, il n'y avait pas du tout de problème de représentation et donc pas de besoin de changement, ou au contraire que ces personnes considèrent qu'aucun progrès n'a été fait.

2.3.3.4 Partie 4 - Les choix lors de l'achat d'un jeu

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Il est de notoriété publique que la publicité et les entreprises font tout pour guider nos choix et nous amener à acheter leur produit. Pour 65,9% des personnes interrogées, c'est en effet le cas et leurs choix sont influencés par les entreprises qui créent des produits spécifiquement destinés à attirer un certain type de clientèle. Les 34,1% restants ne se sentent pas influencés par les entreprises. Reste à voir si c'est bel et bien le cas ou s'il ne s'agit que d'un ressenti.

De la même manière que la question précédente, 61,7% se sentent guidés lors de l'achat d'un jeu. Cela rejoint les chiffres précédents qui voulaient qu'une entreprise influence nos choix.

Parmi l'ensemble des choix possibles dans ce qui intéresse une personne lors du choix du jeu, les personnes interrogées ont choisi en premier le gameplay à 73,5% puis l'aventure à 49,1% et

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enfin le lore à 28,9%. Tout ce qui ne concerne pas le jeu en tant que tel n'est donc pas regardé par la plupart des joueurs. 1% d'entre eux ont quand même répondu le côté sexy des personnages et 6,3% les skins donc les tenues que peuvent porter les personnages.

Malgré tous les débats autour de l'image des personnages, c'est donc bel et bien le contenu pur du jeu qui intéresse avant tout les joueurs.

Si la publicité a pour but de mettre un produit en avant pour le consommateur, ce n'est pas pour autant que cette stratégie fonctionne systématiquement et avec tout le monde. Pour 58,8% des personnes interrogées, cela n'a pas d'importance lors du choix d'achat d'un jeu.

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Seulement 2,6% des personnes interrogées sont sensibles à la présence de personnages sexy dans une publicité et vont être influencés par cet aspect pour acheter le jeu. Pour le reste, 15,9%

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vont être intéressés par la publicité et vont simplement la regarder mais pour une large majorité, à savoir 81,5%, ce genre de publicité ne va pas attirer davantage qu'une publicité classique.

Ici, les personnes répondaient à « pourquoi une publicité sexy a-t-elle plus de chances ou pas du tout de vous faire acheter un jeu vidéo ? ». Pour 46,2% cela ne change pas leur vision du jeu donc cela n'a pas d'impact sur leur choix. Par contre, pour 19,4%, si un personnage est vraiment trop sexualisé, cela peut les freiner dans l'achat du jeu. Pour 23,5%, tant que le lore est bon, l'aspect importe peu donc cela vient confirmer ce qui a été démontré plus tôt, c'est le jeu en tant que tel qui est observé, bien plus que le côté sexy des personnages.

En revanche, pour 0,7% des personnes interrogées, les personnages sexy correspondent à « ce qu'ils aiment dans un jeu », une publicité en ce sens apparaît donc comme une motivation supplémentaire à l'achat pour eux.

2.4 Pour aller plus loin ?

J'ai essayé de prendre contact avec des personnes pensant que les femmes n'ont pas leur place dans les jeux vidéo, mais comme je m'y attendais, quand il s'agit de rabaisser ou de harceler des personnes, c'est quelque chose qui est bien plus facile à faire sous couvert d'anonymat. Par

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ailleurs, les réactions ont été très mitigées. J'ai fait face à beaucoup d'incrédulité venant d'hommes la plupart du temps, sidérés que certaines personnes puissent avoir de telles pensées. J'ai aussi eu beaucoup de soutien et de compréhension de la part des femmes qui ont pour la plupart vécu au moins une fois dans leur vie ce genre de situation. Une dernière catégorie concerne les personnes qui réfutent complètement l'existence de violences sexistes et sexuelles dans les jeux vidéo et qui pensent que les femmes « s'inventent une vie et un problème pour se rendre intéressantes ». Le discours de ces personnes est souvent similaire : il s'agit de rabaisser la personne par des insultes ou par des remarques sur le post en affirmant que le travail n'est pas suffisant ou assez fondé selon eux. Puis très vite, si on argumente, on s'oppose ou on élève la voix, le schéma se ressemble : viennent des attaques sur le physique. C'est ce que j'ai pu vérifier grâce à un post que j'avais écrit sur Facebook dans un groupe dédié aux jeux vidéo. Un homme a ainsi commenté pour me dire que c'était « de la merde », que je ne savais rien et que j'écrivais ce genre de choses pour me rendre intéressante.

Figure 11: Commentaire Facebook reçu sur un poste concernant mon mémoire

La personne étant l'auteur du commentaire ci-dessous a par la suite créé un post de lui-même imitant le mien mais pour le tourner en dérision, en se moquant et en demandant des captures d'écran, des preuves quand on a la malchance d'être un homme. Sauf que malheureusement, même si les femmes ne sont pas les seules victimes comme nombre d'autres minorités, les hommes blancs cisgenres ne subissent pas ce genre de discrimination et de loin quels que soient les milieux. C'était donc ici clairement une manière de me rabaisser et de se moquer de mon travail et de ma recherche.

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PARTIE 3 :

ANALYSE

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3. Analyse

3.1. L'image de la femme dans le jeu à travers les époques 3.1.1 La femme objet, un débat toujours d'actualité ?

Le statut de la femme par rapport à l'homme est au coeur de débats contemporains dont les difficultés se reflètent dans de nombreux jeux. Dans les sociétés occidentales, la femme est depuis longtemps considérée comme inférieure à l'homme : pour Aristote, cette infériorité est naturelle, en raison de capacités physiques et intellectuelles plus faibles. De plus, le discours historique a peu mis en avant les femmes : demandez à une personne de vous citer des figures historiques féminines, Cléopâtre ou Jeanne d'Arc ressortiront directement, mais de nombreuses personnes seraient bien en peine d'en citer d'autres. Bien que l'égalité entre hommes et femmes ait progressé, l'idée d'une infériorité des femmes reste présente dans les mentalités et aussi de manière concrète, comme le montrent les inégalités salariales.

La large domination du marché de l'emploi par les hommes dans les années 1960 et 1970 a entraîné naturellement le fait que le marché des jeux vidéo, à sa création, était exclusivement masculin. On a alors créé des jeux pour les hommes sans se soucier de la vision qu'ils donnaient de la femme car celles-ci n'étaient pas supposées s'intéresser à ce domaine. « Outre les studios de créations et éditeurs, une grande partie de la communauté s'en donne à coeur joie de cette sexualisation des personnages féminins dans les jeux et c'est justement pour ça que les studios continuent » (Louis Di Battista). Et en effet, ce n'est pas une surprise, si les créateurs continuent à créer ce genre de contenu, c'est parce qu'il séduit un public qui achète et consomme ces derniers.

Alors, pourquoi le débat sur la place de la femme dans le monde du jeu est-il apparu ? Pour commencer, il s'agit avant tout d'une affaire de société. Le marché des jeux n'est pas si différent des autres marchés, il évolue en même temps que le monde et que les mentalités. Par conséquent, avec l'ensemble des mouvements en faveur des femmes qui ont émergé dès les années 2000 pour les considérer davantage, les écouter et faire porter leurs voix et leurs opinions.

De plus, il faut le rappeler, les femmes sont désormais tout aussi nombreuses que les hommes à jouer aux jeux vidéo : selon une étude du SELL sur l'ensemble des joueurs réguliers, 47%

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sont des femmes. L'écart se fait encore ressentir au niveau professionnel où seulement 22% des posts sont occupés par des femmes. Mais il faut y voir tout de même une évolution puisque ce chiffre n'était qu'à 19% en 2020 (Women In Games France).

En revanche, « dans tous les métiers vus comme un peu masculin comme les métiers militaires, technologiques, la société renvoie un message comme quoi ce n'est pas fait pour les femmes [donc] il y a une sorte d'habitude [qui se crée] » (Servane Fisher). C'est aussi une des raisons pour lesquelles les femmes peuvent être plus réticentes à s'engager sur cette voie. Par conséquent, malgré les avancées très nettes il y a encore un débat très présent : certes les femmes ont désormais leur place dans ce milieu mais le sexisme et le harcèlement reste très présent, ce qui refrène de nombreuses femmes. Pourtant, le débat est nécessaire pour faire cesser ces injustices et faire entendre ce qui est vécu au quotidien par nombre de minorités. Si ce mémoire se concentre sur les femmes mais il va de soi que l'ensemble des minorités comme les personnes LGBT, de couleurs, en situation de handicap, sont aussi concernées par ces formes de discrimination. Mais ces affaires s'étudient selon moi séparément c'est pour cela que l'ensemble de cette étude ne porte que sur les femmes.

Le fait que les femmes subissent du harcèlement ou sont laissées derrière dans le monde du jeu est encore difficile à aborder pour certains. Au cours de mes recherches, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des personnes qui ont été choquées que je fasse un mémoire sur ce sujet parce qu'ils n'avaient jamais assisté à une situation de harcèlement ou à des insultes envers une femme. Face à certains témoignages que j'ai pu recueillir, j'hésite encore pour savoir si telle personne s'est ouvertement moquée de moi ou si simplement elle était persuadée que le harcèlement sexiste n'existe pas. La réalité du harcèlement dans une société patriarcale a pourtant été mise en évidence depuis de nombreuses années. Par ailleurs, lorsque j'ai réalisé mon étude, j'ai eu le soutien de beaucoup de personnes, hommes ou femmes, mais d'autres, seulement des hommes il faut le reconnaître, ont préféré renverser la situation comme s'ils se sentaient directement accusés ou concernés.

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Figure 12: Commentaire Facebook reçu sur un poste concernant mon mémoire

D'autres ont préféré directement se moquer de ma recherche en imitant mon post pour le reproduire à l'identique en le tournant du côté masculin. Tel individu, dans son post, a demandé aux hommes harcelés de témoigner contre les femmes qui leur ruinent la vie. J'ai trouvé cette action vraiment dommage car elle démontre bel et bien à quel point certaines personnes se voilent la face devant la réalité. Certes il y a du harcèlement envers les hommes mais la proportion est-elle vraiment si importante face aux femmes ?

Figure 13: Commentaire Facebook reçu sur un poste concernant mon mémoire

La possibilité pour les femmes de témoigner de harcèlement - comme de violences conjugales - s'est accrue ces dernières années. Jusqu'à récemment, il était très difficile pour une femme d'en parler et c'est parfois toujours le cas ; cette amélioration a aussi permis à des hommes victimes de s'exprimer. Aujourd'hui la parole s'est libérée, les hommes commencent à parler et des évènements ultra médiatisés comme le procès entre Johnny Depp et Amber Heard ravivent les débats et aident la parole à se délier. C'est pourquoi je laisse le bénéfice du doute à cette personne qui mettait en avant le harcèlement masculin parce qu'il est possible qu'il existe tout autant mais qu'il soit moins visible parce que les hommes n'en parlent pas. Mais c'est quelque chose que moi à mon échelle je n'ai pas connu ou alors sur un ratio de 1 pour 10.000 tandis qu'on est plutôt à 2 femmes sur 3.

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Le monde de l'esport et des jeux vidéo et la société dans laquelle nous vivons se ressemblent énormément et les inégalités du quotidien se reflètent indéniablement. Quand on compare les récits des victimes de viol ou de harcèlement qui ne sont pas prises au sérieux ou qui n'osent pas en parler aux victimes en ligne, c'est à ce moment qu'on se rend compte que le débat ne pourra avancer et progresser que quand la société progressa elle aussi.

3.1.2 L'évolution de la représentation de la femme au sein des jeux

Comme nous l'évoquions dans la précédente partie, le monde du jeu est un reflet de la société actuelle. Dans une société où les hommes ont toujours été au pouvoir, il est tout naturel que ceux-ci se soient emparés en premier de ce nouveau monde virtuel que formaient la technologie, Internet et les jeux vidéo. Louis Di Battista nous le rappelle très bien, à la création d'Internet, des « règles » plus ou moins informelles ont été édictées et la règle numéro 30 spécifiait clairement « There are no girls on the internet ». Bien entendu, ces règles n'ont rien d'officiel, elles ont été publiées par les Anonymous sur un Wiki satirique mais restent très connues notamment pour tous les aspects sexuels qu'elles couvrent, la numéro 34 étant la plus connue de toutes : « There is porn of it. No exceptions. » (Rules of the Internet, s. d.).

Cette société médiatisée a donc commencé en baignant dans des principes relativement sexistes puisque les femmes étaient considérées comme des êtres à bannir de ces plateformes sauf pour les contenus pornographiques où elles étaient cette fois ci les bienvenues. Par conséquent, le contenu des jeux « s'adressait clairement à des joueurs masculins » (Omega Zell) puisque les réalisateurs et les concepteurs des jeux étaient aussi des hommes qui n'envisageaient pas un instant de devoir créer des jeux convenant à toute la population. Et si les studios ont continué dans cette voie, c'est aussi parce que la sexualisation des personnages féminins a été une sorte de fantasme pour de nombreux consommateurs et donc que les réalisateurs avaient une clientèle toujours prête à acheter les nouveaux produits.

Par ailleurs, lors de la création des premiers jeux, la technologie était bien moins développée que la nôtre. Par conséquent, pour être certains que tout le monde distingue les hommes des femmes, ces dernières ont d'emblée été dotées d'une très forte poitrine, de cheveux longs et blonds et de costumes roses très voyants. « Le bal de la représentation sexiste et hypersexualisée était lancé » (Massicolli, 2012).

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Dès les premiers jeux, « dans les Mario et dans les Zelda on incarne un homme qui va sauver une femme des griffes du personnage maléfique » (Mme Dupont). Il y a toujours ce rapport de force qui est mis en place pour valoriser l'homme, le héros, le guerrier, le mâle dominant qui vient secourir la demoiselle en détresse, qui est faible et incapable de se débrouiller seule. C'est une vision très étriquée mais qui est malheureusement celle véhiculée dans de nombreux jeux. L'autre penchant est la version sexualisée comme dans le jeu Dead or Alive qui est « clairement conçu pour [être vendu] à des hommes gonflés aux hormones qui souffrent d'un manque affection » (JC Daull) où les filles sont toutes très jeunes et ont un corps complètement surréaliste. En voyant ce genre de jeux, il faut s'imaginer les répercussions que cela peut avoir sur les hommes dans leur quotidien, sur leur manière de voir les femmes et il faut sincèrement s'interroger pour savoir si cela a une réelle influence sur le comportement. Nous avons analysé l'étude de Dill, Brown et Collins (2008) dans la première partie qui étudie les conséquences des jeux vidéo sur les genres et le harcèlement, et la conclusion aboutissait à une corrélation entre la hausse du harcèlement envers les femmes et le fait d'avoir été soumis à des images sexualisée pendant une période donnée.

Par conséquent, en se fondant sur ces analyses, il apparait nécessaire de souhaiter un changement dans les jeux pour que ceux-ci promeuvent une vision plus respectueuse de la femme et des êtres humains en général. Mais cela ne veut pas dire tout changer, tout modifier et ne plus jamais produire un tel contenu : « On n'a pas besoin de tout lisser entièrement parce que la richesse du jeu vidéo c'est aussi sa diversité » (Julie Bonnecarrere). Ce qui est essentiel, c'est de parvenir à une égalité dans les contenus produits et que la majorité ne soient plus des contenus ultra sexualisés. Pour établir un parallèle avec le cinéma, de nombreux studios cassent les codes ces dernières années en employant des femmes ou des acteurs de couleur pour jouer des rôles traditionnellement donnés à des acteurs cisgenres blancs. C'est une démarche qui permet de promouvoir l'inclusivité mais on ne doit pas tomber dans l'extrême opposé et permettre aux hommes et aux femmes quelle que soit leur couleur ou leur orientation d'avoir un rôle. De même, un jeu hyper sexualisé n'est pas un problème : ce qui pose problème, c'est quand l'ensemble des jeux sont conçus ainsi. Par exemple, avoir une personne sourde-muette, quasiment nue en train de se tortiller sous la pluie dans Metal Gear Solid est dérangeant parce que c'est une vision totalement erronée et qui n'a rien à faire là (Mme Dupont).

Se rendre compte de la sexualisation des personnages féminins est somme toute assez facile, il

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suffit de comparer la même armure pour un homme ou pour une femme et voir que l'armure suprême masculine va être une armure imposante, qui ne laisse rien voir, qui fait très peur, tandis que l'armure féminine est un bikini ou alors quelques bouts de tissu assemblés et ces deux armures vont être de rang égal, vont pouvoir prendre le même montant de dégâts malgré leurs différences apparentes (JC Daull). Dans les jeux où il y a des skins pour les personnages c'est pareil, la plupart sont beaux, très sexy, avec peu de tissu et montrant beaucoup de peau.

Heureusement les mentalités changent et les initiatives pleuvent. Par exemple, Riot Games a su tirer un enseignement de League of Legends lorsque la scène compétitive de Valorant a été mise en place. Il y a eu un réel désir d'inclusivité, de diversité et ce n'était pas juste « une scène pour faire plaisir » (Servane Fisher). En revanche, il faut bien se rendre compte que malgré toute la bonne volonté qu'ils y ont mise, il est difficile d'attirer les femmes et que même si certaines sont présentes dans les tournois, elles restent une minorité et ont donc peu de chances d'arriver jusqu'en finale et donc de se démarquer. Mais cela reste malgré tout une avancée importante.

De la même manière, il y a de plus en plus de jeux qui mettent en avant des femmes ou qui au moins laissent le choix du genre du personnage principal au lieu d'avoir directement un personnage masculin. Les jeux sont beaucoup moins sexistes ou alors il s'agit de franchises connues pour leur contenu et où le client est prévenu en amont. Mais il n'y a quasiment plus de contenu ultra sexualisé au milieu d'un jeu sans aucune raison comme on a pu l'avoir pendant des années (Cholé Brissaud). Des héroïnes fortes et indépendantes comme Ellie dans The Last of Us ou Aloy dans Horizon sont mises en avant. Mais une fois de plus c'est une victoire modérée : bien que des femmes soient désormais les personnages principaux, ces deux-là sont celles que tout le monde va citer parce qu'il n'en existe pas assez pour en citer d'autres. De plus, un personnage comme celui d'Aloy a réussi à faire polémique pour le simple fait que son visage a des poils comme n'importe quel être humain. Cela peut sembler surréaliste mais c'est la stricte réalité, comme le montre cette réponse à un tweet : l'auteur initial s'étonne et demande à ce qu'on lui explique pourquoi Aloy a de la barbe... Alors que non il s'agit juste de la pilosité féminine que nous avons toutes.

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Figure 14: Screenshot d'un poste Twitter concernant le jeu Horizon Zero Dawn

Si cette remarque peut faire sourire, elle soulève pourtant un débat important au sujet du réalisme accordé aux personnages dans les jeux. Dans les jeux, les personnages sont tous très beaux, les femmes sont des entités aux proportions surdimensionnées qui ont pour but de faire fantasmer. Pour les hommes c'est pareil, ils sont tous musclés, jeunes, beaux, attirants. Si des personnages sont laids, c'est parce que ça a été voulu très spécifiquement par le scénario, que c'est l'objet de tout le jeu ou que souvent il s'agit de la race ennemie. Mais les personnages principaux sont toujours beaux tout simplement parce que ça se vend mieux et qu'on a plus de facilité à s'associer à ce genre de personnage (Alexandre Dachary). Si on considère les remarques au sujet d'Aloy, peut-on en déduire qu'un personnage ressemblant réellement à une femme est moins vendeur, moins attractif et que seuls les corps irréalistes séduisent le public ? Pour beaucoup, le physique n'entre désormais plus en considération lorsqu'il s'agit de choisir un jeu mais c'est bien davantage l'histoire et la description des personnages qui influencent les mentalités (Arborealkey).

Pour conclure, la manière dont les femmes sont représentées dans les jeux n'a eu de cesse

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d'évoluer ces dernières années, allant de la représentation ultra sexualisée des femmes en bikini ou à moitié nues, aux héroïnes en combinaison, équipée pour la guerre ou la survie, fortes et indépendantes. Cette vision-là qui est donnée des femmes est à mon sens une bonne chose s'il elle n'est pas unanime. De la même manière que toutes les femmes ne sont pas des objets de plaisir, toutes ne sont pas des aventurières courageuses. Il faut que les enfants ou les jeunes qui choisissent un jeu puissent faire leur choix parmi un certain nombre de possibilités aussi bien physiques que mentales et aient le choix d'être brave ou timide ou sexy etc...

L'important selon moi est d'explorer le plus large champ des possibles afin de ne pas se retrouver cantonné à une seule façon de voir les choses. De cette façon, il y aura peut-être des femmes ou des hommes sexualisés dans les jeux mais ils ne représenteront pas la majorité et cela aidera très certainement à redorer l'image des femmes et à en convaincre certaines de se lancer de manière professionnelle dans le jeu.

Oui, je pense, mais je pense que la société a évolué. Ce n'était pas forcément quelque chose de négatif à l'époque dans les années 1970 à 1990, on aimait beaucoup les clichés, on mettait beaucoup les gens dans des cases donc on pouvait sexualiser les femmes et en faire des objets sans avoir conscience des répercussions sur la société et pour les femmes. (Servane Fisher)

3.2 La femme dans la société esportive et ludique 3.2.1 Un écosystème qui tend vers la parité

Nous l'avons évoqué dans la partie précédente, l'image de la femme a évolué vers une vision plus positive et bienveillante ces dernières années, mais les femmes rencontrent encore des difficultés dans le monde du jeu vidéo.

Les jeux que nous avons toujours côtoyés ont indéniablement laissé leur marque sur l'industrie du jeu vidéo et engendré des difficultés pour parvenir à la parité. Ces icônes comme Lara Croft qui nous ont bercé pendant des années sont toujours très sexualisées et montrent donc une image de la femme non pas comme la guerrière et l'aventurière qu'elle pourrait être mais bien plus comme un être inférieur, moins apte que l'homme. Il suffit d'avoir une personne avec une mentalité un petit peu arriérée pour que cela se répercute sur la femme en dehors du jeu et

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qu'elle soit considérée comme moins apte aussi en dehors (Bilel Naouar). Ces représentations ont-elles un impact dans le monde du travail ?

Ces clichés touchent aussi les hommes mais pour des raisons différentes. Là où la femme va être considérée comme inférieure et à la disposition de l'homme, celui-ci va être montré comme fort, musclé, beau, comme si seul cet aspect physique était synonyme de réussite permettant d'avoir toutes les femmes désirées. « On rentre dans tous ces clichés très sexistes et machistes » qui alimentent par ailleurs la culture du viol puisqu'au sein d'un jeu c'est une action qui peut être réalisée sans conséquence malgré la gravité (Louis Di Battista). Par conséquent, peut-on parler de parité ou même d'égalité dans ce milieu qui semble tant réfractaire aux avancées ?

Un premier problème provient de l'habitude. Dès l'enfance, les femmes ne sont pas destinées à faire des « métiers d'hommes », dans l'industrie ou l'informatique. Elles sont sous représentées dans les écoles et souvent pointées du doigt (Laurianne Espinadel). Du fait de l'omniprésence masculine, peu de femmes osent se mettre en avant et prendre position dans les écoles ou dans le monde du travail. Par conséquent, en cas d'inégalités ou de comportements problématique il est difficile de faire rempart puisqu'il n'y a que peu de monde (Mme Dupont). Par ailleurs, pour une jeune femme voulant postuler dans un studio de création de jeu, il peut être très difficile de se sentir légitime quand on sait que ces mêmes personnes créent des jeux représentant des femmes en « string et forcément avec des gros seins » (Morgane Falaize) et que c'est là leur vision de la femme. Cela peut représenter un gros frein et contribuer encore davantage à la disparité entre les deux sexes dans le milieu du travail au-delà du jeu.

Malgré les obligations de parité qui sont demandées dans la plupart des associations et des comités de direction, l'absence de femmes est un problème récurrent (Sébastien Hette). Très peu de femmes sont présidentes ou cadres, celles-ci se contentant de plus petits postes. En revanche est ce que cela est dû aux jeux et à la vision qui en est donnée dedans ? Et surtout est ce qu'il y a une corrélation entre l'image dans les jeux et le désir de recrutement ? Selon Mathieu Vitse, ce n'est pas le cas, c'est avant tout un manque de candidats davantage qu'une discrimination à l'embauche.

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Figure 15: Baromètre annuel du jeu vidéo en France - Syndicat national des jeux vidéo

Comme le montre le graphique ci-dessus datant de 2019, le nombre de femmes travaillant dans des studios était de 15%. Cette année, il est de 22% ce qui démontre une nette augmentation. Dès lors, le sexe n'apparait pas comme un critère de choix à l'embauche et c'est bien davantage le manque de candidat qui fait pencher la balance. Mais cela tient aussi à l'éducation genrée qui conduit de nombreuses femmes à se présenter à moins d'offres d'emploi. Ces moeurs patriarcales sont encore ancrées dans les mentalités mais qui disparaissent peu à peu. Continuer dans cette voie, c'est continuer vers un chemin d'égalité qui mettra cependant du temps à s'établir car ce sont des changements de fond qu'il faut réaliser aussi bien dans les mentalités que dans la société (Granchette, 2021).

L'important est de constater qu'il y a du progrès aussi bien dans les jeux que dans le monde du travail. Bien entendu, tout n'est pas parfait mais le progrès est encourageant car il permet de montrer que les choses peuvent bel et bien changer. Il y a de plus en plus de mixité et de diversité au niveau du monde du travail (Jeremy Goldstein), avec de plus en plus de femmes en direction des studios qui changent du coup la vision qui est donnée de la femme au sein des jeux.

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3.2.2 Les ligues féminines sont-elles une véritable aide pour la place des femmes ?

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Comme nombre de questions, la réponse que nous pouvons apporter à celle-ci est loin d'être unanime. Dans les compétitions esportive, hommes et femmes sont autorisés à concourir de la même façon, avec les mêmes règles et les mêmes contraintes. Cependant, trouver une femme dans des compétitions officielles et de haut niveau relève du miracle car celles-ci en sont absentes. Quelle en sont donc les raisons ? Contrairement aux disciplines purement sportives qui viennent justifier d'une différence sur le plan physique et qui justifient donc la séparation des deux sexes pour les compétitions, l'esport est quant à lui bien plus égalitaire. Le cerveau de l'homme et celui de la femme sont globalement similaires, tout du moins sur l'aspect ludique. Pourtant, pour rappeler ce que disait Borkowski dans son mémoire de recherche, les hommes émettent plusieurs justifications à cette désertion tel qu'un « niveau plus faible, une attirance moins forte pour la compétition, une appréhension à aller en compétition en tant que joueuse, de faire face aux regards masculins ».

Ainsi, malgré ces capacités similaires, les femmes sont tout de mêmes laissées sur le côté. Parmi les 500 premiers joueurs au niveau mondial, il n'y a qu'une seule femme. Par conséquent, celles-ci sont évidemment moins nombreuses sur le plan compétitif. La solution qui pourrait apparaitre comme idéale serait donc la mise en place de ligues purement féminines, mais sur ce projet, les avis divergent.

Dans un premier temps, vient l'argument de dire que les ligues féminines permettraient à davantage de femmes de se présenter au niveau compétitif. En effet, étant donné qu'elles ne sont pas toujours au même niveau que les hommes, jouer entre elles pourrait leur permettre d'accéder à la compétition et il y aurait sûrement beaucoup plus de femmes dans les compétitions en général. Par ailleurs, « peut-être que des ligues féminines pourraient être la solution pour être sûrs de ne pas avoir d'inégalités entre les deux sexes » (JC Daull). Même si le physique n'entre pas en compte, on ne peut pas savoir avec exactitude s'il n'y a pas une différence aussi au niveau des réflexes entre les deux sexes. Peut-être celle-ci n'est-elle qu'au niveau des individus mais pour le moment nous n'en savons rien. Par conséquent, faire cette distinction permet de prévenir de toute inégalité. De plus, les femmes bénéficient de manière générale de bien moins de visibilité que les hommes et cela quelle que soit la discipline.

L'infographie ci-dessous date de 2019 et indique la médiatisation du football masculin et féminin. Pour le moment, l'esport et les ligues féminines sont à peine développés donc une telle infographie n'aurait pas de sens. En revanche, il est facile d'établir un parallèle entre ces deux

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domaines puisque les footballeuses font face aux même contraintes et problèmes que les joueuses d'esport en termes d'audience, de sponsors, de communauté. Comme le montre ce rapport, entre le footballeur le plus suivi et la footballeuse la plus suivie, on peut multiplier le nombre d'abonnés sur Instagram par plus de 137 000 fois. L'écart est donc monumental et est dû à la visibilité dont bénéficient les hommes, à la publicité et aux sponsors qui les entoure ainsi qu'à l'engouement qui existe bien plus autour du sport masculin que féminin dans sa globalité.

Figure 16: larevuedesmedias.ina.fr, 2019

Pour beaucoup d'autres personnes interrogées, les ligues féminines seraient l'occasion de prouver que les femmes ont un niveau similaire aux hommes. Mais il faudrait que ces ligues aient des moyens afin d'offrir le même cadre et le même budget que celui accordé aux équipes masculines (Louis Di Battista). Pour cela, il faut donc des sponsors et donc des personnes regardant les matchs. C'est donc un cercle vertueux ou vicieux en fonction du point de départ. Pour le moment les femmes ne sont pas autant mises en avant que les hommes et bénéficient de bien moins de visibilité, par conséquent les sponsors sont absents. Si beaucoup de publicité était faite en faveur des ligues féminines pour inciter à regarder, cela attirerait au contraire du

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monde donc des sponsors et cela permettrait aux femmes de prendre en compétence grâce à de meilleurs équipements et un meilleur encadrement global.

Enfin, la dernière chose qui est mise en avant par les défenseurs de ces ligues est que ces évènements permettraient de donner la parole aux femmes afin qu'elles puissent s'exprimer, se mettre en avant, sans qu'il y ait en permanence l'ombre d'un homme derrière elle dans toutes leurs actions. Quand on sait qu'il y a une femme qui brille pour plus de 500 hommes, ouvrir ces ligues permettrait à toutes les femmes qui n'ont pas eu la chance d'être aussi haut niveau ou qui se seraient perdues dans la masse de personnes dans un tournoi classique, d'être sur le devant de la scène et de devenir des rôle modèles.

Mais beaucoup restent sceptiques. Bien que sur le fond, le principe des ligues féminines soit une bonne chose, créer une « ligue spéciale [reviendrait à] masquer le problème de base » (Bilel Naouar) à savoir celui du sexisme et de la discrimination. Est-ce que mettre les femmes à part de la sorte ne reviendrait pas finalement à « ghettoïser un sexe » et donc venir à l'encontre de « l'objectif final qui est de créer de la mixité » ? (Mr Smith). C'est en effet une question essentielle parce qu'en théorie aujourd'hui les femmes ont leur place en compétition. Elles ne sont pas interdites. Certes il n'y en a pas mais personne ne les empêche de s'inscrire. En revanche, peu d'entre elles ont le niveau ou peu d'entre elles ont l'envie de se mettre autant en avant : une femme qui parviendra à se hisser au milieu d'une équipe masculine sera forcément sous le feu des projecteurs et sera scrutée avec d'autant plus de force et d'intensité ce qui est une pression énorme que les joueuses n'ont pas forcément envie d'endurer.

Enfin, d'autres sont très clairement contre et souvent en raison de ce que nous avons abordé juste avant comme le problème de visibilité. Malgré le fait d'avoir une ligue consacrée aux femmes, si celle-ci n'est pas mise en avant cela ne permettra pas d'avancer et cela peut même venir desservir la cause des femmes qui sont du coup relégué à un second plan parce qu'elles ne sont pas parvenues à se hisser comme égales des hommes.

L'association Game'Her s'était d'ailleurs exprimée à ce sujet par rapport à la mise en place de La Ligue féminine, un tournoi féminin communautaire organisé sur League of Legends et sur le fait que ce genre de tournoi se devait de n'être qu'une passerelle à court terme et non quelque chose de fixe (La Ligue Féminine : une ligue aux saveurs d'esport et d'émancipation - Game'Her, 2018). Le but de ces ligues est d'aider les femmes à se lancer vers une situation plus

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permanente mais cela ne doit pas être permanent au risque de mener à un « clivage compétitif hommes / femmes ». De plus, pour certaines entreprises ou organisateurs, les ligues féminines ne sont qu'un effet de mode, sans réelle vision et ambition derrière. Si ces ligues avaient pour but de former et de porter les femmes, cela serait quelque chose d'intéressant à envisager mais par exemple « sur Counter Strike ils ont vraiment séparé les deux ligues et ils ont fait en sorte que les femmes jouent en elles et n'aient pas forcément accès aux tournois réguliers » (Servane Fisher). Il y avait un espace pour les femmes mais parce qu'elles l'avaient réclamé et que c'était une bonne chose pour la presse, non parce que c'était quelque chose pouvant vraiment aider les femmes à avancer dans des compétitions formatrices et professionnalisantes.

Enfin, les tournois actuels sont mixtes car rien ne laisse penser que les hommes et les femmes différent dans leurs capacités mentales pour jouer aux jeux vidéo, alors pourquoi diviser une fois de plus les hommes et les femmes ? C'est un « split qui est hérité du modèle sportif traditionnel [mais dans l'esport] ça n'a pas de sens de séparer les deux » (Cholé Brissaud).

Alors pour conclure, est-ce une bonne chose ? Personnellement, je pense qu'à court terme c'est une mesure qui va aider les femmes à se construire une communauté, à se faire connaitre et à être mises en relation avec des sponsors. Mais cela ne doit pas devenir un état permanent. De nombreuses femmes ne se lancent déjà pas dans la compétition à l'heure actuelle simplement par peur de ne pas être pris au sérieux. C'était le cas de Chloé « Zelha » Bocobza, qui est aujourd'hui manageuse de l'équipe Exalt et pour qui le sexisme omniprésent dans ces compétitions a été un blocage énorme (Boquen, 2019).

Le niveau masculin est aujourd'hui considéré comme bien supérieur notamment parce que les hommes bénéficient d'un coaching spécialisé et personnalisé en fonction de leurs besoins et de leurs attentes. Si cette possibilité est donnée aux femmes, nombre d'entre elle atteindront facilement le niveau des hommes et pourront donc participer aux tournois mixtes sans se soucier d'un quelconque écart de niveau. Il faut également que les mentalités changent car aujourd'hui il est d'usage de croire que les femmes ne sont capables de jouer que des roles de support donc des roles de soin ou de bouclier pour soutenir l'équipe et non des roles clés.

Ce sexisme a été vécu en direct par le roster féminin Vaevictis eSports, un roster russe évoluant en LCL en 2019. Très clairement ce roster n'était pas du tout au niveau mais a été présenté pour faire bonne figure, pour justement mettre des femmes en avant. Sauf qu'au final celles ont fini

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la compétition en 0-28 avec une moyenne de 26 décès par match, montrant donc un niveau dont il était facile de se moquer. Les joueurs en face ont commencé à jouer des champions totalement hors de la meta pour se moquer d'elles et ont banni seulement des supports car, il faut le rappeler, les femmes ne sont capables de jouer que ce genre de champions.

Le problème de cette situation est qu'on se retrouve typiquement dans cette mode de mettre des femmes en avant même si elles n'ont pas le niveau. Et en effet, Anastasiya "HellMa" Pleyko, la toplaneuse de l'équipe l'explique tout simplement parce qu'elles étaient toutes les cinq diamant face à des joueurs challenger donc forcément il y avait encore un très gros écart de niveau entre ces divisions, en plus à cause du manque de joueuses professionnelles, il n'y avait pas de joueuses pour tous les postes donc certaines ont été autofill c'est-à-dire qu'elles ne jouaient pas à leur poste habituel ce qui les handicapent forcément (Flamm, 2020).

Figure 17: Screenshot de la partie de League of Legends jouée par Vaevictis Esports

On se retrouve à obtenir l'effet inverse de celui désiré, ce roster s'est retrouvé être la source de moqueries, de manque de respect et est donc venu desservir la cause des femmes qu'il tendait à défendre initialement. Dans ce cas précis, une ligue féminine aurait été bénéfique car comme le disait l'une des joueuses, aucune femme n'avait le niveau pour s'opposer aux ligues masculines, ils ont pris les meilleures femmes mais celles-ci avaient toujours un niveau inférieur, et le résultat est finalement négatif.

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3.2.3 Le harcèlement et la toxicité dans les jeux vidéo sous couvert d'anonymat

Si un élément est connu pour freiner les femmes à se lancer dans le monde du jeu ou à se mettre en avant, c'est l'omniprésence de la toxicité et du sexisme. De manière générale, les joueurs sont très toxiques entre eux sur l'ensemble des plateformes aussi bien durant une partie que sur les plateformes de discussion tel que Discord. Cachés derrière un pseudonyme et sous couvert d'anonymat, les insultes fusent avec une facilité déconcertante et celles-ci sont très souvent de la même nature, à savoir sexuelle ou misogyne. Pour beaucoup, le simple fait de traiter quelqu'un de « fille » est une insulte ou tout du moins suffisamment rabaissant pour blesser la personne en face. Nous allons donc dans cette partie étudier de nombreuses situations pour voir en quoi ce genre de comportements peuvent être un frein à la présence de femmes dans les jeux vidéo et l'esport.

Tout d'abord, il est important de rappeler que les femmes constituent la moitié des joueurs. Pourtant, les jeux vidéo restent un milieu considéré comme exclusivement masculin pour une raison très simple : on ne voit pas les femmes, soit parce qu'elles se cachent, soit parce qu'elles préfèrent rester en retrait pour éviter tout problème.

De manière générale, les jeux constituent un environnement particulièrement toxique avec tout type de harcèlement. Par exemple, comme le souligne Omega Zell, le streameur Sardoche se fait souvent harceler en raison de ses propos très clivant et de son attitude. Un serveur Discord avait d'ailleurs été construit dans le seul but de le suivre à la trace dans ses compétitions et ses parties de jeu pour le pourrir et l'empêcher de monter. « Mais cela n'a rien à voir avec son sexe mais parce que son attitude appelle un peu à ce genre de pratique. Il y a des femmes se font harceler parce qu'elles sont des femmes ». Une telle attitude à l'égard d'un homme montre déjà le type d'environnement dans lequel nous évoluons.

Quand on se demande pourquoi il n'y a que peu de femmes qui jouent à des jeux vidéo, la réponse classique est qu'elles jouent moins bien. Mais ce genre de comportements et de réponses les empêche d'aller plus loin et de se perfectionner. Dès l'enfance, dans les rayons de jeux, les garçons sont dirigés vers les jeux vidéo et les filles vers les poupées. Et même au sein des jeux, il y a une catégorie « jeux pour filles » qui rassemble des jeux de cuisine, de rangement, d'organisation de la maison, de ménage... Les « vrais » jeux, à savoir les jeux très

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compétitifs ou violents, ne sont pas pensés ou désignés pour les femmes et font peu pour les attirer. Ces jeux sont pensés par des hommes, pour des hommes ou pour de jeunes garçons qui peuvent donc commencer à s'entrainer dessus très tôt. Lorsqu'une fille s'écarte des codes sociaux et commence à s'y intéresser, elle est souvent déjà en retard de plusieurs années et cela lui prendra donc plus de temps pour devenir meilleure. Par la suite, celle-ci va devoir faire face à des comportements tolérés en ligne et derrière un écran mais qui choqueraient tout le monde si une personne agissait de la sorte dans la vraie vie. Prenons l'exemple d'une partie de jeu où cela se passe mal, des insultes du type « grosse vache, sale pute, mange tes morts » vont facilement fuser de la part des joueurs et en particulier s'ils savent que l'une des personnes est une femme. Pour 78% des personnes interrogées lors de notre étude, les insultes sont le type de harcèlement le plus courant et celui auquel ils ont le plus assisté. Cela en devient presque une banalité. Dès lors, les insultes auront un caractère beaucoup plus sexiste du style « tu n'es qu'une femme, tu n'as pas ta place, t'as sucé pour en arriver là ». Ce sont des situations fréquentes dans le monde virtuel mais qui n'arriverait jamais dans un café ou en pleine rue parce que les gens seraient soumis à un jugement, à une sanction. Les agresseurs devraient utiliser un peu leur cerveau et c'est pas du tout le cas (Mme Dupont).

Par ailleurs pour venir appuyer cette idée que les femmes sont prétendument incapables de jouer au même niveau que les hommes, une histoire avait fait couler beaucoup d'encre il y a quelques années. Une joueuse professionnelle sur Overwatch était extrêmement douée et participait donc à des tournois et des matchs à haut niveau. Lorsque celle-ci a atteint un niveau exceptionnel, elle a été accusée de tricher et a été obligé de se filmer en train de jouer en montrant ses mains, son clavier, son environnement, pour montrer que c'était bien elle derrière l'écran. La même chose est arrivée à une joueuse professionnelle de Hearthstone qui a été accusée de faire jouer son copain sur son compte car celui-ci avait aussi un niveau élevé. « Donc apparemment dans le monde de l'esport une femme est incapable d'être douée sans l'aide d'un homme » (Louis Di Battista). Cette dernière phrase reflète malheureusement la réalité : si une femme atteint un haut niveau, elle est forcément accusée de triche et on la pense incapable d'avoir réalisée seule ces performances. Ce genre de récit n'encourage évidemment pas les femmes à poursuivre une carrière dans l'esport puisqu'il leur faudra prouver sans cesse qu'elles n'ont pas eu recours à la triche pour se hisser jusqu'ici. A contrario, à moins d'avoir des preuves solides en jeu qui démontrent de la potentielle triche, personne n'est jamais allé accuser un homme, encore moins en lui disant que sa femme ou sa copine jouait à sa place. Par ailleurs, pour 8% des personnes interrogées, le harcèlement est justifiable et pour certains d'entre eux se faire booster est une

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raison suffisante. Avéré ou non, cela n'a plus vraiment d'importance puisque sur le fond, une femme ne peut pas atteindre seule un haut niveau. Par conséquent celle-ci mérite d'office d'être visée par du harcèlement.

Cette toxicité s'illustre aussi sous la forme d'insultes ou de paroles au caractère plus direct. Lors de nos entretiens, Madame Dupont racontait que lorsqu'elle jouait sur Dofus à l'âge de 13 ans avec un personnage féminin, il arrivait souvent que de nombreuses personnes la suive et écrivent des choses inappropriées dans le chat. Le langage Role Play (RP) en jeu étant symbolisé par « ** », celle-ci raconte avoir eu le droit à « **te sodomise » écrit par un inconnu. Sans savoir ce que cela pouvait être elle s'est donc renseignée sur Internet et a été profondément choqué à un âge où elle ne savait pas « comment on fait les bébés ». Une autre histoire choquante est celle d'Ilunaree qui a vécu du harcèlement sexuel très jeune aussi, vers l'âge de 11 ans de la part d'un groupe de garçons avec qui elle jouait à Minecraft. Lors d'une pseudo interview pour intégrer le groupe dans le jeu ceux-ci, bien plus âgés, lui ont demandé si « elle avait déjà fait des trucs », de leur montrer à quoi elle ressemble, ou encore de « passer sous le bureau ». Très jeune à cette époque, celle-ci répondait sans vraiment comprendre la teneur de ces propos et n'a réalisé que plusieurs années plus tard de quoi il s'agissait.

Les insultes de ce style sont devenues plus une habitude qu'autre chose car personne ne réagit vraiment. Est-ce à cause d'un manque de régulation ? Selon moi oui très clairement. La même situation m'était arrivée il y a quelques années, du harcèlement en continu qui avait commencé sur un jeu puis sur des serveurs Discord sans pouvoir jamais réussir à endiguer cette masse puisque lorsqu'une personne commence celle-ci est en général suivie. Par conséquent, j'avais fait remonter cela à Discord grâce à des tickets ou des alertes mais cela n'avait rien changé, je n'avais pas eu d'autres réponses que celle de quitter le serveur pour ne pas avoir à lire ce qu'ils disaient sur moi.

En jeu également, les insultes sont devenues monnaie courante et le fait d'être une femme engendre très souvent des attaques sur le physique ou d'ordre sexuel. Pour 56,4% des personnes interrogées, les femmes subissent le plus de harcèlement et 80,6% considèrent que les hommes se positionnent en harceleur majoritaire. Le niveau de jeu n'entre plus du tout en considération à l'instant même où le sexe de la personne est dévoilé. Les captures d'écran ci-dessous ont été pris par moi-même au sein du jeu Black Desert Online. Pour remettre en contexte toutes ces conversations ont eu lieu pendant des guerres de guilde, c'est-à-dire des guerres opposant une

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ou plusieurs guildes où il est possible de tuer les membres de la guilde adverses sans perdre quoi que ce soit. À chaque fois, les membres opposés ont appris que je suis une femme et très rapidement les insultes se sont tournées sur le physique. D'autres sont allés plus loin dans leur harcèlement, jusqu'à retrouver mes informations personnelles pour les diffuser en jeu.

Figure 18: Screenshot d'un extrait de conversation sur Black Desert Online

S'il s'agit d'un homme, les insultes vont tourner soit autour du jeu et des capacités du joueur à réaliser telle action ou tuer telle personne soit autour du fait que celui-ci est gay, puisque cela, rappelons-le, est toujours une insulte pour beaucoup de monde et surtout un signe de faiblesse. Si par malheur les personnes à l'origine de ces insultes se font battre, c'est pour eux le plus grand déshonneur et cela mène donc à d'autres insultes toujours plus virulentes.

Figure 19: Screenshot d'un extrait de conversation sur Black Desert Online

« L'anonymat est devenu une arme » (Mr Smith). Derrière ces pseudonymes peuvent se cacher des hommes comme des femmes, jeunes ou âgés, personne ne le saura jamais. Sans régulation, sans action concrète, les choses ne changeront pas. J'ai fait de nombreux tickets pour dénoncer les propos sexistes et avilissants dont je pouvais être victime mais cela n'a jamais rien changé.

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Il aurait fallu de réelles menaces de mort, avec des adresses, des preuves, un scénario quasiment déjà mis en place pour que le support agisse... Les règles et les régulations mises en place ne protègent pas suffisamment les individus et encouragent au contraire les harceleurs à continuer leurs actions puisqu'ils savent qu'ils ne seront pas punis.

Parler de punition ou de sanction peut sembler essentiel, mais comment y arriver ? Il n'est pas si facile de contrôler des personnes inconnues derrière un écran. Peut-être faudrait-il exiger un contrôle de l'identité, masqué bien entendu pour les autres joueurs mais disponible pour un organisme spécialisé qui pourrait légiférer lors de ces conflits. Effectivement beaucoup appellerait cela du contrôle et observerait des réticences vis-à-vis de ce genre de fonctionnement. Mais il faut bien reconnaitre qu'essayer de raisonner les gens ne fonctionne plus depuis longtemps, malgré les tentatives de sensibilisation, on a toujours le sentiment d'avancer de quelques pas pour reculer par la suite. Un système similaire à la loi actuelle devrait être mis en place en fonction des délits, des insultes aux menaces de mort jusqu'au harcèlement pour au moins dissuader les gens d'agir de la sorte.

3.3 L'image de la femme au coeur de la consommation 3.3.1 La vision marketing des entreprises

Les entreprises, à savoir les studios derrière le développement des jeux, ont une priorité, c'est de vendre leur produit. Pour cela, elles réalisent un certain nombre d'études afin de connaître le marché et de répondre à la demande. Pour certaines franchises très connues, c'est désormais assez facile, on peut notamment penser aux jeux FIFA : un nouvel opus sort tous les ans sans gros changement dans le jeu si ce n'est une actualisation des équipes et des joueurs, mais le jeu reste vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires dès sa sortie. Avec une moyenne de 89 millions de parties jouées par jour à peine un mois après sa sortie, un éditeur comme EA sait qu'il peut compter sur la renommée de l'entreprise pour vendre (L'Éclaireur Fnac, 2022). Mais cette renommée ne vient pas de nulle part : ce jeu tourne exclusivement autour du football qui est aujourd'hui le sport le plus visionné au monde et qui rassemble le plus de fans et de supporters.

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Pour de nombreux jeux, les studios s'appuient sur les instincts primaires de l'humain, à savoir

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la sexualité, en utilisant donc le corps de la femme de manière sexy et sexualisé pour vendre. Bien entendu, une fois de plus, il ne faut pas associer la situation d'il y a dix ou vingt ans avec la situation actuelle qui a grandement évolué. Pourtant, son héritage est toujours présent et les conséquences des choix qui ont été faits se ressentent toujours aujourd'hui. C'est bien connu : les seins vendent (Ilunaree). Si Lara Croft a eu autant de succès dès le début, ce n'était pas pour l'histoire ou pour le caractère particulièrement fort du personnage. Lorsque le jeu est sorti, la majorité des joueurs et donc des éditeurs étaient des hommes et ne pensaient donc qu'à une clientèle masculine et c'est pour ça qu'ils se sont concentrés davantage sur les attributs physiques de l'héroïne plutôt que sur sa personnalité. Dans certains jeux, il y a un travail énorme qui est fait autour de l'animation des seins féminins pour qu'ils bougent d'une certaine façon, souvent la plus aguicheuse possible, lors d'actions en jeu. À en croire Louis Di Battista « ça ne sert à rien et ça prend de la RAM », de manière générale ça n'apporte strictement rien au jeu, mais tant qu'il y aura des clients ça restera.

La question qu'il faut se poser est de savoir s'il s'agit, ou ou non d'un choix conscient des entreprises. Mais comme le souligne Alexandre Dachary, si les entreprises ne sont pas conscientes qu'avec une pochette de jeu de Senran Kagura comme celle-ci, la sexualisation des personnages est très clairement un outil marketing, c'est qu'il y a un problème.

Figure 20: Pochette de jeu de Senran Kagura

Ce côté sexualisant peut être utilisé de différentes manières, par exemple de nombreux jeux ont des publicités très sexualisées avec une histoire qui tourne autour d'un chevalier, de sa femme qui lui est soumise sous peine d'être emprisonnée alors que parfois le jeu en lui-même n'a plus rien à voir avec cela. Heroes Wars suit notamment cette logique : c'est un jeu d'aventure où nous incarnons des héros qui doivent avancer à travers une carte et obtenir des récompenses. Pourtant les publicités montrent tantôt un couple en train de se disputer, une autre fois des tours

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à détruire, une fois encore une femme en train de se faire écarteler.

De même, un style de jeu mobile qui a beaucoup émergé ces dernières années est celui d'incarner une femme laide, malodorante et mal vêtue qui se voit être rejetée par l'amour de sa vie : il faut l'apprêter pour que celui-ci revienne une fois l'aspect physique changé. Il y a toujours une logique d'humiliation vis-à-vis de la femme puisqu'elle n'est qu'un accessoire à mettre en avant le jeu : ainsi le joueur doit choisir entre une fille moche mais riche, ou belle et pauvre et assumer les conséquences de son choix. Dans d'autres jeux, le personnage principal est une femme qui doit choisir entre devenir cheffe de la mafia ou être kidnappée par son ancien mari (Rahmil, 2022). Pour beaucoup de jeux, la publicité n'est qu'un écran, une façade pour attirer les joueurs vers le jeu même si le contenu est différent. Les joueurs vont être intrigués ou se dire que le contenu de la publicité sera débloqué plus tard ou de manière payante : c'est sur ces joueurs que misent les créateurs. Un jeu de poker permettait également de dévêtir des filles pour chaque manche gagnée et ici la publicité était aussi fidèle que le jeu.

Alors pourquoi ce genre de pratiques sont-elles utilisées ? Pour commencer « le marketing n'a fait que suivre la demande, ils ont vu que ça marchait donc ils ont continué » (Servane Fisher) à produire des contenus sexy pour attirer la clientèle qui consommait. La société était déjà comme cela, à préférer « la beauté, la féminité, la douceur, le désir » (Aymeric Simeon) qu'incarnent les femmes plutôt que la force brute de l'homme. L'aspect masculin va les intéresser quand il s'agira d'incarner le personnage et de se glisser dans sa peau. À ce moment-là, les éditeurs vont prendre soin de remplir les idéaux de force, de courage, de puissance, de grandeur que tout jeune homme voudrait atteindre. Mais quand il s'agit du contenu du jeu en tant que tel, c'est ce qu'on voit qui est privilégié donc des femmes attirantes, qui sont souvent soumises au personnage incarné ou là pour le servir. On cherche à attirer grâce aux fantasmes en utilisant la femme comme une sorte d'hameçon, « il suffit de voir les thumbnails des vidéos YouTube c'est des fesses ou une poitrine alors que la vidéo n'a rien à voir derrière » (Mr Smith).

Est-ce un bien ou un mal, je ne pense pas qu'il soit vraiment possible de répondre à cette question. C'était un fait, un état qui était normal lorsque les ventes ont commencé parce que l'ensemble du marché était comme cela. Il suffit de regarder les publicités pour des boissons ou des voitures ou même pour un dentifrice pour en trouver très rapidement qui mettent une femme à moitié nue en avant alors que ça n'avait aucun rapport avec le produit mais que ça attire le regard. Peut-on donc blâmer les producteurs d'avoir voulu vendre ? Comme dans beaucoup de

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décisions il est rare que la morale entre en considération pour laisser une place plus importante au rendement. Et en partant du principe que les concurrents agissaient de cette manière, tout le monde se devait de suivre le mouvement pour rester compétitif.

En revanche, les choses ont évolué. Si on reprend l'exemple cité plus haut des publicités pour jeux mobiles, il y a toujours cette sexualisation mais les jeux mobiles sont souvent considérés comme une catégorie bien à part. Dans d'autres jeux la situation est différente et il existe donc des barrières au contenu sexualisé qui n'existait pas il y a quelques années. Les plus grandes franchises comme Riot ou Blizzard sont conscientes de ces enjeux et cherchent désormais à favoriser le lore ainsi que l'histoire plutôt que le physique (Lara Lunardi). Ce sont les qualités du gameplay, des quêtes, du graphisme, en bref du jeu en tant que tel qui sont vantées.

Le corps de la femme est donc aujourd'hui bien moins mis en avant que par le passé. Mais est-ce que cela a changé quelque chose pour les consommateurs ? Est-ce que cela a eu un réel impact sur leurs choix au moment de l'achat ?

3.3.2 La vision des consommateurs

Qu'est-ce qui motive le choix d'un consommateur lorsqu'il doit choisir un nouveau jeu ? Les entreprises ont utilisé plusieurs modèles pour suivre le processus de décision telle que la théorie du comportement planifié appliquée aux jeux vidéo (Prugsamatz et al., 2010). Ceux-ci se fondent sur la théorie établie par Ajzen (1991) pour analyser ce qui a mené des joueurs à choisir un jeu, que ce soit au niveau des avantages ou des inconvénients, des influences extérieures et de ce qui pourrait les empêcher ou les pousser à acheter un jeu. Cette étude a été réalisée sur trois catégories différentes : des joueurs hardcore, des joueurs casuals et des personnes ne jouant pas du tout aux jeux vidéo.

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Figure 21: Mean attitude attributes by gamer type - Prugsamatz, Sunita and Lowe, Ben and Alpert, Frank (2010)

Dans les caractéristiques citées par les joueurs, c'est surtout d'interaction avec d'autres personnes dont il est question lors du choix d'un jeu, la possibilité de s'amuser, de créer et de s'occuper lorsqu'on s'ennuie. Les joueurs hardcore sont plus sensibles aux points positifs comme aux points négatifs des jeux mais beaucoup moins aux limites, comme par exemple le manque de temps qu'ils peuvent avoir pour jouer à des jeux.

Afin d'étudier ce qui motive les joueurs à acheter un jeu vidéo, nous avons réalisé une étude quantitative afin de connaitre ce que chaque personne va regarder en premier. Pour 73,5% des personnes interrogées il s'agit tout simplement du gameplay puis de l'aventure pour 49,1%. Contrairement à l'étude réalisée ci-dessus, le but était ici de voir ce qui allait motiver le choix d'un jeu en particulier et non pas tellement le simple achat. Pour des joueurs hardcore, ce genre de questions ne se pose plus tellement ce qui importe c'est de réussir à cibler leur centre d'intérêt

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pour motiver l'achat.

On peut remarquer que tout ce qui concerne les personnages, à savoir les personnages principaux, les skins et le côté sexy des personnages, n'arrivent respectivement qu'en neuvième, onzième et dernière position parmi les choix proposés. Ainsi, même si les développeurs cherchent à jouer de l'image sexy d'un personnage, ce n'est pas ce qui va attirer le plus les joueurs. Un jeu sans aucun fond, aucun développement et manquant de profondeur pourra mettre autant de personnages sexy qu'il le souhaite, cela ne va attirer que moins d'un pourcent des joueurs. « On ne joue pas à un jeu parce qu'il y a une belle femme, on joue à un jeu parce que le gameplay, l'histoire, les mécaniques nous plaisent » (Anthony Gerontitis). De plus, une hyper sexualisation des personnages a au contraire tendance à freiner certains joueurs dans l'achat d'un jeu vidéo. Pour 19,4% des personnes interrogées, ce n'est pas juste un frein mais un stop très net.

Une fois en jeu, les choix peuvent être différents, comme le dit Alexandre Dachary « peut-être qu'un mec préfère jouer un personnage féminin qui est le standard des clichés de beauté ». Et c'est en effet le cas pour 5,9% des hommes ce qui reste assez faible. A contrario, 19% des hommes préfèrent jouer des personnages masculins. Alors pourquoi ces préférences ? Pour reprendre une fois de plus les paroles d'Alexandre Dachary, c'est appréciable de jouer un personnage masculin fort et qui a un réel impact sur le jeu. C'est une sorte d'idéal auquel on va s'identifier puisque les personnages importants et dont on se souvient sont toujours des personnages beaux. Le « moche » n'est pas vendeur sauf si c'est fait exprès pour mettre quelque chose en relief ou pour des personnages non-humains. Par exemple le jeu Struggling de Chasing Rats Games dont l'affiche de présentation du jeu se trouve ci-dessous avait pour seul but de séduire par l'aspect repoussant du personnage jouable en présentant cela comme quelque chose d'exotique.

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Figure 22: Affiche du jeu Struggling

Ici, ce n'est bien évidemment pas les personnages ou les skins qui sont mis en avant mais plutôt l'aspect repoussant de la créature que le joueur va manier. Le studio mise sur les 73,5% des joueurs qui vont s'intéresser avant tout au gameplay et les 18,1% intéressés par le jeu en équipe qui est ici proposé.

Pour résumer, n'importe quel type de jeu peut séduire un public, tout dépend de ce pour quoi le jeu est fait. Dans un jeu comme Dead or Alive, on sait à quoi s'attendre. Sur les affiches ou publicités du jeu, on ne voit que des femmes en bikini, avec des formes surdimensionnées donc on sait quel va être le contenu (JC Daull). Ce qui dérange souvent les joueurs, c'est d'avoir une hyper sexualisation a un moment où cela n'est pas souhaité. Par exemple, avoir une fille à moitié nue en plein milieu d'Elden Ring serait mal pris et rebuterait surement nombre de joueurs, puisque le jeu est au contraire très respectueux et inclusif et ne joue pas sur ces clichés. Par ailleurs, les joueurs ne sont plus autant intéressés par le fait d'avoir à tout prix des PNJ ou des personnages sexy avec lesquels fleurter ou s'acoquiner dans le jeu. Par conséquent, c'est un contenu beaucoup moins mis en avant par les entreprises qui ne misent plus sur ce contenu-là étant donné qu'il attire moins de joueurs (Laurianne Espinadel).

Ce qui est important, c'est d'avoir un équilibre et de respecter ce pour quoi le jeu est mis en avant. Avoir une certaine sexualisation des personnages n'est pas un problème si ce n'est pas au centre de tous les jeux. De la même manière que le cinéma est à l'heure actuelle en train de

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se diversifier, une diversité dans les jeux peut être intéressante si elle ne nuit pas à la qualité du gameplay. Selon moi, c'est un équilibre qui permettra de parvenir à plus d'égalité puisque tous les sexes et toutes les couleurs seront représentés. De cette façon, des femmes ou des hommes hyper sexualisés ne gêneront plus puisqu'ils ne seront qu'un aspect parmi tant d'autres des jeux.

3.4 Culturel et loisirs

3.4.1 Un impact des streameuses à double tranchant sur la communauté des joueuses

Depuis la fin des années 2000, les plateformes telles que YouTube ont vu émerger un nouveau type de contenu appelé streaming qui consiste à se filmer en train de jouer, en montrant le jeu en même temps et en le commentant pour une communauté qui regarde. Ces streams peuvent avoir plusieurs buts, de la simple discussion autour d'un sujet, aux tests de nouveaux jeux, à la diffusion de contenu personnalisé, ludique, amusant ou multijoueurs. Or ce nouveau mode de jeu a contribué à modifier la communauté des joueurs et la représentation des femmes dans les jeux.

C'est par le stream que de nombreux joueurs se sont fait connaitre en se spécialisant sur certains jeux et en devenant des modèles à suivre au sein des jeux qu'ils testaient en avance. Or de la même manière que la présence des femmes sur les jeux vidéo, parmi les streameurs les plus connus et les plus regardés, il y a très peu de femmes. Celles qui parviennent à émerger et à se mettre en avant sont souvent considérées comme des rôle modèles, comme un objectif à atteindre et surtout comme la preuve qu'il est possible d'y arriver. Mais cette réflexion est à double tranchant.

Pour commencer, se lancer dans le streaming est difficile. On ne peut pas en vivre avant un long moment car il faut avoir suffisamment de visibilité pour que ce soit intéressant pour la plateforme de faire passer des publicités et donc de rémunérer. Beaucoup pensent qu'il est plus facile pour une femme d'attirer du public précisément du fait de clichés sexistes. Néanmoins, celles-ci font face aux mêmes problèmes, voire aggravés, que dans les autres sphères du gaming : harcèlement, violence morale, insultes.

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Figure 23: Classement streamers Twitch de l'année 2021

Comme le montre le classement ci-dessus, au cours de l'année 2021, les 20 streameurs les plus regardés sur Twitch sont des hommes. Si on compare les chiffres en janvier 2022, la streameuse la plus regardée était Little Big Whale avec un nombre d'heures regardées de 411,817 tandis que pour le même mois du côté masculin, c'était Kameto avec 4,633,876 d'heures visionnées soit presque 10 fois plus (Classement des streameuses, 2022). Pour celles qui réussissent donc à se mettre en avant, il faut faire face au poids qu'ont leurs homologues masculins dans ce milieu.

Par ailleurs, il existe deux grandes catégories dans le streaming : le simple divertissement avec

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des catégories comme le « Just Chatting » où il s'agit surtout d'échange entre le streameur et sa communauté, et le jeu en tant que tel. Sauf qu'à nouveau les femmes doivent faire face à un problème d'inégalité : pour streamer sur un jeu, elles doivent avoir un très bon niveau sinon elles risquent des reproches constants ; si au contraire elles choisissent de faire du divertissement, les reproches fusent également puisqu'elles sont vues comme des personnes vénales utilisant leur corps pour séduire et attirer des spectateurs. Malheureusement « beaucoup de streameuses ne seront jamais vu de manière égalitaire par rapport à un homme » (Hugo Blaix) et celles-ci subissent un harcèlement qui découle de cette inégalité.

Pourquoi la situation des streameuses est-elle si compliquée ? Le streaming ne se limite pas au monde du jeu et touche de nombreux types de contenus. Certaines femmes, qui ne sont pour la plupart pas des joueuses de jeux vidéo, streament ainsi du contenu érotique. Celles-ci sont très souvent victimes d'insultes de la part de leurs spectateurs. Pour certaines, il s'agit simplement d'éducation : Shakaam s'est spécialisée dans l'éducation sexuelle pour éviter que les jeunes n'apprennent cela que par le biais de la pornographie. Mais cela n'empêche certainement pas le harcèlement et les insultes et les remarques sur le physique fusent, les auditeurs se sentant comme autorisés à critiquer parce que le contenu touche à la sexualité. Dans une interview, la streameuse disait vivre cela tous les jours et finalement s'y être habituée. Mais n'est-il pas inquiétant que l'on doive s'habituer à recevoir des insultes de manière constante et à se faire harceler ? Bien qu'il y ait un apprentissage pour passer outre, cela reste très difficile de vivre avec la communauté Twitch (Thurier, 2021).

Pour d'autres, le streaming a pris un aspect tournant critiquable, notamment avec les hot tubs, qui consistent « à s'afficher en bikini dans un jacuzzi pour répondre aux questions des abonnés » (Jonniaux, 2021). Étant donné le caractère dénudé de ces streams, beaucoup d'internautes et d'utilisateurs de Twitch ont crié au scandale et nt demandé que la plateforme prenne des mesures. Une catégorie spéciale «Pools, hot tubs and beaches» a donc été créée pour permettre davantage de régulation et surtout permettre que ce genre de contenu ne soit pas affiché dans les recommandations des personnes ne le souhaitant pas. Cela n'a pas été interdit puisque malgré l'interdiction de diffuser des contenus sexuellement explicites, Twitch a déclaré que d'un point de vue juridique, si une personne est dans un réceptacle d'eau, elle est dans une situation qui permet d'accepter le port de maillot de bain (Hugo Blaix).

Dès lors, plusieurs points de vue s'opposent. Le premier est de mettre en avant le fait que chacun

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est libre d'utiliser son corps comme il le souhaite et que par ailleurs si des hommes sont prêts à mettre de l'argent pour regarder ce contenu, tant mieux pour ces femmes. C'est une catégorie quasiment exclusivement féminine mais d'un autre côté, « les femmes ne sont pas assez bêtes pour payer pour ça » (Katherine Mailloux). Même si cela est en effet beaucoup critiqué, de nombreux consommateurs et de personnes visionnent les streams en payant pour le contenu proposé, à savoir des danses sexy ou bien la possibilité de voir son nom écrit sur le corps de la streameuse. Par conséquent, s'il y a des personnes prêtes à payer pour ce contenu, c'est une source de revenus comme une autre. Les spectateurs ont donc leur part de responsabilité dans l'existence de ces programmes qu'ils soutiennent par leurs dons réguliers (Mr Smith).

Un autre point de vue, plus tranché, met en avant le fait qu'agir de la sorte permet de montrer la confiance que les femmes doivent avoir en elles-mêmes et la liberté qu'elles peuvent avoir. À cela, beaucoup répondent que ce genre de comportement est une forme de prostitution et que cela vient totalement dénaturer les mouvements en faveur des droits des femmes puisque cela donne une image de la femme objet, de la femme comme source de plaisir et de la femme vénale prête à tout pour obtenir de l'argent.

Les streameuses ont donc un impact à double tranchant sur les communautés et surtout sur les joueuses de jeux vidéo. Sachant qu'elles sont la face des joueuses puisque ce sont elles qui sont mises en avant, on utilise souvent leurs actions et leur profil pour définir l'ensemble des agissements des joueuses. Par conséquent, la présence de tant de femmes dans des catégories hot tub peut venir contrecarrer ce combat. De plus, en se montrant de façon aussi dénudée, ne contribuent-elles pas aussi à construire cette image de la femme comme objet de plaisir ? Selon Mr Smith, « il a suffi de quelques streameuses dans leur piscine ou qui vendent leurs pets pour enlever tout crédit aux femmes qui se battent pour la cause ».

Heureusement, toutes les femmes qui streament ne sont pas dans cette catégorie et nombre d'entre elles diffusent un contenu ludique et divertissant. De plus en plus de femmes tranchent avec l'image qui leur était associée, de joueuse calme prenant du plaisir sur des jeux de réflexion et non forcément des jeux demandant beaucoup d'acharnement. Pour Omega Zell, il n'y a « plus trop de différences entre les deux » sexes. Une femme tout autant qu'un homme « tryharder et s'acharner pendant plusieurs heures sur un boss ». C'est ces femmes qui sont la figure du changement, de l'insertion des femmes dans un milieu masculin et qui se constituent comme véritable rôle modèles vis-à-vis des nouvelles générations.

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3.4.2 Comment tracer un chemin vers un monde esportif égalitaire ?

3.4.2.1 Les associations

À l'instar de nombreux domaines ludiques, sportifs, culinaires ou tant d'autres, de nombreuses associations ont vu le jour, centrées autour du monde du jeu. Pour la plupart, celles-ci promeuvent l'inclusivité et la mixité pour tout type de personne indépendamment de leur sexe, couleur de peau, origine ou orientation sexuelle. Parmi ces associations on retrouve Women In Games, créée en 2017 et ayant pour objectif de doubler le nombre de femmes et de personnes non-binaires présentes dans l'industrie du jeu vidéo sur les 10 ans à venir. Cela passe par de la visibilité, de la sensibilisation, des formations et beaucoup de communication pour mettre en avant l'égalité qu'elle promeut. On retrouve d'autres associations plus spécifiques comme Afrogameuses qui lutte contre l'invisibilisation des femmes noires dans les jeux vidéo ou Game'Her qui suit la voie de Women In Games en luttant pour donner plus de visibilité aux femmes.

Ces associations sont encore peu nombreuses et ne sont pas très connues de la plupart des joueurs. Si beaucoup de leurs membres sont présents lors de conventions ou d'évènements offline, leur impact sur la communauté reste encore très limité selon beaucoup. Certains n'y voient pour commencer tout simplement pas l'utilité : « L'école n'y arrive pas, l'état n'y arrive pas, les parents n'y arrivent pas donc c'est pas une association qui va changer quelque chose » (Louis Di Battista). N'arrive pas à quoi ? Tout simplement à mettre en place un système égalitaire. Nous ne parlons pas du tout ici de suprématie féminine ou d'une envie d'avoir l'ensemble des femmes au pouvoir mais simplement d'avoir accès aux mêmes droits, d'être jugés tous de la même façon et de donner les mêmes possibilités à chacun. De plus, les associations sont loin d'être parfaites : pour certaines femmes qui recherchent justement un safe space c'est-à-dire un endroit sécurisé pour se confier ou parler, Women In Games semblait l'endroit idéal mais l'association compte aussi bien des hommes que des femmes, par conséquent lorsqu'on souhaite parler de problèmes féminins, de nombreux hommes peuvent ou se permettent de renchérir et il n'y a plus du tout cette notion de sécurité (Mme Dupont). Enfin, pour beaucoup, ce concept n'est pas prêt. Les associations servent à mettre en avant les femmes et leur rôle dans le monde du jeu mais ce monde n'est pas encore prêt à assumer cela en raison de ses dispositions. En effet si on prend l'exemple des ligues esportives, une ligue féminine

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n'aura que très peu de visibilité car c'est une boucle infernale : sans sponsor il n'y a pas d'argent donc peu de communication donc les gens ne regardent pas. Et si personne ne regarde, il y a encore moins de sponsors (Hugo Blaix).

Pour d'autres, les actions réalisées par ces associations sont essentielles. Pour Game'Her c'est notamment l'occasion de s'adresser à un public jeune donc collégiens ou lycéens ainsi qu'à leurs parents afin de les sensibiliser vis-à-vis du contenu qu'ils peuvent trouver dans les jeux ou sur des sites de stream comme Twitch. Ils sont là pour se positionner en accompagnateurs dans un milieu que les parents ne connaissent pas forcément ou encore très mal (Louis Di Battista). De plus, pour Servane Fisher et Morgane Falaize, toutes deux membres de Women In Games, c'est un processus qui prend du temps et qui ne peut réussir qu'avec de nombreuses petites actions. Celles-ci ont toutes un impact et c'est leur somme qui permet de voir un réel changement : le passage de 15% de femmes dans les studios en 2018 à 22% l'année dernière est la preuve en chiffre que toutes les actions menées ont un réel impact.

Figure 24: « Le jeu vidéo, un médium et une industrie de plus en plus mixte » - Women In Games

Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Les associations telles que celles présentées ici sont l'exemple parfait pour répondre à ce genre de dicton. Si rien n'est fait, si aucune action n'est entreprise, il devient impossible de se défendre et d'évoluer. Nous sommes encore loin d'une égalité ou même de la parité, c'est pourquoi il faut continuer à agir en ce sens.

3.4.2.2 Le changement de mentalité dans la société

C'est un aspect que nous avons évoqué de nombreuses reprises, le monde du jeu vidéo se calque sur la société. Les choix qui sont faits dans les jeux reflètent la mentalité qui prédomine dans la

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société et c'est aussi pour cela qu'on assiste à de nombreux changements depuis ces dernières années. En parallèle du mouvement #MeToo qui a mis en lumière le harcèlement et les violences que de nombreuses femmes subissent au quotidien et notamment dans les entreprises, des mouvements propres aux jeux vidéo comme le Gamergate se mettaient aussi en place. À l'origine, ce mouvement se voulait être une réaction contre le féminisme et le progressisme dans les jeux vidéo en ciblant des femmes éminentes du jeu vidéo à travers des menaces de mort, du harcèlement et du doxing. Mais cela a eu pour conséquence de faire réagir et de sensibiliser l'ensemble de la société à ce qui pouvait arriver à quelconque femme osant élever la voix au sein de ce milieu, créant ainsi une guerre culturelle entre les deux camps (Gamergate (Campagne de Harcèlement), 2022).

Ce mouvement a été vu comme une réaction à l'apparition de femmes de plus en plus nombreuses dans le monde du jeu vidéo qui venaient casser avec « l'identité du joueur » masculin qui existait depuis les années 1990. Se plaçant en tant que guerriers contre le féminisme, ses acteurs ont au contraire créé un mouvement contre lequel l'opinion publique voulait à tout prix s'opposer afin de ne pas laisser le sexisme et la misogynie prendre le pas. Cependant ils révèlent aussi le problème latent qui existe dans les jeux aussi bien que dans la société à savoir que de nombreux hommes ne sont pas prêt à accepter les femmes comme des égales ou supérieures dans le cadre de l'exercice de fonctions professionnelles (Romano, 2021).

Ces vagues de haine ont un impact dans la vie réelle. Lorsque la joueuse transsexuelle Remilia avait commencé à jouer en LCS donc à haut niveau, celle-ci a subi une vague de haine et de harcèlement tellement intense que cela l'a poussée au suicide. « Elle était un exemple comme quoi les femmes pouvaient jouer au même niveau que les hommes » (Hugo Blaix) et cela n'était tolérable. Or l'idée que le harcèlement est possible est permise par l'éducation. Au contraire, le respect de l'autre, la sensibilisation au harcèlement et surtout l'arrêt des stéréotypes de genre sont un premier pas vers une égalité (Ilunaree). On aura beau créer des associations, mettre en place de nombreuses actions, le travail de fond vient des parents (Mr Smith).

Au sein même des jeux, il y a bien évidemment aussi des changements à faire. Rajouter des femmes peut sembler avoir peu d'intérêt. Parfois il s'agit d'un acte marketing : c'est notamment le cas d'Ubisoft qui met en lumière le nombre d'héroïnes qu'ils ont créés pour leurs jeux vidéo à l'occasion de la journée des droits des femmes, en omettant de dire que celles-ci ont quasiment toutes un sort tragique et ne parviennent jamais à la fin du jeu (Louis Di Battista). C'est une

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très bonne chose que de plus en plus de femmes puissent être inclues dans les jeux et soient montrées mais il ne faut pas que cela desserve l'action initiale. Il faudrait travailler autant sur la création des personnages féminins que sur celle des personnages masculins, il faudrait pouvoir laisser le choix au joueur de choisir le sexe et non pas en imposer un masculin systématiquement (JC Daull). Ou tout du moins il faudrait que l'hégémonie masculine cesse d'être la norme. Ce n'est pas grave d'avoir un jeu avec un héros masculin, ce qui est gênant c'est de n'avoir que cela, avec des femmes pour lui servir d'épouse ou d'esclave ou pire d'accessoire.

Il est aussi nécessaire de développer une vision saine ou mixité et diversité sont des mots d'ordre et sont respectés par tout le monde (Servane Fisher). Ce n'est pas normal d'avoir toujours des femmes en sous-vêtements dans de nombreux jeux juste parce que les hommes qui l'ont conçu étaient contents de les voir. Modifier la perception des gens pour leur faire comprendre qu'il n'est pas normal de juger une catégorie de personnes moins capable juste parce que ce sont des femmes serait nécessaire, mais semble être un défi très difficile à réaliser et surtout long (Morgane Falaize).

Enfin, il est important d'opérer ces changements pour que les femmes osent se mettre en avant dans l'industrie du jeu. Les entreprises n'ont aujourd'hui que 22% de femmes mais sont-elles présentes à l'embauche outre la discrimination qu'elles peuvent subir ? C'est le problème auquel Omega Zell a pu faire face lors du recrutement qu'il a réalisé, sur une cinquantaine de CV reçus, il n'y avait que deux femmes. Pour lui qui apprécie et prône la diversité et la mixité, ne pas avoir les profils sous les yeux et disponible est le vrai problème.

Pour conclure, sans changements à une échelle plus large il sera particulièrement difficile de réussir à faire changer les choses dans le monde du jeu puisqu'il s'agit des mêmes acteurs et donc de la même mentalité. Il serait intéressant d'étudier l'influence que peuvent avoir les joueurs sur la société en tant que telle.

3.4.2.3 Le rôle essentiel des hommes

Cela peut paraitre étrange de consacrer une partie aux hommes dans un mémoire sur l'image de la femme mais, dans la mesure où les hommes qui sont majoritaires dans les hautes sphères

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de commandement ou de décision, leur action est nécessaire pour parvenir à un changement durable. Cela ne signifie pas oublier qu'ils ont une certaine part de responsabilité : lors de l'étude quantitative réalisée, 80,6% des personnes interrogées placent les hommes en tant qu'harceleur et 60,5% ont assisté ou vécu du harcèlement de nature misogyne ou sexiste. Il y a tout de même une certaine mentalité et un certain comportement qui sont enfouis dans les moeurs et que les femmes continuent de subir aujourd'hui. C'est pourquoi il est nécessaire que les hommes apprennent et déconstruisent leurs idées afin de les remodeler. À travers l'écoute active des femmes, les mentalités pourront changer et évoluer (Louis Di Battista).

Il faut travailler ensemble, continuer à faire des campagnes de sensibilisation pour que la majorité des hommes comprenne que ce qui se fait actuellement n'est pas tolérable. Il faut qu'on arrive dans un monde où lorsque des hommes assistent à une remarque ou une situation déplacée vis-à-vis d'une femme, ils interviennent et interpellent sur le manque de respect au lieu de « rire grassement et bêtement » (Omega Zell). Lors de la journée internationale des droits de la femme le 8 mars, une campagne mettait en avant des hommes aussi bien que des femmes et cela a été très largement critiqué et rejeté. C'est seulement main dans la main qu'il sera possible de parvenir à une égalité.

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CONCLUSION

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Conclusion

« L'admission de la femme à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation ; elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses chances de bonheur » (Stendhal, 1822).

Aussi bien dans la société que dans le monde des jeux vidéo, les femmes cherchent à trancher avec l'image de sexe faible qui leur est associée depuis la nuit des temps. Cependant, répondre de manière unilatérale à l'interrogation portant sur l'impact de l'image de la femme sexualisée dans les jeux sur la société apparait comme impossible. En effet, de nos jours cet impact est devenu limité justement grâce aux changements positifs qui se sont opérés dans la société. Le féminisme est un combat pour l'égalité et la parité qui prend de l'importance dans de plus en plus de domaines de manière très médiatisée comme pour le cinéma, ou de manière plus discrète comme dans les jeux vidéo.

Ainsi, il y a plusieurs manières de répondre à la question que nous nous étions posée, à savoir en quoi l'image sexualisée de la femme dans les jeux vidéo influence les joueurs dans leur jeu et dans leur quotidien. Pour commencer, grâce à l'évolution des mentalités et de la société, l'image de la femme a elle aussi évolué vers quelque chose de plus respectueux et surtout plus réaliste. De plus, bien qu'il existe encore des représentations féminines très sexualisées, elles ne forment plus la majorité et surtout le choix est laissé au joueur sur la façon dont il va pouvoir jouer au jeu. Cependant, il y a toujours très peu de femmes parmi les héros de jeu que l'on peut choisir d'incarner de même que parmi ceux qui sont mis en avant pour la publicité et la promotion comme si la cible des entreprises n'était toujours que masculine et devait donc coller aux idéaux de force et de courage que les hommes se doivent d'être.

Par ailleurs, au niveau de la consommation et des préférences d'achats, la plupart des consommateurs sont conscients des mécanismes de vente qui sont déployés par les entreprises pour vendre davantage ou mettre en avant un produit. Parmi ces derniers, le corps de la femme comme objet sexualisé au sein des jeux a longtemps servi d'appât. Mais l'image qui est proposée de la femme dans un jeu n'influence pas nécessairement la décision lors de l'achat voir rebute l'acheteur qui est bien plus sensible au gameplay qu'à la mise en avant d'éléments qui n'ont pas d'influence directe sur le jeu. Si certains y sont sensibles cela reste une infime

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proportion des joueurs surtout depuis que les femmes sont aussi nombreuses que les hommes à jouer aux jeux vidéo et donc à les acheter.

Toujours dans l'industrie du jeu vidéo, au niveau scolaire et professionnel, les femmes se font encore rares mais leur présence augmente d'année en année. Une fois de plus, l'image de la femme comme inférieure, ou du moins, moins compétente, a pu avoir une influence sur le choix des recruteurs mais également sur les femmes elles-mêmes. Celles-ci se restreignent parfois par crainte de ne pas être vues comme égales aux hommes ou n'appartenant pas à la place qu'elles voulaient prendre. Il y a donc deux problèmes qui s'opposent ici : du côté des hommes, il s'agit bien évidemment de juger les capacités et non le sexe lors du recrutement et pour les femmes il est question d'oser se mettre en avant et essayer malgré la domination encore masculine de ce milieu.

Finalement, l'image qui est renvoyée de la femme au sein des jeux vidéo n'a que peu d'impact sur le quotidien des joueurs étant donné la situation de la femme dans la société actuelle. En effet, le harcèlement existe déjà et même si certains jeux viennent le renforcer et le favoriser grâce à l'anonymat, les jeux n'en sont pas à l'origine et sont loin d'en être le seul vecteur. Dans les postes haut placés et à responsabilité, les femmes font pâle figure tellement celles-ci sont peu représentées. Ainsi, même si l'image de la femme qui est donnée dans les jeux n'améliore pas cette situation, elle n'en est selon moi pas à l'origine et n'en est que l'un des nombreux contributeurs.

Aujourd'hui, le jeu vidéo évolue de nombreuses manières notamment à travers la réalité virtuelle qui est également sujette à débat en raison des limites qui s'amenuisent entre réalité et fiction. Dans un domaine où les barrières sont très légères et où le sentiment d'impunité règne en maitre grâce à l'anonymat, les problèmes et les travers de la société transparaissent dans les jeux qui font écho à la réalité. Les jeux vidéo ne rendent pas violents de même qu'ils ne rendent pas sexistes ou misogynes. L'atmosphère que la société y instaure décuple ces états de faits mais ils existent dans la société depuis bien plus longtemps sauf qu'ils sont punis dans cette dernière car aux yeux de beaucoup les jeux vidéo n'ont pas d'impact concret sur la réalité. L'image de la femme dans les jeux vidéo n'est donc que le miroir de celle de la femme dans la société.

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Table des annexes

Annexe 1 : Retranscription entretien Julien Guellerin (Noob) 112

Annexe 2 - Retranscription entretien Louis Di Battista - Zinogra (Président de GameHer) 121

Annexe 3 - Retranscription entretien Lara Lunardi (Freelance Host & Producer) - entretien mené en anglais 131

Annexe 4 - Retranscription entretien Mme Dupont 137

Annexe 5 - Retranscription entretien Laurine - Ilunaree (Joueuse semi pro) 145

Annexe 6 - Retranscription entretien Hugo Blaix (Reworld Media) 152

Annexe 7 - Retranscription entretien JC Daull (Vidéaste) 163

Annexe 8 - Retranscription entretien Jeremy Goldstein (Tencent Games) 170

Annexe 9 - Retranscription entretien Bilel Naouar (Joueur professionnel sur World of Warcraft) 175

Annexe 10 - Retranscription entretien Cholé Brissaud (Responsable communication chez YaLLa Esports) 181

Annexe 11 - Retranscription entretien Servane Fisher (Joueuse pro sur Counter Strike - Esport legal Council

d'Ubisoft - Pole Esport de WIG) 188
Annexe 12 - Retranscription Entretien Mme Durand (Ressources humaines dans une grande entreprise de jeux

vidéo) 196
Annexe 13 - Retranscription entretien Clémentine Gelly - Arborealkey (Auto entrepreneur dans la fabrication de

costumes, d'accessoires et de trophées) 202

Annexe 14 - Retranscription entretien Mathieu Vitse (Alternance dans le web design) 211

Annexe 15 - Retranscription entretien Mr Smith (Entreprise de jeux vidéo) 216

Annexe 16 - Retranscription entretien Julie Bonnecarrere (Directrice générale de Northern Light Entertainment)

224

Annexe 17- Retranscription entretien Amandine Paccou (Rédactrice web et correctrice) 231

Annexe 18 - Retranscription entretien Anthony Gerontitis (Développeur software) 234

Annexe 19 - Retranscription entretien Aymeric Simeon (Journaliste high tech) 238

Annexe 20 - Retranscription entretien Fanny Simic (Chargé de projet digital avec Webforce 3) 241

Annexe 21 - Retranscription entretien Laurianne Espinadel (Sound & voice designer) 245

Annexe 22 - Retranscription entretien Marie Jergan (Etudiante en Licence MAPP) 247

Annexe 23 - Retranscription entretien Quentin Fauchie (Rédacteur/testeur - Recherche « game studies ») 250

Annexe 24 - Retranscription entretien Sébastien Hette (Fondateur de Reset XP) 254

Annexe 25 - Retranscription entretien Morgane Falaize (Fondatrice de Minuit 12 / Présidente de Women In

Games) 256

Annexe 26 - Retranscription entretien Alexandre Dachary (Livestreaming & Video Content Creation) 263

Annexe 27 - Retranscription entretien Léa Mitteaux (Master marketing digital et communication, coprésidente

de Bravens) - Noha Abdelmalki (Consultante en informatique, coprésidente de Bravens) 274
Annexe 28 - Retranscription entretien Katherine Mailloux (Consultante marketing et associée chez le Gamer

mentor) 283

Annexe 29 : Autorisation de diffusion électronique par l'auteur 290

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Annexe 1 : Retranscription entretien Julien Guellerin (Noob)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je suis Julien Guellerin, je suis membre du staff de la web-série Noob et associé dans un studio qui fait des jeux vidéo en réalité virtuelle. Je suis gamer depuis l'âge de 6 ans avec une Nintendo donc ça commence à faire un bon moment, et je suis là à 39 ans je n'ai jamais coupé, j'ai toujours joué aux jeux vidéo, j'ai traversé tous les formats et styles de jeu, j'ai un peu touché à tout. C'est un média intemporel, qui a toujours été là et dont je ne suis pas prêt de me séparer étant donné mon quotidien professionnel. Les jeux vidéo, je les ai traités en tant que consommateur, en tant que gamer, via YouTube où j'ai fait des vidéos, en tant que streamer avec ma chaîne Twitch, en web série puisque je joue dans Noob, donc je l'ai un peu approché par toutes les coutures et je peux dire sans problèmes qu'avec le cinéma, les séries et l'animation japonaise c'est une de mes principales passions.

2- Pour parler un peu jeu vidéo, quel est le style de jeux auquel vous jouez le plus (si vous êtes joueur/euse), combien d'heures par jour et pourquoi aimez-vous ce genre de jeu ?

J'ai un peu quitté Nintendo, j'y ai beaucoup joué plus jeune mais après je suis passé sur Playstation puis sur PC avec WoW, et actuellement hormis une Switch je délaisse beaucoup les consoles et je suis quasiment exclusivement sur ordinateur.

Au niveau du profil de joueur je suis plutôt quelqu'un qui va 3 ou 4 jeux et tourner dessus en boucle pendant des années. Je ne suis pas quelqu'un qui va sur les nouvelles sorties, où va le vent. Je suis plutôt fidèle aux jeux que j'attaque. Après bien évidemment quand il y a des sorties comme Elden Ring, j'aime bien un peu voir où va la masse pour savoir quel est le jeu phénomène du moment afin de pouvoir échanger avec les gens lors des salons ou des streams.

3- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Pour l'avoir connu presque à ses débuts, c'était très tourné vers les hommes, ça s'adressait clairement à des joueurs masculins. Après de là à dire sexualisant, peut-être parce que j'étais jeune, et pas super mature à l'époque je ne m'en rendais pas compte. Mais je ne pense pas que c'était un marché ou les joueurs masculins y allaient pour avoir une vision sexualisée de la femme, je pense qu'on y allait surtout pour s'amuser sans rechercher ce côté-là. De mémoire,

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les premiers jeux avec des avatars féminins, sexy et racoleurs c'est arrivé vers la PS5 pas vraiment avant ou alors j'ai raté les premiers épisodes.

4- De la même manière celui de l'esport ?

Au niveau de l'esport, quand tu regardes les performances, les équipes, les compétitions c'est une grande majorité de joueurs masculins. C'est rare qu'on vienne nous raconter les performances d'une joueuse féminine. Personnellement je connais bien Kayane, je sais que c'est un peu la parade, le joker qu'on sort « regarde Kayane ». Mais le problème c'est que médiatiquement, hormis Kayane qui fait du stream, beaucoup de salons et qui est beaucoup mise en avant, il y a peu de joueuses qui sont montrées. Et on est tous conscients de l'impact médiatique : quand on voit un joueur à longueur de journée, on sait qu'il existe. Peut-être que si on faisait le même travail avec d'autres joueuses que celui sur Kayane, on découvrirait un autre panel mais pour le moment ça reste toujours un milieu très masculin.

5- Donc pour vous c'est un manque d'exposition ?

Moi l'esport c'est un marché que je suis par rapport au boulot mais je ne suis pas toutes les compétitions, donc je ne sais pas si ces filles existent et ne sont pas exposées ou alors on ne les expose pas parce qu'il n'y en a pas. Je pense dans tous les cas que même s'il y en a, que les femmes souffrent d'une sous-exposition.

Je ne pense pas que les hommes aient pris possession du marché mais plutôt qu'ils ont été là avant donc ils ont pris la place et bénéficient de la visibilité. Pour faire un parallèle avec le football, c'est pareil, beaucoup de com a été faite pour faire connaître les joueuses notamment lors de la coupe du monde féminine, donc c'est faisable, mais dans la tête des gens c'est les hommes qui ont la plus grosse surface de communication, qui sont mis en avant avec aussi les meilleurs salaires. À l'heure actuelle, ils essaient de combler un fossé, un retard mais on part de tellement loin que même s'il y a une performance et que c'est agréable à regarder, c'est difficile de rattraper l'avance que peuvent avoir les hommes. Je ne suis pas devin, je ne sais pas si on pourra combler ce fossé mais l'avance dans le football est telle que je ne sais pas si ça pourra se faire.

Et pour l'esport, même si c'est un jeune marché ça a démarré avec les mecs et maintenant on essaie de mettre les femmes en avant mais je trouve que ce n'est pas encore assez fait comme

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ça a pu être fait pour le foot, je trouve que les femmes dans l'esport manquent de visibilité. Et je vais encore revenir sur Kayane, hormis elle je ne vois pas grand-chose qui soit fait.

6- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

En tout cas, il n'y a rien qui justifie qu'il ne le soit pas. Autant au niveau du sport il y a une question de physionomie, un homme est souvent plus fort, plus puissant qu'une femme. Autant au niveau de l'esport et du jeu vidéo il y a un rapport beaucoup plus égalitaire, si demain on fait un match sur Street Fighter, rien ne justifie que je parte avec un avantage. Le rapport est beaucoup juste et égalitaire donc il n'y a rien qui pourrait justifier un écart de résultats.

7- Que pensez-vous des ligues féminines ?

Que ce n'est pas la bonne approche. Je comprends que par exemple au rugby on ne va pas faire jouer des hommes et des femmes ensemble mais pour les jeux vidéo rien ne justifie de séparer les deux donc forcément on va se retrouver avec une sous-exposition pour les femmes puisque les hommes ayant de l'avance, ayant déjà une communauté, étant déjà installés dans les ligues et les compétitions, au final les femmes démarrent avec ce fameux retard.

Pour moi il faudrait brasser tout le monde dans les jeux vidéo, je ne vois pas l'intérêt de faire une ligue féminine. La seule argumentation que je vois, c'est qu'ils ne veulent aucune différence entre sport et esport, que ce soit jugé comme performance à part entière et donc là on se calque sur le sport où on juge séparément. Mais je trouve que les jeux vidéo ça aurait été un bon moment, une bonne approche pour avoir de réelles ligues mixtes.

S'il y a une différence entre les hommes et les femmes c'est au niveau ergonomique, au niveau des réflexes, dans le traitement de l'information, dans notre cerveau plus que dans le physique. Par exemple si on prend le monde du rallye, c'est un milieu très masculin et quand on leur pose la question pour eux directement « les hommes sont de bien meilleurs pilotes que les femmes », bien entendu pas au niveau de la conduite de tous les jours mais au niveau professionnel et compétitif. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose au niveau du cerveau qui change les réflexes et qui serait donc pareil dans les jeux ? Je ne sais pas.

Moi tout ce que je peux donner c'est mon expérience de joueur qui a été grossie et déformée et énormément caricaturée dans la série Noob, je vais surtout parler des MMORPG car c'est les

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jeux les plus collaboratifs que j'ai pu faire dans ma vie, il est vrai que dans ces jeux, des joueuses féminines performantes j'en ai croisé, elles existent mais j'en ai croisé peu. Dans une guilde il y a toujours eu des femmes, mais elles faisaient rarement la différence, c'était des personnes qu'on mettait au soin mais j'ai rarement croisé un gros tank ou DPS et surtout j'ai rarement croisé une femme qui faisait du lead, en expliquant la stratégie etc, en prenant la parole au milieu de 25 personnes. Est-ce que c'est leur profil, est ce qu'elles en ont envie je ne sais pas mais ce n'est pas la majorité que j'ai rencontré.

De mon expérience, les femmes sont chaleureusement accueillies. Dans WoW, on a toujours apprécié avoir de la présence féminine, parce qu'un raid avec que des mecs c'est lourd et pesant au niveau de l'ambiance, de l'humour, là je ne peux pas défendre mes collègues. Venir adoucir tout cela avec une ambiance féminine, avec un humour différent, une voix plus douce, qui va avoir une autre approche du jeu, c'est agréable. Il y a beaucoup moins cette ambiance tryhard, c'est plus quelqu'un qui vient pour passer un bon moment et même si parfois les femmes ne sont pas au niveau, c'est des personnes qu'on a plaisir à avoir avec nous et qui sont très bien accueillies. Et ce n'est pas le cas des mecs, un mec qui est nul, on ne le prend pas, les femmes bénéficient d'une amnistie dont ne bénéficient pas les hommes. Si le mec est mauvais il se fait virer même si c'est une personne sympa.

Et puis surtout passé un certain niveau le skill fait foi : quelqu'un qui fait une démonstration de talent et de compétences, derrière tu le suis, tu es ok. Sur WoW récemment j'ai suivi Cruella DK, elle est première au kikimeter, elle parle tu écoutes : elle est toute jeune mais quand elle pose les mains sur le clavier, tu écoutes une joueuse. Je pense que si la personne vient et qu'elle fait une démonstration de force, tu regardes même plus si c'est une femme.

8- Des associations comme WIG ?

Je vais prendre ma casquette de studio jeu vidéo, au niveau des femmes dans ce métier-là, récemment on a triplé la taille du studio avec beaucoup de recrutements surtout sur le développement mais sur une cinquantaine de CV j'ai dû trouver 2 femmes. Les mettre en avant grâce aux associations c'est cool, mais est ce qu'elles sont vraiment sur le marché ? Ça n'a jamais été un critère bloquant pour nous et au contraire comme ce que je disais juste avant, une ambiance qu'avec des hommes c'est très pesant, donc on aimerait un peu de diversité mais c'est juste qu'on a pas eu de profil sous les yeux. Alors qu'on m'a souvent recommandé des talents

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féminins incroyables en graph et direction artistique. Est-ce qu'il n'y a pas une appétence, une accoutumance des hommes et des femmes pour certains milieux ? Je suis pour les mettre en avant et les encourager mais encore une fois faut-il que le profil soit là.

Est-ce qu'on peut y voir une corrélation avec les jeux pour filles ou garçons dès le plus jeune âge ? Ça a clairement été une réalité, il y a encore des résidus mais ça se fait beaucoup dénoncer, beaucoup bâcher et je pense qu'aujourd'hui les nouveaux profils de gameuses je ne les pense pas du tout dans ce mood. Je pense que les femmes ont changé et on va quitter ce moule qu'on a créé sans qu'on le demande

Malgré tout, je pense qu'il y a quand même certaines prédispositions. Moi par exemple, je n'aurai pas pu faire des études scientifiques parce qu'il y a certains cerveaux différents des autres avec des facilités pour certains domaines. Les signaux que m'envoient le monde du travail avec des personnes qui viennent juste de sortir de l'école, je ne pense pas qu'ils soient prisonniers des codes de la société. Je pense qu'on se base surtout sur la prédisposition et non plus sur le sexe de la personne, mais il n'y a pas non plus de vérité absolue, c'est au profil de chacun.

9- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Je vais me baser un peu sur ce que j'entends autour de moi et les performances fournies par les streameuses. Je ne vois plus trop de différences entre les deux. Par mon vécu, le mec va tryharder plus, va privilégier la performance au dépens du plaisir sur le jeu, c'est pour ça que des jeux comme Dark Souls fonctionnent très bien mais il y a de plus en plus de streameuses qui me font mentir, qui arrivent en live et vont s'acharner pendant plusieurs heures sur un boss. Pour certaines, l'objectif est d'intégrer la meilleure guilde du monde, bref je pense que l'approche est un peu en train de s'uniformiser. Je pense qu'on est moins enfermés dans des niches. Sur tous les jeux, on trouve des femmes sur FIFA, des hommes sur Animal Crossing. Je vais avoir du mal à comparer parce qu'à l'époque où je jouais beaucoup, il y avait quand même beaucoup moins de joueuses, à mon époque c'était bien plus du 80/90% d'hommes alors que maintenant la proportion de femmes a beaucoup augmenté. Et avant effectivement on avait beaucoup de parents qui achetaient des jeux de filles ou de garçons spécialement alors que maintenant c'est la même chose pour tout le monde de plus en plus.

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Des jeux pour femmes je manque un peu d'exemples mais des jeux pour hommes il y a toute une industrie notamment en Asie qui est avant tout à vocation masturbatoire, quand on regarde sur Steam il y a plein de jeux dérivés hentai, animation japonaise mais ça vient répondre à d'autres besoins que l'Entertainment. Etant donné que le marché s'est beaucoup uniformisé, les éditeurs pensent tout autant aux femmes qu'aux hommes dans les jeux.

Discussion autour du jeu Rape Day

Je peux concevoir d'aimer regarder une femme quand on joue parce que c'est plus agréable, plus sexy. Personnellement je n'ai jamais compris, quand je joue je suis là pour la belle histoire, pour me défouler, pour penser à autre chose. Le côté racoleur, aguicheur pour moi, c'est un autre plaisir qui doit être à un autre moment. Je ne vois pas comment on peut faire converger les deux. Je n'ai jamais compris des jeux comme Bayonetta, pourquoi elle doit être nue, dans Nier Automata, pourquoi on doit regarder sous sa jupe, Dead or Alive on a un bon jeu de baston en 3D alors pourquoi les meufs sont à poil. Ça n'a rien à faire au même moment que le plaisir qu'on a au moment de jouer. Et là avec ce jeu on atteint le summum, ici on flirte avec le sordide, l'indécence. Quand on y pense, tuer quelqu'un dans un jeu aussi c'est puni par la loi et c'est quelque chose de mal mais par les temps qui courent on est plus dans la provocation, le créateur savait que son jeu allait se prendre un stop. Pour ce qui est du viol, même sur les sites pornographiques c'est une catégorie qui a été retirée, on a plus le droit de faire cette recherche, c'est quand même une avancée. Si c'est pour que derrière quelqu'un vienne sortir un jeu comme cela, à un moment c'est avancer à reculons, c'est une catastrophe.

J'ai des amis qui autour de moi, par exemple sur WoW, apprécient jouer une elfe, avec des fesses qui se dandinent quand tu regardes le personnage et qui trouvent ça agréable.

Je n'ai jamais compris pourquoi aller jouer une femme alors que sur les personnages masculins il y a de superbes armures, du beau stuff, des stats incroyables. Moi j'étais obsédé par le skin, par le stuff, j'étais un joueur très superficiel. J'allais dans les jeux pour être fort, pour être classe et pas pour regarder un cul et des seins.

Je fais partie de ces hommes qui pendant très longtemps ont eu du mal à s'identifier à un personnage féminin dans un jeu vidéo. Quand je jouais à Final Fantasy je virais toujours la fille de l'équipe. Je trouvais les avatars masculins beaucoup plus classes et que je n'arrivais pas à

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me projeter. Sur les MMO tu mets toujours un peu de toi dans les personnages et je pense que c'est pour cela que j'ai toujours eu des réticences sur les avatars féminins.

Ce n'est pas une question que c'est une femme mais que ça ne répondait pas à mes besoins. Et un jour tu trouves chaussure à ton pied : tu trouves Erza Scarlett dans Fairy Tail, Uma Thurman dans Kill Bill etc. Plus jeune, je pense qu'il y avait en effet un rapport à la maturité mais j'avais plus de mal à m'identifier à un personnage féminin, est ce que c'est parce que c'est moins classe je ne sais pas mais je pense que c'est avant tout parce que ça ne me ressemblait pas.

10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Le harcèlement, c'est vraiment un sujet délicat et sur lequel je suis mal à l'aise de répondre parce que je le constate. Kayane en parle beaucoup sur les réseaux, c'est quelque chose qui me fait froid dans le dos et que je ne souhaite à personne et je ne me sens pas vraiment légitime d'en parler.

Mais par exemple, le 8 mars avec la journée de la femme, ils ont fait parler des hommes, moi ce que j'ai entendu c'est « on est avec vous, nous les hommes on est avec vous dans cette lutte » et je trouvais ça très cohérent. Ça a été mal reçu par les femmes, car pour beaucoup, les hommes ne sont pas légitimes à parler pendant cette journée, c'est les femmes qui sont victimes donc c'est à elles de parler. Moi je suis d'autant plus mal à l'aise de parler de harcèlement en étant un homme et en ne l'ayant jamais subi.

Alors bien évidemment il y a plusieurs types de harcèlement. Sardoche se fait régulièrement harcelé, il y a un Discord qui a monté pour le détruire pendant ses streams mais il se fait harceler non pas parce qu'il est un homme mais parce qu'il est clivant, parce qu'il suscite ce genre de réaction, parce que c'est la cible facile pour beaucoup. Mais cela n'a rien à voir avec son sexe mais parce que son attitude appelle un peu à ce genre de pratique. Il y a des femmes qui se font harceler parce qu'elles sont des femmes. Elles ne font rien de spécial mais se font harceler pour leur sexe, certaines femmes ne font rien, elles n'ont pas de propos clivant mais juste elles se font harceler parce qu'elles sont des femmes. Oui il y a différents types de harcèlement mais il n'y a pas de harcèlement pour un homme parce que c'est un homme. Mais pour une femme oui on le voit. Il n'y a jamais 500 femmes qui débarquent sur le stream d'un homme pour lui dire

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« tu es un homme, on te déteste, à bas le patriarcat etc », alors que pour une femme cela peut arriver.

Il y a d'autres formes par rapport à l'orientation sexuelle, par rapport à la religion, donc oui il y a beaucoup de harcèlement malheureusement mais par rapport au sexe cela concerne surtout les femmes.

11- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa
faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Il faut rappeler qu'un jeu vidéo c'est du gameplay. On est à une époque où les gens exigent d'avoir un beau jeu, un beau lore, les gens veulent une série interactive parfois au dépend du gameplay. Donc les jeux vidéo maintenant sont très bien écrits, par exemple si on prend Elden Ring ils ont bénéficié de la patte de l'auteur de GoT.

Avant, dans les jeux vidéo, hormis quelques exceptions de type RPG, tu commençais le jeu avec un méchant monsieur qui voulait détruire le monde, et au passage il te prenait ta princesse et tu devais traverser le monde pour sauver la princesse. Mais ce n'est pas quelque chose de sexiste ou patriarcal qu'on a voulu nous mettre dans la tête, c'est parce qu'ils ne s'embêtaient pas avec un lore mais juste avec un gameplay simple. Dans Castlevania il y avait un méchant il fallait aller le tuer. Maintenant il y a 36 lores, des éditions spéciales etc. Avant c'était plus simple, c'était sur le gameplay pur, les objets, le stuff, les stats et du coup oui on arrivait sur la simplicité de « je dois sauver la princesse » alors que maintenant toute la complexité est autour de l'histoire. Je pense que ça ne va pas plus loin que ça et je ne pense pas que ça ait eu un impact sur les femmes maintenant.

12- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Alors il y a une vidéo de Joueur du Grenier où il parle de ça. Ça a existé et ça a été utilisé mais c'est plus dans les années 90 et années 2000 mais parce qu'on identifiait tellement que le joueur était un petit garçon ou un jeune adulte au moment où les hormones ressortent, donc que ça pouvait être un plus de donner un côté sexy aux jeux vidéo.

Ça a été utilisé mais honnêtement maintenant, je trouve que c'est beaucoup moins mis en avant.

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Dans Nier Automata, dans le jeu ça laisse un peu la porte ouverte à certaines perversions mais c'est propre à chacun, on ne te dit pas « Mettez la caméra sous tel angle pour aller voir sa culotte » mais on te met en avant l'univers, les builds, les armures et on en oublie presque que c'est une femme

13- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Pour moi, c'est obligatoire, il faut travailler ensemble, il faut qu'il y ait des hommes qui s'érigent comme des gardes fous, il faut qu'il y ait des hommes quand ils voient une attitude déplacée vis-à-vis des femmes, au lieu de rire grassement et bêtement il faut intervenir et rappeler que la jeune femme est indisposée et que ça ne se fait pas. Je n'ai pas compris le rejet sur la campagne du 8 mars. Parce que l'argument de dire « le problème c'est les hommes » oui mais pas tous les hommes. Je suis catastrophé par l'attitude des hommes aussi bien dans le monde du jeu que dans n'importe lequel par exemple le monde de l'entreprise.

À ma génération donc les 30-40 ans, ça va encore parce qu'on a vécu avec toutes les campagnes de sensibilisation et de libération de la parole mais à l'époque de mes parents c'est n'importe quoi, les dérives sont incroyables. Je pense que ça va se minimiser mais en même temps on part de loin étant donné qu'il n'y avait rien avant. Maintenant les hommes commencent un peu à transpirer, ils ne sont plus intouchables. Ma génération est plus libre, on se fait moins juger qu'avant, on est moins soumis à la frustration. Les gens avant étaient plus frustrés alors que maintenant on a plus de possibilités grâce au porno, par rapport au fait qu'on est moins jugés qu'avant.

On a connu les témoignages, quand on entend les femmes en parler, parler de leurs souffrances, ça fait froid dans le dos. Par culture et par génération ça va s'atténuer mais penser que les femmes vont mener une croisade seule contre les hommes, je pense que c'est ambitieux. Ceux qui tendent la main sincèrement il ne faut pas les refuser, certains sont vraiment là pour aider. Il y aura toujours des opportunistes qui feront cela de manière intéressée mais il ne faut pas refuser de l'aide sous prétexte que c'est un homme.

14- Un mot de la fin ?

Contrairement à ce qu'on voit dans la série Noob je prends beaucoup plus de plaisir à jouer avec

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les femmes dans les jeux vidéo parce qu'il y a une évolution incroyable, qu'on a la même passion alors pourquoi mettre quelque chose entre nous ?

Je connais beaucoup de belles rencontres faites dans les jeux vidéo, de personnes qui sont devenues amis, qui ont fini en couple, qui se sont mariés, ça peut être un bon terrain de jeu, ça serait dommage de se le fermer.

Annexe 2 - Retranscription entretien Louis Di Battista - Zinogra (Président de GameHer)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Louis Di Battista, et Zinogra de par mon pseudo dans le monde du jeu. Je suis un joueur très casual, je joue à beaucoup de choses mais surtout à League of Legends et plus récemment à Lost Ark et encore plus récemment, je viens de terminer Elden Ring. J'ai à la fois honte et j'en suis très fier mais voilà quel type de joueur je suis.

Je suis aussi le président de GH, association loi 1901 qui est une association de passionnés qui promeut les femmes et toute forme de diversité dans le jeu vidéo, l'esport, le digital de manière générale.

On a tous eu une expérience face à une forme de toxicité et de harcèlement dans le jeu, donc on fait surtout de la sensibilisation sur ce sujet avec des articles de blog, des tables rondes, des ateliers de discussions et parfois quelques évènements.

On a été créé en 2017 et là jusqu'en fin 2021 on avait une mini structure esport avec des équipes mixtes et féminines sur League of Legends et Hearthstone. On a arrêté pour se recentrer plus autour de l'évènementiel et l'éducation parce qu'on avait plus les moyens pour encadrer tout cela. Depuis la création on a toujours parlé a des gens de notre âge et là on a voulu s'orienter vers un public plus jeune, des collégiens/ lycéens et à leurs parents pour les orienter sur toutes ces questions.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui, je pense sincèrement que c'est un marché très sexualisant et sexualisé. On a le fameux exemple de la Gameboy, le « boy » induisait que c'est une console pour les garçons donc qu'il faut être d'un certain sexe pour utiliser la console. C'est là que je dis que le marché est sexualisé car on a un produit qui est à destination d'un certain sexe. On va avoir des choses dans des jeux

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qui sont bien évidemment à destination d'un certain public homme ou femme mais si on prend l'exemple de Lost Ark, oui c'est un jeu coréen donc il y a une différente approche des personnages féminins, mais quand je joue une fusilière j'aimerais bien qu'elle ait plus de vêtements.

Outre les studios de créations et éditeurs, une grande partie de la communauté s'en donne à coeur joie de cette sexualisation des personnages féminins dans les jeux et c'est justement pour ça que les studios continuent.

Des exemples on peut en trouver plein, par exemple les personnages féminins dans League of Legends comme Miss Fortune, ce n'est pas possible d'avoir ce genre de hanches et de courbes. Je ne suis pas expert en ossature humaine et là on est certes dans une fiction mais c'est quand même abusé. Dans Lost Ark c'est pareil, la seule chose qui semble exister c'est des enfants, des hommes maigres, des femmes avec des courbes et des formes beaucoup trop généreuses et des bodybuilders. On sait clairement qu'il y a client et c'est pour cela que ça continue d'exister.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Je ne saurai pas vraiment dire. Pour faire un rapprochement, je vais partir sur les pubs pour tout ce qui est l'équipement d'esport. Tout ce qui va être Logitech, Corsair, les boissons énergisantes, tout est à base de « bois cela ou prends telle souris pour devenir le meilleur ». On est sur le délire de la performance qui est souvent au coeur de l'esprit des hommes. C'est assez particulier comment l'esport se vend actuellement. C'est un domaine qui ne rapporte pas beaucoup d'argent donc il faut faire de la communication qui parle au plus gros et à l'heure actuelle puisqu'on en voit, c'est les hommes. Si on reprend l'exemple des équipementiers, ça fonctionne beaucoup aux USA, par exemple avec les egirl, ici c'est très péjoratif, aux États-Unis c'est juste des femmes qui consomment de la culture geek de manière générale aussi bien des animés que des séries que des jeux etc. Tout ce qui est du merch rose, des oreilles de chats c'est mis en vente sans problèmes, en France ça va se vendre aussi mais le terme en lui-même est vu comme quelque chose de très péjoratif.

Cela se voit aussi au niveau de la scène esportive française envers les femmes. Quand tu arrives en LAN, qui supposée être mixte et quand on voit un joueur mettre une main aux fesses d'une femme et qui part en se croyant intouchable ça dégoute. De la même manière, quand on est sur

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le chat Twitch de OTP, et qu'une femme apparait à l'écran, le chat devient un zoo.

Je ne sais pas si c'est le marché qui est sexualisé parce qu'il y a aussi une sous-représentation des femmes. Là, ça avance un peu mieux, on voit l'équipe féminine de Cloud9 sur Valorant qui a fait de superbes performances, mais en fait j'ai l'impression qu'il faut que des femmes fassent des performances incroyables pour que ça devienne intéressant. Mais comme elles sont trop peu nombreuses car pas assez bien encadré car les gens n'y croient pas eh bien c'est encore trop rare.

4- Donc pour vous c'est un manque d'exposition ?

Il y a plein de raisons. Déjà je ne pense pas que ce soit un manque d'intérêt. Il y a une association France esport qui est une association ayant fait plein d'études sur comment faire un environnement esportif sain avec une réelle législation derrière. Chaque année, ils font un baromètre chaque année des joueurs de jeux vidéo en France. C'est là qu'on découvre chaque année un 50% de femmes qui sont des joueuses, mais où sont-elles ? Déjà on voit que la proportion de joueurs casuals et de femmes professionnelles ou dans le monde compétitif ne sont pas aussi nombreuses. On descend à un 30/70 voir beaucoup moins. Elles sont toujours là mais on n'en entend pas toujours parler.

Il y a un facteur très fort selon moi et surtout le plus compliqué qui est Internet et c'est ce qui fait que pour moi les femmes se cachent un peu plus. Grâce à Internet, il y a l'anonymat qui permet à plein de gens et souvent des hommes de se permettre des comportements pas ouf. Les femmes se sont toujours faites discriminées et rabaissées.

Si on cherche un peu sur Internet, à la création il y a eu des règles. L'une d'entre elles c'était que les femmes n'existent pas, que Internet est réservé aux hommes. « The Rules of Internet », c'est un peu l'ancien JVC [ jeuxvideo.com] 18-25, donc un rassemblement de bêtises machistes. Du coup dès le début, le marché technologique et des jeux vidéo était un marché d'hommes et les femmes étaient mises à l'écart de ce monde-là.

Donc le seul moment où on voyait les femmes sur Internet, c'était par le porno. Je ne sais pas pourquoi mais les hommes se comportent souvent très mal envers les femmes et envers tout genre de minorités. Je pense que cette toxicité générale qui existe est un frein au développement des personnes en minorité dans l'esport parce que si tu es une femme c'est à cause de toi que

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l'équipe va perdre.

Ça m'est déjà arrivé qu'avec GH, l'équipe de GH joue et des gars arrivent dans le chat pour critiquer la performance. Et dès que l'équipe perd, c'est à cause des femmes que l'équipe a perdu. Et là moi ça me pose un gros problème. Parce que je réponds quoi aux gars qui viennent insulter toute l'équipe dans le chat ? Il y a une sorte de mentalité globale qui est très misogyne et toxique sur les différentes communautés esport. Je n'ai pas envie de jeter la pierre mais par exemple League of Legends est la plus sulfureuse parce qu'aussi l'une des plus nombreuses. Lorsqu'on va amener ce genre de sujet, on va affronter le même combat que le féminisme aujourd'hui. Soit on tombe sur un homme qui va écouter activement soit quelqu'un qui va en avoir rien à faire ou qui va écouter mais retomber dans les clichés.

Et le problème c'est qu'on avance mais très lentement parce que même avec des mouvements comme le Gamergate, ça a fait beaucoup de bien sur le moment mais en fait on se retrouve toutes ces années après et quasiment rien n'a changé.

5- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Oui c'est un milieu égalitaire parce qu'on est tous égaux dedans, sauf pour des raisons de handicap comme par exemple si on est atteint de cécité c'est plus compliqué de jouer. Aujourd'hui de plus en plus de jeux trouvent des solutions pour se rendre accessible malgré les handicaps. Pour se recentrer sur les femmes, on est censés être tous égaux.

L'esport a été reconnu comme étant un réel sport. Ce n'est pas un sport dit physique donc il n'y a pas de différences physique entre les hommes et les femmes donc techniquement la consommation et la pratique en compétition est censée être mixte. La grosse dérivation culturelle et sociétale fait qu'on ne trouve pratiquement aucune femme. Oui c'est accessible pour tout le monde, mais ça fait des années que tout le monde dit que les jeux vidéo c'est quelque chose pour garçon alors que les femmes doivent jouer avec une dinette.

6- Que pensez-vous des ligues féminines ?

J'ai un avis assez partagé parce que j'ai une vision assez particulière des échos que j'ai pu avoir. Chez GameHer, on a toujours voulu faire du mixte, car on ne veut pas créer plus de barrières ou de cases qu'il n'y en a déjà. Ok, la non-mixité permet à des femmes de se retrouver entre elles, sans hommes et donc ça limite la toxicité et c'est bien pour elles. Le côté mixte avait pour objectif de prendre des joueurs sans forcément du haut niveau mais en mettant des profils très

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différents ensemble pour les faire progresser ensemble. On voulait leur offrir un cadre sécurisé et sécuritaire pour qu'ils progressent dans leur souhait esportif. Je le voyais comme un petit incubateur permettant d'ouvrir plus de portes.

Les ligues féminines, c'est génial mais au point que des joueuses me racontent qu'au sein des équipes féminines et notamment sur League of Legends, il existerait une grande hypocrisie. De ce que j'ai compris, les femmes doivent faire leurs preuves 2 à 3 fois plus qu'un homme pour se faire reconnaître compétente dans un domaine, dans les jeux vidéo encore plus et dans l'esport je n'en parle même pas.

Donc les femmes qui jouent, si elles ne se font pas insulter toutes les deux secondes elles doivent constamment se battre, être des warriors. A tel point que lorsqu'elles vont être avec d'autres femmes il ne va pas y avoir de sororité mais plutôt une autre forme de compétition. Donc cela fait place à beaucoup de coups bas pour se battre pour la place existante dans la seule équipe féminine qui recrute. La joueuse que je connaissais avait fait plusieurs équipes féminines et la manière d'agir des autres l'a vraiment dégoutée.

Je suis très heureux que les ligues féminines existent parce que ça prouve que les femmes ont un niveau similaire aux hommes mais pour les voir grandir il faudrait offrir le même cadre, le même budget que celui accordé aux équipes masculines.

7- Des associations comme WIG ?

Oui moi bien évidemment avec GameHer je rêverai de pouvoir faire changer les mentalités, être acteur de sensibilisation pour faire redresser l'image de la femme dans les jeux vidéo. L'école n'y arrive pas, l'État n'y arrive pas, les parents n'y arrivent pas donc c'est pas une association qui va changer quelque chose.

Comment faire changer les mentalités ? Je pense que la plupart des associations et collectifs, jusqu'à maintenant s'exprimaient aux consommateurs de leur âge et actif donc 18-30 mais le problème c'est que les gens qui vont écouter cela, qui vont prêter attention à nos propos c'est souvent des gens déjà sensibles à ces questions. Donc, au début, c'est intéressant parce qu'il va y avoir quelques personnes intéressées mais sur le long terme ça va stagner. Sur l'année 2021 on l'a vu avec GameHer c'est un peu mort dans le sens où ça n'avance pas. Alors c'est très

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intéressant parce qu'on a tous un peu nos spécialités par exemple nous avec GH on voulait faire un incubateur, WIG font des stages, des formations, ils ont un incubateur, il y a aussi Afrogameuses qui sont là depuis 2 ans et Handigameur qui va soutenir les joueurs atteints de handicap. Bref, il y a énormément de collectifs pour toutes les minorités, c'est très intéressant d'échanger avec eux mais en réalité on sait qu'on ne fera pas avancer la chose.

C'est pour ça qu'avec GameHer on a décidé d'arrêter de ne s'adresser qu'aux gens de notre âge. Ce qu'on a envie de faire, c'est de s'adresser à un public plus jeune, donc des collégiens et lycéens qui vont consommer du contenu sur Twitch ou sur YouTube et qui ont envie de se lancer dedans. Il faut passer la première barrière des parents donc on veut les rassurer et les accompagner dans ces démarches.

Ça nous est venu parce qu'on a eu des membres de GameHer très jeune dont les parents venaient les accompagner en LAN et même sans connaître le milieu, ils venaient pour soutenir et pour connaître davantage. Donc on est là pour les accompagner, leur expliquer comment fonctionne l'association et ça finit par mettre les gens en confiance vis-à-vis de notre action.

Personnellement, je suis animateur en centre de loisirs et c'est quelque chose que j'ai pu voir chez les enfants. C'est-à-dire que les enfants eux sont très purs il n'y a pas de barrières, pas de sexisme ou de racisme ou alors cela vient d'une influence extérieure. Par exemple, il a fallu qu'une petite fille montre ses compétences au foot auprès des garçons en jouant avec moi pour montrer qu'elle avait du niveau et qu'elle pouvait jouer avec eux. Et le lendemain, pas de problèmes, ils jouaient tous ensemble.

8- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Peut-être, parce que je ne peux pas parler pour les femmes. Moi j'ai toujours grandi avec les jeux vidéo et j'ai joué à beaucoup de styles de jeux différents venant de tous les horizons. Ça m'a permis de me construire et de grandir et surtout de faire une différence entre le « moi » d'avant et de maintenant.

Quand je retrouve certains jeux d'avant, je me rends compte que certains étaient très sexistes, avec beaucoup de blagues beaufs, complètement inutiles au scénario du jeu. Et en fait, on se

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rend compte que ce n'est pas marrant et que ça n'a rien à faire là. Alors effectivement, il y a toujours des hommes qui vont être attirés par un jeu parce qu'il y a une femme avec de belles formes, avec toujours ce billet de l'homme comme chasseur dominant, qui va chasser des femmes bonnes avec des formes volumineuses, aux traits abusés etc.

Et pour les femmes, c'est plutôt des questions que je me pose. Je me demande au niveau des femmes et des minorités est ce que c'est quelque chose qui gêne les femmes de voir des avatars comme cela qui sont si différents de la réalité, avec un aspect physique complètement abusé. Je sais que beaucoup plus de gens maintenant appellent à plus de diversité dans les jeux par exemple Life is Strange : True Colors a été beaucoup apprécié car il met en avant les luttes LGBT avec le personnage principal qui est lesbienne.

Si je reviens sur le baromètre France esport, on apprend que les femmes jouent plus sur mobile, plus souvent à des jeux tels que les Sims etc mais il ne faut pas oublier que ces jeux sont plus marketés pour les femmes.

Je pense que beaucoup des hommes vont prendre les gens en suivant l'éducation qu'ils ont eue. Les hommes c'est la guerre, la force, les combats épiques puis les femmes aux formes avantageuses en grandissant, et pour les femmes c'est le marketing genré donc avec le jeu Sims, la maison de poupée etc.

Si on étudie le jeu Rape Day, le problème c'est que l'éditeur a à moitié raison sur sa semi étude de marché. Parce que le problème c'est que ce genre de jeu a été créé parce qu'il aurait trouvé client, parce que certains hommes auraient aimé violer des femmes. Ils ont réfléchi à la chose en se disant « oui certains hommes auraient consommé ce produit ».

Alors qu'est-ce que je pense des propos de l'éditeur ? Que c'est déguelasse et absolument pas éthique mais le vrai problème c'est que là on parle de Rape Day, mais il suffit de voir le nombre de jeux à caractère hentai sur Steam avec souvent comme but du jeu de déshabiller une fille. Pareil pour le jeu Postale qui est un jeu type GTA, à la première personne mais le problème c'est qu'il est trash. On peut empaler des chiens, uriner sur les gens et évidemment l'image de la femme dans le jeu n'est absolument pas une image de bienveillance voir tout le contraire. Et ce genre de jeux on en trouve plein comme Duke Nukem. Cela fait beaucoup rigoler les gens dans les années 1990 mais heureusement on ne sort plus ce genre de jeux aujourd'hui, ça serait vraiment se tirer une balle. On n'a pas besoin de ce genre d'humour en ce moment.

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Le vrai problème de ce jeu c'est que certes il a été ban et pas vraiment publié mais il y aurait eu des clients et des gens qui aiment cela et donc d'autres personnes pourraient sortir le même style de jeu.

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Surement parce que le jeu vidéo étant un média très accessible aujourd'hui sans limitation d'âge par exemple, j'ai déjà été témoin de la chose. À savoir que pour un gamin de 14 ans, insulter une femme de « pute » est vu comme normal, c'est drôle et c'est une référence à GTA. Est-ce qu'on peut tenir les éditeurs responsables, non, pas vraiment, puisque le jeu est PEGI 18. Est-ce qu'on peut tenir les parents responsables, je ne sais pas parce qu'au final on peut avoir plusieurs sollicitations extérieures.

Donc oui, j'ai l'impression que les jeux qui banalisent la violence envers les femmes finissent par banaliser la violence envers les femmes dans la vraie vie. Je ne dis pas que les jeux vidéo rendent violent mais que ça peut l'engendrer comme avec Rape Day qui rentre dans l'exemple de la culture du viol. On a cette image que la femme est inférieure à l'homme, que si l'homme est fort et musclé toutes les femmes vont tomber à ses pieds. On rentre dans tous ces clichés très sexistes et machistes et dans cette corrélation un peu bizarre que si tu n'es pas Kratos ou Nathan Drake tu n'auras pas de femmes. Et je donne l'exemple de Kratos [personnage du jeu God of War] parce que dans le premier opus il apparaît dans un lit avec 5 femmes autour de lui, nues. Cela rejoint le discours de dire « il faut interdire les jeux vidéo et mangas parce que ça corrompt la jeunesse », non le problème ce n'est pas le jeu, c'est l'image qui en ressort et qui est donnée dedans.

Quand je pense à des histoires de harcèlement, celle qui ressort souvent c'est celle de Kayane. Quand elle a raconté son début de compétition, c'est en suivant son frère, mais quand elle voulait jouer on lui disait « Non tu es une femme ». Et une fois qu'elle s'est mise à jouer en explosant tout le monde, il y avait une minorité qui était impressionnée et une autre partie d'hommes blessés dans leur égo et menacés leur masculinité qui étaient du coup purement hostiles parce qu'une fille jouant à haut niveau a forcément triché.

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Il y a eu une femme, une joueuse pro sur Overwatch qui était extrêmement douée et comme tout le monde criait à la triche elle a été obligée de filmer ses mains, sa tête avec tout son setup installé par Blizzard pour prouver qu'elle ne trichait pas. Et tout ça parce qu'elle est une femme. De la même façon la championne du monde de Hearthstone a été accusée de triche car son copain est un joueur de haut niveau aussi, donc tout le monde l'accusait d'avoir fait jouer son copain à sa place pour les compétitions en ligne. Donc apparemment dans le monde de l'esport, une femme est incapable d'être douée sans l'aide d'un homme.

Est-ce qu'il y a une corrélation, sans doute, parce que les hommes se sont trop approprié ce monde-là et dès qu'ils se font dépasser ils se sentent blessés donc ils ont besoin de réprimer l'adversaire.

10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa
faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Je pense que oui totalement. Je vais dériver du jeu parce que c'est très général en termes de société. Partout, un homme qui n'est pas du tout déconstruit sur les questions de valeurs féminines actuelles, il va voir la femme comme la mère de famille à protéger, c'est la petite princesse, on doit être à son service, il faut être un peu sombre, musclé pour qu'une femme tombe à nos pieds, si elle dit non ça voulait dire oui etc. On retrouve ces clichés partout, dans les livres, les films, les jeux, la musique.

On en revient au fait que dès que les hommes se font contredire par une femme qui a potentiellement raison ils vont être blessés dans leur orgueil et leur ego donc ils ne savent pas quoi faire hormis être violents et peu intelligents. Évidemment que j'ai des choses à me reprocher et que le discours que j'ai là aujourd'hui j'ai mis du temps à l'avoir et je n'ai pas toujours été comme cela. J'ai eu la chance d'avoir un entourage militant qui m'a permis de beaucoup apprendre.

Chaque fois qu'il y a une femme en détresse il y a un homme qui doit venir la sauver. Il y a toujours cette image-là de l'homme très fort et la femme faible, avec tous les jeux de chevaliers, les Mario etc... Sauf peut-être les Dark Souls.

Le premier exemple de women power dans le jeux vidéo, le premier exemple qui me vient en tête c'est avec Tomb Raider même si elle est terriblement sexualisée. Sinon il faut attendre le jeu Princesse Peach, où le personnage principal est une femme et c'est à elle d'aller sauver

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Mario. Mais le problème c'est que ses seules compétences tournent autour de ses émotions. Il faut attendre longtemps pour quitter l'image de la femme fragile, sensible, à protéger.

11- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Je pense qu'il va y avoir les deux. Par exemple les jeux mobiles comme Heroes Wars on est bombardés de pub sur YouTube avec des pubs horribles où le chevalier part à la guerre, sa femme le trompe (chose qui peut arriver sans la vraie vie) donc il la tue pour se venger et il est glorifié. C'est un jeu mobile d'aventure qui n'a aucun rapport avec cette pub alors pourquoi faire cela ? Dans d'autres jeux on a des filles méchas qui combattent des démons dans un monde futuriste. Sauf que pour les skins ils ont ajouté un mouvement sur les seins. C'est stupide, ça sert à rien, ça bouffe de la RAM mais ça attire les hommes donc ça fonctionne.

Si on prend Lost Ark, c'est pareil, mais c'est un jeu coréen à l'origine, donc ils font toujours des jeux très sexualisés. Et il faut savoir que la version européenne que nous avons n'est pas là même qu'en Corée. Là-bas les personnages féminins sont encore plus dénudés. J'ai découvert aussi des gens qui font du RP sur des serveurs privés de certains MMO où tout le monde est à poil. Mais au moins ils font cela entre personnes consentantes.

Oui, la sexualisation des personnages féminins est très utilisée. On peut aussi parler de Nier Automata et de son personnage principal. Il y a une énorme légende urbaine sur les gigabytes utilisés pour créer le cul du personnage. Dans Resident Evil 4, on peut utiliser des jumelles pour regarder la culotte du personnage quand elle monte à l'échelle et les développeurs ont en quelque sorte créé un petit gag autour de cela. Ce côté un peu interdit et un peu sexuel, c'est utilisé pour le marketing et partout et les gens sont habitués à ce genre de choses.

12- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Je vais citer la meilleure phrase : « Dans la cause féministe je me considérerai comme un allié ». Je ne suis pas féministe car c'est quelque chose qui est fait par les femmes et pour les femmes, mais je les soutiens de tout mon coeur. Aujourd'hui le féministe prend beaucoup de formes aujourd'hui on inclut aussi la cause LGBT et donc ça devient très vaste.

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Au-delà de ça, je pense sincèrement qu'au niveau des jeux vidéo, les hommes ont beaucoup de choses à apprendre, à déconstruire, il faut qu'on se refasse nos idées. Il faut qu'on passe dans une phase d'écoute active. Les hommes sont acteurs et seront acteurs mais les personnes à mettre en lumière sont les femmes et les minorités parce que c'est ça qui va inspirer. Les femmes seront inspirées par des roles models et les hommes comprendront donc peut être que ce n'est pas grave de se faire détruire par une femme sur un jeu vidéo.

Il y a encore un manque de considération, par exemple Ubisoft qui montre ses héroïnes de jeu pour la journée de la femme mais qui oublie de parler de leur sort tragique dans le jeu. C'est fatiguant parce qu'on est motivé à fond pour faire avancer les choses et on a l'impression de reculer vu certaines mentalités et la lenteur du milieu à évoluer. Dans le milieu associatif français aujourd'hui on a des talents géniaux, si on pouvait les rassembler ça serait génial parce qu'on pourrait vraiment avancer et créer de nouvelles choses.

Parmi toutes les questions, c'est beaucoup de sujets sulfureux, qui donnent un peu envie de se taper la tête. Moi quand je peux m'exprimer face à des hommes cis blanc, c'est difficile de trouver sa place sur des questions de féminisme en tant qu'homme mais la réponse est simple : « laissez les femmes en parler, écoutez-les ».

Il y a encore beaucoup d'avancées à faire, je pense qu'aussi bien les associations, les studios, les éditeurs de jeux, les entreprises, tout le monde a une part de responsabilité dedans. On peut faire du marketing non genré, on peut faire un jeu génial sans mettre des gros seins. On peut faire un jeu génial comme Elden Ring sans dénigrer une femme.

Annexe 3 - Retranscription entretien Lara Lunardi (Freelance Host & Producer) - entretien mené en anglais

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Pouvez-vous parler de votre expérience en tant que Freelance Host & Producer?

Bonjour, je m'appelle Lara. Je fais partie de l'industrie du jeu quasiment depuis que je suis née, puisque mes parents étaient joueurs tous les deux donc je n'ai jamais vraiment lâché ma manette. À l'âge de 17 ans, j'ai décidé de déménager aux États-Unis pour devenir développeur, j'ai eu mon diplôme et j'ai commencé à travailler dans l'Entertainment pour les jeux vidéo.

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Aussi bien la création de contenu que la production, c'est un domaine qui m'a toujours intéressé donc je m'y suis orientée. C'est ce qui m'a envoyé en Europe et maintenant en Allemagne. Je me suis orientée vers le journalisme pour couvrir le plus de sujets possibles sur le jeu vidéo et l'esport. Après ma carrière de journaliste, j'ai décidé de travailler en freelance, c'est comme ça que j'ai commencé à travailler avec SK Gaming et d'autres entreprises. Concernant les jeux, je n'ai jamais été le genre de personne jouant à un seul type de jeux, j'ai toujours touché un peu à tous des RPG, aux jeux de plateforme, d'aventures.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui c'est certain, mais est-ce que ça l'est plus que d'autres marchés, je ne sais pas. C'est comme cela parce que ça a toujours été accepté comme cela par les médias et par la société, parce que les médias ont toujours montré les femmes de cette façon sexualisée.

Dans le jeu, il y a une véritable domination des hommes qui se ressent beaucoup plus dans ce domaine que dans les autres domaines du divertissement et je pense que c'est pour cela que les femmes sont montrées de cette façon-là dans les jeux.

Je dirai en effet que c'est parce que les hommes dominent le marché qu'on a cette corrélation. Quand on regarde un film, cette industrie est présente depuis très longtemps donc les femmes y ont déjà trouvé leur place. Les jeux vidéo et l'esport sont beaucoup plus récents, bien sûr il y a des femmes qui y travaillent mais c'est souvent encore vu comme une discordance.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Non, je ne pense pas tout, du moins pas aux États-Unis et en Europe. Tout du moins au niveau du cast, ils sont assez conservateurs et ont choisi d'être comme cela. Avec l'ensemble des talents qu'il y a autour de moi, je ne pense pas qu'un seul soit montré de cette façon-là. Après du point de vue des fans c'est différent, en effet beaucoup le voient de cette façon-là et le chat des lives devient rapidement un enfer à lire.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Les femmes n'ont pas été l'égal des hommes depuis des décennies dans l'ensemble des autres domaines comme la musique ou le cinéma, alors pourquoi le seraient-elles maintenant ?

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Je pense que regarder le problème en comparant simplement le sport et l'esport et en montrant que les hommes sont plus forts que les femmes mais que les deux ont le même cerveau est un moyen très primitif. C'est quelque chose qui parait évident mais le problème vient avant tout des opportunités et du fait qu'elles ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes.

Dès le début, quand tu joues à un jeu vidéo, quand tu es toujours mise de côté pour le simple fait d'être une femme, on ne te prend pas au sérieux ou on t'empêche de t'exprimer. Tu as plus de probabilité de te faire harceler juste parce que tu es une femme donc même si tu as un bon niveau ça te pousse à t'éloigner du jeu. Cela peut complètement dégoûter quelqu'un de continuer dans une carrière qui se voudrait grandiose mais quand on voit beaucoup de compétitions qui sont bien plus facile d'accès pour les hommes ou de personnes qui pensent encore qu'avoir une femme dans une équipe mixte serait un vrai problème, serait une source de problèmes, c'est là qu'on comprend que ça n'avance pas.

Non bien évidemment que nos cerveaux ne sont pas faits différemment mais c'est un problème d'opportunités qui sont donné aux joueurs et cela affecte une bien plus large population.

5- Que pensez-vous des ligues féminines ?

Je pense que c'est un pas en avant très important, afin de rendre l'écosystème plus égalitaire. Il y a toujours beaucoup de débat pour savoir pourquoi on ferait quelque chose spécialement pour un des deux sexes, ou pour une minorité. Mais c'est là parce que ces minorités ne se sont pas vu donner une opportunité ou une chance de progresser dans des tournois normaux ou des compétitions normales.

Je ne sais pas si tu as entendu parler du projet de SK Gaming « Avarosa ». Oui je pense que c'est important et c'est pour cela que nous avons ce projet chez SK Gaming afin d'amener des femmes sur le devant de la scène et notamment sur League of Legends.

Je pense que les équipes mixtes c'est quelque chose de bien et que c'est le premier pas pour avoir plus de femmes sur la scène compétitive. Je ne pense pas qu'on ait des équipes 100% féminines à très haut niveau, tout du moins sur League of Legends. On voit beaucoup plus cela sur des jeux comme Valorant ou CS GO qui sont des jeux ayant beaucoup plus de femmes dès le début en tant que joueuses et en tant que professionnelles.

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Je ne pense pas que ça soit pertinent d'avoir une équipe full féminine en haut niveau. Pour jouer au même niveau les joueurs doivent avoir les mêmes opportunités pour s'entraîner, pour développer leur niveau, pour donner le meilleur d'eux-mêmes. Et parfois ce n'est pas qu'ils ne veulent pas mais qu'on ne leur donne pas l'opportunité.

On n'est pas juste prêt du jour au lendemain à se lancer en LEC ou en compétition de haut niveau, ça ne fonctionne pas comme cela. On doit se donner les mêmes chances que tous les autres joueurs pour espérer être à leur niveau sinon ce n'est pas logique. Et je pense qu'aujourd'hui les gens ne font pas assez confiance aux femmes pour être au même niveau qu'un homme et pour pouvoir intégrer une équipe professionnelle.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Oui je pense que tous les préjugés ont de l'importance, quand on s'attend à ce qu'on rentre dans un moule pour suivre le chemin tracé il y a forcément des différences qui se créent. Ou alors il faut qu'on s'en éloigne totalement mais ce n'est pas habituel.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Oui, malheureusement, les deux. Que dire de plus que les expériences classiques ? On arrive sur un chat vocal dans Valorant, on met son micro et c'est la fête dans le chat audio « oh mon dieu, une femme ».

J'ai participé à de nombreuses conventions ou tournois aussi bien en tant que joueuse que spectatrice. Je ne reviendrai pas en détail sur ces expériences mais il y a eu bien évidemment de nombreux comportements déplacés. C'est ma vie.

J'ai le sentiment que c'est un peu le cas pour toutes les femmes et surtout pour celles qui ont une image publique. Je ne pense pas que ça soit vraiment spécifique au jeu, mais plutôt que cela concerne un peu toutes les femmes, que ce soit en politique ou en divertissement.

Est-ce qu'on sait pourquoi ? Oui, plus ou moins parce que les gens ne sont pas punis. Il n'y a rien au niveau légal qui les empêchent d'agir comme cela. Ils ne le font pas dans la rue ni en public, certains le font mais sont punis pour cela : ils ne le feraient pas s'ils étaient punis.

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L'anonymat le leur permet.

Pourquoi contre les femmes en particulier... je ne sais pas, j'ai le sentiment que c'est la même chose que si une femme en politique se met en avant, ça a toujours été comme ça, ça a toujours été la norme de penser que les femmes sont une cible. J'ai l'impression que si on savait ça serait tellement plus simple pour justement pallier à cela.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Je pense que oui. Et surtout cela se voit notamment dans la manière dont les femmes sont maintenant représentées dans les jeux par les entreprises.

Elles commencent enfin à comprendre que les femmes sont quasiment une majorité parmi les joueurs donc il vaut mieux respecter cela pour eux. Si on regarde des films, des clips de musique etc, on voit que les femmes sont toujours montrées de cette manière un peu inférieure et dégradante.

Quand on voit une femme faible dans un jeu vidéo, il y a toujours un homme fort et macho derrière elle et j'ai l'impression qu'on revient toujours à cette image de la femme servile ou de la princesse que doit sauver le personnage principal qui est bien évidemment un homme.

Il y a des jeux comme Rape Day qui montrent une image de la femme complètement dégradante. Je pense que l'idée du jeu est nulle et que la réaction du créateur est tout aussi nulle. Il devrait être puni d'une manière, faire face à la loi d'une quelconque façon. Il ne ferait pas cela à quelqu'un dans la rue alors s'il en vient à en faire un jeu il devrait être puni.

Je compare une personne qui vit dans le monde réel, qui connaît les conséquences de ce genre d'actions dans le monde réel et qui a décidé de développer un jeu comme cela. Je ne connais pas grand-chose au monde virtuel donc je ne sais pas si on peut punir de la même façon un acte virtuel et réel mais avec tout le temps qu'on passe dans ce monde virtuel, il peut bien évidemment y avoir de nombreuses répercussions dans le monde réel. Faire cela à un NPC qui n'a pas de conscience c'est une chose mais comment faire la différence au final entre une personne virtuelle et un NPC. Ce genre de choses, de jeux de devrait juste même pas exister.

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9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa
faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Oui, mais il y a tellement de facteurs en plus de cela. Déjà le manque d'opportunités comme déjà évoqué, et puis le harcèlement qui est subi au quotidien, tout cela vient empêcher une réelle présence des femmes dans l'écosystème esportif.

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Si tu m'avais posé la question il y a 10 ans j'aurais dit oui, mais plus maintenant. Il y a un véritable tournant pour faire attention à l'image de la femme dans les jeux, dans le broadcast. Tout du moins les personnes en charge de ces contenus sont plus conscientes de ces enjeux. Par exemple, League of Legends ou Blizzard qui essaient de donner du sens au lore et aux skins de leurs personnages. De la même manière, la première Lara Croft et celle qu'on a aujourd'hui, ce sont deux personnages complètement différents. C'est là qu'on voit vraiment le progrès. Il y a bien évidemment encore des entreprises qui fonctionnent comme cela mais pour les plus grandes entreprises il y a une véritable prise de conscience et un changement.

Si on prend l'exemple de Lost Ark, c'est un jeu développé en Asie et je pense que c'est une discussion complètement différente. Certes, on choisit comment on fait notre personnage mais il y a des choses qui sont déjà programmées. Ils ont toujours eu une vision bien plus sexualisée dans les jeux qu'on peut avoir dans notre culture européenne, aussi bien vu comment ils s'habillent ou se comportent donc ça ne m'étonne pas. Tout ce qui tourne autour des waifu c'est le même genre. Pour moi le changement prendra beaucoup plus de temps et sera différent.

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui et bien plus que les femmes. C'est eux qui ont plus de pouvoir donc si quelque chose doit changer c'est toujours à eux d'agir.

Même si on est là pour appuyer, pour se plaindre, c'est toujours les hommes qui sont au pouvoir et qui sont en mesure de prendre les décisions. La seule chose qu'on puisse vraiment faire de notre côté c'est de continuer à faire du bruit pour se faire entendre sur tous ces sujets. On a fait réagir sur la sexualisation des femmes dans le jeu vidéo, sur le manque de diversité dans les

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équipes d'esport, bref sur un peu tous les pans du jeu.

Tant qu'ils continuent de nous entendre, ça fait de plus en plus de mal aux entreprises de nous ignorer. Quand on voit les poursuites à l'encontre de Riot ou de Blizzard, les entreprises ne peuvent plus faire comme si on existait pas mais c'est tout de même aux hommes qui sont au sommet de vraiment agir pour changer les choses. J'ai tout de même le sentiment qu'on gagne cette bataille peu à peu.

Annexe 4 - Retranscription entretien Mme Dupont

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

J'ai toujours voulu travailler dans le jeu vidéo donc directement après le lycée, j'ai fait un bachelor de game design dans une école bordelaise, puis j'ai entendu parler d'une autre école, j'ai passé un concours pour y rentrer et je me suis orientée en ergonomie. J'ai fait mon master pendant lequel j'ai fait un stage dans un studio où j'ai continué à faire des missions en Freelance par la suite. Et là récemment j'ai intégré Ubisoft à Bordeaux !

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Dans les jeux vidéo, dans le média en lui-même, on ne se cache pas en se disant que oui les femmes sont très sexualisées dans les jeux vidéo, ça a toujours été comme ça parce que les jeux c'est un média qui a été représenté majoritairement par les hommes d'une manière qu'ils pensaient correcte pour eux. C'est comme ça qu'on se retrouve avec des scandales comme dans WoW ou quand tu es guerrier tu as une grosse armure et quand tu es guerrière tu es à moitié nue.

C'est pour ça qu'on avait dans les Mario et dans les Zelda on est un homme qui va sauver une femme des griffes du personnage maléfique. C'est pour ça qu'on a souvent des femmes qui sont des petites personnes en détresse qui ont besoin d'aide. On a Metal Gear Solid avec un personne sourde-muette qui est quasiment nue et se tortille sous la pluie. C'est une vision complètement erronée de la femme qui est donnée.

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On a par exemple Lost Ark qui est un MMO coréen où les femmes ont toutes des seins et des

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fessiers incroyables avec une taille de guêpe et elles marchent comme si elles étaient constipées et tout cela est considéré comme normal. Il y a encore du chemin à faire et beaucoup de progrès, beaucoup ont encore une représentation erronée de la femme, ils ne voient pas que faire des fesses aussi grosses ce n'est pas la réalité.

Aussi au niveau des visages c'est toujours des visages très beaux. Par exemple, dans le nouvel opus d'Horizon Zero Down qui est sorti, le personnage d'Aloy n'est pas considéré comme beau parce qu'elle est différente. Il y a eu un débat sur le fait qu'elle a du duvet sur le visage, comme toutes les femmes en fait. C'est quelque chose de normal mais pour certains hommes c'était juste pas normal pour eux, elle avait « de la barbe ». Non, c'est juste un visage féminin normal qui a des poils sur le corps. Que ce soit en interne au niveau de la production ou juste au niveau des joueurs, il y a encore un blocage.

Pour parler un peu de la production donc dans l'envers du décor, c'est un milieu qui est pas tout rose, qui est très machiste, surtout en sortie d'école. Et le fait que les jeux aient une mauvaise image cela donne une mauvaise image de l'industrie. Mal représenter les femmes dans les jeux c'est mal représenter les femmes tout court.

Dans l'école dans laquelle j'étais qui s'appelle E-artsup à Bordeaux, dans la promotion dans laquelle j'étais on était 2 filles sur 30 élèves, la seconde n'a pas tenu 6 mois parce qu'on a des remarques désobligeantes comme « retourne à la cuisine », des comportements inappropriés comme par exemple se faire prendre dans les bras ou se faire toucher le visage, le corps sans qu'on demande. Et c'est reproduit par des professeurs, pas tous heureusement, mais parce que c'est des professions pas encadrées par l'État et donc beaucoup sont intervenants. Ces personnes-là qui représentent l'autorité dans l'école se permettent des comportements inappropriés envers les filles ce qui veut dire que ça devient approprié pour que les autres élèves le fassent aussi.

Le fait que le monde du jeu soit considéré comme un milieu masculin, les femmes ne sont pas considérées comme de vraies joueuses et elles ne sont pas du tout protégées, les hommes ne se privent pas de faire des choses pas du tout appropriées. Même quand on essaie de réagir, il y a toujours ce système où tout le monde se protège les uns les autres. C'est ce qu'on a vu avec Ubisoft et le scandale qu'il y a eu de #MeToo, les personnes accusées étaient protégées. C'est le mari, c'est le patron donc les plaintes sont étouffées. Et c'est des comportements

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problématiques qu'on a connu dès l'école donc forcément si ce n'est pas modifié dès l'origine, ils reproduisent cela plus tard.

Au final, on se rend vite compte que le monde du jeu vidéo, c'est désillusion sur désillusion. Moi j'ai eu la chance d'être prise à l'Enjmin, qui est une école où il y a eu des comportements problématiques c'est vrai, mais dans cette nouvelle école on a par exemple réussi à avoir la parité parfaite dans beaucoup de classes, donc c'était ouvert à la discussion, on pouvait faire blocus en tant que femmes s'il y avait un problème. La représentation n'est pas à son paroxysme parce que comme le jeu vidéo est un milieu où tout le monde n'est pas représenté, certains s'en privent d'eux même.

Quand il y a de l'inclusion et de la diversité, on peut s'exprimer alors que seule on ne peut pas. On peut être pédagogue, on peut s'énerver et on n'est pas seule face à tout le monde. Cela fait une différence d'avoir du monde en back up pour lancer des processus pour s'éloigner des personnes problématiques. De la même manière, on a fait un jeu où on incarne une petite fille et ça parle de son passage à l'âge adulte. C'est une petite fille qui a deux papas qui sont homosexuels mais ce n'est pas une grosse composante du jeu. Ça n'a pas été remis en question du tout, c'était vu comme de la normalité.

Au niveau des studios, c'est quelque chose de différent, je dirai que ça dépend vraiment des gens et des studios. Moi je suis rentrée dans un studio et c'était vraiment quelque chose de sain, en entretien ils m'ont demandé si je savais ce qu'est la diversité et l'inclusion et c'est là qu'on sent déjà que c'est un bon endroit. Mais j'en connais d'autres où les femmes n'ont pas le droit de participer aux réunions ou alors qui subissent des commentaires désobligeants avec tout le monde qui se tait s'il y a des remarques venant des supérieurs. Même à Ubisoft, à 99% c'est des hommes blancs qui sont des supérieurs, il n'y a quasiment pas de femmes, quasiment pas de personnes de couleurs. Se rendre compte que certains postes sont inaccessibles pour les femmes on voit qu'il y a un véritable plafond de verre et même si ce n'est pas méchant c'est une véritable culture qui est ancrée parce qu'on pense que parce que c'est une femme elle est moins qualifié, moins apte à faire son travail.

3- De la même manière celui de l'esport ?

C'est quelque chose qui me fait très mal parce que mon copain regarde beaucoup d'esport et

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moi je m'énerve à chaque fois parce que je ne vois pas de femmes. Par exemple sur League of Legends il y a une femme qui a rejoint une grande équipe, et ça a fait tout un scandale alors que ça devrait être normal.

Et quand on demande pourquoi il n'y a pas de femmes la réponse c'est « en général elles jouent moins bien ». Les gens ne se rendent pas compte de tout ce qui va à l'encontre des femmes, qui vont les empêcher d'atteindre un bon niveau, d'aller plus loin. Ça va être le fait de se faire rabaisser, les cas de harcèlement ou tout simplement avoir un pseudo féminin et parler avec une voix de fille dans le chat vocal ou écrit c'est compliqué et c'est pour ça qu'on ne voit pas beaucoup de filles en haut des têtes d'affiches de l'esport. Le problème c'est vraiment pas les compétences mais beaucoup plus l'environnement toxique.

Et forcément la sexualisation a un impact, si on prend League of Legends, il n'y a pas un seul personnage féminin réaliste. Quand on regarde les anciens skins des personnages de lol, c'était pour plaire aux fantasmes, très peu habillé etc. La plupart des choses dans le jeu étaient justifiées par le lore mais certains skins avaient juste pour but de plaire aux hommes.

C'est quelque chose qui n'attire pas vraiment les femmes vers les jeux. Et en plus quand on arrive dessus c'est la foire avec ces messieurs qui se transforment en animaux. Je vais prendre en exemple Smash Bros : une joueuse jouait le personnage de Marie de Animal Crossing et a gagné contre un gros joueur, elle a subi un tel harcèlement qu'elle a tout arrêté. C'est normal que les femmes ne puissent pas monter parce que c'est très dur de franchir toutes ces étapes. Pour les joueurs c'est beaucoup plus facile ils n'ont pas ces cas de harcèlement et de messages inappropriés.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Le monde du jeu vidéo n'est pas du tout égalitaire. Il y a beaucoup de gens qui font des efforts en ce moment mais il y a aussi beaucoup de féminisme washing où les gens vont faire semblant de faire des efforts en disant qu'ils font de la diversité et de l'inclusion pour attirer mais ce n'est pas le cas. Mais c'est dommage parce qu'on s'en rend compte assez vite.

Au niveau des associations, j'aime beaucoup WIG mais ce n'est pas une association qui est

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parfaite. Elles essaient de faire des évènements mais c'est régi par des hommes et des femmes. On peut vouloir parler de problèmes féminins sur le discord mais il y a tellement d'hommes que ce n'est pas un safe space. Il y a aussi beaucoup de démarches qui sont faites avec Ubisoft pour recruter plus de femmes mais quand on voit les chiffres où il y a 40 participantes et au final seulement deux qui sont recrutées à la fin... Ubisoft en est fier, ils ont 20% de femmes, c'est bien mais ce n'est pas assez et malgré les efforts ça reste un problème qui gangrène le truc et ou on va avoir des jugements de valeur pas forcément conscients. Pendant les entretiens on va toujours penser que l'homme est plus compétent qu'une femme. C'est systémique et ça arrive très régulièrement même si on ne le veut pas.

Le problème, c'est les opportunités. Les femmes vont devoir se battre plus qu'un homme pour obtenir un stage, une alternance, un boulot. Certes parfois on va recruter avec des compétences égales mais on n'est pas juste là pour recruter des compétences mais aussi pour recruter des personnes. On va les former si besoin, donc on peut très bien recruter une femme même si elle n'est pas assez compétente. On n'a pas forcément besoin de quelqu'un bourré de compétence mais plutôt quelqu'un qui va apporter un plus à l'équipe, qu'elles s'entendent bien avec l'équipe. En ne jugeant que les compétences, ça ferme beaucoup de portes et ça pousse le marché à rester machiste. De la même façon, ça n'engage pas les femmes à faire des efforts puisqu'elles savent qu'elles vont rencontrer plafond de verre sur plafond de verre. En plus des études, du travail, les femmes doivent gérer le harcèlement et la pression alors oui elle aura peut-être un peu moins de compétence mais elle sera surement très précieuse à l'équipe.

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Oui, c'est plus des globalités, je ne peux pas parler en particulier parce qu'il y a beaucoup de filles qui aiment les FPS ou ce genre de jeux. Mais quand on regarde les chiffres, au niveau des joueurs mobiles c'est surtout des femmes, ça ne veut pas dire que ce n'est pas des bons jeux. Il y a des suppositions qui ont été faites sur le fait qu'une femme a beaucoup moins de temps qu'un homme pour jouer parce qu'elle doit faire plus de choses à la maison, qu'elle doit s'occuper des enfants etc. Donc elle ne dispose pas d'autant de temps d'affilé que son mari pour jouer, pour une femme c'est plutôt 5 minutes par 5 minutes donc c'est pour ça que le format de jeu mobile est bien plus adapté. Ça ne veut pas dire que toutes les femmes jouent à des jeux

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mobiles, ça ne veut pas dire qu'aucun homme ne joue à des jeux mobiles, c'est juste des tendances globales.

On va avoir des jeux considérés comme des jeux de filles comme Animal Crossing ou les Sims qui sont en général plus populaires chez les femmes, mais c'est sans prendre en compte les non binaires, les transsexuels et c'est des paramètres qu'on a malheureusement tendance à omettre dans les études. C'est juste des tendances, ça ne veut pas dire qu'on a un style de jeu vers lequel on doit absolument aller.

Les femmes vont peut-être être un peu plus énervées en voyant des femmes comme dans Lost Ark alors que les hommes ne verront pas le problème. Il y avait par exemple récemment une séance avec Batman et Catwoman où les deux ont inversé leurs rôles et on s'est rendu compte que c'était abusé en voyant Batman faire les mimiques de Catwoman. Et là ça a choqué les joueurs alors que ça n'était pas du tout un problème avant.

Il y a le fait que certaines communautés sont très toxiques sur les jeux en ligne vis-à-vis des femmes ça peut avoir une grosse influence. Quand on arrive en vocal sur Call Of ou CS GO c'est beaucoup d'insultes, c'est la jungle en directement donc on n'a pas forcément envie de jouer à ces jeux. C'est peut-être aussi pour ça que les femmes sont plus enclines à jouer à des jeux plus calmes comme Animal Crossing. Mais je ne pense pas que c'est parce qu'il y a des tendances majoritairement sociétales qui se dessinent qu'il faut se dire que ce n'est pas des vrais jeux ou que c'est des jeux de filles.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

C'est assez triste mais oui ça m'est arrivé beaucoup, notamment quand j'ai commencé à jouer à Overwatch. Quand j'ai commencé à vouloir jouer toute seule, dans les chats vocaux ce qu'on entend c'est «go back to the kitchen», «I want to fuck you». C'était beaucoup de choses verbales, très peu en convention parce que je ne participe pas beaucoup. Au travail, j'ai eu des problèmes aussi, c'est différent mais au final c'est la même chose. Et je pense que le fait que j'ai eu des problèmes avec des chats vocaux, c'est pour ça que je ne vais plus en chats vocaux. Je n'aime plus jouer aux jeux avec ces chats vocaux, il y a peu de temps j'ai joué à Back for Blood mais quand j'ai voulu jouer seule, je pensais lancer une aventure solo et quand je me suis

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rendue compte que c'était avec du monde, j'ai quitté et finalement arrêté le jeu. Je n'avais pas envie de rencontrer des inconnus dans des jeux en ligne.

J'ai une autre anecdote, j'étais très jeune j'avais 13 ans et je jouais à Dofus où il y a un chat écrit. Je jouais seule, un healer du coup, ça m'a un peu posé problème et j'ai vu que même sans rien dire le fait d'avoir un avatar féminin avec un nom féminin eh bien les gens te suivent dans le jeu, écrivent des choses totalement appropriées. Par exemples quand on fait du RP on mets « ** », c'est le langage du jeu et j'ai eu le droit à « **te sodomise » à 13 ans. Je pense que ce n'est même pas une époque où je savais comment on faisait les bébés. Je me suis retrouvée à aller chercher sur Internet et ça m'a vraiment marqué. C'est quelque chose qui n'est pas du tout modéré, tu es un enfant, une fille et tu peux voir ça dans le chat et ça te marque à vie.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Je pense clairement que oui, que comme je l'ai dit plus tôt c'est un problème sociétal. La femme dans la société est traitée mal, elle ne vaut rien, on fait ce qu'on veut, elle n'a rien à dire. C'est représenté comme ça dans les jeux vidéo donc c'est en quelques sortes vu comme ok par beaucoup de monde et donc les gens se le permettent dans la vraie vie. Dans l'esport, ça ne doit pas être facile quand on est une femme, on doit se prendre des remarques et c'est des choses que les gens doivent trouver justifié.

C'est ok dans un jeu auquel ils jouent toute la journée donc pourquoi ne pas le reproduire dans la vraie vie, sauf que quand ça vient à toucher au réel c'est là qu'est le problème. Les agresseurs devraient utiliser un peu leur cerveau et c'est pas du tout le cas.

8- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Oui et ils ne s'en privent pas, depuis Super Mario, même avec Metroid, on pensait que le personnage était un homme mais quand on découvre que c'est une femme on a « besoin » qu'elle soit en sous-vêtements, qu'elle fasse un geste sexy pour que le joueur se dise « oh j'ai joué avec cette jolie fille ».

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Des personnages dans Street Fighter qui vont faire des poses un peu tendancieuses ça fait vendre. Ou même en jeux récents, dans NierAutomata c'est « drôle » de baisser la caméra pour regarder la culotte du personnage principal. Ça valide les comportements problématiques, surtout venant des hommes qui aiment pouvoir avoir ce genre de comportements dans le jeu, qui aiment avoir des femmes dénudées sur la jacket d'un jeu etc.

Par contre quand on a des femmes fortes, qui n'ont pas ces tailles de guêpes c'est moins mis en avant. Pour parler d'un jeu que j'adore sorti il y a peu, on peut incarner un homme ou une femme mais tout le marketing a été fait autour de l'homme, en plus sur l'écran de sélection on ne voit pas qu'on peut choisir une femme, on est vraiment biaisé. Donc la plupart des personnes qui jouent au jeu ont choisi le personnage masculin. Et en plus la femme est « normale » sans formes exagérés, elle est musclée, c'est juste une femme forte qui fait du kung-fu donc elle n'est pas mise en avant. Et je trouve ça dommage parce que moi j'adore ce personnage.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui bien évidemment, c'est aux deux d'agir. C'est d'en parler sur les réseaux, c'est de dire que ce n'est pas ok. C'est vraiment ça qui fait le plus mal aux entreprises, c'est que les joueurs se plaignent. Par exemple dans Assassin's Creed Odyssey on pouvait avoir une relation homosexuelle mais dans le DLC on avait une relation hétérosexuelle forcée et à ce moment les joueurs ont crié et le studio a dû ajuster cela.

Si les joueurs crient, boycottent, créent une polémique, c'est là qu'il peut y avoir du changement. Il faut demander du changement, des représentations diverses, ça sert tout le monde, ça permet de voir de la diversité. Je ne comprends pas pourquoi un homme pourrait avoir une plus large représentation que nous et pourquoi une taille de guêpe serait la norme.

Si les joueurs décidaient de ne pas acheter le jeu, de réagir vis-à-vis de la représentation de la femme, ça pousserait les studios à faire des efforts. Quand bien même dans les studios on veut pousser comme employés, c'est les joueurs qui ont le pouvoir donc si eux montrent que ça leur convient ils vont continuer. Ça reste une industrie qui a besoin de vendre. Si les joueurs font blocus, si les salariés font blocus, les entreprises devront s'adapter.

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10- Un mot de la fin ?

On veut des CDI et être plus représentées dans les jeux. Quand on est un homme c'est beaucoup plus facile d'avoir accès à un CDI, ce n'est pas normal que ce ne soit pas la même chose pour nous.

Annexe 5 - Retranscription entretien Laurine - Ilunaree (Joueuse semi pro)

L'entretien s'est fait avec le gérant de l'association et l'une de ses joueuses professionnelles.

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Pour contextualiser, on est une association fondée par des amateurs qui a deux ans de vie. Comme toi j'ai une licence de communication des évènements, mon but est de se spécialiser pour accompagner les joueurs pour les guider vers la compétition professionnelle. On voudrait leur offrir une extension vers ce que peut être leur métier de rêve. On sait qu'il y a beaucoup de potentiel, on les prépare, on les accompagne pour qu'ils maîtrisent bien le jeu puis on les dirige vers des structures professionnelles pour qu'ils soient détectés et qu'ils puissent accéder à la scène esportive.

Je m'appelle Laurine, j'ai 20 ans, je suis en fac de langues. Je suis de base pas trop passionnée par les jeux mais depuis que je m'y suis remise je suis toujours dessus. Je suis énormément sur Apex, Minecraft quand j'étais plus petite, Overcraft. De tous mes âges, j'ai exploré le monde du jeu vidéo dans ses recoins les plus sombres. Parce qu'on sait ce que c'est être une femme sur les jeux vidéo c'est accepter les inconvénients d'en être une.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

En soi oui et non. La plupart des jeux sortis sont des jeux considérés par la société comme masculinisés et fait pour les hommes avec des hommes à la guerre. Mais c'est beaucoup sexualisé parce que quand on regarde les jeux et comment les femmes sont représentées, ça sexualise le corps de la femme en général. Par exemple dans Apex les personnages sont déjà très sexualisés, mais c'est loin d'être le pire quand on prend les personnages d'animés avec des

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gros seins et des grosses fesses, c'est sympa deux minutes mais ça sexualise le corps de la femme en général donc ce n'est vraiment pas dingue.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Pour l'esport, je ne sais pas, je dirai que non parce qu'en soi beaucoup de filles sont dans la compétition, on a beaucoup de Youtubeuse mais la femme n'est pas super présente mais je ne sais pas comment expliquer cela. Je pense qu'il y a des personnes bien intentionnées et que si une femme veut rejoindre elle peut sans problèmes mais il y en a d'autres où c'est tout le contraire.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Non, déjà parce que les femmes sont moins payées que les hommes. La plupart de joueuses esport sont sous payées. Alors tout comme au niveau des hommes en fonction des pays, je sais qu'aux États-Unis ils sont beaucoup plus payés qu'en France ou en Europe. Pour le moment, c'est heureusement quelque chose que je n'ai pas vécu, qu'on me fasse sentir inférieure à un homme non ça pas du tout et surtout depuis que je suis dans l'asso c'est vraiment un safe space.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Ça peut être une bonne chose dans le sens où ça montrerait aux gens que nous aussi on sait jouer aux jeux. Mais si on veut l'égalité il faut être mixte, il faut faire une balance entre les deux. Je pense qu'une ligue 100% féminine ça aiderait la cause.

Les associations c'est une bonne chose parce que si rien est fait on se retrouve à ne rien pouvoir faire face à ce genre de situation, à ne pas pouvoir se défendre. Même si on essaie de faire du bruit face à un petit groupe d'hommes, la finalité c'est que si on ne fait rien tous ensemble ça ne changera pas. Il faut qu'on continue à agir comme ça et qu'on fasse beaucoup plus d'actions, qu'on parle beaucoup plus que ce qu'on fait maintenant.

Je trouve que ce n'est pas assez même si c'est un peu notre maximum. On parle beaucoup de la cause féminine, mais les choses ne changent pas vraiment. Ok maintenant il y a plus de mecs qui acceptent qu'une femme joue aux jeux vidéo mais il y a toujours des petites remarques, des petites réflexions et même si on leur dit qu'on a le droit de jouer tout autant qu'eux ils n'en ont pas toujours conscience.

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6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Je pense que non, peut-être éventuellement avec l'éducation. On est plus orientés vers les jeux vidéo quand on est un garçon plutôt qu'une fille. Dans les rayons des magasins, il n'y a pas forcément de jeux vidéo dans le rayon des filles. Donc excepté dans l'éducation je ne vois pas de différences ou de barrières.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Littéralement avec du recul je pense que, quand j'étais petite à 11 ou 12 ans et que je jouais à Minecraft, j'ai subi beaucoup de harcèlement sexuel. Je pense vraiment qu'on peut le considérer comme cela parce que quand tu es petite tu es amenée à jouer avec des gens plus âgés. Ce qu'on reçoit c'est des messages qui ne sont pas de notre âge « passe sur le bureau pour rentrer dans le groupe ». J'y repense plusieurs années avec du recul et je me dis que ce n'était vraiment pas très normal. J'étais toute seule sur un Skype, ils étaient 7 c'était le petit groupe un peu populaire du serveur Minecraft où j'étais et je voulais juste les rejoindre pour être avec du monde. Et à un moment ils ont voulu me faire passer une « interview » pour intégrer le groupe mais étant une fille c'était juste « t'es une fille, t'es la plus jeune, nous on sait mieux que toi ».

Et même mon pote qui était le plus jeune et le plus innocent a vite rejoint l'esprit de groupe. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, il y avait allusion sexuelle sur allusion sexuelle comme « passe sous le bureau, tu veux pas nous envoyer des petites photos, montre-nous à quoi tu ressembles, t'as déjà fait des trucs ». À ce moment-là j'étais dans mon lit toute jeune, je ne comprenais pas ce qu'il se passait, je répondais un peu sans comprendre. Quand tu es petit, tu veux vraiment rentrer dans une case donc j'ai continué cette pseudo interview mais je m'en suis rendu compte que très récemment que c'était plutôt une séance harcèlement.

J'ai longtemps joué sur Overwatch à sa sortie, j'ai repris le jeu il y a peu de temps, je lance une ranked, j'étais un peu nulle à ce moment et un Anglais (oui parce qu'il n'y a pas que les Français qui sont toxiques) qui me dit « go make me a sandwich, slut » en voyant mon pseudo qui sonnait féminin.

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Là encore plus récemment sur Apex, je jouais tranquille et je comprends que c'était un petit donc je veux faire un peu d'humour. Et le gamin qui me sort « ferme ta gueule t'es nulle à chier » puis en parlant à son pote « oh tu savais que les filles jouent à Apex c'est grave, ridicule les filles ». Vraiment, éduquez vos garçons, il avait 14 ans le gosse là, ce n'est pas normal. C'est grave dans l'éducation on a pas à parler comme cela.

J'ai une autre histoire comme ça, d'un mec qui se faisait passer pour une fille qui était arrivé sur notre serveur on ne sait pas trop comment. Ce n'était pas une histoire de transgenre ou quoi c'était juste un gars qui était là pour être malsain. « Elle » me proposait de m'apprendre à faire des « trucs » mais sans jamais allumer son micro, « elle » me demandait des photos, là où j'habitais. Mais ce n'était même pas un vieux non c'était un jeune de notre âge, ça me choque limite plus qu'un vieux parce que c'est juste malsain. On est un peu habituées au cliché du vieux qui fait peur. Mais là c'était juste quelqu'un ayant 2 ou 3 ans de plus que moi. Et encore je ne me souviens pas de tout parce qu'il y avait des trucs hyper trash mais à l'époque je ne comprenais pas.

Et même maintenant, quand on allume le micro on a toujours des réflexions en mode « oh mais une femme ça joue aux jeux vidéo je savais pas ». Ou alors en ce moment la mode de dire que « le rôle de la femme c'est à la cuisine » c'est pas marrant. Même quand juste tu arrives sur un serveur discord avec une photo de profil discord qui est féminine, tout le monde se met à aboyer parce qu'ils trouvent ça drôle alors que à force non ce n'est pas drôle à force on en a juste marre. Des insultes « grosse pute, salope, tu es mal baisée », on en parle pas forcément tout le temps mais on en reçoit un bon nombre et sans rien faire. C'est gratuit, on ne demande rien, on veut jouer, participer, éventuellement intégrer des groupes et c'est juste parce que tu es une femme et que le point de vue d'un homme ne t'inclut pas. De son point de vue une femme n'a pas à être là.

Pour le moment je ne sors plus beaucoup, mais la plupart des choses qu'on va avoir dans la vie réelle c'est de la drague, des gars qui vont accoster, forcer un peu parce que beaucoup sont des forceurs, t'insulter parce que tu as refusé, bon le viol je n'en parle pas parce que c'est un sujet un peu plus profond. Mais je pense que sur les jeux vidéo, on te ridiculise simplement pour la femme que tu es. On te fait comprendre que tu n'as pas ta place là. Dans le boulot c'est pareil on te ridiculise et on t'humilie parce que tu es une femme et c'est tout, et qu'apparemment les hommes n'aiment pas les femmes.

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Importance de l'anonymat ? C'est vrai que la plupart des gens qui t'insultent c'est souvent des mecs sans photo de profil c'est souvent une voiture ou quelque chose comme ça et c'est vrai c'est souvent des « Dark Sasuke » donc avec des pseudos liés aux animés ou aux mangas. Moi, avant de rentrer dans l'association, je n'avais pas de photo de profil sur Discord comme ça on ne savait pas que j'étais une fille, dans les jeux je parle à peine parce que j'ai la flemme de parler pour me prendre des remarques. La plupart des mecs qui insultent gratuitement en mp ou sur des lives sont en anonyme, ils viennent déverser leur haine sans assumer, beaucoup se cachent derrière leur écran. Je pense que la plupart n'assument pas d'être comme ça, d'être haineux et à l'extérieur ça se tait.

Alors ça c'est une anecdote hors du jeu mais qui est mon quotidien, un flic qui me dm avec des photos de lui nu pendant plusieurs jours alors que je ne le connaissais pas etc. Je lui ai lâché un « acab » parce qu'à un moment j'en avais juste marre et que ça ne se fait pas et il m'a menacé de me retrouver sur tous mes réseaux, de pirater mes comptes bancaires parce que je suis une « grosse salope ». C'est des menaces mais le problème c'est qu'on va porter plainte auprès de ses collègues et quoi ? Est-ce qu'ils ne vont pas le passer aussi sous silence ?

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Complètement et beaucoup trop. Il y a des mecs qui fantasment sur des filles formées comme Lara Croft, et donc toutes les meufs qui lui ressemblent dans la rue vont se prendre des réflexions. On va se faire rabaisser et ridiculiser par des mecs et même par nos propres mecs, on entend souvent « ouais regarde elle a un plus gros cul que toi, elle a des plus gros seins, elle est mieux que toi sur tel ou tel sujet ». Je ne comprends même pas pourquoi les gens nous comparent, c'est pas la réalité, c'est que de la fiction et tous les jeux sont comme ça et juste ras le bol.

On ne va quasiment jamais voir une femme en surpoids, la femme en surpoids n'existe pas. Celle avec des petits seins non plus ou alors elle aura un fessier démesuré. Parce que l'homme la veut comme ça.

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9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Ça je ne sais pas, je pense que vu qu'on aime tous bien avoir une vision du monde un peu idéaliste, où tout est beau, où on vit sur un arc en ciel. Dans les conventions, il y a beaucoup de cosplays de ces femmes-là, même nous on les apprécie malgré leurs formes et leur représentation on aime quand même bien les personnages. Même les hommes sont un peu comme ça dans les jeux vidéo et les animés.

Je pense qu'en fonction de ton point de vue personnel tu fais avec ou tu ne fais pas. Tu sais que les persos sont sexualisés, ça influe forcément sur notre vie au quotidien. Mais si on aime les jeux vidéo on y va quand même tout en essayant de militer contre cela. Mais ça ne doit pas être un frein.

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Oui et non dans le sens où si je vois qu'ils sortent un jeu où le personnage est très sexualisé et que tout est basé sur ça je ne vais jamais y jouer de ma vie, c'est trop pour moi.

Au niveau des skins ça n'a pas trop d'impact. Le personnage est designé comme ça de base donc un skin ne change pas forcément grand-chose mais c'est vrai qu'un jeu où on voit encore plus ses seins et ses fesses dans les skins non ça ne m'intéresse pas.

C'est bien connu, les seins vendent. Si on sort un jeu sur Naruto, ça vendra plus si tu mets une femme comme Tsunade avec des gros seins en couverture plutôt que Sasuke et Naruto parce que c'est moins attractif. C'est comme pour les affiches de films, ça fonctionne de la même manière.

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Je pense que dans le secteur actuel quand on est petit, les cours sur le féminisme, sur le respect entre gamins et sur la femme c'est quelque chose à faire directement. Le harcèlement on en a ras le bol, il faut imposer que garçon ou fille on peut s'habiller comme on veut, on peut jouer

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aux jeux vidéo, on est égaux etc.

On devrait faire des campagnes au sein même des jeux vidéo, je sais que Apex avec fait des badges sur le Black Lives Matters etc. On pourrait faire cela avec les femmes, que dans des jeux un peu masculinisés comme Black Ops il y ait des petites campagnes notamment à l'occasion de journées comme le 8 mars pour rappeler que la femme aussi a sa place dans les jeux vidéo.

Max (le responsable de la structure)

J'ai participé à des rassemblements sur des débats autour de ce sujet-là et la question qui est revenue c'est : pourquoi est-ce qu'il n'y a jamais assez de femmes aux évènements ? Mais la personne a répondu : « je ne vois pas pourquoi il faut des femmes pour un évènement ». On ne dit pas qu'il ne faut pas intégrer les femmes mais pourquoi faudrait-il des femmes pour que cela fonctionne, on fait cela avec des gens qui ont envie de venir. On n'a pas besoin de féminin pour dire que l'événement fonctionne.

Ce qu'on leur a répondu c'est que : « si vous n'avez pas assez tourné votre communication pour attirer les femmes et contextualiser cela pour que ça soit intéressant pour des femmes, c'est votre souci ». Cela a fini en disant que le numérique n'a aucun genre, on a des apparences visuelles qui sont données librement au joueur pour qu'il développe ce qu'il souhaite. Le jeu vidéo c'est juste choisir une nouvelle aventure chaque fois qu'on se connecte, qu'on crée soi-même un peu comme un théâtre.

Le sous-entendu était de dire « le développement de la féminisation, c'est qui les acteurs principaux, parce que ce n'est pas nous qui faisons le jeu ». C'est surtout les éditeurs qui au début voyaient surtout beaucoup d'hommes qui ont fait des jeux pour les hommes.

Là est la problématique, parce qu'au début c'était des hommes qu'on voyait. Donc il faut montrer que maintenant on a aussi des jeux pour femmes. C'est le développeur qui a d'abord intégré l'homme dans le jeu avant de penser à la féminisation, il faut montrer qu'on peut aussi avoir des jeux de combat, d'arcade ou autre qui peuvent convenir pour des femmes. C'est le développeur qui par la société et l'évolution a d'abord intégré l'homme dans le jeu avant de penser à l'image de la féminisation dans le jeu, à intégrer un personnage féminin.

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Quand une femme est apparue dans un jeu d'arcade pour la première fois, aucun homme n'y a joué. C'était aux États-Unis, pendant l'une des premières compétitions sur les bornes d'arcade, il y avait des jeux d'arcade féminins et les machines sont restées neuves pendant des mois parce que personne n'y jouait.

Si l'éducation autour du jeu n'est pas maîtrisée, c'est que le développeur ne s'est pas éveillé au fait que derrière la manette il y a un joueur et non un genre. Il faut réfléchir à comment intéresser la personne, qu'elle s'amuse, tout en étant le plus respectable possible les uns envers les autres. L'humain a déformé le jeu pour en créer une zone de rencontre alors que c'est de base un endroit pour se cacher de soi-même parce qu'on est un peu introverti et que ça peut nous permettre de grandir et de s'ouvrir. Mais le jeu peut aider à s'ouvrir, à se développer, à s'éveiller et à comprendre qu'on peut communiquer d'une autre manière. Le développeur peut ainsi aider à s'éveiller grâce au jeu et c'est là qu'on voit vraiment l'apport, on quitte l'image de la féminisation dans le jeu vidéo, on arrive sur l'utilisation d'un outil pour s'éveiller.

Tu as parlé du harcèlement des femmes mais moi j'ai eu le souci inverse, des femmes qui s'intègrent parmi les hommes mais qui du coup venaient prendre le contrôle sur les hommes. Certaines sont juste là pour créer de l'intéressement sur elles-mêmes en vendant leur image de la mauvaise manière, en envoyant des images d'elles en sous-vêtements. C'est des situations très inconfortables où certains hommes se retrouvent à porter le chapeau car certaines femmes sont purement malveillantes et vont jouer sur le fait que les femmes sont les plus harcelées pour se dédouaner, sur le fait que c'est les hommes qui harcèlent le plus souvent.

Trop de gens aujourd'hui jouent sur l'anonymat en créant une identité différente, en agissant différemment, en se permettant des comportements qu'ils ne se seraient jamais permis sans cet anonymat. La malveillance est tellement partout qu'on se demande si on est vraiment en sécurité là où on est. L'anonymat nous fait nous demander « est ce que je suis moi ou est-ce que je suis la personne que je me suis créé derrière mon écran et comment est-ce que j'agis à la suite de cela ».

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Annexe 6 - Retranscription entretien Hugo Blaix (Reworld Media)

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1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Hugo Blaix, j'ai 25 ans, j'ai fait des études en systèmes et réseaux en informatique. Mais j'ai fait ces études que pour l'emploi donc ça ne m'intéressait pas vraiment.

Je me suis orienté vers une école de jeu vidéo, j'ai tenté même si c'était un pari risqué, ils semblaient avoir de bonnes références et être capables de m'apporter quelque chose. J'ai fait mon master de communication digitale dans l'univers des jeux au gaming campus à Lyon, c'était vraiment sympa. A la suite de ça j'ai pu réaliser un mémoire et trouver un stage chez Millenium, qui est une société journalistique où on parle principalement de l'esport et des jeux vidéo. J'étais CM chez eux donc je relayais tous les articles que faisaient les rédacteurs au sein de la société et je faisais aussi de la veille interne et externe sur un peu tous les sujets. Je me souviens notamment d'avoir été particulièrement sur un sujet qui portait sur l'équipe de Cloud9 Blue qui est une équipe 100% féminine qui arrivait sur Valorant.

J'ai réalisé un mémoire sur Twitch confronté au féminisme. J'avais commencé par Twitch contre le féminisme parce que je voulais aborder un point de vue juridique vis-à-vis d'un mouvement nouveau qui n'arrivait pas à se faire une bonne place sur un réseau principalement dominé par des hommes. Et j'ai voulu traiter cela correctement, c'est pour cela que j'ai changé mon sujet pour traiter Twitch confronté au féminisme. L'idée était de voir tout ce que le féminisme apportait de positif sur la plateforme mais aussi tous ces dérivés et comment ils étaient perçus. Il faut savoir que je voulais faire quelque chose de totalement différent, je voulais le faire dans le droit et étudier les pratiques qu'il y a sur les réseaux sociaux que principalement les femmes utilisent et comment elles sont perçues dans la société et c'est mon tuteur qui m'a orienté vers ce sujet-là en me disant on pourrait parler du « hot tub » qui est une mode des femmes dans leur piscine sur Twitch. J'ai pris le risque et tout donné dans mon mémoire parce que je pensais que ça ne serait pas accepté. C'était vraiment un sujet délicat mais j'ai pu l'aborder donc je suis vraiment content de moi.

À la suite de ça j'ai fait mon stage de fin d'études et j'ai trouvé un emploi chez Reworld Media, dans leur branche gaming qui venait de racheter Melty et La Crème du Gaming.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Et qu'en est-il des hot tub sur Twitch ?

C'est toujours des questions subtiles. À l'époque oui ça l'était, il y a des preuves, il y a des faits

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mais aujourd'hui je trouve qu'on est sur une tendance où ça l'est de moins en moins. C'est dans cet objectif-là, le fait que le jeu vidéo ne soit pas que pour les hommes que ça va moins sexualiser les femmes. On est dans une transition où ça le devient de moins et où on avance vers quelque chose de mieux avec peut-être un jour une parité entre les deux.

Pour bien répondre à la question sur les « hot tubs », il faut savoir que Twitch est surtout dominé par une communauté masculine. Ce qu'il y a eu à l'époque, le fait que les jeux vidéo étaient considérés à la base pour des hommes, cette image qui a été ancrée pendant des années, a forcément déteint sur Twitch et engendré cette communauté majoritairement masculine. De plus en plus de femmes se mettent à streamer, à regarder, j'espère atteindre une parité et que ça s'aplanisse mais pas de suite.

Par conséquent, quand on regarde un stream de la gente féminine sur Twitch, on peut s'attendre à avoir un maximum d'hommes qui la regarde. C'est pour ça qu'on a des catégories comme l'ASRM où on lèche son micro en prenant des poses particulièrement explicites, ou les hot tubs qui consistent à être en maillot de bain dans une piscine chez soi derrière sa caméra. C'est accepté d'un point de vue juridique parce qu'une femme est dans un réceptacle d'eau, elle est en droit de dire qu'elle est dans une situation actuelle qui peut accepter le maillot de bain. Juridiquement elles ont le droit de faire du hot tub et c'est pour ça que cette catégorie est acceptée.

Ce que cela engendre derrière, c'est plusieurs visions. Il y va y avoir des femmes qui vont dire qu'elles ont raison, puisque des hommes sont prêts à payer pour cela qu'elles le fassent. Cela va montrer que les hommes ne sont attirés que par ça et qu'ils paient pour cela donc c'est bien ce qu'elles font. Un autre camp va être beaucoup plus neutre et qui va dire qu'elles font ce qu'elles veulent tant qu'elles sont consentantes et qu'elles assument. Et un dernier camp qui va considérer que c'est horrible et qu'elles dénaturent le mouvement de la femme en donnant une image que la femme est prête à tout pour gagner de l'argent quitte à utiliser des procédés qui peuvent être un peu obscènes.

J'ai déjà rencontré des femmes pensant de ces manières-là et chacune a de bons arguments mais en même temps une externalité négative qui n'apporte aucune chose positive pour le mouvement. Cela n'aide pas le féminisme parce que vu que chacun a sa propre manière de penser, on a jamais un résultat qui va plaire à tout le monde. On a des gens qui veulent que le

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contenu ASMR ou hot tub soit totalement retiré. D'autres femmes qui sont assez modérées et neutres, qui proposent de juste bannir les personnes qui dérapent, qui vont décider de vraiment montrer leurs parties intimes et celles qui veulent que ce soit beaucoup plus vu pour montrer à quel point c'est ridicule. C'est toujours dans le but de faire quelque chose de bien mais c'est un conflit au sein d'un combat qui devrait être mené ensemble.

Dans tout ce débat, il y a des intervenants qui peuvent agir comme cela sans pour autant créer ces disparités entre ces manières de penser. Je pense surtout à Twitch parce que c'est difficile de définir qui est vraiment coupable, est-ce-que c'est Twitch qui est trop laxiste sur le sujet, est ce que c'est les femmes qui décident d'utiliser leur corps pour gagner de l'argent ou le chat qui regarde et qui alimente le contenu ou est-ce que c'est l'État avec ses lois ?

Chaque partie pourrait agir d'une certaine manière mais elles n'auront pas le même impact. Si Twitch fait une nouvelle règle sur le sujet, ça aura un impact très fort alors que la communauté pourrait juste choisir d'arrêter de regarder ou alors boycotter, faire des pétitions mais c'est beaucoup plus léger. Les intervenants vraiment au coeur du sujet pourraient trouver une solution pour que cela change sans que les communautés se divisent entre elles.

Pour moi le féminisme c'est l'égalité entre les deux sexes. C'est vouloir que la femme soit au même niveau que l'homme. Tout le monde a un peu sa propre définition pour moi c'est vraiment ça.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Non en soi. Pour ma part je ne pense pas que l'esport soit un marché sexualisant mais je n'ai pas travaillé au coeur de ce milieu donc peut-être qu'il l'est, que je ne m'en rends pas compte et donc que je me voile la face. De mon point de vue je ne pense pas. Vu que le jeu vidéo a été dirigé pour les hommes pendant de nombreuses années, il y a ce fait qu'il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes. Je parle bien pour les jeux à catégorie esport donc dans le monde compétitif parce qu'au niveau des jeux casuals on a beaucoup plus de parité.

Dans l'esport ce qui est vraiment intéressant c'est la compétition et pour qu'il y ait une compétition intéressante il y a des sponsors, l'argent qui va être engendré. C'est ça qui va permettre à l'esport de vivre et de se développer.

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Le fait qu'on y voit très peu de femmes, je pense que c'est une histoire de niveau. Vu qu'il y a beaucoup plus d'hommes il y a beaucoup plus de probabilités de trouver un joueur masculin à un excellent niveau alors que les joueuses féminines qui ont commencé un peu tard à s'améliorer et se développer c'est du coup beaucoup plus dur de les repérer parce qu'elles sont beaucoup moins nombreuses. Donc on va beaucoup moins leur laisser une chance sur les circuits compétitifs.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

En terme de travail, on est sur une totale disparité et en terme de joueurs oui il y a des discriminations à tout va. Il y a toujours plus de joueurs que de joueuses pour beaucoup de jeux populaires. Non ce n'est pas égalitaire, on cherche à ce que ça le soit et ça va sûrement le devenir plus tard, mais ça ne sert à rien de se mentir en se disant que ça l'est. Le nombre de dossier que je vois où les gens tiennent des propos sexistes ou alors que dire à un joueur « qu'il est une fille » est une insulte.

Au niveau des discriminations le fait que les hommes soient une majorité sur les jeux vidéo ils pensent que ça leur donne le droit de juger une minorité selon des dires qui sont justifiés ou pas du tout.

Et le fait qu'on soit sur une plateforme où l'anonymat est maître, les gens se permettent de dire des propos qui sont réellement blessants et c'est ce qui se remarque le plus. On voit beaucoup de personnes qui subissent du harcèlement à tout va et on peut le voir, par exemple moi qui ai étudié beaucoup les streameuses, on assiste à des choses qui ne devraient même pas exister. On en est à vouloir que ces personnes meurent ou autre. Je sais que beaucoup de streameuses ne seront jamais vues de manière égalitaire par rapport à un homme et c'est ça le problème. Si elles veulent faire du divertissement c'est très compliqué parce que soit on fait du divertissement soit on est très bon à un jeu.

Si la streameuse est excellente dans un jeu, elle va être acceptée comme un joueur de la même manière que les hommes. Mais si elle fait juste du divertissement, elle va subir un harcèlement constant parce qu'elle est une personne vénale qui utilise le fait qu'elle est une femme pour séduire. Et c'est toujours propre au sexe. Ce n'est pas qu'elle est pas drôle ou que son contenu est mauvais, c'est juste que c'est une femme, qu'elle se soit un peu trop penchée à un moment

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etc.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Il y a beaucoup d'associations qui se mettent en place pour mettre en avant la femme dans le jeu vidéo, dans l'esport et dans la compétition mais je ne suis pas forcément d'accord avec ce qui se fait dans ces associations féminines.

On essaie de pousser un concept qui n'est pas encore prêt. Si on veut mettre en avant un tournoi et qu'il soit vu, il faut qu'il y ait de l'argent en jeu, que ça crée de l'argent. Mais pour cela, il faut qu'il y ait un niveau de jeu minimum et quelque chose d'intéressant à regarder pour que les sponsors aient envie d'investir. Le problème c'est que ce ne sont quasiment que les compétitions masculines qui rapportent ce gain économique et les compétitions 100% féminines n'apportent pas cela. Alors soit parce que les gens pensent qu'il y a un niveau trop bas et que ce n'est donc pas intéressant à regarder mais du coup les sponsors sont réticents à investir dans ce genre de compétitions. Et comme ça ne rapporte pas assez, il n'y a pas assez de communication ou de visibilité donc ces compétitions passent un peu à la trappe.

Je pense qu'il ne faut vraiment pas presser ce concept des femmes qui arrivent dans l'esport, c'est quelque chose de très bien mais il faut prendre son temps. On peut prendre le cas de Nagori qui a joué en Ligue 1 sur Overwatch et qui est arrivée au même niveau que les hommes et qui a prouvé à de nombreuses reprises qu'elle avait le niveau, le même niveau.

Elle n'est pas arrivée là parce que c'est une femme, elle est là parce qu'elle est douée et c'est surement ça le plus beau dans l'esport. On n'a pas regardé son sexe, on a juste regardé son talent. C'est des équipes masculines qui lui ont donné sa chance. Mais forcément elle a été accusée de triche. Elle a proposé de prouver que ce n'était pas le cas en leur disant que si elle montrait qu'ils avaient tort ils m'auraient plus le droit de participer à des compétitions. Et en effet elle leur a montré qu'ils avaient tort. Je trouve que c'est vraiment comme ça que devrait évoluer l'esport féminin.

Les compétitions 100% féminines, ça peut être intéressant mais les sponsors ne vont pas forcément investir dans cette compétition. Le fait que la Corée n'ait pas de joueuses féminines sur League of Legends à haut niveau c'est parce qu'il n'y en a pas : on a vu la première femme

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atteindre le top 500 du pays seulement l'année passée, cela a pris 12 ans pour qu'on voit une femme à haut niveau. Donc le fait que la Corée n'ait pas de joueuses féminines c'est parce qu'il n'y avait pas assez de joueuses qui avaient le niveau pour jouer en Ligue 1. J'espère vraiment que pour celles qui arrivent à un haut niveau elles pourront signer un contrat, se faire repérer etc. Il n'y a pas ce concept où on peut se dire qu'un homme est physiquement plus fort qu'une femme. Là c'est tout le monde qui est au même niveau. Maintenant qu'il y a beaucoup plus d'équipes d'esport féminin, je pense que beaucoup vont se démarquer dans ces compétitions.

Je sais que beaucoup de féministes sont contre ces compétitions-là et aimeraient que les femmes fassent partie des compétitions où il n'y a à l'heure actuelle que des hommes. On a le cas de Remilia qui est une joueuse transsexuelle quia avait été la première femme à jouer en LCS. Mais les gens sont devenus trop haineux sur ses lives, elle n'a plus mis sa caméra en ligne, puis elle a arrêté de parler et finalement elle s'est retirée complètement de la scène esport pour finalement se suicider. Et j'en veux beaucoup à la structure et la communauté d'avoir vu la personne comme ça alors que la personne était incroyable. C'était juste un progrès et une innovation naturelle, qui a été très mal reçue par la communauté, certains ont vu ça comme une atteinte à leur jeu. Elle était un exemple comme quoi les femmes pouvaient jouer au même niveau que les hommes.

Sûrement que les personnes les plus bêtes ont pu se dire que c'était un homme avant donc que c'est pour ça qu'elle était forte maintenant qu'elle est devenue une femme. Mais pour moi il faut juste voir que c'était une personne qui a montré qu'elle avait le niveau pour jouer. Oui ce n'était peut-être pas une fille à la base, mais le fait d'être trans est reconnu donc c'était surtout la première personne transsexuelle à atteindre ce niveau-là.

Je pense que ces compétitions sont intéressantes parce que c'est grâce à ces compétitions 100% féminines que les femmes pourront surement se faire remarquer.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Il suffit d'aller sur le live d'une femme et il suffit de deux secondes pour trouver une phrase sexiste avec des gens qui se cachent derrière l'humour pour justifier leur commentaire alors que non ce n'est pas drôle.

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Il y aurait tellement d'exemples à donner et c'est malheureux mais par exemple il y a eu le cas de « Cruelladk ». Il y a un concept d'esport sur WoW où quand un nouveau concept sort, il y a un raid sur plusieurs semaines et la première guilde qui arrive à tomber le dernier boss est considérée comme la numéro une du jeu et quand on réussit cela on parle de « World First ». C'est une joueuse qui participe et qui joue dans une guilde du top 5 monde, le fait que quand elle stream et que ce soit une femme, certaines personnes ont écrit dans le chat qu'ils auraient aimé qu'elle soit leur « World First ». Les gens se reposent sur le fait que c'est une blague, que c'est un beau jeu de mot, que c'est de l'humour. Et c'est forcément quelque chose qui va être très mal vu parce que ça vient d'une personne qu'on ne connaît pas. On est sur un trait sexuel qui est clair, sur une attirance sexuelle et sur la blague repose dessus mais où les gens se cachent derrière mais en fait ça peut être très mal interprété. Et elle était tellement choquée que quelqu'un lui dise ça qu'elle l'a posté sur Twitter pour montrer son quotidien. Et c'est quelque chose qui arrive vraiment à longueur de temps, les gens peuvent penser que c'est une banalité mais c'est bel et bien du harcèlement.

Un autre exemple c'est autour de Kameto qui avait une émission « Radio Sexe » sur Twitch. Et une phrase sur deux, une néo-féministe aurait pu leur tomber dessus tellement leurs propos n'étaient pas corrects, c'était un véritable dénigrement de la femme, avec des termes pas corrects du tout.

Je pense que globalement si on va sur le compte Twitter de n'importe qu'elle femme ou streameuses on trouve des exemples de posts de harcèlement. Un homme peut subir du harcèlement mais moins sur son physique qu'une femme. Un homme va être jugé sur autre chose, sur son contenu, sur ce qu'il a dit ou fait.

Par ailleurs, un homme aura plus de difficultés à commencer sur Twitch par rapport à une femme parce qu'une femme aura beaucoup plus de monde pour la regarder. Mais ce n'est pas quelque chose de positif parce que la communauté vient regarder parce que c'est une femme et ce n'est pas du tout une communauté fidélisée. Du coup même si le début est plus rapide en termes de spectateurs ou d'abonnés on se retrouve au même stade très rapidement puisque ça s'équilibre. Streamer en tant que femme ce n'est pas plus facile. À terme, les meilleurs streams (les plus regardés), c'est des hommes.

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Un dernier cas de harcèlement c'est la ZLAN avec Inoxtag et Ultia. Il avait tenu des propos très sexistes à propos d'une femme étrangère venue pour l'évènement et Ultia a demandé à Zerator de le ban des streams, de le punir pour ce qu'il avait pu dire. Pareil pour Jeel qui avait dit quelque chose et ça avait été détourné sur les réseaux et ça la faisait passer pour une sexiste. Et ces deux streameuses avait pris cher par la communauté qui soutenait le concept de ces hommes meilleurs que les femmes.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Oui, à l'époque ça l'était puisque c'était un milieu réservé aux hommes parce qu'il fallait proposer ce contenu attrayant visuellement pour la communauté masculine. Donc forcément ça n'a pas dû aider la cause de la femme dans le jeu vidéo. Aujourd'hui, ça a commencé un peu à évoluer, il y a des différences et ça a vraiment changé. Si on prend le cas de Lost Ark, Amazon a dit qu'ils réfléchissent à faire 2 sexes pour chaque classe ce qui montre que le gender lock est vraiment propre à la Corée.

Je ne connais pas la culture, je ne sais pas comment les gens pensent, comment réfléchissent les développeurs mais je crois qu'en Corée c'est normal de voir cela. Je ne sais pas si chez eux c'est quelque chose de sexiste mais chez nous oui. Mais le fait que Amazon veuille changer les choses comme ça c'est un signe de changement vers une égalité pour l'homme et la femme.

Je fais partie de la catégorie des joueurs qui pensent que c'est un jeu vidéo et qu'il ne faut pas oublier que c'est un univers fictif. Je peux comprendre que certaines personnes le sortent du contexte pour l'utiliser comme un argument, mais il ne faut pas oublier que c'est quelque chose de fictif. C'est au développeur de choisir si c'est un univers fictif ou un peu réaliste. C'est aux gens à la suite de juger si c'est correct ou non et de demander à ce que les choses changent si c'est trop choquant.

Il y a le cas de WoW. Il y a quelques mois il y a eu une mise à jour qui a supprimé 3 bulles de dialogue que certains PNJ disaient avec des propos un peu trop sexistes. Alors on peut se dire que l'idée est cool mais je pense que ça n'apporte rien en réalité et que ça va limite apporter plus de haine. On va peut-être plus se dire c'est bon c'est un jeu laissez-nous tranquille. Je comprends que les femmes n'aiment pas être autant sexualisée dans certains jeux mais encore

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une fois c'est un sujet ou je me dis qu'il ne veut pas trop brusquer les choses, on est dans une période de transition et peut être qu'un jour ça va changer et disparaître. On peut prendre l'exemple du cinéma où avant il y avait peu de personnes noires et maintenant ça ne pose plus de problèmes. Et maintenant c'est en transition avec les gays ou les trans. C'est quelque chose qui n'est pas toujours bien accepté mais c'est amené petit à petit pour que ça change au fur et à mesure. Et c'est un peu la même chose dans le jeux vidéo, la vision change et va vers une égalité au fur et à mesure du temps.

La communauté masculine est stupide. On a besoin d'un changement au fur et à mesure et non drastique parce que c'est plus acceptable. Il faut être réaliste, on est dans un monde qui n'est pas prêt à accepter un changement radical du jour au lendemain. Le faire petit à petit est la bonne manière.

C'est la même chose que les droits des femmes, la lutte qui a mis tout ce temps-là à se faire, ça a pris beaucoup de temps avec des rébellions pour arriver à quelque chose. Et ça a marché alors est ce qu'on ne devrait pas essayer de reproduire ce que l'histoire nous a prouvé ?

Les seules fois où je me dis que oui, il faut un changement maintenant et de manière immédiate c'est quand je me mets à la place des femmes et où je me dis que c'est déprimant. Il va peut-être falloir attendre 30 ans pour voir une vraie évolution. C'est pour cela qu'il faut que des personnes agissent pour la cause mais j'ai peur que quelqu'un se révolte de manière trop importante et crée une sorte de guerre entre les sexes alors qu'on aurait pu l'éviter

8- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Je pense que c'est utilisé oui, volontaire oui 100%, je ne peux pas croire que ça le soit pas. Je pense que notre monde est assez moche pour que ça se passe comme ça. Je n'ai pas d'exemple récent en tête mais c'est plus vendeur auprès d'une communauté masculine « en chien ». Je pense que certaines entreprises utilisent bien ce genre de concept.

Après je n'en vois pas des tonnes dans le jeu vidéo. J'ai en tête que les deux journalistes qui interrogent des joueurs sur la scène esport de la LEC c'est deux femmes. Est-ce que c'est parce qu'elles sont douées ? Est-ce que c'est parce que ce sont les meilleures ? Ou alors est ce qu'elles

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sont là pour montrer un beau visage à la communauté ? Pour montrer qu'il y a des femmes dans l'esport ? Oui je pense que le corps de la femme et les femmes en général sont encore utilisés.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

La communauté en elle-même honnêtement je ne pense pas. Outre dire les choses bateaux comme arrêter de regarder ces femmes qui dénigrent le mouvement féministe, ou alors que si vous voulez du porno n'allez pas sur Twitch mais allez directement sur un site qui est fait pour. Je pense que c'est vraiment les personnes qui sont en haut qui ont le pouvoir et qui peuvent changer les choses.

10- Un mot de la fin ?

Le féminisme c'est l'égalité entre les hommes et les femmes, ce n'est pas l'un au-dessus de l'autre. C'est tout. J'ai eu beaucoup de discussions sur le sujet notamment sur mon post sur Cloud9 Blue où j'ai été accusé de discrimination positive. J'avais dit que ça faisait plaisir de voir une équipe féminine dans ce circuit et apparemment ce n'était pas bon de dire ce genre de choses. Et je trouve ça horrible que ce genre d'actions qui se voulait une très bonne chose soit pointée du doigt. Les accusations peuvent aller très vite et dans le mauvais sens.

Les deux autres fois on m'a mis dans un débat sur le fait de savoir si une fille en maillot de bain sur Twitch cela va rendre le maillot de bain très sexuel ou non et sur ce que ça va engendrer par la suite. Du coup on va voir une femme en maillot de bain comme quelque chose de sexuel alors qu'il faut distinguer ce qu'il se passe sur Twitch et sur une plage. Donc beaucoup se retrouvent à avoir le sentiment qu'on a vraiment sexualisé un objet et au final on se retrouve à avoir une vision très négative sur un simple maillot de bain de la part des hommes.

Et le 3e point intéressant que j'ai pu évoquer avec une féministe, c'est qu'elle ne voulait plus l'égalité homme femme mais elle veut que la femme soit au-dessus de l'homme. Parce que même si physiquement on est en dessous, intellectuellement on est au-dessus donc sur les jeux vidéo on sera au-dessus aussi. Et pour moi c'est dénaturer le féminisme totalement. Elle voulait prouver que les femmes avaient le niveau pour jouer contre des hommes mais ça en devenait une mauvaise action.

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Annexe 7 - Retranscription entretien JC Daull (Vidéaste)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle JC, j'ai 25 ans, je suis vidéaste, donc je produis mon propre contenu vidéo et des vidéos pour mes clients. Les jeux, c'est un peu mon échappatoire d'un monde qui est quand même un peu rude, pour me changer les idées. Soit je joue seul pour me détendre, soit quand je joue avec mes potes et là je tryhard. Mais ça ce n'est pas quelque chose que j'apprécie, je joue pour me détendre et pas pour faire augmenter mon nombre de gramme de sel par litre de sang. Quand c'est trop compétitif j'arrête parce que je suis mauvais perdant. Pour me détendre ça va être du Dark Souls, les Rogue Lite où on doit jouer pour débloquer des nouvelles choses, les RPG. Dragon Quest c'est ma saga phare, j'aime beaucoup tous les jeux de Bethesda aussi. Je suis aussi un peu casu sur le côté en jouant à Mario ou Zelda.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je pense que ça dépend en fonction du public, de ce qu'on veut faire avec son jeu. Par exemple dans Dark Souls, je trouve qu'il n'y a rien de sexualisant parce qu'on peut jouer un homme ou une femme et de toute façon quand on meurt, on finit en mort vivant donc quoi qu'il arrive on ressemble plus à rien, on finit au même endroit. De plus même au niveau des armures on voit à peine le personnage c'est juste une grosse armure donc sexualisant non pas du tout.

Mais effectivement si on prend Dead or Alive c'est clairement un jeu conçu pour le vendre à des hommes gonflés aux hormones qui ont un manque d'affection. Les femmes dedans doivent toutes avoir 18 ans vu comment le graphisme est fait, faire 45 kg avec bonnet G ce qui n'existe absolument pas dans la vraie vie. C'est hyper sexualisant et c'est même dégradant parce que le type de corps qui est montré dans ce jeu vidéo ce n'est pas du tout la réalité.

Overwatch il y avait un petit scandale autour de leurs personnages très plastiques qui ont une taille extrêmement fine, et même si elles n'ont pas des seins démesurés on sent vraiment qu'on joue un personnage ultra féminisé et sexy. On ne veut pas de femmes viriles, on veut des femmes qui ne soient pas forcément réalistes.

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Le meilleur exemple dans les jeux, c'est l'armure démoniaque [dans WoW] : pour une femme

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c'est un bikini qui ne couvre rien et qui pour autant va être une armure suprême et te donner une résistance à tous les dégâts du monde même si seulement deux parties du corps sont couvertes, et pour un homme c'est une grosse armure imposante qui couvre tout, qui est rutilante, avec des piquants sur les épaules.

Mais je n'ai pas l'impression que ça soit encore beaucoup d'actualité. En revanche, je ne joue pas à beaucoup de MMO donc je ne sais pas si c'est encore le cas pour les armures des hommes et des femmes.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Non je ne pense pas mais pour moi l'esport c'est pas représentatif. Je ne suis pas l'esport mais de tout ce que j'ai pu voir, c'est des équipes avec que des mecs, il n'y a que des hommes dans ce domaine. J'ai entendu parler une seule fois d'une équipe de femmes mais je n'en ai plus jamais entendu parler après donc je ne pense pas qu'elles soient allées très loin dans l'esport ou alors pas sur des scènes internationales.

Pour moi l'esport, c'est un truc d'hommes au niveau de la pratique. Il n'y a que cela je ne sais pas pourquoi. Je sais qu'il y a autant d'hommes que de femmes qui jouent. Mais les profils de joueurs sont différents dans le sens où il y a plus de casu chez les femmes, je pense qu'il y a moins de filles qui vont tryhard pendant des heures pour monter sur Grand Master ou Master sur League of Legends. Elles sont plus là pour jouer avec du monde, pour participer à une activité avec leur groupe d'amis. Je connais beaucoup de filles qui jouent à LoL mais aucune qui est passée Platine en solo sur LoL. Soit elles se sont faites PL par leurs potes soit elles s'en foutent soit elles ne jouent même pas en ranked.

Elles sont un peu moins nombreuses à vouloir être compétitives donc moins tournées vers l'esport. Et vu que dans l'esport il doit y avoir 1 femme pour 10 hommes c'est donc plus difficile pour une femme de rivaliser, de se mettre au niveau d'un mec qui joue depuis le début avec des réflexes impressionnants.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Oui, dans la mesure où il y a autant d'hommes que de femmes qui jouent et je pense que les hommes en ont de plus en plus conscience.

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Ça se remarque dans certains comportements. Le profil de gamer féminin est selon moi plus casu par exemple je connais des filles qui jouent à LoL mais je n'en connais aucune qui joue à Dark Souls. On en voit moins sur des RPG, sur des jeux complexes, punitifs, frustrants. Il y a pleins de jeux qui se casualisent pour être attrayants auprès de ce marché de femmes casu qui sont très nombreuses soit ils offrent le choix avec des sauvegardes, des nouvelles options, un mode de jeu casu plus simple etc. J'ai l'impression qu'il y a de plus en plus d'options pour plus en plus de profils.

On est encore sur le début mais on est sur la bonne voie. Alors on est pas encore à Dark Souls qui propose un mode facile et j'espère qu'ils ne le feront jamais mais le profil de femme qui joue est de plus en plus pris en compte et notamment le profil de femme qui joue un peu casu. Il y a donc beaucoup plus de possibilités pour les profils casu, de bonnes représentations en matière de jeux vidéo.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Je ne connais pas du tout ces associations mais pour moi qui aime beaucoup les jeux vidéo, plus il y a de monde qui joue aux jeux vidéo mieux c'est. Peu importe qu'on ait une fille de 18 ans qui est au lycée ou un vieux de 50 ans qui reste chez lui toute la journée, peu importe qui joue tant que la personne est sympa, elle a un minimum de skill et elle ne nous tire pas vers le bas moi je m'en fous.

Les ligues féminines, je trouve que c'est une bonne idée parce qu'on a bien des équipes de foot féminines. Après dans le sport, c'est beaucoup dû au physique donc avec le mixte il y aurait du déséquilibre parce que les hommes ont plus de facilités à fournir un effort musculaire. Je ne sais pas pour l'esport mais peut être que là aussi il y aurait une différence, peut être qu'une femme pourrait mieux gérer, aurait de meilleurs réflexes et que ça viendrait créer des équilibres

Peut-être que des ligues féminines pourraient être la solution pour être sûrs de ne pas avoir d'inégalités entre les deux sexes. Après si on est sûr que sur le papier il n'y a pas d'inégalités, alors pourquoi pas faire du mixte.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

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Je pense que oui parce que comme j'ai déjà dit je pense que les filles sont un peu plus détachées. Dans le sens où les hommes vont plus facilement avoir ce profil de tryharder, de farmer alors que les filles vont jouer par plaisir, pour se détendre.

Je pense qu'un homme tombe plus dans le piège de farmer pendant des heures pour un titre, un item rare, un succès, un haut-fait. Et cela veut aussi dire passer par une phase moins confortable dans le jeu. Je ne vois pas les femmes s'infliger cela pendant des heures donc elles n'ont pas le même rapport au jeu. C'est pour cela qu'il y a plus de casu parmi les femmes. Cela a moins d'importance de ne pas avoir telle chose, tel objet, cela ne veut rien dire, elles sont moins dans la compétition. Elles jouent parce que le jeu leur plaît, que leur copain est dessus, qu'elles peuvent créer du lien social et ça leur suffit.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

À une époque, quand je jouais en ranked sur Overwatch, je jouais avec des mecs qui étaient au lycée avec moi et qui étaient plutôt toxiques. S'ils se faisaient tuer, ils écrivaient des trucs hyper salés dans le chat et ils ne se remettaient jamais en question. Dans leur tête, il n'y avait pas meilleurs qu'eux, s'ils perdent c'est juste que les autres ont cheat ou alors que quelqu'un a full troll et que c'est de sa faute.

On était 4 dans ce groupe et donc quand il fallait faire une équipe de six personnes pour jouer c'était systématiquement la faute des deux derniers arrivants si quelque chose se passait mal ou alors c'était la mienne parce que je n'étais pas très bon.

Quand on avait une femme dans l'équipe qui avait l'audace de venir en vocal c'était du « go back to the kitchen » h24 qui fusaient directement. Personnellement je me sentais trop mal pour elle mais je n'osais rien dire parce que sinon je prenais un « go back to the kitchen » aussi. C'était des mecs ultra salés donc ça me faisait stresser de jouer avec eux, je ne trouvais pas ça correct vis-à-vis de la femme parce que même si elle était mauvaise, les gars aussi sont parfois mauvais et pour autant on est pas autant toxiques avec eux. Et puis surtout je ne vois pas en quoi lui lâcher un « go back to the kitchen » ça va changer quoi que ce soit où arranger les choses. On va surtout lui faire passer une mauvaise expérience de jeu, les gens qui voient ça parce que tu écris en chat all tu leur pourris aussi leur expérience de jeu, tu les expose à ta

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toxicité alors qu'ils ne sont pas là pour ça.

J'ai fini par arrêter de jouer en ranked parce que mes potes étaient de gros harceleurs sur les jeux et il y avait toujours une bonne raison de trash talk ou de harceler une personne. C'est pour ça que je suis passé surtout sur des jeux solos et je joue tranquille, perso ne m'embête, il y a pas de vocal, pas de multi.

J'ai une autre anecdote qui moi me fait rire, mais je pense que c'est parce que je suis un homme. Pour une femme, elle le verra vraiment différemment. Moi j'ai un pseudo débile sur les jeux qui est un jeu de mots avec le Happy Meal de McDo c'est Happy Milf. Et j'ai souvent eu des sollicitations un peu bizarres de mecs qui me disent « passe sur Discord, envoie des photos » tout ça parce que j'avais Milf dans mn pseudo et que les mecs partaient du coup du principe que j'étais une meuf. Alors que non, j'étais juste un gros sac barbu derrière mon PC en train de rigoler en lisant ces messages et j'aimais bien les troller en disant « ça marche j'arrive je finis ma partie », en leur faisant miroiter quelqu'un de super canon pour leur envoyant quelque chose trouvé sur internet.

Je pense que tu as un profil de fille sur les jeux vidéo, ça doit être pénible vu le nombre de demandes que tu dois voir arriver. Vu les demandes que j'avais alors que j'avais juste un pseudo qui était un jeu de mot, avec un pseudo typiquement féminin ou juste une photo de profil ça doit pas être très confortable.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Je pense que le harcèlement vient plus du fait que les gens sont des abrutis. On voit le profil type du gars qui va siffler une femme dans la rue, la siffler, lui faire des avances déplacées voir complètement obscènes etc. Mais ce n'est pas le genre qu'on retrouve sur des jeux vidéo c'est plus des mecs qu'on retrouve dans un vieux squat où les femmes sont une denrée rare.

Il y a clairement des moments dans les jeux où les femmes sont représentées négativement mais il y a beaucoup d'efforts qui sont fait notamment dans le dernier Tomb Raider ils ont fait des proportions plus réalistes, on a plus trop le côté plastique irréelle.

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Les gamers sont un peu habitués à être entourés de femmes dans leurs échanges et je ne pense pas que la représentation des femmes dans le jeu va beaucoup jouer sur le harcèlement. Ce qui va jouer à dévaloriser la représentation des femmes et qui peut engendrer ce comportement d'harceleur chez certains mecs c'est le manque de présence féminine dans certains milieux donc dès qu'on en voit une, les hommes ne savent plus se tenir. Cela n'excuse pas le comportement mais selon moi ça l'explique.

Là où il y a du travail à faire, c'est dans le porno. C'est souvent des hommes qui consomment beaucoup ce genre de contenu et dans ce domaine on a une vision de la femme qui est néfaste, négative et dépassée, là-bas on ne leur apprend pas à être respectueux ou bienveillant.

Peut-être que des jeux vidéo y contribuent mais dans ce monde-là ça avance dans le bon sens. Mais c'est conscientisé, les gens le savent et suivent le mouvement. Je ne pense pas que la représentation dans les jeux vidéo ait un impact majeur sur comment les femmes sont traitées et perçues de manière générale.

Quand on expose quelqu'un à quelque chose, on finit par s'en imprégner comme c'est le cas avec l'image des femmes sexualisées. Mais du coup on pourrait l'utiliser au profit des femmes. On pourrait exposer tous les jours des hommes à des jeux montrant une image de la femme très positive pour que cela aide la cause des femmes. Il faut avant tout être vigilant à la manière dont on représente les femmes dans les jeux en étant réaliste sans trop tomber dans la fantaisie.

9- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Oui je pense qu'ils ne se gênent absolument pas. Quand je joue sur un jeu téléphone, les pubs montrent des femmes à moitié à poil, des plastiques qui n'existent pas, des jeux où on doit charmer des femmes, d'autres où une femme essaie à tout prix de se faire remarquer par un homme.

Ça nous incite à télécharger un jeu ou on a juste le sentiment de choper une femme sur le jeu, faire une action en ligne au lieu de le faire en vrai. Dans presque tous les jeux, il y a toujours

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un personnage féminin qui finit par avoir un skin en bikini. Sur HOTS, LoL, Overwatch, c'est incroyable les poitrines qu'ont les femmes, leurs seins énormes avec des skins en bikini pour couronner le tout. On se demande vraiment comment elles font pour garder le dos droit et marcher correctement.

Et ils ont raison, ils savent qu'il y a un marché donc aucune raison de s'en priver. Ils ne se gênent pas, ils savent qu'ils ont des puceaux à 30 ans qui vont fantasmer comme des animaux derrière en acheter les skins.

Est-ce que c'est tirer profit du corps de la femme ? Si complètement. Dans quasiment tous les jeux il y a une scène avec un personnage à poil, une scène de sexe ou une scène assez bizarre avec un personnage féminin. Par exemple, dans Super Smash Bros, Peach pouvait mettre un coup de pied en hauteur et en mettant sur pause on pouvait voir sa culotte. Et c'est quelque chose qu'on aurait jamais fait pour un personnage masculin, pourquoi forcément il doit y avoir quelque chose ?

10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui il y en a et pour moi elles sont déjà en train d'être mises en place. Faire des jeux avec des rôles féminins non sexualisés et qui sont pertinents et intéressants. On a notamment les jeux Horizon qui mettent en scène un héros féminin, on a le personnage d'Ellie dans The Last of Us qui est fort. Mais il faut prendre ça avec des pincettes, parce que mettre des personnages féminins c'est une bonne chose mais il ne faut pas que ça ait l'air forcé, il faut pas mettre des femmes à tout prix, il faut que ce soit pertinent. Par exemple il ne faut pas soudainement changer le sexe d'un personnage juste pour plaire aux femmes et pour se faire bien voir il faut créer de nouveaux personnages de manière pertinente et intéressante.

Ils ont par exemple fait un film sur le débarquement et ont mis des femmes et des personnes de couleurs. Sauf que là ça a sûrement desservi le film parce que ça s'éloigne de la réalité, si on veut vraiment faire un film réaliste et historique, on n'a pas à faire notre propre adaptation. Peut-être que la précision historique doit avoir plus d'importance que l'inclusivité.

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Il ne faut pas créer son personnage féminin de manière opportuniste et juste pour faire plaisir.

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Il faut créer des personnages féminins forts, il ne faut pas juste recycler des personnages masculins et mettre une femme à la place parce que c'est pas pertinent. Si c'est fait maladroitement, ça va finir par desservir la cause parce qu'on va comprendre que c'est de l'opportunisme.

Annexe 8 - Retranscription entretien Jeremy Goldstein (Tencent Games)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Jeremy Goldstein, je suis dans le marketing du jeu vidéo. Cela fait plus de 20 ans que je joue aux jeux vidéo, que j'y travaille. J'ai travaillé pour SEGA, Microsoft et je travaille pour Tencent Game qui est la plus grosse entreprise chinoise dans le monde et je m'occupe surtout de PUBG Mobile.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Comment l'image de la femme a évolué dans les jeux ?

Oui, il a été sexualisant et ça s'est expliqué un peu comme dans le principe des poupées Barbie ou les figurines de GI-JOE. C'est un marché qui a eu en première cible des hommes, des jeunes enfants et adolescents qui en grandissant sont devenus des hommes.

On a gardé cette grosse cible de joueurs masculins et pendant longtemps l'image un peu du geek qui jouait aux jeux vidéo en restant chez lui elle n'est pas complètement usurpée même si tout le monde pouvait jouer aux jeux vidéo. C'est quelque chose qui a beaucoup évolué et on savait très bien à une certaine époque que le côté affriolant des personnages féminins faisait fantasmer les hommes en général.

Je vais aller très loin mais il ne faut pas oublier que beaucoup d'avancées technologiques ont été portées par l'univers du contenu mature adulte à savoir porno. C'était le cas du minitel, du CD Rom parce qu'on pouvait stocker plus de choses, bref c'est un univers qui a tiré la technologie.

Et même plus récemment, un constructeur avait dit qu'ils faisaient des disques durs encore plus importants pour que les hommes puissent stocker de plus en plus de films pornos sur leur

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ordinateur. Alors c'était dit sous forme de boutade mais on sait que l'aspect sexuel a souvent entraîné des avancées.

Au lancement, on avait des produits destinés à un public plus adulte qui sont devenus des boutades au fur et à mesure du temps. On avait des jeux où on incarnait des obsédés sexuels donc oui il y a eu une vraie partie de la production vidéoludique qui était orientée sur le côté sexuel. On a eu des produits de jeux vidéo qui n'avaient plus honte de rien. Par exemple on a eu le jeu BMX XXX qui est sorti chez Aclem, c'était un jeu de vélo où les pilotes étaient des femmes dénudées. Donc aucun rapport avec la conduite de BMX et les sports extrêmes. On a eu aussi des jeux comme Dead or Alive qui est un jeu de combat, et Dead or Alive Extreme avec les héroïnes du jeu de base qui jouaient au beach volley en portant des tenues minuscules, réduites à pas grand-chose. On pouvait aussi régler l'âge du personnage et plus on avançait l'âge du personnage plus sa poitrine augmentait. Évidemment, on peut vite imaginer les poitrines opulentes et complètement inexistantes dans la vraie vie. Mais ces femmes avec une poitrine pareille qui jouent au beach volley avec tous les mouvements de caméra qui vont avec... Oui il y avait un côté très dégradant pour la femme parce qu'on s'adressait à un public quasiment que masculin.

C'est des produits qui ont un peu disparu. Mais même des personnages comme Lara Croft qui a été un fantasme pour beaucoup parce qu'elle était vue comme une femme forte, il y a eu des campagnes marketing en France où Lara Croft était à moitié nue et où on avait cette espèce de promesse de « demain je fais tomber le rideau ». Alors je ne me souviens plus de la révélation si elle était floutée ou bien en tenue légère mais on a eu l'arrivée de nouveaux fantasmes virtuels sur des personnages iconiques. Les choses ont changé, on a quitté un peu en Europe et en Occident cette image de l'héroïne de jeux vidéo qui doit être tirée des stéréotypes du corps parfait en très petite tenue, très réduite.

J'ai travaillé sur Overwatch qui a vraiment ce désir de diversité et d'inclusivité. On a des personnages féminins qui ne sont pas des critères de beauté classique avec des femmes potelées, fortes, musclées. Le personnage principal, Tracer, c'est celui qui est sur le pack, sur la présentation du jeu et c'est un personnage qui vit avec une autre femme. C'est tout un pan de lore qui est exploré seulement dans une BD à côté du jeu et pas du tout dans le jeu. Le but n'est pas de montrer le côté LGBT, d'annoncer qu'elle est lesbienne mais simplement de raconter sa vie pour la montrer aux joueurs. On s'est préparés au pire parce qu'en Russie on risquait de

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tomber sous la loi de la promotion de l'homosexualité auprès des mineurs (il est interdit de promouvoir l'homosexualité auprès des mineurs). On s'est préparé à dire que oui elle est lesbienne mais non ce n'est pas la promotion de son orientation sexuelle, c'est juste un ajout au jeu pour connaitre le personnage. On a eu de la chance parce que vu la situation en Russie c'est passé inaperçu mais aux États-Unis on a eu des milliers de demandes de remboursement de joueurs qui ne cautionnaient pas de jouer un personnage homosexuel. Pour eux c'était hors de question de continuer à jouer à ce genre de jeu. C'est vraiment de là qu'on a eu le plus de plaintes concernant ce personnage. Ça montre vraiment le puritanisme de certains territoires qu'on pense un peu plus libérés. Après, il y a une question de culture. En Europe et en Amérique du Nord avec tout ce qu'il se passe, ça change et ça avance dans le bon sens mais ça ne va jamais assez vite.

Mais dans les pays asiatiques, on est encore sur l'ultra sexualisation des personnages notamment sur mobile on est toujours dans les stéréotypes de l'écolière japonaise, très sexualisée. Ça prend du temps mais on y participe à différents niveaux. Par exemple, le bloodcasting c'est quelque chose que moi j'ai organisé. Dans le jeu BloodRayne, le personnage principal est une vampire un peu sexy mais c'est avant tout une femme forte, sure d'elle, qui dirige, personne ne peut lui résister etc. On a voulu faire parler du jeu, le mettre en avant et pour cela on a organisé un casting pour trouver l'égérie qui allait faire la pub du jeu même si le jeu n'était pas bon. Donc on s'est dit que la presse du jeu vidéo n'allait pas parler du jeu donc on voulait essayer de trouver un public un peu différent.

Le problème, c'est qu'on a été pris à notre propre piège. On a eu énormément de médias qui nous ont bombardés d'interview sur pourquoi mettre en avant cette jeune femme qui avait gagné un casting. Ils voulaient interviewer ces participantes parce qu'ils se sont dit « ça va plaire à notre lectorat de montrer les photos, de montrer des jeunes filles prêtes à se transformer en personnage de jeux vidéo » alors que nous ça n'était pas du tout le but de notre casting à la base et qu'on voulait juste mettre le jeu en avant. Il y avait un réel désir de la part de ces médias de jeux vidéo de montrer ces femmes qui ne connaissaient pas forcément, auprès de leur lectorat masculin pour les mettre en avant. Ce n'est pas toujours évident de changer les choses, de les faire différemment. On ne prévoit pas tout ce qui peut se passer.

Et après oui il y a ce choc des cultures. Pendant longtemps on a vu cette image de la femme sexualisée donc ça prend du temps à changer. Je connais des personnes d'autres cultures qui

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disent « qu'en France ce qui marche c'est la jeune fille en bikini parce que vous êtes un pays de romantiques, de loveurs ». Donc il faut prendre le temps de leur expliquer qu'il n'y a plus cette envie et ce besoin de mettre en avant la femme juste de par son corps.

Je travaille depuis longtemps dans le jeu et j'ai eu beaucoup de stagiaires hommes ou femmes et mon discours est toujours de dire « si ta passion c'est le jeu vidéo, si tu veux travailler dans le jeu vidéo il faut être reconnu pour ses qualités professionnelles et non pour autre chose ». Parce que c'est un monde masculin donc c'est difficile d'émerger en tant que professionnel. On avait par exemple beaucoup d'attachées de presse qui étaient des femmes et certaines profitaient de leur statut et de leur position pour plus facilement charmer des journalistes qui étaient un peu désarmés face aux rares femmes de ce milieu. Ça ne renvoie pas non plus une bonne image de la femme qui doit être juste là pour faire son travail en tant que professionnelle. Il n'y a pas besoin de minauder, charmer, séduire pour obtenir ce dont on a besoin. C'était une sorte de très gentil flirt qu'on ne tolérerait surement pas aujourd'hui. Mais cela venait de la femme et pas que de l'homme. Ça pouvait arriver que des développeurs de jeux vidéo incluent des professionnelles parce qu'ils étaient sous le charme de cette personne.

Chez Blizzard en Europe, il y a eu des cas de harcèlement moral comme dans malheureusement beaucoup de grosses entreprises, mais on est tombé des nues quand on a appris qu'il y avait ces grosses accusations de harcèlement aux États-Unis alors qu'on avait un peu cette image de modèle, d'entreprise familiale chez Blizzard. On a dû renommer un personnage d'Overwatch parce qu'il avait un lien avec une personne accusée de harcèlement sexuel. Pour les joueurs, ça ne change pas grand-chose mais il n'y a pas de référence à une personne mise en examen. Dans la structure où j'étais on n'était pas une structure de développement donc on avait pas ce système d'emprise sur les jeux en tant que créateur.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Sur Overwatch on avait eu un cas d'une joueuse coréenne très forte et certains pros players lui ont dit que c'était impossible qu'elle joue comme ça. Et il y a eu un stream où elle a montré ce qu'elle était capable de faire face à un homme disant « si tu joues comme ça à l'esport moi j'arrête l'esport ». Bien évidemment, il n'a pas arrêté mais elle a prouvé que ses capacités étaient bien les siennes. Mais la question qui se posait toujours c'était qu'on a des centaines d'équipes sur Overwatch League donc environ 200 joueurs professionnels mais pas une seule

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femme. Alors est ce que c'est quelque chose d'ouvertement sexiste ou est ce qu'il y a vraiment un gap entre l'astreinte d'être un joueur professionnel ou pas. Mais oui on a eu cette situation aberrante où une joueuse semi pro est accusée de triche parce qu'elle est trop forte. Alors qu'au final on s'en fiche que ce soit un homme ou une femme, la personne est forte et c'est tout.

Il y en a eu beaucoup sur Overwatch ou d'autres jeux où on explique à une femme qu'elle doit jouer support parce qu'une femme ne peut pas jouer un DPS ou un tank qui sont des roles plus guerriers. Non c'est une fille donc ça doit jouer Mercy (personnage support), tu dois jouer le heal. Ça a même donné lieu à une chanson sur Overwatch « You should've played Mercy » qui est le contenu le plus visionné d'Overwatch sur YouTube où un homme dit à une femme de jouer Mercy tandis que l'autre ne veut pas du tout jouer cela.

D'ailleurs Overwatch a été l'un des jeux les plus féminins en termes de public de joueuses. Il y a une véritable croissance de joueuses sur ce jeu, on n'est pas arrivé à l'égalité mais on pouvait monter à 20-25% de joueuses mais toujours 0% en catégorie esport.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Alors je comprends pourquoi ça a existé. Mais par exemple, les Frag Dolls, c'était une équipe de joueuses montée par Ubisoft qui participaient à des tournois de jeux de shoot, mais je trouve que ça n'aide pas. C'est bien en effet parce que ça montre qu'il y a aussi des joueuses mais il y a un côté où on se dit « c'est l'équipe des femmes » donc un peu comme l'animal de foire qui est pointé du doigt. Pourtant on ne pointe pas les hommes du doigt donc il faut avant tout montrer les joueurs et les joueuses pour leurs compétences et non en fonction de leur sexe. En réalité, on aimerait que le féminisme n'existe pas parce qu'on arriverait dans un monde utopique où tout le monde serait sur un même pied d'égalité donc il n'y aurait pas besoin de lutter contre le sexisme et le machisme puisque ça ne serait plus là. Mais en attendant on a besoin de ces gens qui se battent pour équilibrer les forces, mais ça prend du temps.

5- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Il y a de plus en plus de mixité et de diversité au niveau du monde du travail. On a de plus en

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plus de femmes qui dirigent des studios.

Après au niveau de la façon dont elles sont représentées c'était le cas il y a quelques années mais ça l'est quand même beaucoup moins maintenant. On a surtout des femmes fortes et indépendantes dans la vie comme dans les jeux. Mais cela prend forcément du temps, quand on sait que notre audience est à 90% masculine, on veut plaire aux hommes en premier parce que c'est la cible. Mais c'est pour beaucoup de choses et pas seulement les jeux vidéo. Même dans un mauvais film d'action avec des tirs de combat etc, à un moment donné le héros va quand même croiser une pin up parce qu'on ne va pas mettre une madame tout le monde dans le film. Ça évolue quand même dans la bonne direction avec les héroïnes de The Last of Us ou d'Horizon Zero Down il y a du progrès, l'image change. Je me dis pas du tout qu'elles sont sexualisées.

Les jeunes générations changent, après des abrutis il y en aura tout le temps. Le côté harcèlement, je pense que ce n'est pas tellement lié aux jeux vidéo mais bien plus aux réseaux sociaux, c'est une véritable caisse de résonance de la bêtise humaine. Malheureusement, on a le contenu qu'on mérite. On fait la promotion de contenus dégradants, des émissions de téléréalité, les stupidités et l'image de la femme qu'on renvoi avec es émissions sur « les femmes de footballer » qui n'ont aucun intérêt, je pense que la bêtise humaine continuera à exister.

Je ne pense pas du tout que ça soit juste lié à l'image que l'on renvoie dans les jeux vidéo. Elle est tout de même meilleure depuis le temps que j'y travaille. Je vois les choses aller dans le bon sens. Mais je n'ai pas l'impression que la civilisation aille dans le bon sens de toute façon. Donc je ne pense pas que ça soit liée à l'image de la femme dans le jeu même si elle est forcément meilleure que ces dernières années.

Annexe 9 - Retranscription entretien Bilel Naouar (Joueur professionnel sur World of Warcraft)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Bilel, j'ai 27 ans, je suis joueur de jeux vidéo professionnel sur WoW même si sur ce jeu-là, il n'y a pas vraiment le concept de joueur pro. Je participe aux tournois, je coach les gens sur ce jeu, pas des équipes mais des personnes lambda qui veulent s'améliorer. C'est mon

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métier depuis un an et demi, je travaille en collaboration avec une entreprise de Coaching qui est l'une des plus grosses entreprises de coaching sur ce jeu.

Ça va faire depuis 2008 que je joue à WoW et en toute transparence je n'ai pas vraiment de type de jeu en particulier même si c'est surtout les MMO que je préfère. Je joue à LoL, CS, FIFA, vraiment un peu tous les jeux.

Je fais du coaching sur un peu tout type de profils, plutôt pas mal d'hommes de différents pays, âges. J'ai beaucoup coaché un prince des Émirats Arabes Unis, mais j'ai aussi des businessmen comme des personnes lambda. On fonctionne par saison, au début de saison comme il faut augmenter le plus vite possible c'est un peu plus cher à ce moment-là et en fin de saison pareil parce qu'il faut obtenir des titres et des classements le plus rapidement possible.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je pense, oui, c'est un marché très masculin ou du moins très perçu comme masculin. C'est un peu comme le marché du sport, c'est un marché où les hommes vont être plus valorisés que les femmes, on va penser qu'un homme peut faire plus de choses qu'une femme, qu'il est plus fort qu'une femme, qu'il est plus compétent qu'une femme.

Je parle en tant que joueur c'est beaucoup comme ça que ça fonctionne. Dans les entreprises du gaming c'est un peu différent, avec plus de femmes qui cast notamment sur WoW on a souvent un homme et une femme, qui organisent des compétitions mais ça reste un marché très masculin.

Au sein du jeu, on le voit beaucoup et surtout sur WoW. Un peu moins maintenant parce que ça s'est plus développé mais c'est vrai que la femme était très sexualisée dans le sens où on ne se voyait pas, on parlait beaucoup sur discord ou d'autres réseaux et quand une femme arrivait dans une communauté ou dans des guildes elle était très perçue avec un regard sexuel, tout le monde était un peu sur elle. Elle pouvait ne pas être forte au jeu, mais les gens l'intégraient parce qu'ils attendaient quelque chose de spécifique. Il y a eu beaucoup d'histoires où ça s'est passé comme ça mais ça s'est un peu calmé.

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3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Un marché égalitaire absolument pas. Comme évoqué au début, c'est un marché très masculin donc un homme va être perçu d'une bien meilleure manière qu'une femme. On fera plus confiance à un homme qu'a une femme pour certaines tâches. Par exemple dans le monde du coaching, il n'y a que des hommes alors qu'il y a des femmes qui jouent très bien au jeu. L'homme est perçu comme quelqu'un de confiance, de plus fiable alors que ce n'est pas à juste titre puisqu'il y a des femmes très fortes, des hommes très mauvais ça n'a rien à voir avec le sexe mais l'homme est toujours perçu comme plus aptes, meilleur. Et ça ce n'est pas que sur WoW mais sur beaucoup de jeux vidéo.

Historiquement, dans la société dans laquelle on vit, beaucoup de personnes pensent que la femme est plus faible que l'homme. On le ressent dans le monde du travail avec les inégalités de salaire, les postes à responsabilités qui ne sont pas confiés aux femmes.

Forcément, si dans la vie réelle, dans l'entreprise, les gens pensent déjà que la femme est moins forte, moins apte, moins compétente forcément, ça aura des répercussions sur le jeu. Si on entend aux informations ou dans l'entreprise que la femme est moins bonne dans toutes les catégories, on va se dire très vite « moi je ne me ferais pas coacher par une femme, mon maitre de guilde ne sera pas une femme, une femme ne pourra pas me lead correctement ».

Je pense que c'est nul, j'ai joué avec beaucoup de femmes sur ce jeu qui étaient très fortes mais si déjà dans la vie réelle les pensent comme ça forcément dans le jeu on va aussi le ressentir.

4- Que pensez-vous des ligues féminines ?

Je pense que ça part d'une bonne intention mais ça masque le problème réel qui catégorise la femme dans un tournoi parce qu'elles ne peuvent pas participer à des compétitions mixtes. Ça part d'un bon principe parce que ça reste bien d'avoir une compétition où toutes les personnes sont un peu sur le même piédestal et toutes les femmes participent. Ça cache un peu le problème de dire qu'on crée une compétition pour elles, parce qu'elles ne pensent pas participer à une compétition où il n'y a que des hommes.

S'il y avait eu une compétition 100% féminine en plus de toutes les autres compétitions où elles peuvent participer, pourquoi pas, là je me dis que c'est une excellente idée. Mais si c'est une ligue spéciale c'est masquer le problème de base.

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C'est clairement de la discrimination envers le sexe, une femme est perçue comme un objet à caractère sexuel et non en tant que joueuse. C'est un monde spécial, quand on utilisait le terme geek à l'époque, c'est des joueurs qui sont renfermés sur eux-mêmes, qui ne sortent pas etc. C'est un peu cliché et ça a changé mais il y en a beaucoup pour qui c'est le cas. Donc pour eux la femme va avoir une image différente de ce que les gens peuvent penser au quotidien. Et comme c'est de la discrimination envers le sexe, c'est pour ça qu'on en arrive à un moment où les femmes veulent rester entre elles et c'est pour ça qu'une compétition comme ça éviterait des problèmes. J'ai déjà entendu parler de certaines personnes qui formaient des groupes avec des femmes, l'une d'entre elles sort avec le chef de guilde, ça se passe mal et donc le groupe se casse la figure. Peu importe que ce soit de la faute de l'homme ou de la femme mais dès qu'il y a ce genre de perceptions c'est là qu'il y a un problème.

5- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Je n'ai jamais vécu de harcèlement dans le jeu mais j'ai vu des situations comme ça. Il y a une streameuse sur WoW qui s'appelle SnowMixy qui est très connue, avec des milliers de followers. Elle jouait avec l'un des joueurs les plus connus du jeu Zeepeye et donc les deux sont des joueurs PVP. Ils faisaient du 3V3 sauf que pour la plupart des gens ce n'était pas normal que les deux jouent ensemble parce qu'ils ne pouvaient pas avoir le même niveau, pour eux il y avait anguille sous roche. Donc il y a eu des rumeurs comme quoi elle se faisait PL, coacher en échange de compensations en nature. Du coup à chaque fois qu'elle lançait un stream avec lui c'était du harcèlement h24 sur son Twitch ou Twitter avec « tu fais cela pour qu'il joue avec toi, t'es une pute, vous les femmes vous êtes toutes pareilles ».

C'était impossible pour eux qu'une femme puisse jouer un aussi bon joueur, pour eux il y avait clairement une offre en nature derrière pour contrebalancer le fait qu'ils jouent ensemble. Alors que c'était juste des amis, qu'ils s'appréciaient bien, qu'il n'y avait rien et que juste ils avaient un bon niveau.

Elle a super mal vécu la situation et a fait un Tweet long sur le sujet et sur tout ce qu'il se passait, sur comme quoi même s'ils étaient proches cela ne venait en rien interférer avec le jeu et que ça n'avait rien à voir. Il y a eu aussi de l'autre côté. SnowMixy recevait des lettres de menaces

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chez elle et Zeepeye qui recevait des lettres de menaces de personnes disant « c'est ma copine, arrête de l'approcher, tu vas arrêter de faire ce que tu fais », c'est parti très loin.

Il y a des exemples de guilde tombées à l'eau parce qu'une femme ou deux sont rentrées dans la guilde. Beaucoup considéraient qu'elles étaient trop proches d'un des officiers de la guilde et pour eux vu que c'était une femme « elle avait dû lui faire une gâterie » pour avoir une place en raid, en donjon, pour avoir des loot plus facilement.

Cruella a beaucoup changé cet aspect-là en PVE de même que Nagura parce qu'elles sont fortes dans les classes qu'elles jouent respectivement. Donc vu qu'elles sont meilleures que d'autres personnes peut être qu'on n'a pas que cet aspect de la femme, que ce n'est pas vrai tout le temps qu'une femme qui rentre dans une guilde n'est là que de manière sexuelle.

Pour le PVE et le PVP, on est sur deux communautés différentes sur WoW. Donc les mentalités sont très différentes, la seconde est beaucoup plus toxique. Par exemple, moi, vu que je coach même si ce n'est pas autorisé, lors d'un tournoi une année, certains de nos adversaires ont pris peur et sont allées prévenir les organisateurs pour être sûrs qu'on ne participe pas.

Pour la plupart, c'est être toxique juste pour être toxique, il y a des menaces pour les deux sexes. Après, une femme prend un peu plus pour son grade parce qu'il y a toujours cette vision qu'une femme ne peut pas gérer un homme.

Je suis maître d'une guilde qui fait top 15 français, c'est assez respectable et j'ai eu des femmes qui ont joué pour moi au sein de celle-ci. Je mettais directement les points sur les i avec tout le monde parce qu'il y a des blagues qui vont être perçues comme drôles pour nous mais pas pour les femmes parce qu'on a tous notre vision des choses. J'ai toujours eu beaucoup de femmes qui sont venues avec nous, qui sont restées parce qu'il n'y a pas ce petit truc qui fait que ça devient bizarre parce qu'une femme arrive dans le groupe. Que tu sois un homme, une femme, un zèbre, un âne tant que tu joues au jeu, tu es le bienvenu et sans aucun problème à ce niveau-là.

6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

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Je pense que non, il n'y a pas de rapport en tout cas pas sur WoW. On n'a jamais eu de sexualisation de la femme mais WoW a dû faire une refonte de ses personnages féminins à cause de cette question-là, à cause du harcèlement envers des femmes. Selon les femmes qui jouaient aux jeux et les femmes qui travaillent chez Blizzard c'était parfois un peu borderline. De mémoire c'est arrivé pendant Shadowland, la dernière extension du jeu.

C'était entre autres à cause d'une histoire de harcèlement notamment sur le PDG actuel de Blizzard qui va être renvoyé en raison du rachat par Microsoft à cause de ce genre d'histoires. La modification qui a été faite portait sur les personnages en jeu. Par exemple, si on choisissait de jouer un personnage féminin, une elfette, on pouvait lui enlever son armure et elle se retrouvait en sous-vêtements.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa
faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Je pense qu'il y a une corrélation non pas sur l'aspect soumis de la femme mais sur le terme inférieur. Le fait que les gens aient la vision d'une femme qui est moins apte qu'un homme cela a forcément des conséquences sur le fait qu'elle ne puisse pas accéder à certains aspects du jeu. Il y a forcément des gens avec une mentalité un peu arriérée sur les jeux.

Par exemple sur Call of ou Counter Strike, pour beaucoup de personnes, c'est impensable qu'une femme soit plus rapide qu'un homme. On doit toujours être plus prêt, plus rapide que la personne en face de soi et pour beaucoup une femme ne peut pas être meilleure qu'un homme alors que ça n'a aucun rapport. Oui, le fait que beaucoup pensent que la femme est inférieure à l'homme crée des problèmes à haut niveau pour les femmes.

8- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Ça a été utilisé comme outil c'est sûr. Je sais que par exemple, pour tout ce qui va être une sortie d'extension sur WoW, pour toutes les sorties de jeux Blizzard, c'est souvent des hommes à l'affiche mais pour tous les produits dérivés comme la présentation d'un tournoi ça va être des femmes parce qu'ils ont besoin de ramener un peu plus d'engouement.

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Je pense que c'est un choix réfléchi des entreprises d'utiliser la femme ou du moins le corps de la femme comme un outil marketing parce quel que soit le domaine ça fera forcément plus vendre. C'est les codes de la société, je ne sais pas pourquoi mais une femme dans une publicité ça rapporte plus de visibilité qu'un homme.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Bien évidemment, c'est un monde très masculin, il y a plus d'hommes que de femmes qui jouent aux jeux en général. Donc ça passera par nous avant de passer par les femmes. Il y a des actions qui peuvent être mises en place, valoriser la femme, son gameplay, les mettre un peu plus en avant pour montrer qu'il y a des femmes tout aussi aptes que des hommes à fournir du contenu de haut niveau et intéressant.

Il y a plein d'actions de communication à faire dessus. Je pense que la ligue féminine à ce niveau n'est pas une mauvaise idée parce que ça peut apporter un engouement avec un meilleur niveau, un meilleur spectacle. Mais il faut que ça soit bien fait, si c'est quelque chose de qualité il y aura une meilleure image de la femme mais le contraire est aussi vrai parce que s'il n'y a pas de niveau on va directement descendre les femmes.

Annexe 10 - Retranscription entretien Cholé Brissaud (Responsable communication chez YaLLa Esports)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je m'appelle Chloé j'ai 27 ans, je suis de Toulouse, j'ai fait mes études à Kedge en Marketing / Com. J'ai commencé ma carrière chez Airbus donc rien à voir avec le monde du jeu mais j'ai toujours été une joueuse depuis que je suis petite. C'est une passion qui a toujours été avec moi, avec cet objectif d'y faire carrière.

Au moment de trouver ce premier stage, il y avait eu la question de prendre Ubisoft. J'ai toujours voulu travailler dans les jeux vidéo donc forcément je me suis beaucoup posé la question au final j'ai pris Airbus pour diverses raisons mais ça a toujours été avec moi, cette envie de jouer aux jeux vidéo.

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En termes de jeux auxquels je joue c'est assez varié, ça a beaucoup évolué dans le temps. J'ai un peu délaissé le côté compétitif et multijoueur pour me consacrer à des jeux indépendants, un peu plus créatifs, artistiques avec du solo gaming. J'ai passé un bon 15 ans dans WoW où j'ai joué à assez haut niveau.

J'ai eu l'occasion de venir à Dubaï à l'occasion des échanges avec Kedge. J'ai passé un bon 5 ans ici chez Airbus dans la communication. Et pendant le Covid j'ai eu cette grande remise en question sur ma vie, sur mon envie de travailler dans l'esport et de manière random j'ai fait des recherches et j'ai contacté cette team qui s'appelle YaLLa Esports pour avoir un début d'expérience dans le gaming dans le milieu professionnel. J'ai commencé dans la communication en part time, en volontariat. Et au fil du temps j'ai fini par rejoindre l'équipe en full time depuis septembre dernier en tant que directrice de la com.

L'équipe a commencé en 2016, c'était l'idée d'un seul mec qui a vu qu'il n'y avait pas de structure pour accompagner les joueurs au Moyen Orient. Il a lancé une équipe sur Overwatch qui a très bien performé et au fil du temps les rosters ont évolué. A l'heure actuelle on joue sur du Hearthstone, du CS GO, du Wild Rift, du Valorant, du PUBG parce que le marché mobile est très développé ici.

On n'est pas encore connu au niveau international parce qu'on veut développer des talents arabes mais on a pas encore le niveau des US, de l'Asie ou de l'Europe par exemple. Le niveau compétitif, c'est plutôt régional. On a aussi développé une agence de marketing qui fait des campagnes parce qu'on a remarqué que beaucoup de clients ont entendu que l'esport est un bon marché à saisir en terme de business donc elles veulent faire quelque chose dans l'esport et elles nous contactent pour avoir des informations parce qu'elles ne connaissent pas trop le milieu. On est une agence qui produit des events, qui fait du social media campaign, de l'influence, du management. C'est assez unique dans le monde. On est un peu la seule équipe de la région qui a ce côté compétitif et ce côté commercial.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je pense qu'il l'a été, qu'on a tous un peu vu ces vieilles publicités pour des consoles ou des

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jeux très sexualisantes c'est indéniable. Il y avait beaucoup d'affaires de sexisme et même encore aujourd'hui avec des entreprises comme Blizzard et Ubisoft. Alors est ce que c'est quelque chose qui est propre aux jeux vidéo, je ne pense pas je pense que c'est un peu un phénomène global même si on a grandi avec l'idée qu'à la base c'est un passe-temps d'homme.

Je pense qu'aujourd'hui ça s'est beaucoup atténué, il y a beaucoup d'initiatives qui promeuvent les femmes, avec plein de jeux qui montrent des femmes. Je vois beaucoup moins de jeux sexistes, on a au contraire beaucoup de personnages principaux qui sont des femmes.

Après, si on parle des skins, si on prend l'exemple de League of Legends tels que les personnages féminins sont représentés c'est avec des énormes poitrines, des habits très sexy. Est-ce que c'est sexiste, personnellement je ne sais pas, ça ne me dérange pas. Mais en tout cas je pense que ça l'est beaucoup moins qu'avant, que ça s'est beaucoup démocratisé. On a encore cette image que c'est un passe-temps d'homme mais quand on regarde les statistiques ça met en évidence qu'une grande partie des femmes sont des gameuses et qu'elles sont de plus en plus présentes sur ce marché. Et ça a vraiment été intégré par beaucoup de parties prenantes de l'industrie qui le prennent en considération dans leur stratégie et dans leur manière de travailler.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Au niveau personnel, pas du tout mais au niveau de l'équipe, sur 17 on est 4 femmes mais c'est aussi l'industrie qui veut cela pour l'instant. L'aspect évident c'est de voir que dans la région il n'y a pas ou très peu d'équipes féminines d'esport et c'est quelque chose sur lequel on travaille beaucoup d'ailleurs on est en train de faire notre propre équipe féminine sur Valorant. Mais je ne pense pas que ce soit que du sexisme mais plutôt un effet sociologique qui bouge doucement parce qu'au début les femmes n'étaient pas forcément attirées par ce genre de carrière mais je pense qu'au final il va y avoir de plus en plus de femmes attirées par cela et ça va changer de manière organique.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Je pense qu'il y a plusieurs aspects. Sur l'aspect corportae, des femmes qui voudraient travailler dans l'esport mais pas au niveau compétitif, bosser dans la com, le marketing, je pense qu'il n'y a pas du tout de discrimination, qu'on a toutes nos chances d'intégrer l'entreprise qu'on veut si on a les compétences nécessaires. Il peut même y avoir de la discrimination positive qui

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pousse un peu les femmes vers le haut.

Après, au niveau compétitif c'est hyper compliqué, je pense que le chemin est beaucoup plus complexe, il y a beaucoup moins d'opportunités et ce n'est pas super pérenne comme modèle. À un niveau personnel, je ne pense pas que c'est une bonne chose mais j'ai toujours essayé de cacher que j'étais une femme dans les jeux parce que je ne voulais pas une différence de traitement, je ne voulais pas que les personnes avec qui je jouais changent. J'en venais à tourner les femmes pour éviter de montrer que je suis une femme.

Évidemment quand on parlait sur Teamspeak ou Discord, je ne pouvais pas dissimuler ma voix, les gens sont plutôt bienveillants, personnellement je n'ai pas eu de problèmes de sexisme dans les jeux mais je n'avais pas envie que les hommes s'adressent différemment à moi. Il y a toujours l'idée que la femme gameuse est rare. Ils vont avoir des comportements positifs hein, c'est des hommes qui vont vouloir prendre un peu soin de toi. On ne m'a jamais dit que j'étais en dessous du level, que j'avais pas ma place non c'était plutôt un désir de m'aider à faire une quête, un boss. C'était plus gentil qu'autre chose.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

J'ai toujours été rendue perplexe par ce split entre des équipes d'hommes et de femmes qui est hérité du modèle sportif traditionnel. Pour moi ça s'explique moins dans le gaming, homme ou femme ça ne change pas vraiment la performance on a tous un ordinateur et une souris alors que dans le sport ça peut se comprendre au niveau du physique. Donc pour moi ça n'a pas de sens de séparer les deux.

Pourquoi on prend ce chemin d'avoir des équipes de femmes, je ne sais pas, mais idéalement dans le futur on aurait des équipes mixtes. Ça peut pousser un peu les femmes en leur donnant de la visibilité mais pour moi ce n'est pas idéal parce qu'on a cette idée de ségrégation.

Alors pourquoi nous on a pris cette décision de créer une équipe dans l'association ? Ils ont dû voir du potentiel chez des joueuses dans la région avec un bon niveau, qui streament et créent du contenu. On a lancé ça pendant la journée de la femme et ils sont en train de chercher des talents pour créer cette équipe. Il y a une volonté de montrer les femmes mais il faut que ce soit bien fait pour que ce soit accepté, il faut un réel process et pas juste agir comme cela pour se

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faire bien voir.

Quand j'étais chez Airbus, il y avait eu un sponsor d'une équipe féminine sur League of Legends qui est allée en finale d'une compétition et il y avait un sacrément bon niveau. Après, est-ce-qu'elles pourraient gagner contre des équipes d'hommes je ne sais pas d'ailleurs j'imagine que oui je ne vois pas pourquoi ça serait autrement. Après, pourquoi elles n'ont pas duré dans le temps, pourquoi les équipes féminines ont une durée de vie moindre c'est peut-être quelque chose qu'il faut creuser.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

C'est une des raisons pour lesquelles les jeux les plus populaires sont des jeux de guerre, de tir en tout cas des jeux ou il faut exterminer l'autre. Je le vois avec les mecs de mon entreprise ils sont tous très compétitifs, ils se vannent sur leur rang dans un jeu, en gros tu gagnes le respect quand tu es le plus haut gradé dans un jeu. Pour moi en tant que femme je prends le jeu vidéo en tant qu'oeuvre d'art, je vois les éléments de travail derrière, la musique, la direction artistique, le gameplay, je décompose un peu les éléments de travail derrière tandis que les mecs vont tryhard et ça sera à qui est le plus fort.

Quand je jouais à WoW j'avais beaucoup cette expérience de jeu où je voulais trouver des drops ayant 1% de chance de loot, chercher des hauts faits, faire des quêtes secondaires. C'était des choses pas forcément utiles mais ça me faisait trop plaisir. Et c'est un pote qui m'a entraîné vers les raids, les donjons et oui c'était bien mais ça n'était pas un mode de jeu vers lequel je me serai orientée de base du fait aussi que le côté compétitif, être au top de soi-même ce n'est pas pour moi.

Au travail, je veux être la meilleure mais au niveau du jeu je veux juste me détendre sans avoir besoin de prouver aux autres que je suis meilleure de quelque manière que ce soit.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Ça fait longtemps que je réfléchis à streamer et ce qui me retient c'est de m'exposer sur internet à des gens que je ne connais pas. C'est ouvrir mon intimité à ces gens-là que je ne connais pas.

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C'est m'exposer à des comportements qui seront négatifs, insultants, grossiers voir même complètement dans le harcèlement.

C'est quelque chose qui arrive beaucoup aux streameuses, j'en parlais avec une streameuse récemment, que ça arrive très souvent que des mecs insultent, parlent mal, soient sexistes. Et c'est quelque chose qui est là mais qui est clairement inacceptable.

Je pense malheureusement que ce n'est pas que dirigé vers les femmes, il y a beaucoup de toxicité dans les jeux en général notamment sur LoL. C'est aussi pour ça que j'ai arrêté parce que pour moi un jeu c'est un moment de détente, je ne joue pas pour me faire insulter ou entendre des jeux s'insulter entre eux. Sur les MOBA, c'est des flots d'insultes et pour moi ce n'est même pas une question de genre ou de sexe c'est au niveau du jeu, il y a des gens très jeunes, très frustrés et le fait d'être derrière un écran leur permet de se lâcher. Alors quand c'est une femme, les insultes changent pour quelque chose de sexiste mais pour les hommes aussi. Ils s'adaptent à leur audience mais il y a vraiment des gens hyper toxiques dans le jeu vidéo. Ça gâche beaucoup d'expérience de jeu alors certains s'en fichent et réussissent à juste mute la personne et continuer à jouer mais moi personnellement quand je joue avoir des gens qui m'agressent pour des raisons souvent stupides c'est pas quelque chose que j'apprécie et que j'ai envie de tolérer. C'est pour ça que j'ai pris la décision de changer de style de jeu mais c'est très dommage.

Est-ce qu'il y a un rôle de l'anonymat ? Oui je pense mais j'irai plus loin en disant que ça se retrouve aussi sur internet en général. Par exemple, un article de journal sur Internet si on regarde les commentaires il y a toujours des gens qui se manquent de respect.

Il y a une impunité et une toute puissance liée au fait de ne pas savoir qui on est surtout que dans le jeu on a un avatar et un pseudonyme donc c'est la porte ouverte au manque de respect car les gens savent que de toute façon ça ne va pas les impacter. Si on a des frustrations, qu'on est un mec qui a envie d'être toxique on peut le faire et que personne ne nous demande de rendre des comptes.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

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Alors pour le côté sexy des jeux, ce n'est pas parce que tu vois des personnages dénudés que tu vas devenir toxique et agresser toutes les personnes que tu vois. Je pense plus que c'est une question d'anonymat, de frustration, de laisser aller.

Il y a aussi un manque d'éducation avec beaucoup de gens qui sont très jeunes. Quand j'ai commencé à jouer j'avais 15 ans et je jouais avec des personnes de 25-30 ans, c'était un environnement hyper sain et j'ai l'impression qu'avec la démocratisation du jeu c'est beaucoup plus accessible à tout le monde mais donc à des gens très jeunes de 12-13 ans qui n'ont pas forcément les codes d'être civilisés et qui vont dire des trucs horribles. Après pour moi ce n'est pas lié à l'image de la femme surtout que dernièrement j'ai l'impression qu'il y a quand même beaucoup moins de sexisme, que les pubs sont beaucoup plus familiales donc il n'y a plus vraiment cet aspect de femme objet dans les jeux vidéo qu'on retrouvait avant.

Pourtant, j'ai quand même l'impression qu'il y a beaucoup plus de toxicité qui arrive parce que c'est un exutoire pour des personnes qui ont la haine, qui veulent se montrer comme alpha, montrer qu'ils ont la plus grosse devant leurs potes, qui veulent se montrer devant leurs potes sur un ton blagueur mais ils ne se rendent pas compte des conséquences.

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

Le monde de l'esport et du jeu vidéo c'est un monde un peu difficile à intégrer parce qu'il n'y avait pas de certification pour travailler dans le milieu à l'époque. Ça demandait vraiment aux gens de faire leur propre chemin.

C'est un peu dissuasif parce qu'on ne sait pas comment ça va évoluer, si c'est quelque chose de stable donc on va peut-être s'orienter de quelque chose de plus sécuritaire. Mais je vois de plus en plus de créatrice de contenu dans le monde arabe avec ou sans caméra et je n'ai jamais vu de commentaires malveillants, d'actes sexistes sur leur Twitter ou leur Instagram.

Je trouve la région assez bienveillante, ça a l'air de bien se passer pour ces femmes. Oui je pense que les carrières en jeu vidéo c'est pas quelque chose dont on nous parlait à l'époque quand on faisait nos études donc beaucoup de gens les ont considérés à l'époque. C'était que

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les grands passionnés qui bossaient chez des grands éditeurs mais ça évolue de plus en plus et j'ose espérer que les entreprises seront un peu plus mixtes.

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

J'en suis convaincue, on a toujours dit que le sexe fait vendre et je suis convaincue que c'est vrai. Je n'ai que LoL qui me vient en tête avec ces skins outrageux qui sont à peine habillés, avec des formes de corps démesurées. C'est quelque chose de complètement conscient, qui fait vendre et c'est un peu l'hameçon pour faire vendre et pour attirer le mâle de base. Je pense qu'il faudrait demander à des hommes si c'est quelque chose qui les attirent mais pour moi oui totalement.

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

La base serait d'avoir des comportements civilisés, c'est vraiment le minimum mais apparemment pas pour tout le monde. Ça serait agir comme dans la vraie vie avec des vraies personnes. Également souligner et mettre en avant les comportements inappropriés envers les femmes. C'est aussi aux gens qui ont un peu de pouvoir dans les entreprises de mettre en place des plateformes pour que les femmes puissent s'exprimer.

J'y pense maintenant, mais une chose qui me choque beaucoup c'est les hot tubs sur Twitch, je ne comprends pas qu'une plateforme internationale comme Twitch qui est sensée promouvoir la bienveillance et le politiquement correct puisse accepter quelque chose qui s'apparente à de la prostitution. Certes c'est légal mais en tant qu'entreprise pourquoi ils veulent vraiment normaliser ça ? Et quand on voit le nombre de vues sur ces channels, qu'elles se tagguent des noms sur les seins ça n'aide pas la cause féminine. Pour moi ce n'est même pas des gameuses, elles viennent juste exploiter la frustration sexuelle de certains gamers. Et avec ce genre de choses, ça va demander encore plus d'efforts pour être prises au sérieux.

Annexe 11 - Retranscription entretien Servane Fisher (Joueuse pro sur Counter Strike - Esport legal Council d'Ubisoft - Pole Esport de WIG)

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1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Servane, j'ai 35 ans, j'ai commencé les compétitions de jeux vidéo quand j'avais 13 ans sur Counter Strike et j'ai pratiquement joué pendant 10 ans. J'ai été recruté chez Ubisoft, je m'occupe de l'esport legal Council d'Ubisoft c'est-à-dire toute la partie relative à l'esport, les contrats etc. Et du coup à côté de ça j'ai rejoint WIG pour les aider bénévolement quelques mois après la création de l'association, après les avoir aidé ponctuellement sur le juridique, j'ai rejoint un pôle esport qui commençait à se créer pour proposer des projets et apporter mon expertise en esport.

J'ai commencé à prendre de la place notamment avec la proposition de projet comme les incubateurs, les tournois mixtes, beaucoup d'événements comme la Paris Games Week.

Je suis toujours chez Ubisoft, toujours chez WIG pour développer les projets, j'ai beaucoup aidé Riot pour développer des projets Game changer comme les tournois sur Valorant parce que je suis une grande fan de Valorant. C'est un jeu coup de coeur pour moi. Je fais beaucoup de tournois, je les organise et je caste, j'administre les tournois et avant je les ai opérés de A à Z.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Une chose est vraie, c'est que quand on commence le jeu vidéo et qu'on est jeune, on ne se rend pas compte de ce genre de choses. Quand j'avais 13 ans et que j'ai commencé à jouer, je ne réalisais pas, on se laisse bercer par ce qu'il se passe. Je jouais sur Counter Strike qui est un milieu militaire donc très masculin, je n'avais pas forcément conscience que c'était un jeu pas très attirant pour les femmes parce qu'il y a ce cliché du jeu pour homme, très attaché à la guerre, très militaire. Je n'en avais pas conscience parce que j'ai joué par des amis, avec de la communication d'équipe, des stratégies. Je ne me rendais pas compte que les filles étaient rares sur le jeu et surtout qu'elles peuvent ne pas être intéressées par ce type de jeu parce qu'il était très masculin avec beaucoup d'hommes sur le jeu qui n'étaient pas très ouverts à l'époque.

Quand tu es jeune, tu subis beaucoup d'influence, sans forcément sans rendre compte. C'est plus tard que j'ai réalisé que je voyais des femmes arriver sur la scène, je pensais que ça allait venir naturellement parce que j'en voyais toujours plus. Mais avec le temps, je me suis rendu compte que c'est beaucoup en dents de scie avec certaines années des nouveaux projets comme des tournois féminins qui avaient le mérite d'exister pour lancer des initiatives.

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Avec les années, on voit que les femmes arrivent, mais qu'elles repartent, il y en a beaucoup qui ne restent pas et la question que je me suis posée, c'est de savoir ce qui les bloque, pourquoi elles ne vont pas plus loin ? Je voyais en elle un vrai potentiel et je me suis dit que c'était du gâchis de les voir abandonner. J'ai commencé à avoir des réflexions en prenant du recul sur le jeu sur pourquoi elles ne restent pas. J'avais déjà une vingtaine d'année et je me suis interrogé sur pourquoi ces femmes partaient et c'est là que je me suis rendu compte qu'on a vécu de la toxicité, il y a des gens qui ne voulaient pas de moi, qui ont voulu me caler dans des équipes féminines et non-mixtes alors que j'avais un haut niveau, équivalent au leur.

J'ai commencé à me rendre compte des choses, à réaliser ce que c'était, souvent de la toxicité et surtout beaucoup de rejet. Je pense que j'ai eu beaucoup de chance, quand j'ai joué, il n'y avait pas tous ces réseaux de communication, il n'y avait pas beaucoup de jeu multijoueur, le vocal en ligne n'était pas beaucoup développé. Je me rappelle que sur Counter Strike, les gens parlaient peu sur le jeu et une fois qu'ils étaient morts, on ne les entendait plus parler. Donc c'était vraiment bien.

J'ai grandi dans un cadre qui n'est pas le même qu'aujourd'hui, je n'ai pas été exposée tant que ça à la violence du jeu en ligne et au fait que derrière un écran les gens se permettent n'importe quoi.

C'est comme ça que j'ai réalisé que je pouvais peut-être aider parce que j'ai quand même vécu pas mal de toxicité, même en face-à-face. Je l'ai vécu lors d'une LAN où je me suis faite insultée. J'avais un gros caractère, j'étais bien entourée et surtout, j'étais confiante parce que je savais que j'avais un bon niveau, du coup, je m'étais défendu et bien démerdé. Je l'avais vécu comme une normalité alors que non, ce n'est pas normal, ça ne devrait pas exister.

J'ai eu plus de chance que d'autres parce que j'étais bien entourée, j'avais des copains qui me défendaient. J'avais un gros niveau parce que je jouais avec des joueurs professionnels. Pour d'autres qui n'ont pas eu ces opportunités que j'ai eues, c'est beaucoup plus difficile, aujourd'hui il y a beaucoup plus de joueurs qu'avant, il y a une masse de joueurs beaucoup plus importante. Il y a aussi beaucoup plus de monde qui vont insulter, on ne sait pas qui ils sont, on a aucune possibilité de retracer, donc elles se permettent encore plus de menacer et d'insulter. Avec l'évolution de la société j'ai compris qu'il fallait faire quelque chose, qu'il fallait aider et

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redonner confiance à ces femmes pour leur montrer que c'est possible d'y arriver parce qu'il y en a qui l'on fait. C'est pour ça qu'aujourd'hui, je me suis engagée chez WIG parce qu'on voit moins de 10 % de femmes dans les compétitions, je trouve ça triste.

L'évolution a été beaucoup en dents de scie, avec des années meilleures que d'autres, avec des initiatives meilleures que d'autres. À un moment donné, on a des associations d'entraides qui ne tiennent pas et ça n'aide pas les femmes à s'impliquer dans l'esport.

3- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Est-ce qu'on peut avoir des grands changements oui sinon je ne ferai pas toutes ces actions, mais les gros changements arrivent avec des petites actions et c'est pour cela qu'on a du mal à y croire. Ce n'est pas immédiat, il faut forcément voir à long terme toutes les actions menées par les petites associations, elles ont forcément un impact. Si les gens arrêtent ces petites actions, c'est là qu'il n'y aura pas d'impact. J'y crois fortement sinon je ne ferai rien du tout.

Sur les tournois féminins, j'ai changé un peu mon fusil d'épaule dernièrement. J'ai toujours joué en mixte, on a voulu me caler en féminin à un moment donné juste parce qu'on était toutes des filles, on n'avait pas de point commun, on n'avait pas le même niveau, pas la même expérience, pas le même profil donc on ne performe pas et ça crée de la frustration en plus.

Chez WIG, je voulais créer des tournois mixtes avec tout type de genre dans les équipes. Je pense qu'il n'y a pas de raison de séparer les scènes et ça a très bien fonctionné. À la fin, on s'en foutait du genre, on regardait la performance de la personne.

Après pour les tournois féminins moi, j'étais contre parce que sur Counter Strike, quand ils ont lancé les ligues féminines, ils l'ont vraiment séparé des ligues masculines et ils ont fait en sorte que les femmes jouent en elles et n'aient pas forcément accès aux tournois réguliers. Les tournois féminins n'étaient pas vraiment poussés, on ne comprenait pas vraiment la vision qu'il y avait derrière.

La vision, c'était de dire « les femmes vous voulez jouer alors on fait un espace pour vous, mais on vous sépare ». On n'avait pas cette idée de nous intégrer à un moment donné non, c'était une scène à part, moins visible, avec moins de sponsors, moins d'argent.

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Ce qu'a fait Riot avec Valorant, c'est qu'ils ont fait cela avec une vision de diversité et d'inclusivité et non, juste une scène pour faire plaisir. Ils ont consulté la communauté, ils se sont demandés pourquoi il n'y avait pas assez de femmes et on se rend compte qu'il n'y a pas que la question de toxicité, mais aussi de mathématiques. Subir 15 ou 20 ans d'exclusion des femmes, on est en train de récolter les fruits de ces erreurs. Du coup comme les femmes étaient peu présentes, quand elles viennent aujourd'hui les femmes sont assez débutantes, elles sont peu nombreuses. Il faut en attirer beaucoup plus à la base pour pouvoir les avoir à haut niveau. Si on fait un tournoi sur 2000 joueurs, il y en a peut-être 10 qui vont avoir la chance d'avoir un contrat professionnel et si sur ces 2000 joueurs, on a que 50 femmes, on n'aura pas forcément une seule femme capable d'arriver au top.

C'est important d'avoir une vision saine, en faveur de la mixité et de la diversité en général. C'est important de dire qu'on veut faire une scène dédiée pour supporter, donner de la visibilité, donner envie de percer, progresser pour ensuite intégrer les circuits professionnels.

Pour Valorant, c'est génial d'intégrer les éditeurs pour qu'ils montrent leur vision et qu'ils soient cohérents dans ce qu'ils disent. Quand on regarde les différents tournois, entre le premier et le troisième, le niveau avait déjà beaucoup évolué. Donc si on met les équipes féminines ensemble, qu'on leur apporte une compétition saine et challengeante, avec un prix, avec de la visibilité parce qu'elles savent qu'elles vont être broadcastées, c'est ça qui va leur donner de la fierté et de la confiance en elles et qui va leur permettre de rattraper le retard qu'elles ont. On a vu un véritable changement de niveau, cela a permis d'attirer plus de femmes, c'est exponentiel, ce programme va leur donner confiance en elle, leur apporter de la visibilité et peut-être aussi permettre de détecter des talents pour des équipes mixtes de haut niveau. Il n'y a pas d'effets pervers tant que la vision est suivie.

4- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

À l'époque, j'avais vraiment un très bon niveau, autant qu'un mec, il n'y avait pas de différences donc je battais la plupart des gars que j'avais en face de moi. C'étaient des insultes qui venaient de nulle part, on m'a traitée de salope pour rien, parce que le mec a ragé parce que je l'ai headshot. Je me suis levé, j'étais énervée et je suis allée voir le mec en question. Je pense qu'il

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a tremblé plus que moi parce que quand je suis allé lui demander quel était son problème, il ne sait pas s'expliquer, il dit que ce n'est que pour rigoler, etc.

En ligne, je l'ai vécue aussi avec des femmes, j'ai des femmes qui m'ont traitée de « sale pute » parce qu'il y a une espèce de concurrence qui se crée, il y a tellement peu de place que quand elles sont là qu'il faut montrer laquelle est la plus forte.

La toxicité, je la vis tous les jours, je fais beaucoup de Valorant et d'Overwatch en ranked en ligne, je ne fais plus de compétition ou de LAN, mais en ligne la toxicité, c'est tous les jours. Hier soir, par exemple, on joue et puis alors qu'on commençait à perdre, j'ai parlé en vocal pour donner des infos en vocal et quand on a parlé, on nous a dit, « c'est bon il y a 3 egirl donc c'est loose ». Déjà, on nous traite d'egirl ce qui est assez péjoratif et pas agréable et on nous disait qu'en gros, on perd à cause de nous. Ça gâche la game parce qu'au lieu de se motiver ils se sont focus sur les insultes plutôt que sur le jeu. Je n'étais pas agressive, j'essayais de les motiver, mais c'était trop rageux donc on n'arrive pas à passer outre et on perd.

Ce sont régulièrement des insultes de « qu'est-ce que tu fais la, retourne à la cuisine », ils n'ont vraiment aucune imagination parce que c'est toujours la même chose qui ressort. C'est souvent « oh non une fille, oh non pas une fille, c'est bon, c'est loose ». Après j'ai de la chance parce que je joue bien, je suis souvent en haut du tableau donc je pense que ça a un impact et que je me fais moins insulter que d'autres femmes qui sont débutantes parce que quand tu es débutante, que tu galères un peu et qu'il y a des choses que tu fais mal les hommes sont beaucoup plus durs avec toi, tu es beaucoup plus jugée, il y a une pression de dingue, ils ne comprennent pas que tu débutes, on ne nous laisse pas de chance de progresser.

J'ai grandi dans un jeu vidéo où on donne beaucoup d'infos sur le jeu, sur les actions, sur ce qu'il se passe dans la game, mais on est pas là pour raconter notre vie et ça me dérange parce qu'en ranked les gens racontent leur vie, insultent et en fait, on ne peut même plus avancer, même plus progresser. C'est une frustration énorme et c'est ça qui fait qu'on baisse souvent les bras.

J'ai de la chance, de par mon expérience sur CS, je suis assez forte aux FPS en général dès le départ. Donc je n'ai pas trop ce genre de remarques. Ça m'est déjà arrivé sur d'autres jeux où je débutais et je ne comprenais rien comme sur LoL de me faire insulter de suite parce que je ne savais pas, je n'avais pas compris mon personnage, etc.

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5- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Je ne me suis jamais posé ce type de questions, mais je pense que forcément si on montre des personnages féminins très sexualisés, un peu niais qui sont sans contenus, sans saveur, je comprends que ça peut donner une image très négative et régressive de la femme et je comprends que des personnes se jettent dessus pour insulter. Ça donne l'impression que les jeux ne sont pas pour les femmes.

Aujourd'hui beaucoup d'efforts ont été faits, mais dire qu'il y a une corrélation oui et non. Ce n'est pas vraiment un lien direct qui fait qu'il y a cette toxicité ou un rejet de la part de certains hommes, c'est la société qui fait cela. Il ne faut pas voir cela comme quelque chose de défini et de restreint aux jeux vidéo, c'est des images qui sont véhiculées par la société, de la femme plutôt sage, sans trop de personnalité.

Dans tous les métiers vus comme un peu masculin comme les métiers militaires, technologiques, la société renvoie un message comme quoi ce n'est pas fait pour les femmes, donc quand elles arrivent pour se faire une place il y a un inconscient qui fait qu'elles ne se sentent pas à leur place aussi bien dans les mentalités des hommes que des femmes parce qu'il y a une sorte d'habitude.

C'est lié, mais ce n'est pas l'élément principal, ça a contribué à la toxicité et aux insultes, mais le problème est beaucoup plus large, au niveau de l'éducation, de l'image qui est transmise de la part des grandes marques.

6- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Oui, je pense, mais je pense que la société a évolué. Ce n'était pas forcément quelque chose de négatif à l'époque dans les années 70 à 90, on aimait beaucoup les clichés, on mettait beaucoup les gens dans des cases donc on pouvait sexualiser les femmes et en faire des objets sans avoir conscience des répercussions sur la société et pour les femmes.

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Est-ce que c'était volontaire ? Oui, parce que ça faisait vendre et que ça venait répondre à une demande de la société qui était faite de personnes qui avaient plein de clichés en tête, et c'est pour cela qu'on est venus répondre à ces clichés et à cette demande. Ce n'est pas volontaire d'avoir voulu rabaisser les femmes ou les exclure, mais la société était comme ça, elle était en demande de ça et aujourd'hui elle a beaucoup évolué donc il a fallu s'adapter à ça. Mais c'est un gros changement donc on a encore du mal, surtout en France, c'est une question de mentalité et c'est pour cela que ça va prendre un peu de temps.

Le marketing n'a fait que suivre la demande, ils ont vu que ça marchait donc ils ont continué. À l'époque, on a manqué de réseaux, de personnes, de lobbying de la part des femmes parce qu'on ne leur laissait même pas la place de s'exprimer et qu'à l'époque, il y avait une peur de s'exprimer et de s'assumer.

Quand on était différent dans la société, c'était perçu comme quelque chose de négatif. Aujourd'hui, on évolue avec notre temps, avec nos réseaux de communication, les médias, on a moins peur de ce qu'on ne connaît pas. Il y a toujours des problèmes de racisme, de sexisme, mais on s'est beaucoup amélioré et ouvert au monde.

7- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Des associations comme WIG sont là pour promouvoir la mixité, pour mettre en avant des femmes, des intervenantes qui elles pourront aider. On est là pour aider des hommes ou des femmes à monter des projets sur la mixité.

On ne veut pas prendre des initiatives sur tout, faire des projets sur tout, on est juste là pour pousser les gens à se lancer. On est là en tant qu'accompagnateurs de projets. Bien sûr, il y a des projets en interne, mais le but premier, c'est d'inspirer les autres, on veut montrer ce qu'on sait faire, on veut montrer que c'est possible et que ça fonctionne.

Au niveau de l'éducation, il y a de la sensibilisation et des expertes qui peuvent parler au nom de WIG pour montrer que le monde du jeu vidéo est un monde accessible à tous, mais on n'est pas là pour créer des programmes éducatifs. On va aider, booster, créer de quoi aider les écoles,

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mais on ne veut pas remplacer les entreprises. C'est aux entreprises et aux individus de faire le travail pour la mixité avant tout. Si les écoles ont envie de changer, c'est à elles de faire le pas. Pour moi, il y a un élément important, c'est que moi, je travaille avec des gens, des capacités, des personnalités, et non avec un genre ou une nationalité. J'ai beaucoup d'hommes avec moi, mais je m'en fous du genre. La mixité est arrivée naturellement.

8- Un mot de la fin

Je pense qu'il y a un message qu'il faut faire passer, c'est que les projets dans la mixité ce n'est pas facile, il faut bien s'entourer, il faut trouver les bons interlocuteurs et tout le monde n'a pas de manière innée une facilité à rencontrer les bons acteurs. Et surtout, il ne faut pas lâcher, quand on a une idée, il ne faut pas lâcher. Nous chez WIG, on est là pour aider et accompagner pour guider sans se soucier du sexe, on n'est pas là que pour les femmes, on veut aider tout le monde.

Je veux encourager les gens à créer des projets, c'est comme ça qu'on peut changer les choses, il faut arrêter de parler, il faut le faire, moi, je prône les petites actions parce que c'est ça qui permettra de faire avancer les choses.

Annexe 12 - Retranscription Entretien Mme Durand (Ressources humaines dans une grande entreprise de jeux vidéo)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je m'appelle Madame Durand, j'ai 25 ans aujourd'hui et ça fait 3 ans et demi que je travaille dans l'industrie du jeu vidéo, en RH. Je suis passée par plusieurs postes, le recrutement, l'administration RH, la gestion des relations avec les écoles de formation du jeu vidéo.

A titre personnel j'ai toujours joué aux jeux vidéo c'est pour cela que j'ai voulu travailler dans cette industrie et le sujet de la femme dans le jeu vidéo c'est quelque chose qui me préoccupe, je fais partie de beaucoup d'associations comme WIG et Afrogameuses.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Si on parle d'un point de vue produit, le jeu vidéo est assez sexualisé, il y a beaucoup de jeux

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où on va retrouver une image de l'homme et de la femme stéréotypés. C'est un produit culturel qui véhicule de nombreux stéréotypes. Il y a le premier cliché qui est que la femme dans le jeu vidéo est faible, qui attend d'être secourue, qui est exagérément sexualisée, qui est pourvue d'attributs et d'une tenue vestimentaire très apparent, souvent la femme a un rôle très secondaire. L'exemple le plus parlant c'est avec la série des jeux Zelda où la princesse ne fait pas grand-chose et c'est Link qui doit la secourir tout du long. Il y a ce genre de stéréotypes qu'on peut retrouver mais ça a tendance à évoluer de plus en plus dans le bon sens, on a beaucoup de jeux comme Horizon ou The Last of Us qui mettent en oeuvre des personnages féminins qui sont les héros du jeu et non plus des personnages annexes et qui vont avoir des rôles centraux dans le développement de l'histoire.

Au niveau de l'industrie, je pense qu'il y a des problèmes conjoncturels. Les jeux vidéo sont majoritairement développés par des hommes blancs. Ça se développe, il y a des efforts qui sont faits dans ce sens mais il la part de femme dans le développement des jeux est toujours très faible et minoritaire.

3- De la même manière celui de l'esport ?

C'est une question difficile parce que je m'y connais moins. J'aurais tendance à dire oui parce que les femmes sont sous représentées aujourd'hui dans l'esport. Ce qui me parle le plus c'est LoL, que ce soit dans les championnats du monde ou au niveau national on n'a pas d'équipes féminines ni de femmes dans des équipes mixtes.

Il y a eu des initiatives qui n'ont pas forcément aidé la cause dans le sens où je sais qu'il y a eu dans le passé une volonté de monter une équipe féminine et de les coacher pour qu'elles arrivent à un meilleur niveau. Cela n'a pas forcément fonctionné et ça a été utilisé comme mauvais argument pour dire que les femmes n'avaient pas le niveau, qu'elles n'étaient pas assez douées. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour féminiser la scène esportive.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Pour moi les réponses sont différentes en fonction des domaines. En terme d'expérience de jeu c'est quelque chose d'égalitaire, si on joue à Mario qu'on soit un homme ou une femme c'est égalitaire, on aura globalement la même expérience. Après il y a des choses qui peuvent blesser plus facilement, quand on est une femme on est plus facilement vulnérable aux clichés, à ne pas

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se sentir représentée dans certains jeux ou alors se sentir représentée via une apparence qui ne décrit pas vraiment les femmes comme dans la réalité.

Dans des jeux compétitifs comme LoL ou Valorant, le fait de jouer en solo à un jeu fait qu'on aura globalement la même expérience qu'un homme. Là où ça devient compliqué c'est quand on arrive dans un cadre où on est plus seul à jouer où il y a tout l'aspect communautaire. Quand on utilise un chat vocal c'est là où les problèmes peuvent se poser, c'est là qu'on se rend compte qu'on est la seule fille dans l'équipe et c'est là que débutent les problèmes d'expérience joueur. Au niveau professionnel, en tant que femme si on souhaite travailler dans l'industrie du jeu vidéo, l'industrie est égalitaire que ce soit au niveau des écoles de recrutement où être une femme n'est pas du tout un frein, au contraire c'est même un profil qui est beaucoup valorisé. C'est quelque chose qui est plutôt rare donc qui est très valorisé, c'est une force parce que c'est très recherché.

Mais par contre pour la scène esportive c'est le plus gros frein. Etre une femme dans l'esport c'est l'aspect le plus difficile. Quand on veut évoluer à un niveau professionnel, on a une certaine visibilité donc le statut de femme est immédiatement exposé, révélé aux stéréotypes de genre, à la discrimination que lorsqu'on joue sur un pc ou une console.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Je trouve que c'est une bonne idée, pour moi c'est une bonne chose de créer des équipes féminines parce que ça leur permet de se concentrer sur l'aspect « niveau » dans le jeu, le coaching, la stratégie en étant protégées de tout l'aspect négatif qui pourrait leur arriver dans un autre milieu le temps qu'elles puissent gagner en assurance et en confiance en elles. Et par la suite passer sur des équipes mixtes où elles doivent s'affirmer davantage en cas de situation nouvelle. C'est quand même une bonne initiative même si l'idéal serait de ne pas dissocier. Il ne faudrait pas que le sexe soit un facteur différenciant mais on est encore trop loin de cet idéal et commencer par faire des équipes féminines c'est un bon début.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Oui je pense qu'il y en a, je ne veux pas rentrer dans la théorie du genre mais il y a beaucoup de facteurs sociétaux liés à l'environnement dans lequel les enfants grandissent. Pendant

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longtemps les jeux vidéo ont été considérés comme une activité réservée aux garçons donc il y a une certaine facilité. Retrouver de jeunes garçons qui jouent aux jeux ça ne va pas étonner alors qu'une petite fille cela peut sembler inapproprié pour certains, car c'est moins fréquent. Aujourd'hui on n'est pas encore tirés d'affaires à ce niveau-là.

Le jeu vidéo est souvent très lié à la technologie et l'informatique qui sont traditionnellement des milieux très masculins et c'est dommage parce que le jeu vidéo est aussi un média culturel, qu'il y a une part artistique et créative qui est très forte comparativement à d'autres industries comme le cinéma qui est une industrie déjà plus féminisée. C'est un peu dommage que le jeu vidéo souffre de cette image masculine et technique qui peut décourager certaines femmes qui pensent que ce n'est pas fait pour elles.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Oui à titre personnel bien sûr mais ce n'était pas forcément de la discrimination ou du harcèlement mais plus de la toxicité. Quand certaines personnes se rendent compte qu'on est une femme dans un jeu en ligne on se fait traiter de egirl, les personnes présument qu'on va être un poids ou un frein pour l'équipe, qu'on va être mauvais au jeu.

C'est quelque chose d'assez minoritaire pour ma part mais c'est aussi lié à un problème plus global de l'industrie. Le jeu vidéo est un média où il y a beaucoup de toxicité, aussi bien d'un joueur à l'autre indépendamment du genre. C'est quelque chose qui est connu des équipes de développement et auxquelles elles essaient de remédier avec des systèmes de mute, de report, des systèmes pour protéger les joueurs. Les femmes sont une catégorie de population très touchée par cette toxicité mais elles ne sont pas les seules.

8- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Un choix voulu non pas vraiment, je ne dirai pas que s'est voulu dans le sens où ça va être plus vendeur maintenant il y a toute une analyse de cible, quand on développe un jeu on se demande pour qu'il va être conçu et quelle va être la cible principale.

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Pendant longtemps le jeu vidéo a majoritairement été consommé par des garçons et des jeunes hommes, mais aujourd'hui on arrive à 48% de femmes. Malheureusement le reste n'évolue pas aussi vite mais il doit y avoir un lien de corrélation entre la cible et la façon dont les personnages sont présentés. Déjà le personnage principal va être idéalisé pour le jeune garçon qui va jouer au jeu. On cherche à remplir des fantasmes de courage, de force, de bravoure d'indépendance qui sont pleins d'idéaux liés aux jeunes garçons. Et de la même manière on peut avoir des femmes qui répondent à certain fantasme par exemple une femme douce, gentille, qui ne va jamais contredire le héros, qui va être exagérément dans la séduction avec lui, qui va le trouver charmant etc. Il doit y avoir un peu de ça effectivement.

C'est quelque chose qu'on retrouve dans d'autres médias culturels comme dans le cinéma avec les films Marvel ou DC. On a un schéma qui est fait pour faire fantasmer les jeunes garçons avec le personnage principal qui est le héros qui va sauver le monde en écoutant que son courage et pareil on a un alter ego féminin avec qui le héros va généralement avoir une relation amoureuse qui répond à ce stéréotype. Ça vend donc la formule est renouvelée.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui bien sûr, justement les hommes sont les deuxièmes acteurs derrière les femmes elles-mêmes dans cette évolution des mentalités. Il est vrai que les femmes ont cette tendance à s'auto brider, à manquer de confiance en elles et à ne pas tenter tant qu'elles ne sont pas sures de ce qu'elles font. Mais on peut faire le reproche inverse aux hommes qui n'ont pas cette inhibition là et qui peuvent prendre trop de place sans s'en rendre compte. Ils tentent, prennent la parole et ne se rendent pas compte que les femmes trouvent moins d'espace pour s'exprimer.

Il faut les sensibiliser à ces questions, ça permet une réelle prise de conscience parce que c'est souvent quelque chose de pas volontaire. Souvent on a des réactions très positives et ils font dès lors les efforts d'eux-mêmes pour valoriser les femmes que ce soit dans des réunions ou dans des processus de décisions importantes.

J'imagine que c'est la même chose pour les associations de jeu. Je pense que les hommes ont un rôle à jouer de soutien. Ce n'est pas une situation où il y a les femmes discriminées et les hommes méchants qui les discriminent. Il n'y a pas de personnes coupable dans ce cas-là, c'est

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une situation installée depuis des années et dont les gens n'ont pas forcément conscience. On se rend compte que si on les sensibilise, ils vont changer d'eux-mêmes pour rétablir un peu cet équilibre.

10- Avez-vous pu assister à un réel changement au niveau RH par rapport à cette vision de la femme ?

J'ai tendance à être positive sur ces questions-là, j'ai quand même vu une belle évolution en 3 ans sur ces sujets. Il y a une sensibilisation des équipes en interne à ces questions, je ne sais pas comment ça se passe pour d'autres entreprises mais on a énormément de Workshop de présentation animés par des femmes, par des personnes actives dans cette industrie. Il y a une vraie volonté de valoriser et de mettre en avant ces femmes qui sont restées dans l'ombre au profit d'hommes blancs pendant toutes ces années. Dans ma société, la personne dirigeante de mon studio est une femme donc déjà c'est un vrai pas en avant.

Il y a beaucoup d'actions menées avec des associations en externe pour aller à la rencontre de ces femmes qui pourraient avoir une vision biaisée de l'industrie. On a mené des programmes de mentorat, de coaching. On cherche à accompagner ces femmes à comprendre ce qui les empêche de postuler, quels sont ces freins, comment est-ce qu'on peut les aider à surmonter cela, comment mettre toutes les chances de leur côté.

Au niveau des recrutements il y a pas mal d'objectifs orientés en ce sens, dans mon équipe on est passés de 18% d'embauches de femmes ce qui est extrêmement faible à 23%, il y a du travail mais on est sur la bonne voie, c'est des choses qui ne se font pas en un jour. Faire évoluer les mentalités c'est un travail de long terme mais je sens qu'il est bien entamé et j'ai bon espoir que dans quelques années on ait fait de beaux progrès.

11- Un mot de la fin ?

Pour résumer, aujourd'hui le monde du jeu vidéo est encore loin d'être totalement inclusif que ce soit au niveau de l'image de la femme mais aussi au niveau de tout un tas de minorités ethniques ou culturelles. Je pense quand même qu'il y a de vrais progrès mis en oeuvre et qui peuvent être constatés.

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Je veux appuyer le fait qu'aujourd'hui il y a de plus en plus de jeux vidéo qui sortent de ce

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cliché comme avec le personnage d'Aloy dans Horizon. J'ai bon espoir qu'on ait de plus en plus de ces personnages-là.

Je veux aussi parler des jeux de combat qui ont souvent la réputation d'être les pires en terme de clichés et de mauvaise représentation de la femme. Je trouve qu'il y a une évolution même dans ces jeux-là dans le sens où on avait des personnages féminins faibles qui étaient moins joués parce qu'ils étaient moins forts que les personnages masculins. Aujourd'hui on a une évolution différente, souvent les personnages féminins sont caractérisés par d'autres forces, ils sont plus petits ou plus fins que les masculins qui sont larges d'épaules mais du coup ils ont d'autres atouts, ils ont de l'agilité, de la rapidité

On valorise les différences entre l'homme et la femme plutôt que valoriser uniquement l'image de l'homme et affaiblir l'image de la femme dans un jeu et je trouve que c'est un cheminement très positif.

Annexe 13 - Retranscription entretien Clémentine Gelly - Arborealkey (Auto entrepreneur dans la fabrication de costumes, d'accessoires et de trophées)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je m'appelle Clémentine, j'ai 24 ans, je suis auto entrepreneur dans la fabrication de costumes, d'accessoires et de trophées. C'est généralement lié au monde de la pop culture, je m'adapte à ce qu'on me demande mais la plupart de choses c'est surtout des jeux vidéo et plus récemment esport. J'ai commencé à faire des trophées pour quelques compétitions. C'est beaucoup de l'évènementiel même si depuis le début de la pandémie j'ai surtout travaillé à distance mais à une époque je faisais du cosplay en convention c'est surtout comme ça que je me suis faite connaitre. C'était surtout des personnages de jeux vidéo et de jeux de plateau notamment Warhammer, j'ai fait un peu d'animés mais surtout du Warframe, du Monster Hunter c'est surtout tout ce qui est jeux vidéo.

J'ai commencé par faire un master en physique chimie et sur la L1 on avait un tronc commun puis ça se divise en deux spécialités avec la chimie d'un côté et la physique de l'autre. Toutes les femmes sont allées en chimie et moi je suis restée tout seule en physique. J'ai vu le même

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type de comportement à l'université que dans le milieu de l'art.

Aujourd'hui je fais tous mes costumes, j'ai tout appris toute seule. Alors comment ça a commencé c'est parce que je suis allée en convention en 2014 à Paris avec un petit costume steampunk qui tombait un peu en morceau. J'ai vu des gens avec des costumes magnifiques notamment des armures de Mass Effect et notamment une femme en cosplay m'a émerveillée et je me suis dit qu'un jour je voudrais être comme ça. Je l'ai retrouvé des années plus tard et on a pu échanger à ce sujet.

J'ai commencé par de l'animé pour mes cosplays avec un cosplay de SNK qui était une version rouge et noire donc une version un peu différente de celle classique et ça sortait vraiment du lot. J'ai fait Lara Croft par la suite, j'ai fait plein de versions différentes. A la fin de l'année j'ai fait du Warframe même si je n'avais pas encore trop le niveau, j'ai fait un cosplay du personnage que je jouais c'est-à-dire une créature en armure.

Le jeu n'était pas encore très répandu à ce moment-là mais quand je suis allée en convention il y a une personne qui m'a reconnue et cette personne je suis toujours en contact, on a fait du cosplay ensemble. Le pire c'est que quand tu fais un truc pas très connu, les gens vont toujours te dire « c'est du League of Legends » alors que non ce n'est pas que ce jeu-là qui existe. J'ai pu avoir un partenariat avec le jeu par la suite et j'ai commencé à faire des choses plus compliqué, un cosplay de Monster Hunter, surtout des armures.

En 2016 on a commencé à me demander si je prenais des commandes. Les développeurs de Warframe ont commencé à me remarquer parce que j'ai fait un autre cosplay. Ils m'avaient remarqué pour le premier mais ils avaient remarqué la personne qui portait le costume, qui me l'avait commandé et non moi et mon travail.

J'ai rejoint un studio de fabrication de costumes plus orientés super héros, c'était des gens que j'admirais beaucoup parce que je suis fan de Metal Gear Solid et ils avaient fait une tenue de Grey Fox. Je suis allée les aider pour la Japan Expo, j'y suis restée quelques mois. Par la suite j'ai eu tout un moment où j'ai disparu des réseaux et des conventions pour me recentrer un peu et savoir ce que je voulais vraiment faire. Début 2019 j'ai décidé de créer mon entreprise, au début ça ne fonctionnait pas parce qu'il faut bien trouver des gens pour acheter les produits même si on est capable de les créer. J'ai eu des difficultés au début, entre les arnaques ou les

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incompréhensions face au prix.

J'ai une influenceuse qui est venue me voir en me disant « j'ai beaucoup d'abonnés, j'ai des vidéos qui font un million de vues sur TikTok, est ce que tu peux me faire une paire d'ailes gratuites ». Quand les vidéos de mes créations sont partagées sur des pages il y a toujours des gens pour faire des remarques comme quoi c'est enfantin ou alors ce n'est pas assez bien réalisé. J'ai bossé sur 3 courts métrages jusqu'ici et j'ai vraiment l'impression que les gens pensent que les costumes se font tout seuls.

J'ai encore d'autres personnes qui se font de l'argent sur mon dos, qui me piquent mes vidéos en enlevant mon nom. Et je ne peux rien y faire parce que selon les lois des réseaux ce n'est pas contre la législation donc ça passe pour eux.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

C'est l'opinion de beaucoup de gens autour de moi, j'ai vu beaucoup de témoignages par rapport à ça mais je dois avouer que c'est quelque chose qui ne m'a pas beaucoup impactée. Je reste plutôt dans mon coin et je n'ai jamais été liée au débat de « est ce qu'on devrait avoir un choix de sexe de personnage dans ce jeu ? »

Je vais m'identifier à n'importe quel personnage dont j'apprécie l'histoire et à qui je m'identifie au niveau de l'histoire. Il y a eu cette polémique avec Assassins Creed, moi si on me laisse le choix de jouer un homme ou une femme je vais jouer l'un ou l'autre, ce qui m'intéresse c'est est ce que j'aime le doublage ou est ce qu'il y en a un qui a une armure plus cool que l'autre. Pour beaucoup de gens il y a ce besoin d'avoir un personnage féminin représenté.

La partie sexualisation en tant que quelqu'un dans le cosplay c'est quelque chose à double tranchant. On va avoir des gens qui vont dire qu'il ne faut pas sexualiser les femmes dans les jeux parce que ça donne une mauvaise image et derrière, c'est quelque chose que je remarque beaucoup dans le monde du cosplay c'est des cosplayeuses de sexe féminin qui vont volontairement sexualiser leur personnage. Donc je suis un peu prise entre les deux camps parce que si on te dit que c'est fait dans un jeu par des développeurs essentiellement masculins c'est mal et si derrière il y a une fille qui va refaire le design pour enlever le pantalon ou autre là ça

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va être bien. C'est dommage qu'il y ait ces deux mesures parce qu'on devrait les laisser libres de faire ce qu'elles veulent. Si une fille veut faire un personnage bien habillé on devrait la laisser faire, si elle veut faire un personnage dénudé pareil.

Je suis du côté des gens non dénudés, qui ne sont pas très attirants de base tout de moins pas de la manière classique. Par exemple je n'ai pas de poitrine et on me le reproche parfois au niveau de mes cosplays comme quoi je suis trop plate et je ne sais pas si ça vient de la mentalité des gens, du fait que dans les jeux tout le monde est super beau.

Les filles connues dans le monde du cosplay sont toujours très jolies, très belles. Etant donné que sur Internet le sexe c'est quelque chose qui vend c'est aussi pour ça que même s'ils existent il n'y a pas beaucoup de cosplayeur homme connu. C'est aussi parce que le public est essentiellement masculin donc on va mettre en avant des femmes de 20-30 ans, assez jeunes et attirantes et ces femmes la vont être harcelées parce que beaucoup de monde commentent leur photo et donc dans la mentalité des gens si tu réponds c'est que tu veux coucher avec la personne. Alors que non toi tu remercies simplement les gens.

Si tu avais eu des témoignages de personnes dans le milieu du cosplay, il y aurait eu des histoires de personnes harcelées, stalkées sur les réseaux. Ce n'est pas mon cas parce que je joue plus sur la partie craft et construction, mon image n'est pas ce que je mets en avant sur les réseaux. Je fais aussi des costumes pour les autres c'est pour ça que je montre beaucoup la construction mais moi je ne mets pas en valeur, je ne fais pas attention à ma manière de m'habiller ce qui fait qu'au final on ne m'embête pas. Je me demande tous les jours ce qu'aurait été ma vie si j'avais été un peu plus jolie, un peu plus avec l'apparence de la streameuse classique avec une chaise rose. Je pense que j'aurais eu une expérience beaucoup moins positive même si j'ai eu aussi des expériences négatives.

J'ai réalisé que je n'étais pas si moche que ça le jour où quelqu'un a dit sans savoir que je lisais « est ce qu'elle fait elle-même les costumes ou elle se contente d'avoir l'air jolie en les commissionnant ». Et là je me suis dit « mais même moi on m'embête avec ce genre de choses ». Et il y a cette chose dans la tête des gens c'est de se dire que si tu es attirante tu n'as forcément que ça et donc tu ne sais rien faire d'autre, tu n'es pas capable de fabriquer des choses par toi-même.

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Comme moi je montre toujours ce que je fais, avec des posts où je fabrique des choses on ne va pas venir me dire que je ne sais rien faire mais il y a vraiment cette notion où si tu es attirante tu ne peux rien faire. Tu ne peux pas être sexy et avoir un cerveau.

Aujourd'hui le milieu du cosplay c'est soit tu es le crafteur recouvert de poussière dans ta cave ou tu es la fille super jolie. Le côté masculin de cette activité est plutôt dans le props c'est-à-dire le côté fabrication, les épées, bref tout ce qui demande beaucoup de craft où la personne elle-même ne sera pas représentée, c'est plus l'artisan classique à qui on va demander de faire 150 épées mais qu'on ne verra jamais.

Dans le monde du cosplay où on fabrique pour porter soi-même le costume après je vois plutôt des femmes. L'écart se fait aussi sur ce qu'on va fabriquer, j'ai déjà vu une collaboration entre un studio qui fait du gros oeuvre, des choses qui salissent avec des machines et un atelier de couture. Et on avait vraiment une séparation par sexe dans les deux camps avec des hommes dans le premier et que des femmes à la couture. Je ne sais pas si c'est poussé par la société mais on voit vraiment cette distinction.

3- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Avant de découvrir mes allergies et que j'arrête de marcher pieds nus, j'étais souvent pieds nus en été et ça se voyait sur certaines de mes photos. J'ai souvent reçu des messages « j'adore tes pieds ». C'est un peu les seules remarques bizarres que j'ai pu avoir, alors on m'a déjà demandé en mariage ou ce genre de choses mais c'est quelques cas isolés.

Je sais qu'il y a des personnes comme Kayane qui ont été suivies, avec des gens ayant essayé de trouver où elle habite. Le jour où ça m'arrive je suis vraiment mal parce que comme je suis immatriculée avec mon entreprise on peut savoir où je suis et même si ce n'est pas chez moi c'est mon atelier.

Le fait que je ne joue pas trop sur mon image et mon corps j'ai beaucoup moins de gens qui font une fixation sur ça. C'est une maladie ça d'ailleurs, Kayane en avait beaucoup parlé, ces gens qui pensent que tu les aimes en retour alors que tu ne les as jamais rencontrés.

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Je me mets tellement peu en avant et je fais tellement des armures de gros bourrin que j'ai pas

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mal de personnes qui pensent que je suis un mec. Je trouve ça dommage qu'on restreigne les gens à un type de cosplay en fonction de leur morphologie. Par exemple pour faire Jinx dans LoL il faut forcément être mince avec peu de seins. Mais du coup on s'empêche de faire des cosplays de personnages qu'on apprécie simplement pour rentrer dans des cases. Personnellement je vais être typiquement la personne qui va privilégier la fabrication par rapport à l'apparence. Influencée par cela c'est vrai que je me suis un peu limitée. Alors tout ce que je fais pour du travail personnel c'est des univers que j'adore mais il y a des choses un peu plus dénudées ou sexy que je ne fais pas. Pour la simple et bonne raison que je sais pertinemment qu'il va y avoir des critiques ou des remarques sur moi et mon physique comme quoi je n'ai pas de hanches ou pas de seins et donc que je ne suis pas à même de faire ce cosplay. En fait c'est surtout que je n'ai pas les épaules pour supporter la critique de mon corps. La critique de mon travail c'est une chose, ça m'aide à avancer. Il y a des gens qui ont critiqué ce que je fais et ça m'a forcé à changer, à voir les choses sous un autre angle et tant mieux. Mais je n'arrive pas à ignorer quelqu'un qui va me dire « tu es moche, arrête tes cosplays, c'est pour les enfants » etc. Et ces personnes vont venir le dire surtout quand ils pensent que tu ne les lis pas. Je traine sur beaucoup de réseaux sociaux, de groupes donc il y a des gens qui repostent mes photos, qui les commentent, les critiquent bah forcément je vais lire les commentaires, ce qu'ils ont pu dire sur mon travail.

Je n'arrive pas à surmonter ça, je sais que je ne devrai pas y prêter attention mais c'est quelque chose qui me restreint parce que ça m'affecte et j'y suis vraiment sensible. Je me suis cassé la gueule un certain nombre de fois, je me suis améliorée énormément avec le temps mais je n'arrive toujours pas à avoir une estime de moi suffisante pour passer au-dessus de l'ensemble de ces remarques.

Je sais que faire du sexy ou des cosplays qui dévoilent un peu plus de choses, ça va aussi attirer sur ma page une population dont je ne veux pas forcément. Les gens pensent que si tu fais du sexy tu ne dois faire que cela et tu ne peux pas faire autre chose. C'est difficile de jongler entre les deux sans véritablement tomber dans une case.

Une personne me suivant depuis plusieurs années remarquerait que je fais que des costumes où je me cache de plus en plus à cause de ces commentaires par rapport à mon corps, au fait que j'ai un grand front « ah ton front a un code postal à lui tout seul ». Je fais de plus en plus de costumes où on ne voit ni mon corps ni ma tête. Je me suis en quelques sorte enterrée à cause

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de toutes ces remarques. Il y a aussi le fait que j'ai l'air jeune, sur les vidéos making of on voit souvent ma tête, je me montre parce que je n'ai pas vraiment le choix dans ces moment-là. Et les gens me reprochent d'être sur les réseaux, parce qu'ils pensent que j'ai 15 ans. En fait si tu es trop vieille ça ne va pas, si tu es trop jeune non plus.

Des remarques j'en ai eu beaucoup du style : « T'es anorexique, c'est quoi ça c'est un alien, t'es addict à l'héroïne pour maigrir ». Ce n'est même pas juste « t'es trop maigre » non c'est directement des commentaires très dur et je n'arrive pas à les ignorer. Le problème c'est que même s'il y a des dizaines de commentaires sur mon travail ou mes réalisations, il suffit d'un seul commentaire sur le physique pour qu'on ne voit plus que ça.

J'ai commencé à me cacher sur mes costumes parce que je voulais que les gens critiquent mon travail et ne me critiquent pas moi. S'ils ne voient pas ils ne peuvent pas me critiquer donc ils sont obligés de regarder mon travail. Je me suis cachée à cause du regard des gens. C'est ça le côté absurde du cosplay. Je ne suis pas la plus touchée par ça parce que je ne suis pas considérée comme un objet sexuel au contraire de nombreuses femmes dans ce milieu. Quand je vois les commentaires que certaines filles se prennent c'est juste déguelasse. Et c'est ça aussi qui m'empêche vraiment de faire des cosplay sexy parce que je vois très bien les conséquences. Je suis obligée de poster mes cosplays pour avoir de la renommée et une activité. Mais du coup je ne me permets pas de poster du sexy parce que j'en crains les retombées.

Un truc qui est arrivé à une cosplayeuse en Allemagne, c'est qu'elle avait un OnlyFans donc vraiment pour son usage privé. Une boite l'a contactée pour faire un costume pour la sortie d'un jeu mais a retiré l'offre quand ils se sont rendus compte qu'elle faisait du sexy sur ce site-là. J'ai trouvé ça un peu abusé parce que ça n'avait rien à voir mais malheureusement même dans ce milieu, le sexy peut gâcher une carrière.

Dans ce monde du cosplay, à travail égal entre un homme et une femme tu seras moins harcelé si tu es un homme mais tu seras quasiment ignoré. C'est plus simple d'être une femme pour avoir des contrats, pour avoir du monde, des follows mais il y a le revers de médaille parce qu'on s'expose à des choses pas très sympathiques.

Par exemple, sur mon Instagram on peut voir que la part d'hommes s'élève à 62,7%. Je ne fais pas spécialement de contenu sexy mais on a quand même beaucoup plus d'hommes.

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4- Est-ce que c'est important de vraiment respecter les proportions dans le cosplay surtout quand on voit toutes les polémiques autour du sexy ?

Il n'y a pas de règles, mais si tu modifies quelque chose tu seras critiquée, si tu fais un personnage un peu différent tu seras critiquée. Il y aura toujours quelqu'un pour critiquer parce qu'ils ont leur image du personnage et qu'elle ne peut pas être différente de celle-là.

Le fait de ressembler au personnage est important seulement si quelqu'un passe commande et qu'on doit jouer le personnage dans un court métrage. Dans ce cas-là c'est normal de demander une reproduction vraiment fidèle mais dans le cadre du cosplay quand on fait ça pour s'amuser les gens n'ont rien à dire mais c'est vrai que je me bloque moi aussi par rapport à cela

5- Est-ce les femmes sont davantage critiquées que les hommes pour leur cosplay ou est-ce que c'est surtout par rapport au physique ?

Il y a beaucoup plus de cosplayeuse que de cosplayeur donc elles ont beaucoup plus d'impact ; elles sont bien plus suivies donc forcément il va toujours y avoir bien plus de commentaires. Les hommes vont être critiqués car ils manquent de muscles, parce qu'ils n'ont pas un corps parfait. Je pense que ce n'est pas le même groupe de personnes qui va critiquer.

Il va y avoir le groupe un peu sexiste qui va critiquer les femmes qui ne sont pas parfaitement comme le personnage dans le jeu et il y a un autre groupe qui va critiquer une personne de sexe

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masculin parce qu'ils vont avoir l'image du nerd basique, un peu ramassé sur lui-même alors que l'image d'une femme est plus attirante.

L'image du nerd chez une femme ou un homme c'est différent, chez un homme c'est beaucoup plus péjoratif, il va être traité comme quelqu'un de bizarre, comme un gamin. Un homme va être critiqué plus pour son costume alors que les gens sont plus indulgents avec une femme. Il y a des gens qui vont critiquer le physique purement d'une personne, on a des femmes qui se disent féministe et qui vont aller cracher sur un mec qui a fait un costume un peu maladroit.

Il y a des gens qui vont penser que c'est cool d'être à fond dans LoL si t'es une fille mais que tu es un loser si tu es un homme. Mais c'est encore différent des personnes qui pensent que tu n'as rien à faire sur la scène compétitive de LoL, ce groupe-là s'exprimant bien plus que les autres.

Il y avait une jeune femme dans le milieu des fans de l'Attaque des Titans, plus jeune que moi, qui se faisait harceler par quelqu'un, elle a porté plainte, ça a été classé sans suite. Elle ne faisait rien de sexy, mais elle a été juste la cible de quelqu'un sur internet. La personne n'arrêtait pas de créer des nouveaux comptes pour la suivre.

Il y a une autre fille, Ellothin qui a un partenariat avec Riot Games, qui est superbe avec un corps de rêve. Hier elle disait qu'elle a porté plainte pour harcèlement parce qu'elle fait du sexy mais c'était du harcèlement moral, des insultes etc.

Il y a aussi le cas de KamuiCosplay, ils sont 2 dans son entreprise elle travaille avec son mari et de nombreuses personnes lui disent souvent que ce n'est pas elle qui fait ses costumes étant donné qu'on voit son mari sur les vidéos. Globalement, sur n'importe quelle page de cosplayeuse on va avoir des insultes, des commentaires déplacés et des reproches. Je pense pas qu'il y ait une seule personne qui va dire « moi je n'ai jamais eu de problème ».

Je reçois juste des insultes sous couvert d'anonymat, quand les gens pensent que je ne vois pas ce qu'ils écrivent.

6- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Le sexy c'est quelque chose qui fonctionne, je n'ai rien contre mais je pense que oui c'est

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volontaire. Je m'intéresse aux concepts arts, quand on voit les tenues qui sont créés pour une classe et qu'on voit la version homme et femme, la question que je me pose c'est pourquoi la femme a toujours des talons.

Je n'ai jamais râlé contre car ça ne gâche pas mon expérience de jeu, je n'y prête pas vraiment attention. Est-ce qu'ils auront moins d'achats de leur jeu s'ils ne font pas de sexy je ne sais pas du tout, je ne sais pas s'il y a vraiment des gens qui se soucient de cela quand ils achètent un jeu.

Je suis un peu tombée des nues quand j'ai vu le problème d'Aloy qui a des poils sur le visage. J'ai l'impression que les gens ont une vision totalement déformée du corps féminin pour réussir à créer une polémique sur ce genre de choses.

Annexe 14 - Retranscription entretien Mathieu Vitse (Alternance dans le web design)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je m'appelle Mathieu Vitse, j'ai 24 ans, je suis en alternance dans le web design, principalement dans la construction de sites internet. Je suis chez une jeune start up qui fait beaucoup de réseaux sociaux, graphisme, ça change un petit peu de mon domaine mais ça me plait tout de même. Ça a une certaine connexion avec le monde du jeu quand même par rapport à l'UX.

J'étais un grand consommateur de jeux vidéo plus jeune, un peu moins maintenant surtout en raison du manque de temps. Ceux qui m'intéressent le plus c'est surtout des jeux d'aventure où il y a une histoire à suivre un peu comme The Last of Us, je vais plus aimer les jeux qui veulent transmettre un message, une idée, un peu comme certains bons films peuvent changer la mentalité, la vision ou le regard qu'on a sur quelque chose. Je préfère les jeux avec une réflexion plutôt que des jeux « déconnexion de cerveau ».

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Le marché du jeu vidéo est comme le marché des films ou le marché de la mode, il y a toujours ce côté qui cherche à sexualiser, et peut être même davantage. Je pense à Fortnite on voit que

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les femmes sont très stéréotypées dans leur design. C'est peut-être un peu moins qu'avant, on cherche peut-être à le cacher mais pour moi c'est toujours autant le cas.

Par exemple Lara Croft quand on voit les versions du premier personnage, la femme était très fine, avec une forte poitrine, bombée et maintenant elles sont un peu plus soft non pas dans le physique mais plus dans la tenue, dans la gestuelle. On ne va pas forcément montrer de manière directe le côté sexy du personnage, c'est moins évident

La manière dont l'homme ou la femme va se déplacer ou faire certains mouvements ça va transmettre une idée de représentation de la personne. Le physique n'a pas tant changé mais les positions, les gestes sont moins suggestifs.

Mais bien sûr ça reste encore présent, rien qu'à voir Lara Croft elle a pas tellement changé entre avant et maintenant. Et puis il y a toujours la polémique autour d'Aloy qui aurait eu des poils sur le visage dans Horizon Zero Down. Il faut vraiment faire un zoom énorme, moi je n'ai rien vu. Et le problème c'est ces gens qui créent une polémique autour des personnes homosexuelles, tous ces idéaux qu'on cherche à insérer pour que ces personnes soient acceptées. Quand on prend Ellie dans The Last of Us c'est surtout mettre en avant que la femme est forte, qu'elles ne sont pas des créatures fragiles et qu'elles n'ont pas besoin des hommes pour les sauver.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Pour moi ça dépends du public, de l'âge de la personne et de sa mentalité. Plus la personne va être jeune plus elle va avoir des images à caractère sexuel.

Un joueur homme ou femme va être un peu vulgaire dans sa manière de voir la femme. Une femme va peut-être avoir un aperçu bizarre d'elle-même en voyant comment les joueurs caractérisent les personnages. Ceux qui ont 20 ans peuvent avoir plus de recul et voir que c'est le marché qui est comme cela et qu'on utilise ces images pour vendre et non parce que c'est la réalité.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Autant on commence davantage à voir que les femmes s'intéressent et jouent autant que les hommes aux jeux vidéo. Avant les jeux vidéo étaient surtout réservés aux hommes, c'était un

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milieu surtout pour les hommes tout du moins dans ce qu'on faisait paraitre et ce qu'on voulait faire croire.

Mais il y a toujours des problèmes d'inégalités. Par exemple, certaines entreprises et surtout certains dirigeants ont encore cette idée de dire que « les femmes ne font pas vendre donc on ne va pas utiliser une héroïne comme personnage central du jeu ».

Dans certains jeux où une femme devait être mise en avant, il y avait tout de même un homme prévu en tant que personnage secondaire et c'est finalement celui-là qui a pris la place principale par peur que ça n'attire pas suffisamment de monde, de public masculin.

Il y a donc toujours ces problèmes-là d'inégalités qui viennent faire écho aux problèmes de la société en général. Les problèmes liés aux jeux vidéo qui sont les mêmes que dans les films, sont les problèmes qu'on essaie de vaincre dans la société actuelle par rapport aux joueurs et aux personnages.

Il y a ce système d'image, de comment on va être vus, le fait que certains ont en tête va savoir pourquoi qu'une héroïne va moins vendre qu'un héros. Je pense que c'est en rapport au public visé, que même s'il y a beaucoup de femmes qui jouent aux jeux vidéo, les hommes sont toujours une plus grande majorité à jouer aux jeux donc ils vont toujours vouloir viser le public homme que le public femme.

Quand quelqu'un va concevoir un jeu, l'homme est la première cible et ce n'est pas qu'une femme est moins attirante mais les hommes vont plus s'identifier aux personnages masculins. On veut que les joueurs s'identifient au personnage qu'ils vont jouer c'est surement pour cela que c'est surtout des personnages masculins qui sont mis en avant.

5- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

A l'heure actuelle il l'est toujours, moins dans les jeux vidéo que dans la mode mais il l'est aussi dans les jeux, pas pour tous, mais quand on revient à Lara Croft, son corps est utilisé pour attirer les personnes.

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C'est quelque chose qui devrait arrêter de l'être parce que même si le corps de l'homme est aussi utilisé pour vendre il y a une différence de barre de niveau entre le corps de la femme et le corps de l'homme. On dirait qu'il y a une sorte d'aura qui fait que le corps de la femme est beaucoup plus sexualisé que le corps de l'homme. Même si l'homme est mis en avant pour être vendu, on se sert de la femme pour vendre comme produit. Le corps de l'homme est aussi un produit mais il est moins mis en avant que le corps de la femme. Après quand on pense à Vikings, avec des personnages très musclés, bad boys c'est aussi mis en avant en tant que produit mais la femme revient quand même beaucoup plus sur le devant de la scène. C'est surtout un sujet que j'ai beaucoup plus entendu en ce qui concerne la femme plutôt que l'homme.

C'est quelque chose qui commence tout doucement à changer. Pour la femme ce qu'on va mettre en avant c'est le côté sexualisant alors que pour l'homme c'est le côté bad boy, héros. Mais on cherche de plus en plus à montrer que la femme n'est pas qu'un objet, qu'elle n'a pas besoin d'un homme pour réussir à vivre. C'est quelque chose qui est encore difficile à discerner, je pense qu'on essaie tous un peu de comprendre cette distinction et les changements qui l'accompagne.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Dans la manière de jouer un homme peut autant prendre de plaisir qu'une femme à jouer à un jeu comme Call of Duty. Tout comme un homme peut aimer des jeux qui sont moins dans la baston. Pour moi tout dépend de la sensibilité, selon le type de jeu qui nous intéresse, qui nous attire. Est-ce qu'un homme ou une femme va être choqué de voir un jeu de guerre et va préférer un jeu comme Minecraft ou est-ce que ça ne va pas le déranger ?

Ça a été montré maintenant que les deux profils aussi bien homme ou femme ont la même manière de jouer et peuvent prendre autant de plaisir sur un même jeu. J'ai une amie avec qui j'ai pu jouer à un jeu de zombie et on s'amusait tout autant à détruire des zombies et le sexe ne venait pas du tout interférer dans notre appétence pour le jeu.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

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Pour ma part non j'ai eu la chance de ne pas y avoir droit. Quand je joue avec des jeux multi c'est surtout avec des amis mais c'est rare que j'y joue, je suis beaucoup plus sur des jeux solos. Par rapport au harcèlement j'ai déjà beaucoup entendu cela, je ne sais pas si ça allait jusqu'à rechercher le profil et l'identité de la personne sur les réseaux mais c'est déjà des insultes. Et rien que cela, insulter une personne alors que c'est censé être un jeu, un moment de détente. J'en connais qui sont victime d'harcèlement, d'autres qui sont en train d'insulter les autres, pour moi c'est une forme d'harcèlement. Pour moi quand je joue, certes je peux râler et si j'insulte ça va être mon personnage ou les pnj mais jamais contre les gens directement.

C'est surtout des hommes que j'entends s'insulter entre eux avec des gros mots comme « fils de pute, connard ». Je n'ai jamais entendu des hommes et des femmes s'insulter entre eux. Jamais au point de « je vais te tuer » dans la vraie vie, où ça va assez loin mais je pense que c'est des situations vécues et qu'il peut y avoir des situations qui partent très loin.

Jusqu'où on peut considérer que c'est du harcèlement ? Si c'est un inconnu on peut considérer que c'est du harcèlement, si c'est amical et c'est entre les deux c'est leur façon de rigoler mais est-ce que ça peut dériver ou non sur du harcèlement ? c'est très difficile de mettre une barrière et d'être capable de dire « à partir de là c'est du harcèlement ». Parce qu'une personne extérieure peut percevoir les choses d'une manière différente par rapport aux personnes concernées.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Il y a forcément un lien, il y aura toujours un peu un lien, c'est toujours l'image de la femme dans les jeux vidéo. Tout dépend de l'époque mais si on prend l'exemple des premiers Lara Croft, la mentalité des gens n'était pas aussi ouverte avant de par rapport à maintenant. La femme on cherche plus à la montrer, il faut arrêter à la faire passer pour un produit ou un objet, il faut arrêter de croire que c'est une créature fragile.

Dans le jeux vidéo ils cherchent à montrer qu'une femme peut être aussi bien qu'un homme, qu'elle n'a pas besoin d'un homme pour vivre pour tenter de casser ce harcèlement et montrer que les femmes peuvent être des guerrières et qu'elles savent se défendre et se débrouiller.

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Et au niveau du monde du travail, je ne pense pas qu'il y aurait de corrélation, c'est le monde du travail donc ils sont sensés accepter tout type de profils aussi bien homme ou femme. Tout dépend de la personne qui recrute, qui est en face de nous.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui bien entendu, les hommes peuvent aider à changer cela. Tout dépend de l'esprit de chacun, ceux qui n'ont pas été trop abimés par le côté de la femme objet pourront aider à améliorer l'image de la femme de par le jeu vidéo qui est un système de communication. Cela peut passer par des campagnes de sensibilisation, en étant ou en s'associant avec d'autres femmes, en cherchant à comprendre le vécu de certaines pour réfléchir à comment arrêter ou freiner ces idées reçues qu'on peut avoir sur la femme.

Même maintenant quand on voit Ellie dans The Last of Us. Je ne sais pas s'ils cherchaient vraiment à mettre en avant la femme indépendante, qui n'a besoin de personne mais ça peut aider à stopper ces idées qu'on peut avoir sur la femme. Même nous en tant que simples joueurs à petite échelle on peut avoir une action à notre échelle notamment avec des associations.

Annexe 15 - Retranscription entretien Mr Smith (Entreprise de jeux vidéo)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Ça fait 15 ans que je suis dans le jeu vidéo, j'ai fait 8 années chez CD Project, j'ai géré plusieurs sociétés pour eux parce qu'au-delà de The Witcher il y a plusieurs sociétés dans le groupe. J'ai dirigé leur plateforme de distribution, j'ai établi leur bureau US.

J'ai rejoint mon entreprise il y a un peu plus de 6 ans pour bâtir le bureau parisien parce qu'il n'y avait pas de bureaux locaux, il n'y avait qu'un bureau à Berlin qui s'occupait de toute l'Europe. Aujourd'hui on a non seulement des bureaux locaux mais surtout on n'a plus seulement un jeu mais on est passé de 1 à 5 jeux donc mon rôle aujourd'hui c'est stratégie, recrutement, aider les équipes à aller dans le même sens, faire des arbitrages, il y a beaucoup d'opérationnel, de coordination des équipes etc...

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Le bureau a pour fonction principale de satisfaire les joueurs actuels, leur faire plaisir parce que certains sont devenus parents donc il faut savoir rester attractifs pour eux, trouver de nouveaux joueurs, rester attractifs pour les plus jeunes. Pour faire cela on développe la scène compétitive française et au Benelux surtout sur League of Legends mais on se lance de plus en plus dans Valorant. On gère notamment l'Open Tour, la Grosse League, la LFL etc.

A titre personnel, je joue depuis plus de 30 ans et aujourd'hui avec mes responsabilités j'ai de moins en moins de temps donc je joue principalement à deux jeux qui sont Valorant et Brawl Stars sur mobile. Je touche à des jeux solos sur Steam mais j'ai peu de temps.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je pense que ça l'a longtemps été, si on prend le sujet de la femme en particulier, les femmes ont tristement toujours été sexualisés. Dans le marketing au sens large, que ce soit dans la musique ou la mode les femmes sont toujours représentées de façon sexualisée. Dans les années 90-2000 il y a énormément de jeux où la femme était dépeinte d'une manière sexualisée. Aujourd'hui je pense qu'il y a une réelle prise de conscience qui se passe, il y a de plus en plus de jeux avec des femmes en tant que rôle modèle notamment Horizon ou Tomb Raider. La femme peut aussi être forte, peut avoir du leadership, on est bien loin du cliché véhiculé pendant de nombreuses années. Je pense qu'il y a un pivot qui est en train d'avoir lieu, est ce qu'on est parfaitement là où il faudrait être je ne pense pas encore.

Je pense qu'il y a une vraie prise de conscience aujourd'hui qu'il faut sortir des clichés qu'ils soient masculins ou féminins. Après c'est à chacun de s'approprier le héros comme il le souhaite et de ne pas forcément le ranger dans des cases fermées.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Il y a une constatation claire c'est que l'esport n'est pas une discipline mixte. Au contraire de nombre de sports traditionnels, l'esport a un avantage c'est qu'il n'y a pas la différence de puissance physique. C'est quelque chose qui devrait être mixte et diversifié par définition parce qu'on s'affranchit de certaines barrières physiques mais malgré ça, l'esport n'est pas encore mixte. Aujourd'hui on voit beaucoup les hommes mais pas assez les femmes.

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Les équipes notamment sur League of Legends sont censées être mixtes mais ce n'est pas le cas. Alors pourquoi c'est un vaste débat, on rentre dans un débat qui est aussi bien sociétal, que propre aux entreprises. Il faudrait demander aux équipes ce qu'elles en pensent.

Moi personnellement j'aimerais beaucoup voir une équipe mixte parce qu'il y a vraiment quelque chose à faire. Un homme et une femme ont les mêmes compétences.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Sur le papier ça devrait l'être, après dans la réalité il y a forcément des dérives, les femmes sont stigmatisées, dans les jeux mais ça s'applique aussi à la vie de tous les jours.

Les hommes aussi sont victimes de toxicité mais je pense que ça n'est pas le même type. Un homme se fait critiquer sur notre incapacité à performer, sur son niveau de jeu alors que les femmes c'est bien plus sur le sexe plutôt que sur son manque de compétence. Cela touche bien plus le personnel puisque ça touche au caractère sexuel, cela porte vraiment sur tout ce qui attrait à l'existence, à l'identité même d'une personne.

5- Que pensez-vous des ligues féminines

Je suis un peu confus sur ces ligues, ce que je trouve positif c'est que ça mets en avant les femmes mais je me demande si ghettoïser un sexe permet vraiment de soutenir l'objectif final qui est de créer de la mixité. En mettant les gens à part on ne crée justement pas du tout de mixité. Ça a au moins le mérite d'alimenter le débat puisque c'est un débat très sain qu'il faut avoir.

J'espère qu'à terme on va s'orienter vers une vraie forme de mixité. Après dans un monde idéal je préférerai largement qu'on ait aujourd'hui des équipes mixtes. Au moins on peut commencer par quelque chose, ça mets le débat sur le devant de la scène.

Tout ce qui est des sponsors c'est inhérent aux viewers donc la vraie question c'est de savoir si une ligue féminine peut attirer autant de viewers qu'une ligue masculine. Dans un monde où la majorité des viewers il va falloir convaincre les hommes que la plupart des biais qu'ils peuvent avoir n'ont pas lieu d'être. Il y a un véritable travail d'éducation à faire. La partie qui pense que seuls les hommes peuvent performer ce qui est une bêtise, il faut leur enlever ça de la tête mais c'est un travail en fil rouge de longue haleine.

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6- Et des associations comme WIG ?

Elles contribuent bien entendu. La vraie opportunité qu'elles ont c'est de mettre en avant la mixité, c'est très important, on a besoin de ça. Après elles ne peuvent pas se substituer aux parents, ça commence au berceau. Elles peuvent sensibiliser, défaire des mécanismes mentaux, des idées arrêtées que certaines personnes peuvent avoir. Mais le travail de fond vient des parents.

7- Pourquoi c'est souvent sur LoL qu'il y a ce plus gros problème de sous considération de la femme ?

Je ne pense pas que ça soir spécifique à League of Legends. Il y a eu des problèmes sur Overwatch, sur Valorant, sur n'importe quel jeu on peut trouver des exemples dans la presse de ce genre d'affaires. Sur Valorant il y a eu une volonté plus affirmée dès le début d'encourager le jeu en équipe et l'inclusion qui immunise plus le jeu mais ça n'empêche pas qu'il y ait eu des choses dommageables qui ont circulé sur les réseaux sociaux.

Le problème de League of Legends c'est que c'est le plus gros jeu pc au monde, donc c'est aussi le jeu qui est le plus sous le feu des projecteurs. Par conséquent dès qu'il y a un problème tout le monde en parle et tout le monde est au courant. Si toutes les caméras sont braquées sur League of Legends forcément on va en entendre parler. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes ailleurs simplement que c'est des jeux qui sont moins scrutés. Pour Valorant on capitalise sur des années d'apprentissage de League of Legends qui nous ont permis de comprendre les forces et les faiblesses du produit.

Sur League of Legends, on a pris plusieurs approches. Au début, on avait un tribunal dans le jeu donc c'était vraiment une approche punitive et maintenant une approche plus éducationnelle où on encourage les bons comportements. Je ne pense pas qu'il y ait un seul éditeur capable de dire qu'il a produit un jeu où tout le monde s'aime, tout le monde se respecte.

C'est peut-être mieux que 10 ans en arrière, quand c'était un jeu purement masculin, dans un garage avec un clan de bonhommes dans une caverne. C'est peut-être plus démocratisé aujourd'hui mais pas parfait. Par exemple, ma mère joue à Farmville 2 depuis 10 ans, elle est devenue numéro 1 au monde et même là-dedans il y a des gros exemples de toxicité soit d'elle qui déverse de la colère sur d'autres joueurs soit d'autres joueurs sur elle. Vraiment un jeu où

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tout se passe bien je ne l'ai toujours pas vu.

8- Quel est l'impact des expériences IRL en dehors du jeu, des discords sur les comportements ?

La multiplicité d'expériences IRL pour se voir ou de channels pour se connaitre c'est pour fédérer une communauté, c'est sensé connecter les gens, trouver des gens avec qui jouer. Si on fait ça c'est pour faire de la transmission générationnelle, que les gens se connaissent, se fassent des amis.

C'est l'espoir qu'on a. Quiconque se pointe à un event IRL et vient avec ses visions sexistes ou ses idées arrêtées, on ne peut pas savoir ou prévoir comment il ou elle va se comporter.

9- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Je ne suis pas assez renseigné pour avoir une réponse claire et nette au niveau scientifique. A titre personnel j'ai aussi été victime de toxicité, alors une fois de plus pas du tout de la même nature que ce qu'une femme peut recevoir. Une femme si elle performe mal c'est parce que c'est une femme, si moi je performe mal c'est parce que je suis mauvais et non pas parce que je suis un homme.

Il y a des biais dans les formes de harcèlement, c'est très orienté, c'est inévitable. Le problème est sociétal, c'est quelque chose qui commence très tôt, dès l'enfance. On peut essayer d'améliorer certaines choses mais on ne peut pas rééduquer une personne qui a des mauvaises habitudes depuis plusieurs années.

Je suis convaincu de la puissance de l'anonymat. J'ai découvert Internet il y a bien longtemps, bien avant les discords, Facebook. J'ai vu la puissance de l'anonymat, chacun fait son rebelle derrière son écran, on n'est ni responsable de ses propos ni de ses actes, sous prétexte qu'on est derrière son écran on pense que c'est digital et donc qu'il n'y a plus de sentiments, qu'il n'y a pas de douleur. Alors que blesser quelqu'un dans le digital ça crée des conséquences réelles. L'anonymat est devenu une arme, c'est un véritable problème, un jour il faudra légiférer là-dessus. Si on part du principe que le monde physique et le monde digital ne font qu'un, dans le monde physique si je vais insulter quelqu'un en physique il y a des conséquences, en ligne je

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devrai être tout autant responsable. Si on va dire une chose affreuse à quelqu'un en ligne on doit en être tenu responsable.

Le problème du digital c'est que c'est exponentiel, ces problèmes sont beaucoup plus visibles, beaucoup plus viraux que dans la vie réelle. Si demain je me comporte comme un goujat dans un bar, il va y avoir 30 clients outrés et sur les réseaux on va parler de centaines ou de milliers si le tweet perce.

Il y a des tas d'études qui montrent qu'aujourd'hui les gamins sont nés avec le digital, qu'ils baignent dedans. Et maintenant le problème c'est que les enfants qui sont trop dans le digital développent des troubles du comportement, des formes d'autisme. Donc forcément ça engendre de vrais problème au niveau des interactions dans le monde physique, gestion du conflit, respect des autres.

Il y a des vraies conséquences du digital sur le comportement des personnes. Je pense que ça a aussi une influence sur toutes ces dérives parce que quelqu'un qui baigne dans le digital et qui vit dans l'illusion que c'est factice sont incapable de se rendre compte qu'il y a des conséquences réelles, concrètes sur la vie réelle. Ils ne se rendent pas compte que derrière l'écran il y a des vraies personnes. Il faut sensibiliser les enfants au digital, au temps d'écran et à la limite entre le digital et la réalité.

10- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Je pense que c'est bien plus large que le jeux vidéo. La femme a longtemps été positionnée comme un objet de désir, comme un objet sexuel. C'est un parti qui a été pris par certains jeux, par le monde de la musique, de la mode. Tristement ça crée une vision biaisée pour beaucoup de garçons, pour des filles qui ont pris cela comme un rôle modèle alors qu'il y en a d'autres mais qui sont moins mises en avant parce que ça fait moins de buzz, que c'est moins sur le devant de la scène.

J'espère que les réseaux sociaux pourront aider à mettre en avant ces femmes et ces hommes qui font un boulot très inspirant pour les enfants de ce monde. Je ne pense pas que ce soit

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spécifique aux jeux vidéo. Je ne pense que dans Dead or Alive malgré le fait qu'il y ait des femmes dénudées, juste à cause de ce jeu-là on va percevoir les femmes comme un objet sexuel et lui manquer de respect. C'est devenu du sexisme ordinaire avec une addition de biais. Je ne pense pas qu'une seule partie dans un jeu puisse dicter l'opinion sur un jeu je pense que c'est la récurrence sexiste dans le jeu, à la télé qui forme l'opinion.

11- Quel est votre avis sur les streameuses et notamment les hot tub ?

Par nature les réseaux sociaux sont très polarisants, c'est noir ou blanc, soit du drama soit de l'amour, on est toujours dans une vision très manichéenne. Il n'y a pas de zones grises. En partant de ce cadre-là on se focalise sur des extrêmes. On est dans une société d'images, de buzz, il y a des raccourcis qui sont faits pour créer du buzz.

On voit des choses assez dingues, avec les personnes qui vendent leur sous-vêtements ou leurs pets à plusieurs centaines d'euros c'est certain qu'il y a des dérives. Je préfère suivre le media positif sur Twitter que les dramas, les trashtalk. Je vieillis aussi donc on est de moins en moins tolérant avec la médiocrité. Le sens critique ne fait pas de bien, malheureusement c'est le principe de l'offre et de la demande. Sur les lives de ces filles dans leurs piscines, parmi ceux qui critiquent il y a forcément ceux qui regardent, il faut se demander aussi pourquoi on critique tout en acceptant.

12- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Très clairement mais ça remonte à la Grèce Antique et au-delà, quand on voit la plupart des bustes il y avait toujours un sein qui ressortait, ça fait malheureusement des milliers d'années que c'est comme ça donc oui c'est clairement un argument marketing.

Il suffit de voir les thumbnails des vidéos YouTube c'est des fesses ou une poitrine alors que la vidéo n'a rien à voir derrière. Sur la vidéo de 10 minutes ça va n'apparaitre même pas une seconde mais c'est ça qui va être mis en avant parce que ça fait des clics, parce que ça attire le regard.

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Dans l'inconscient commun, la femme c'est un objet de désir. Il y a des boites qui en jouent,

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des influenceurs qui en jouent, il suffit de voir les pubs qui tournent sur internet, comment on est targeté. Quand on va dans les trends sur Instagram tout ce qu'il y a c'est des filles jeunes dont les attributs sont mis en avant parce que c'est la société.

Le monde s'articule en partie autour de ça. Heureusement qu'il y a des débats là-dessus, sur Miss France, sur la place des femmes dans les jeux, on a besoin de ces débats-là.

13- Est-ce que c'est quelque chose qu'on peut observer aussi chez Riot ?

C'est dur à dire parce que la vraie question c'est de savoir si les membres virtuels du groupe KDA sont vraiment sexualisés, qu'est-ce l'hyper sexualisation ? Je pense que chacun à sa propre grille de lecture, je ne sais pas si on peut vraiment considérés ces personnages là comme vraiment trop sexualisés.

Il y a une réalité concrète, le segment métal de Pentakill est moins aimé que la pop ou le rap ce qui explique surtout le différentiel de chiffres, il y a vraiment un cap très net sur les personnes qu'on va atteindre. Ça a aussi un côté moins inclusif qui peut faire un peu peur alors que la K Pop est un plus rassembleur.

Je ne sais pas si c'est vraiment le fait que ce soit des femmes qui vient justifier du succès de KDA ou bien le genre musical choisi. Pour le savoir il faudrait faire un groupe de K-Pop masculin et là on aurait vraiment le vrai retour. Avec Arcane, Riot est passé dans le monde de l'entertainment, et il vaut mieux mettre un euro sur la K Pop et le rap, il y a beaucoup plus de potentiel, c'est beaucoup fédérateur. On mise sur les genres qui sont en vogue et qui plaisent à tout le monde.

C'est très compliqué parce que chez Riot il y a eu plusieurs scandales aussi, si je me mets à la place de l'équipe en charge de la création des personnages, si tu crées un monstre masculin on va dire que c'est une caricature, qu'on représente tous les hommes comme des monstres et si c'est une femme on va clamer qu'on range les femmes dans la mauvaise catégorie. Je pense qu'il y a un avant après Kotaku chez Riot. Si un designer doit faire un monstre je pense qu'il va y réfléchir à deux fois.

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Quand on prend l'exemple de Resident Evil, comme le jeu avait lieu en Afrique, les zombies

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étaient noirs et ça avait fait débat sur ce que faisait Capcom, sur le message sous-jacent qui incitait à penser que tous les noirs sont des monstres etc...

Aujourd'hui il faut ne réfléchir même pas 2 fois mais à 10 fois avant de créer quelque chose. Surtout les grosses entreprises on est attendues au tournant plus que toutes les autres. C'est à se demander si la sur abondance de champions féminins c'est pas juste parce que inconsciemment on veut remettre le curseur au milieu et tendre vers un 50/50.

Il suffit d'une personne qui fait un tweet qui détruit le champion et tourne cela de manière choquante et offensante pour les noirs, les LGBT ou n'importe quelle minorité pour que ça vienne vraiment détruire l'entreprise. Ce monde change de nuance et de sens critique, c'est très polarisant et très clivant. C'est de plus en plus compliqué de faire preuve de sensibilité. C'est ça qui est triste, les gens veulent de l'inclusion mais raffolent des extrêmes sur les réseaux sociaux.

14- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Je pense que déjà il y a un précepte de base qui est que « chacun est libre de disposer de son corps » donc ne pas caricaturer la femme, les laisser faire ce qu'elles veulent, s'habiller comme elles veulent, leurs motivations. Côté homme il y a un effort d'empathie, de compréhension à faire. Côté femme comme homme on doit avoir le droit de faire ce qu'on veut mais en même temps en temps que femme il faut aussi faire attention et ne pas jouer avec le feu parce qu'il suffit d'une ou deux pour discréditer une armée de rôle model qui se battent pour la place de la femme. Il a suffi de quelques streameuses dans leur piscine ou qui vendent leurs pets pour enlever tout crédits aux femmes qui se battent pour la cause.

Les femmes devraient être libres mais sans tomber dans le graveleux tandis que l'homme devrait plus chercher à comprendre la femme.

Annexe 16 - Retranscription entretien Julie Bonnecarrere (Directrice générale de Northern Light Entertainment)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

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Je suis à la fois joueuse et je bosse dans l'industrie. J'ai créé un studio qui s'appelle Northern Light Entertainment en octobre 2018 avec la volonté de développer Nebulae qui est un jeu de stratégie politique massivement multijoueur en temps réel sur mobile où les joueurs gèrent collectivement une galaxie menacée. Je suis directrice générale et j'occupe plusieurs rôles avec au premier rang celui de producer et je suis très impliquée dans le game design, la direction artistique et la communication du studio.

Avec mon associé, on s'était amusé à calculer le temps qu'on a passé à jouer dans notre vie, on est arrivé à un total de 35000 heures dans notre vie, c'est quand même 6 fois le temps passé sur les bancs de l'université. Sur une très longue période on était très limité par les restrictions parentales donc au final ces heures se multiplient plus on vieillit.

Tout ça pour dire que je me suis retrouvée à travailler dans les jeux vidéo parce que j'aime jouer, j'aime les jeux. J'ai rencontré mon associé en 2014 en échange universitaire à Hong Kong. Quand on s'est rencontré il jouait à League of Legends, je l'ai rejoint pour jouer et c'est comme ça qu'on s'est rapproché. A cette époque il y avait un cadre très particulier à Hong Kong parce que c'était le début des Umbrella Revolution donc on a eu beaucoup de moments de jeux et de débats politiques.

Il m'a recontacté des années après parce qu'il faisait un projet pour un cours qui mêlait politique et jeux vidéo, je lui ai fait un feedback mais j'ai tellement aimé l'idée que je lui ai proposé de faire vraiment quelque chose de cette idée. On faisait ça sur notre temps personnel, ça a commencé comme un hobby. Arrivé à un moment on ne pouvait plus faire ça en parallèle, il fallait passer au recrutement, au développement, à la confrontation au public. On a monté l'entreprise autour de ce projet assez large qui a pour but de faire d'autres jeux toujours sous ces thématiques à réflexion.

Notre tagline c'est « Entertain, engage, empower », on a le côté engage parce que le but c'est de ne pas se voiler la face et traiter les sujets de société de manière réaliste et se saisir des problématiques du réel pour raconter une histoire. Empower pour donner la possibilité d'agir et de dépasser ce qui fait que dans le monde réel on n'agirait pas. Dans notre jeu, on n'a pas besoin de remplir tous les critères si on veut être candidat à la présidentielle. On peut s'intéresser à n'importe quel sujet sans être contraint par les limites de la vie réelle. C'est une manière de pousser la réflexion sur le sujet mais on n'est pas un jeu didactique pour autant. Si les joueurs

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veulent passer à un État totalitaire ils le peuvent, s'ils veulent laisser leur galaxie se faire détruire ils peuvent mais ils devront jouer avec les conséquences de leur choix.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

C'est une question qui est traitre dans le sens où le marché des jeux vidéo est énorme avec tellement de jeux, de studios, d'acteurs qu'évidemment il y en a qui le sont, d'autres moins.

Ce que j'aimerais qu'on se fixe comme balise c'est qu'on (nous, notre studio et d'autres acteurs de manière généralisée) amène des visions moins sexualisées. Alors pas qu'il n'y en ait plus du tout mais qu'il y ait quelque chose de plus varié, qu'on en a aussi du côté masculin, que les jeux proposent différentes visions de la sexualité, quelque chose de moins stéréotypé.

C'est comme dans le cinéma, il y a des films où on va sexualiser des personnages masculins ou féminins mais ça fait partie de l'esthétique du film et on sait qu'on va voir cela des deux côtés et que ce n'est pas une version qui va juste détruire l'image du personnage féminin. Evidemment il y en a où c'est le cas mais le but c'est de généraliser cela, on ne veut pas que ça soit réduit seulement au personnage féminin si c'est conservé et de l'autre côté c'est de dire « on n'a pas envie qu'il y ait que ça » parce qu'on a aussi envie de pouvoir profiter du film sans avoir que des plans sur des parties intimes en permanence ou des mouvements sexy.

Women In Games avait fait un montage assez folklorique en prenant une série de jeu pour lesquels ils ont appliqué les animations des personnages féminins sur les personnages masculins. Ils l'ont fait avec Batman, avec des personnages de Street Fighter, il y avait 6 ou 7 références de mémoire. On se rend compte que c'est une exagération monstrueuse, on le sait déjà de base mais quand on le voit sur les personnages masculins c'est impressionnant, ça saute encore plus aux yeux. Alors que quand on fait l'inverse c'est juste normal, on arrive à un personnage qui se déhanche ou qui marche normalement. Je n'ai pas de problème qu'il y ait des jeux qui racontent une expérience over sexualisé mais pas que cela constitue l'intégralité du marché.

On n'a pas besoin de tout lisser entièrement parce que la richesse du jeu vidéo c'est aussi sa diversité. Mais aujourd'hui sa diversité du point de vue du traitement des personnages féminins penche encore trop dans l'hyper-sexualisation et c'est dommage.

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Pour moi il y a la sexualisation dans la manière de présenter un personnage, dans la manière de présenter un dialogue, de faire un cadrage de caméra. Et ensuite il y a le gameplay lui-même. On arrive sur un champ qui est celui de la morale. Les jeux ne sont pas faits pour être moraux, on a des jeux de tir etc mais pour moi avec un jeu comme Rape Day on arrive sur quelque chose de honteux et à partir de là ça n'a pas sa place. C'est honteux d'envisager de proposer un jeu comme cela.

On a personne pour nous dire qu'une victime d'une attaque ou d'une fusillade n'est pas une victime et qu'elle l'a bien cherché. Il n'y a pas de questions de société sur le fait que l'acte est un crime, tout le monde le sait, il n'y a pas de question sur le statut de la victime.

Pour le viol on en est pas encore là, le statut de victime est parfois tourné en dérision, il est nié, c'est difficile de faire entendre raison, de déposer plainte, de se faire entendre. On n'a pas besoin de créer un produit culturel qui font de cette pratique un jeu alors qu'il y a déjà énormément de choses qui sont très difficiles du côté des victimes pour se faire entendre, comprendre et reconnaitre. Effectivement à partir du moment où on autorise des jeux sur le meurtre on pourrait autoriser des jeux qui portent sur n'importe quel crime mais je pense qu'on est sur quelque chose qui est encore trop sujet à débat, trop peu considéré.

J'essaie de rationnaliser parce que je n'y ai jamais réfléchi mais je pense que c'est ça la raison qui fait que pour moi c'est une honte de proposer un jeu pareil. On sait qu'un meurtre est un crime, on sait que ça va être puni, pour un viol on le sait mais il faut le dire encore et encore.

Il y a aussi le fait que des jeux comme League of Legends, oui on tue des gens mais rien n'est définitif, on respawn, on est dans une arène, on relance des games. C'est encore différent d'un jeu comme GTA où là on peut faire les crimes qu'on veut et ce n'est pas dans un cadre super fictif où c'est fantastique, peu réaliste.

3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Il suffit de regarder les chiffres, quand on voit les statistiques il n'y a pas grand monde du côté féminin dans les studios, on y est pas encore, on voit bien qu'il y a un petit problème. Ça devrait l'être parce que quand on regarde au niveau des joueurs c'est quand même presque paritaire donc il n'y a pas de raison que dans les studios on soit autant à la traine.

Il y a plusieurs choses, il y a le fait que ce n'est pas que propre au monde du jeu vidéo. C'est

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de la représentation sociale, c'est le fait de faire perdurer des projections qu'on met sur des milieux, sur des genres où on attend certains types d'études, certains de métiers de la part des femmes alors que tout le monde devrait pouvoir faire ce qu'il veut.

Même si on est dans une famille qui va nous laisser faire ce qu'on a envie de faire, il y a tout un tas de représentations dans les films, les films qui nous donnent certaines références qui font qu'on a plus de difficultés à se projeter vers des métiers ou des industries techniques.

Quand on regarde au niveau des écoles on a aussi des chiffres qui sont pas ceux des joueurs. Il y avait quelques écoles parisiennes qui avait publié leurs ratios hommes/femmes et il y avait environ 25% de femmes. Ça reste meilleur que les 20% de femmes dans l'industrie en France et les 14% qu'on a aux USA actuellement, ça va évoluer dans les écoles donc ça va pouvoir évoluer dans l'industrie.

Il y a ce côté-là de la représentation globale dans le jeu vidéo qui est un problème sociétal transverse qui touche tous les domaines. Il y a aussi le fait que quand on a des studios qui ont été montés il y a un certain nombre d'années, qui sont dirigés par des hommes, où tous les posts de lead sont occupés par des hommes et que quand on recrute on a un biais naturel de recruter des personnes dans lesquelles on se retrouve et avec lesquelles on sait qu'on va pouvoir travailler, on va recruter des hommes.

J'ai envie de croire qu'il n'y a pas un biais toujours conscient dans le fait de recruter toujours des hommes. Je me dis qu'il y a une grosse part d'inconscient parce qu'on se projette dans la manière de travailler avec les gens et qu'on a plus de facilité à travailler avec homme si on est un homme aussi à la base. C'est inconscient mais ça va participer au jugement. Il y a une deuxième chose c'est qu'il peut aussi y avoir un biais sexiste de se dire qu'une femme peut partir en congé maternité, que ce n'est pas pratique, qu'il y a un cout... J'espère que ce n'est pas la raison principale mais peut être que ça rentre en compte. Et le dernier point c'est que ce n'est pas que dans le gaming mais c'est quelque chose qu'on entend beaucoup dans le monde de la tech, c'est des gens qui disent « c'est difficile de trouver des bonnes candidates, du coup on prend des hommes parce qu'ils sont meilleurs ».

Nous dans notre studio on a la quasi parité, on s'est dit dès le départ qu'on voulait une équipe qui nous ressemble, donc on voulait recruter avec une diversité en terme de genre, d'origine et

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on s'est fixé une règle qui était de dire que tant qu'on a pas interrogé 5 ou 6 candidats des deux genres, on s'oblige à ne pas donner de réponses. On fait l'effort de se laisser le temps de voir des candidates dans un nombre suffisant en fonction des postes.

Il y a des femmes dans la tech, mais beaucoup qui changent de boulot parce qu'elles font face à des conditions de travail qui ne sont pas optimales, où il y a beaucoup de sexisme. Il y a du flux de talent, donc dire qu'il n'y a pas de bonnes candidates c'est un mensonge, il faut juste prendre le temps. C'est notre vision mais le terrain nous a donné raison.

Il y a un candidat qu'on avait interviewé pour un poste de stagiaire qui n'avait pas été retenu pour des raisons purement tech et de localisation. En réalité cette personne n'a pas accepté le retour qui a été fait, et il a contacté mon associé (et non moi) pour se plaindre qu'on avait embauché une femme à sa place et que c'était surement pour des raisons de quotas, que c'était vraiment dommage et que le fait d'être compétent ne faisait plus la différence. La personne avait eu une liste de points d'amélioration potentiels mais ça ne lui suffisait pas.

4- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Ça m'est déjà arrivé d'avoir des insultes mais jamais sexistes, c'est des insultes basiques. J'ai un pseudo neutre donc on ne peut pas savoir si je suis une femme ou un homme. Il y a des jeux où on peut déclarer son genre comme Mobile Legends où il y a carrément le petit sigle donc les gens peuvent savoir mais je n'ai jamais eu d'insultes liées spécifiquement au fait d'être une femme. J'en ai eu dans LoL qui dénigraient un personnage féminin que j'avais pris mais sans que le joueur sache que j'étais une femme.

J'ai l'impression que toutes les personnes à qui j'ai demandé si elles ont déjà fait face à du sexisme, m'ont toutes répondu oui. Donc peut être que ça m'est arrivé mais quand je joue je suis assez focus donc je ne l'ai jamais ressenti et en tout cas je n'en ai jamais souffert.

C'était une question qu'on s'était posé avec mon associé, pas tellement dans le jeu mais plutôt dans la partie investissement puisque quand tu es une femme dans la tech c'est très dur de lever de l'argent. Il y a 2% des investissements en start up qui sont fait dans des start up fondées ou co-fondées par des femmes. Alors qu'on a 10% de boites fondées par des femmes. Alors certes ce n'est pas 50% mais entre 2 et 10 il y a quand même un fossé. Donc déjà que quand tu es une

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femme qui bosse dans les studios c'est compliqué mais quad on est en plus dans de la création d'entreprise il y a ce problème en plus qui vient se greffer.

On n'a jamais eu de feeling pendant nos levées de comportement négatifs liés à la présence d'une femme dans l'équipe dirigeante. On avait peur de ça et on a été très positivement surpris.

5- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Je pense que c'est totalement un choix volontaire. Pour nous c'est compliqué de faire cela, étant donné que c'est que des aliens qui n'ont pas de corps humanoïdes.

C'est quelque chose qui a lieu, je ne sais pas si c'est une autorisation ou si c'est que les gens le font, en tout cas c'est sûr que les gens le font, mais ça découle aussi de la façon dont est traité le personnage dans le jeu. Quand on a un personnage qu'on suit, qui n'a pas de cape, un petit short et la coupure de la caméra se fait à mi-cuisse, au final si l'outil marketing s'en sert c'est en venant simplement refléter la réalité du jeu.

Donc plus que le marketing, le problème vient de la représentation en jeu. Le marketing en découle, on ne fait pas une promesse fondamentalement différente de ce qu'on offre dans le jeu.

6- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

La première chose c'est multiplier les représentations des personnages féminins pour que s'il reste des représentations sexualisées cela soit une représentation parmi d'autres. Il faut des personnages féminins badass pour reléguer au second plan la représentation hyper sexualisée et pour qu'elle ne soit plus la seule qui est à disposition. Il y a déjà des personnages comme ça qui sont disponibles mais c'est encore une trop petite partie.

On parlait des représentations dans les studios, je pense que la nature des jeux proposés vient aussi des gens qui les créent et les proposent donc si on avait plus de femmes dans les studios à des postes décisionnaires on aurait des représentations qui évolueraient.

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Si on se donne pour objectif d'aller vers quelque chose de plus stéréotypé et assez peu moderne dans la représentation de la femme il faudrait au moins surveiller et modérer les propos de la communauté quand c'est en ligne pour éviter des dérives sexistes qui interviennent.

Il y a la représentation et faire en sorte que la liberté d'expression des joueurs ne vienne pas heurter les joueuses qui sont là, qui ne vont rien dire. C'est ce problème d'adopter un nom neutre, un personnage neutre pour ne pas se faire emmerder. Ce n'est pas forcément ce que j'ai fait, personnellement j'ai volé le pseudo de mon frère mais le résultat est le même : comme j'ai un pseudo neutre je ne me fais pas embêter.

Il y a des initiatives émergentes comme Gaming Squad, c'est une start up incubée qui a mis en place un algorithme qui permet d'avoir un safe space pour déterminer les comportements qui heurtent et pour ne pas y être confronté lors de son expérience de joueur. Nous c'est vraiment quelque chose qu'on regarde avec attention, parce que même si on a des aliens on ne veut surtout pas laisser la porte ouverte à ce genre de dérive. Et là on parle de sexisme mais il y a aussi cette question-là d'un point de vue politique, de racisme...

7- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Là on parle de ce qui ne va pas mais on a quand même fait énormément de progrès, il faut aussi regarder ce qui va bien et qui part dans la bonne. C'est encourageant.

Annexe 17- Retranscription entretien Amandine Paccou (Rédactrice web et correctrice)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Je suis rédactrice web et correctrice, après avoir été professeur de français. Je joue depuis toute petite ; jeux console (PS1, Gamecube, Wii), jeux pc (Sims notamment). Puis au lycée j'ai découvert League of Legends, j'y ai passé des journées et des nuits entières ... Mais ce n'était rien comparé à World of Warcraft, qui a dû me prendre une année complète (Wow classic). Aujourd'hui, je joue toujours à League, notamment à TFT et WOW. C'est pourquoi je souhaite me spécialiser dans les jeux vidéo dans mon métier. Je m'implique énormément dans les jeux dans lesquels je souhaite « tryhard » (Lol, Wow), car je souhaite performer au maximum de mes possibilités.

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Je joue le plus à des MMORPG. Environ 4 heures par jour, moins quand je travaille, plus le week-end. J'aime ce genre de jeux pour l'aspect communautaire en premier lieu, mais aussi parce que j'aime l'idée d'avoir mon propre personnage que je fais évoluer. Le farming me plaît aussi. J'ai également pu apprendre à très bon niveau l'anglais grâce à WOW.

Quant à TFT, j'adore l'aspect stratégique, et le fait de ranker. Bien entendu, je joue aussi parce que je trouve cela ludique.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui, prenons l'exemple de Lost Ark : les personnages féminins ont tous une énorme poitrine et des hanches larges. On ne peut modifier cela. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je préfère cent fois mon personnage sur WOW que sur Lost Ark. Je trouve que sur WOW, les personnages féminins sont « neutres » (et donc, à mon sens, avec bien plus de charme).

3- De la même manière celui de l'esport ?

Pas vraiment, dans le sens où on ne voit que très peu de femmes sur la scène e-sport (du moins pour les jeux que je regarde). Par contre, je me demande quelle serait la réaction d'une partie du public s'il y en avait plus ...

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Non, je pense que de manière générale (des exceptions existent), les femmes sont considérées comme étant moins bonnes dans les jeux vidéo que les hommes, de ce fait elles sont moins prises au sérieux.

Je ne connais pas les ligues féminines ni les associations comme WIG. Cependant, cela me fait penser que je trouve l'idée de constituer des ligues professionnelles uniquement destinées aux femmes, mauvaise ; en e-sport, la morphologie n'importe pas. Pour la première fois, on pourrait avoir une discipline dans laquelle hommes et femmes sont réellement sur un pied d'égalité. Pourquoi alors se séparer ?

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

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En règle générale, surement. Les autres filles avec qui j'ai pu jouer n'avait pas forcément l'esprit aussi compétitif que les hommes, mais cela dépend de chacun.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Oui. J'ai réagi comme dans la vraie vie, à savoir que j'ignore. L'avantage c'est qu'in game, on peut aussi bloquer. Les insultes étaient liées à ma nationalité, ou au fait que je suis une fille. Les autres fois, c'est parce que j'avais vraiment troll la personne en question.

Cependant, une fois un joueur a vraiment dépassé les bornes, mes guildmates ont dû s'en mêler pour qu'il cesse. Il m'en voulait d'être une fille, très clairement, il avait même mis un post sur Reddit et payé en argent réel pour me faire assassiner par un multiboxer mercenaire sur le jeu. En fait, il ne supportait pas que certains guildmates soient très tolérants avec moi en raid, par exemple si je devais AFK une ou deux minutes (alors que pour les autres, ils râlaient. Il faut noter que ces personnes étaient avant tout mes amis, donc je ne pense pas qu'il y avait un réel traitement de faveur ...)

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Peut-être. En tout cas, c'est sûr que ça n'aide pas. Je pense que ce problème n'est pas forcément lié aux jeux, mais tout simplement à la société.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Difficile à dire, cela dépend de la personnalité de chacun. Une de mes amies n'aurait jamais voulu « tryharder » pour monter à haut niveau, mais moi j'aime bien, et il y a un monde où j'aurais pu vouloir vraiment ne faire que ça.

9- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

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Oui, et ce partout. Je trouve ça à la fois risible et triste. Oui c'est volontaire.

10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Certainement, à titre individuel, tout le monde pourrait se comporter de manière à changer les mentalités dans le bon sens. Les femmes devraient (en général) ne pas jouer du fait qu'elles soient des femmes, parce que, entendons-nous, j'ai vu des tas de gars se faire plumer IG parce qu'ils aimaient bien la fille. Les hommes devraient se comporter normalement, à savoir ne pas faire de différence de comportement face à un homme ou une femme.

Annexe 18 - Retranscription entretien Anthony Gerontitis (Développeur software)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Bonjour, je m'appelle Anthony, 32 ans, originaire de Belgique. Je suis développeur software pour une société de consulting. Ma société de consulting est active dans l'esport et j'y ai un rôle de manager où je gère un pôle qui organise des tournois mensuels, par ce biais je suis membre d'un des groupes dirigeants du club. A côté de cela, je suis joueur compétitif dans plusieurs jeux et admin de plusieurs communautés liées à ceux-ci (i.e. Return to Castle Wolfenstein, Diabotical).

Le style que je préfère c'est les FPS, First Person Shooter. Par semaine, je dois jouer 4-5h minimum environ. Avec le travail et la reprise du présentiel, il m'est beaucoup plus complexe de jouer régulièrement.

J'aime certains types de FPS, la catégorie FPS slow avec spray control, style Valorant/CS:GO, ou les BR (Battle Royal), comme PUBG/Fortnite, ce n'est pas mon truc. J'y joue également, mais plus pour accompagner des amis qu'autre chose.

Pour mes préférences, on est donc sur du : Quake, Warsow, Diabotical, pour les AFPS (Arena FPS, sous genre du type FPS), et Return to Castle Wolfenstein, Enemy Territory : Wolfenstein, Dirty Bomb ou Overwatch, pour les FPS. J'aime la nervosité, le fait d'être tout le temps dedans, de devoir penser rapidement à plusieurs dizaines de choses en même temps. L'intensité de ces

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jeux est très élevée et la dose d'adrénaline également

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Peu par rapport à d'autres domaines comme les clips vidéos ou le cinéma mais il est certain que certains jeux en profitent. Néanmoins, ils me semblent être une minorité. Pour être honnête, jouant à peu de jeu AAA mais plutôt à des multi-joueurs ou des jeux indé, je n'ai rien remarqué de tel. Je ne vous cacherai pas que je ne regarde pas les skins des personnages en détail pour voir.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Je ne pense pas qu'il soit sexualisant, on trouve peu de décolleté dans les promotions de casters filles. Elles semblent s'habiller comme elles le veulent, certaines prenant plus de plaisir que d'autres à varier leurs tenues (i.e. Sjokz).

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ? Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Je pense qu'il faut diviser la question en deux, les joueuses et les travailleuses dans l'esport.

Si on parle des travailleuses (cast, desk, etc..) : Pas moins que ne l'est le sport, je dirai quand même plus. Certes, il y a encore une forte véhémence venant du public lorsqu'une fille caste des événements mais elles sont déjà un certain nombre, et les mentalités commencent à changer. C'est autre chose que sur les émissions de foot des plateaux télévisés où le nombre de femme est ridiculement proche du néant.

Si on parle des joueuses : Je pense qu'à l'instar des sports, l'argent dirige tout. Je pense que les ligues féminines sont une bonne chose pour permettre à des femmes de s'exprimer. Comme j'espère qu'un jour, des ligues vétérans verront le jour. Je ne connais pas la WIG donc je ne saurai pas m'exprimer dessus.

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Une étude américaine sur les jeux vidéo avait calculé que le temps de réaction moyen d'un

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homme est légèrement plus rapide que celui d'une femme, étude qui serait interdite en Europe pour des raisons d'éthique. Cela n'a aucune incidence à l'échelle de notre vie mais, au vu de la vitesse de réaction nécessaire dans certains jeux vidéo, cela aurait un impact.

Je n'ai pas d'avis tranché sur cette étude car il faut tenir compte du fait que le nombre de fille gameuse n'est pas égal au nombre de garçon donc les chiffres peuvent être faussés par un mauvais échantillon de population. La seule réalité est que les équipes féminines pro de CS:GO n'ont aucune chance contre des équipes masculines pro, même issues hors du top 30 mondial, mais à nouveau, l'échantillon de population peut avoir son effet. Je dirai néanmoins que ça ne change rien pour 95% de la population, il n'y a aucune différence.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Insultes, harcèlements, oui bien sûr. Les gens insultent quand ils perdent et qu'ils sont persuadés que c'est à cause de toi, c'est triste mais il faut savoir l'encaisser et prendre cela avec du recul. Lorsqu'on est organisateur de tournoi, on doit être prêt à subir une forme d'harcèlement de la part de joueur mécontent ou d'ami de joueur mécontent, notamment si ceux-ci sont refusés à la compétition pour avoir un passé de cheater.

Je ne cache pas que je réagis au cas par cas, il m'arrive de répondre à l'agression par du cynisme, mais, dans la plupart des cas, j'ignore la personne tout simplement. Rien ne peut leur faire changer d'avis, c'est du temps perdu.

Je joue régulièrement avec des amies, je n'ai jamais été témoin d'un moment où elles se sont faites insultées ou harcelées mais je ne me permettrai pas d'en conclure que cela n'est jamais arrivé.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Non, je pense que c'est plus primaire que ça. Dans le cas d'agression, la personne est mécontente parce qu'elle perd, son insulte partira de toute façon quel que soit le genre de la personne. Il va juste adapter son vocabulaire s'il sait que c'est une fille.

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Les harcèlements, je pense plus qu'on est dans le même problème que les dickpics. Des hommes qui pensent séduire une fille par des moyens bizarres sur internet. C'est peut-être lié au fait que certains geeks ont du mal avec les relations humaines de base, en particulier avec la gente féminine et du coup, ils pensent qu'il y a quelque chose de réciproque au fait qu'une fille leur parle. J'ai dû mal à comprendre leur logique, vu que je n'ai jamais agi de cette manière. Les jeux vidéo sont un terrain de jeu, les joueurs sont des partenaires de jeu, cela s'est toujours arrêté à cela dans ma tête, même si la discussion a lieu sur Discord/IRC/Teamspeak.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ?

Je ne pense pas. Le problème dans le monde professionnel est plus que la société juge qu'une femme ne connait de facto rien dans les choses dites « d'hommes » : foot, mécanique, informatique, jeux vidéo, ...

Pour les sphères à niveau, ce n'est pas parce qu'on veut qu'on peut. On a des limites physiques et psychologiques qui nous empêcheront d'atteindre le haut niveau, quel que soit notre genre. Je pense que l'échantillon de population féminine qui joue n'est pas assez grand que pour avoir une équivalence actuellement ou arriver à une conclusion quelconque.

9- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Oui, dans les pubs, notamment. Pas spécialement dans les jeux vidéo, il me semble. On ne joue pas à un jeu parce qu'il y a une belle femme, on joue à un jeu parce que le gameplay, l'histoire, les mécaniques nous plaisent. Le reste est du bonus, comme dans les Tekken. Je pense que le choix est volontaire. Pour attirer des gens, il faut leur donner une image qui leur fait envie et le corps de la femme peut être facilement instrumentalisé en ce sens. Ce que j'en pense ? Que c'est triste. Je ne vois pas l'intérêt, je suis très agnostique à ce genre de contenu.

10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Bien sûr. Il ne faut pas oublier que les jeunes sont influençables et qu'ils écouteront plus

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facilement ce que leur idole leur dit que leur parent. Si s1mple, un des meilleurs joueurs de CS: GO au monde, leur dit qu'il faut respecter les femmes et les laisser jouer, cela aura toujours plus d'impact que si un politicien dit cela à la télévision. C'est en utilisant ces figures iconiques du jeu vidéo ainsi qu'en s'attaquant fortement aux gens qui refusent de voir les filles comme des égales lorsqu'on parle de jeu vidéo qu'on arrivera à quelque chose de mieux. Je pense que les icones et casters doivent reclaper les gens qui usent de tels propos.

Je ne pense néanmoins pas qu'on éliminera les insultes sexistes car elles ne sont que des insultes personnalisées à l'interlocuteur, et ça ne changera pas.

Annexe 19 - Retranscription entretien Aymeric Simeon (Journaliste high tech)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Aymeric Siméon, journaliste high tech depuis 15 ans, spécialisé dans le gaming (et le hardware et inversement). Je suis en reconversion professionnelle mais j'ai eu l'occasion de tester beaucoup de jeux, de rencontrer énormément de personnalités aussi bien locales qu'internationales du monde du JV, de m'impliquer et d'aider de petites structures dans leurs efforts de communication et de différenciation.

Je joue énormément à HearthStone, faute de temps. Sinon je suis agnostique : il n'y a que les HOG qui me rebute. Et les jeux de Foot. Je suis un grand fan des jeux de stratégie PC depuis... mes jeunes années parce que ça me fait réfléchir, et je suis un roliste papier donc les bons RPG JV passent aussi généralement tous entre mes mains. Avec plus ou moins de bonheur.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui, clairement. Le marché du JV est un marché sexualisant de par la manière dont sont adressées certaines campagnes, certains messages, les persona identifiés sont bien souvent des hommes alors que les femmes jouent énormément. On a aussi plus tendance à mettre des hommes ou des héros homme en couverture de certains JV, à utiliser des hommes en héros principaux, etc. A quand un GTA dont le personnage principal sera une femme ?

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3- De la même manière celui de l'esport ?

Oui aussi. Pourquoi n'y a-t-il pas de tournoi eSport type The International avec des teams de joueuses ? Le mythe du jeu vidéo réservé au garçon est le même que celui des poupées pour les filles. Pas de bol, moi, en tant que mec, j'adorais jouer aux Barbies.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Non, clairement pas. Différence de salaire, de traitement, de considération. On a tous les bons clichés des sociétés actuelles et antédiluviens. Les JV ne font pas exception. Peu de femmes sont à des boards de grosses boîtes ou dans des équipes de décision/production importantes. Toutefois, pour connaître des sociétés où les femmes représentent 70% de la population dont 80% du board, c'est parfois difficile d'être un homme.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Je suis adhérent à WIG. Je suis le parcours des afrogameuses. Je suis un fervent soutien des femmes dans le jeu vidéo et un défenseur de la parité et de l'égalité des chances.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

De mon oeil de male : les mecs prennent tous les jeux pour des challenges perso à relever. Faut tout claquer pour faire reluire les pecs et les biceps et flamber auprès des potes. Un truc de mâle...

Les femmes, elles, auront plus tendances à le faire en mode à la cool, on s'amuse, pas d'enjeu. Ce qui ne les empêchent pas de platiner aussi. Je vis avec une gameuse depuis 15 ans, je vois bien comment elle fonctionne : elle aime aller au bout, tout platiner, mais ne se met pas la pression pour y arriver. Alors que moi, quand j'avais du temps pour jouer, si. Tout le temps.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Bien entendu ! J'ai dirigé l'une des plus grosses guildes de WoW sur Hyjal côté Horde et je m'en prenais plein la tronche à longueur de journées. Dans ce cas précis, le « genre » n'a rien

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à voir les insultes que l'on peut prendre dans les dents. C'est la teneur des insultes qui, bien souvent, change drastiquement quand on sait que le personnage en face est piloté par une femme ou un homme. Un mec se fera insulté, une femme rabaissée ou insultée et rabaissée voire humiliée. J'ai dû gérer des soucis de ce type dans WoW et les régler n'a pas été simple du tout. Exclusion des membres de guilde pour comportement déplacé etc.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Dans les années 90 début 2000, j'aurai répondu oui, sans hésiter. Aujourd'hui, je serai bien moins catégorique. Il y a une part de fantasme incarné par les personnages féminins dans les jeux parce que bien souvent créés par des hommes... notamment les JV japonais. Je pense qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus de harcèlements et de dérapages qui trouvent leur point de départ dans le streaming de jeux vidéo et la manière dont peuvent se comporter les communautés et les spectateurs.

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

Confère réponse du dessus. La femme modélisée est bien souvent un fantasme ou une vision idyllique que l'homme a du sexe opposé et dont il peut contrôler tous les aspects dans le jeu qu'il crée. Avoir de vraies femmes qui gravitent autour du processus de création pourraient casser le mythe. Concourir contre des filles pourraient gêner certains hommes aussi, se faire battre par elles... aie aie aie. L'égo n'y survivrait pas et la virilité, aussi. Et pourtant je suis pour la mixité dans les teams eSport pour les FPS et les MOBA.

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

De tout temps cela a été le cas. Etant marketeur depuis peu, je peux tout à fait affirmer que les corps d'une femme sont généralement plus vendeurs parce qu'incarnant la beauté, la féminité, la douceur, le désir, etc. Les femmes mises en avant dans la plupart des publicités incarnent l'inaccessible, un modèle à poursuivre. Cela fait beaucoup de dégâts à tous les niveaux.

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Enfin, à date, ce sont encore principalement des mecs qui achètent des jeux vidéo donc mettre en avant des personnages féminins plutôt que masculin éveillent le désir et non la jalousie : rien de plus frustrant que de voir un mec gaulé comme un dieu sur une jaquette pour la plupart des gamers.

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Tout à fait. En s'écoutant, en se rencontrant dans des associations et surtout en parvenant à dépasser la notion de genre aussi bien dans le boulot que dans la vie de quotidienne. Mais il faut que ce soit un vrai engagement pas juste « un truc pour faire bien ». Et c'est là le plus dur : parvenir à mobiliser et pérenniser ensuite la mobilisation des acteurs, de fédérer et de trouver des solutions ensembles tout en acceptant la confrontation et le désaccord pour mieux avancer.

12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

J'ai été ravi de participer à ce questionnaire en tant qu'homme. Merci.

Annexe 20 - Retranscription entretien Fanny Simic (Chargé de projet digital avec Webforce 3)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je suis actuellement en formation de Chargé de projet digital avec Webforce 3 dans l'entreprise Phitech. Chez moi, je suis streameuse Twitch, je fais du partage de contenue vidéo ludique, en partageant mes découvertes jeux et certaines sorties.

Je jouais énormément au MMORPG dans un style Médiéval fantastique pour m'évader de la réalité, maintenant je fais beaucoup d'indépendant ou de jeux multi (Dead by Daylight, Phasmophobia etc...) et de jeux rétro pour le partage de contenu.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je dirais oui dans sa majorité, mais beaucoup moins qu'avant où on était beaucoup plus limité

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surtout dans les MMORPG à voir des femmes stéréotypées aux gros seins avec un ventre plat. Aujourd'hui pour les MMORPG la personnalisation est devenue un amusement, on retrouve de toutes les possibilités. Dans les jeux indépendants les plus en vogue et les plus recherchés aucun ne contient de femme où il n'y a rien de péjoratif...

Malheureusement, on reste quand même ultra sexualisé dans certains jeux où il n'y a aucun choix de configuration sur les personnages, bien souvent dessiné en poupée gonflable du fantasme de certains plus que de la réalité.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Celui de l'e-sport pour moi est celui le moins sexualisé mais par contre comme dans la vraie vie c'est le miroir du sport féminin IRL. Les femmes sont malheureusement très peu présentes, voir pour certains jeux, inexistantes.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Je pense que cela dépend fortement du jeu et malheureusement ce qui le rend inégalitaire c'est la mentalité de la société dans la vraie vie. Je suis quelqu'un de très objective, toute personne peut vivre sa vie comme il l'entend (sans blesser les autres bien sûr) mais dans la vraie vie la femme étant déjà mise à l'arrière-plan cela n'aide pas du tout son intégration dans le monde IG (en jeu).

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Pour être honnête je ne connais pas. Après avoir regardé en quoi consiste l'association, je trouve que ce sont de bonnes association mais je me rapproche rarement des associations car je trouve toujours un petit penchant extrême qui me déplaît.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Oui clairement il y a une énorme différence entre le rapport aux jeux entre les femmes et les hommes....

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Comme dans la vie d'ailleurs notre vision est plutôt différente, la plupart des hommes sont là pour se détendre. Le stéréotype masculin c'est celui du jeu Call of Duty, Apex, en gros très FPS alors que le jeu féminin on le retrouve avec les jeux de mode, les jeux communautaires, les Sims sur PC etc... C'est très stéréotypé, on en revient donc à ce que je disais tout à l'heure, c'est le reflet de notre société IRL actuelle. On met dans la tête aux femmes certaines idées sur leurs choix, leurs gouts depuis petite et une fois adulte ben même sur les jeux vidéo cela se reflète énormément.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Alors, oui, j'ai déjà été insultée, et même lynchée en place publique sur les canaux de tchat d'un MMORPG bien connu à l'époque. J'ai toujours été une femme très ouverte depuis toute jeune, je n'ai aucun sujet tabou. Je sais aussi bien rire sur des histoires de « cul » désolé de l'expression, que sur n'importe quel autre sujet... Le problème, c'est que je suis une femme... Un homme qui va se mettre en caleçon pour un pari perdu et où tout le monde va rigoler bêtement et innocemment, en tant que femme non toi, tu auras montré tes jambes, tu es la pire des salopes, tu es une aguicheuse, etc... Du coup tout simplement, j'ai rencontré un homme en jeu avec une amie à moi, on s'entendait super bien tous les 3 on rigolait sur tout et on se tapait des barres sur des histoires de « cul » innocentes... Sauf qu'il a eu des sentiments pour moi et je ne les ai pas acceptés... Le refus ne lui a pas plu. Il a récupéré mon compte supprimé certains items de mes inventaires, et commencé à dire sur tous les canaux que j'étais une salope, allumeuse.... J'ai dû aller jusqu'à changer mon pseudo pour ne plus être reconnue.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Je pense sincèrement que la majorité de ce problème est IRL avant d'être virtuel. Beaucoup d'hommes que je connais savent qu'un jeu est un jeu. Je rencontre beaucoup d'hommes et je préfère passer du temps avec eux personnellement. Et pour la plupart, leur réel problème vient de la vraie vie, certains sont des hommes malheureux, seuls, incompris qui ne connaissent pas les limites parce que même leurs familles ne s'occupent pas d'eux et les laissent dans leur case et leurs souffrance... (Je ne dis CLAIREMENT PAS que ça excuse leurs comportements) Mais

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je démontre surtout que le problème avant d'être interne au jeu est externe....

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

Je ne pense pas et j'en reviens au même commentaire qu'au-dessus mon vécu sur toutes les différentes plateformes et les discussions avec des hommes etc... M'ont juste clairement montré le reflet de la réalité qui est une pomme moisie de l'intérieur.

Concrètement je trouve les réactions en jeux totalement identique au comportement des gens IRL a la seule différence qu'il se lâche plus car ils n'ont plus la limite de la physique et pense que ben derrière un pc la personne aura moins de sentiments...

10- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Je pense que dans certains cas, concrètement oui mais pas pour tout. En faire une généralité serait extrême et nocif... Une majorité d'entreprise sur certains jeux ciblent un certain public et utilisent concrètement ce système. C'est absolument réfléchi et volontaire en plus d'être totalement malsain.

11- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Pour moi tout le monde peut être acteur du changement homme femme trans etc... Mais pour changer les mentalités du jeu il faut commencer par changer les mentalités hors internet.

La solution est simple il est GRAND temps d'arrêter de tout genrer, d'apprendre dès le plus jeune âge aux enfants que non on ne frappe pas plus faible que soit en commençant en tant qu'adultes en donnant l'exemple (parce que femme faible = mari violent) et en arrêtant de justifier le fait de les frapper. En apprenant aux petits garçons dès le plus jeune âge qu'il n'y a pas de différences entre fille/femme/homme/garçons que la seule chose à savoir c'est se respecter chacun et respecter le corps...

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Pour faire court, la solution c'est d'instaurer enfin de la bienveillance et de la compréhension entre toutes personnes. Que l'on puisse enfin vivre sur un vrai pied d'équité.

12- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Pour le mot de la fin, je vous remercie d'avoir pris le temps de me lire et je souhaite une belle utopie enfin entre tous les humains.

Annexe 21 - Retranscription entretien Laurianne Espinadel (Sound & voice designer)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je suis sound & voice designer pour les jeux vidéo. Après 4 ans d'études dans le son et dans l'audiovisuel j'ai voulu me spécialiser dans le jeu vidéo pour suivre ma deuxième passion j'ai donc fait un master et suis entrée dans l'industrie. Je joue principalement à des AAA réalistes comme Assassin's Creed ou Horizon car c'est un style qui me plait et me permet de m'évader mais j'apprécie également des jeux plus indépendants comme Flower ou Gris qui comble mon côté artistique.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ? De la même manière celui de l'esport ?

Oui même si ça tend à s'améliorer, la représentation est encore très genré et le male gaze se retrouve partout dans tout style de jeu.

Je ne connais que très peu le monde de l'esport mais du peu que j'en ai vu je n'ai jamais vu de femmes/personnes de minorité.

3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Non, pas encore, certains studios en font leur cheval de bataille mais d'autres font preuve d'un sexisme affligeant, la bataille pour l'égalité est loin d'être gagnée.

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4- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

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Je pense que ce sont des bonnes initiatives même si WIG ne m'a pas encore vraiment prouvé son utilité dans le concret mais des collectifs plus petits existent comme le collectif Mauvaises Herbes qui organise des conférences et rencontre entre personnes marginalisées et qui permet d'avoir des retours plus personnalisé de l'industrie.

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Je ne pense pas qu'il y ait de différence pour notre génération mais pour la génération de nos parents c'est souvent plus mal vu qu'une femme joue à des jeux car c'est considéré être une perte de temps, souvent réservé aux hommes car ils peuvent se permettre de faire moins niveau tâche ménagère, les femmes jouent donc plus sur leurs téléphones, dans les transports etc.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Non car je ne joue pas en ligne.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Je pense que c'est un tout, la société patriarcale va dans ce sens aussi et le manque de respect face aux femmes est partout et d'autant plus dans les jeux vidéo ce qui donne un bon vivier de personnes sexiste qui ose tout dans ce milieu car c'est approuvé par leurs exemple de jeux.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

Même réponse que précédemment en ajoutant que souvent à l'école les femmes ne sont pas destinées à faire des métiers dans le jeux vidéo ce sont des métiers « d'hommes » et surtout de « geek », les quelques femmes qui se lancent là-dedans arrêtent souvent dès la fac où elles font face à du harcèlement tant côté étudiants que côté professeurs et sont dégoutées de l'industrie avant même d'y entrer, cela donne un manque de femmes sur le marché du travail et donc une sous-représentations de celles-ci ne pouvant donc montrer l'exemple aux jeunes générations, la

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boucle est bouclé.

9- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Je pense que c'était le cas avant (un temps où les seins triangles de Lara Croft faisait tourner les têtes) mais maintenant il y a plus une animosité du côté de joueur à pouvoir jouer une femme, ils ne veulent pas de femmes dans leurs jeux ou alors seulement en PNJ sexy avec lesquelles ils peuvent fleurter mais ce type de contenu n'est pas souvent mis en avant.

10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui totalement, les femmes et minorité déjà dans l'industrie ont le devoir de montrer l'exemple, de faire des conférences, d'encourager celles qui n'osent pas, de montrer la voie au plus jeunes et les hommes ont le devoir de laisser cette place et de traiter comme égale leurs homologues. Les jeux qui sortent sont de plus en plus ouvert et renvoient une image de la femme réaliste et moins stéréotypée, il faut continuer dans ce sens.

11- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Bon courage pour ce mémoire, c'est un sujet très intéressant et super important !

Annexe 22 - Retranscription entretien Marie Jergan (Etudiante en Licence MAPP)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

J'ai 35 ans, je joue aux jeux vidéo depuis plus de 20 ans maintenant. Je suis une joueuse occasionnelle, ma mère n'a jamais apprécié que je joue aux jeux vidéo, je ne jouais donc à l'époque soit qu'à jeux que mes cousins nous donnaient et donc validé par ma mère soit ceux qu'elle achetait selon ses goûts. Donc je n'ai pas la culture du jeu triple A et encore moins du jeu acheté neuf, à sa sortie.

J'aime particulièrement les jeux indé, les puzzles game, les jeux de craft, les jeux bacs à sables. Je me suis rendue compte que j'aimais ces jeux parce qu'ils me permettent d'avoir un semblant

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de contrôle sur mon environnement, même si celui-ci n'est que virtuel.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je ne pense pas que le jeu vidéo à l'heure actuelle soit plus sexualisant qu'il ne l'était dans les années 8O, et que ce soit pour les femmes ou pour les hommes d'ailleurs. Le héros de Serious Sam est une parodie des jeux de cette époque, d'où son caradesign totalement stéréotypé, comme pouvait l'être le héros de Doom. Est-ce que les joueurs qui s'identifiaient à lui se sont tous mis à la musculation, je ne pense pas. Si on reprend le jeu Metroid, avec son personnage épique en armure, on découvre seulement à la toute fin que celui-ci est une femme. Est-ce que ça a empêché les jeunes joueurs de se plonger dans l'aventure ? Je ne pense pas, de même pour Link. Le personnage de Zelda, dans la lutte contre Ganon est finalement très puissant (dans le dernier épisode de la série, elle le combat seule pendant 1OO ans attendant le réveil de Link). Pour joueur en multi régulièrement, sur des jeux comme Smash-Bros, j'ai pas mal d'amis qui préfèrent jouer Peach non pas parce que c'est un personnage féminin mais parce que ses coups sont puissants. *J'ai fait le jeu « Gris » l'année dernière, son personnage est une jeune fille/femme en robe et frêle. Ce contraste avec ce cheminement lui apporte bien plus de force qu'il ne la sexualise. De même que dans le jeu « Céleste » qui reprendre le même type de quête. Le sexe du personnage n'est pas le sujet du jeu, et ni le sert ni le dessert.

Le temps où les armures les plus puissantes des personnages féminins dans les MMORPG étaient des bikinis d'acier est révolu. L'âge moyen du joueur français est de 36 ans de souvenir, et à 46 % le marché est désormais composé de femmes. Voilà de quoi changer la donne.

3- De la même manière celui de l'esport ?

Le marché du e-sport est très récent, sa « commercialisation » d'autant plus. Ce marché ne représente pas tous les joueurs parce que tous ne sont pas nécessairement attirés par la compétition au travers du jeu vidéo. Son public est donc relativement jeune, aimant la compétition, les affrontements et les démonstrations de force. On peut donc s'attendre à retrouver des adolescents, des jeunes hommes au sein de celui-ci puisqu'ils partagent les mêmes attributs dans leur quête de socialisation. Ils peuvent être en quête ou non d'une certaine reconnaissance en faisant partie de cette communauté de joueurs. Les sponsors misent donc sur des arguments plaisant à ce public, quitte à choquer.

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4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

En tant que pratique personnelle, oui je pense que le jeu vidéo est un bon support pour développer à la fois ses goûts, sa personnalité mais également tout un tas de compétences cognitives, de communication avec les autres en jeu multi ....

En tant que pratique sportive, je pense que le chemin est encore long avant que l'e-sport puisse être support pour développer l'égalité entre les hommes et les femmes.

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

Tout dépend le sens de la question, si c'est par rapport aux styles de jeux joués, je pense qu'au final sur toute les tranches d'âges chez les filles et chez les garçons, tous les styles seront joués. Si c'est par rapport au support de jeu, il y a peut-être plus de garçons (tous âges confondus) qui jouent sur console ou pc, par rapport aux filles (toujours tous âges confondus) qui jouent peut-être plus sur tablette ou smartphone.

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Oui, en effet, j'ai déjà entendu, subi des remarques blessantes en jouant en multi online ou local. Je ne l'ai pas pris personnellement, quand on est pris dans un jeu, il peut arriver qu'il y ait des dérapages. Néanmoins, j'ai remarqué que les joueurs masculins qui se permettent ces insultes, ces moqueries, ces piques sont ceux qui sont le moins calés dans leurs vies. J'ai d'ailleurs reçues des remarques plus blessantes de la part de joueurs qui me connaissait qu'en ligne.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Pour une certaine typologie de joueurs, oui je pense qu'on peut faire la corrélation. Je pense à ces jeunes hommes qui sont en recherche de repères qu'ils ne trouvent pas d'une façon ou d'une autre dans leur quotidien, dans la vie réelle et qu'ils viennent chercher dans ce qu'ils connaissent

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et qui les rassure, les jeux vidéo. Le problème c'est quand cela devient un cercle vicieux et qu'ils n'y trouvent plus d'échappatoire. Je fais le lien aussi avec cette nouvelle catégorie sociale les « incel » qui sont des jeunes hommes, dégoûtés de se faire rejeter par les jeunes femmes de leur âge, et qui trouvent refuge au sein de communauté d'autres hommes ayant la même problématique, avec une tendance notable à la violence envers « ces » femmes qui les rejettent.

8- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

J'ai personnellement remarqué que les jeunes vidéos proposés pour les très jeunes filles « Léa passion cuisine » globalement toute la collection Léa, passion ... mais également les jeux dit de cuisine, avec des animaux, pour s'occuper des enfants ont tous des filles sur leurs jaquettes. Sans doute pour rassurer les acheteurs que ces jeux sont bien destinés et « safe » pour les jeunes demoiselles.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Oui le comportement des joueurs va nécessairement avoir un impact sur la façon dont les jeux vont être créer. Dans les jeux dits « bac à sable » l'uniformisation et la customisation non-genrée est devenu la norme, il suffit de voir le succès de Minecraft, ou plus récemment Among Us. Le jeu Fortnite lui tend à l'uniformisation du caradesign des joueurs qu'on joue un homme ou une femme on peut tout à fait être musclés dans chaque sexe.

Annexe 23 - Retranscription entretien Quentin Fauchie (Rédacteur/testeur - Recherche « game studies »)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi?

Je travaille dans la presse spécialisée jeux vidéo en tant que rédacteur/testeur et étudie dans la recherche « game studies ».

Je joue le plus souvent à des RPG (que ce soit A-RPG, JRPG, CRPG, etc.). La plupart du temps,

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ce sont des jeux qui mettent l'emphase sur la construction de leur cosmogonie, et s'appuient sur un récit plus ou moins complexe. C'est aussi dans ces jeux que l'on retrouve un aspect de personnalisation prononcé, que ce soit la création du personnage et un simple habillage : on forge une connexion plus importante avec notre avatar.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant? Pourquoi?

Si le marché du jeu vidéo tend à s'améliorer sur cet aspect, je pense qu'il en est encore au stade où la sexualisation reste un de ces maux. Dans de nombreux exemples récents, les personnages (surtout féminins) sont souvent représentés avec des caractéristiques plus fantasmées que cohérentes. Une dissonance que l'on retrouve en autre dans des titres relevant de la fantasy (dans des MMORPG comme le récent Lost Ark par exemple) où les femmes ont des équipements avant tout pensés pour être des tenus mettant en valeur un côté « sexy », là où on attendrait plutôt un habillage certes stylisé, mais surtout en accord avec l'univers dépeint -- le problème venant du fait qu'il n'y a souvent pas d'autres choix que d'avoir des personnages féminins « sexy ». Les personnages féminins (et masculins dans une moindre mesure) restent trop souvent pensés pour être attirants, plutôt que « pratique» ou cohérents avec le monde du jeu.

Bref, il y a selon moi une nette amélioration comparée à il y a quelques années, mais il y a encore beaucoup à faire.

3- De la même manière celui de l'esport ?

J'ai tendance à percevoir l'esport comme un reflet (presque) direct du jeu vidéo. C'est un milieu essentiellement masculin et je pense que c'est dû à la vision erronée de la femme qu'on ses acteurs. Une pensée souvent implicite qui veut que la femme soit moins efficace qu'un homme. Je ne saurai pas dire si l'esport est sexualisant ou non, mais je pense que nombre des acteurs du milieu perçoivent la femme comme inférieure à l'homme.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes?

Bien malheureusement, je ne crois pas que ce soit le cas. Déjà parce que nous avons bien trop d'exemples récents qui démontrent une sévère inégalité au sein de l'industrie (les scandales

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chez Ubisoft, Activision-Blizzard, Sony, etc.). Et ce n'est pas nécessairement une simple question de salaire : évoluer au sein d'un studio s'avère la plupart du temps beaucoup plus compliqué pour une femme que pour un homme, le cadre et l'ambiance de travail leur est souvent plus hostile.

Du côté jeu, on ne compte plus le nombre de fois où une joueuse s'est fait harceler pour son simple statut de femme. Les erreurs qu'elles peuvent faire en jeu sont presque toujours automatiquement placées sous le couvert de leur sexe et subissent des insultes d'une extrême violence, difficilement comparable avec ce que la majorité des hommes peuvent connaître. Un cas de figure que l'on retrouve également dans le milieu du streaming, par exemple.

Là aussi, les choses s'améliorent au fur et à mesure, mais restent bien loin d'une situation idéale.

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG?

Je pense que ce sont des éléments nécessaires pour démontrer la légitimité de la femme au sein du milieu vidéoludique, et peuvent agir comme porte-parole. C'est également important pour mettre en lumière la vision erronée de la femme dans le jeu vidéo que beaucoup de gens ont encore (hommes comme femmes d'ailleurs). Le jeu vidéo n'appartient pas à un genre ni à une classe sociale, et c'est bien ce type de mouvement qui aide à le faire savoir.

6- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes? Si oui lesquelles?

En tant qu'homme, c'est peut-être difficile à dire. J'ai toujours perçu le jeu vidéo comme étant accessible à tous, ou du moins comme désirant l'être. Mais la réalité est que l'industrie, dans ces premières années en tout cas, a été façonnée par des hommes pour des hommes. Encore aujourd'hui, des codes hérités de cette période persistent et il est fort probable que cela crée des différences plus ou moins notables dans notre appréciation du jeu vidéo. Après tout, plus jeune, il n'était pas rare que j'entende dire que le jeu vidéo était « un truc de garçon ».

Un exemple qui me vient en tête est le fait qu'on a grandi avec une pléthore de jeux vidéo mettant en scène des protagonistes masculins. Je crois sincèrement que le genre n'est pas une barrière pour l'identification à tel ou tel personnage (du moins, pas complètement), mais à un jeune âge, cela est surement plus compliqué dû à un manque évident de recul. La présence moindre de personnages féminins en tant que protagoniste a sans doute rendu le jeu vidéo moins

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attrayant pour les femmes.

7- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi?

Il m'est arrivé à maintes reprises de subir des insultes, surtout dans les jeux compétitifs. Souvent, il s'agissait de réaction excessive à une action mal réalisée de ma part, ou parce que l'on considérait mon niveau de jeu comme insuffisant. En général, j'ignore ces comportements et me contente de les signaler auprès des modérateurs.

Le fait est que c'était toujours dans le cadre du jeu lui-même et jamais au-delà -- donc je pouvais sans trop de soucis m'en détacher. Je n'ai personnellement jamais subi de harcèlement, que ce soit en jeu ou en convention.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi?

Le jeu vidéo a provoqué (et le fait sans doute encore) des biais cognitifs sur les femmes, au même titre que la télévision, les magazines ou autre média connu leurs représentations douteuses. Malgré tout, j'aurai plutôt tendance à penser que les cas d'agressions et harcèlements sont liés à quelque chose de plus profond que le simple prisme du jeu vidéo - ce qui n'est pas sans rappeler le sempiternel débat sur la violence qu'engendrerait le médium. Néanmoins, son rôle dans ces histoires sordides n'est pas à ignorer. Ne pas cantonner les femmes à des rôles de personnages soumis ou de « princesses à sauver» (rôles clichés parmi tant d'autres) ne peut qu'aider à améliorer les choses, ne serait-ce qu'un peu.

9- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi?

Là encore je pense que c'est lié à un problème de société global. Pendant longtemps les jeux vidéo ont été perçus comme un médium destiné aux hommes; par défaut l'idée reçue que les femmes soient incapables de jouer (correctement) aux jeux s'est enracinée dans le milieu. Je suppose que c'est avant tout ça qui a mené à une sous-représentation de la femme dans l'esport, malgré de nombreux exemples comme Kayane ou Trivia, pour ne citer qu'elles, qui à mon sens

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prouvent que le genre n'a aucune sorte d'importance dans ce milieu.

Cela étant dit, le jeu vidéo, de par sa popularité toujours plus grandissante, a le devoir de montrer que ce genre de disparité n'a pas lieu d'exister. C'est un médium qui parle à tout le monde, et que « tout le monde » écoute à différents degrés.

Annexe 24 - Retranscription entretien Sébastien Hette (Fondateur de Reset XP)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ?

Fondateur en 2020 de Reset XP, une startup événementielle spécialisée dans le JV rétro. Auparavant salarié 25 ans à la Fédération Française de Tennis avec le poste de directeur opérationnel de la Coupe Davis et de la Fed Cup de 2010 à 2019. 49 ans. Quel style de jeu joué ? J'ai commencé par PONG début des années 80 et me suis arrêté à la PS1...avec FFVII, Tomb Raider, Metal Gear Solid. Type de jeu préféré : action/aventure.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ?

Pourquoi ? De moins en moins. Je suis très peu l'actualité et ne joue pas donc à prendre avec des pincettes mais ce que je perçois est qu'il existe, et qu'il y aura toujours des personnages féminins hyper sexualisés, tout comme les personnages masculins qui sont « bien foutus », beaux mecs, virils. Milieu des années 90, Lara Croft et Snake. Mais il me semble qu'il y a de plus en plus d'anti-héros ou de personnages à priori « banals » qui vont avoir un destin extraordinaire (Last of us par ex.).

3- De la même manière celui de l'esport ?

Je ne crois pas que le marché de l'esport soit un marché sexualisant. A contraire, il se développe avec les nouvelles générations qui sont bien plus informées et attentives aux sujets de société qui n'ont pas été traitées avec suffisamment de volonté par les « vieux ». Par contre, la pratique de l'esport par les femmes, et notamment sa pratique en compétition est très peu développée (quelques % je crois). Mais il ne me semble pas que ce soit en raison d'une représentation sexualisée ou d'un marché qui ne donne pas sa place aux femmes. Là, pour le coup, je peux faire un parallèle avec le sport. Les jeunes filles ont une moindre appétence pour la pratique compétitive comparé aux garçons. C'était le cas dans le tennis, 1ère fédération en termes de

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licenciées féminines mais dont le nombre de joueuses de compétition (vs loisir) est bien inférieure, en proportion, au ratio licenciés compétiteurs/loisir.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Là-aussi, je vais répondre en faisant un parallèle avec le sport. En termes de gouvernance, c'est clairement non. Très peu de femmes sont présidentes de fédérations et leur représentation dans les organes de décision est loin d'être paritaire même si la parité s'applique dans la plupart des comités de direction (qui sont plus des chambres d'enregistrement que là où les décisions sont prises). Sur l'organisation privé de la « boite » Fédération Française de Tennis, j'ai pu constater pour le coup un vrai progrès en une vingtaine d'année. Actuellement une DG et de nombreuses directrices à des postes clés RIT, COM, DAF, direction du tournoi de Roland-Garros depuis peu. Il me semble que l'industrie du JV est aussi sur la voie du progrès avec des personnalités féminines occupant des postes de 1er plan (SELL, Xbox et d'autres que vous connaissez mieux que moi).

5- Que pensez-vous des ligues féminines et des associations comme WIG ?

Essentielles tant que tous les combats n'auront pas été gagné (parité, orientation vers les métiers du JV, développement de la pratique compétitive, Respect...).

6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ?

Certainement mais je ne pense pas que le JV soit, loin de là, le 1er vecteur. Je pense à des clips et paroles de chansons qui sont justes à gerber. Et pourtant, il y a du bon son dans tout ça.

7- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Sans parler du JV en particulier, difficile de le nier. Mais je ne sais pas comment on peut gommer l'attractivité que procure la vue d'une jolie femme ou d'un beau mec. Des films, des séries, des chanteurs.ses, des produits marchands... sont aussi des succès parce que « portés » par des « canons ».

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8- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Clairement oui et heureusement. Il faut certainement plus de femmes aux postes de créations/production des jeux.

9- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Juste creuser le parallèle avec le monde du sport peut-être et l'évolution que celui-ci a connu depuis une trentaine d'années sur le sujet. Bonne étude et à dispo si vous avez besoin d'éclaircissements.

Annexe 25 - Retranscription entretien Morgane Falaize (Fondatrice de Minuit 12 / Présidente de Women In Games)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je m'appelle Morgane Falaize, j'ai 40 ans je suis la co-directrice et co-fondatrice d'une agence de communication qui s'appelle Minuit 12, spécialisée dans l'univers du jeu vidéo. Depuis moins d'un an je travaille en tant que directrice de WIG qui est une association professionnelle qui oeuvre pour développer la mixité dans les entreprises du jeu vidéo en France.

Je voulais répondre à un élan personnel féministe, c'est quelque chose qui a commencé à s'animer en moi il y a deux ou trois ans, notamment parce que je suis maman de deux petites filles. Notamment aussi parce qu'il y a eu une affaire avec un journaliste du Monde qui s'est avéré avoir envoyé des dick picks non sollicitées à plus de 25 attachées de presse. Quand on s'est rendu compte qu'on était nombreuses à être concernées, qu'on avait toutes le même profil, qu'on avait toutes un rapport d'autorité avec ce journaliste j'ai trouvé ça assez scandaleux. Je ne voulais pas que mes filles grandissent dans un monde où ce n'est pas grave de recevoir ce genre de photos.

J'étais déjà membre de WIG et quand l'association a annoncé qu'il y aurait un renouvellement du conseil d'administration je me suis dit que ça serait un très bon moyen de faire quelque chose de vraiment concret pour l'industrie dans laquelle je travaille au quotidien.

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J'ai commencé à jouer assez jeune, tout d'abord par des points and click puis je suis passée à des mondes ouverts et aujourd'hui j'aime des jeux assez variés, j'aime énormément Doom Eternal et j'ai adoré l'expérience Grim qui est un jeu indépendant, très doux. En ce moment je joue à Horizon Forbidden West, j'en suis à plus de 50 heures donc je joue à un panel de jeux très varié.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui ça l'était, peut être que mon regard est un peu biaisé parce que je cherche des contres exemples qui vont me montrer qu'on a fait du chemin. Et le fait est qu'on a fait du chemin. On va sortir une infographie avec WIG qui étudie l'évolution de la représentation des femmes dans les jeux.

A l'origine les jeux étaient des produits faits pour les hommes et marketés pour les hommes. Dans les salons de jeux comme dans les salons automobiles on voyait beaucoup de « babes », des femmes peu vêtues, présentes comme faire valoir pour attirer l'oeil. Il n'y a aucun rapport avec la choucroute mais elles sont quand même là pour vendre. Et ça par exemple il n'y en a plus aujourd'hui, dans les salons de jeux vidéo ça n'existe plus donc c'est une forme d'évolution. Par contre sur les campagnes marketings notamment à la télé, on sent qu'il y a des efforts, ce n'est pas encore ça.

On voit beaucoup plus de jeux familiaux qui sont proposés et qui bénéficient de campagnes télé comme les jeux Nintendo. On voit toute la famille qui joue, parents, enfants. Ces jeux sont conçus pour intéresser tout le monde mais ce n'était pas si évident que ça d'imaginer il y a quelques années qu'une maman pourrait s'intéresser aux jeux vidéo.

Les jeux FPS ne sont pas fait de base pour intéresser tout le monde. Quand on voit comment est fait le contenu... Je parlais d'Horizon, c'est une protagoniste principale, c'est une femme qui doit sauver le monde donc elle a beaucoup de pression sur les épaules mais elle n'est pas du tout sexualisée. Le jeu est hyper inclusif, il y a des conflits entre les peuples mais ce n'est pas une question de races, d'orientation sexuelle ou autre.

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Il faut faire une différence entre les jeux triple A donc les jeux à très gros budget, comme The

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Last of Us ou Horizon et les jeux indépendants. C'était l'objet de mon discours à la cérémonie des Pégases, pour une Ellie ou une Aloy on n'a pas beaucoup d'autres personnages à proposer. Dans la première catégorie, il y a une héroïne pour combien d'hommes ? Dans les jeux indé on a un peu plus de liberté, on peut aller sur des terrains qui sont peu exploités par les éditeurs sur les jeux à fort budget. On va avoir plus de diversité.

Si on veut de la quantité on va en trouver plus sur des jeux indé. Dans Life is Strange on pouvait voir un personnage transgenre, dans l'ensemble de leurs jeux il y a de la mixité, ils essaient de proposer un panel de personnages vraiment diversifiés. C'est un parti pris de leur part et pas juste un prétexte.

3- De la même manière celui de l'esport ?

L'accès à l'esport reste compliqué pour les femmes aujourd'hui. L'accès aux jeux vidéo est encore très différencié entre les jeunes garçons et jeunes filles, ce qui fait qu'en terme de compétences il va falloir plus de temps et plus d'acharnement pour qu'une fille ait un niveau correct, là où le parcours de joueur d'un petit garcon va commencer plus tôt. Un garcon va être encouragé, il va être orienté vers des jeux plus compétitif tandis que la jeune fille va être plus orientée vers des jeux casuals sans compétition voir des jeux sur tablette dont on va se lasser au bout d'un moment.

En terme d'accès au jeu c'est plus compliqué pour les filles, mais admettons que si on s'est acharnée et qu'on a traversé la période du collège où on est la seule de ses copines à jouer aux jeux vidéo on se retrouve confrontée à des comportements et des remarques sexistes, violentes, à du harcèlement en ligne. On le sait, 36% de femmes utilisent un pseudo neutre ou un modificateur de voix pour qu'on ne sache pas qu'elles sont des femmes en jeu donc c'est assez symptomatique.

La première joueuse pro sur Overwatch, elle avait dû faire un stream pour montrer que c'était bien elle qui contrôlait la manette comme si c'était peu probable qu'une fille ait des compétences.

4- Que pensez-vous des ligues féminines ?

C'est un peu comme la question des quotas en entreprise, je ne pense pas que c'est quelque

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chose de souhaitable de manière pérenne mais c'est un bon moyen pour permettre aux femmes de s'entrainer, d'acquérir une certaine confiance en elle, de se stabiliser, de se professionnaliser pour pouvoir continuer de monter. Et encore, apparemment il y a certaines ligues 100% féminines où ça n'a pas été vraiment bienveillants mais sur le papier je pense que c'est bien.

Si on mélange les hommes et les femmes, aujourd'hui il y a très peu de femmes qui ont un niveau suffisant pour pouvoir concurrencer les hommes. Si c'est un tournoi mixte les femmes vont rapidement être écartées et c'est le problème.

On a peu de femmes dans l'esport, elles n'ont pas forcément le niveau, elles ne sont pas médiatisées donc elles n'ont pas de sponsor donc elles n'ont pas les moyens de développer leur structure, c'est un peu un cercle vicieux. Alors qu'un circuit 100% féminin permets quand même de se développer avec l'objectif après d'aller en mixte.

C'est assez similaire avec le sport, pourquoi est-ce que le foot féminin intéresse moins que le foot masculin ? Et encore là il y a la question du physique parce que les hommes et les femmes ne sont pas fait de la même manière donc il y a une réelle différence qu'on a pas dans l'esport. La femme qui court le plus vite au monde courra toujours moins vite que l'homme qui court le plus vite. Pour moi avec le temps on peut arriver sur de l'égalité.

5- Que répondre aux personnes qui pensent que les associations ne font pas avancer les choses ?

Je ne suis pas d'accord parce que chez WIG on a à coeur de proposer tous les projets. On a des objectifs de sensibilisation des acteurs de l'industrie, d'aider les femmes à développer leur réseau et leurs compétences. On est passé de 15% de femmes dans les studios en 2018 à 22% l'an dernier donc je ne pense pas qu'on puisse dire que ça ne sert à rien, je ne fais pas tout ça pour rien.

Tout dépend des associations mais nous par exemple on discute aussi bien avec des entreprises, qu'avec d'autres associations, qu'avec des femmes voulant entrer dans l'industrie ou qui y sont déjà, avec des politiques, avec des syndicats, avec le CNC... Je pense qu'on met des choses très concrètes en place.

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6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Je ne l'ai pas vécu parce que je n'ai jamais voulu jouer en ligne parce que je ne veux pas être confrontée à des personnes ayant un meilleur niveau que moi et qui vont me critiquer parce que je ne suis pas assez performante, pas assez rapide, pas assez stratège, donc je préfère faire mon truc dans mon coin.

Sur des jeux mobiles j'ai rejoint des guildes ou des clans et je crois que personne ne sait que je suis une fille sur Clash Royale et ça se passe bien. Sur un autre jeu il y a eu beaucoup de bienveillance de la part des autres membres mais la moyenne d'âge était de plus de 35 ans, donc plus âgés que sur un Fortnite par exemple. Ils étaient contents qu'il y ait une femme parce que c'est plus rare donc dès qu'il y en a une ils la chouchoutent, ils l'aident à avancer donc ça s'était vraiment très bien passé.

Mais je pense que ça dépends des jeux et de la communauté, certains drivent une communauté plutôt toxique et d'autres qu'on ne met pas assez en avant parce qu'ils ne sont pas forcément assez connus et qui ont pourtant une communauté assez bienveillante.

Dans mon entourage proche il n'y a pas de femmes qui jouent à des jeux en ligne ou compétitifs. Je sais que ça existe parce que par Women In Games on reçoit des témoignages de jeunes filles harcelées, parce qu'il y a aussi le pole esport qui gère cela avec son propre incubateur, donc on voit bien ce qu'il en est mais moi je n'y suis pas confrontée directement.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Pour moi oui, j'ai lu « Le regard féminin » de Iris Brey qui s'intéresse au cinéma et aux séries télé et son analyse peut être tout à fait être portée sur les jeux vidéo. J'ai discuté également avec le conservatoire des images qui s'intéresse à la portée des représentations dans les publicités, les séries, les films et les jeux. Quand on s'intéresse à tout ça on se rend compte qu'à force d'être abreuvée depuis l'enfance de ces images, de cette conception du monde, de ces interactions entre les personnes, ça nous semble normal et ça devient notre réalité.

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A force de voir dans les films des femmes qui n'ont pas le premier rôle, qui sont timides, qui vont être là pour aider le personnage principal, qui vont être une récompense pour le personnage principal, ça module d'une certaine façon, la manière dont nous on va voir les femmes et dont on va percevoir la manière de se comporter d'une femme.

Un truc très caractéristique c'est que chez WIG on s'est amusé à intervertir les animations des personnages masculins et féminins. On voyait Batman se déhancher avec la démarche de Catwoman, d'une manière très langoureuse, très appuyée. De la même manière, un personnage masculin qui se roule sous la pluie parce que la pluie c'est vraiment génial, c'est à ce moment-là qu'on s'est rendu vraiment compte à quel point cela était ridicule mais pour tout le monde c'est normal si c'est une femme.

On n'a pas l'habitude de voir les hommes comme ça donc ça nous parait ridicule quand on voit un homme le faire. Dans la vraie vie les femmes n'agissent pas comme cela mais c'est rentré dans l'imaginaire collectif qu'une femme va vouloir séduire les hommes etc... Si on avait plus de personnages masculins qui faisaient ce genre de choses ça nous paraitrait peut-être moins bizarre aussi.

Il ne faudrait pas tomber dans de l'homophobie ordinaire, on a pas l'habitude de voir un homme marcher de manière un peu chaloupée, comme ça peut arriver dans la vraie vie. Ça n'est pas forcement ridicule c'est juste qu'on a pas l'habitude le voir représenté mais ce n'est pas pour cela que ça n'existe pas.

C'est important de représenter le monde comme il est aujourd'hui et non pas comme un miroir déformé. La réalité c'est que oui il y a des personnes homosexuelles, trans, racisées et toutes ces personnes ne sont pas représentées dans nos jeux, films ou séries et donc on a l'impression que ça n'existe pas parce qu'on ne les voit pas.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

Quand on ne se voit pas représentée ou mal, est ce qu'on a vraiment envie de se confronter à des collègues qui pensent que c'est normal de représenter une femme forcément en string et

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forcément avec des gros seins ? Je pense qu'il y a des gens qui ont un frein à cause de cela. L'industrie de la tech et des jeux vidéo c'est l'une des industries où il y a le plus fort taux de départ la première année, il y a 37% de femmes qui quittent dès la première année. On peut peut-être se demander pourquoi, est ce que c'est la manière de les accueillir, de les prendre en compte, de les écouter, de les considérer ?

Est-ce qu'on a vraiment envie de participer à la création de ce genre de produits ? Comme sont fait certains produits ça ne donne pas envie aux femmes d'y participer. Et ça c'est sans parler de toutes les histoires d'agressions sexuelles, de viols qui sont remontées ces dernières années.

9- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Quand ils le font c'est toujours un choix conscient, ils savent très bien ce qu'ils font. Ils sortent de grandes écoles pour le faire donc ce n'est pas du hasard. Pendant longtemps ça a pu être un phénomène de reproduction de ce qui a pu être fait avant par les ainés.

Pour ce qui est de l'utilisation du corps de la femme dans les campagnes marketing, le dernier fait marquant c'est dans Lost Ark, quand le personnage féminin court c'est avec les deux bras qui se balancent de chaque côté comme si c'était un mime.

10- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

C'est un sujet compliqué parce que je me rends compte qu'à chaque fois qu'on veut détricoter n'importe quel sujet autour de la perception des femmes, de la représentation de femmes ou toutes les minorités (toutes les catégories de personnes sous représentées donc en fait toutes les personnes qui ne sont pas des hommes blancs hétérosexuels), eh bien on se rend compte qu'il y a beaucoup de choses qui se jouent au niveau de l'éducation.

Il faudrait modifier la perception des gens pour leur dire que leur manière de penser est nulle et qu'on ne peut pas estimer qu'une catégorie de personnes est moins capable juste parce que ce sont des femmes. Ce n'est pas normal de représenter une femme en sous-vêtements juste parce que c'est ton plaisir à toi de mec et quid des femmes qui sont représentées ?

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C'est un travail de pédagogie à plusieurs niveaux. Je le vois au niveau de WIG, quand on voit nos partenaires entreprises il y en a beaucoup qui s'intéressent au sujet, qui veulent le prendre en main. Notre objectif n'est pas du tout de dire aux studios comment faire leurs jeux, en revanche on se dit que ça va se faire de manière organique du moment où on va avoir des équipes plus mixtes, plus diversifiées, avec plus de femmes dans des postes à responsabilités on aura un équilibrage qui va se faire plus naturellement parce qu'on va avoir des red flags qui vont se dresser tout naturellement. Il y aura quelqu'un pour dire qu'on ne peut pas agir et penser comme cela, qu'on ne peut pas représenter les gens comme cela.

11- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Ce qui est intéressant quand on s'intéresse à la représentation des femmes dans les jeux c'est corrélé à la représentation des femmes dans les équipes de développement dans les studios. Pour faire évoluer la première il faut qu'il y ait la deuxième.

Annexe 26 - Retranscription entretien Alexandre Dachary (Livestreaming & Video Content Creation)

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je m'appelle Alexandre Dachary plus connu en ligne sous le pseudonyme de Dach, je travaille dans le monde du streaming et du jeu vidéo au global depuis 11 ans maintenant.

Comme beaucoup de gamins j'ai découvert les jeux vidéo très tôt. A l'époque, on était pas du tout dans une génération ultra connectée comme on l'est maintenant, il n'y avait pas un milliard de support pour jouer, soit on jouait sur les ordinateurs soit les consoles dédiées. Et quand on fait partie de la génération qui a connu l'avènement d'internet, le jeu vidéo est un média très intéressant qui a beaucoup évolué en très peu de temps.

Moi j'ai commencé en tant que juste joueur, à l'époque le simple fait d'avoir une interaction avec un univers virtuel c'était génial. Aucun autre média ne permettait d'avoir ce genre d'expérience. Moi j'aimais les histoires, il y avait une interactivité vraiment unique. Assez vite je me suis intéressé au processus créatif derrière les jeux et je pense que j'ai tenu le discours de beaucoup de jeunes de vouloir travailler dans les jeux. J'ai commencé à vraiment m'intéresser à la vie dans les studios, j'ai été très intéressé par l'aspect game design et producer. Le job de

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rêve pour moi c'est producer mais c'est difficile à faire sans une dizaine d'années d'expérience dans un autre domaine.

Donc je me suis orienté vers le game design et j'ai fait des études de chef de projet multimédia spécialisées dans le jeu vidéo. Ma formation portait sur le management d'équipe avec une spécialisation game design pour pouvoir avoir un minium de connaissance techniques pour la manager correctement.

De 2009 à 2012 le marché du jeux vidéo était beaucoup moins sexy que celui qu'on connait aujourd'hui. J'ai connu l'explosion du marché indépendant qui était pendant mes années d'études mais la plupart des projets intrigants n'étaient pas spécialement en France, ailleurs en Europe ou aux États-Unis ou au Japon. On devait faire des stages pour valider nos masters, le streaming venait poindre son nez à ce moment-là avec la tendance YouTube. J'ai été intrigué par cela, j'ai vu une brèche et dans ma classe il y avait un mec très intéressé par cela aussi.

On s'est dit qu'on allait faire du contenu et le porter sur des lives dans la continuité de ce que faisaient Chips et Noa à ce moment-là. On a fait ça à côté de nos cours et pour nos stages on a eu des entrepreneurs intéressés pour faire du contenu sur leur site. C'était les fondateurs d'Eclypsia qui se lançaient à ce moment dans les chaines YouTube dédiées. C'était un projet qui a été un tremplin pour beaucoup de streameurs du marché français actuel. C'est notamment là-bas que j'ai rencontré Zerator et quand il s'est lancé en solo et que j'ai quitté Eclypsia à mon tour, il m'a proposé de bosser avec lui.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Je suppose que oui. Encore aujourd'hui il y a beaucoup de choses à faire avancer dans la bonne direction, il y a encore beaucoup de mauvais reflexes. Beaucoup de choses ont changé en bien. Le jeu vidéo au départ était un domaine un peu bafoué pendant des années. A l'époque c'était fait par une niche de passionnés pour une autre niche de passionnés. A la fin des années 90, il y avait beaucoup de mécanismes usuels utilisés dans les jeux qui sont aujourd'hui datés, vieux, sexistes avec les débats actuels, ça pouvait être des trucs tout bête.

Il y a une créatrice Anita Sarkeesian « Tropes vs. Women in Video Games » qui avait fait une série de vidéos sur la princesse à sauver, sur Lara Croft qui est une héroïne et égérie de jeux vidéo mais qui forcément a une grosse poitrine ou pleins d'autres produits qui sont orientés là-

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dessus. Parce que pendant longtemps c'était un mécanisme de vente dans le cinéma, dans les jeux, dans le théâtre qui était usuel, facile, classique et contre lesquels on ne s'est pas forcément battu.

Comme tous les marchés majoritairement masculins il y a pleins de choses qui étaient légion, qui tendent à se diversifier mais on le constate, il y a encore des efforts à faire, il y a encore pleins de studios qui ont eu des problèmes pour du harcèlement, dans le streaming il y a une banalisation du discours très sexiste et misogyne et l'humour est toujours utilisé comme une excuse facile pour justifier cela.

Et je ne vois surement que la partie immergée de l'iceberg, nous à notre échelle je ne vois pas tout. Je ne sais pas ce qu'il se passe ailleurs. Zerator est une personne très alerte sur ce qu'il dit parce qu'il a conscience qu'il est très médiatisé donc il n'hésite pas à reprendre les invités s'ils font des remarques déplacées, même si ça les affiche ou que ça leur fous la honte. Il fait attention à avoir un discours respectueux pour tout le monde.

On a des équipes masculines et LGBT+, à une époque on avait 70% de femmes, c'est quelque chose de très improbable dans le monde du jeu mais c'était juste les meilleurs CV qu'on a reçu. Chez nous c'est un problème qu'il n'y a pas, après ça ne veut pas dire qu'on a jamais fait d'erreur. Je l'ai constaté dans le streaming, c'est ce que je vois quand je regarde des lives, quand j'entends des gens faire des émissions. Je sais que Ubisoft a eu des problèmes avec du harcèlement sexuel, ils ont notamment licencié des responsables. Si des femmes n'avaient pas eu le courage de se liguer et de mettre ces choses-là en avant on ne l'aurait jamais su alors que c'est des gens avec lesquels on travaille.

Dans tous les domaines où il y a eu des problèmes, à partir du moment où il y a eu des mecs comme Harvey Weinstein qui ont pu vivre leur vie sans que personne ne fasse rien je me dis que tous les domaines où il y a de l'image et du faux semblant, tous les problèmes ne sont pas remontés donc on ne voit jamais tout ce qu'il se passe.

En jeu il y en a clairement. Le jeu vidéo est un produit culturel donc il y a de tout, on va avoir des trucs classiques, comme on peut avoir un roman d'aventure, de romance ou d'horreur on peut avoir des jeux similaires. Et on peut avoir des jeux très sexualisés comme Dead or Alive Beach Volley. Quand les gars en sont à travailler sur la physique des poitrines des personnages pour que ça fasse du mouvement et ça excite les gens qui achètent, on sait que le jeu est fait

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pour ça, faut pas se leurrer.

Dans tout ce qui est un produit culturel large, qui s'adresse à un public en tout genre, il va forcément y avoir des catégories dans lesquelles il y a des productions sexualisantes. Pour moi ce n'est pas anormal, ça fait partie des jeux, si certaines personnes veulent y jouer je ne vois pas pourquoi les hommes devraient se priver de ça.

Il faut que ce soit assumé par les concepteurs. Il y a des choses plus insidieuses notamment des éléments qui sont sexualisées alors que ça ne devrait pas l'être. Ça a été le cas dans les années 90, des jeux qui reposaient sur des archétypes féminins clichés ou sur des blagues beaufs. A mon sens c'est quelque chose qui disparait de plus en plus. On a bien plus de personnages féminins qui sont mis en avant, qui sont forts, qui sont au centre de l'histoire et j'ai vraiment l'impression de ne plus trop avoir ce problème-là.

Ou alors c'est assumé, c'est fait pour vendre et ça ne dénote pas d'une manière étrange. Par exemple dans Lol, c'est techniquement des jeux tout public, après quand on regarde leurs personnages féminins c'est toutes des femmes bien gaulées selon la norme de beauté mondiale de même que les hommes sont musclés et bien sculptés. Il y a peut-être une ou deux exceptions volontaires faites pas les développeurs pour rigoler comme Gragas ou Jinx. Est-ce que c'est fait exprès oui, est ce que ça dénature le principe du jeu pour moi non. Mais pour moi-même si c'est sexualisant ce n'est pas un problème.

Pour moi ça existe mais pas d'une manière dérangeante, ça existe de plus en plus d'une « bonne manière ». Ça me parait beaucoup plus difficile aujourd'hui de le faire d'une manière malicieuse, grossière quand on voit les équipes qui sont en charge du développement de ces jeux. Aujourd'hui quand on a une équipe mixte, cet aspect de la femme soumise on le voit beaucoup moins ou alors c'est qu'on a vraiment un directeur qui est un tyran et qui ne tient compte de l'avis de personne.

Quand ça ne devient pas correct soit c'est qu'on hors sujet par rapport au jeu soit il y a des codes comme le PEGI pour classifier le jeu par type de contenu et de tranche d'âge. Tant qu'on a connaissance de ce qu'est le produit final et qu'on n'est pas trompé par les créateurs pour moi ça va. Si je joue à Super Mario et que la Princesse Peach a une poitrine exubérante effectivement c'est hors sujet. Par contre si je joue à Duke Nukem, je sais à quoi m'attendre c'est un jeu violent et sexualisant. Est-ce que c'est sexualisant, beaufs, oui mais c'est un jeu interdit aux

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moins de 18 ans donc les gens sont prévenus et savent à quoi s'attendre. Ça évite aussi qu'une audience qui n'est pas censé avoir accès à ce contenu n'y accède pas ou alors plus difficilement. Pour moi on ne peut pas tromper son public dans les jeux vidéo tout du moins au niveau de la classification.

Dans un jeu comme Rape Day, on dépasse certaines limites oui mais là pour moi il y a une différence majeure. Le jeu met en scène un crime de base. Toutes les plateformes de vente comme Steam c'est une bénédiction pour les développeurs mais ça laisse bien plus de liberté pour des dérives pareilles. On peut plus facilement publier des choses qui ne devraient pas être là parce qu'il y a énormément de contenu à gérer. Il y a un premier souci c'est qu'on fait d'un crime un jeu. Au-delà de ça, je ne connais pas le jeu, comment c'est scénarisé, comment c'est justifié, est-ce qu'il y a un intérêt quelconque ou est-ce que c'est simplement pour assouvir un désir, est ce que c'est juste pour choquer une audience ou est ce qu'il y a réellement une histoire à raconter derrière ?

Personnellement je ne trouve pas cela approprié et je trouve que ça va trop loin mais pour le coup, s'il y a des mecs assez fous pour développer cela c'est aux plateformes de réagir et de modérer ce genre de contenu. La en effet c'est choquant parce que c'est autour du viol et donc c'est normal de réagir comme cela mais par exemple il y a des années, le jeu Man Hunt est sorti et ça n'a choqué personne. Alors que ce sont des criminels de lourde peine qui sont lâché dans une ville et qui sont là pour s'entretuer sous couvert d'une émission de télé morbide. Et de la même manière c'est criminel et abominable.

La question est de savoir jusqu'où on laisse passer la violence. C'est comme les jeux où on peut démonter des gens avec des tronçonneuses et où du sang gicle à longueur de temps. Tout dépend d'où on situe la limite entre le crime, la bienséance, les crimes « acceptables » cinématographiquement parlant ou ceux qui vont trop loin... Chaque produit doit être jugé au cas par cas, on ne peut pas faire des généralités.

Il y a aussi un curseur personnel, on peut avoir les valeurs de se dire « ok ça existe » mais ce n'est pas pour cela que le contenu est normal, qu'il faut faire comme si de rien était et qu'il faut le mettre dans les mains de n'importe qui. Je suis choqué de l'exemple que tu me donnes et en même temps on a des choses qui vont atteindre des sommets et pourtant on ne va pas forcément les supprimer, c'est à chaque personne de se faire sa propre idée. Il y a une part d'éducation, de

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libre arbitre, de sensibilité personnelle et de pourquoi et comment on consomme un produit.

Le meurtre me choque aussi, quand j'ai vu le principe de Man Hunt qui était de tuer des personnes de la manière la plus violente possible je n'ai pas trouvé ça intéressant, ça ne me parlait pas. Dans GTA il y a deux aspects. Le premier c'est le scénario de base avec de la criminalité mais le but à la base c'est d'être une satire du monde américain sur le banditisme. Alors évidemment il y a des choses condamnables dans ce que font les personnages mais en même temps c'est orienté sur des crimes et de la manière dont c'est représenté dans le scénario ça ne me choque pas. Comme le jeu laisse libre court aux joueurs de faire ce qu'on veut c'est vrai que le passe-temps de beaucoup de monde c'est de prendre une voiture volée et de tuer tout le monde. Mais ce n'est pas le jeu de base c'est les gens qui font ces choix-là de manière indépendante. Est-ce que la liberté qui est laissée est malsaine ? Non je ne pense pas, aucun des amis que je connais qui jouait à ça n'est devenu un adulte problématique, ils se sont juste un jour défoulés sur un jeu.

La question est toujours de savoir où est ce qu'on place le curseur, c'est de savoir qu'est ce qui est abject et ne devrait pas exister ? Dès qu'on a un thriller on va avoir du vol, du meurtre, est ce que sous prétexte que c'est un jeu et qu'il y a une interactivité avec le joueur, on peut considérer ça plus problématique que quand il est simple spectateur devant un film, moi je ne trouve pas.

Dans les jeux on fait quelque chose qui est illégal dans la vraie vie, on en a conscience bien entendu mais un braquage par exemple c'est quelque chose que je trouve amusant mais dans le cadre du jeu. On sait qu'on est dans du virtuel, qu'on fait de mal à personne.

Un jeu comme Rape Day, s'il y avait un propos plus global, une réflexion qui a du sens pourquoi pas. Mais si le seul but est la violence, le viol je peine à comprendre l'utilité et à comprendre comment certaines personnes peuvent être attirées par ce genre de jeu. Il n'y a pas quelque chose qui englobe le propos, qui raconte une histoire quelconque, qui vient sensibiliser. Quand c'est juste gratuit, je ne comprends pas l'intérêt et je ne comprends pas comment cela peut plaire à certaines personnes outre pour de la perversité malsaine.

Je pense que oui malheureusement dans la société actuelle, des crimes comme le meurtre sont beaucoup plus acceptés que des crimes comme le viol. Dans de nombreux thrillers, des films de bastons, il y a des gens tués tout le temps. Dans le divertissement c'est moins choquant parce que c'est devenu banal, qu'on baigne là-dedans depuis toujours.

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3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Non je ne pense pas parce que c'est une industrie qui est à l'heure actuelle trop masculine. Il y a encore des dérives indirectes, il faut des femmes pour que tout cela s'équilibre. Même si le jeu vidéo s'est généralisé comme un média culturel de masse et que tout le monde y a accès, les jeux vidéo restent un produit qui est plus mis en scène pour les hommes. Ça tend à changer mais je pense que c'est toujours un peu plus vendu comme quelque chose qui attire les hommes. Le jeu vidéo est globalement un milieu très mal payé avec des perspectives d'évolution quasiment inexistantes. Je ne pense pas que les femmes soient freinées par l'aspect salaire mais le fait qu'il y ait peu de perspectives d'évolution et le fait qu'il y ait moins de femmes ça rebute un peu. Il faut aussi pouvoir encaisser l'ambiance qu'il peut y avoir dans une équipe. Moi typiquement j'ai des amis filles qui jouent des roles clés que je serai incapable de jouer. L'argument de dire que les femmes doivent jouer support je le trouve pourri.

4- Que pensez-vous des ligues féminines ?

Pour l'instant on n'a pas eu d'équipe féminine à haut niveau, on a pas de raison apparente qui fait que les femmes sont moins bonnes que les hommes aux jeux. Est-ce que c'est parce qu'elles sont moins fortes, que le coaching est moins bon, que l'environnement est moins bon ?

Est-ce qu'il faudrait des ligues féminines distinctes ? Je ne sais pas parce qu'effectivement on a pas la même situation que dans le sport où il y a des différences au niveau physique. Mais il y a vraiment des femmes extrêmement fortes et je n'arrive pas à savoir si c'est un manque d'accessibilité terrible ou d'intérêt vraiment pour le milieu. J'ai hâte de voir des équipes complètes de femmes terrasser des équipes d'hommes et pour le moment ça peine à arriver.

5- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Que j'ai vécu et que j'ai constaté dans mon milieu oui. Je l'ai vécu beaucoup à Eclypsia parce que parmi la gérance de la société il y avait des profils problématiques notamment au niveau du comportement que les gens pouvaient avoir envers les femmes. Je pense que l'un de mes supérieurs était macho et sexistes dans ses relations personnelles mais au niveau professionnel il voulait un peu être le male alpha de la tribu. A l'époque quand je bossais à bas, on était un petit groupe de personne donc on avait vite fait le tour des gens travaillant dans l'établissement.

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Et ce gars-là avait cette manie de faire une chasse gardée au niveau de toutes les femmes de l'entreprise. Je l'ai vu beaucoup faire du harcèlement moral vis-à-vis des autres hommes qui avaient le malheur de se rapprocher des femmes. Je l'ai vu frapper, menacer des gens, aller bien trop loin par rapport à un cadre professionnel. Et je pense que c'est allé jusqu'au harcèlement sexuel sur certaines femmes mais ça je n'y ai pas assisté.

Pour le coup, dans l'expérience que j'ai eu du streaming je ne trouve pas trop. Il y a plusieurs choses : les streamers, les équipes et les viewers. Globalement entre équipes et streamers, même si on manque encore de filles en terme de ratio parce que le monde du jeu est encore très masculin, malgré tout c'est un domaine qui s'est assez diversifié, toutes les femmes ont l'air d'être contente d'être là.

Par contre je trouve que les problèmes viennent du discours ou de la communauté. La personne qui est regardée est un peu vue comme un gourou et se doit d'avoir un discours et un comportement correct. Il y a un dicton qui dit « On a la communauté qu'on mérite ». C'est assez vrai parce que si le streamer ne se comporte pas bien, insulte souvent, fait des blagues sexistes, la communauté va régir pareil. Dès qu'on laisse la porte ouverte à ça, on laisse la porte ouverte pour toute la communauté. Comme ça reste un milieu plus masculin, par banalisation du discours ou par habitude, il y a encore des mecs qui banalisent des vannes sexistes. C'est de l'abus de langage, ils ne pensent pas à mal mais c'est là et il faut le corriger. Ce n'est pas le plus gros du problème mais c'est là. Quand on banalise ça devant des milliers de personnes c'est un problème.

Le problème c'est que c'est un apprentissage. On veut changer une norme culturelle qui a été la norme pour de nombreuses personnes pendant plusieurs années. Quand j'étais petit « pd » était une insulte alors que non c'est juste un aspect de vie.

6- Retour sur la situation entre Inoxtag et Ultia lors du Zevent

C'est décrié oui mais il y a pleins de raisons à cela. Ce qu'il faut savoir avec le Zevent c'est que c'est un évènement qui a grossi énormément, bien plus qu'on aurait pu l'anticiper à la base, mais paradoxalement l'équipe qui gère la chose n'a pas vraiment changé. On est vraiment 5 au maximum à organiser. Donc on n'est pas nombreux non plus à la gestion des crises.

La source du succès de l'évènement c'est qu'il y a des lives en direct de la part de toutes les

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personnes invitées. Avec 55 personnes en live il y a du contenu très varié donc on est sûrs que n'importe quel spectateur va trouver un contenu qui lui plait, va rester et va potentiellement donner pour l'association du moment.

On part du principe que les personnes qu'on invite sont des professionnels et savent très bien comment se comporter. Ils connaissent les règles de fonctionnement et ils savent les propos à tenir. Et avant l'année dernière et ce qui est arrivé avec Inox qui a 19 ans il n'y avait jamais eu de problèmes. Je ne veux pas pointer du doigt son age mais ça peut entrer en considération. Quand ils sont 55 en live c'est pas toujours facile de réagir en direct parce que déjà il faut le voir. Les deux gérants de l'évènement c'est Zerator et moi et lui est souvent en live. Donc pour lui ce n'est pas évident de réagir parce que s'il est en live il ne peut pas voir ce qu'il se passe sur les lives de tous les autres. Je n'ai pas la prétention de pouvoir suivre tous les lives et pas de bol, le problème avec Inox est arrivé pile quand je suis passé dans le direct de Joueur du Grenier. Donc le premier problème c'est que Zerator et moi étions occupé à ce moment-là. Il y avait des gens de Twitch mais ils n'ont pas réagi, parce que pour eux c'était à nous de réagir. Ensuite qu'elles étaient les réactions possibles ? Soit aller le voir en live pour lui faire des reproches mais forcement c'est pas géré avec sang-froid donc ça va créer un drama énorme. Derrière lui il a toute sa communauté donc je vais me faire insulter, ça va prendre des proportions énormes et ça va faire une pub nulle pour l'évènement. Donc est ce qu'on doit amplifier le scandale ou plutôt réagir en backstage pour lui demander ce qu'il s'était passer, pourquoi il avait agi comme ça.

Donc lui derrière, pourquoi il a agi comme ça ? Parce que derrière il connaissait la femme en question, elle savait pourquoi elle était là, que même si elle ne comprend pas tout elle sait qu'elle est là pour mettre en avant sa notoriété. Lui l'a reconnu et a vu que ça pouvait être mal pris parce que pour lui c'était une amie donc ils étaient en train de rigoler ensemble. Il a réalisé que les gens ne le connaissent pas, que les gens le prennent pour un misogyne et ils ont raison parce que les propos qu'il a tenu n'étaient pas corrects.

Je suis surtout allée voir Ultia parce qu'elle s'est élevée contre le fait qu'il avait le record de vues sur « un contenu de merde ». Elle regrette aussi parce qu'elle a été très impulsive mais elle a eu raison de s'insurger contre un contenu comme cela. C'est dans la manière de l'avoir fait que ça a posé problème. Mais le fait est que comme c'est elle qui en s'insurgeant se prenait une vague de harcèlement et d'insultes sur les réseaux, je suis d'abord allé la voir elle pour voir

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comment elle voulait qu'on réagisse.

Ils ont fait un live ensemble où elle lui a expliqué pourquoi elle avait réagi comme ça, lui a complètement ravalé sa fierté en s'excusant donc il a vraiment bien réagi. C'est elle qui a choisi de ne pas en parler au nom du Zevent parce que pour elle ça allait être pire, ça allait amplifier la chose auprès de ceux qui n'en avaient pas entendu parler et au niveau des médias.

Le dernier problème c'était au niveau de la communauté d'Inoxtag parce que c'est vraiment des personnes immatures donc c'est ça qui nous a fait le plus peur. Comme lui aussi a ce côté assez impulsif et infantile, ça encourage sa communauté. Quand on est pas en position de force, on réfléchit à deux fois avant d'agir parce que si on se prend le retour de bâton on ne peut pas toujours l'encaisser. Il y a toujours deux camps, ceux qui vont trouver cela inapproprié et ceux qui vont dire que c'est de l'humour et donc ce n'est pas très grave.

C'était la première fois qu'on était confrontés à ce genre de cas, c'était surmédiatisé et on se demande encore aujourd'hui si on aurait pu mieux faire ou pas.

7- Pensez-vous que le corps de la femme soit utilisé comme outil marketing pour faire vendre davantage ? Si oui qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que ce soit un choix volontaire et réfléchi de la part des entreprises ?

Il y a deux cas de figure. Il y a des jeux où c'est clairement un outil marketing. Il y a des jeux comme Senran Kagura, quand la pochette du jeu c'est ça (image ci-joint), si on n'est pas conscient que c'est un outil marketing il y a un problème. C'est des filles qui se tapent dessus et plus ça avance plus leurs habits se déchirent.

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Pour League of Legends il y a les standards de la beauté marketing actuelle avec la femme en 8, plantureuse en haut, avec des femmes bombées. Il y a surement des graphistes qui aiment dessinés ce genre de choses. Moi en tant que consommateur et même en tant que travailleur de cette industrie, il ne faut pas être dupe, Katarina fait vendre parce que même si c'est un assassin avec des dagues on lui met un costume de petit chat au lieu d'un masque devant la bouche. On pourrait lui cacher bien plus la peau en lui mettant une armure.

Un concurrent de LoL qui s'appelait Smite avait fait des skins pour ses personnages féminins qui étaient vraiment abusés, ultra sexy. Ça leur a été reproché même par la communauté parce que c'était excessif.

Oui c'est un outil marketing, tout le monde le sait mais dans les deux sens. Oui peut être qu'un mec préfère jouer un personnage féminin qui est le standard des clichés de beauté. Mais est-ce quand il joue un personnage masculin il n'apprécie pas jouer un personnage masculin super musclé, fort ? God of War ne serait surement pas pareil si Kratos n'était pas une masse de muscles. Même dans LoL, les personnages seraient peut-être moins appréciés s'ils étaient moches que ce soient des hommes ou des femmes.

Les personnages moches il n'y en a pas parce que ce n'est pas vendeur. Nathan Drake est un beau gosse. Les personnages impactants qui sont moches il n'y en a pas. Des héros d'aventure immondes il n'y en a pas ou alors c'est parce que tout le jeu est orienté comme cela. Gragas par exemple c'est un parti pris, c'est de l'humour et il en faut. Les gnomes dans WoW c'est pareil, ça fait rire les gens parce qu'ils n'ont aucune allure. Parce que c'est drôle de détruire ses adversaires avec un personnage hideux. Il y a un aspect trolling, provocation qu'engendre le PVP alors qu'en aventure solo on préfère avoir un personnage beau à regarder.

8- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

Elle ne peut pas, elle doit. Quand il y a des mecs qui ban 5 supports devant une team féminine on devrait avoir des excuses publiques sur les réseaux. Ce genre de choses est encore trop banalisé, ça ne devrait même pas passer et même pas exister.

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Le problème des réseaux et du en ligne en général c'est que les gens sont vraiment extrêmement

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véhéments. Les gens se permettent des choses en ligne qu'ils ne se permettent jamais dans la vraie vie, sous couvert d'anonymat et de distance vis-à-vis de leur interlocuteur. Je me suis déjà retrouvé face à face avec des mecs qui m'avaient sorti des trucs abominables en ligne et qui se la fermait bien fort quand ils se trouvaient devant moi donc c'est assez comique.

On ne peut pas mettre toute la responsabilité sur les femmes. Alors certes il faut qu'elles s'imposent, qu'elles soient source de motivation mais la banalisation du sexisme, de la misogynie doit disparaitre et ça passe par reprendre toutes ces personnes qui se comportent d'une manière inappropriée. Ça passe notamment par les parents, par l'éducation, par les coachs, les personnes qui encadrent. Les joueurs sont souvent des mecs très jeunes et immatures qui ne se rendent pas compte de la portée que peuvent avoir leurs paroles. C'est à la structure de réagir et de mettre des sanctions.

Oui il faut qu'il y ait une responsabilisation des hommes. C'est le problème de tout le monde et ça doit aller dans les deux sens. Il faut que les femmes fassent leur part mais c'est surtout aux hommes de faire le pas.

Quand tu as une position d'influenceur c'est ton travail encore plus que n'importe qui d'autre d'agir et de réagir vis-à-vis de propos sexistes ou misogynes. Quand suffisamment de gens en auront conscience et feront les efforts c'est là que ceux qui ne font rien se feront lyncher parce qu'ils seront la minorité de personne à agir au contraire de tout le monde. Pour l'instant c'est encore la majorité.

9- Un mot de la fin, quelque chose à ajouter ?

Une fois de plus, ce qui est compliqué c'est de savoir ce qui est acceptable en tant que réalisateur dans le média cultuel. Où est ce qu'on fixe la limite de ce qui est permis et moralement acceptable ou non.

Annexe 27 - Retranscription entretien Léa Mitteaux (Master marketing digital et communication, coprésidente de Bravens) - Noha Abdelmalki (Consultante en informatique, coprésidente de Bravens)

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Cet entretien a été réalisé avec les deux fondatrices de l'association esportive Bravens. Noha et

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Léa m'ont répondu chacune leur tour sur chaque question.

1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

L : Je suis actuellement en 4e année de master marketing digital et communication et alternante chargée de solution digitale et à côté de ça je suis co-présidente de notre association esportive qui a pour objective de promouvoir l'inclusivité au sein de l'esport mais aussi de professionnaliser les pratiques et son enseignement. Je suis aussi à la Lyon esport où j'aide au pôle sponsor et partenariat où je m'occupe de toutes les relations stand.

Je joue depuis que je suis toute petite, j'ai grandi avec un frère qui jouait beaucoup et j'ai toujours grandi en le regardant jouer. Je me suis mise à jouer très tôt, on a toujours été des tryharder avec mon frère. J'étais rarement sur un jeu pour juste y jouer, on regardait toujours sur internet pour avoir les persos les plus optimisés possible, les meilleurs trucs possibles. L'esport est venu plus tard, en 2015 avec League of Legends, et ça ne m'a jamais quitté. En grandissant je me suis rendue compte que je voulais vraiment m'investir dans l'esport parce qu'en tant que femme il y avait beaucoup de choses qui avaient besoin d'être corrigées. J'ai voulu m'investir dans l'esport et c'est pour ça que je suis avec Noha dans cette petite aventure.

N : Je m'appelle Noha j'ai 25 ans, je suis consultante en informatique, actuellement je suis business analyste. J'ai un master en ingénierie de l'informatique. Je suis dans les jeux vidéo depuis que je suis petite. J'ai des photos de moi ne sachant même pas parler mais avec une manette dans les mains. Mon père était un gros gamer sur des FPS et des jeux d'horreur. L'esport avant qu'on sache que ça existait j'avais déjà cet esprit de compétition contre mon père et mes frères pour m'améliorer. Mais pour vraiment jouer dedans c'est en 2015 avec la sortie de Rainbow VI.

Pour l'asso, il faut savoir qu'on est deux fan de la KCorp c'est pour ça qu'on s'est rencontré. On a commencé à parler de notre intérêt pour l'esport, de ce qu'on voulait faire pour l'esport et on s'est rendu compte qu'on était très complémentaires. Elle c'était plus l'inclusivité, et ça m'a vraiment intéressé parce que je me suis rendue compte que la transphobie, le sexisme c'est plus possible, on est plus au moyen âge.

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Ce qu'on voudrait faire c'est des centres de formation des joueurs, on veut aller aux antipodes de l'industrie qui bench pour un rien. On part du principe que si un joueur under-perform c'est qu'il y a eu un problème en amont et ce n'est jamais anodin.

L : Ce qu'on veut c'est accompagner des profils sur lequel on n'a pas forcément misé de base parce que dans l'esport on ne donne pas forcément une chance à tout le monde. C'est une industrie trop sectaire qui a du mal à se désacraliser, c'est une atmosphère toujours trop sectaire. Les chances sont toujours données aux mêmes personnes et il n'y a pas grand monde qui laisse leur chance aux autres. Il y a des profils qui pourraient grandir si on leur laissait une chance et les opportunités et c'est ce qu'on veut changer.

On veut accompagner la pratique surtout auprès des parents, créer une passerelle auprès des familles pour qu'elles se sentent rassurées et pour leur montrer que leurs enfants pratique cela dans un environnement sain, dans de bonnes conditions, entourés de personnes bienveillantes. On commence par la création d'équipe esportive inclusive, on a une joueuse belge qui a rejoint notre premier roster.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

L : Au niveau des consommateurs déjà, de façon générale il y a des choses très problématiques, il y a des jeux c'est 90% de fan service. Un jeu vidéo est censé être un passe-temps comme un autre et là on a des détraqués qui utilisent les jeux comme lubie et comme fantasmes.

Ce qui me fait mal au coeur c'est de regarder le TikTok d'un cosplayeur pour se rendre compte du problème autour de la sexualisation des personnages de jeux vidéo. Il y a une déshumanisation, les gens ne se rendent pas compte des propos qu'ils peuvent tenir. C'est sur tous les plans, les gens qui créent les jeux, ceux qui jouent c'est des deux côtés qu'il y a un problème.

N : Cette sexualisation elle n'est pas que dans les jeux elle est aussi dans les mangas, les animés, les films. Il y a toujours une bombasse. C'est normal parce que elles aussi il faut les représenter mais le problème c'est qu'ils ne représentent pas plusieurs types de personnes, c'est toujours le même.

Je ne sais pas si je pète un câble ou quoi mais pour moi c'est sexualisé mais je n'arrive plus à

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voir le mal, je ne sais pas si c'est à cause de l'habitude. D'accord la tenue c'est abusé mais la plupart du temps les corps existent aussi dans la vraie vie donc je laisse couler.

C'est dommage mais ça ne me choque plus vraiment, je suis choquée par les paroles que les gens peuvent avoir et pour moi c'est plus aux gens de se contenir. Le fan service ça vient d'un besoin et d'une envie, ça rapporte de l'argent donc est ce qu'on peut en vouloir à ceux qui répondent au besoin ou à ceux qui appellent à ce besoin, qui recherchent ce genre de jeux ?

L : Si les éditeurs continuent à faire ce genre de jeux c'est que ça vient répondre à une demande, à un besoin et que ça leur rapporte de l'argent. On en vient à boycotter des jeux comme Horizon, parce que les gens créent un débat autour des poils du visage, pleins de mecs sont venus dire qu'à cause de ça ce n'est pas une vraie femme.

C'est là que je me dis qu'il y a un vrai problème et que je me demande s'ils ont déjà vu une vraie femme dans la vie. Les hommes ont boycotté le jeu parce qu'Aloy n'allait pas ressembler à une femme traditionnelle du jeu vidéo avec des grosses fesses et des gros seins parce qu'apparemment leur plaisir quand ils jouent à ce jeu c'est de voir ses attributs se balancer dans tous les sens. Il y a un super lore, une super histoire je ne comprends même pas comment ils peuvent s'attarder sur des trucs pareils.

N : Pour prendre une polémique encore plus grosse on peut parler de Rape Day et là dans ce cas précis, je pense qu'en plus de répondre au besoin de la clientèle je pense que ce qu'il s'est dit c'est que c'est un héros parce qu'il va empêcher des gens de le faire en vrai.

L : C'est un détraqué mental, c'est le genre de choses qui me fais me poser de grosses questions sur la société dans laquelle on vit. On sait qu'on ne va pas tuer des gens alors que le viol on sait que ça arrive, que c'est autour de nous. Dans le monde des jeux, le meurtre est banalisé. Sur Black Ops j'avais un peu peur avec les zombies mais maintenant je m'en fous, donc c'est une question de banalisation. Si on avait un jeu autour du viol qui sortait tous les 3 jours ça ne serait pas plus simple à accepter pour nous mais surement pour les générations futures.

3- De la même manière celui de l'esport ?

N : Pour moi, ce que je ne comprends pas c'était un sondage de WIG sur le nombre de femmes dans les jeux vidéo et sur le nombre de femmes qui y travaillent. On avait 50% de joueuses pour 22% de femmes qui y travaillent alors qu'à mon avis ce n'est pas l'envie qui manque.

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C'est dur de se faire une place et à compétences égales j'ai le sentiment qu'ils vont plus partir sur des hommes. De ce que nous on voit c'est vraiment compliqué, je ne sais pas s'il faudrait mettre un quota parce que ça serait surement hypocrite mais il faut surtout des gens qui se battent pour changer les cases, les moeurs. Avec notre initiative on se bats pour qu'un sexe ou un genre ou une orientation ne soit pas que des cases dans lesquelles on nous met et qu'avant de voir le sexe de la personne on doit voir ses compétences, ses soft skills, ses hard skills. Ce genre de choses on ne les choisit pas donc ça ne devrait pas être un frein.

L : C'est comme partout j'ai l'impression que la femme va être sexualisée peu importe le milieu dans lequel on est parce que c'est un problème de société et tant que la société ne change pas, tout ce qui découle de la société ne va bouger.

Le peu de femmes qu'on a dans l'esport, il y a énormément de dalleux autour. Il y avait eu un thread à l'époque en rapport avec une streameuse de LoL qui était « qui pour se masturber sur sa gueule ». Je n'arrive pas à concevoir ce genre de choses. Que ce soit jeux vidéo ou les femmes dans l'esport il y aura toujours des gens détraqués qui sont là pour nous rappeler qu'on est des femmes et qui nous voient comme un trou. J'ai l'impression que ça sera ça pendant un bon moment.

4- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

L : Pas du tout, il y a qu'à voir le top 500 des joueurs professionnels les mieux rémunérés au monde il n'y a qu'une femme dans le top 500. Des femmes qui jouent et qui jouent très bien il y en a énormément mais la lumière n'est jamais mise sur ces personnes parce que l'industrie du jeu est encore très misogyne et très centrée sur les hommes et la plupart des remarques c'est « tu es une fille, pourquoi tu joues », ce ne donne pas envie de pousser pour passer dans l'esport. Il y a pleins de femmes qui s'empêchent de jouer parce qu'elles ont peur de devoir subir des choses pas cool, pour moi il n'y a aucune égalité. Il n'y a pas assez de représentation. La représentation va être o faite au niveau des casters on en voit un peu plus, au niveau des scènes pro. Il y a des démarches mises en place au niveau des équipes féminines chez MCES ou Misfits mais ça reste des initiatives très rares et pas tellement mises en lumière.

N : Pour moi ce genre de roster ne devrait pas être mis en lumière, on devrait avoir des équipes mixtes. Pour moi si une team de 5 femmes ont le niveau j'ai aucun soucis avec ça mais il ne faut pas prendre des femmes juste pour faire de la figuration, si c'est juste pour dire « regardez on a un roster de filles » c'est un peu pour moi la même chose que de dire qu'il y a un roster

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d'hommes et un roster d'handicapés. Ça devrait être mixte et c'est tout.

L : Dans notre équipe, la fille qui nous a rejoint en tant que support le ressent bien parce que beaucoup d'équipes surfent sur cette vibe d'intégrer des femmes, d'inclusivité. Il y a des gens qui font des choses sur l'inclusivité parce que c'est à la mode mais ils ne se rendent pas compte de l'importance que ça a. Ce n'est pas juste une chose qu'on va faire pendant 3 mois puis s'arrêter parce que ça ne sera plus à la mode. On parle de la vie de gens, de vraies personnes et ce n'est pas juste une mode.

5- Pensez-vous qu'il existe des différences dans le rapport aux jeux entre les hommes et les femmes ? Si oui lesquelles ?

L : Dans la pratique oui, ça rejoint de ce qu'on a mentionné. Nous on ne s'est pas arrêté de jouer mais j'ai une amie qui a arrêté de jouer à Valorant parce qu'à chaque fois qu'elle rejoignait le chat vocal elle se faisait insulter. Il y a une appréhension de certaines femmes vis-à-vis du jeu vidéo parce qu'on est plus à même de recevoir des insultes gratuites qu'un homme sur les jeux en général.

N : Personnellement j'ai compris cela du côté des parents. De mon côté j'ai un père qui été très gamer et qui n'a pas fait de différences entre moi et mes frères mais par exemple au niveau de ma mère elle n'a jamais compris pourquoi je ne sortais pas parce que « tu es une fille donc pourquoi tu joues, tu es sensée sortir et te faire belle ». Moi le maquillage je suis loin d'être une pro et surtout pour moi je trouve ça trop dommage de le donner à un genre mais il y a des personnes qui sont encore dans le passé en fonction de l'éducation qu'ils ont eu et qui sont résistantes au changement.

Encore dans le foot je peux comprendre qu'on mette en avant des différences mais le jeu vidéo ne demande pas d'effort physique énorme, il faut bouger sa souris et ses doigts sur le clavier, c'est surtout au niveau du cerveau que ça se passe

6- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

L : Oui, beaucoup trop, vu que tout est en ligne, les gens n'ont aucun scrupule à lâcher leur venin parce qu'ils n'ont aucune chance d'être identifiés et encore moins que dans la vraie vie.

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Déjà dans la vraie vie le harcèlement est très rarement puni donc derrière un écran les gens n'hésitent pas à harceler et on le voit énormément.

Même sur Twitter par exemple, les dramas vont tellement vite que même des figures influentes ne se rendent pas compte qu'elles incitent au harcèlement parfois ciblé. Il y a un énorme problème dans le rapport à ça dans la sphère jeux vidéo parce qu'on a assisté à ça il n'y a pas si longtemps que ça.

N : J'ai l'impression qu'on se dit que l'esport est un domaine professionnel, un domaine qui doit se professionnaliser, un domaine dans lequel les gens vont être vus comme des pros mais derrière il y a des personnes qui ne se rendent pas compte de leur image et de leur influence. Il y a cet effet boule de neige sur les réseaux qui fait que ça part très vite : soit il n'y a rien qui se passe soit il y a tout qui se passe et c'est horrible. Les gens ne se rendent pas compte de leur influence.

Je suis une joueuse FPS. Je joue beaucoup à R6, je me suis faite ban définitivement parce que je me suis défendue. Au final je me suis racheté un autre compte mais le message est passé, « tu es une victime mais on s'en fous, tu as répondu donc tu es aussi coupable que l'agresseur ». Je peux comprendre mais j'ai mis du temps à comprendre surtout que j'avais demandé des explications et je n'en ai jamais eu.

C'est surtout sur Call of que je me mange des rafales où tu sens que tu n'as pas ta place, que si tu es une fille tu cheat, tu ne peux pas être une joueuse normale qui joue depuis qu'elle est petite, tu es déjà en train de cheat. « Avant tu faisais du 0/10 maintenant tu fais du 20/2 ce n'est pas possible, ce n'est pas celle que je connais ».

L : Un homme qui progresse on va lui dire qu'il est trop fort alors qu'une femme va tricher, va être boostée. On ne va jamais être félicitée parce qu'on progresse. J'ai vécu ce harcèlement durant 6 mois de stream sur LoL. Le stream était cool, je postais des petits tips sur TikTok aussi. Et il y a avait pas une seule vidéo sans 3 bouffons qui étaient là pour m'insulter, soit pour me dire que mes moves n'étaient que grâce à mes potes.

Quand j'ai commencé les ranked je jouais seule, je suis montée seule avec que des doubles promotions. Et je me suis faite insultée parce que j'ai réussi à faire quelque chose. Donc déjà il faut m'expliquer comment on peut tricher sur LoL et puis clairement j'étais là pour jouer

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tranquille. Et je me faisais insulter de fou, on m'a bien fait comprendre que je n'avais pas à être là en tant que femme. Il y en a qui sont très bienveillants et il y en a c'est le typique « la femme c'est à la cuisine », les gens croient que c'est une blague mais non pas du tout.

Pendant une partie sur lol, on jouait avec une amie, des gars nous ont ajouté parce qu'ils avaient aimé comment on jouait et ils nous ont demandé si on voulait vocal. A peine arrivées en vocal et qu'ils ont compris qu'on était des femmes qu'ils nous ont insultées, virées du discord et sur le moment je me suis dit que si on n'avait jamais parlé dans le channel vocal ils auraient continué à jouer avec nous.

Des trucs comme ça c'est hyper fréquent, quand j'en parle avec des potes qui stream c'est tout le temps. C'est quelque chose qui est trop banalisé, dans la tête de certains c'est juste normal de faire cela, ils n'arrivent même pas à se rendre compte que c'est du harcèlement.

N : Je me faisais tellement insulté que je me suis appelée « Lunch Maker » sur Call of. Je pensais que les gens allaient se calmer mais c'était encore pire, c'était une déferlante de haine. Je l'ai vécu avec les deux sexes, j'ai même vu des femmes harceler des hommes mais c'est très rare, c'est quasiment tout le temps des hommes. Avant je prenais mal les attaques quand c'était des hommes, maintenant je n'en ai plus rien à faire mais quand c'est une femme ça me fait mal parce qu'on devrait toutes être solidaires. Ce n'est quasiment jamais quelque chose de constructif. On est moins habitués à recevoir les critiques des femmes et ça fait vraiment mal.

L : C'est surtout des hommes qui vont venir prendre la tête aux femmes dans le jeu vidéo. On voit très bien des femmes parfois harceler aussi, c'est ce que j'appelle de la misogynie intériorisée. Chacun appelle ça comme il veut mais quand on voit certaines femmes tenir des propos avec leurs consoeurs je comprends pas le but de cracher sur une femme qui n'a rien demandé

Je n'arrive pas à comprendre que ça persiste comme cela, ça ne t'apporte rien de cracher sur quelqu'un qui ne te connait ni d'Adam ni d'Eve. On est moins habituées à recevoir des critiques des femmes parce que des critiques venant des hommes c'est quasiment une habitude, on en reçoit depuis notre plus jeune age.

7- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

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N : Autant tout à l'heure je disais que je trouvais ça normal et banalisé qu'on sexualise les femmes dans les jeux après ça vient rejoindre d'autres problématiques. Pour certains le jeu c'est la réalité donc pour certains si tu n'as pas beaucoup de poitrine tu n'es pas une femme. Certains vont te harceler en ce sens. On est tous différents, on a des poitrines différentes, on a des cerveaux différents, on a des mains différentes, des épaules différentes.

Il faut arrêter d'être haineux, le corps de la femme n'a pas été créé pour un homme, pour plaire à un homme, il faut arrêter d'avoir autant d'intérêt pour le corps de la femme, c'est personnel et on en fait ce qu'on veut. Moi si je commence à avoir autant d'intérêt pour les attributs masculins je vais me faire envoyer balader très rapidement voir insulter.

L : Quand j'étais plus jeune ça me complexait beaucoup, comme je jouais beaucoup aux jeux j'ai grandi en voyant des corps que je n'avais pas. Je n'avais pas de représentation de moi et de mon corps quand j'étais petite et ça m'a beaucoup complexé quand j'étais petite surtout que j'ai fait face à des réflexions par rapport à mon corps comme quoi je n'avais pas un corps de femme. Les gens sont matrixés, ils ne comprennent pas que ce qu'on voit dans le jeu c'est loin d'être la réalité. Les personnes qui ont ce genre de corps c'est grâce à la chirurgie esthétique, moi je joue à Genshin Impact, personne ne ressemble à ça dans la vraie vie. Les gens sont complètement déconnectés de la réalité. C'est vraiment l'histoire d'Aloy qui m'a fait me rendre compte que les gens ne savent pas à quoi un réel humain ressemble. Pour moi c'est des gens ravagés, aveuglés par les jeux vidéo. Je n'arrive pas à concevoir qu'on puisse être à ce point aveuglé par les jeux. C'est aussi un problème de société donc ça n'aide pas non plus.

8- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux et sa faible proportion dans le monde professionnel et les sphères de jeu à haut niveau ? Et pourquoi ?

L : Il y a une casteuse coréenne, Ashley Kang qui a mis énormément de temps à se faire une place dans l'esport et maintenant qu'elle y est, elle subit des rafles de commentaires haineux sur son apparence parce qu'elle n'est pas assez belle pour être casteuse et pour présenter l'esport. On parle de jeux vidéo donc si la personne est assez compétente pour parler de jeux, on est quand même là pour ça. Des hommes sur la scène esportive qui ressemblent à pas grand-chose il y en a beaucoup.

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On ne laisse pas du tout les mêmes chances en terme de beauté aux hommes et aux femmes. Si tu n'es pas un mannequin tu ne peux réussir en tant que femme alors que Ashley est vraiment quelqu'un qui fait un travail de vraiment bonne qualité. Le fait qu'après des années de travail les seules remarques soient sur le physique c'est blessant et ça ne donne pas envie aux autres d'essayer de se faire une place là-dedans.

9- Pensez-vous que la gente masculine/ féminine puisse être acteur/trice pour changer les mentalités vis-à-vis des femmes dans le jeu vidéo ? Si oui comment ?

L : Nous on le fait à notre échelle, ça peut paraitre très dérisoire, mais sur la plupart des équipes LoL on intègre des joueurs directement après les essais. Nous on fait des entretiens pour savoir si les personnes qu'on a en face de nous sont dans une bonne dynamique et sont des personnes qui ont ce genre de choses dans leurs valeurs à savoir l'inclusivité, la tolérance. Plus on arrive à amener ces hommes qui qui veulent lutter pour faire avancer les mentalités c'est là qu'on peut faire quelque chose à notre échelle.

En faisant ce tri on crée une sphère d'évolution bienveillante avec des personnes qui sont sur des mentalités alignées et qu'ils sont prêts à être éduqués.

Au stade où on en est c'est une question de temps et de volonté. On ne va pas révolutionner le monde parce qu'il y aura toujours des idiots pour ne pas voir le problème et ne pas comprendre que c'est à eux de changer leur mode de pensée.

Il y a des mentalités qui ne se rendaient pas compte des problèmes soulevés par cette industrie et qui arrivent à y être sensibles en ayant juste une discussion. Il faut miser sur ces profils ouverts d'esprit, qui arrivent à saisir qu'il y a des problèmes. Il faut les accompagner dans cette démarche pour que eux aussi puissent transmettre ces valeurs à leur tour.

N : La représentation est vraiment importante. S'il y a beaucoup de femmes, de personnes qui n'ont pas peur de défendre leurs teamates féminins, je pars du principe que ça devrait bien se passer. Dans notre structure le plus important c'est l'entretien avec Léa et moi, c'est important de savoir ce qu'ils pensent notamment sur le fait d'avoir des teamates non binaires, féminins, savoir s'ils ont le même ADN que nous et que l'équipe.

Annexe 28 - Retranscription entretien Katherine Mailloux (Consultante marketing et associée chez le Gamer mentor)

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1- Présentez-vous, quel est votre travail et votre implication dans le monde du jeu ? A quel style de jeu jouez-vous le plus ? Pourquoi ?

Je suis Katherine Mailloux, j'ai deux occupations principales, je suis consultante marketing et associée avec mon copain dans l'entreprise le Gamer mentor, qui est un programme d'entrainement et d'accompagnement pour les adolescents qui jouent aux jeux vidéo. J'ai toujours eu les jeux vidéo dans ma vie, j'ai grandi avec des consoles de jeux sur la table du salon chez mes parents. Je n'ai jamais joué à des jeux en ligne ou compétitif, c'était plus des jeux comme Mario Kart.

Ça fait 2 ans qu'on a cette entreprise. Elle vient surtout de mon copain qui a beaucoup joué quand il était adolescent. Ses parents n'aimaient pas tellement ça, voulaient qu'il fasse autre chose donc il a voulu offrir les mêmes opportunités dans le jeux vidéo que dans le sport qui sont offertes aux jeunes qui en ont envie.

On se challengeait beaucoup jusqu'à arriver à une structure similaire au sport étude. Il y a de la pratique du jeu, on a voulu rajouter des ateliers obligatoires sur les jeux, sur les thématiques de vie. Il y a 12 jeux actuellement avec des coachs, on essaie aussi d'aborder des sujets qui vont leur parler en lien avec les jeux vidéo, sur par exemple « comment l'activité physique peut aider pour être meilleur aux jeux vidéo, entre les games ou avant pour stimuler le cerveau ». On leur parle de nutrition, de l'hydratation

On a bonifié cette idée au cours des mois avec des objectifs personnels, des objectifs dans le jeu. On focus beaucoup sur le développement personnel par le jeu vidéo plutôt que le développement de grand joueur professionnel. On veut qu'il y ait du plaisir, que ça leur fasse du bien.

Techniquement c'est mixte, ce n'est pas limité aux hommes mais par contre on a 100% d'hommes. Même dans les employés c'est tous des hommes sauf moi et notre graphiste. Dans les jeunes on a eu une fille. Quand on avait fait notre étude de marché on avait fait un sondage sur Facebook où on avait demandé à des jeunes de répondre, et la question qui est revenue de leur part c'était de savoir s'il pouvait y avoir des filles.

Les femmes ne pensent pas forcément avoir leur place là-dedans, on a même un endroit dans la FAQ où on en parle. Dans notre étude de marché c'est une fille qui a écrit cela en commentaire,

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comme quoi elle ne savait pas si elle aurait une place. Dans notre façon de fonctionner notre publicité est avant tout pour les parents qui vont inscrire leurs jeunes. La récemment on a eu une maman qui voulait inscrire sa fille et qui demandait s'il y avait d'autres filles.

Tout est 100% à distance donc on se parle tous sur discord. Je vais quand même plus vers les femmes directement pour leur dire que je suis là si elles ont besoin de parler et de se confier.

2- Pensez-vous que le marché des jeux vidéo soit aujourd'hui un marché sexualisant ? Pourquoi ?

Oui mais il y a une nette amélioration. Rainbow VI a inclus un personnage trans dans les personnages qu'on peut choisir, il y a de plus en plus d'initiatives qui sont mises en place, de pouvoir choisir une femme ou un personne non binaire.

A la base ça caricaturise les stéréotypes hommes-femmes de la vie réelle notamment dans le choix des personnages. Après ça dépends vraiment des jeux, il y a des jeux ou on ne le ressent pas vraiment. Dans LoL, il y a des femmes toutes minces avec des gros seins mais d'autres vont être avec des proportions normales, comme de vrais humains. Les hommes quand ils jouent ne font pas forcément la distinction, ils jouent les champions mais pas pour le physique. Il y a quand même une belle représentation, avec beaucoup d'efforts réalisés ces dernières années. On est loin du cliché de Mario où il faut sauver la princesse

Ce n'est pas que ça ne l'est plus maintenant mais il y a des efforts qui sont faits de la part de nombreux compagnies de jeux vidéo pour inverser ce stéréotype. Après quand on voit des jeux comme GTA ça n'aide pas pour les stéréotypes quand on voit des femmes entrain de danser sur un bar en petite tenue.

Dans lol on a vraiment ce côté parité homme / femme / animal / monstre. Ce n'est pas concentré sur le fait de sauver la petite princesse, qui est vue comme un objet, on voit beaucoup plus les femmes comme des personnages importants à part entière.

Ce n'est plus un problème de jouer un personnage féminin, quand je prenais Peach sur Mario Kart parmi les 8 personnages, il n'y avait qu'une seule fille, c'était la petite princesse, donc c'était un peu la honte parce que ce n'était pas une héroïne comme les autres. Il y a aussi beaucoup plus de diversité, peut-être pas dans tous les jeux mais dans beaucoup d'entre eux.

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3- Pensez-vous que c'est un milieu égalitaire pour les hommes et les femmes ?

Non définitivement pas, il y a des efforts fait pour montrer que les femmes ont leur place en théorie mais en pratique c'est majoritairement un monde d'homme

Je ne sais pas vraiment pourquoi. Les statistiques montrent que les hommes jouent plus que les femmes, je ne sais pas si c'est quelque chose dans le cerveau qui fait qu'on accroche moins aux jeux vidéo, je ne sais pas si c'est une explication physiologique ou si c'est parce qu'elles sentent qu'elles n'ont pas leur place mais c'est sûr que les femmes dans les jeux en ligne vont se prendre des commentaires sexistes comme « retourne faire la vaisselle, faire la cuisine ».

De la même manière si tu es une femme sur Twitch tu vas recevoir des commentaires horribles alors que si tu es un homme c'est autre chose. Les hommes critiquent les femmes qui jouent, ils voient les femmes comme des objets sexuels et des objets de désir mais les femmes profitent parfois de ça comme avec les Hot Tub.

Les femmes peuvent se faire de l'argent parce qu'il y a des hommes pour consommer cela, pour débourser du cash mais ça peut venir discréditer l'image de la femme. On ne voit pas d'hommes faire des hot tub mais en même temps les femmes ne sont pas assez bêtes pour payer pour ça. C'est moins fun pour une femme d'être sur les jeux de manière générale en raison des commentaires sexuels ou des remarques qu'on peut recevoir. Si je jouais en ligne je pense que je mettrai un pseudo très neutre justement pour éviter ces commentaires.

4- Que pensez-vous des ligues féminines ?

Honnêtement je n'en connais pas vraiment. Mon avis c'est que si les femmes ne se sentent pas leur place avec les hommes, ne se sentent pas à l'aise en raison de leur comportement, ça en dit long.

De manière globale, il n'y a rien de physique ou de physiologique qui peut avantager les hommes par rapport aux femmes. Les femmes ont autant leur place que les hommes dans le jeu et peuvent aller aussi loin malheureusement on en voit très peu. Je trouve ça dommage si elles le font parce qu'elles sentent qu'elles n'ont pas leur place dans les ligues masculines ou mixtes. Une ligue 100% féminine peut exclure les gens parce que ça exclut les hommes. Donc ça peut envoyer encore un autre message de dire qu'il faut être un homme ou une femme pour avoir sa place dans une ligue et donc exclure les personnes ni binaires ou transsexuelles.

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5- Avez-vous déjà été victime d'insultes ou de harcèlement lors d'un jeu en ligne ou lors de convention, savez-vous pourquoi, comment avez-vous réagi ?

Je ne joue pas vraiment en ligne mais si je jouais je mettrai un pseudo neutre. J'ai grandis avec des consoles donc quand j'allais dans des bars de jeu c'était avec des amis et puis je les battais tous donc je n'avais pas de reproches.

Après là avec l'entreprise je suis quand même plus en retrait, on met toujours mon copain en avant parce que ça parle plus d'avoir un homme en visage de l'entreprise. Je le ressens beaucoup quand on me dit « c'est l'entreprise de ton copain », les gens ne comprennent pas que je suis là, que je suis associée. C'est un choix parce que je ressens que j'ai moins ma place parmi ces 90% d'hommes à chaque évènement, chaque convention. Moi dans l'entreprise je suis plus le cerveau, la stratégie, je suis moins joueuse.

De plus, derrière les jeunes qui sont dans notre programme il y a toutes les mères qui gèrent cela et qui veulent le mieux pour leur enfant. Et c'est vrai que moi en tant que femme j'ai une stratégie marketing qui leur parle beaucoup plus. Je me sens moins à ma place dans les évènements gaming et jeux vidéo mais pas forcément juste parce que je suis une fille mais aussi parce que c'est l'atmosphère.

J'ai vu beaucoup de commentaires sur des lives Twitch très négatifs. L'autre jour j'étais dans une convention, et dès qu'une fille a eu le dos tourné tout le monde a commencé à parler d'elle parce qu'elle s'était créé un Only Fans en plus de son côté joueuse.

J'ai tellement peu vu de femmes dans le jeu que j'ai pu rarement constater ce genre de situations mais toutes les femmes que je connais qui jouent ou stream c'est que des commentaires d'hommes négatifs ou sexistes qui n'ont pas lieu d'être.

6- Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre la vision de la femme dans les jeux (la manière dont elles sont montrées, crées) et le harcèlement/agressions qu'elles subissent ? Et pourquoi ?

Je pense que cela dépends des jeux en question. Si on prend l'exemple de League of Legends avec la série Arcane, les deux personnages principaux sont des femmes fortes, indépendantes, on ne voit pas d'inégalité avec les personnages masculins. Après la série, les statistiques ont






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams