A- LE CONSTRUCTIVISME SECURITAIRE
Le constructivisme peut se définir comme une approche
abordant la réalité sociale comme résultante de l'action
des individus. Comme l'explique Jean Louis Le Moigne : « le réel
existant et connaissable peut être construit par ses observateurs qui
sont dès lors ses constructeurs »16. De même, pour
Paul Valéry : « Les vérités sont choses à
faire et non à découvrir, ce sont des constructions et non des
trésors ». Bachelard soutient également la même
position en affirmant que « rien n'est donné, tout est construit
»17. Dans le même son de cloche, Simon défendit
aussi cette théorie dans sa thèse d'Economie Politique soutenue
en 1943 : « les organisations sociales ne sont pas des données,
elles sont conçues ».
En effet l'émergence du constructivisme vers la fin des
années 1980 coïncide avec l'incapacité des approches
orthodoxes de prévoir et d'expliquer les bouleversements survenus au
courant de la décennie 1980. En effet, le constructivisme
sécuritaire est la première théorie qui nous semble la
mieux indiquée pour comprendre et analyser notre sujet de
mémoire. En tant que théorie des relations internationales, le
constructivisme vient de l'ouvrage de Nicholas Onuf et surtout du
célèbre article « Arnachy is What States Make of it
» d'Alexander Wendt. L'idée centrale de cette théorie
est que ce sont les idées et les normes qui constituent la
réalité et non l'inverse18. Toutefois, c'est le
constructivisme dans sa dimension sécuritaire qui est notre principal
centre d'intérêt et plus précisément les travaux de
Barry Buzan et d'Ole Waever sur la sécurité dont les
études sur la sécurité ont été menées
au sein de l'Ecole de Copenhague. Pour cette dernière, « la
sécurité est une démarche où l'on quitte le cours
normal des négociations et des compromis politiques pour entreprendre
une construction, un processus de
16 Le MOIGNE., Jean-Louis. Les
épistémologies constructivistes. PUF, 1995
17 BACHELARD, Gaston. La formation de l'esprit
scientifique. Paris, Librairie philosophique Vrin, 1999
18 Charles-Philippe David, La guerre et la paix,
3e édition, revue et augmentée, Paris, Presses de
Sciences Po, 2013, p.59.
Mémoire présenté et soutenu par KOUOTOU
Sapam Ousmanou Page 25
Construction du dispositif de veille sécuritaire au
Cameroun à l'aune de la menace Boko
Haram
securitization»19. Elle met ainsi en
relief trois principales idées : une conception élargie de la
sécurité, une sécurité sociétale et une
sécurisation. Barry Buzan et Weaver expliquent que la
sécurité ne devrait plus être réduite à sa
simple expression réaliste qui voudrait que la sécurité
soit uniquement confinée à la protection de l'État,
l'aspect militaire, mais que la sécurité devrait concerner
d'autres aspects tels que le politique, l'économie, la
société et l'environnement. Cette sécurité
sociétale aura une influence remarquable sur la sécurité
humaine qui intervient lorsque l'Etat est dans une incapacité totale
à assurer le bien-être de ses populations.
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