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Construction du dispositif de veille sécuritaire au cameroun a l'aune de la menace Boko Haram


par OUSMANOU Kouotou Sapam
Université Yaoundé 2 - Master professionnel  2018
  

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B- LES CONTRIBUTIONS DANS LA LUTTE CONTRE BOKO HARAM AU

PLAN MULTILATERAL

Ces contributions intègrent les actions menées par la CBLT et la CEEAC (1) et la contribution de l'UA et des Nations Unies.

1- L'ACTION DE LA CLBT ET L'APPORT DE LA CEEAC

? L'ACTION DE LA CBLT

La Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) est une structure permanente de concertation qui a été créée le 22 mai 1964 par quatre pays riverains du Lac Tchad : le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad. Mais le nombre de pays membres est passé à six depuis l'adhésion de la République Centrafricaine en 1996 et de la Libye en 2008. Le Soudan, l'Egypte, la République du Congo et la RD Congo sont membres observateurs. Le siège de l'Organisation est à N'Djaména, République du Tchad. La CBLT a pour mandat, la gestion durable et équitable du Lac Tchad et des autres ressources en eaux partagées du bassin éponyme, la préservation des écosystèmes du Bassin Conventionnel du Lac Tchad, la promotion de l'intégration et la préservation de la paix et de la sécurité transfrontalières dans le

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Haram

Bassin du Lac Tchad. Il convient de relever que l'on assiste à un renforcement de la coopération régionale pendant l'été 2015, avec la création de la Force Multinationale Mixte (FMM) dont le quartier général est à N'djaména et le commandement opérationnel est assuré par un général nigérian, Illyah Abbah. La FMM est constituée des armées nigériane, camerounaise, tchadienne, nigérienne et béninoise.

La sécurité transfrontalière est une préoccupation historique des pays du bassin, mais ce n'est qu'au début des années 2010, après l'insurrection violente de Boko Haram en 2009, que la coopération militaire s'est davantage concrétisée sous la forme de la Force multinationale mixte(MNJTF), une autre Force issue de la CLBT. Celle-ci a été placée sous commandement nigérian, avec le soutien de l'Union africaine (UA). La MNJTF a été instaurée par le sommet de la CBLT, à l'initiative du Nigeria, mais ne comprend que quatre des six États membres de la CBLT - le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad et plus le Bénin, qui n'en est pas membre. Les membres de la MNJTF81 venant à la fois de la CEDEAO (Nigeria, Niger et Bénin) et de la CEEAC (Cameroun et Tchad), il était difficile pour une CER reconnue par l'UA et pierre angulaire de l'Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) d'en être le chef de file. Comme la majorité des pays concernés sont membres de la CBLT et que l'emprise de Boko Haram s'était étendue aux rives du bassin du lac Tchad, on a estimé que la CBLT offrait un cadre institutionnel adéquat pour cet effort commun, et une solution pragmatique à un dispositif inter-régional. Le quartier général de la Force multinationale mixte a pris ses quartiers à Baga (Nigeria) jusqu'à ce qu'il en soit délogé par les forces de Boko Haram en 2015. Il se trouve actuellement à N'Djamena (Tchad).

Le 20 janvier 2015, alors que les troupes tchadiennes se déployaient au Cameroun, une réunion internationale convoquée à Niamey, à laquelle participaient notamment les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des quatre États membres de la CBLT, décidait entre autres mesures devant favoriser la collaboration régionale contre Boko Haram de transférer le

81 Le principal outil de coopération militaire régionale est la Force multinationale conjointe, souvent désignée sous son appellation anglophone de Multinational Joint Task Force (MNJTF). Créée en 1998 par trois membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT), le Nigeria, le Niger et le Tchad, la MNJTF avait comme mandat initial de combattre la criminalité et le trafic d'armes pour assurer la libre circulation des biens et des personnes dans la région du lac Tchad64. En 2012, en réponse à la menace accrue de Boko Haram, son mandat a été étendu à la lutte contre le terrorisme65. En octobre 2014, lors d'un sommet de la CBLT à Niamey, le quatrième membre de cette organisation, le Cameroun, ainsi que le Bénin, confirmaient leur décision - déjà prise plus tôt dans l'année par leurs ministres de la Défense - de se joindre à la MNJTF en y apportant chacun 700 hommes (Lac Tchad: 700 militaires camerounais pour la force multinationale, Journalducameroun.com, 20 mars 2014 ; Bassin du Lac Tchad : bientôt une force multinationale contre la secte Boko Haram, Xinhua, 25 juillet 2014 ; Insurgency: LCBC To Establish Multi-National Joint Task Force, The Street Journal (Ibadan), 8 octobre 2014 ). Le quartier-général de la MNJTF était alors situé à Baga, sur la rive nigériane du lac Tchad. Ses contingents tchadien et nigérien l'ont déserté en novembre 2014 après une attaque de la localité par Boko Haram, laissant seuls leurs collègues nigérians

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Haram

siège de l'état-major de la MNJTF à N'Djamena82. Quelques jours plus tard, l'Union africaine (UA) décidait de porter ses effectifs militaires à 7 500 hommes83. Au début février, un sommet réunissant à Yaoundé le Bénin et les quatre membres de la CBLT décidait d'y adjoindre des policiers et des civils, portant ses effectifs à 8 750 hommes, selon plusieurs médias84, mais à 10 000 selon un communiqué de l'UA85. Ce même communiqué, annonçant l'inauguration du nouveau siège de la MNJTF le 25 mai, précisait que le Conseil de paix et sécurité de l'UA avait approuvé un « concept stratégique d'opérations » (CONOPS) adopté durant le sommet du début février à Yaoundé.

? L'APPORT DE LA CEEAC

C'est au travers de la gestion de la crise liée à la secte Boko Haram que le rôle joué par la CEEAC dans la crise sahélienne doit être envisagé. En effet, plusieurs Etats d'Afrique centrale, particulièrement le Tchad et le Cameroun, sont directement touchés par la violence qui affecte les confins du Lac Tchad, au même titre que leurs homologues de la CEDEAO (Nigeria, Niger, Bénin). La faible mobilisation de la CEEAC face à cette crise a révélé à la fois les faiblesses de l'organisation elle-même mais aussi la nécessité de développer la coopération entre les CER qui composent l'AAPS. L'agenda de la CEEAC a largement été dominé depuis le début de la décennie par les conflits prévalant en RDC et en RCA, unique pays au sein duquel la FOMAC ait été déployée. Ce n'est qu'assez tardivement que ces deux instances se sont mobilisées pour faire face aux menaces incarnées par le groupe Boko Haram. C'est ainsi lors de la 39ème Session de l'UNSAC, tenue à Bujumbura en décembre 2014, que les ministres des Affaires étrangères d'Afrique centrale ont exprimé leur soutien au Tchad et au Cameroun dans leur lutte contre Boko Haram. C'est tout d'abord en termes d'assistance mutuelle envers les deux Etats membres de la CEEAC directement affectés par les violences de la secte islamiste que la CEEAC a abordé cette question. C'est ainsi que, lors d'une rencontre avec le Président camerounais Paul Biya en janvier 2015, le Secrétaire général de l'Organisation a encouragé les Etats membres à manifester leur solidarité envers le Tchad et le Cameroun, conformément aux dispositions pertinentes du Pacte d'assistance mutuelle de la Communauté. Le Secrétaire

82 Boko Haram: Niger, Chad withdraw troops from multinational force, Premium Times, 6 Janvier 2015; Boko Haram: Military Probes Fall of Baga, THISDAY, 7 Janvier 2015.

83 Nigeria : Boko Haram s'empare d'une base militaire sur les rives du lac Tchad, RFI, 5 janvier 2015.

84 Boko Haram's 'deadliest massacre': 2,000 feared dead in Nigeria, The Guardian, 10 Janvier 2015.

85 Relevé de Conclusions de la Réunion des Ministres des Affaires Etrangères et de Défense sur la Sécurité au Nigeria et la « lutte contre Boko Haram », Union Africaine, 21 janvier 2015.

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Haram

général a alors également plaidé pour que les plus hautes instances du COPAX adoptent des actions concrètes en vue d'éliminer la menace que constitue Boko Haram, allant jusqu'à évoquer un plan militaire destiné à contenir et à maîtriser la progression de Boko Haram, en sécurisant les frontières du Cameroun, celles du Tchad et globalement celles de la sous-région d'Afrique centrale86

.

Sans surprise, la CEEAC s'est plus particulièrement saisi des questions relatives à la lutte contre Boko Haram lorsque le Président tchadien Idriss Déby en a assuré la Présidence. Le 31 janvier 2015, s'est ainsi tenue une Concertation des Chefs d'Etat et de gouvernement de la CEEAC à Addis-Abeba, en marge de la 24ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA. Dans la foulée de cette rencontre, le 16 février 201587, les Chefs d'Etat d'Afrique centrale membres du COPAX se sont réunis en session extraordinaire, à l'invitation du Président tchadien également Président en exercice de celui-ci, pour tenter d'élaborer une stratégie commune visant à lutter contre le groupe islamiste. C'est à huit clos que les Présidents tchadien et camerounais se sont exprimés devant le COPAX, afin d'exposer la gravité de la situation dans les régions de leur pays touchées par la violence de Boko Haram : « Les deux Chefs d'Etat ont déclaré que leurs Etats sont en guerre et mobilisent plus de six mille hommes chacun pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram. Ils ont conclu leur propos en demandant à leurs pairs de se mobiliser pour les aider à éradiquer le groupe terroriste Boko Haram qui, s'il n'est pas neutralisé, pourrait déstabiliser toute la sous-région»88. Reconnaissant que le groupe terroriste Boko Haram n'était pas seulement une menace pour le Cameroun et le Tchad, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique centrale, les Chefs d'Etat du COPAX ont affirmé leur volonté de soutenir le Cameroun et le Tchad, dans le cadre des mécanismes prévus par le Protocole relatif au COPAX et par le Pacte d'assistance mutuelle. Ils ont également décidé de la mise en place d'une aide d'urgence en ressources financières d'un montant de 50 milliards de Francs CFA, en troupes, en soutien génie, en soutien santé, en équipements militaires divers et en appui aérien. Ils ont aussi décidé de créer un Fonds de soutien multidimensionnel dans les domaines de la logistique, de l'assistance

86 http://www.ceeac-eccas.org/index.php/pt/actualite/113-boko-haram-la-ceeac-veut-contenir-et-maitriser-l

avancée-du-groupe-terroriste

87 Radio France Internationale, « Afrique Centrale : Sommet de la CEEAC - 50 milliards de francs CFA contre Boko Haram ». Publié le 16-02-2015 : http://www.rfi.fr/afrique/20150216-cameroun-appui-financier-militaire-lute-contre-boko-haram

88 http://www.ceeac-eccas.org/index.php/en/component/content/article/15-dihpss/128-communique-final-session-extraordinaire-de-la-conference-des-chefs-d-etat-du-conseil-de-paix-et-de-securite-de-l-afrique-centrale-consacree-a-la-lutte-contre-le-groupe-terroriste-boko-haram

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humanitaire, de la communication et des actions politico-diplomatiques, instruisant le Secrétaire général de la CEEAC d'élaborer un plan d'action dans ces différents domaines à soumettre aux instances du COPAX pour son adoption et sa mise en oeuvre. Les Chefs d'Etat ont en outre décidé de renforcer la surveillance de leurs territoires respectifs et de mener des actions de sensibilisation au profit de leurs populations pour réduire les risques d'infiltration des membres de Boko Haram à l'intérieur des frontières de leurs sous-régions et couper leurs réseaux de ravitaillement. Les Chefs d'Etat ont aussi salué la décision de l'Union africaine d'autoriser le déploiement de la FMM.

C'est ainsi que depuis 2015, dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions de cette session extraordinaire du COPAX, l'approche de la CEEAC a largement consisté à opérer un rapprochement avec la CEDEAO afin de développer une stratégie commune visant à traiter les racines de la crise transrégionale provoquée par les activités et la violence de Boko Haram. Une telle approche se situe dans le droit fil du rapprochement précédemment engagé à la faveur de la stratégie interrégionale CEEAC-CEDEAO de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée89.

Dès le 2 avril 2015, s'est tenue une Réunion des Experts de la CEEAC et de la CEDEAO consacrée à la mise en place d'une stratégie commune de lutte contre le groupe terroriste Boko Haram90. Cependant, l'organisation du Sommet conjoint des Chefs d'Etat de la CEDEAO et de la CEEAC, initialement prévu pour se tenir en avril, puis en août 2015 à Malabo, en Guinée équatoriale, a été reportée à une date ultérieure. Les travaux de la 44ème et de la 45ème réunion de l'UNSAC, respectivement tenues en 2017 à Yaoundé et à Kigali, ont été largement consacrés à la lutte contre la violence armée et le terrorisme en Afrique centrale. Une insistance particulière a été placée sur la nécessité de la tenue d'un Sommet conjoint avec la CEDEAO consacré à la définition d'une stratégie interrégionale pour faire face au terrorisme et à Boko Haram. A Kigali, le représentant de la Force multinationale mixte de lutte contre Boko Haram, a fait le point sur les efforts en cours pour mettre hors d'état de nuire le groupe terroriste.

89 C'est dans ce cadre qu'a été créé le Centre Interrégional CEDEAO-CEEAC pour la Coordination de la lutte contre la piraterie et l'insécurité dans le Golfe de Guinée(CIC).

90 http://ceeac-eccas.org/index.php/fr/component/content/category/15-dihpss?layout=blog&start=45

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2- LA CONTRIBUTION DE L'UA ET DES NATIONS UNIES

L'Union Africaine et les Nations Unies ont mobilisé tant d'efforts dans le cadre de la lutte contre BH.

? L'UA

Il est frappant de constater le contraste entre l'intense activité déployée par l'UA dès les prémisses de la crise malienne et son absence totale de réactivité, voire sa passivité, face aux agissements de la secte Boko Haram. Suite aux attaques des 20 et 21 janvier 2011 qui firent plus de 200 morts dans la seconde ville du Nigeria, Kano, l'UA a publié un communiqué de presse dans lequel elle a promis son plein appui aux efforts du gouvernement nigérian pour mettre un terme à « toutes les attaques terroristes dans le pays» et combattre le terrorisme sous toutes ses formes91. Le 26 décembre 2011, la Commission de l'UA a fermement condamné dans un communiqué les activités de Boko Haram, le Président de la Commission rappelant que l'UA rejetait tout acte d'intolérance, d'extrémisme et de terrorisme. La faible fréquence des réunions de haut niveau consacrées au sein de l'UA à la lutte contre le groupe Boko Haram est pourtant tout à fait éloquente et significative de certaines défaillances de l'UA ainsi que de son manque d'anticipation quant à l'ampleur de la problématique terroriste dans la zone du Lac Tchad. En réalité, il apparaît que l'enjeu sécuritaire incarné par Boko Haram a longtemps été perçu depuis l'UA comme un problème domestique du Nigeria. Ce n'est que progressivement que l'organisation panafricaine a pris conscience de la dimension transrégionale du phénomène avant d'inscrire plus clairement sa contribution à la lutte contre celui-ci dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

La Présidente de la Commission de l'UA avait condamné l'enlèvement des 230 lycéennes de Chibok dans l'Etat de Borno du Nigeria le 14 avril 2014 tandis qu'un communiqué de presse du 2 mai a réitéré le soutien de l'UA aux efforts du gouvernement nigérian tout comme à la coopération internationale pour combattre le terrorisme. En réalité, ce n'est qu'après le Sommet de Paris du 17 mai 201492que les pays du Bassin du Lac Tchad ont décidé d'accroître leur coopération pour faire face à la menace. « Lors de la seconde réunion ministérielle de suivi au

91 Rapport du CPS, N° 40, novembre 2012. https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/PSC40Nov12F.pdf

92 Le Cameroun, le Bénin, le Nigeria, le Tchad et le Niger ont pris part à ce Sommet de Paris.

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Sommet de Paris de mai 2014 qui s'est tenue à Washington (États-Unis) le 5 août 2014, l'UA a annoncé son intention de contribuer aux efforts de lutte contre Boko Haram en mettant en place une force régionale »93.

C'est dans cette perspective que l'Union africaine ainsi que les Chefs d'État et de gouvernement de la CBLT ont organisé une série de réunions94 afin de doter la FMM des moyens d'éradiquer le groupe Boko Haram et les autres activités terroristes dans le Bassin du Lac Tchad. C'est lors du Sommet de Malabo que la Conférence de l'UA a appelé à la tenue d'un Sommet consacré à la lutte contre le terrorisme tout en demandant la conduite d'une mission évaluation au Nigeria, en vue de l'éventuelle mise sur pied d'une force destinée à lutter contre Boko Haram. C'est ainsi que le 23 mai 2014, le CPS a consacré sa première réunion à la lutte contre la secte islamiste, en appelant à l'opérationnalisation des instruments dont dispose l'UA pour combattre le terrorisme95. Lors de la 469ème réunion du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l'Union africaine tenue le 25 novembre 2014, le Conseil Paix et Sécurité de l'UA a examiné les efforts régionaux déployés pour lutter contre le groupe Boko Haram et a convenu de mesures à mettre en oeuvre par la Commission de l'UA en appui aux États membres de la CBLT et du Bénin96. Le 2 septembre 2014, une nouvelle réunion du CPS, à laquelle 7 Chefs d'Etat prirent part (dont ceux du Nigeria, du Niger et du Tchad), a été consacrée à la lutte contre Boko Haram : l'opérationnalisation du Processus de Nouakchott a notamment été présentée comme l'une des réponses à la crise, tout comme la possible création d'unités antiterroristes spécialisées au niveau régional et sous régional, dans le cadre de la CARIC, dans l'attente de la pleine opérationnalisation de la FAA. Tout au long de l'année 2014, l'absence de consensus entre le Nigeria d'une part et les autres pays de la CBLT d'autre part, quant aux conditions d'intervention de la FMM, notamment en matière de droit de poursuite et d'opérations transfrontalières, a empêché l'adoption de décisions fermes97.

93 William Assanvo, Jeannine Ella A Abatan et Wendyam Aristide Sawadogo, « La Force multinationale de lutte contre Boko Haram : quel bilan ? », ISS Africa, n° 19, août 2016 : https://oldsite.issafrica.org/uploads/war19-fr.pdf

94 http://www.peaceau.org/fr/article/reunion-d-experts-sur-l-elaboration-des-documents-operationnels-pour-la-force-multinationale-mixte-fmm-des-etats-membres-de-la-commission-du-bassin-du-lac-tchad-et-du-benin-pour-la-lutte-contre-le-groupe-terroriste-boko-haram

95 Une réunion extraordinaire de la Conférence de la CEDEAO s'est en outre tenue au Ghana en mai 2014 : c'est à l'occasion de cette réunion que la CEDEAO a décidé de mettre en place un Partenariat de haut niveau avec les Etats d'Afrique centrale pour combattre le terrorisme, tout en invitant expressément la CBLT à poursuivre et opérationnaliser ses efforts en la matière.

96 C'est à cette occasion qu'il a été demandé à la Présidente de la Commission de l'UA de produire un rapport sur « les efforts régionaux et internationaux et la voie à suivre dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram » : http://www.peaceau.org/uploads/cps484-rpt-boko-haram-29-1-2015.pdf

97 Voir Michel Luntumbe, « La CBLT et les défis sécuritaires du Bassin du Lac Tchad », Note n° 14, Bruxelles ; Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité, 2014, 6, www.grip.org/sites/grip.org/files/NOTES_ ANALYSE/2014/Notes%20DAS%20-%20Afrique%20EQ/OBS2011- 54_GRIP_NOTE-14_CBLT.pdf

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Haram

La 5ème réunion des ministres des Affaires Etrangères et de la Défense des États des pays de la CBLT et du Bénin s'est tenue à Niamey, le 20 janvier 201598. En marge de la 24ème session du Sommet de l'UA, largement consacrée à la lutte contre Boko Haram, le CPS s'est réuni le 29 janvier 2015 et a notamment traité de la lutte contre Boko Haram : les représentants des Etats membres de la CBLT ont alors été entendus. C'est lors de cette session qu'ont été examinées : d'une part, la question du cadre légal nécessaire au déploiement de la FMM ; d'autre part, l'opérationnalisation de la FMM. C'est ainsi à l'issue de cette réunion du 29 janvier 201599 que le CPS a formellement autorisé le déploiement de la FMM. Le Nigeria de Good Luck Jonathan, jusqu'ici réticent à inscrire dans le cadre de l'UA ou de la CEDEAO la lutte contre Boko Haram, ne s'opposa pas à cette décision du CPS d'autoriser le déploiement de la FMM, composée de 7500 personnels, pour une période initiale de 12 mois renouvelable100. La CPS a également invité le Conseil de Sécurité des Nations unies à adopter une résolution endossant le déploiement de la FMM101. Lors d'une réunion tenue à Yaoundé du 5 au 7 février 2015, les experts de la CBLT, de la CEDEAO et de l'UA, ont travaillé sur la définition du concept d'opération, assistés par des experts de l'ONU et de l'UE. Lors de la 489ème réunion du 3 mars 2015, le CPS valide le CONOPS102 de la FMM103. Le Sommet extraordinaire des Chefs d'État et de gouvernement de la CBLT et du Bénin (non membre de la CBLT) tenu à Abuja, le 11 juin 2015, a adopté les CONOPS stratégique et opérationnel de la FMM104. C'est ainsi qu'à la suite de ces réunions, la FMM a été ré-opérationnalisée pour engager de nouvelles opérations à compter du 30 juillet 2015 avec le Bénin, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le

98 En janvier 2015, la base historique de la FMM à Baga a été détruite par une nouvelle agression du groupe islamiste.

99 Le 17 janvier 2015, le Président de la Commission de la CEDEAO avait demandé à la Présidente de la Commission de l'UA de transmettre une requête du Président de la Conférence des Chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO, demandant l'inscription, à l'ordre du jour du Sommet de l'UA à venir, d'un point sur la menace posée par Boko Haram. Voir aussi le communiqué de presse [PSC/PR/BR.1 (DLX)] adopté lors de la 560ème réunion tenue le 26 novembre 2015.

100 Les pays affectés par la secte Boko Haram ont été autorisés à mener des patrouilles conjointes et simultanées et autres types d'opérations dans les zones frontalières.

101 Voir Communiqué PSC/AHG/COMM2.CDLXXXIV, 484ème réunion tenue le 29 janvier 2015, au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement. C'est en outre lors de cette réunion que la Présidente de la Commission a présenté le Rapport qui lui avait été commandé. Voir : Union africaine, Rapport de la Présidente de la Commission de l'UA sur les efforts régionaux et internationaux et la voie à suivre dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram, 29 janvier 2015, www.peaceau.org/ uploads/cps484-rpt-boko-haram-29-1-2015.pdf

102 L'UA a joué un rôle très important dans la définition des différents concepts d'opération stratégique, opérationnels et de soutien logistique. Cf.

103 Le 25 mai 2015 est inauguré le quartier général de la FMM à N'Djamena

104 Les communiqués adoptés respectivement lors de sa 580ème réunion tenue le 25 juin 2015 [PSC/PR/BR. (DXVIII)], lors de sa 500ème réunion tenue le 27 avril 2015 [PSC/PR/COMM.2(D)], ainsi que lors de sa réunion du 3 mars 2015 [PSC/PR/COMM.(CDLXXXXIX)] sont également des références qu'il convient de mentionner.

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Haram

Nigeria en tant que pays contributeurs de troupes sous le mandat de l'UA. La Force Multinationale Mixte opère donc depuis lors dans le cadre du mandat autorisé du CPS de l'UA.

? L'ONU

La version actualisée de la stratégie des Nations Unies de lutte contre Boko Haram de septembre 2016 a été approuvée par le Secrétaire général au cours de la première quinzaine du mois d'avril 2017. Suite à la décision 4a) de son Comité exécutif, prise en date du 23 février 2017, un groupe restreint de l'Équipe spéciale inter organisations chargée de la question de Boko Haram a été mis sur pied. Il comprend le Département des affaires politiques, le PNUD, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et d'autres organismes chargés de mieux intégrer les efforts des Nations Unies dans la sous-région et d'aider à guider et/ou à diriger la mise en oeuvre de la stratégie mise à jour et à promouvoir une approche coordonnée du système des Nations Unies dans la région du lac Tchad. Dans le cadre de cette stratégie, l'ONU fournit un appui technique à la Force multinationale mixte (FMM) régionale par l'intermédiaire de l'UA. L'un des objectifs clés visés par la stratégie mise à jour consiste à améliorer l'accès à l'aide humanitaire, notamment par le biais d'une coordination et d'une logistique entre civils et militaires. L'approche adoptée par les Nations Unies a été conçue pour tenir compte des principes, stratégies et pratiques de l'architecture antiterroriste de l'Organisation, notamment les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité et le Plan d'action du Secrétaire général pour la prévention de l'extrémisme violent. Elle vise également à promouvoir l'application et le respect de toutes les obligations et normes internationales en matière de droits de l'homme et d'égalité des genres. En outre, l'approche des Nations Unies de l'appui à la stabilisation du bassin du lac Tchad sera guidée par la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et conformément à la résolution 2391 (2017) du Conseil de sécurité. Dans la conception, l'appropriation et la mise en oeuvre du programme, la Commission du bassin du lac Tchad et ses États membres réitèrent leur engagement de longue date en faveur de l'application des meilleures pratiques d'appropriation nationale et en particulier l'approche « Unis dans l'action ». Au niveau régional, le PNUD fournira un appui au développement des capacités de la Commission du bassin du lac Tchad dans le rôle qui lui est dévolu au titre de la présente stratégie, notamment par le déploiement de conseillers techniques pour appuyer les travaux de la Cellule de coopération civilo-militaire CBLT - FMM envisagée. Les ressources de base des Nations Unies continueront d'être affectées à la résolution de la crise dans les zones touchées

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Haram

par Boko Haram autour du lac Tchad. En outre, l'ONU serait disposée à appuyer le futur plan de mobilisation des ressources de la CBLT, en ce qui concerne les actions de plaidoyer au niveau international, l'exploration de solutions de financement innovantes et la facilitation de l'accès des intervenants humanitaires et des acteurs de développement sur le terrain. La création d'un Fonds d'affectation spéciale pluri partenaires envisagé comme l'un des instruments financiers utilisables pour apporter un soutien financier devrait contribuer aux actions prioritaires à mener nécessitant de la réactivité, des décaissements rapides et la mise en commun des risques. Ce fonds devrait aider à créer de nouveaux programmes innovants, promouvoir le financement d'opérations à mener au titre d'une réponse rapide, améliorer les capacités d'exécution et catalyser le financement des partenariats avec le secteur privé. Cependant, ce fonds ne couvrirait pas le premier pilier de la Stratégie d'appui à la FMM, les donateurs limitant l'utilisation de l'aide au développement à des fins militaires.

Figure 3 : Carte des différentes bases de la FMM

Source : (Assanvo, Abatan et Sawadogo, 2016 : 3

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Haram

CHAPITRE 4 :

RESILIENCE DE BOKO HARAM : ENTRE FACTEURS STATIQUES,
DYNAMIQUES ET PERSPECTIVES STRATEGIQUE,
OPERATIONNELLES INNOVANTES.

Selon une parabole burundaise enseigne : « Ni Giti Kerakurira Mu babaji. L'arbre peut grandir malgré la présence des menuisiers ». Pour dire que Boko Haram persiste et résiste même faces au dispositif de veille sécuritaire. Il conserve néanmoins une capacité de nuisance, y compris contre de petites cibles militaires, en exploitant les vulnérabilités du dispositif sécuritaire et la complicité de certaines catégories sociales. La persistance des activités de Boko Haram au Cameroun et dans le Lac Tchad tient à plusieurs facteurs.

SECTION 1 : LES FACTEURS STATIQUES ET DYNAMIQUES DE LA RESILIENCE DE BH A L'EPREUVE DE LA REDYNAMISATION DU DVS.

La capacité de résistance de BH s'explique par plusieurs facteurs statiques et dynamiques relevant de la géostratégie du côté camerounais en particulier et en général dans la région du Lac Tchad.

PARAGRAPHE 1 : LES FACTEURS STATIQUES DE RESILIENCE DE LA MENACE BH.

La résilience de la menace Boko Haram au Cameroun s'explique par plusieurs facteurs d'ordre stratégiques et opérationnels.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard